![](Strategie-des-acteurs-lors-de-lelaboration-et-de-la-mise-en-oeuvre-de-la-Loi-dOrientation-Ag1.png)
Stratégies des acteurs lors de
l'élaboration et de la mise en oeuvre de la Loi d'Orientation
Agricole au Mali.
![](Strategie-des-acteurs-lors-de-lelaboration-et-de-la-mise-en-oeuvre-de-la-Loi-dOrientation-Ag2.png)
Chantal Jacovetti
Master Acteur de développement rural
Institut des Régions Chaudes
SUPAGRO/IRC - Montpellier -2010
Directeur du mémoire : Denis PESCH -CIRAD
Jury : Jacques RIPOCHE, Denis PESCH, Marie-Jo DUGUET
Remerciement
Pour avoir eu la chance de me former pour valider mon
expérience -un clin d'oeil reconnaissant a Khalid BELARBI- dans le
Master Acteur du Développement Rural avec une équipe de
formateurs motivée dont le coordinateur Jacques RIPOCHE.
Pour le plaisir d'avoir pu aller a la rencontre des maliens et
maliennes pendant mon stage pratique et de partager un peu de leur histoire,
autour d'un thé avec mes voisins de cour, de quartier, les paysan-ne-s,
les interviewé-e-s, les maliens de France retrouvés
là-bas, à tous ceux et celles croisées, chacun-e apportant
sa pierre à cette découverte. Merci aussi à Anne, Anicet
et Narcisse avec qui j'ai partagé l'habitat.
Pour l'accueil a l'Université Mandé Bukari et
plus particulièrement a Cheibane COULIBALY et Nouhoum TRAORE, et
à Ibrahima COULIBALY et Ousmane DIALLO de la Coordination Nationale des
Organisations Paysannes, des personnes engagées hors du commun.
Pour avoir eu la confiance de Denis PESCH mon directeur de
mémoire du CIRAD qui m'a encouragé et éclairé tout
au long de ce mémoire.
A tous les africains et africaines qui m'ont ouvert leurs bras
et leur coeur, avec qui on a partagé ensemble de leurs pays ici ou
là-bas dans la joie et la bonne humeur avec à la clef des
amitiés.
Une tendre pensée à mes enfants Jonathan,
Céline et Robin me soutenant malgré mes fréquentes
absences pour toujours aller vers d'autres horizons.
Sommaire
REMERCIEMENT SOMMAIRE
LISTE DES SIGLES RESUME
MOTS CLEFS
INTRODUCTION 1
A. ÉTAT DES LIEUX, CONTEXTES ET ENJEUX AU MALI
3
1 UN GRAND PAYS ENCLAVE ET CONTRASTE 3
1.1 AU NORD, DÉSERT ET NOMADISME 3
1.2 AU SUD, EAU ET CULTURE 4
1.3 UN CONSTAT AGRICOLE PARTAGÉ 4
2 LES STRUCTURATIONS SYNDICALES AU MALI 5
2.1 LES PREMIERES STRUCTURATIONS PAYSANNES : SCAON, SYCOV,
SEXAGON 5
2.1.1 Syndicat des Colons et Agriculteurs de l'Office du
Niger : SCAON 6
2.1.2 Syndicat des Producteurs Cotonniers et Vivriers : SYCOV
6
2.1.3 Syndicat des Exploitants Agricoles de l'Office du Niger
: SEXAGON 6
2.2 LES OP SE FEDERENT AU NIVEAU NATIONAL ET REGIONAL 7
2.2.1 L'Association des Organisations Professionnelles et
Paysannes (AOPP) 8
2.2.2 Le Réseau des Organisations Professionnelles
Paysannes en Afrique (ROPPA) 8
2.2.3 La Coordination Nationale des Organisations Paysannes
(CNOP) 9
2.3 LES CHAMBRES D'AGRICULTURE (CA) ET L'ASSEMBLEE PERMANENTE DES
CHAMBRES D'AGRICULTURE DU MALI
(APCAM) 10
3 UN CONTEXTE GÉNÉRAL « EXPLOSIF
» 11
3.1 CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE 12
3.2 L'INTEGRATION REGIONALE PAS TOUJOURS FACILE A GERER 12
3.2.1 Une politique agricole commune l'ECOWAP 13
3.3 UNE DECENTRALISATION QUI SE HEURTE A UN MANQUE DE MOYENS ET
DES CONFLITS D'INTERETS 13
3.3.1 Une décentralisation aux mains des bailleurs,
bousculant les gouvernances locales 14
3.3.2 Décentralisation et LOA 15
3.4 LE FONCIER, UNE URGENCE DE SECURISER ET D'AMENAGER LES
ESPACES FONCIERS 15
3.4.1 Un mille-feuille de lois ingérable 16
3.4.2 Le foncier urbain plus important que le rural
17
3.4.3 Les États-Généraux du Foncier
(EGF) et la LOA 18
3.4.4 Des choix justifiés par le manque d'argent ?
19
3.5 UN CONTEXTE POLITIQUE EN DEUX ETAPES 20
3.5.1 2002-2007 : une volonté politique forte
20
3.5.2 Après 2007 : fragmentation du pouvoir et absence
de lignes directrices 20
3.5.3 La corruption gangrène la société
malienne 21
B. PROBLÉMATIQUE, HYPOTHÈSES,
MÉTHODOLOGIE 22
4 PROBLÉMATIQUE 22
5 LES HYPOTHÈSES 23
6 MÉTHODOLOGIE 24
Chantal Jacovetti LOA- Mali-2010 Stratégie des
acteurs
6.1 TYPOLOGIE DES ACTEURS 24
C. LE PROCESSUS D'ÉLABORATION DE LA LOA
27
|
7
|
DANS LES COULISSE DE LA NAISSANCE DE LA LOA
|
27
|
|
7.1
|
DES RÉPONSES ÉTATIQUES
|
27
|
|
7.2
|
UNE LOI CADRE QUI FERA L'OBJET D'AUTRES LOIS
|
28
|
|
7.3
|
CONVAINCRE LES FONCTIONNAIRES
|
30
|
|
7.4
|
L'OFFICIALISATION DES RELATIONS ENTRE L'ETAT ET LA CNOP
|
32
|
|
7.5
|
UN BUDGET POUR LA CNOP «LES FINANCES NE POUVAIENT PLUS
RESPIRER ! »
|
32
|
|
7.6
|
DES CONCERTATIONS AU VOTE « À LA FIN CHACUN S'Y
RETROUVAIT! »
|
33
|
8
|
LES GRANDES LIGNES DE LA LOA
|
34
|
|
8.1
|
QUELQUES POINTS FORTS REVENDIQUES ET APPORTÉS PAR LA
CNOP
|
35
|
|
8.1.1
|
L'Exploitation Agricole Familiale (EAF)°
|
35
|
|
8.1.2
|
La souveraineté alimentaire
|
36
|
|
8.1.3
|
Le financement
|
38
|
|
8.1.4
|
La politique foncière
|
39
|
|
8.2
|
LA RECONNAISSANCE DES OPA ET CHAMBRES D'AGRICULTURES
|
40
|
|
8.2.1
|
Les OPA reconnues dans la LOA
|
40
|
|
8.2.2
|
Attributions faites aux Chambres d'Agriculture (CA) dans la
LOA
|
40
|
|
8.3
|
LES INSTANCES DE GOUVERNANCE : REVOIR LA COPIE !
|
41
|
|
8.3.1
|
Le Conseil Supérieur de l'Agriculture (CSA)
|
41
|
|
8.3.2
|
Le Comité Exécutif National (CEN)
|
43
|
|
8.3.3
|
Le Comité Exécutif Régional (CER)
|
44
|
|
8.4
|
LE SECRÉTARIAT PERMANENT DE LA LOA (SP)
|
45
|
|
8.5
|
LES POINTS FOCAUX
|
46
|
|
8.6
|
ANALYSE DU POIDS DE CHAQUE MEMBRE DANS LE CSA, LE CEN ET CER
|
47
|
|
8.7
|
ÉVOLUTION DES ACTIVITÉS ENTRE LE DERNIER CSA ET
LE DERNIER CEN
|
49
|
|
8.7.1
|
Au niveau politique agricole générale
|
49
|
|
8.7.2
|
Au niveau des activités qui doivent être
menées au niveau des ministères
|
49
|
|
8.7.3
|
Au niveau des tâches du Secrétariat permanent
(SP)
|
52
|
D.
|
LA MISE EN OEUVRE
|
53
|
9
|
ÉTATS DES LIEUX/ANALYSE DES TEXTES SORTIS OU EN
COURS
|
53
|
|
9.1
|
QUEL BUDGET POUR QUELLE VOLONTÉ?
|
53
|
|
9.2
|
5 DÉCRETS SORTIS MAIS INSATISFAISANTS MALGRÉ DES
ATELIERS ET LE RECOURS AU CONSULTANTS
|
55
|
|
9.2.1
|
Un décret interprofession sans présence
obligatoire des paysans I
|
58
|
|
9.2.2
|
Le décret enregistrement et immatriculation pas encore
en place I
|
59
|
|
9.2.3
|
Le décret commissions foncières une
réponse aux conflits mais pas usitéI
|
59
|
|
9.3
|
LES TEXTES EN COURS
|
60
|
|
9.3.1
|
Parcours pour les procédures des textes
législatifs
|
61
|
|
9.3.2
|
Les textes prévus
|
63
|
E.
