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Quel avenir pour l'art contemporain en Afrique après l'exposition Africa Remix?

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par Delphine CALMETTES
Université Rennes 2 Haute Bretagne - Master métiers et art de l'exposition 2008
  

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B. Réception critique de l'exposition

Dans l'ensemble, Africa Remix a été adulée par la critique française et internationale. Son envergure, sa pluridisciplinarité, sa construction et son itinéraire en font une exposition unique. « Des expositions sur l'art contemporain africain, à cette échelle, ne se produisent que tous les dix ans dans le monde. Les opportunités de voir des oeuvres africaines en Afrique sont encore moins communes. De telles expositions ne viennent pas sur le continent alors qu'il s'agit de nos artistes » déclarait Clive Kellner à l'occasion de son ouverture à Johannesburg. « Africa Remix, Enfin un panorama de l'art actuel d'un continent que le monde ignore mais qui n'ignore rien du reste du monde »90 titrait Philippe Dagen dans Le Monde du 4 juin 2005, « Quatre-vingt artistes du grand continent montrent leurs oeuvres à Paris. Au coeur d'un monde brutal, tous ont fui l'exotisme pour faire vivre le spectacle de la réalité avec ses ombres et ses lumières »91, s'exclamait Béatrice Conte dans Le Figaro du 18 juin 2005 ou encore pouvait-on lire : « L'Afrique à show. Mondialisme, spectaculaire mais disparate : l'exposition Africa Remix fait escale à Beaubourg pour un aperçu de l'art contemporain sur le continent africain »92 dans un article d'Elisabeth Leibovici. A l'étranger, les critiques sont aussi assez unanimes. Le Time titrait par exemple « Africa's Art and Soul » et plus loin « The largest show of contemporary African artists ever seen in Europe »93 dans un article de février 2005, alors que le journal belge De Tijd intitulait un article du 22 juin 2005 « Afrika zonder grenzen »94. Certains chroniqueurs soulevaient tout de même les problématiques que nous avons citées comme Florence Alexis, qui dans un article du Monde95 déclarait « Pour tous se pose la question de l'identité. Mais ce débat n'est intéressant que si nous n'essayons pas de parler à leur place. La France a la mauvaise habitude de dire aux gens ce qu'ils sont ou ce qu'ils ne sont pas. » Mais dans l'ensemble les critiques étaient plutôt favorables, saluant la richesse de l'exposition et « sa vitalité qui s'empare sans complexes de l'art avec parfois arrogance et

90 Philippe Dagen, « Hassan Musa, ou la confusion des mondes », in Le Monde 2, 4 juin 2005, supplément au Monde n°18774 du samedi 4 juin 2005.

91 Béatrice Comte, « Dernières nouvelles d'Afrique », in Le Figaro Magazine, 18 juin 2005.

92 Elisabeth Leibovici, « L'Afrique à show », in Libération, 31 mai 2005.

93 Maryann Bird, « Africa's art and soul », « La plus grande exposition sur les artistes africains contemporains jamais vus en Europe » in Time, 22 février 2005.

94 Pieter Van Bogaert, « Afrika zonder grenzen », « Afrique sans frontières », in De Tidjd, 22 juin 2005.

95 Citation de la commissaire d'exposition Florence Alexis dans un article de Martine Valo, « L'Art Africain à l'heure du siècle », in Le Monde 2 du 18 juin 2006, p.40.

défi »96. Du côté des artistes, certaines positions extrémistes comme celle de Romuald Hazoumé attaquent l'exposition avec virulence. « Je trouve que c'est l'expo la plus nulle de toutes les expos qui aient existé [...] C'est tellement ridicule aujourd'hui de se limiter à cette expo, qui, pour moi, a été seulement une expo d'opportunistes, d'arrivistes97. » Soly Cissé, lors d'un entretien que j'ai mené avec lui à Dakar déclarait, après avoir défendu l'exposition, que : « Il était nécessaire que cette exposition ait lieu ... mais il faut que ce soit la dernière : on arrive à terme de ces visions européennes sur l'art contemporain africain, il y a trop d'hypocrisie de la part de l'intelligentsia africaine qui défend tout et son contraire...».

Des spécialistes comme Maureen Murphy98 ont aussi pris des positions très tranchées quant à cette exposition. Nous allons ainsi analyser ses critiques qui nous semblent rassembler les principales attaques dont l'exposition a souffert, puis observer de quelle manière les commissaires d'Africa Remix y ont répondu.

Dans un article paru dans la revue du Musée du quai Branly Gradhiva99, l'historienne assène de fortes critiques à l'exposition et à ses commissaires :

- Elle lui reproche tout d'abord son rapprochement avec « l'imaginaire développé à la fin du XIXème siècle autour de l'Afrique » et son emprunt à « l` approche primitiviste et anthropologique, un temps réservée aux arts traditionnels de l'Afrique ». Selon elle, cette vision exotique ne diffère pas de celle de Jean-Hubert Martin et des Magiciens de la terre. Nous avons vu plus haut que les commissaires d'Africa Remix avaient tenté de s'écarter avec plus ou moins d'efficacité de cette vision et qu'ils avaient essayé d'intégrer une certaine conception Magiciens de la terre pour permettre à des artistes qui y avaient participé d'être présents dans l'exposition. Deuxièmement, les commissaires d'Africa Remix

96J.-L.P, in Madame Figaro, « L'Afrique c'est chic », 18 juin 2005.

