V- APPROCHES DE SOLUTIONS POUR LES CONFLITS LIES A
L'EAU (GIRE)
Pour les conflits liés à l'eau, les approches de
solutions sont de deux natures : les outils de prévention (avant le
conflit) et les outils de règlement (lorsque le conflit est
déjà né).
V.1 La prévention des conflits
v' Prévention des conflits liés à
l'utilisation de l'eau au niveau national
Au plan national, les règles sont établies autour
de la délimitation du domaine public de l'eau et de la priorisation des
utilisations de l'eau :
- La délimitation de chaque dépendance
du domaine public de l'eau (DPE) a pour but d'empêcher les
empiètements des particuliers sur le DPE (champs, habitations), ce qui a
pour effet de limiter les conflits éventuels. Les ressources en eau de
la République de Guinée font partie intégrante du Domaine
public naturel de l'Etat. En tant que telles, et sous réserve des
dispositions du présent Code, elles ne sont pas susceptibles
d'appropriation. Cependant elles peuvent faire l'objet d'un droit d'utilisation
de nature précaire et limitée soumis au régime de
l'autorisation préalable [Art 4, Code de l'eau]. Malgré ces
dispositions et en raison de la non prise des décrets et
arrêtés d'application, la pression humaine étant de plus en
plus forte, les populations n'hésitent pas à défricher
à des fins culturales, les bas fonds des cours d'eau et lacs ou
même de s'installer dans le lit du cours d'eau. Par exemple, le lac de
Taouyah à Conakry, autrefois lieu de rendez vous d'oiseaux et de
crapauds de toutes sortes, est aujourd'hui en voie de disparition ;
- La priorisation des besoins dans l'utilisation de
l'eau : cette priorisation est régie par les dispositions de
l'Article 6 du Code de l'eau qui dispose un droit d'accès
inaliénable aux ressources en eau et leur utilisation à des fins
domestiques. Il prévoit également que cette utilisation ne doit
pas empiéter les autres. Cependant, l'Article 7 prévoit que
« toutes les autres utilisations sont soumises à l'obtention
préalable d'un permis ou d'une concession.» A ce niveau, il faut
dire que cette disposition n'a pas connu de véritable application suite
à la multiplicité des intervenants dans l'octroi de permis
d'exploitation. C'est le cas des eaux souterraines dont l'exploitation est
régie à la fois par les Codes minier et de l'eau.
v' Prévention des conflits liés à
l'utilisation des eaux transfrontalières
Ces règles concernent l'utilisation et la participation
équitables et raisonnables de l'eau ainsi que les dommages significatifs
liés à l'eau pouvant être causés aux autres
Etats.
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En effet, les Etats du cours d'eau doivent utiliser les
ressources en eau du cours d'eau en tenant compte des intérêts de
tous les autres Etats du cours d'eau concerné. Il ne s'agit pas d'une
utilisation égalitaire mais d'une utilisation qui préserve les
intérêts de chaque Etat. Les facteurs et circonstances pertinents
à prendre en compte pour déterminer le caractère
équitable et raisonnable de l'eau sont :
- les facteurs géographiques, hydrographiques,
hydrologiques, climatiques, écologiques et autres facteurs de
caractère naturel ;
- les besoins économiques et sociaux des Etats du cours
d'eau intéressé ; - la population tributaire du cours d'eau dans
chaque Etat du cours d'eau ; - les effets de l'utilisation ou des utilisations
du cours d'eau dans un Etat du
cours d'eau sur d'autres Etats du cours d'eau ;
- les utilisations actuelles et potentielles du cours d'eau ;
- la conservation, la protection, la mise en valeur et
l'économie dans l'utilisation des ressources en eau du cours d'eau ainsi
que les coûts des mesures prises à cet effet ;
- l'existence d'autres options, de valeur comparable,
susceptibles de remplacer une utilisation particulière, actuelle ou
envisagée.
Aussi, il est fait obligation aux Etats de veiller à ce
que les activités qui ont lieu sur leur territoire n'aient pas de
conséquences négatives ou préjudiciables pour
l'environnement soit d'autres Etats soit d'espaces non soumis à
juridiction nationale. Cette règle est connue sous le nom de principe
des effets extraterritoriaux non dommageables à l'environnement
[GARANE, 2008].
Cette disposition concerne l'utilisation des eaux
partagées. Comme nous l'avons déjà signalé, la
Guinée est le principal pourvoyeur de la sous- région en cours
d'eau. Le code de l'eau fait cas du partage de ces ressources en son article 55
qui stipule que la Guinée doit respecter sur son territoire les
principes et normes admis par la communauté internationale en
matière d'eau partagée. Elle est tenue de prévenir la
pollution des cours d'eau transfrontaliers.
v' Prévention des conflits liés à la
protection de l'eau au niveau national
Si les conflits d'usage de l'eau sont les plus
fréquents dans nos sociétés, ils ne sont pas cependant les
seuls. On rencontre aussi les conflits liés à la protection de
l'eau, en ce que certains acteurs sont à l'origine de pollutions. Ces
règles sont les suivantes :
+ La protection générale des ressources en eau ;
+ La réglementation de l'occupation du domaine public de
l'eau ; + L'étude et la notice d'impact environnemental ;
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+ La réglementation des activités agro-pastorales
;
+ La protection particulière des sources d'eau
destinée à la consommation (les périmètres de
protection immédiate, rapprochée et éloignée).
Généralement, plusieurs conflits suite à
la violation de ces règles. Par exemple, au niveau des activités
agro-pastorales de la Guinée, on rencontre des conflits liés
à l'eau dans plusieurs régions. Cette situation est due à
la non application effective de la réglementation en la
matière.
v' Prévention des conflits liés à la
protection des cours d'eau internationaux
Une obligation générale pèse sur tous les
Etats du cours d'eau en matière de protection et de préservation
qui va au-delà des cours d'eau et des mesures de prévention pour
éviter les pollutions du cours d'eau. Les règles
édictées à cet effet sont applicables pour la protection
des cours d'eau contre les situations dommageables et la protection des cours
d'eau en cas de situation d'urgence.
En effet, les situations dommageables sont celles qui,
résultant d'activités humaines ou naturelles, risquent à
moyen ou long terme, de causer des dommageables à
l'écosystème du cours d'eau (envasement, érosion,
intrusion d'eaux salées, sécheresse, désertification,
maladies hydriques). Les Etats du cours d'eau doivent prévenir et lutter
contre de tels phénomènes. La surveillance continue de
l'état du cours d'eau fournit des renseignements pertinents sur ces
phénomènes.
Pour les situations d'urgence, il s'agit de celles qui causent
ou menacent de causer de façon imminente, des dommages graves à
l'écosystème du cours d'eau ou aux Etats (accident naturel ou
humain).
v' Les outils de prévention de conflits
liés à l'eau selon l'approche GIRE (Source : Toolbox du
GWP)
La GIRE propose, pour une prévention d'éventuels
conflits liés à l'eau eu égard à son importance,
d'autres outils facilitant l'échange d'informations entre les diverses
parties prenantes dans le domaine de l'eau, adaptés à
différents contextes et types de personnes. Ces outils sont souples dans
leur application. Ce sont :
- Les échanges individuels (téléphone,
courrier, réunions, ...) ;
- Les documents (bulletins, revues, manuels, journaux ....) ;
- Les Systèmes d'Information Géographique ;
- Les ateliers d'échanges des meilleures pratiques dans le
contexte de la GIRE au niveau local ;
- Les programmes radio et présentations vidéos ;
- Le développement des capacités au niveau des
villages grâce à des discussions avec les agriculteurs et les
chefs de villages ;
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- Les visites techniques et d'étude nationales et
régionales permettant aux professionnels et aux praticiens
d'échanger des résultats de la GIRE.
- Les négociations basées sur les
intérêts : ces outils sont parfois utilisés par des
personnes ne disposant pas d'assistance, mais le plus souvent elles permettent
à une partie neutre de créer et de gérer le processus.