|
LA CNOP EN VOIE DE DÉSTABILISATION
|
74
|
|
9.4
|
L'AOPP PORTE D'ENTRÉE POUR DIVISER AU SEIN DE LA CNOP ET
PRIVILÉGIER L'APCAM
|
74
|
|
9.4.1
|
Les chambres d'agriculture un tremplin pour d'autres
élus paysans
|
75
|
|
9.4.2
|
La filière coton, outil de l'État et des
pro-OGM
|
75
|
|
9.5
|
D'AUTRES FACTEURS ONT PARTICIPÉ À
L'AFFAIBLISSEMENT DE LA CNOP
|
77
|
|
9.5.1
|
Une année à diffuser la LOA
|
77
|
|
9.5.2
|
Axe Formation, un bureau d'étude naviguant en eaux
troubles
|
77
|
|
9.5.3
|
Des représentants à multiple casquettes
|
78
|
|
9.5.4
|
Leader une place à haut risque
|
79
|
|
9.5.5
|
Des ressources financières et humaines «
limitantes»
|
80
|
F. DISCUSSIONS ET PISTES ? 81
10 « NOUS AVONS LE FEU, VOUS AVEZ LA VIANDE
FRAÎCHE, VENEZ CHERCHER LE FEU » 81
10.1 QU'ATTENDRE DU DERNIER COMITÉ EXÉCUTIF
NATIONAL (CEN)? 83
10.2 REMETTRE LA CONCERTATION AU COEUR DU PROCESSUS 85
10.2.1 La concertation un facteur clef de réussite
85
10.2.2 Définitions 85
10.2.3 Tableau comparatif sur la concertation entre
l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOA 86
10.2.4 Reconstruire de la stratégie concertée
90
11 UNE LISTE NON EXHAUSTIVE DE RECOMMANDATIONS
91
11.1.1 Au niveau institutionnel 91
11.1.2 Au niveau des organisations paysannes 92
CONCLUSION 94
BIBLIOGRAPHIE I
GLOSSAIRE III
Table des tableaux
Tableau 1 : Ossature de la LOA 28
Tableau 2 : Composition des instances de gouvernance 47
Tableau 3 : État des lieux des textes 50
Tableau 4 : Répartition des textes au sein des
ministères 63
Tableau 5 : comparatif sur la concertation entre
l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi 86
Tableau 6 : différents critères stratégiques
90
LISTE DES SIGLES
ACP
|
États d'Afrique-Caraïbes-Pacifique
|
79 États ACP signataires
d'accords de Lomé et Cotonou (2000) avec l'UE
|
ADEMA-PASJ
|
Alliance pour la Démocratie au Mali-Parti Africain pour
la
Solidarité et la Justice
|
Créé le 25 mai 1991.Au
pouvoir de 1992 à 2002
avec le président Alpha Oumar Konaré
|
AFDI
|
Agriculteurs Français et Développement
International
|
Créé en 1975 par les
principales OPA françaises
|
AN
|
Assemblée Nationale
|
|
APE
|
Accords de partenariat économique UE/ACP
|
Toujours en négociation
|
AN
|
Assemblée nationale
|
|
AOPP
|
Associations des organisations professionnelles et paysannes
|
Créé en 1995 par les
producteurs maliens
|
APCAM
|
Association permanente des chambres d'agriculture du Mali
|
Mise en place en 1988 par l'État malien et la France
|
ATT
|
Amadou Toumani TOURE
|
Président de la République du Mali de 1992
à aujourd'hui
|
BM
|
Banque mondiale
|
|
BNDA
|
Banque nationale pour le développement agricole
|
Créé en 1981 à Bamako
|
CEDAO
|
Communauté économique des États d'Afrique de
l'Ouest
|
Regroupement régional de 15 pays crée en 1975
pour promouvoir l'intégration économique
|
CIFA
|
Cellule Infra Structures et Filières Agro-pastorales
|
Organisation interne au 1er gouvernement d'ATT pour la LOA
(2002/2007)
|
CILSS
|
Comité Inter-Etats de lutte contre la sécheresse au
Sahel
|
Créé en 1973 avec l'appui de 9 États
africains suites aux grandes sécheresses de 1970
|
CMDT
|
Compagnie malienne pour le développement des textiles
|
Société d'économie mixte
créée en 1974
|
CNOP
|
Coordination nationale des organisations paysannes
|
Créée en 2002 et
|
|
|
enregistrées en 2004
|
CSCRP
|
Comité stratégique de croissance pour la
réduction contre la Pauvreté
|
2007-2011
|
CT
|
Collectivité(s) territoriale(s)
|
|
ECOWAP
|
Politique agricole régionale pour l'Afrique de l'Ouest
|
Première approche dans le traité de 1993 de la
CEDEAO
|
EGF
|
Assises Nationales des États-Généraux du
Foncier
|
7 au 11 décembre 2009 à Bamako
|
FCFA
|
Franc de la Communauté Financière Africaine
|
Monnaie commune des
pays de l'UEMOA
1 Euro=655,957 FCFA
|
FMI
|
Fond monétaire international
|
Créé en 1945, gouverné par 187
États
|
FNAFR
|
Fédération nationale des associations de femmes
rurales du Mali
|
Adhérente de la CNOP
|
FNAJR
|
Fédération nationale des jeunes ruraux du Mali
|
Adhérent de la CNOP
|
GIEF
|
Groupement d'Intérêt économique
féminin
|
|
LOA
|
Loi d'orientation Agricole
|
promulguée 5/09/ 2006
|
LOAPS
|
Loi Agro-pastorale du Sénégal
|
2004 au Sénégal
|
M
|
Million ou millions
|
|
NEPAD
|
Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique
|
Le G8 avalise la Nouvelle
Initiative Africaine en 2001, dont le NEPAD est la mise en
oeuvre.
|
ODR
|
Opération de développement rural
|
Sous Moussa TRAORE
(1968/1991),encadrer les campagnes maliennes
|
OHADA
|
Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires
|
Crée en 1993 à Port-Louis, regroupe 16 pays
africains
|
ON
|
Office du Niger
|
Créé en 1932, dernière
restructuration 1995
|
OP
|
Organisation paysanne
|
|
OPA
|
Organisations professionnelles Agricoles
|
|
PAS
|
Plan d'ajustement structurel
|
Imposés par FMI et BM dès
|
|
|
les années 80
|
PEDES
|
Projet de développement économique et social
|
le « projet de société pour un Mali qui gagne.
~ d'ATT
|
POS
|
Plan d'Orientation Stratégique
|
Objectifs de la CNOP
|
ROPPA
|
Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l'
Afrique de l'Ouest
|
Créé 2000, regroupe 10
pays d'Afrique de l'Ouest
|
SDDR
|
Schéma Directeur du Développement Rural
|
Créé en 1992 actualisé en 2002
|
SEXAGON
|
Syndicat des Exploitants Agricoles de l'Office du Niger
|
1995 succède au SCAON
|
SYCOV
|
Syndicat des Producteurs Cotonniers et Vivriers
|
Créé en 1992
|
UE
|
Union européenne
|
|
UEMOA
|
Union économique et monétaire ouest africaine
|
crée en 1994 par 7 pays ayant la même monnaie
|
VC
|
Via Campesina
|
Mouvement international
de paysans créé en 1993 en Belgique
|
RESUME
Depuis les État-Généraux du monde rural
de 1991, les paysan-ne-s du Mali réclamaient une politique agricole. En
2003 le projet d'une Loi d'Orientation Agricole (LOA) est lancé. Elle
sera votée en septembre 2006 « applaudie par tout le monde ».
De nombreuses concertations déléguées à la
Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) ont été
menées. Paysans et gouvernement sont sortis grandis de cette
première étape. Nous étions dans le premier mandat du
président Amadou Toumani TOURE (ATT). L'agriculture était a
l'honneur et des moyens tant financiers qu'humains avaient été
dégagés. Le rôle incontournable de la Cellule
Infrastructure et Filières Agro-pastorales, a permis à la voix
paysanne de s'exprimer, bousculant les us et coutumes de gouvernance. Trois ans
après où en est-on ? Au moment de sa mise en oeuvre le contexte
politique est modifié malgré la réélection du
même président. Les difficultés liées au foncier, la
décentralisation, la corruption ne cessent de s'aggraver tandis que
l'autorité de l'État s'affaiblit. Sans volonté et
directives fortes - malgré les structures prévues dans la LOA
pour une bonne gouvernance dans son application- les services
ministériels et paraétatiques ont repris leurs
prérogatives « défendant leur pré-carré »
au détriment de la concertation et d'une stratégie collective qui
avaient été la clef de la réussite de l'élaboration
de la LOA. La CNOP peu préparée a cette phase, n'ayant plus de
soutien politique, avec moins de ressources humaines et financières, et
l'arrivée de nouveaux élus est déstabilisée. A ce
jour des acteurs sont conscients des blocages, l'application de la LOA
végète. Quelles capacités les acteurs vont
développer pour que la mise en oeuvre de la LOA réponde aux
espoirs suscités lors de son adoption ?
ABSTRACT
Since the États-Généraux of the rural
world of 1991, Mali's farmers demanded an agricultural policy In 2003 the
project of Agricultural Orientation Law (LOA) is launched. It will be voted in
september 2006 "applauded by everyone." Many consultation delegated to the
National Coordination of Peasant Organizations (CNOP) were led. For farmers and
government it was a successful. We were in the first term of President Amadou
Toumani Toure (ATT). Agriculture had the honour and financial and human
resources had been brought. The key role of the Unit and Infrastructure Sectors
Agropastoral, allowed the peasant voice to express itself, knocking down the
habits and customs of governance. Three years later where are we? At the time
of its implementation the policy context is altered despite the reelection of
the president. The problems related to land, decentralization, corruption are
worsening while the state authority weakens. Without strong guidance and
commitment - despite the structures provided in the LOA for good governance in
its application-, government departments and parastatals have took back theirs
privileges "defending their back yard" at the expense of dialogue and a
collective strategy which had been the key to success of the elaboration of the
LOA . CNOP unprepared for this phase, without political support, with fewer
human and financial resources, and the arrival of newly elected officials is
destabilized. So far the players are aware of the obstacles, the implementation
of the LOA vegetate. What capacities the actors are going to develop so that
the application of the LOA answers the hopes aroused during its adoption ?
Loi d'Orientation Agricole malienne/Mali's Agricola
Orientation Law -- concertation/stratégie collective /
concertation/collective strategy-- gouvernance/governance-- textes
législatifs agricoles/ agriculture
law--foncier-décentralisation/ earth-decentralization
- État/organisations paysannes maliennes/ state
/paysan organisation -- stratégies des acteurs -- /actor's
strategie, CNOP/AOPP- Chambres
d'Agriculture/APCAM-politiques publiques-/public politic
INTRODUCTION
Du 22 septembre 1960 date de l'Indépendance du Mali a
aujourd'hui, de nouvelles relations ont été mises a l'oeuvre
entre les institutions publiques et les autres acteurs de la
société, en particulier le monde paysan qui « était
méprisé ~ surtout par le monde politique et administratif a
l'inverse du monde intellectuel. Celui-ci est passé d'une mise sous
tutelle par les différents gouvernements a une prise de
responsabilité face au désengagement de l'État du aux
Plans d'Ajustements Structurels (PAS) et a une reconnaissance comme acteur
principal, via la Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali
(CNOP), lors de l'élaboration de la Loi d'Orientation Agricole (LOA)
pour mener les concertations en 2005.
Les évènements de 1991, renversant une
présidence militaire, avaient amorcé le début de la
démocratie et adopté la voie du libéralisme. La
Constitution du 25/02/1992 reconnait le multipartisme, les associations, les
syndicats, la liberté de la presse. De Conférence Nationale en
États-Généraux, les espaces d'expression se multiplient.
Depuis, le Mali ferait parti des pays de l'Afrique de l'Ouest qui aurait
réussi leur transition politique, sous-entendu la mise en place de la
démocratie. Mais comme s'interroge Alexis Roy1 :
« L'apparition d'espaces de médiation entre
l'État et les paysans, effet croisé de la transition politique,
de la structuration du monde paysan et de la pression des bailleurs de fonds,
témoigne des nouvelles relations « gouvernants-gouvernés
»
Dans ce monde en mouvement, les paysan-ne-s du Mali se sont
petit à petit structurés à tous les échelons pour
faire entendre leur voix et agir. Lors de l'élaboration de la LOA,
l'interlocuteur paysan choisi, a été la CNOP. Née en 2002,
elle s'est retrouvée propulsée en 2005 sur le devant de la
scène par le chef de l'État luimême, Amadou Toumani
Touré, dit ATT,pour mettre en place le processus de concertation. La LOA
n°06- 40/AN-RM (voir annexe n°1) est votée le 16 août
2006 a l'unanimité a l'Assemblée nationale (AN). « Applaudie
par les paysans ~ dixit un responsable paysan. Trois ans plus tard alors que sa
mise en oeuvre devrait être en pleine phase de croissance et
opérationnelle, l'élan qui avait mobilisé de nombreux
acteurs semble brisé. La LOA échafaudée en grande partie
sur la base des revendications paysannes semble aujourd'hui leur
échapper au moment de la sortie des décrets. Quels sont les
facteurs qui ont amené à cette situation ?
A ce jour, d'après mes recherches, aucun travail
d'analyse n'a été recensé sur la mise en oeuvre de la LOA
du Mali. Ce sujet m'interpelle car moi-même paysanne et syndicaliste,
j'ai été invitée au Forum Social Mondial de Bamako en
janvier 2006. L'effervescence au sujet du processus de concertation irriguait
tous les réseaux paysans. On était en pleine phase
d'élaboration et les premiers textes de pré-projet de la loi
portaient une vision d'une politique agricole innovante. La souveraineté
alimentaire, l'équité entre hommes, femmes, jeunes pour
l'accès au statut, à la terre étaient écrits noir
sur blanc. Cet optimisme relevé par certains chercheurs (NARDONNE) ou
structure (GRET) laissait présager qu'enfin une LOA serait l'écho
de la voix paysanne. Aujourd'hui les faits contredisent cet espoir. Le soutien
politique dont avait bénéficié la CNOP lors de la
première phase n'est plus au rendez vous au moment de la mise en oeuvre,
alors que c'est le même président en place.
Comme l'avait anticipé, Ibrahima COULIBALY,
président de la CNOP, dans la préface du Mémorandum paysan
(voir annexe 2)
« Assurément, le défi des concertations
paysannes a été relevé et de fort belle manière
!... mais tout n'est pas réglé... Beaucoup reste encore a faire
sur le chantier de la réalisation de la LOA au Mali. Aujourd'hui, il
faut déjà faire en sorte que le projet de texte final qui sera
adopté puisse refléter, autant que faire se peut, les aspirations
profondes du monde rural. Ft demain, il faudra faire en sorte que les paysannes
et paysans
1 Alexis Roy, 2009, Subvertir et définir : que nous
apprend le militantisme sur les espaces politiques en « transition »
Les syndicats de producteurs de coton au Mali : la représentation
paysanne confisquée ?
du Mali puissent s'approprier la LOA et concourir
conséquemment a sa mise en oeuvre et a son suiviévaluation. C'est
a ce prix et a ce prix seulement que le pari de la LOA sera gagné au
Mali ».
Ce souci fait écho aux propos d'Ibrahima Assane MAYAKI,
ancien 1er ministre du Niger et dont le constat est au coeur du
mémoire :
« En général, la concertation avec les
acteurs est valorisée dans les étapes de construction de la
« vision » et de « l'évaluation ex post '> *...+ Par
contre, elle est fortement négligée lors de la formulation des
politiques et de leur mise en oeuvre ».
C'est ce décalage entre la phase d'élaboration
oü la CNOP a joué un rôle central avec le soutien du pouvoir,
et la phase de mise en oeuvre, beaucoup plus problématique, que ce
mémoire va tenter d'expliquer.
Le rapport se divise en 6 parties :
A] État des lieux, contexte et enjeux : cette partie
est nécessaire pour comprendre à travers la démographie,
l'intégration régionale, la décentralisation, le foncier,
la corruption, les changements de rapport de force politique pendant les deux
mandats d'ATT.
B] Problématique, hypothèse et
méthode.
C+ Le processus d'élaboration de la LOA : des
prémices de l'élaboration au sein de l'appareil étatique
jusqu'au vote de la Loa a l'assemblée nationale en passant par la
délégation des concertations à la CNOP. Puis les points
forts paysans revendiqués et inscrits dans la LOA, la reconnaissance des
OP et des chambres d'agriculture, les instances de gouvernances.
D+ La mise en oeuvre : un état des lieux des textes sortis
: 5 décrets, puis illustration des dysfonctionnements et comportements
des acteurs à partir de quelques textes en cours :
3 pré-projets : la transhumance, statut, l'attribution de
subvention dans le cadre de la gestion des ressources naturelles.
2 politiques : foncière et semencière.
E] La CNOP en voie de déstabilisation : des facteurs
internes et externes interfèrent au sein de la CNOP.
F] Discussions et pistes.
A. État des lieux, contextes et enjeux au
Mali
« On a trouvé en bonne politique le secret de
faire mourir de faim ceux qui en cultivant la terre font vivre les autres
» Voltaire (1694-1778) dans le Sottisier.
1 UN GRAND PAYS ENCLAVE ET CONTRASTE
Composé de 2 triangles inégaux,
séparés par le fleuve Niger, le Mali est le reflet d'un
découpage géométrique et arbitraire, héritage des
colonies et de l'Indépendance (voir carte annexe 3). Dans les
années 1960, l'Afrique de l'Ouest s'est retrouvée «
balkanisée ~ selon l'expression de Mamadou CISSOKO (2009). Les
Indépendances « n'ont pas été construites ensemble,
mais d'une manière individuelle, territoire par territoire » sans
tenir compte des populations. N'ayant pas pu se fédérer avec le
Sénégal en 1960, le Mali se retrouve enclavé sans
débouché maritime et avec une seule voie de chemin fer, celle de
Bamako/Dakar. Il est frontalier avec 7 pays : Algérie, Burkina-Faso,
Côte-d'Ivoire, Guinée équatoriale, Mauritanie, Niger et le
Sénégal.
Le Mali est un immense pays plat d'une superficie de 1 240 192
km2- soit presque 2,5 fois la France -localisé en Afrique de
l'Ouest subsaharienne. Seulement un 10ème du territoire
présente des reliefs : le long des frontières de la Guinée
et de la Côte-d'Ivoire où dominent du haut de leurs 800
mètres les Monts Manding et le massif gréseux de
Kénédougou, tandis que le plateau Dogon, avec comme point
culminant le Mont Hombori (1155m), s'étire vers le Burkina-Faso. L'Adrar
des Ifoghas, massif cristallin, royaume des Touaregs, surplombe
a 890 mètres du côté algérien. Bamako,
la capitale, complètement excentrée aux confins de la
Guinée, s'étale dans une cuvette entre les Monts Manding, au bord
du Niger.
1.1 AU NORD, DÉSERT ET NOMADISME
Le triangle nord, le Sahara, couvre 60% du pays oü domine
l'élevage nomade exercé par « les pasteurs de bovidés
», Peuls et Maures. Malgré la faiblesse de la couverture sanitaire
du cheptel et de son alimentation, le secteur de l'élevage avec environ
25 M de têtes, tout cheptel confondu, est le 3ème
produit d'exportation après l'or et le coton. Plus de 50% de
l'élevage bovin, 97% des camelins, 75% des ovins et 65% des caprins sont
dans cette région. Plus d'1 million de têtes de bétail
transhument 2 fois par an de novembre a avril, du Sahara aux rives du Niger,
dans les bourgous, pâturages naturels libérés par les eaux.
Il est un des troupeaux le plus important de l'Afrique de l'Ouest. Il
représente 10% du PIB, 35% des exportations et participe à 80% au
revenu des populations rurales. En plus des sécheresses qui
déciment régulièrement les
troupeaux2, les éleveurs sont
confrontés a l'avancement du désert (1 km par an), a la
disparition des pistes, a l'expansion des cultures et des « bortols »
3asséchés, au surpâturage, aux
« champs maudits4», aux transhumances
transfrontalières entrainant des conflits de plus en plus nombreux. 25 M
de volailles, 120 000 équins, 64 000 porcins complètent la
palette. La consommation annuelle de viande par habitant est estimée
à 6 kg : la viande bovine fournit 51% des besoins, les petits ruminants
32%, le reste étant assuré principalement par la volaille...
2 1973/1974 environ 5 millions de têtes emportés
dont 80% dans le Nord
3 Point d'eau
4 Champs rendus stériles pour cause de concentration
d'excréments lors des étapes de transhumance
1.2 AU SUD, EAU ET CULTURE
Le Niger, long de 4200 km dont 1700 km au Mali avec 1308 km
navigable, « le fleuve des fleuves », traverse le pays d'ouest au
sud-est dans une grande courbe « la bosse du chameau », avec 2
affluents le Bani et le Bangoé. Avec le Bakoy et le Bafing affluents du
Sénégal, c'est le royaume des cultures de rente et de la
pêche. Le seul delta central du Niger dispose de plus de 30 000
km2 de mares. 180 espèces de poissons d'eau douce peuplent
ces cours d'eaux dont le Mali en est un des premiers pays producteurs. Le
secteur de la pêche avec 100 000 tonnes/an et 120 000 exploitations
recensées représentent 4,2 % du PIB. 10,5 kg c'est l'estimation
de poisson consommé par habitant et par an.
Le triangle du sud est dominé par la
culture. Mil, sorgho dans les zones
dépendantes de la pluviométrie occupent 75 % des superficies dont
50% en mil. Les légumineuses 8% des surfaces dont 51% en
niébé et 44% en arachide. Ces cultures, alimentation de base des
ruraux, sont délaissées par les politiques agricoles et par les
investissements étatiques. Le riz nourriture de base des urbains utilise
13% des surfaces et le maïs 11% dans les zones irriguées. Le coton
culture de rente (600 000 t) est concentré sur 99% des surfaces
opportunes autour de Sikasso, Koulikoro et Ségou. Plus récemment
canne à sucre et cultures maraichères, vergers se
développent. Ces cultures font l'objet de toutes les attentions
gouvernementales. En 2002-2003 la production céréalière
s'élevait a 2,53 M de tonnes dont 28% de riz et 10% de
légumineuses alimentaires (rapport N'Diaya p 11).
