B. Description de l'exposition. Données
physiques44
. Dimensions de l'espace d'exposition
L'exposition Africa Remix se déploie sur 2200
m245. La hauteur des plafonds de l'espace d'exposition est de 7
metres entre planchers (comme pour l'ensemble des étages). La longueur
totale de la galerie est d'environ 55 metres pour 40 metres de largeur (22
mètres au niveau de la baie vitrée) soit 15 400 m3.
L'espace se subdivise ensuite en un dédale de couloirs et d'espaces
cloisonnés conçus par la scénographe Nathalie
Crinières46. On peut dénombrer quatre couloirs
principaux qui s'étendent longitudinalement jusqu'à la baie
vitrée du fond de la galerie. On parcourt ces « esplanades »
en serpentant au fil des U qu'elles constituent dans l'espace initialement
rectangulaire de la galerie47.
. Cloisons / cimaises / chicanes / pièces de
projection et dispositifs particuliers
Nathalie Crinières, en concertation avec les
commissaires d'exposition et surtout avec Marie-Laure Bernadac a choisi de
scinder l'espace de la galerie 1 à l'aide d'un nombre total de 70
cloisons de 340 ou 480 cm d'épaisseur. Ce sont des cloisons double face,
double peau d'une épaisseur de 14 ou 60 cm (15 cimaises) avec pour
certaines de la laine de verre à l'intérieur pour l'isolation
phonique des salles de projection vidéo. Elles sont
réalisées en Placoplatre et sont constituées d'une
ossature métallique en acier galvanisé. Les salles de projection
servent à la fois à isoler les vidéos mais leurs parois
assurent aussi l'accrochage d'oeuvres à l'extérieur des salles.
Si l'on prend pour exemple la salle de
44 Pour tous les artistes et les oeuvres citées
dans cette partie, se référer au Volume iconographique,
classement par ordre alphabétique des artistes.
45 Voir Volume annexes, annexe 5 Différentes
vues de l'exposition, p.18.
46 Nathalie Crinière est
diplômée de l'école Boulle en Architecture
intérieure et de l'école Nationale supérieure des Arts
Décoratifs de Paris en design industriel. Après avoir
étudié à La Georgia Tech Institute of Technologie
d'Atlanta en Géorgie, elle passe ensuite un an à Barcelone en
Espagne dans l'agence de Pepe Cortes, architecte d'intérieur.
De retour à Paris, après un passage dans différentes
agences, elle exerce d'abord en indépendant avant de monter sa SARL :
l'agence NC Nathalie CriniOre. Elle a scénographié
plusieurs expositions pour le Centre Pompidou dont l'exposition
Aurélie Nemours en 2004 et Rainer Werner Fassbinder en
2005. L'exposition Oum Kalsoum à l'Institut du monde arabe est
la dernière exposition organisée par l'agence Nathalie
Crinière en juin 2008.
Voir aussi Volume annexes, annexe 12 CV de l'agence NC, p.44.
47 Voir Volume annexes, annexe 6 Plans
intermédiaires (n° 1 / 15), p.23, annexe 7 Plan final n° 25,
p.26 et annexe 8 Maquette de l'exposition Africa Remix (photographie
du plan à l'échelle 1/200e), p.28.
projection de Soly Cissé, on note qu'elle est attenante
au mur ouest de la galerie 1 sur sa largeur, et que la cloison
extérieure, côté travée, permet l'accrochage de
l'oeuvre Swimmer de Berry Bickle. Ces 15 cloisons plus larges offrent
aussi un rythme particulier à l'espace en donnant une présence
plus importante à certaines séparations. Elles peuvent permettre
aussi, suivant leur longueur, d'isoler certaines oeuvres des autres
phoniquement ou visuellement. On peut ainsi supposer qu'il s'agit là
d'un choix scénographique pour palier à la promiscuité des
oeuvres.
L'ensemble de ces dispositifs scéniques constituent des
dizaines de chicanes qui ralentissent le parcours des visiteurs ou au contraire
de larges couloirs permettent de prendre un certain recul par rapport aux
oeuvres (rarement plus de deux metres...) tout en offrant une perspective sur
les baies vitrées au fond de la galerie et donc sur la ville.
Ces cloisons participent aussi à la constitution de 14
dispositifs de projection vidéo dont 9 cabines entièrement
isolées et 5 cabines de projection à demi fermées. La
taille de ces salles varie de 11 mètres par 5 pour les plus grandes
(Moataz Nasr ou Ingrid Mwangi) à 5 mètres sur 4 pour les plus
petites (Goddy Leye ou Michèle Magema). 2 cloisons pour les
vidéos respectives de Zoulikha Bouabdellah et de Patrice Félix
Tchicaya ont du être équipées de trappes et de supports
écran pour encastrer les projections dans les « murs
»48.