97 Sarah Ligner, La place des artistes contemporains africains à travers de l'analyse de l'exposition Africa Remix, École du Louvre mémoire d'étude, sous la direction de Madelaine Leclerc, « Entretien avec Romuald Hazoumé », 2006-2007, p. 119.

98 Maureen Murphy est historienne de l'art, chargée de cours à l'École du Louvre et à l'Université Paris X Nanterre. En 2006, elle soutient une thèse à l'Université de Paris1 Panthéon-Sorbonne intitulée Stratification et déplacements d'un imaginaire : les arts d'Afrique dans les musées et les expositions, à Paris et à New York, des années 1930 à nos jours. Elle a travaillé au Musée du quai Branly sur l'exposition "D'un regard l'autre". Elle est aujourd'hui chargée de mission pour les expositions à la Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration et chef de projet de l'exposition inaugurale "Les étrangers en France au temps de l'exposition coloniale" (mai-octobre 2008).

99 Maureen Murphy, Débat « Á propos de l'exposition Africa Remix, l'art contemporain d'un continent », in Gradhiva n° 2, Paris, p.142-143.

semblent avoir une connaissance rigoureuse des expositions qui l'ont précédé et peut-on remettre en question aussi vivement leurs réflexions sur le sujet ?

- Elle critique ensuite la sélection éclectique des artistes de « générations totalement différentes », dont « le parcours et les conditions de travail dans leurs pays respectifs n'ont rien à voir », ce qui ferait d'Africa Remix un « brassage de tous les genres connus depuis les Magiciens de la terre ». Mais faut-il catégoriser les artistes pour montrer l'art africain ? Déjà, les trois sections choisies pour orienter la réflexion du visiteur semblaient un peu lourdes. Fallait-il refaire une exposition de type Africa Explores the 20th Century ou Museum of 100 days de la Documenta XI de Kassel ? Nombre d'expositions ont essayé d'engager une autre posture et Africa Remix a également tenté ce pari.

- Elle avance aussi que cette « décatégorisation » entrainerait l'avènement d'une spécificité commune à toutes les oeuvres derriere leur apparente diversité et viendrait « postuler l'idée d'une essence de l'art africain ». Simon Njami renouerait ainsi avec « les théories de la négritude institutionnalisées au Sénégal et en France ». Si Simon Njami cite Senghor, devrait-il faire table rase du passé et des différentes étapes de cette histoire de l'art contemporaine africaine ? Africa Remix semble bien loin en tout cas dans ses intentions de « l'engouement Occidental pour un exotisme de la pauvreté » qu'elle dénonce. En citant Wole Soyinka et sa célèbre phrase « un tigre ne proclame pas sa négritude », Maureen Murphy ne sait peut-être pas que le concept de tigritude s'adaptait à un contexte précis, soit à la critique du concept de négritude, (dans Myth, Literature and the African world publié en 1976) et que l'auteur est d'ailleurs revenu entre temps sur cette expression, et même lors du colloque Africa Remix auquel il a participé. « Titillé » par Simon Njami sur cette expression, il a mesuré ses propos avec humour en disant que depuis, les choses avaient évoluées. En outre, cette exposition ne défendait pas à tout prix ce concept de négritude mais en empruntait seulement certaines références. Le souhait initial était de mener une réflexion autour d'une appartenance à un continent, à une culture, mais en élargissant les contours de cette réflexion grâce aux notions de diaspora et de syncrétisme. - Nous rejoindrons par contre Maureen Murphy dans ses critiques proférées à l'encontre du choix scénographique. « Une scénographie de la cacophonie », qui est due comme nous l'avons vu à des restrictions d'espace et à une sélection des artistes faite de compromis et d'engagements qu'il était ensuite difficile de décliner, sous peine de décevoir fortement certains artistes qui avaient été sélectionnés sur dossier...

Dans un autre article paru dans Parachute100, elle reprend les mêmes arguments et utilise le même champ lexical : anhistorique, cacophonie, exotisme de la pauvreté... mais elle va plus loin dans son analyse en attribuant les défaillances de l'exposition à un « non-dit, « ce péché » lourdement imprégné de culpabilité que représente la colonisation ». Africa Remix serait donc une exposition anhistorique, cacophonique, victime de ses fantasmes postcoloniaux et corrompue par sa propre culpabilité envers le colonialisme, tous ces défauts exacerbés par la présence de son mécène, Total, qui viendrait alourdir « l'expression de la fascination de la France pour ses anciennes colonies ». Comment les commissaires ont réagi à ces critiques : tout simplement dans une lettre ouverte publiée également dans Gradhiva à la suite de l'article de Maureen Murphy et de la façon suivante...

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote