Cette étude séro-épidémiologique a
permis d'investiguer, à partir de la persistance des anticorps
secondaires à l'infection, les personnes qui ont été en
contact avec Trichinella sp.
Nous discutons ici les résultats de la
séroprévalence de cette anthropozoonose, la trichinellose, en
regard de la littérature, et en particulier, des prévalences et
des facteurs de risque connus dans les autres communautés et territoires
du monde déjà investigués.
Dans le cadre de la présente étude, nous avons
obtenu des taux de participation relativement importants (1212 pour 1 million
d'habitants).
Même si l'échantillon à l'étude a
été choisi de façon à être
représentatif de la population générale de la wilaya de
Tlemcen, il y a lieu de se questionner sur la validité externe des
résultats présentés. Malgré tout, nous croyons que
l'étude fournit des données fortes intéressantes pour
cette population concernant leur exposition à la trichinellose en lien
avec leur mode de vie.
Une séroprévalence de 0,33 % a été
obtenue pour Trichinella sp.
Cette valeur a été comparée à celles
rapportées dans d'autres régions déjà
étudiées, comme par exemple :
? En Indonésie (Chomel BB., et als, 1993), où la
majorité de la population est musulmane ne consommant, à
fortiori, pas de porc ou de viande de carnivores, la prévalence du
portage des anticorps anti-Trichinella sp a été
estimé à 19,5 % dans une population composée de jeunes
enfants et d'adolescents au niveau
de l'île de Bali, qui sont apparemment en majorité
hindous ; ce qui est nettement supérieure à la valeur obtenue
dans la région de Tlemcen, indiquant
une certaine incohérence entre les données des
expositions de ces deux populations, ce qui serait dû à des
facteurs de risque, qui seraient inexistants dans nos contrés (Les
habitudes alimentaires et la mauvaise hygiène peut expliquer la
fréquence des infestations par Trichinella chez les enfants et
les adolescents à Bali).
· Par contre, une autre étude en
Biélorussie (Skripova L.V. et al ; 1994), région
de culture et de moeurs très différentes par
rapport aux nôtres, a conclue à une
séroprévalence de 0,55 %, valeur très
proche de celle que nous avons obtenu.
· En Chine (Cui J., et als,
2011), une étude séro-épidémiologique, a
déterminée
une séroprévalence globale de 3,19 %.
Les taux étaient différents selon les
régions, par exemple ceux les plus élevés
étaient enregistrés dans les régions
occidentales, où les gens avaient des habitudes alimentaires
particulières, comme manger de la viande crue, surtout celle du porc
(surtout les Thaïlandais et même les Tibétains).
On remarque que les séroprévalences Tlemcenienne
et Chinoise sont différentes, ce qui serait du à des habitudes
culinaires et des moeurs religieuses complètement différentes.
En raison de méthodes d'échantillonnage
populationnel ou encore d'analyses de laboratoire qui peuvent différer
de la présente étude, les résultats de
séroprévalence de la trichinellose issus des autres études
menées dans le monde au cours des dernières années ne sont
pas toujours aussi comparables.
Néanmoins, les données de ce travail peuvent nous
aider à estimer l'importance relative des résultats
rapportés ici.
En fonction des facteurs de risque précédemment
étudiés, nous remarquons que les deux groupes, ceux ayant une
sérologie anti-Trichinella positive et ceux ayant une
sérologie négative, présentent une différence de
fréquences qui ne serait statistiquement pas due au hasard, selon le
test du Khi2.
La consommation de gibiers, de viande chevaline ou d'autres
types de viandes pas très courantes (dans notre cas il s'agissait
surtout de la viande de chameau, de sanglier, de gazelle et même de
renard), sont des variables à prendre en compte, car il existe bel et
bien une dépendance entre une sérologie anti-Trichinella
positive et ces facteurs de risque.
Dans le cadre de l'interprétation des
sérologies anti-Trichinella ELISA (IVD Inc.) des patients
investigués, nous avons considéré qu'une densité
optique supérieure à 0,1 et inférieure à 0,3
était en faveur d'un faux négatif et donc considéré
comme un résultat douteux.
Nous avons obtenu 12 sérologies à réaction
douteuse.
Nous avons donc testé la spécificité :
· Avec d'autres parasitoses :
+ Distomatose :
Sérodiagnostic de la distomatose par
hémagglutination indirecte (FUMOUZE®).
La réaction est considérée comme
significative en faveur d'une distomatose évolutive pour un titre =
1/320.
