SECTION 2 : REVUE DE LITTERATURE ET METHODOLOGIE
L'analyse de l'importance de l'aide alimentaire a fait l'objet
de nombreux travaux. Avant de définir la méthodologie que suivra
la présente étude, il importe de revenir d'une façon
substantielle sur ces travaux. La présente revue de littérature
exposera successivement la clarification du concept «aide alimentaire
«, suivra ensuite un exposé sur les concepts théoriques du
lien entre aide alimentaire et sécurité alimentaire.
Paragraphe1 : Revue de littérature
A- Analyse conceptuelle
L'aide alimentaire est un concept complexe qui fait appel
à la notion de sécurité alimentaire. En effet, la
sécurité alimentaire a trait à la production alimentaire
locale.
1. Sécurité alimentaire
:
Le problème de la sécurité alimentaire
dans le monde et surtout en Afrique n'est pas nouveau. C'est ce qui explique
les nombreux travaux réalisés sur ce problème depuis 1974
(année de la première parution de ce concept) jusqu'à nos
jours.
Au début des années 1980, et grâce aux
travaux d'Amartya Sen, le concept de sécurité alimentaire
s'élargit d'une définition essentiellement axée sur
l'offre vers une notion plus large incluant la demande. Il ne suffit plus que
les disponibilités alimentaires soient suffisantes pour couvrir les
besoins de l'ensemble de la population d'une nation ; il faut aussi que les
individus constituant cette population aient les moyens d'accéder aux
denrées. La sécurité alimentaire n'est plus uniquement
perçue au niveau macroéconomique, et l'approche des analyses sur
le sujet s'oriente de plus en plus vers les ménages et l'individu.
En 1983, la FAO synthétise cette nouvelle approche de la
sécurité alimentaire à travers la définition
suivante : "Assurer en tout temps et à tous les hommes,
l'accès matériel et économiques aux aliments de base dont
ils ont besoin" Depuis, de nombreuses autres définitions ont vu
le jour, plus ou moins proches de la notion définie par la FAO. Mais
celle ci
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retient l'adhésion d'un grand nombre d'intervenants dans
le domaine et offre de plus un cadre pratique pour les recherches du fait de
l'existence des trois facteurs sous-jacents : disponibilités,
accessibilité et stabilité.
Pour Luc Cambrezy et Pierre Janin, 2008, les
disponibilités alimentaires sont quantitativement et qualitativement
insuffisantes : moins de 2500 calories par jour et par personne. Aussi,
pensent- ils que la diversité alimentaire est faible et se réduit
au profit d'aliments de substitution. Selon la FAQ (2002), la fréquence
des personnes malnutries est passée de 34% à 57% en Afrique
Centrale. Tous ces travaux mettent en exergue la pertinence du problème
de l'insécurité alimentaire dans les pays de l'Afrique de l'ouest
et du Centre. Au vu de cette littérature, la situation alimentaire en
Afrique de l'Ouest reste encore précaire, malgré les efforts
déployés par les Etats.
2. Aide alimentaire
Dans le monde beaucoup de personnes n'ont pas de quoi se
nourrir et comme solutions à ce type de problème, il faut faire
recours à l'aide alimentaire. L'aide alimentaire consiste à la
distribution des denrées alimentaires aux populations pour assurer leur
survie en cas de famine. Il s'agit d'une nécessité d'urgence qui
peut avoir des effets néfastes à long terme. Comme le disait
kushi (2008) « les pays du tiers-monde ne sont pas capables de nourrir
leurs populations. " Cette assertion explique bien la notion de
dépendance alimentaire dont ces pays font objet. Cette dépendance
profite aux pays riches à telle enseigne qu'ils en font même une
arme appelée l'arme alimentaire. C'est à ce
titre que John Block, ministre de l'agriculture du gouvernement de Reagan
disait « l'arme alimentaire est la plus importante dont nous disposons
actuellement pour maintenir la paix dans le monde". Pourtant chacune de ces
populations a droit à l'alimentation : le droit
à l'alimentation est un droit des populations à disposer de
nourriture saine en quantité suffisante et en qualité. Mais comme
tout droit appelle à un devoir, ce droit des populations appelle un
devoir de l'Etat à mettre en oeuvre des politiques en vue de satisfaire
sa population en matière d'alimentation.