« L'initiative riz ~ a pour objectif d'atteindre les 10
000 000 t en 2012, est prévu 350 000 tonnes de canne à sucre et
10 000 ha de blé. Depuis 1992/1993 les surfaces de mil et de sorgho sont
grignotées par le maïs et le riz, en apportant de l'eau.
Les propos du président de la CNOP dénoncent ces
choix incohérents pour la paysannerie :
«L'agriculture reste majoritairement tributaire de la
pluviométrie... l'irrigation ne concerne que « quelques zones
privilégiées » où la plupart du temps les
aménagements, souvent réalisés sur des fonds publics, sont
synonymes d'insécurité foncière pour les familles
paysannes. D'ailleurs, même la recherche agronomique s'est
polarisée sur ces zones humides oU l'on cultive le coton et le
maïs, délaissant les zones plus arides o l'on cultive le petit mil,
le sorgo et le niébé pour se nourrir et parer ainsi a
l'insécurité alimentaire ».
Déjà en 1995 le réseau GAO
dénonçait ces choix déséquilibrés et
partisans :
« Depuis les Indépendances
les États africains ont développé des politiques agricoles
dont l'objectif implicite était de prélever des surplus pour
financer l'appareil d'État... Concrètement cela signifie que
l'État s'est investi de manière très discontinue dans le
monde rural : des zones entières ont été laissées
complètement à l'abandon.»
L'exploitation forestière, du bois aux produits de
cueillettes contribue à 4,9% du PIB. La gomme arabique, les amandes et
le beurre de karité représentent 3,6% des exportations.
Le climat est de type intertropical continental
caractérisé par une saison sèche et une saison de pluies
de maijuin à octobre qui peut se réduire à 2 mois dans la
région du Nord. Mais ces dernières années, les saisons de
pluies ont tendance à raccourcir entrainant un climat plus aride et des
difficultés au niveau agricole.
1.3 UN CONSTAT AGRICOLE PARTAGÉ
Que l'on soit paysan ou au gouvernement, le constat sur
l'agriculture est le même dans le contexte de l'étude. Le secteur
Agricole socle de l'économie malienne n'est pas a la hauteur des
espérances du gouvernement et des paysans, alors que :
«Le Mali recèle de grandes
potentialités agro-sylvo-pastorales et halieutiques. Ce potentiel
productif global est estimé a 46, 6 M d'hectares, dont 12,2 M de terres
Agricoles, 30 M de pâturage, 3,3 M de réserve de faune, 1,1M de
réserve forestière. Il y a de vastes surfaces cultivables et
inondables 2,2 M d'hectares dont seulement 4% des terres sont cultivées
et 1% irriguées, des ressources en eaux importantes (2 600 km),
une
grande diversité biologique, des ressources
forestières et fauniques considérables, et un cheptel nombreux,
diversifié et adapté5.»
80%6 de la population est rurale,
avec un niveau de formation faible dont une frange importante de jeunes (47%
ont moins de 15 ans en 2006) et de femmes. Elles représentent 50,4% de
la population et 49% des actifs agricoles, contribuant à plus de 75 %
aux activités économiques du pays (EPAM 2007) et à 45% du
PIB (1994- 2000), grâce à leur investissement dans la
transformation et la commercialisation souvent sous forme associative,
coopérative qui ne demandent qu'à se développer.
75% des usines sont concentrées autour de Bamako. La
1ére industrie est alimentaire : rizeries, minoteries,
sucreries, huileries à partir de coton, arachides et noix de
karité, biscuiteries, confiseries, brasseries. La production peut varier
de 25% a 50% selon la pluviométrie, la maîtrise des ravageurs,
l'acquisition des intrants, les prix du marché. La COMATEX - Compagnie
Malienne de Textile - et ITEMA -Industrie Textile du Mali- exportent 90% de la
production, mais n'en transforment que 2% dans les huileries et les usines de
textiles
100 000 exploitations en production animale, 120 000 en
production piscicole et 694 560 exploitations7 en
production végétale sont recensées. Ces dernières
ont une sur une superficie moyenne de 4,7 ha. Les femmes sont les plus
pénalisées, 54% ont moins d'1 hectare contre 17% chez les hommes.
55% des familles paysannes maliennes, selon la FAO, n'ont pas
d'équipement de base : charrue, paire de boeufs, charrette et fumure
organique.
Un travail considérable est à faire pour
rattraper le retard actuel. En premier au niveau sociétal car la place
des exploitant-e-s et exploitations dans l'activité économique,
sociale, territoriale n'est pas reconnue et encore moins juridiquement. Des
unités de transformation et de commercialisation, liées a
l'amélioration des infrastructures -routes, électricité-
devraient être plus soutenues. Malgré le fait que les campagnes
contribuent grandement à la constitution du PIB, elles
bénéficient peu des retombées. De nombreux espoirs sont
mis dans la LOA.
2 LES STRUCTURATIONS SYNDICALES AU MALI
2.1 LES PREMIERES STRUCTURATIONS PAYSANNES : SCAON, SYCOV,
SEXAGON
Une multitude de formes d'organisations existent, souvent
très localisées ou avec un objet très précis. Mais
peu de structuration syndicale ont émergé, pour porter des
revendications face aux autorités, hormis sur les propres terres
gérées par l'État, dans l'Office du Niger et le Sud-Mali.
Grâce notamment aux programmes d'encadrement, la paysannerie s'est
organisée. Par exemple la Compagnie Malienne pour le
Développement des Textiles très présente sur le terrain a
alphabétisé 10 000 personnes/an alimentant une capacité de
réflexion autonome chez les producteurs qui « a surement permis
a l'origine la création du Syndicat des Producteurs Cotonniers et
Vivriers ». GENTIL (in DAGNON, 1992).
5 Note technique de présentation de la LOA et le point de
sa mise en oeuvre, 10 novembre 2009, ministère de l'agriculture
6 Les chiffres de ce paragraphe sont issus d'une étude sur
le statut des exploitants et exploitations agricoles, Bréhima N'DIAYE
7 Selon les résultats du dernier Recensement
Général Agricole de 2004
2.1.1 Syndicat des Colons et Agriculteurs de l'Office
du Niger : SCAON
Depuis le XIX éme siècle, le
colonisateur français avait introduit l'économie dite de traite,
introduisant la monétarisation et le déplacement forcé de
main-d'oeuvre, issue d'autres contrées, ethnies (Mossi).
Deux mesures fortes marquent le monde paysan qui était
sous le joug de la colonisation : l'abolition du travail forcé (11 avril
1946) et la loi accordant le droit d'association aux colonisés. Mais
l'adhésion obligatoire aux coopératives laissait peu de
liberté. Cette volonté, perpétuée par tous les
gouvernements, de spolier les paysan-ne-s des revenus de leur travail et de les
contrôler, leur laissait peu de marge de manoeuvre. Il y a eu plus de
résistance passive qu'active, même si un des premiers acte fort,
la manifestation de 1000 colons en 1944 à Niono reste dans les
mémoires8 .Dix ans plus tard naissait le
premier syndicat le SCAON qui a été récupéré
puis dissout par les mêmes qui ont pris le pouvoir au moment des
Indépendances. Traités comme des
esclaves9, « le paysan a l'époque
*années 60+ est prié d'emprunter la voie qui lui est
proposée et il n'a pas eu son mot a dire dans la conception de
l'évolution jugée souhaitable en haut-lieu » (DEVEZE,
2008)
2.1.2 Syndicat des Producteurs Cotonniers et Vivriers :
SYCOV
L'origine du mouvement de mai 91, du côté paysan
dans la zone Sud-Mali, a puisé ses racines « en 1990 au niveau de
Koutiala et était lié aux exigences du remboursement global des
crédits entre des producteurs de la Compagnie Malienne du Textile (CMDT)
et la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA), au prix du
coton trop faible et des intrants trop haut» selon DEMBELE Tahirou leader
paysan et secrétaire général du SYCOV (in DAGNON 1992).
Alors qu'en parallèle les salariés de la CMDT obtenaient, eux,
une augmentation de salaire.
Pour la 1ère fois les Associations
villageoises* et les Tons* des cercles de Koutiala et San se
réunissaient avec des revendications communes pour faire pression sur
l'État en menaçant de grève. Le coton représentant
plus de la moitié des recettes d'exportation, celui-ci ne pouvait se
permettre de perdre une année. Le 6 mai, une coordination demande
à être reçue par ATT, président du gouvernement
provisoire, pour présenter leurs « 12 points de doléances
» qui ont été refusés par la CMDT.10 Le
déplacement de la Ministre « sous les manguiers » a
marqué les esprits en accordant une augmentation de 10 FCFA/kg (0.01
€) de coton graines. Galvanisés, les paysans fondent le SYCOV le 29
septembre 1992, après un séminaire à Ségou le 23/24
septembre et entament un bras de fer avec la CMDT. Cette épreuve de
force aboutit a la construction d'un contrat-plan tripartite :
État/CMDT/SYCOV garantissant un prix minimum et un réajustement
en fonction du prix de vente obtenu, et mis en application dès 1993. Le
SYCOV en tant que syndicat est reconnu comme acteur dans la zone
cotonnière du Sud Mali, mais est très corporatiste. Il est
adhérent de la CNOP.
2.1.3 Syndicat des Exploitants Agricoles de l'Office du
Niger : SEXAGON
Depuis la dissolution du SCAON dans la zone ON (Office du
Niger), qui avait abandonné le coton pour le riz, aucune
structuration officielle syndicale n'existait alors que des problèmes
graves touchaient la paysannerie :
8 Leurs revendications étaient liées a leurs
conditions de travail, leur appauvrissement, l'organisation de la vie dans les
villages.
9 (COULIBALY, 4ème trimestre 2006)e
10 La nouvelle Association Permanente des Chambres
d'Agriculture Malienne (APCAM) a tenté de récupérer le
mouvement en voulant intercéder auprès de la ministre du
Développement rural alors que cette nouvelle structure était
suspecte aux yeux des paysans car mise en place par l'ancien gouvernement
totalitaire
des abus d'expulsion des terres liés au paiement de la
redevance eau étaient appliqués et continuent à
l'être encore aujourd'hui. En 1995/1996 les paysans ont engagé les
premières démarches au niveau gouvernemental pour se faire
reconnaitre via le SEXAGON. Son secrétaire général
développe :
(( On a organisé une tournée au niveau de
chaque zone, on a fait des assemblées pour créer le syndicat. On
est structuré par section syndicale au niveau des zones, et par
comité syndical au niveau des villages. '>. Mais le SEXAGON
dérange (( Un jour un vieux vient me voir à Niono et me dit : les
blancs apportent de l'argent pour faire un nouveau syndicat. J'ai dit que ce
n'est pas a moi de décider qu'on va organiser des assemblées pour
savoir ce qu'en pensent les paysans. Non non c'est pas la peine ! Et il est
parti. Quelques uns se sont faits acheter et ont créé le SYNADEC,
le président est paralysé et le secrétaire
général un illettré. Puis ils se sont disputés, le
président n'a pas été réélu et ce syndicat
s'est redivisé. Il est parti pour créer le SACRYPON. Mais ces
deux syndicats ce ne sont que des noms, il n'y a pas de base, ni bureau.
'>
Le SEXAGON a une vision transversale sur l'agriculture, il est
confronté a l'accaparement de terres et une insécurité
foncière permanente pour les paysans, pas pour les investisseurs. Il est
toujours très actif aujourd'hui :
(( Nous avons 13 000 adhérents qui cotisent 500
FCFA (0.76 €) chacun. 30% va a l'exécutif a la région, 40%
au comité au niveau du village, 30% a la section au niveau de la zone.
D'ailleurs chaque zone cotise a l'exécutif 100 000 FCFA (152.67 €).
En tout nous avons 13 salariés, un pour chaque siège de zone. Ils
sont financés par les coopératives que chaque zone à mises
en place. Il y a des élections tous les 5 ans... Notre dernière
bataille *il y a trois ans+ c'est quand les paysans ont été
évincés. Plus de 200 paysans ont marché sur Bamako pour
rencontrer le premier ministre. Puis celui-ci s'est même
déplacé sur Niono. Les 150 sont toujours là. On a
gagné.'>
Aujourd'hui, l'ON a son bureau directement a la primature,
dirigé par un secrétaire d'État, ex-gouverneur de
Ségou, chargé du développement intégré de
l'ON. Il s'occupe aussi de « l'initiative riz ».
2.2 LES OP SE FEDERENT AU NIVEAU NATIONAL ET REGIONAL
En 1981, le rapport d'E. Berg pour la BM alerte les
gouvernements et les organismes de coopération : l'Afrique est mal
partie. Les finances étatiques sont exsangues, aggravées en par
la sécheresse de 1983, et l'invasion de criquets pèlerins.
(JACQUEMOT 1981) et marquent la fin des indépendances du rôle clef
des États. Le FMI et la BM poussent le Mali à se
désengager des structures parapubliques de développement rural,
entre autre des Opérations de Développement Rural, « gouffre
financier aux mains de corrompus », emblème de l'encadrement «
esclavagiste ~, de l'État sur le monde paysan comme l'a
dénoncé C. COULIBALY.
La chute du mur de Berlin en 1989 laisse orphelin le pays
socialo-marxiste et ouvre grand la voie vers le libéralisme soutenu par
les occidentaux a l'affut de nouveaux marchés a conquérir. La
liberté de s'associer inscrite dans la Constitution de 1992, le discours
de la Baule et la nécessité de répondre au
désengagement de l'État ouvrent des espaces politiques a la
paysannerie. L'état des lieux des différentes structures
paysannes dans tout le pays est aussi impressionnant que diversifié en
ces débuts d'années 9011 . Il y en
aurait plus de 6000 de nos jours.
L'explosion de nouvelles OP sur tout le territoire ne signifie
pas qu'elles aient les moyens de réussir la transition. Pourtant il
devient urgent de s'organiser au niveau national et régional. Avec le
soutien de
11 1511 Associations villageoises, 50 GIEF, 26 Caisses
Villageoises d'Épargne et de Crédit, 300 banques de
céréales, 31 caisses Kafo Jiginew représentant 10 000
sociétaires
partenaires extérieurs12,
une structuration nationale et régionale s'organise et favorise la
naissance de l'Association des Organisations Professionnelles et Paysannes
(AOPP), du Réseau des Organisations Professionnelles Paysannes en
Afrique de l'Ouest (ROPPA), puis la Coordination Nationale des Organisations
Paysannes (CNOP).
2.2.1 L'Association des Organisations Professionnelles
et Paysannes (AOPP)
En septembre 1995 l'AOPP naissait, faisant suite à
plusieurs rencontres qui avaient débuté en janvier 1993. Son
objectif est de lutter pour l'amélioration des conditions
socio-économiques et culturelles des paysan-ne-s axées autour de
l'agriculture familiale, de faire prendre en compte leur point de vue et leurs
droits
De 22 OP a sa création, l'AOPP en fédère
actuellement 187 de taille et nature différentes, mais elle ne
représente pas tout le monde : les filières bananes, fruits et
légumes, la plateforme paysanne ou les fédérations de
l'élevage, des femmes ou des jeunes ne sont pas adhérentes. Comme
le précise un responsable paysan de l'AOPP
« L'AOPP dans l'influence politique qu'elle avait ne
faisait que se heurter a l'administration et a l'APCAM quileur
disaient vous n'êtes pas les seuls représentants. L'AOPP ne
pouvait pas être représentante parce qu'elle
ne représentait que la production et la
productivité, ils ne s'occupaient pas de politique. ...mais c'est l'OP
la mieux structurée sur le terrain ».
Cette réussite est due a a volonté forte de
l'AOPP de mettre en premier plan la formation, d'avoir des bureaux dans 7
régions sur 8 avec un animateur permanent et des paysans relais
salariés. Chaque bureau est autonome dans ses programmes et est
appuyé par les techniciens de commissions nationales sises à
Bamako.
Cette non homogénéité, « toujours en
opposition a l'APCAM » et la non adhésion de
fédérations favorisera la création d'une entité
unifiée la CNOP en 2002 qui a pu exister grâce à la
structuration régionale le ROPPA (voir section suivante).
2.2.2 Le Réseau des Organisations
Professionnelles Paysannes en Afrique (ROPPA)
Le 6/07/ 2000, à Cotonou (Bénin) 10 plateformes
paysannes nationales créent le ROPPA. Au centre de leurs
préoccupations « promouvoir et défendre les valeurs d'une
agriculture paysanne, performante et durable au service des exploitations
familiales et des producteurs agricoles et assurer la représentation de
ses membres au niveau régional et international.., en favorisant la
concertation et la coopération entre eux ».
C'est un grand défi que doit relever le ROPPA dans un
contexte peu favorable. N'Diogou FALL, président du ROPPA
présente la situation
« Notre principal problème en Afrique de
l'Ouest est lié aux politiques publiques. Des politiques
cohérentes n'existent pas. En dernier ressort nous sommes face a des
systèmes sinistrés sur le plan de la réflexion, des moyens
et de la réglementation. De telle sorte que tout ce qui arrive dans
notre environnement nous affecte directement. La question de fond est la
suivante : comment arriver à construire des politiques qui
12 En 1993, la Coopération française prenant
acte de l'essor des OP lance avec l'aide d Agriculteurs Français et
Développement International (AFDI) et Volontaires du progrès un
programme d'appui aux organisations professionnelles agricoles. Le
Comité Inter-états de Lutte contre la Sécheresse au Sahel
(CILSS) sera le premier organisme extérieur à travailler au
niveau régional avec les OP
correspondent à nos capacités réelles
sur le plan financier, technologique ? Nos décideurs politiques
fonctionnent sur des modèles qui ont été pensés
dans des circonstances particulières loin de nos réalités.
Ce ne sont que des modes venues d'ailleurs a l'exemple de celle qui consiste a
« développer les biocarburants pour lutter contre la faim ". Il
pointe aussi du doigt l'ingérence extérieure « Les
responsables de l'Aide Publique au Développement sont souvent a
l'origine de nos maux. Ils doivent nous suivre dans ce que nous voulons ou
alors ils peuvent rester chez eux. Pour nous il ne faut plus considérer
l'aide comme élément principal, il faut un recentrage sur ce que
nous faisons, ce que nous avons et ce que nous voulons. Il est temps que soit
révolu cette aide qui déstabilise, déstructure et se
positionne en donneur de leçons... Au ROPPA nous disons que notre
politique agricole, c'est notre affaire avant d'être l'affaire des
autres. Nous ne devons pas élaborer des politiques et attendre que les
partenaires viennent apporter leurs financements. Lorsque nous élaborons
des politiques, nous devons être les premiers a apporter l'argent pour
leur réalisation, ce qui signifie que les budgets de nos pays doivent
contribuer davantage a leur mise en oeuvre... Malheureusement nous constatons
qu'à chaque fois qu'une population africaine élabore une
politique le système d'aide intervient et lui demande de modifier ses
éléments jusqu'à dénaturer ce que nous voulions
faire. Cette fois ci le ROPPA se mobilise pour communiquer notre
désaccord. On ne peut pas continuer, pour des aides insignifiantes,
à changer nos politiques, à dévier de nos objectifs »
(in DEVEZE, 2008))
C'est fort de ses réflexions que le ROPPA cherche
à faire entendre son point de vue dans ces processus politiques comme la
politique agricole de l'Union Économique et Monétaire d'Afrique
de l'Ouest (UEOMA) en 2001. Fort de cette expérience, le ROPPA
participera plus directement a l'élaboration de la politique agricole de
la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) en 2005, et jouera un rôle actif dans les négociations
des accords Afrique-Caraïbes-Pacifique et l'Union européenne
(ACP/UE.). Dans le document de plan d'action 2006/2010 de la CEDEAO/ECOWAP sont
reconnus l'agriculture familiale et la souveraineté alimentaire, fruit
des revendications paysannes, mais dans les actes ?
2.2.3 La Coordination Nationale des Organisations
Paysannes (CNOP)
« L'évènement essentiel ces
dernières années c'est que les OP ont accepté que la CNOP
existe. Avant il y avait des problèmes de leadership, les OP
évoluaient de façon libre et sans concertation, et ne voyaient
pas l'enjeu politique. La CNOP, c'est là où l'on débat de
toutes les questions politiques, des positions à adopter, des
réflexions par rapport aux politiques agricoles, aux enjeux
internationaux pour le développement socio-économique des
agriculteurs » dixit Mamadou Alamine COULIBALY vice-président
de la CNOP en 2002.
Les « grandes OP » maliennes se sont réunies
en 1996 pour engager un processus de mise en place d'un cadre de convergence.
L'AOPP « a eu du financement du ROPPA pour créer la CNOP, pour
parler d'une seule voix, l'AOPP a porté la CNOP... l'AOPP était
le cerveau de la CNOP. Les cerveaux se sont retrouvés à la CNOP.