7 sérums ont présenté une
réaction négative et les 5 sérums restants ont
donné une réaction douteuse au titre = 1/160, ce qui pourrait
être expliqué par une éventuelle communauté
antigénique entre les deux helminthes : Trichinella et
Fasciola.
+ Bilharziose :
Sérodiagnostic de la bilharziose par
hémagglutination indirecte (FUMOUZE®). La réaction
est considérée comme significative en présomption d'une
bilharziose évolutive pour un titre = 1/160.
Les sérologies des 12 sérums sont revenues
négatives.
+ Toxocarose :
Sérodiagnostic de la toxocarose par la technique
immuno-enzymatique ELISA (IVD Inc.).
La réaction est considérée comme positive
en présomption d'une toxocarose, pour une absorbance lue
supérieure ou égale à 0.3 unités de DO.
Les sérologies des 12 sérums sont revenues
négatives.
+ Leishmaniose :
Les sérologies des 12 sérums sont revenues
négatives.
+ Toxoplasmose :
Sérodiagnostic de la toxoplasmose par la technique
immuno-enzymatique ELISA (Bio Advance).
La réaction est quantitative et le seuil
considéré en présomption d'une toxoplasmose, est de 50
UI/ml (pour les IgG).
5 sérums ont présenté des taux d'IgG >
50 UI/ml, et les 7 restants ne renfermaient pas d'anticorps
anti-Toxoplasma.
· Avec des maladies auto-immunes :
2 sérums présentant des anticorps
anti-mitochondries de type II, 2 présentant des anticorps anti-estomac,
12 présentant des anticorps anti-nucléaires, 15 présentant
un facteur rhumatoïde positif, et un présentant une cirrhose
auto-immune, ont été testés. Deux sérums dont un
présentant un facteur rhumatoïde positif et l'autre une cirrhose
auto-immune, ont donné un résultat douteux avec le Test ELISA
Trichinella IgG (IVD Inc.).
· Avec des processus cancéreux :
12 sérums provenant de malades présentant un
cancer thyroïdien, 10 présentant un cancer du sein, 5
présentant un cancer du col de l'utérus, 28 présentant des
cancers hématologiques (toutes étiologies confondues), 7
présentant un cancer du rein et 2 présentant un cancer du poumon,
ont été testés.
4 sérums de cancéreux ont donné un
résultat douteux avec le Test ELISA Trichinella IgG (IVD
Inc.).
Dans ce genre de cas, il est très difficile de donner une
conclusion satisfaisante car beaucoup de tableaux de cancers s'accompagnent
d'un taux anormalement élevé d'anticorps, qui peut de ce fait
interférer lors de sérologies réalisées dans le
cadre de la recherche d'une parasitose par exemple, comme c'est le cas pour la
trichinellose, par conséquent, il peut s'agir d'une simple
interférence.
· Avec des infections virales :
15 sérums de sidéens, 16 présentant une
hépatite (B ou C), ont été testés.
Aucun des sérums testés n'a donné une
réaction significative avec le Test ELISA Trichinella IgG
(IVD Inc.).
· Avec des infections bactériennes :
5 sérums de tuberculeux ont été
testés.
Aucun des sérums testés n'a donné une
réaction significative avec le Test ELISA Trichinella IgG
(IVD Inc.).
En conclusion, nous pouvons dire que l'interprétation de
la sérologie ELISA anti- Trichinella est délicate, elle
associe la recherche des facteurs de risque, précédemment
décrits, la symptomatologie du patient, l'éventuelle existence
d'une pathologie sous jacente et bien sûr la sensibilité
individuelle de chaque patient.
De ce fait, il existerait des faux positifs, par interaction
avec d'autres parasitoses (particulièrement avec des helminthoses,
notion de communauté antigénique), ou lors de certains
états pathologiques particuliers, comme les cancers ou les maladies
autoimmunes, où on note des taux énormes d'anticorps qui
pourraient interférer avec la sérologie
anti-Trichinella. Ainsi que des faux négatifs ou douteux, lors
des mêmes situations que celles rencontrées avec les faux positifs
mais à des taux moindres, ou bien lors de cas témoignant d'une
infection très ancienne, où le taux d'anticorps est devenu trop
bas.
La confirmation par une autre technique sérologique de
sensibilité supérieure, le Western Blot n'a malheureusement pas
pu être réalisée du fait de sa non disponibilité au
niveau de notre laboratoire.