La première référence à l'aide
alimentaire au sein d'un forum international lors de la VIIème
conférence de la FAQ en novembre 1953 (FAQ, 1985). La conférence
s'intéressait particulièrement aux difficultés
rencontrées pour la première fois depuis la fin de la seconde
guerre mondiale quant à l'absorption des excédents de certaines
denrées, notamment les
céréales, qui s'accumulaient rapidement en
Amérique du Nord. Ces difficultés menaient les Etats Unis
à adopter des mesures et des lois régissant la gestion des
excédents.
La conférence conclut que, en accord avec les principes de
la FAO, le remède pour absorber l'offre excédentaire doit
être trouvé dans des politiques permettant d'accroître la
consommation dans les pays en développement. On reconnaît, au
même moment, que ces mesures requièrent l'observation des
répercussions internationales possibles, incluant leurs effets, à
la fois, sur les exportations commerciales et sur les produits similaires des
pays compétiteurs et sur le développement de la production et de
l'économie des pays récipiendaires. Il est surprenant de voir
à quel point cette dernière recommandation reste
d'actualité plus de 50 ans plus tard.
Jusqu'au début des années 60, l'aide alimentaire
est perçue (à raison) presque comme synonyme d'aide alimentaire
américaine. Les sujets dominant les discussions politiques et pratiques
autour de l'aide sont focalisés sur l'Inde (le plus important
récipiendaire), les problèmes de sécheresse, les
désincitations vis à vis de la production agricole locale, les
balbutiements des relations entre pays donateurs et pays récipiendaires
et enfin sur la création récente du Programme Alimentaire
Mondial, encore à l'état expérimental.
A posteriori, la première Convention sur l'aide
alimentaire (Food Aid Conven-tion) peut être considérée
comme un tournant dans l'histoire de l'aide ; car on y observe l'apparition et
l'engagement de donateurs nouveaux. 19 pays sont concernés et s'engagent
à fournir un volume minimum de 4,2 millions de tonnes annuellement.
Les années 1970 vont être les témoins d'une
crise alimentaire internationale ; plusieurs PED sont confrontés
à ce que l'on commencera à appeler "insécurité
alimentaire". La Convention (FAC) est renégociée en 1971, sans
changement dans les engagements. La conférence alimentaire mondiale des
Nations -Unies en novembre 1974, appelle à une amélioration des
politiques concernant l'aide alimentaire et décide de la création
de deux organismes :
- Le comité sur les politiques et les programmes d'aide
alimentaire,
- Le comité FAO sur la sécurité alimentaire
mondiale.
Le problème d'insécurité alimentaire et de
pauvreté en Asie continuent de dominer l'agenda international, avec la
famine du Bangladesh en 1974. Cependant les crises alimentaires en Afrique,
attirent aussi l'attention de la communauté internationale. Le
caractère institutionnel de l'aide se renforce du fait de la croissance
continue du PAM et de l'établissement de la RAU. Durant ces
années, le concept de sécurité alimentaire se
définit essentiellement en termes de suffisance des denrées
alimentaires au niveau global et national.
En 1960, à l'époque où l'aide alimentaire
est liée à la volonté des Etats Unis d'écouler leur
excédent de production céréalière, une
première critique de l'aide alimentaire émerge, initiée
par T. W. Schultz: l'aide alimentaire distribuée entraînerait une
baisse des prix des denrées alimentaires locales et désinciterait
la production locale.
