2.3. Cadre théorique ; Théories de
référence : la théorie de l'Attachement de Bowlby
En psychologie, la notion d'attachement, se réfère
généralement à la conceptualisation théorique de
Bowlby. En 1948, Bowlby et
Robertson ont observé des enfants
séjournant soit dans un hôpital soit dans une pouponnière.
Ces enfants étaient éloignés de leurs parents pour une
longue durée et n'avaient pas accès à un substitut
maternel stable. Bowlby et Robertson ont
observé que ces enfants (à partir de l'âge de six mois
environ) vivaient de la détresse et que, plus le séjour
s'allongeait, plus les troubles étaient considérables au retour
dans le foyer d'origine. Ces troubles, étaient des réactions de
protestation, de désespoir et de détachement. Ils en ont conclu
que la perte de la figure parentale et surtout maternelle pendant la
période de la petite enfance est un événement
déterminant dans l'établissement de la personnalité. En
1950, Bowlby conclut alors, qu'il est d'une part essentiel que
les enfants aient accès à une relation chaleureuse, intime et
continue avec leurs parents ou avec un substitut parental stable. D'autre part,
il est aussi important que cette relation apporte de la satisfaction et de la
joie pour les parents principalement la mère et l'enfant. Par
conséquent, Bowlby (1969) considère que la perte
de la figure parentale est le principal agent pathogène. La santé
mentale du nourrisson et de l'enfant repose sur la qualité des soins
maternels, aussi essentiels selon Bowlby que les vitamines et
les protéines pour la santé physique. Deux observations communes
aux deux recherches précédentes sont:
- qu'il est important que les enfants aient accès à
une figure parentale surtout maternelle stable;
- qu'une séparation prolongée est un agent
pathogène de premier ordre.
Cependant, la présence d'une fratrie appropriée
ou d'un substitut maternel peut réduire avec efficacité
l'intensité de sa réaction. Un environnement étranger,
l'état des parents et la qualité de la relation antérieure
avec la mère sont d'autres variables qui jouent sur la réaction
de l'enfant mais l'absence de la figure maternelle est de loin la principale
variable.
Bowlby suggère l'existence d'une
complémentarité adaptative entre divers systèmes de
comportements, tels les comportements parentaux de soins, les comportements
d'exploration de l'enfant, les comportements d'attachement du jeune aux parents
et les comportements non liés aux soins, c'est-à-dire
centrés sur d'autres composantes de la vie quotidienne des parents. Ces
quatre systèmes serviraient une fonction double, du point de vue de
l'adaptation : la protection du jeune et sa socialisation. Si ces
systèmes comportementaux sont en quelque sorte programmés pour
venir s'emboîter l'un dans l'autre sans heurts, la pratique clinique
montre que dans la réalité tout ne se passe pas aussi facilement.
En effet, s'il paraît primordial pour le développement de l'enfant
que ses attentes soient satisfaites par des réponses parentales
adéquates, ce n'est, à l'évidence, pas toujours le cas.
L'observation précise des interrelations entre les systèmes de
comportements de soins, de comportements d'exploration de l'enfant, de
comportements d'attachement et de comportements non liés aux soins, est
essentielle pour comprendre leurs implications sur le développement et
les psychopathologies de l'enfant. En somme, pour grandir en développant
son plein potentiel,
un enfant a besoin de la présence, de la
disponibilité de ses parents surtout de sa mère et de
l'exploration de son environnement. Dans une perspective où la
mère répond adéquatement aux besoins de son enfant,
c'est-à-dire qu'elle est disponible, celui-ci développe un
modèle de représentations intériorisées à
partir duquel il développe le sentiment d'être compétent et
aimable. Ainsi, la disponibilité physique et affective de la mère
sous-tend le sentiment de sécurité de son enfant. Le
modèle de représentations intériorisées influence
les représentations que l'enfant a de lui-même et des autres,
ainsi que ses stratégies pour traiter les pensées et les
émotions relatives à l'attachement. Ces stratégies
bâties pas à pas peuvent être modifiées par des
événements majeurs en rapport avec l'attachement, tels qu'une
séparation, une perte ou une indisponibilité.
Bowlby a suggéré que quand un individu
développe au cours de l'enfance des représentations
négatives de lui ou des autres où des stratégies pour
traiter ses sentiments et pensées en rapport avec l'attachement
l'éloignent du réel, il devient plus vulnérable sur un
plan psychopathologique. A mesure que, l'enfant n'a pas connu la
disponibilité affectueuse et physique de la figure parentale, il trouve
plus tard un substitut, l'objet drogue. Cet objet réel, bien que ne
possédant pas de symbole mental, est investie de toutes les
capacités qu'aurait dii produire la figure parentale et doit être
constamment présent.
Pour éclairer les liens entre attachement et
addictions, Bowlby a comparé le système
comportemental d'attachement au système immunitaire. La comparaison se
justifie, non seulement parce que ces deux systèmes jouent un rôle
dans l'intégrité et la sécurité du sujet, mais
aussi parce que, dans les deux cas, peuvent exister des troubles
spécifiques en rapport avec leur perturbation ; qu'ils peuvent
contribuer à l'apparition de troubles variés ayant d'autres
origines. Ainsi, la théorie de l'attachement suggère que les
relations et leurs difficultés entre parents et enfants peuvent
influencer la survenue de troubles psychologiques de trois façons
(Holmes 1993). D'abord, Les ruptures ou les pertes peuvent
être en elles-mêmes une cause de trouble. Ensuite,
L'internalisation de patterns d'attachement précoces pathologiques peut
influencer les relations ultérieures de façon à rendre une
personne plus exposée ou plus vulnérable au stress et
dépendant des drogues. Enfin, la perception qu'a une personne de ses
relations actuelles et de l'usage qu'elle en fait la rend plus ou moins
vulnérable à un effondrement dans les situations
d'adversité.
Selon les conclusions des travaux sur les relations
parents-enfants, les enfants ayant formé un attachement
sécurisant sont plus autonomes et plus aptes à la
résolution des problèmes que les autres enfants. Les personnes de
cette catégorie d'attachement entretiennent des amitiés
profondes, ont de bonnes compétences interpersonnelles et ressentent de
l'empathie envers autrui. Ils valorisent la relation d'attachement et la
décrivent de manière cohérente et constante.
Par rapport aux enfants sécures, les enfants ayant
formé un attachement insécure ont moins confiance en eux, se
fient davantage aux autres pour répondre à leurs besoins et
courent un risque accru de dysfonctionnement psychosocial, comme les troubles
somatiques, l'isolement social (Lewis et coll., 1984) et les
troubles anxieux (Warren et coll., 1997). D'abord les adultes
ayant un attachement insécure détaché se montrent souvent
hostiles et agressifs et sont perçus comme des bagarreurs par leurs
camarades (Troy et Sroufe, 1987). Ils éprouvent des
difficultés à nouer les relations avec leurs pairs et sont plus
dépendants. Ils sont portés soit à idéaliser leurs
parents soit à dévaloriser la relation d'attachement. Ensuite,
les adultes préoccupés décrivent leurs relations de
manière incohérente et conservent des relents émotifs de
leurs relations antérieures d'attachement. Enfin, selon les conclusions
de Carlson, Chicchetti et leurs collaborateurs (1989), 82% des
adultes ayant subi des mauvais traitements dans la tendre enfance avaient
formé des liens d'attachement désorganisé ou
désorienté. Ces personnes ont été victimes de
violences et de négligence.
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