V.2 Le règlement des conflits
v' Le règlement des conflits au niveau
national
Après l'éclatement du conflit, on fait recours
à de nouveaux outils qui ont trait à un règlement
judiciaire. Pour ces conflits, le règlement judiciaire peut se traiter
soit en matière civile, soit en matière pénale.
En matière civile, le tribunal de première instance
(TPI) et le tribunal de grande instance (TGI) sont compétents pour
trancher les litiges entre les particuliers.
En Guinée, le manque de réglementation et de
compétence des tribunaux sur les questions d'eau font que la plupart des
contradictions sont résolues à l'amiable ou ne connaissent pas de
plainte par simple ignorance des citoyens ou par manque de confiance à
la justice.
v' Le règlement des conflits relatifs aux cours
d'eau internationaux
Il y a obligation générale de règlement
pacifique des différends liés à l'utilisation des
ressources en eau partagées. Nous avons trois types de règlements
:
+ L'obligation de négociation +
Le règlement diplomatique + règlement
juridictionnel
v' Procédure de règlement des conflits dans
le cadre de quelques organisations de bassin auxquelles la Guinée est
membre :
+ Autorité du Bassin du Niger (ABN)
« Tout différend pouvant surgir entre les Etats
membres dans l'interprétation ou l'application de la présente
convention est réglé à l'amiable par voie de
négociations directes. A défaut, le différend est
porté par l'une des parties devant le Sommet (des Chefs d'Etats et de
Gouvernement) qui statue en dernier ressort.»
Source : Convention révisée créant
l'Autorité du bassin du Niger (Faranah, octobre 1987), article 20.
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+ Organisation de Mise en Valeur du fleuve
Sénégal (OMVS)
« A défaut d'entente entre les Etats, tout
différend qui surgirait entre eux, quant à
l'interprétation ou l'application de la présente convention, sera
résolu par la conciliation ou la médiation. A défaut
d'accord, les Etats contractants devront saisir la Commission de conciliation
et d'arbitrage de l'organisation de l'unité africaine. En dernier
ressort, ils saisiront la Cour Internationale de Justice de la Haye ».
Source : Convention relative au statut du fleuve Sénégal (11 mars
1972), article 18
v' Les outils de règlement des conflits selon
l'approche GIRE (Source : Toolbox du GWP)
La GIRE propose pour un règlement efficace des conflits,
les outils suivants :
.. La modération : cet outil est
souvent utilisé dans des situations qui impliquent plusieurs parties,
questions, dont certaines floues, et parties prenantes. Une personne impartiale
participe à la conception et à la conduite de réunions
destinées à résoudre les problèmes, pour aider les
parties à diagnostiquer, à créer et à mettre en
oeuvre des solutions communes.
+ La médiation : est un processus de
négociation basé sur les intérêts. Les parties
choisissent un médiateur acceptable pour les `'guider» dans la
conception d'un processus et l'obtention d'un accord sur des solutions
mutuellement acceptables.
+ L'enquête : vise à clarifier
et à faire des recommandations concernant des différences sur les
données ou les désaccords profonds au moyen d'un ou plusieurs
experts extérieurs.
+ L'arbitrage : les parties présentent
des arguments à un arbitre « juge », et remettent la formation
d'une solution à une partie extérieure.
+ L'estimation : C'est un outil important de
soutien de gestion de conflit. Il peut faciliter le processus de partage des
bénéfices. Même si les estimations ne sont pas possibles en
termes financiers, l'exercice d'estimation des avantages, même
qualitatifs, permet de trouver de meilleures solutions.
+ La modélisation d'une vision partagée
: Sur la base d'hypothèses, il permet d'envisager des
idées sur les meilleurs investissements ou sur les meilleures options.
Cet outil doit être utilisé avec précaution dans des
situations de conflits.
+ Outils d'accès au consensus :
L'établissement du consensus est une stratégie ou
approche utilisée dans le cadre du dialogue intersectoriel portant sur
la politique de l'eau. Il est utilisé essentiellement dans des
situations de moyens ou faibles conflits et tensions. Il peut être utile
lors d'un conflit majeur où les parties ont engagé des approches
légales ou onéreuses qui ont échoué.
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