» Rapporte un responsable paysan. La CNOP est née en 2002, elle est
reconnue par l'État sous le récépissé n°
0012G-DB depuis le 26 novembre 2004. Elle se définit dans le
Mémorandum paysan comme le :
((cadre démocratique de convergence des
préoccupations, actions et stratégies [des OP] dans le but
d'aboutir a un espace commun de représentativité réelle,
de formulation de stratégies communes face aux autres acteurs, de
renforcement des effets de leurs actions de lobbying et de plaidoyer».
Elle se veut ((le seul cadre autonome de représentation des OP du
Mali... pour édifier un mouvement paysan crédible, porteur d'une
vision paysanne basée sur la promotion socio-économique durable
des exploitations agricoles familiales à travers une agriculture
paysanne et la souveraineté alimentaire.
La CNOP fédère des OP à compétence
locale, nationale et/ou régionale qui couvrent tous les sous-secteurs
de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche, des forêts.
Sont adhérentes aussi les 2 organisations les plus
représentatives des femmes la Fédération
Nationale des Associations de Femmes Rurales du Mali (FNAFR) et des jeunes la
Fédération Nationale des Jeunes Ruraux du Mali (FNAJER). Dans le
cadre de la LOA, elles sont nommées indépendamment de la CNOP, ce
qui augmente son poids au sein des instances. La CNOP est adhérente de
la Via Campesina13. Son président
Ibrahima COULIBALY est aussi élu au bureau du
ROPPA14..
Les membres élus à la CNOP sont des paysans qui
représentent les Fédérations membres. Ses organes sont
l'assemblée générale, le conseil d'administration et le
bureau exécutif national. A ce jour, un cadre permanent et « un
personnel de soutien ~ compose l'équipe salariée très
restreinte. Cette situation monopolise les élus en permanence qui
s'usent et ne peuvent assurer tout le temps sans compensation financière
« permanente et adéquate » .
Financièrement ou en appui de renforcement de
capacité, en organisant des formations, des ateliers, en étant
consultante la CNOP est soutenue par le Bureau de la Coopération Suisse
du Mali pour le côté institutionnalisation de la structure, ou par
des ONG comme la SNV-Mali pour améliorer les capacités de
réflexions et d'actions, d'Oxfam-Solidarité pour faciliter la
structuration au niveau régional et la communication, de Terra Nuova
d'Italie pour faire profiter les OP de base du programme CILSS. Ponctuellement
d'autres ONG interviennent comme SOS faim de Belgique, des ONG du Canada. Lors
de l'élaboration de la LOA elle a eu un budget spécifique
d'environ 200 M de FCFA. Actuellement elle a du mal, a obtenir des financements
pour la mise en oeuvre. Dans son Plan d'Orientation Stratégique (POS)
2008-2012, le budget prévisionnel est de 2 150 470 600 FCFA sur 5 ans,
soit plus de 400 M FCFA/an.
Ces rapides portraits des structures, à tendance
syndicale du Mali ne reflètent pas les problèmes auxquels elles
sont confrontées. Pour certaines d'entre elles et
particulièrement la CNOP, ils seront développés dans la
partie E], et seront mis en exergue tout le long du rapport dans des situations
bien précises.
2.3 LES CHAMBRES D'AGRICULTURE (CA) ET L'ASSEMBLEE
PERMANENTE DES CHAMBRES D'AGRICULTURE DU MALI (APCAM)
Les premiers PAS favorisent l'essor d'organisations
économiques et d'associations paysannes. Mais aucune, aux yeux du
gouvernement ne pouvait être un interlocuteur national valable,
représentatif de l'ensemble de la paysannerie. La «
réponse au besoin de contact de TRAORE avec les paysans tout en
satisfaisant les bailleurs de fonds est de créer des CA ».
(NARDONNE 2006) C'est sur ces bases qu'est avalisée par la loi
n° 88-56-AN-RM du 5 avril 1988 et encouragé par la FAO.
La résolution issue de la Conférence Nationale
d'août 1991 a abouti a la tenue des États- Généraux
du Monde Rural du 9 au 13 décembre 1991. Des représentants de
tous les sous-secteurs agricoles, de l'administration, de partis politiques,
d'associations et des partenaires au développement y participaient, soit
environ 200 personnes dont seulement 18 femmes et aucun représentant
syndical. La conclusion fut de « redynamiser les institutions consulaires
pour réorganiser les professionnels du monde rural et notamment, la
décentralisation des CA au niveau des régions». En 1993 sont
crées 9 CA indépendantes. Elles sont chapeautées par
l'APCAM pour les coordonner et les représenter au niveau national. (Voir
annexe n°4). Le Secrétaire général est nommé
par le Conseil des Ministres sur proposition du bureau national. Les
paysan-ne-s ne se reconnaissent pas dans les CA car « C'est un appendice
de l'État. Elles se disent représentantes des paysans depuis 1990
et valident les décisions ministérielles dans des logiques
clientélistes. Le président en 2006, Boukary TOGOLA a
appuyé ATT aux dernières élections qui l'a nommé
président de l'APCAM. Elles sont en conflit avec l'AOPP et la CNOP
» (NARDONE 2006).
13 Mouvement paysan altermondialiste international qui regroupe
plus de 350 millions de paysan-ne-s
14 il est même un des 4 vice-président depuis mai
2010
Ce constat sera confirmé pendant mon stage par un
fonctionnaire « L'APCAM, en tant que structure parapublique et par ce
statut juridique ne pouvait pas être la voix des paysans de terrain
» faisant écho à un responsable de la CNOP. «
Le problème des chambres ce sont des fonctionnaires retraités, ce
n'est pas la voix des paysans, mais la place est bonne alors il y a conflit,
car ce ne sont pas des paysans ». Le système
électif15 laisse peu de place aux OP. Est-ce
que les élus ne sont que des figurants ?
3 UN CONTEXTE GÉNÉRAL u EXPLOSIF
»
Il est intéressant de pointer du doigt certains sujets
qui sont indissociables des évolutions des acteurs et du contexte entre
l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOA et particulièrement
de l'État qui a modifié son comportement entre le 1er
et 2ème mandat (2002/2007.2007/2012)
Pendant son 1er mandat ATT avait su négocier
toutes protestations arguant qu'il fallait lui laisser du temps pour mener les
actions gouvernementales. Ce pacte a été respecté,
permettant d'appliquer une forte volonté politique présidentielle
comme l'illustre la phase d'élaboration de la LOA. Mais au moment de son
2èmemandat, la situation générale ne s'est pas
vraiment améliorée voire c'est même dégradée,
et des voix s'élèvent, des manifestations s'organisent. Ainsi
quelques éléments contribuant à mieux appréhender
ce nouveau contexte sont abordés ci-après.
En laissant la parole aux maliens eux-mêmes a partir d'un
article de presse suite a une conférence, un tableau des conditions de
vie actuelles va être brossé :
« Malgré les multiples programmes,
stratégies et projets, le continent africain - le Mali en particulier-
doit faire face à un phénomène de paupérisation
grandissant comme l'attestent les indicateurs de développement humain
durable. Effectivement le Mali est classé 174ème sur
177 avec un PIB de 290 $ h/an (100 fois moins que la moyenne française)
confirmant que depuis 1981 la proportion de pauvres dans la population mondiale
a diminué de moitié alors que le taux en Afrique subsaharienne
n'a connu aucune baisse. Le taux de scolarisation universelle reste faible avec
des inégalités villes/campagnes, des disparités de genre
et des distorsions par ordre d'enseignement. Le taux d'alphabétisation
est alarmant, 73% des adultes ne sont pas alphabétisés dont 65%
d'hommes et 82% de femmes. Le taux de mortalité maternelle reste un des
plus élevés au monde avec selon les estimations du PNUD plus de
464 décès maternels pour 100 000 naissances. Le taux de
malnutrition juvéno-infantile traduit les problèmes structurels
de sécurité alimentaire que connaissent encore le Mali et la
situation de survie qu'affrontent les ménages les plus pauvres. Le taux
d'accès à l'eau potable (moins de 65%) malgré les
progrès enregistrés reflète le sous équipement et
le manque d'infrastructures de base. Ce qui accentue la précarité
des conditions de vie des femmes et des ménages, surtout ruraux,
exposés aux maladies et pandémies. Le taux de couverture en
électricité (8 % à l'échelle nationale) montre la
fracture technologique qui existe entre le Mali et les pays du nord. En un mot
les conditions ne sont pas encore réunies pour asseoir un réel
développement économique.'' 16
Effectivement la pauvreté ne fait que s'accentuer
particulièrement dans le milieu rural puisqu'il s'élève a
73, 04% contre 20,12% en urbain alors qu'il était de 68,3% en 2002.
15 5 postes réservés aux organisations
professionnelles agricoles (OPA) qui recoupent le collège des
coopératives, des mutuelles et des caisses d'épargne et de
crédit, et les OP. Le collège exploitant individuel rassemble des
agriculteurs, éleveurs, pêcheurs et forestiers. Ils votent pour 3
membres par cercle qui peut varier 12 a 24 selon le nombre de cercles
rattachés a la Chambre d'Agriculture régionale.
16 Du 16 au 20 février 2010, se déroulaient les
travaux du 10ème Forum de Bamako '' L'Afrique 50 ans après : la
faim sur le continent, le défi alimentaire''
3.1 CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE
Le Mali recense 13 518 000 habitants avec une densité
de 11h/km2, inégalement répartis : 91% sont
concentrés sur 30% du pays, dans le triangle sud. 21M sont prévus
en 2025.( D. DELACROIX/ DEVEZE, 2008). La population a doublé, de 6 M
à 12 M, entre 1970 et 2000. Les centres urbains de plus de 5000
habitants ont plus que triplé au cours de la même période.
Bamako comptait 0,5M en 1970 et 1,5M en 2006, signe d'un développement
alarmant car :
«Le déplacement en ville n'est que le
prolongement d'une situation difficile dans les campagnes. Ce qui est
inquiétant dans l'urbanisation c'est d'abord que les villes se
construisent sur les richesses produites par le monde rural, et il n'y a pas de
retour. Cela crée un dysfonctionnement entre monde rural et monde
urbain. Pour que l'urbanisation ne soit pas sauvage, il faut essayer d'assurer
un certain équilibre au niveau des conditions de vie. On
considère encore aujourd'hui qu'accéder a l'eau, a
l'électricité et aux loisirs est un luxe alors qu'en tant que
citoyens les ruraux doivent y avoir accès. C'est indispensable, tout le
monde ne peut pas vivre dans les villes....~ F.N'DIOGOU Fall ((in DAGNON,
2006).