A noter également que l'installation de Mounir Fatmi,
Obstacles49, a nécessité l'élaboration
d'un plan particulier étant donné la complexité de sa
structure ainsi que les installations d'Ito Barrada, Body Isek Kingelez et de
Dilomprizuliké qui reposaient sur des socles (ronds pour les deux
premiers et rectangulaire pour le dernier).
Enfin, certaines salles de projection sont
équipées de vélums de type smoke-out (norme de
sécurité) à une hauteur maximale de 330 centimètres
(Salle de projection, salles d'Amal et Abdel El Ghany Kenawy ou de Zineb
Sedira) ou de plafonds avec laine de verre pour obtenir une meilleure isolation
(Ingrid Mwangi et Moataz Nasr). Les murs des salles de projection sont peints
en noir ou blanc. En noir : Goddy Leye, William Kentridge, Joël
Andrianomearisoa, Abdel Ghany et Amal Kenawy ; en blanc : Michèle
Magema, Zineb Sedira, Ingrid Mwangi, et Yinka Shonibaré50.
. Plafond / sol / couleur des murs
48 Voir Volume annexes, annexe 11 Trappes Africa
Remix, p.40.
49 Voir Volume annexes, annexe 12 Plan de
l'installation de Mounir Fatmi, p.42.
50 Voir Volume annexes, annexe 10 Description des lots
N° 1, 2 et 3, p.30.
Le plafond de la galerie 1 du niveau 6 est constitué
d'un ensemble complexe d'ossatures métalliques. Conformément
à la priorité qui a été donnée lors de la
construction de libérer l'espace intérieur des gaines techniques
et des organes de circulation en les rassemblant au niveau du plafond des
salles, un ensemble de tubulures de différentes diamètres,
couleur inox ou blanches, sont visibles au dessus des cimaises
installées pour l'exposition. Au-delà de ces gaines, on discerne
le plafond de l'étage à sept metres de hauteur. Le sol est
recouvert de résine gris clair depuis la construction de
l'édifice mais la salle de cinéma, la salle de musique et la
cabine de Moatsz Nasr ont été recouvertes de moquette grise pour
l'exposition. Celle de William Kentridge présente une épaisse
moquette noire.
Certains murs sont peints dans « des couleurs ne
rappelant pas spécialement l'Afrique»51 . Les peintures
employées sont de phase aqueuse haut de gamme de type hydrotex et la
gamme est assez soutenue : bleu, orange, rouge, vert... Les couleurs exactes
sont : Bleu de Kossou, Rouge Paris, Orange coloquinte, Vert ciboulette, Bleu
Luzien et Brun Lozère, ainsi que le Gris petit cheval (nuanciers La
Seigneurie). L'ensemble des murs est gris petit cheval sauf quelques pans comme
suit 52:
- Brun Lozère : Chéri Samba,
- Bleu Luzien : Abdoulaye Konaté, Paulo Capela, Berry
Bickle, Cyprien Tokoudagba, Benyounès Sematati, Julie Mehretu,
- Rouge Paris : Franck K. Lundangui, Abu Bakarr Mansary,
- Orange coloquinte : Cheikh Diallo,
- Ocre : Yinka Shonibaré (couleur faisant partie
intégrante de l'installation),
- Bleu, blanc, rouge : Zoulikha Bouabdellah (couleur faisant
partie intégrante de l'installation). Au départ, ces trois
couleurs devaient être pailletées mais l'idée a
été abandonnée faute de budget.
Ici, les couleurs ne semblent correspondre à aucune
logique particulière si ce n'est participer au rythme et à
l'habillage de l'espace. Étant donné la thématique
tripartite de l'exposition, on aurait été tentés de penser
que les couleurs des cimaises auraient pu correspondre aux trois sections
auxquelles les artistes appartenaient mais il n'en est rien.
