II.2. De la matérialisation de la puissance de
la RDC
La puissance a depuis longtemps été
définie comme « la capacité d'une unité politique
d'imposer sa volonté aux autres unités47 ». Elle
est « la capacité de faire, de faire faire, d'empêcher de
faire ou de
47 R. ARON, Op Cit., P.17.
33
refuser de faire ». A ce titre ou à un
autre, les théoriciens réalistes des Relations Internationales
s'entendent sur les dimensions d'influence et de contrôle dans la
définition de la puissance48. La puissance est définie
par Joseph Nye comme << la capacité d'un pays à structurer
une situation de sorte que les autres pays développent des
préférences ou définissent leurs intérêts en
accord avec les siens » ou encore << de contrôler les
règles du jeu dans un ou plusieurs domaines clés de la
compétition internationale comme le soulignent Bertrand BADIE et SMOUTS.
C'est à travers la capacité à faire une guerre et à
la gagner qu'un État exprime donc principalement sa
puissance.
La RDC, comme nous l'avons montré
précédemment, dispose d'assez d'atouts pour arriver à
exercer le contrôle des règles du jeu de la compétition
interafricaine. Mais, les potentialités dont elle dispose sont
restées seulement une puissance matérielle potentielle,
c'est-à-dire l'incapacité de les transformer en
éléments de puissance réelle.
Cependant, la grande étendue d'espace que
possède la RDC n'est pas, non plus, sans inconvénients. Il est
évident que plus cette étendue est importante, plus l'État
éprouve de difficultés à étendre son contrôle
effectif à l'ensemble de son espace, à réaliser
l'intégration territoriale, c'est-à-dire à relier le
centre à la périphérie ainsi qu'à
l'intérieur du pays à travers des infrastructures de base
(routes). En outre, cette étendue d'espace s'accompagne de
frontières très vastes, d'où la défense de ces
frontières et le contrôle des mouvements de personnes et de
marchandises deviennent immaîtrisables. La géographie explique en
partie la difficulté du Congo, entouré de neuf États,
à défendre ses 9000 km de frontières et à
empêcher les tentatives des mouvements rebelles hostiles à son
régime et aux régimes voisins de se ménager des
sanctuaires sur son sol pour mener des attaques contre leur pays
d'origine.
48 C. #177; Philippe DAVID, Op. Cit., P.4.
Economiquement, la RDC présente des effets
néfastes dus à la non mise en valeur de ses ressources naturelles
et industrielles. Depuis un certain temps, l'économie de la RDC est
caractérisée par son bas niveau de productivité et son
incapacité à accumuler des richesses pour la consommation locale
et l'investissement. Sa survie actuelle dépend entièrement de
l'extérieur. Son économie est devenue dépendante des
économies métropolitaines ou des grandes puissances occidentales,
d'où le tarissement de l'aide publique extérieure avec pour
corollaire l'accroissement de la dette publique extérieure. La hauteur
et le poids de la dette intérieure et extérieure constituent un
obstacle important à la réalisation d'un programme minimum car au
moment où l'on s'attèle à stabiliser l'économie et
à relancer la croissance, il faut penser au remboursement de cette dette
afin de prouver la crédibilité des dirigeants49. C'est
pourquoi elle doit tout importer pour assurer son existence et ceci ne fait que
constituer des lourdes charges à l'État dont leurs
résolutions pèsent aux générations futures. C'est
ainsi qu'on peut remarquer sur le plan industriel que la RDC dispose d`un outil
vétuste très rarement renouvelé et d'autres tombés
en faillite il y a belle lurette, d'où la plupart d'entre eux ne
fonctionnent plus.
Actuellement, même les institutions bancaires ne
fonctionnent pas correctement et on assiste souvent à la
dévaluation du franc congolais face au dollar américain, devenu
monnaie de transactions dans les échanges commerciaux. La
dépréciation chronique, la non convertibilité de la
monnaie nationale et l'existence de plusieurs zones monétaires sont des
obstacles majeurs. Les congolais bafouent leur propre monnaie pour faire usage
des billets des banques étrangers notamment par la dollarisation de
l'espace économique national.
Le couple Marie-France CROS et François
MISSER50 affirme dans leur ouvrage que l'économie de la
RDC est à 90% informelle. Elle est du reste une «
économie populaire » marquée par la multiplicité
d'activités
49 E. - NGOY KASONGO, Op. Cit., P.2.
50 M.- F. CROS et F. MISSER, Op. Cit., P.26.
35
« dérisoires » mais, prises dans leur
ensemble, elles interagissent entre elles et s'organisent en dehors de
l'État pour former une machinerie économique et sociale
étonnamment forte.
