La contribution des ménages au financement des déchets ménagers: une analyse par la méthode de l'évaluation contingente( Télécharger le fichier original )par Adou Kabran Georges KOUADIO Université de Cocody Abidjan - DEA-Master NPTCI 0000 |
I.3. Théorie des biens publics et déchets ménagersL'analyse économique présente et définit la gestion des déchets ménagers comme un bien public local7(*). Plusieurs caractéristiques de ce service permettent d'étayer cette définition. D'abord les caractéristiques de bien public données par Samuelson (1954), puis la notion d'effet externe et la dimension locale du service seront à prendre en considération. Le concept de bien public renvoie à la fois à l'Economie du Bien Etre de Pigou (1920) et à la théorie des biens publics de Samuelson (1954). I.3.1. Des biens publics purs aux biens publics impursLes trois articles de Samuelson8(*), publiés dans les années 50, amorcent la théorie des biens publics. L'auteur distingue deux propriétés afin de différencier les biens publics des biens privés. La première propriété énonce la non-rivalité des consommateurs. Une unité offerte à un agent, n'en réduit en rien le montant disponible pour tous les agents du groupe considéré. En d'autres termes, tous les individus consomment en commun la totalité de la quantité disponible du bien offert. Or, il semble difficile, en considérant de manière globale la gestion des déchets ménagers, de conclure à une indivisibilité du côté de son offre. Pour ce faire, il convient de différencier les différentes étapes du service. En envisageant, d'une part la collecte, et d'autre part le transport et le traitement des déchets ménagers, le caractère divisible de l'offre peut être spécifié.
La collecte est une activité d'enlèvement auprès de chaque usager ou ménage de leurs déchets ménagers. Il est effectivement possible de collecter les déchets ménagers d'un ménage et non ceux du voisin. Techniquement la collecte n'est pas « consommable» simultanément par au moins deux individus, il y a rivalité dans l'usage. A ce titre la collecte se présente aussi comme un bien privé. Une fois collectés, les déchets ménagers sont regroupés pour le transport et le traitement. Ces activités sont ainsi offertes automatiquement pour l'ensemble des déchets collectés auprès des usagers d'une rue ou d'un quartier. La gestion des déchets ménagers est alors un bien non-rival dans l'usage (indivisible) ce qui lui confère une caractéristique de bien public.Comme le souligne Wolfelsperger(1995): «la définition retenue du bien collectif n'implique pas que la caractéristique pertinente soit potentiellement consommable par un nombre quelconque d'individus». Le fait que des déchets ménagers soient collectés pour un quartier ou seulement une rue n'enlève en rien le caractère d'indivisibilité (non-rivalité) au cours du transport et du traitement. La caractéristique de non-rivalité dans l'usage n'apparaît donc pas de manière homogène au cours des différentes étapes du service et lui confère tour à tour les attributs de bien privé et public. La seconde propriété des biens publics est relative à l'absence d'exclusion. L'usage par un consommateur d'un bien exclut physiquement l'usage, au même instant, du même bien par un autre consommateur. Le non exclusion se traduit par une impossibilité d'exclusion individuelle par les prix dans le sens précis où il s'avère difficile de le réserver seulement aux consommateurs qui consentiraient à en payer le prix. En d'autres termes, les ménages du groupe qui ne paient pas leur service ne peuvent être exclus de sa jouissance lorsqu'il est produit. La gestion des déchets ménagers se présente a priori comme un bien de nature exclusive. La collecte, le transport et le traitement des déchets ménagers peuvent être rendu auprès des ménages qui auront effectivement payés. C'est la première étape, la collecte, qui détermine la nature privée du service puisque l'exclusion est physiquement possible pour chaque ménage auquel on enlève les déchets ménagers. Néanmoins, dans l'analyse économique, il est communément admis que la gestion des déchets ménagers est un bien non-exclusif. Cette propriété ne répond pas ici à un critère d'ordre économique puisqu'elle est techniquement possible. Cependant, l'exclusion n'est pas souhaitable dans la mesure où elle conduit à la formation d'effets externes négatifs (nuisances tels que la pollution environnementale et les risques de santé publique) que le service de collecte et de traitement des déchets ménagers souhaite justement éviter. Cet argument peut être étayé de la manière suivante. Si la collecte est effectivement rendue aux ménages qui paient alors le service n'a pas la même finalité. S'il est exclusif et donc s'il ne se préoccupe que de l'espace privé, des logements, il perd toute sa dimension collective. Il ne se préoccupe plus de l'espace public - la voirie par exemple - pour lequel le service doit être exclusif. La propreté de l'espace public et donc l'élimination des effets externes négatifs constitue ainsi un bien non exclusif puisque personne ne peut être exclu de sa jouissance. C'est bien la propreté de l'espace public que vise le service considéré, même s'il est techniquement possible de collecter que les espaces privés. Les caractéristiques que présente le service ne sont pas homogènes au cours des différentes étapes du service par rapport à la distinction public et privé. Ce cas de figure est fréquemment rencontré lorsque la consommation d'un bien donné par un individu donne nécessairement naissance à un sous-produit qui peut être apprécié positivement ou négativement par au moins un autre agent. Ainsi « un bien qui a des caractéristiques mixtes à l'égard de la distinction collectif et privé est appelé bien à effet externe ». Le tableau 1 en donne une synthèse pour le bien considéré ici et montre ainsi la nature hétérogène du service.9(*) Tableau 1 : Nature économique de la gestion des décchets
Source : Nora benrabia (2002), thèse de doctorat Le service des déchets ménagers peut donc être assimilé à un bien public impur ou mixte. La notion d'externalité permet de préciser que ce bien à caractère privé de par les propriétés de la première étape, est en fait un bien public impur. A l'instar de l'éducation, la cigarette ou la vaccination, il s'agit au départ d'un bien privé donnant donc lieu à divisibilité et paiement d'un prix. Cependant, ces biens sont à l'origine d'effets externes dont la nature a été largement définie dans la sous-section précédente. C'est donc bien l'existence de ces effets externes négatifs ou positifs qui donne la nature spécifique à ce service lequel devient un bien mixte avec externalités. * 7 Nora benrabia, (2002) * 8 Samuelson, 1954 « The pure Theory of public Expenditure », Review of Economics and Statistics, nov 1954, pp 387-389. Samuelson, 1955, « Diagrammatic Exposition of a Theory of public Expenditure », Review of Economics And Statistics, pp 350-356. * 9 Nora benrabia, (2002) |
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