Ainsi résoudre la situation des ruraux et de la
paysannerie est au coeur des futurs enjeux économiques et sociaux. Il
faut agir politiquement :
« Même si l'exode rural est important dans la
plupart des pays d'Afrique subsaharienne, surtout a l'intérieur de notre
continent, la population rurale va continuer de croître ainsi que le
nombre d'exploitations familiales. Ce sont elles qui auront a relever les
défis... en terme de productivité, (travail, capital, terre et
statut, bien être), d'aménagement de l'espace et de gestion
intégrée des ressources naturelles, d'insertion des jeunes en
milieu rural et d'accès aux marchés. » !brahima Assane
MAYAK! (in DAGNON, 2006)
Le Mali reste un pays peu peuplé par rapport à
son territoire qui a de forte de potentialités foncières Sur le
long terme la croissance démographique pourrait représenter un
facteur favorable pour les campagnes et plus largement pour nourrir sa
population voire approvisionner au niveau régional, ni le
nécessaire est fait en rééquilibrant les investissements
entre urbain et rural.
3.2 L'INTEGRATION REGIONALE PAS TOUJOURS FACILE A GERER
Pour répondre à ce défi, un organe
politique la CEDEAO et économique, l'Union Économique et
Monétaire d'Afrique de l'Ouest (UEMOA) ont été
crées et un cadre le Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique (NEPAD)pour mettre en oeuvre
entre autre la politique agricole régionale. Cette intégration,
fondée sur la complémentarité et la subsidiarité
entre le national et le régional, fait aussi objet de compétition
entre États pour accueillir les institutions leur conférant plus
de pouvoir et une manne financière
Les décisions prise au niveau régional sont
intégrées à la LOA et ont des répercussions La
politique commune agricole l'ECOWAP est aussi le reflet des OP via le ROPPA.
Mais entre les textes et leur réalité des décalages
existent.
La constitution d'une entité régionale Afrique
de l'Ouest parait être une condition nécessaire pour les pays et
la région tant au niveau social qu'économique. C'est une
façon de lutter contre « la balkanisation », de se regrouper
pour mieux s'organiser et aspirer a une certaine autonomie de décisions
et d'actions. Mais elle engendre aussi des difficultés liées
aussi aux différents niveaux de richesses de chacun, du rôle des
membres, des visions politiques, des moyens.
OHADA
est une organisation régionale née en 1993.Elle
s'inscrit dans le cadre de la libéralisation des échanges et de
la libre circulation des personnes, freinées par les législations
nationales « la souveraineté des États constitue une entrave
pour un règne sans partage des normes communautaires.».
L'OHADA et l'UEMOA, 2 organisations positionnées sur
les mêmes missions--.uniformiser le droit économique- regroupant
les mêmes États, sont un obstacle d'un droit unique
régional « elles ont crée les conditions de leur
télescopage et cela vient encore perturber l'ordre communautaire
engendrant une double législation, des conflits entre juridiction
communautaire et nationale et même entre juridictions
communautaires».
L'ODAHA s'adresse aux investisseurs ayant un rayon d'action
régional et international, c'est dans ce cadre que l'entreprise Agricole
est considérée dans la LOA et est géré par sa
réglementation.
|
sûre. S'ajoute le risque de structures
démultipliées dans chaque pays, engendrant des coûts
supplémentaires pour ses États pauvres mais aussi de bonnes
places pour les « copains ».
Un gros travail est à faire pour harmoniser une vision
entre les différentes politiques, liées par les PAS « qui
ont cloisonné les politiques agricoles nationales, avec une faible
articulation avec les politiques initiées au niveau
régional.» 17, au risque de se
concurrencer (voir encadré sur l'OHADA). Cette dimension est
intégrée dans l'article 6 de la LOA qui stipule « la
présente loi prend en compte les engagements sous-régionaux,
régionaux et internationaux auxquels le Mali a souscrit».
3.2.1 Une politique agricole commune l'ECOWAP
Une politique agricole commune existe, l'ECOWAP que la CEDEAO
est chargée de coordonner en mettant en oeuvre le plan d'actions. Le
ROPPA est partenaire et a accès a des financements via les
différentes mesures déclinées, qui se répercutent
après dans les OP des pays membres.
La vision agricole est partagée : reconnaissance du
rôle essentiel du secteur Agricole et de l'exploitation Agricole
Familiale dans l `économie en lien avec la souveraineté
alimentaire et l'exportation, comme il est acté dans l'ECOWAP. Mais
entre les écrits et les actes, il y a parfois un fossé et qui
interroge le président du ROPPA :
« Quand il s'agissait d'élaborer une politique
agricole en Afrique de l'Ouest , une question était en toile de fond :
s'agit-il de promouvoir la grande agriculture industrielle qui suppose une
concentration des terres et donc une élimination des petites
exploitations familiales, et par conséquent un renforcement de
l'exclusion, de la pauvreté et de la famine, ou bien s'agit-il d'avoir
en perspective une politique agricole qui se base sur des exploitations
familiales en cherchant à les moderniser , à renforcer leur
productivité, à faciliter leur accès aux ressources et a
créer un environnement favorable au
développement...Au-delà de la vision, il faut qu'on s'entende sur
les instruments , les outils qu'il faut utiliser pour cheminer et atteindre
cette vision... dans le cadre de la politique agricole de la CEDEAO, si nous
n'avons pas obtenu gain de cause a 100% , on se félicite quand
même que cette politique insiste sur l'importance de la petite
agriculture familiale, on se félicite aussi que cette politique insiste
sur la souveraineté alimentaire, car elle est particulièrement
importante pour nous. Pourquoi ? Parce que la première
souveraineté, c'est la souveraineté alimentaire. Si nous ne
maîtrisons pas notre alimentation, nous nous fragilisons et devenons
dépendants. Et c'est la première fois dans une politique de la
région africaine de l'Ouest que cette préoccupation fait l'objet
d'une manifestation très claire et d'une sorte d'engagement Il faut
faire revivre l'espoir dans une agriculture qui peut « nourrir son homme "
et le faire vivre dignement ".
Cette intégration régionale doit aussi se
soucier des conflits qui se multiplient au niveau transfrontalier - important
pour le Mali en contact avec 7 pays- entre autre sur l'accès aux
ressources naturelles, aux espaces agro-pastoraux, aux règles sanitaires
et de commercialisation. Des décisions de gestion et de règles
communes et concertées doivent être rapidement prises tant pour le
bien-être des habitants que pour les échanges économiques.
Outre la difficulté de mettre en cohérence ses politiques avec la
région, le Mali y est aussi confronté dans le cadre de la
décentralisation.
3.3 UNE DECENTRALISATION QUI SE HEURTE A UN MANQUE DE
MOYENS ET DES CONFLITS D'INTERETS
17 plan d'action 2006-2010 CEDEAO/ECOWAP
La décentralisation est au coeur de la réussite de
la mise en oeuvre de la LOA. Les difficultés rencontrées sur le
terrain freinent les choix prônés, l'application de décrets
sortis et l'implication des OP.
(( Écrasé sous le poids de la misère
et la ponction de ses ressources par l'élite urbaine, le monde rural a
fini par réclamer son du, c'est-à dire de l'affranchissement du
carcan de l'État prédateur...les
États-généraux du monde rural de 1991 ont
été l'expression la plus radicale des revendications paysannes
dont une des réponses sera la décentralisation ». B.
KASSIBO18
Venant de renverser 23 ans de dictature sous Moussa TRAORE,
ATT alors chef du Comité de Transition pour le Salut du Peuple organisa
la Conférence Nationale, qui engendra la Constitution, base de la grande
réforme administrative avec comme enjeu la décentralisation.
Celle-ci représentait alors pour le monde rural un « retour du
pouvoir au terroir » loin des élites qui étaient seulement
préoccupées par des luttes de pouvoir dans la capitale, peu
soucieuses du monde rural sauf pour s'enrichir sur leur dos. C'est un des
grands projets politiques de la III ème République.
Le président Konaré déclara en 1997
(KASSIBO, 1997)
(( La décentralisation avant d'être une
dynamique économique est un état d'esprit qui réhabilite
le monde rural au triple plan moral, administratif et politique... et les 703
communes sont autant de forum au service du développement et de la
démocratie. »
3.3.1 Une décentralisation aux mains des
bailleurs, bousculant les gouvernances locales
30 ans plus tard, la décentralisation a encore du mal
à exister ! Cela est du à plusieurs facteurs, les principaux sont
exposés ci-dessous.
Si dans l'esprit des maliens la décentralisation
représentait un « instrument de la démocratie », il ne
faut pas oublier que nous sommes en pleine période des PAS Comme
l'écrit judicieusement B. KASSIBO (1997) :
« La bonne gouvernance, le désengagement de
l'État a travers la privatisation du secteur public,
l'intégration au marché mondial et la décentralisation de
l'administration deviennent des critères d'éligibilité des
gouvernements au statut de récipiendaires privilégiés. Les
meilleurs reçoivent des primes et des encouragements et leurs
populations payent au plus fort les efforts consentis pour la réussite
des PAS de plus en plus renforcés... Ainsi dans l'esprit des
institutions la décentralisation devenait synonyme « d'outil au
service du marché. »
Sur le terrain les ruraux se trouvèrent
confrontés entre plusieurs logiques. Chaque bailleur avait une approche
différente selon leur intérêt, culture, histoire et
était toujours dans une démarche « top down ». Le
redécoupage en 8 régions, 49 cercles et 703 communes, sans
prendre en compte les usages de gestion des terres, bouleversa les gouvernances
locales avec l'arrivée de nouveaux acteurs ayant une autorité
nouvelle et (( connaissant bien le français ». Les
autochtones qui pensaient retrouver (( mara ka seki sa l'administration de
leur terroir » devaient en fait (( ka mara kan da bo
étendre le cercle d'exercice de l'autorité administrative »
à condition que celle-ci « passe d'une structure de
commandement a une structures de conseil, de développement et
d'arbitrage ~.
Aujourd'hui c'est au niveau des communes que les enjeux
semblent les plus forts. N'ayant toujours pas de limites territoriales elles
ne peuvent exercer leurs prérogatives. De plus il y a un manque
flagrant
18 Brehima KASSIBO Anthropologue au GREDEF, la
décentralisation du Mali : Etats des lieux. Le Bulletin de l'APAD
n° 1997./
http://apad.revues.org/documents579.html.fr
d'encadrement compétent et elles sont un espace a disputer
pour les potentats locaux. Ce qui fait dire au représentant de la FAO
:
«Les communes ce ne sont que des élections des
maires et pendant ce temps la décentralisation s'embourbe. Il n'y a pas
d'administration des collectivités, ils sortent des Secrétaires
Généraux artificiels. A chaque maire on a un nouveau
Secrétaire Général qui applique le programme de
développement du maire, qui change au maire suivant. Il n'y a pas de
mémoire technique tandis que les bailleurs de fond financent de la
formation des maires ce qui est différent de l'encadrement technique. Il
y a une faiblesse de l'encadrement étatique, il n'y a plus de
spécialistes, tous les anciens sont partis créer leur bureau
d'études !... ll y a au Mali un problème de compétences
».