La seule intention de la scénographe et des
commissaires était d'utiliser des couleurs pour égayer l'espace
(exposition africaine tout de même), sans pour autant tomber dans des
lieux communs coloristes ou des indications trop lourdes sur les intentions des
artistes. Notons également qu'à titre d'exemple, le mur sur
lequel étaient exposées les oeuvres de Chéri Samba au
Museum Kunst Palast de Düsseldorf était de couleur ocre, la salle
Cheikh Diallo était approximativement de la même couleur orange,
le mur autour de l'installation de Yinka Shonibaré était blanc et
enfin, celui qui servait de support aux oeuvres de Julien Tokoudagba
était noir. Bref, hormis l'installation de Cheick Diallo, il n'y a pas
de correspondances à noter entre l'exposition de Paris et celle de
Düsseldorf au niveau de la couleur des murs.
. Éclairage
L'ensemble de l'exposition est éclairée par un
système de spots sur rails fixés longitudinalement tout le long
des travées et des couloirs à environ 5 mètres du sol. Les
éclairages sont la plupart du temps indirects, plutôt doux, et
accrochés en ligne, à part pour quelques oeuvres qui jouissent
d'un faisceau direct comme Sasa de El Anatsui (ce pan de tissu
monumental rebrodé d'aluminium et de fils de cuivre justifie
certainement cette éclairage brut qui en fait scintiller la surface) ou
Waiting for Bus de Dilomprizuliké, installation fantomatique
qui s'étale en biais sur plusieurs metres au milieu d'un large couloir.
Pièce maîtresse de l'exposition, cette installation s'inscrit avec
insistance dans l'espace grace à cette lumière vive. Pour
confronter le visiteur à la rudesse de ses aquarelles,
Barthélémy Toguo a choisi aussi un éclairage violent mais
diffus qui sature l'espace et marque un temps fort dans l'exposition. Il en va
de même pour Mounir Fatmi avec Obstacles, qui tout au
début de l'exposition, nous aveugle de lumière et de messages
initiatiques (pour pénétrer dans l'exposition).
Enfin, trois oeuvres requièrent un éclairage
spécifique. Down by the River d'Ingrid Mwangi qui associe dans
un même espace une vidéo et une installation (large bande de terre
ocre rouge saupoudrée au sol où sont inscrits des mots).
L'extrémité de la bande de terre est faiblement
éclairée par une lampe suspendue au plafond qui affleure le sol
terreux. La vidéo se joue à l'autre extrémité de la
pièce, ce qui permet ainsi que les deux entités ne se parasitent
pas l'une l'autre. African Adventure de Jane Alexander a la
particularité d'être entiérement
éclairée sur tout son long par trois lustres pompeux en cristal
sensés participer à l'évocation du riche passé
colonial de l'Afrique du Sud. Enfin, l'installation History as an aspect of
oversight in the process of progessive blindness d'Andries Botha comporte
un temps fort lumineux en présentant un mur de béton trés
fortement éclairé qui soutien une vitrine contenant des
reproductions de têtes d'Africains.
Bref, l'éclairage peut-être
considéré comme un des points forts de cette exposition. Il
participe à désenclaver certaines oeuvres majeures de la
promiscuité dans laquelle elles sont engoncées et sa structure
linéaire accentue le parcours à suivre pour appréhender la
plus grande partie des oeuvres. Il joue un rôle de stimuli visuel qui
évite d'omettre certaines pieces et de relâcher trop tôt une
attention déjà bien sollicitée. Moins qu'un succés,
il s'agit peut-être là d'une tentative réussie d'aller
à l'encontre de contraintes scénographiques trés
pesantes.
. Environnement sonore / technique
Comme dit précédemment, la plupart des salles de
projection sont construites avec des cloisons de 60 cm d'épaisseur et
remplies de laine de verre. De plus, 11 d'entre elles sont chapeautées
de plafonds qui protègent les autres installations du parasitage sonore
ou lumineux. On peut voir encore ici des installations spécifiques dues
à la promiscuité des oeuvres. En termes d'installations
techniques, on peut noter la présence d'un important appareillage
technique qui concerne 25 artistes soit un tiers des protagonistes. 43 lecteurs
DVD, plus de 10 écrans plasmas, 15 projecteurs vidéo composent le
parc technologique de l'exposition avec des installations plus ou moins
complexes selon les artistes53.
. Signalétique / cartels / communication
La signalétique de l'exposition comprend :
- un texte générique introductif à
l'extérieur de l'exposition en vinyle adhésif noir directement
apposé sur le mur ainsi qu'un texte de titrage et un texte
d'introduction des commissaires,
53 Voir Volume annexes, annexe 17 Liste des
installations audiovisuelles, p.59.