Du point de vue démographique, on ne peut se
passer de la population congolaise marquée par une forte
diversité culturelle. Le faible degré d'intégration se
traduit par des phénomènes très divers qui
reflètent la fragilité de l'État : absence
d'identification des groupements d'individus propres à l'État.
Sur l'espace congolais, on ne sait pas distinguer un congolais d'un
étranger, ainsi on ne saura pas distinguer les ambitions de l'un de
l'autre et contrôler les mouvements des populations. La qualité
des frontières passoires dont dispose actuellement la RDC constitue un
défi majeur. On est libre d'entrer au Congo quand on le veut et sans
formalités légales. Aussi le niveau de culture civique ou
patriotique de la population congolaise fait une proie facile aux
désordres de tout genre en se laissant corrompre par des petites offres
pour des causes étrangères.
A en croire, le bas niveau de vie que connaît la
population congolaise laisse à désirer. Le congolais s'attendait
à un changement meilleur des conditions de vie après
l'établissement des institutions issues des élections
démocratiques. Mais quel désespoir ?
Cet état de choses occasionne des mouvements
migratoires des Congolais cherchant l'asile ou le soulagement dans des pays
étrangers. C'est ainsi qu'on voit s'accroître le nombre de
congolais de la diaspora. Les Congolais sont maintenant répandus partout
à travers la terre à cause de la misère réelle
vécue au pays. A ce point, si la RDC avait l'ambition d'ouvrir des
ambassades partout dans le monde, nous croyons bel et bien qu'elle n'aurait pas
tort car elle serait partout représentée par ses ressortissants.
Ce genre d'exode laissant le congolais fuir son pays constitue un grand danger
et un manque à gagner pour son avenir par la diminution d'une main
d'oeuvre abondante dans les industries, mais aussi en laissant derrière
des espaces vides susceptibles d'être occupés par des nouveaux
venus.
36
Les faiblesses au plan militaire et technologique sont
marquées par les manifestations d'une présence militaire
étrangère en RDC, l'assistance technique militaire par des
superpuissances et les interventions étrangères. L'armée
congolaise n'a jamais gagné une guerre sans faire appel à
l'extérieur51. C'est ainsi que pour repousser une agression
sur son territoire, la RDC recourt à des unités militaires
étrangères comme mercenaires. C'est avec ceci qu'on peut
illustrer le cas de la dernière intervention du Rwanda dans
l'opération conjointe « Umoja wetu52 » de RDF
(ex-APR)-FARDC pour la traque des FDLR (ex-FAR) et celui de l'opération
conjointe Ouganda (UPDF) -FARDC en vue de la poursuite des rebelles ougandais
de la LRA semant des troubles sur le sol congolais. Ceci constitue
énormément une faiblesse de la RDC. En recourant aux troupes
étrangères, le danger est imminent car les troupes de mercenaires
et des auxiliaires sont des armées d'autrui auxquelles un prince sage ne
peut compter indéfiniment car elles ne sont obéissantes que
lorsqu'elles reçoivent leurs soldes et peuvent déserter au moment
où on a encore le plus besoin d'eux pendant la guerre, comme elles
peuvent s'offrir au plus offrant et ainsi trahir53.
D'une part, l'existence des bases militaires
étrangères est de nature à dissuader les États
voisins de s'engager dans les aventures militaires (effet de dissuasion) ;
d'autre part, sur le plan interne, il est indéniable que la
présence des troupes étrangères sur le sol national est de
nature à assurer la stabilité du régime (quelle que soit
sa nature, démocratique ou non) dans la mesure où les opposants
peuvent craindre une intervention des forces armées
étrangères pour soutenir le gouvernement en place et maintenir
l'ordre établi.
Au plan culturel, l'État congolais se trouve
fragilisé par l'attachement à certaines valeurs
socio-traditionnelles qui peuvent
51 M.-F CROS et F.MISSER, Op. Cit., P.26.
52
www.altavista.com
53 G.- NGOIE TSHIBAMBE, Op. Cit., P.10.
37
constituer un frein au développement par la
résistance ou le refus de la modernité.
Au plan politique, l'appareil étatique
congolais reste caractérisé par un faible leadership, des recours
à la violence sous toutes ses formes, recrutement des agents publics et
des membres des partis politiques sur des bases subjectives (tribalisme,
népotisme, clientélisme), faible effectivité du pouvoir
d'hommes d'État (notamment la non application des règles de
droit), corruption, tendances autonomistes, etc., pourtant, la
personnalité des hommes politiques se prouve par la vive volonté
à prendre des décisions devant les menaces qui s'exercent contre
eux ou l'appareil de l'État et à envisager des types des
réponses appropriées pour repousser ces menaces.
C'est pourquoi, la mise en pratique par la RDC des
éléments proposés comme pistes de solution dans la section
suivante est de nature à rendre effectif le passage de la phase
potentielle de sa puissance vers celle de la puissance
réelle.
|