IV- Analyse du système de pilotage de l'eau en
Guinée
D'une manière générale, le système
de pilotage de l'eau est bâti autour de trois rationalités
différentes : politiques et législation, cadre institutionnel et
instruments de gestion.
La Guinée ne déroge pas à la règle
car elle dispose, au niveau politiques et législation, de lettres de
politique sectorielle de l'eau et de l'assainissement. Cependant, il n'existe,
à ce jour, aucune politique nationale de gestion des ressources en eau.
On note aussi l'existence de nombreux codes : de l'eau, de l'environnement,
forestier, domanial, minier, ... Mais, il convient de remarquer que la plupart
de ces codes souffrent non seulement de manque de décrets et
d'arrêtés d'application mais aussi pour certains d'insuffisance de
qualité rédactionnelle.
IV-1 Politiques et législations nationales de
l'eau
L'Etat guinéen s'est efforcé, au cours de ces
deux dernières décennies, à l'amélioration des
dispositions stratégiques concourant à une meilleure gestion des
ressources naturelles et en particulier les ressources en eau. C'est ainsi que
furent adoptés une loi sur l'eau en 1994, la politique sectorielle de
l'eau et de l'Assainissement en août 1996,
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de nombreux autres codes (code de l'environnement, code
forestier, code minier, code foncier et domanial, etc.) et des
stratégies nationales de mise en oeuvre des conventions internationales
relatives au changement climatique et à la diversité biologique
et aux zones humides, etc. L'ensemble de ces décisions est soutenu dans
leur application par de nombreux plans (Plan d'Action des Ressources en Eau,
Plan d'Action d'Hydraulique Villageoise, Plan National d'Action pour
l'Environnement, Plan d'Action Forestier National, Plan Foncier et Domanial,
etc.).
Il est également important de souligner l'appartenance
du pays aux trois organismes de bassins qui sont : l'Organisation pour la Mise
en Valeur du fleuve Gambie (OMVG) qui regroupe la Guinée, la
Guinée Bissau, la Gambie et le Sénégal, l'Organisation
pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) comprenant la
Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Sénégal et
l'Autorité du Bassin du Niger (ABN) regroupant les Etats de
Guinée, Mali, Niger, Nigeria, Côte d'ivoire, Burkina Faso,
Bénin, Cameroun et Tchad. Ces organismes ont accumulé un capital
de compétences qui est susceptible d'être mieux valorisé au
niveau de tout le territoire national.
Malgré cet effort important, les menaces qui
pèsent sur les ressources en eau s'intensifient et on assiste à
un net affaiblissement du dispositif de gouvernance et du système
d'information par suite de faible allocation de ressources financières,
d'une démotivation des ressources humaines, d'une absence d'un programme
pluriannuel d'intervention et d'un dispositif de suivi évaluation, la
poursuite d'une gestion sectorielle non concertée des ressources
naturelles. En outre, la gestion des ressources en eau s'effectue en marge des
stratégies de développement nationales dont celles de la
réduction de la pauvreté et du processus de
décentralisation. Aucune disposition visant à juguler les
conflits n'est prévu dans les politiques et législations
existantes.
Dans ce contexte la politique nationale de l'eau et les
stratégies y afférentes restent à construire en
Guinée. En effet, mis à part les différents codes qui
contiennent des éléments de politique relatifs à l'eau, le
pays ne s'est pas doté d'une véritable politique de l'eau
conformément aux orientations de la gestion intégrée des
ressources en eau. Un document de politique et stratégies
élaboré suivant un processus largement participatif impliquant
les acteurs étatiques, la société civile, le secteur
privé et les partenaires techniques et financiers qui donne la vision de
la gestion de l'eau du pays et les choix stratégiques est la base pour
le développement harmonieux des diverses dispositions y relatives :
codes, décrets, plans d'aménagements, organisation
administrative, financement, etc.
Les préalables à une telle action
nécessite que soit mis en place un cadre de partenariat entre les
acteurs du gouvernement et ceux des partenaires techniques et financiers
en vue de promouvoir les réformes et outils nécessaires
à une meilleure gestion des
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ressources en eau. En outre, la gestion de l'eau étant
l'affaire de tous les citoyens guinéens, il est indispensable qu'un
cadre national d'examen des différentes propositions de réformes
soit mis en place. Ce cadre comprendra les représentants des acteurs et
parties prenantes tels que l'Administration centrale, les collectivités
décentralisées, les entités administratives
déconcentrées, les ONG significatives, le secteur privé,
les confessions religieuses, etc. La Commission nationale de l'eau,
prévue dans le cadre de la loi sur l'eau, restera dans cette nouvelle
approche, une structure strictement interministérielle chargée en
dernier ressort de valider les propositions entérinées par ledit
cadre.
- Cadre institutionnel de la gestion des ressources en
eau
Le cadre institutionnel comprend principalement deux niveaux
qui sont l'administration ministérielle et les collectivités
locales (communes urbaines et communautés rurales de
développement).
