MODELISATION ECONOMETRIQUE
Dans cette partie nous déterminerons le
consentement à payer des ménages pour bénéficier
d'un service de collecte journalier satisfaisant et identifierons les facteurs
qui expliquent ce consentement.
CHAPITRE III : IMPLICATION DES MENAGES DANS
L'ASSAINISSEMENT DE
LEUR CADRE DE VIE
Les préoccupations sans cesse croissantes pour
l'environnement ont conduit les pouvoirs publics à engager des
politiques de sauvegarde du patrimoine naturel de plus en plus
importantes. Cependant, de par la nature non marchande des
biens environnementaux,
l'évaluation économique d'une action publique
dans ce domaine peut se révéler complexe. Confrontés
à cette difficulté, les économistes ont recours, dans le
cas où aucun marché ne permet la révélation
indirecte des préférences, à un instrument
d'évaluation spécifique :
la méthode d'évaluation contingente
(MEC). Cette méthode d'évaluation repose sur la
réalisation d'une enquête au cours de laquelle on cherche à
apprécier le montant que chacun serait prêt à payer,
autrement dit le consentement à payer, pour la préservation ou la
restauration d'un bien environnemental. Les fondements théoriques et les
modalités pratiques de son application mettent en évidence la
singularité de cette méthode dans l'analyse économique. En
effet, elle revêt une double difficulté : évaluer sur la
base de l'intérêt privé des objets de la sphère
publique et obtenir des informations sur les préférences des
agents économiques par des enquêtes, autrement dit des discours,
plutôt que par l'observation d'actions sur des marchés. Cette
singularité peut néanmoins être porteuse d'avancées
significatives dans le champ de l'économie publique appliquée,
mettant sur le devant de la scène la dualité consommateur-citoyen
et l'utilisation d'enquêtes dans l'analyse économique.
III.1. Les fondements théoriques de la
valorisation des biens environnementaux
La plupart des biens environnementaux n'ont pas de prix, ce
qui ne signifie pas qu'ils n'ont pas de valeur : ils sont
consommés gratuitement par les individus, consommateurs où
producteurs. Une diminution du flux de services rendus par ces biens entraine
une diminution du bien-être des individus, sans nécessairement de
contre-valeur monétaire.
Ce sont des ressources communes pour lesquelles les droits de
propriété ne sont pas clairement définis, et de ce fait on
constate souvent une concurrence (difficile à gérer) entre les
différents usages. Si les actifs naturels, pour des raisons historiques,
deviennent plus rares, il convient de trouver un mécanisme d'allocation
d'usages, prix fictifs ou autre (une réglementation par exemple), qui
permette une gestion efficiente de ceux-ci.
Une première approximation de la valeur attachée
par les individus à l'existence des actifs naturels est possible par la
mesure de la variation du surplus des consommateurs et producteurs, suite
à une variation du flux des services. Cette mesure du surplus,
approximation de la variation de l'utilité, et donc du bien-être,
peut être obtenue de différents façons :
En reconstituant une fonction de demande implicite à de
l'observation du comportement des individus, comportement qui exprime la valeur
qu'ils attachent à l'existence d'un certain service rendu par l'actif
naturel. La diminution de ce service conduit à une modification du
comportement observable ;
En "décomposant" le prix de certains biens marchands
qui intègre des éléments reflétant la valeur
attachée par les individus à un (ou plusieurs) service rendu par
l'actif naturel. La détermination de cette composante de prix permet de
reconstituer le surplus des consommateurs, et sa variation suite à une
modification de la qualité du service ;
En construisant l'actif naturel un marché
hypothétique du bien, et en demandant aux individus où ils sont
se situeraient sur une courbe de demande contingente ;
En considérant l'actif naturel comme un facteur de
production complémentaire au travail et au capital, dont la
dégradation entraine une diminution du flux des produits et services
produits consommés par les individus.