Au fur et à mesure d'opérations d'aide alimentaire
plus ou moins réussies, les détracteurs se font de plus en plus
nombreux. Les critiques intègrent l'effet "schultzien" cité
précédemment mais aussi d'autres sujets de contreverse, dont les
trois premières cités sont de l'ordre des effets
désincitatifs :
· l'aide alimentaire décourage les prises de
décisions des gouvernements bénéficiaires
particulièrement dans le secteur agricole,
· elle résulte en des changements de goûts ou
d'habitudes alimentaires des populations bénéficiaires au profit
de produits étrangers non produits localement,
· en concurrençant la production agricole dans les
projets vivres-contre-travail, elle désincite la main d'oeuvre à
se diriger vers le secteur agricole,
· elle est peu fiable dans sa régularité, ses
délais de livraisons.
Les effets désincitatifs cités
précédemment ont souvent été étudiés
mais les conclusions restent très diverses suivant les pays. L'impact de
l'aide alimentaire ne se résumerait pas forcément à des
désincitations (dans la production, les politiques agricoles, les
habitudes alimentaires et la main -d'oeuvre agricole); celles-ci
dépendraient plus du contexte d'intervention dans le pays et de certains
paramètres propres au pays: politiques agricoles en place,
caractéristiques des marchés.
Cependant, il est plus rare de controverser son rôle dans
l'allègement des famines dues à des catastrophes naturelles ou
dans la prise en charge alimentaire des réfugiés.
Des recommandations sont formulées qui permettraient de
rendre ces échanges équitables et durables, en s'assurant que ni
les opérations du donateur d'aide alimentaire et ni l'économie
récipiendaire ne soient avantagées ou
désavantagées, comparées à une opération
d'aide alimentaire normale (c'est-à- dire, impliquant l'utilisation
directe d'importations alimentaire fournies ou financées par le
donateur). Cette étude se base sur sept études de cas (Inde,
Indonésie, Kenya, Philippines, Sri Lanka, Soudan et Ouganda).
Un autre rapport de la WORLD FOOD PROGRAMME, 1986, "Food aid and
the development of human resources évalue les priorités à
suivre en termes de développement
des ressources humaines auquel sont confrontés de nombreux
pays africains. On assiste, chez ces derniers, à un mauvais assemblage
des compétences disponibles et des opportunités d'emplois de
celles-ci au sein d'utilisations productives ainsi qu'en méme temps
à une menace sur le revenu de nombreuses familles du fait de
fluctuations inter saisonnières et interannuelles qui peuvent devenir
irréversibles et mener à la famine.
SINGER, HW, 1989, la crise alimentaire en Afrique persiste depuis
au moins 25 ans, caractérisée par un déclin dans la
production alimentaire par tête. Il y a un besoin urgent d'accroissement
de l'aide alimentaire. Contrairement aux croyances communes, une telle aide
peut être utilisée pour stimuler la production agricole locale.
Cet article montre sept mesures majeures qui peuvent être
appliquées à l'aide alimentaire pour s'assurer
que l'objectif précédent est rempli.
STAATZ J, 1991, examine la portée et les limites de
l'utilisation de subventions alimentaires ciblées au Mali. Après
un bref aperçu de l'agriculture, du régime alimentaire et de la
nutrition au Mali, l'auteur décrit l'expérience malienne de
subventions alimentaires postérieures à 1981. Puis il examine les
effets de la réforme de marché dans les années 1980 sur la
sécurité alimentaire. Il analyse le potentiel et les
barrières liés à l'utilisation des approches
ciblées traditionnelles (comme les programmes de nutrition
supplémentaire, le ciblage saisonnier, et les projets vivres ou monnaie
contre travail). Enfin il propose plusieurs approches innovatrices à la
lumière des conclusions précédentes.