V' L'Administration ministérielle
Elle est représentée dans la gestion des
ressources en eau par le ministre en charge de l'hydraulique. La loi sur l'eau
de 1994 détermine le champ de sa mission principale en ces termes :
« les ressources en eau sont définies comme l'ensemble des eaux
continentales de la Guinée dans toutes les phases du cycle de l'eau et
leur gestion rationnelle est définie comme l'ensemble des mesures
à prendre afin d'en assurer l'inventaire quantitatif et qualitatif
permanent, la protection, la mise en valeur et l'utilisation rationnelles,....
». L'Administration de l'eau comprend par ailleurs tous les autres
départements ministériels dont les activités concourent
à réaliser la gestion rationnelle de l'eau, leurs
démembrements au niveau central et régional ainsi que les
établissements publics et sociétés d'Etat
créés pour promouvoir un aspect particulier de ladite gestion.
Les démembrements de l'Administration
ministérielle les plus impliqués dans la gestion des ressources
en eau sont les directions nationales de l'hydraulique, de la
météorologie, de l'énergie, des eaux et forêts, de
l'environnement, du génie rural , de la santé publique, de
l'aménagement du territoire , de l'administration du territoire, de
l'agriculture et les structures spécialisées comme le Bureau
guinéen de géologie appliquée, le Service national
d'aménagement des points d'eau , la Société des eaux de
Guinée et Electricité de Guinée, etc.
V' Les collectivités locales
Le processus de décentralisation entrepris depuis 1986
a permis de créer 38 communes urbaines et 303 communautés rurales
de développement. Les compétences transférées
à ces collectivités par la loi sont :
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V' salubrité et hygiène publique ;
v' protection de l'environnement ;
V' gestion de l'eau et des points d'eau ;
v' projets de développement à la base et
participation de la collectivité locale ;
v' programmes d'investissements et de développement
social, économique et culturel ;
v' gestion de la distribution d'eau potable.
Les compétences ainsi définies entraînent
un repositionnement des missions et attributions de toute l'Administration
ministérielle dans un esprit de complémentarité avec les
collectivités territoriales en tenant compte du principe de
subsidiarité. Il convient de préciser que ces dispositions sont
appliquées de façon laconique à travers le pays.
- Cadre juridique
Le cadre juridique de l'eau en Guinée est régi par
plusieurs codes : eau, environnement, minier, pastoral, domanial...
Mais, il existe plusieurs contradictions entre ces
différents codes. Par exemple, il existe une contradiction entre les
dispositions des articles 23 et 24 du Code de l'eau et celles des articles 64
et 91 du Code minier en ce qui concerne la détermination de
l'autorité compétente pour l'établissement des
périmètres de protection, notamment des points d'eau, ainsi que
la protection et l'utilisation des eaux souterraines.
En effet, les dispositions combinées des articles 23 et
24 du Code de l'eau prévoient que les modalités
d'établissement des périmètres de protection, de
délimitation des zones de sauvegarde notamment des eaux souterraines et
des points d'eau, ainsi que la délivrance des autorisations de forages
sont déterminées par arrêté du Ministre de
l'Hydraulique.
De son côté, l'article 64 du Code minier
prévoit que ces modalités en ce qui concerne notamment les points
d'eau sont déterminés par arrêté conjoint du
Ministre chargé des mines et du Ministre chargé des domaines.
L'article 91 du même code, quant à lui,
prévoit un arrêté du Ministre des Mines, notamment pour les
forages et l'utilisation de puits pour les usages domestiques.
L'article 91 du Code minier en attribuant compétence au
Ministre chargé des mines pour autoriser les utilisations des ressources
en eau de faible importance se met également en contradiction avec les
dispositions combinées des articles 6, 8 et 9 du Code de l'eau, celles-
ci attribuant compétence en cette matière au Ministre
chargé de l'Hydraulique.
Une autre contradiction, plus frappante cette fois, concerne
le conflit d'attributions qui a toujours existé entre le
Ministère de l'Agriculture, des Eaux et Forêts et le
Ministère de
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l'Environnement. C'est ainsi que, tout en se prévalant
des dispositions du Décret n° 065/PRG/SGG du 4 octobre 2004 portant
attributions et organisation de son département, le Ministre de
l'Environnement a successivement pris un arrêté et une
décision nommant des Chefs de service, des Conservateurs du Centre
National des Aires protégées et des Chefs de Section.
De son côté, le Ministre de l'Agriculture, des
Eaux et Forêts a pris un arrêté pour nommer aussi des cadres
à ces postes déjà attribués par le Ministre de
l'Environnement. Cela illustre à suffisance que l'incohérence
entre les codes est à la base de plusieurs conflits dont les
conséquences sont incalculables pour les ressources naturelles.
Dans le souci d'harmoniser les codes minier et de l'eau, les
Ministres des Mines et de l'Hydraulique ont pris l'Arrêté Conjoint
n° 1647/MMG/MHE/SGG/01 du 24 avril 2001. Mais la valeur juridique de cet
arrêté pose problème vis- à- vis d'un Décret
ou d'une Loi.
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