Ces méthodes de valorisation reposent sur deux
hypothèses centrales de l'économie du bien-être :
Les préférences individuelles sont le fondement
de l'évaluation des bénéfices d'environnement ;
Les individus sont le meilleur juge de leurs
préférences.
L'objectif est de pouvoir exprimer en grandeur
monétaire le gain ou la perte de bien-être d'un individu
associé à une amélioration ou une
détérioration de la qualité d'un service rendu par un
actif naturel. L'analyse du surplus du consommateur est certainement l'outil
conceptuel le mieux adapté à la résolution de ce
problème, quoique son usage ait pu être parfois
controversé. Il fut introduit par Dupuit (1844) pour estimer le
bénéfice social d'un pont, son utilité en termes
monétaires. Marshall (1920) reprend le raisonnement de Dupuit et
précise la mesure du surplus en supposant que l'utilité marginale
du revenu demeure constante lorsque la demande d'un bien environnemental varie
en fonction de son prix, étant donné la faible part des
dépenses consacrées, en général à un bien
particulier.
III.1.1. le surplus du consommateur
Le prix du marché ( lorsque celui-ci fonctionne sans
trop entraves) exprime le consentement à payer pour la dernière
unité de bien consommé par un individu, et l'air sous la courbe
de demande, le consentement total à payer. Si l'on utilise une fonction
de demande ordinaire (marshallienne), une mesure de la variation de la valeur
d'un bien (valeur d'usage) associée à un changement de prix
(valeur d'échange) sera la modification du surplus du consommateur,
approximation de la variation de l'utilité individuelle. Le surplus du
consommateur est simplement la différence entre le consentement à
payer maximal pour acquérir un bien et le pris de ce bien.
La définition que donnait Marshall du surplus est la
suivante : "The consumer derives from a purchase a surplus of
satisfaction. The excess of price which he would be willing to pay rather than
go without the thing, over what he actually does pay is the economic (money)
measure off the surplus of satisfaction. It may be called consumer's
surplus".
C'est encore, pour reprendre la définition de Lerner
(1963) "la somme d'argent qu'un consommateur accepterait de payer pour
continuer à avoir le droit d'acheter au prix courant un bien quelconque
qu'il peut acheter aujourd'hui".
En d'autres termes lorsque l'utilité marginale (ou la
valeur marginale) d'une certaine quantité d'un bien est supérieur
au prix de marché, le consommateur bénéficie d'un surplus.
La théorie du choix du consommateur est basée sur
l'hypothèse fondamentale selon laquelle un individu cherche à
maximiser son utilité totale, et donc son surplus.
Le surplus et sa variation peuvent être
présentés fort simplement à l'aide d'un graphique sur
lequel est tracée une fonction de demande pour un bien quelconque. En
ordonnée on portera le prix et en abscisse les quantités
demandées. Au prix po le surplus du consommateur est égal
à la surface p*Apo. En effet les premières unités de ce
bien consommées représentent pour l'individu une utilité
supérieure au prix po, achète l'ensemble des qo unités au
prix po. Supposons que le bien baisse et passe, comme on peut le voir sur le
graphique 1, de po à p1(p1<po). La quantité consommée
passera de qo à q1 et la variation du surplus du consommateur sera
égale à la surface sous la courbe poABp1. Elle est
l'approximation monétaire du gain de bien-être consécutif
à la modification du prix du bien. On suppose que l'utilité
marginale du revenu demeure constante.
Figure1 : Fonction de demande et surplus
du consommateur
p
p*
p0 A
p1 B
q
q0 q1
Source : Point .P
« Economie du patrimoine naturelle »
On peut encore écrire, si l'on considère que
la fonction de demande, q, dépend du prix p, et surtout du revenu
Y :
q = f (p,Y)
la variation du surplus est égale à la surface
hachurée sur le graphique1, soit :
S =
Les services rendus par les actifs naturels n'ont
généralement pas de prix, le consentement maximal à payer
est donc égal à l'ensemble de la surface sous la courbe de
demande reconstituée.
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