2.3.2. Axe des travaux relatifs aux consommations de
drogues
Du jour au lendemain, plusieurs études se construisent
sur les drogues. Les tendances s'intéressent soit à leur
genèse, soit à leur évolution ou soit aux complications
psychiatriques que les drogues sont susceptibles de provoquer à court ou
à long terme. Nous nous sommes intéressé de près
aux recherches essayant de repérer les facteurs psychologiques et
socioculturels intervenant de façon décisive dans le
déterminisme des conduites de consommation de drogues.
Hall et al. (1990) ont réalisé une
étude prospective auprès des alcooliques. Dans leurs
explications, les alcooliques ont associé leur rechute à un
état de stress. Cette étude, s'intéressant
également aux situations ou événements qui peuvent
déclencher la rechute des alcooliques, relève la prudence avec
laquelle il faut considérer les explications des toxicomanes. Cela
signifie qu'il peut avoir d'autres variables intrinsèques à la
personnalité du toxicomane que lui-même peut ignorer.
Outre que l'état de stress peut conduire à la
reprise des conduites alcooliques, les états émotionnels
pénibles et les désaccords nés des relations
interpersonnelles déclenchent aussi la rechute dans l'alcoolisme.
Marlatt et Larimer(1990) dans leur étude initiale sur
les alcooliques, ont demandé aux personnes qui avaient rechuté de
décrire les situations qui avaient déclenché cette
rechute, au moment du suivi. Ils ont constaté que les
situations relevées par les alcooliques pouvaient
être classées en catégories et que près des trois
quart des rechutes étaient associés à trois d'entre elles
: les états émotifs désagréables, la pression
sociale et les conflits interpersonnels.
Les facteurs sociaux et familiaux sont non négligeables
dans le déterminisme des conduites de consommation de drogues.
Tremblay et al. (2000) ont mis en évidence des
facteurs socio-familiaux et l'influence des pairs sur la cause et la poursuite
des conduites toxicomaniaques chez les toxicomanes.
Parfois, certaines recherches incriminent manifestement les
problèmes émotifs et les problèmes personnels vécus
par les individus pour expliquer le retour aux consommations de drogues.
Westermeyer et Boedicker (2000), ont montré que le
retour à la consommation après une période d'abstinence
tient à des pressions internes, aussi bien qu'externes :
problèmes émotifs (anxiété, dépression,
colère), fuite des problèmes personnels ou soulagement de la
douleur, disponibilité de la drogue.
Depuis les années 2000, les troubles de la
personnalité sont identifiés comme jouant un rôle
prééminent dans l'apparition des conduites de consommation de
drogues.
Franques et al. (2000) ont cherché à
étayer l'hypothèse d'une relation entre abus de cannabis et
personnalité dans une étude longitudinale sur un an. Cette
étude qui avait pour objectif d'étudier la relation entre la
consommation du cannabis et l'évolution symptomatologique d'une
pathologie psychotique de début récent, a porté sur 93
patients âgés de 15 à 26 ans. Les résultats ont
montré que la consommation d'importantes quantités de cannabis se
retrouve chez les psychopathes. Ils concluent que la personnalité
antisociale est une personnalité à haut risque pour la
consommation du cannabis.
En 2001, C'est Dulit qui s'inscrit dans cette approche selon
laquelle le rôle des troubles de la personnalité dans les
addictions aux drogues est prépondérant.
Dulit (2001) a pu montrer dans une étude portant sur la
consommation de substances psychoactives chez les états limites que si
la toxicomanie ne faisait plus partie des symptômes de diagnostic de
personnalité-limite, le cours de la maladie devenait plus favorable. Il
ajoute que ces patients peuvent engendrer lors des sevrages soit des
symptômes psychotiques, soit des troubles anxieux, soit des états
dépressifs majeurs sur l'un des quatre pôles : cognitif, affectif,
psychotique ou comportemental.
Dans le souci de répertorier les facteurs probables
d'explication des habitudes de consommation de drogues, il est apparu un
élément essentiel : la prégnance des traumatismes
antérieurs.
Une étude (Nardeau& Bertrand, 2001) menée
à Montréal dans le cadre d'un projet sur l'inadaptation grave et
persistante chez les toxicomanes, a montré que pratiquement, les
rechutes sont fréquentes et font partie intégrante du processus
de rémission. Les auteurs ont ainsi pu identifier, suite aux entrevues
de deux heures avec chacune de ces femmes toxicomanes, que ces rechutes sont
dues aux mêmes facteurs associés que l'on retrouve dans la
progression de la consommation, mais aussi au contexte qu'évoquent les
situations de traumatisme dans l'enfance.
La toxicomanie des jeunes adultes peut être la
conséquence de la perturbation du climat affectif familial, qui se veut
apaisant et sécurisant à travers l'amour, la sympathie, la
tendresse, la solidarité, la cordialité et la bienveillance des
membres de la famille.