Pour STEVENS C, 1978, traite de quatre expériences d'aide
alimentaire au Botswana, Haute-Volta, Lesotho et en Tunisie et des
modalités d'emplois de cette aide. Il examine aussi l'incidence de
l'aide alimentaire sur la nutrition, sur les prix à la consommation, et
sur la production agricole.
a. Aide alimentaire et sécurité
alimentaire :
Il existe un éventail d'approches différentes en
vue d'assurer la sécurité alimentaire, dépendantes des
besoins et des contextes de chaque pays, ainsi qu'un grand nombre de moyens par
lesquels l'aide alimentaire peut y contribuer. C'est ainsi que le PAM a
commandité un rapport, WORLD FOOD PROGRAMME, 1985, examine le rôle
de l'aide alimentaire en tant que support à deux aspects particuliers de
la sécurité alimentaire: i) les projets de stabilisation des
prix, ii) et l'établissement et la maintenance des réserves
alimentaires d'urgences (RAU). Le rapport se base sur des missions
d'évaluation accomplies au sein de cinq pays (Botswana, Mali,
Mauritanie, Niger et Tanzanie). Concernant les projets
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de stabilisation des prix,, le rapport propose un guide
directeur, suggérant que les projets soient préparés avec
beaucoup d'attention en prenant en compte les aspects essentiels de la
situation agro-alimentaire du pays, les possibilités d'un support et
d'une coordination du donateur et les mesures à entreprendre par le
couple donateur-récipiendaire pour s'assurer de la réelle
contribution du projet aux objectifs de sécurité alimentaire.
Concernant les RAU, le rapport suggère de plus amples études
avant d'avancer des conclusions définitives. Cependant, il semble clair
que des projets isolés de ce type ne fournissent qu'un secours marginal
et temporaire sans traiter les causes du mal. Les RAU peuvent faire gagner du
temps en cas de crises mais seulement si elles sont correctement maintenues.
De nombreux articles dont l'article, TAYLOR D et BYERLEE D, 1991,
présentent un modèle simple qui permet d'analyser les
conséquences de l'instabilité des approvisionnements
destinés à l'aide alimentaire sur les dépenses en devises
étrangères et l'offre d'aliments dans les pays
bénéficiaires. Lorsque le prix mondial des aliments augmente, les
bénéficiaires de l'aide subissent le contrecoup à la fois
d'une aide alimentaire réduite et du coût plus élevé
des produits importés pour répondre à la pénurie.
Une estimation empirique des principaux paramètres du modèle
suggère que les pays qui dépendent fortement de l'aide
alimentaire compromettent leur sécurité alimentaire.
b. Aide alimentaire et les personnes
bénéficiaires
SINGER HW, WOOD J et JENNINGS T, étudient trois points :
la naissance du concept d'aide alimentaire après la seconde guerre
mondiale, ses mécanismes, et les différents intervenants. Puis la
question de la destination de l'aide alimentaire est étudiée.
Comment etre sir qu'elle arrive là où elle se doit d'arriver ?
Des mécanismes permettant de le contrôler existent. Et enfin, qui
sont les véritables gagnants de l'aide alimentaire ?
c. / 'aiIEeIMP HABIHREIPIEXHIiPNUriHPO :
Ceux qui sont chroniquement sous-alimentés sont ceux qui
ont un revenu bas et incertain, des avoirs limités, peu de
compétences commercialisables, un pouvoir d'achat insuffisant et qui
n'ont personne de haut placé pour les défendre bref, ce sont ceux
qui n'ont pas de pouvoir économique. La faim est donc délibitante
: manifestation de la pauvreté, faiblesse de la production
vivrière. En portant remède à la faim qui sévit
actuellement, on contribue à éradiquer la pauvreté et on
progresse vers la sécurité alimentaire. L'assistance
alimentaire
apportée à ceux qui en ont un besoin critique
à des stades particuliers, surtout en cas de rareté
sévère, doit contribuer à longue échéance
à établir leur sécurité alimentaire.
Ainsi, fut développée la thèse stipulant que
: « Le problème de la faim dans le monde découle d'une
sous-alimentation due à un déficit énergétique
(insuffisance de calories) ». Les programmes futurs d'assistance
alimentaire devront être mieux conçus et devenir plus efficaces
afin de faire davantage avec peu de ressources. Le principe de base est
d'atteindre au juste moment ceux qui en ont le plus besoin et la manière
à avoir des effets durables tout en apportant une aide à court
terme» (Jacques Diouf en 1990, cité par FAO en 1996).
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