- 3 textes dits « pédagogiques » introduisant
chaque changement de section dans l'exposition,
- environ 200 cartels écriture jaune, rose, bleu et
vert sur fond blanc (couleur en fonction de la section à laquelle
appartiennent les oeuvres soit respectivement Identité et histoire ;
Corps et esprit ; Ville et terre ; Mode, design et musique). Ces cartels
indiquent le titre de l'oeuvre, le lieu, la date et la technique
employée et se déclinent en trois langues. 50 cartels
développés concernant les oeuvres clefs de l'exposition sont
également dispatchés dans l'espace54. Nous pouvons
également noter qu'au niveau du graphisme, la proposition retenue pour
l'ensemble des visuels de l'exposition est celle du catalogue 60 pages, avec
une composition plutôt géométrique et vivement
colorée (couleurs très « technologiques » rose, jaune
et bleu rappelant des faisceaux lumineux de type néons). Les couleurs
choisies pour les trois sections de l`exposition correspondent à ces
trois couleurs. Elles correspondent à des teintes classiques du nuancier
Pantone (soit un bleu Pantone 192-3, un jaune Pantone 1-3 et un rose Pantone
128-1). Marie-Laure Bernadac était tout à fait opposée
à cette charte graphique qu'elle jugeait « hideuse » : «
J'étais totalement contre des le départ et je pense que c'est
à cause de çà si nous avons eu aussi peu de monde. Le
graphiste était soutenu par le président et nous n'avons pas pu
intervenir. Très mauvaise affiche et trés mauvaise communication
réalisée. La seule chose que j'ai pu obtenir est que le catalogue
différe du reste de la communication...»55 . Il y a donc
un graphisme différent pour le catalogue général qui n'a
aucun point commun avec le reste des éléments de communication de
l'exposition. Notons que les visuels des autres expositions à
Düsseldorf, Londres et Tokyo étaient indépendants et
différents de ceux de Paris : très sobres pour le Museum Kunst
Palast et la Hayward Gallery et plus excentrique (peut-être conforme
à une certaine interprétation graphique des oeuvres africaines
par le graphiste japonais) pour le Mori Museum56.
Pour conclure sur la description physique de l'exposition,
nous pouvons préciser que des films pour atténuer la
lumière du jour ont été installés sur les baies
vitrées du fond de la galerie soit 26 pièces de 141 par 380 cm en
moyenne (Société Protec Solaire). Plus
54 Voir Volume annexes, annexe 14 Demande de devis,
note d'intention et graphisme, p.54.
55 Voir entretien avec Marie-Laure Bernadac, Volume
annexes, annexe 27, op.cit., p.9
56 Voir Volume annexes, annexe 15 Visuels, p.50.
généralement, le montage de l'exposition s'est
déroulé du 4 avril au 23 mai 2005 57 et le montant
total des travaux s'est élevé à 217 450 euros et 172 000
euros pour l'ensemble des publications58 . Le principal
mécéne de l'exposition est la firme Total. Nous ne savons pas
à quelle hauteur s'est engagé la firme dans le budget de
l'exposition mais la premiere page du catalogue 340 pages est
réservé au mot de son Président-Directeur
Général Thierry Desmarest qui proclame : « A travers le
soutien qu'il apporte à l'exposition Africa Remix au Centre
Pompidou, Total souhaite témoigner de son attachement au continent
africain, et permettre à tous d'en découvrir et d'en
apprécier la créativité et le dynamisme artistique
contemporain. » Attachement bien compréhensible quand on sait que
Total a enregistré un bénéfice net de 12,585 milliards
d'euros en 2006 (un chiffre en hausse de 5% par rapport à 2005). C'est
le plus gros profit jamais déclaré par une entreprise en France
et le pétrole de la zone Afrique représente près de 30 %
du total des productions du groupe. D'ailleurs, à mon sens, un des coups
d'éclat de l'exposition est le tour joué par Mohamed El Baz
quelques jours avant l'ouverture de l'exposition (en toute conscience de Simon
Njami) : Dans son installation Niquer la mort / Love supreme (2004),
l'artiste a écrit sur les murs « TOTAL.EMENT AFRICAIN OUA.H OUA.H
OUA.H ». L'OUA ou Organisation de l'Unité Africaine appelée
aujourd'hui UA, Union Africaine, est présidé par l'ancien chef
d'état nigérian Olusegun Obasanjo (remplacé par Umaru
Yar'Adua en 2007). Au mois de juin 2005, le Nigéria signa un accord
octroyant à Total 40% de participation dans l'exploitation d'une
nouvelle base de prospection offshore. Olusegun Obasanjo fut invité en
tant que président de l'UA au vernissage de l'exposition Africa
Remix.
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