Sévon(2002), dans son étude sur « l'impact
du climat affectif familial sur la personnalité de l'enfant : cas des
toxicomanes de Lomé », a montré que l'âge actuel, le
type de famille et la position occupée dans la fratrie ne sont pas des
facteurs déterminants dans l'explication de l'étiologie de la
toxicomanie. Cependant, il ressort que le phénomène est
essentiellement masculin, que la consommation se fait en groupe et la plupart
des toxicomanes le sont devenus lorsqu'ils vivaient encore avec leurs parents
géniteurs. D'après les facteurs subjectifs, le désir
d'attirer l'attention des
parents constitue un facteur déterminant. Enfin, parmi
les facteurs psychologiques, la disqualification du père (absence
physique et / ou psychique) et la surprotection maternelle sont les facteurs
prépondérants entraînant le trouble de l'organisation de la
personnalité pouvant déboucher sur la dépendance à
la drogue.
Dans la poursuite des recherches et suite aux diverses
expériences, certains chercheurs font prévaloir les
résultats positifs, obtenus suite aux attentions, soins et services
additionnels accordés aux femmes, dans l'issue favorable des traitements
d'alcoolisme et de toxicomanie des femmes.
Ashley (2003) a effectué une étude portant sur
le traitement des femmes qui ont des problèmes importants d'alcoolisme
et de toxicomanie.Pour ce faire, elle a examiné 38 études sur le
traitement des femmes, dont 7 étaient aléatoires, et cerné
plusieurs composantes du traitement qui étaient associées
à des résultats positifs : garderies, services prénataux,
programme pour femmes seulement, services additionnels et ateliers axés
sur les femmes, soins de santé mentale, et soins de santé
intégrés. Les études ont trouvé des associations de
ces six composantes de l'achèvement du traitement : la durée du
séjour, la diminution de la consommation d'alcool et des drogues, la
réduction des symptômes touchant la santé mentale, une
meilleure issue de la grossesse, l'emploi, l'état de santé auto
déclaré et la réduction des risques de contracter le
VIH.
Par ailleurs, la consommation de drogues peut être
considérée comme une réponse à la mauvaise estime
de soi et à la détresse psychologique des jeunes adultes.
Hattah (2007), a fait ressortir les situations et les effets
tirés des substances psychoactives qui maintiennent la conduite de
consommation, en dépit de la connaissance des conséquences
néfastes que ces produits engendrent.Cette étude a permis de
cerner la consommation de drogue comme répondant à un certain
nombre de facteurs à savoir la nervosité, les soucis, la
tristesse, la fatigue, la déprime, les frustrations, la
difficulté à réaliser son
rêve, l'image négative de soi, qui sont à
l'origine de la consommation des drogues.
Outre que les situations désagréables et l'image
négative de soi facilitent l'apparition des conduites de consommation de
drogues, les traits de personnalité sont de plus en plus primés
dans le déclenchement des consommations de drogues.
Allouky(2008) dans une étude portant sur 38 alcooliques
au Centre Hospitalier Universitaire de Kara a relevé les
conséquences organiques et psychologiques que peuvent entraîner
l'alcoolisme. Il a trouvé que la dépendance à l'alcool
conduit à des décompensations psychopathologiques (troubles
anxieux, dépressifs et psychotiques). Il a également
relevé que l'addiction à l'alcool est liée à des
facteurs externes et internes et que les facteurs internes rendent compte de la
vulnérabilité de l'individu. Il a en effet identifié les
traits de personnalité associés à l'abus de l'alcool. De
plus, il a identifié chez ces sujets de nombreuses complications
neurologiques de l'alcoolisme chronique.
Au total, les drogues demeurent un domaine de
prédilection à la fois pour les consommateurs et pour les
chercheurs, qui tentent tant bien que mal de repérer les facteurs
psychologiques, sociaux et physiques intervenant dans le déclenchement
des conduites de consommation de drogues. Les travaux des différents
auteurs, que nous avons cités, tentent d'élucider et de justifier
les consommations de drogues par des facteurs antérieurs aux habitudes
de consommation et non pas comme étant à l'origine d'autres
troubles ultérieurs, selon certaines littératures. Que se soient
Hall et al. (1990), Marlatt et Larimer(1990), Tremblay et al.
(2000), Westermeyer et Boedicker (2000), Franques et al. (2000),
Dulit (2001), Nardeau et Bertrand (2001), Sévon (2002), Ashley (2003),
Hattah (2007) et Allouky(2008) ; tous s'accordent pour incriminer soit les
troubles de la personnalité dans ses modalités de
personnalité antisociale et borderline, soit les émotions
désagréables et les états de stress, soit les facteurs
socio-familiaux affectifs.
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