6.2. Discussion
L'objectif de notre étude s'articulait comme suit :
« identifier l'indice de relation entre les événements de
vie significatifs et la consommation de drogues observée chez les jeunes
toxicomanes ». A l'issue de la présentation des résultats et
de leur interprétation, il est fondamental de discuter de la
méthodologie adoptée pour la réalisation de ce travail et
de discuter des résultats obtenus par rapport aux travaux
antérieurs.
6.2.1. Discussion de la méthodologie
Nous avons effectué une étude prospective sur
les événements de vie significatifs vécus par les jeunes
adultes et la consommation de drogues observée chez ces toxicomanes.
Nous nous sommes servi de l'entretien, du questionnaire et de l'observation
pour collecter les données sur un échantillon de 82 toxicomanes
obtenus suite à nos critères de sélection au Centre
Hospitalier National Spécialisé. L'analyse de contenu et les
méthodes statistiques nous ont permis de confirmer et de valider toutes
nos hypothèses. De plus, presque tous nos objectifs sont atteints sauf,
manifestement, les objectifs d'application. Toutefois, la petitesse de la
taille de notre échantillon et le cadre d'étude limité au
Centre Hospitalier National Spécialisé ne nous permettent pas de
faire une généralisationsans réserve de nos
résultats. Il conviendrait d'effectuer une étude plus exhaustive
et, si possible, d'allure nationale.
6.2.2. Discussion des résultats
Les résultats de notre étude énoncent
expressément que les événements de vie significatifs ont
entraîné,chez les jeunes adultes,une détresse psychologique
qui a conduit aux conduites de consommation de drogues. En d'autres termes, les
événements de vie significatifs ontfragilisé les jeunes
adultes et ont favorisé chez eux la dépendance aux drogues.
Plusieurs recherches ont été effectuées
pour mettre en évidence les relations entre les événements
de vie vécus, généralement négatifs et les
conduites de consommationsde drogues. Nos résultats s'harmonisent avec
ceux deMc Glothin (1975), O'Farrel (1989), Gorman et Brown (1992), Elisha et
Galaif(2001), Ondersma (2002), Chen (2003), Bader (2004), Fernandez, Bonnet,
Jauffret, Niel et Pedinielli, (2006).
Pour Mc Glothin(1975), les sujets dépendants au
cannabis sont souvent issus de familles désunies quoique de
statutsocioéconomique plus élevé ; les relations
parents-enfants sont décrites comme pauvres bienque les parents se
montrent libéraux ; bien souvent, les pères abusent d'alcool et
de tabac, etles mères de tranquillisants.Toutefois, nous
précisonsque Mc Glothin s'est limité seulement à la
dépendance au cannabis alors que nous, nous avons élargi la
dépendance à plusieurs autres drogues les plus fréquemment
utilisées.
O'Farrel (1989) rapporte que les événements de
vie liés à la diminution des relationssont, le plus souvent non
pas,la conséquence de l'addiction mais sa cause. On observe
unaccroissement du nombre d'événements stressants dans
l'année qui précède l'entrée en addiction aux
drogues.
Nos résultats vont également dans le même
sens que les travaux de Gormanet Brown (1992). Selon leurs résultats,
les caractéristiques du rapport entre événements de vie et
dépendances aux drogues sont : la spécificité
del'événement de vie, la vulnérabilité du sujet et
le diagnostic spécifique.
En 2001, Elisha et Galaif, et un an plus tard, en 2002,
Ondersma ont trouvé que certains événements de vie
négatifs prédisposent aux dépendances aux drogues.Il
s'agit particulièrement du suicide d'un ami, du rejet des parents ou de
l'épouse, des difficultés relationnelles, de l'instabilité
ou de la diminution de lasatisfaction professionnelle, des négligences
parentales envers les enfants mais également des
événements de vietraumatiques (abus sexuels, par exemple).Mais,
les recherches de Elisha et Galaif (2001) et de
Ondersma (2002) diffèrent quelque peu de la nôtre,
à partir du moment oünous avons trouvé que les
événements de vie significatifs entraînent, certes,
les conduites de consommations de drogueschez les jeunes adultes
mais à travers la détresse psychologique causée par ces
événements de vie.
Nos résultats sont conformes avec ceux de Chen (2003).
En effet, selon Chen (2003), les dépendances aux drogues,qu'il s'agisse
du début et/ou du maintien, surviendraient après unexcès
d'événements stressants négatifs,
comme conflit familial, séparation, divorce,
changementprofessionnel, perte, stress émotionnel ; pour diminuer la
tension engendrée par ces événements.
L'étude de Bader (2004), réalisée
auprès d'adolescents et de jeunes adultes présentant des troubles
des comportements addictifs et interrogés sur
leursreprésentations mentales au sujet de leur constellation familiale
et des modèlestransgénérationnels, montre que les
adolescents et les jeunes adultes présentant des comportements addictifs
ont vécu desévénements de vie stressants négatifs
dans leurs familles (conflits familiaux, séparations,pertes non
résolues). Le modèle transgénérationnel mis en
évidence est celui du manque destructuration des figures parentales.Les
résultatsde Baker concordentaussi avec nos résultats.
Fernandez, Bonnet, Jauffret, Niel et Pedinielli (2006) ont
montré que la dépendance au cannabis est favorisée par des
événements de vie traumatisants, une transmission familiale
transgénérationnelle caractérisée par une
cohésion familiale et un support familial défaillants et une
surreprésentation familiale des problèmes psychologiques,
organiques et des décès sur trois générations.
Plusieurs études correspondent à nos
résultats. Cependant, nos travaux diffèrent des travaux de
Vincent et al. (2004) qui ont montré qu'une accumulation
d'événements de vie durant l'année
précèdentl'installation des troubles de l'érection chez
les patients plutôt que les conduites de consommations de drogues.
Nos résultats diffèrent également des
travaux de Sévon (2002). D'après ces résultats,
l'âge actuel, le type de famille et la position occupée dans la
fratrie ne sont pas des facteurs déterminants dans l'explication de
l'étiologie de la toxicomanie. Cependant, il ressort que le
phénomène est essentiellement masculin, que la consommation se
fait en groupe et la plupart des toxicomanes le sont devenus lorsqu'ils
vivaient encore avec leurs parents géniteurs. D'après les
facteurs subjectifs évoqués par les sujets, le désir
d'attirer l'attention des parents constitue un facteur déterminant.
Parmi les
facteurs psychologiques, la disqualification du père
(absence physique et / ou psychique) et la surprotection maternelle sont les
facteurs prépondérants entraînant le trouble de
l'organisation de la personnalité pouvant déboucher sur la
dépendance à la drogue. Les résultats de notre
étude montrent par contre que les événements de vie
significatifs d'ordre affectif et familial survenus avant le début des
conduites de consommation de drogues sont, avec la détresse
psychologique qu'ils entrainent chez les jeunes adultes, les facteurs
déterminants des conduites de consommation de drogues.
- Portée et limites de nos résultats
A travers notre étude, nous avons montré la
relation de dépendance entre les événements de vie
significatifs et les conduites de consommations de drogues. Mais, cette
relationde dépendance n'est pas axiomatique. D'ailleurs, d'autres
facteursinterviennent considérablement dans cette relation de
dépendance, en l'occurrence le sensde l'événement de vie
et la détresse psychologiquecausée par cet
événement.Du coup, nous nous gardons de toute
généralisation des résultats, vusaussi la petite taille de
notre échantillon et le cadre d'étude limité au Centre
Hospitalier National Spécialisé.
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