L'État est aujourd'hui le premier frein dans la mise en
place de la décentralisation. Il est prévu que les « biens
communs appartenant a l'État ~ deviennent « biens publics ~
gérés par les CT. La loi n°96050 (articles 22 et 23)
définit le transfert de compétence et la loi 96.051 du 16/10/
1986 les conditions de constitution et de gestion des domaines. Mais aucun
transfert n'est effectif a ce jour, entrainant des tensions sociales fortes sur
le terrain et privant les CT d'espace pour se développer.
3.3.2 Décentralisation et LOA
Même si le bilan est plus que mitigé, les
Collectivité territoriales (CT) font malgré tout parties du
paysage institutionnel. Elles sont des acteurs dans les textes et notamment
dans la LOA : « La politique de développement Agricole repose sur
la responsabilisation de l'État, des Collectivités territoriales,
de la profession Agricole, des exploitants Agricoles et de la
société civile...de même que le rôle des
Collectivités territoriales en matière d'aménagement du
territoire et de gestion du développement local(article9).
Dans le TITRE IV chapitre 1, les articles 67 à 74 sont
axés sur leur rôle: élaborer et mettre en application des
textes a travers des schémas et des programmes d'aménagement
après avis consultatifs des CER -ils n'ont pas encore de fonctionnement
réel -, prélever des redevances et des taxes -alors que les
impôts existants rentrent difficilement-. »
Aux EGF cette situation menaçante, a été
le fil rouge de ces journées, comme elle l'est en toile de fond pour la
LOA. Les débats ont révélé une non-appropriation de
cette décentralisation, de son rôle et des moyens mis en face. Et
pour cause sur quoi s'appuyer! Ce dysfonctionnement ressort clairement dans le
pré-projet transhumance, comme nous le verrons plus tard. Est-ce que le
volet de la politique foncière de la LOA et les commissions
foncières seront les premières bases d'une réflexion
cohérente et intelligente pour une application opérationnelle sur
le terrain ? Comme il existe quelques chartes de gestion locales
concertées qui fonctionnent.
La question de la gouvernance est toujours posée, et de
fait la place des OP, dont la CNOP, peu prises en compte actuellement,
notamment dans les CER. Pour cela, il faut un soutien politique, financier et
humain fort de l'État, l'établissement de relations de confiance
entre les populations et les élus, la constance des bailleurs de fonds
dans la durée et leur réelle volonté de mettre en place ce
volet décentralisation pour créer de la richesse locale et la
répartir équitablement pour améliorer les conditions de
vie.
Mais a l'aune de nouvelles élections
présidentielles en 2012, la recherche de solutions semble encore une
fois mise en attente. En effet ATT lors des voeux de la nouvelle année
2010, propose de réfléchir a un autre découpage du
schéma de la décentralisation actuelle - financé par les
partenaires extérieurs ? La FAO indique qu'« aujourd'hui les
programmes de développement institutionnels donnent de gros moyens pour
les 10 ans a venir avec des partenaires ». Vu les milliards
déjà mis dans la décentralisation par exemple et les
résultats actuels, espérons que ce programme répondra
réellement a la demande. Le 9 mars 2010 l'Union européenne a
décaissé 6 Milliards d'euros dans le cadre du Programme d'Appui a
la Réforme Administrative et a la Décentralisation.
3.4 LE FONCIER, UNE URGENCE DE SECURISER El D'AMENAGER LES
ESPACES FONCIERS
« Parmi les bombes qui menacent le pays, la bombe
foncière est la plus imminente et la plus dangereuse » Adam THIAM
19.
L'une des premières chartes des droits fondamentaux,
est née au Mali La Charte du Mandé. Proclamée par
l'empereur Soundata Keita le jour de son intronisation en 1222, elle affirme
des droits contre la famine et l'esclavage tout en assurant la maîtrise
et le contrôle de son territoire.20
«Le foncier l'un des enjeux fondamentaux du nouveau
siècle, s'impose aujourd'hui comme le facteur de production le plus
limitant *...+ pour nos économies qui demeurent fortement rurales...
L'augmentation notable de la population humaine et animale fait que la pression
sur les ressources foncières, qui était relative dans beaucoup de
nos contrées tend a devenir absolue dans des zones de plus en plus
nombreuses... La pénurie de plus en plus absolue des ressources engendre
entre les populations des conflits de plus en plus fréquents *...+ Les
politiques mises en route, sous la double pression de l'urbanisation croissante
et de la mondialisation, tendent à la dépossession des
communautés du contrôle de la terre, et donc du contrôle de
leurs conditions de vie » C. COULIBALY (1er trimestre
2003
Sécuriser et aménager les espaces fonciers sont
un souci permanent. Entre changement climatique et appauvrissement des sols,
agriculteurs et éleveurs, zone aménagées et non
aménagées, investisseurs en production agricole, agro-carburants,
mines, forêts et paysans/villageois, se traduisent par de l'expulsion, de
l'insécurité, jusqu'à mort d'hommes, environ 200/an.
Cette situation est dénoncée par l'AOPP dans un
livret sur La question foncière au Mali (2004). Ce diagnostic
participatif était coordonné par l'Université Mandé
Bukari. Le comité de pilotage rassemblait des représentants de
l'État centralisé et décentralisé et l'AOPP pour
aider la Cellule de Planification et Statistique a clarifier le rôle des
différents acteurs du foncier rural. Une des conclusions était de
faire la « relecture des législations foncières en vigueur
et l'élaboration concertée d'une politique des gestion pacifique
et durable des ressources foncières dans le sens de la modernisation de
l'agriculture familiale et paysanne~.
3.4.1 Un mille-feuille de lois ingérable
A ce jour tout est confusion et superposition. Les lois dites
modernes héritage des lois coloniales sur le principe des « terres
vacantes et sans maitre », sont toujours en vigueur :
« Il est vrai que le Code domanial et foncier a
clairement établi que toutes les terres appartiennent a l'État
qui, après immatriculation peut les céder à qui de droit
»
Pour le moment il les gère a sa guise et n'a
procédé a aucune immatriculation. Les lois coutumières
voire religieuses doivent être répertoriées et devraient
faire aussi l'objet d'un examen critique. Le débat se situe aussi entre
accaparement et/ou privatisation des terres et gestion collective avec droits
d'usage et ayantdroits. Il repose autant sur les valeurs culturelles que sur
une expression juridique équitable et applicable. Les lenteurs -des
dossiers sont en cours depuis 30 ans !- et le coût des recours juridiques
rebutent les gens pour régler les conflits au tribunal en qui la
confiance d'une juste décision est peu probable. Il a été
relevé plusieurs fois que des magistrats, des assesseurs sont soit
incompétents soit facilement achetables. Ils se contentent des «
papiers magiques » acquis illégalement par des «
commerçants, fonctionnaires qui s'emparent de terrains agricoles en
exploitant leur maîtrise des rouages administratifs et des
législations en vigueur ou en corrompant les gestionnaires
traditionnels»21, tandis que l'État
« peut légalement apurer les droits coutumiers
19 Journaliste, article de Le Républicain du 12 mars
2010
20 François Collart Dutilleul, entre politique alimentaire
et foncière : quel droit pour quel développement
21 extrait du discours d'ATT aux
États-Généraux du foncier de décembre 2009
et céder les terres a de gros opérateurs
privés~. Dans les deux cas c'est «contre des dédommagements
infimes et non négociés», quand ils existent ! L'appel des
paysans de l'AOPP en 2004 est clair et responsable
«Le traitement de la question foncière demande
des réformes courageuses guidées par une véritable
ambition politique...Il est temps pour l'État de faire un choix
stratégique explicite: celui de la sécurisation foncière
de l'exploitation familiale paysanne et de la gestion
décentralisée du foncier rural et des ressources naturelles... le
rôle de l'État est non moins important : il doit endosser le
rôle d'arbitre, garant des droits et des devoirs de chacun à
chaque niveau.»
3.4.2 Le foncier urbain plus important que le rural
MOTION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE AGRICOLE, A
L'ENDROIT DES ETATS GENERAUX DU FONCIER A BAMAKO.
Nous représentants des OP de la société
civile Agricole rendons un vibrant hommage aux autorités maliennes en
général, le Ministère du Logement, des Affaires
foncières et de l'Urbanisme en particulier, pour la tenue de ses
États Généraux du Foncier. Qu'elles en soient
remerciées pour cette marque de patriotisme. Le monde paysan qui
représente 80% de la population malienne, dont la vie et les revenus
sont intimement liés à la terre, donc aux ressources naturelles
et socle de l'économie malienne, voudraient attirer l'attention des
autorités sur les préoccupations suivantes a prendre en compte
:
Que la terre en milieu rural et périurbain, ne soit
cédée qu'aux vraies exploitations Agricoles Familiales
Que les baux accordés aux étrangers
n'excèdent guère 25 ans et renouvelable une fois
Saluons vivement les initiatives concourant a l'accès
durable des femmes et des jeunes au foncier, en général, dans les
zones aménagées en particulier
Invitons les autorités maliennes à faire le lien
entre la politique foncière en général et la politique
nationale de sécurisation foncière telle que prévue dans
la LOA.
Souhaitons vivement que les Organisations Paysannes
Professionnelles Agricoles de la société civile
soient associées directement aux dynamiques suivantes :
- élaboration des outils de gestion foncière -
observatoire national foncier
ff f è
Le Ministère des Domaines, des Affaires
foncières et de l'Habitat a été
dépossédé de la question foncière. Celle-ci a
été transférée au Ministère du Logement, des
Affaires foncières et de
l'Urbanisme en 2007. Un représentant du
Ministère de l'Agriculture explique
« Un point essentiel pour l'agriculture de demain
c'est le foncier. Le Mali a des politiques foncières axées sur
l'urbain, le rural n'est pas traité. Les codes actuels ne correspondent
pas aux réalités socio-économiques du paysan malien, elle
n'est pas sécurisante comme dans les zones urbaines. Le gouvernement a
pris l'option de scinder le foncier en deux: le foncier urbain, le foncier
rural, ça a fait des remous aux Domaines, c'est que c'est
pertinent».
C'est donc dans le volet de la politique foncière de la
LOA que sera désormais traité le foncier rural. En effet pour
l'État les préoccupations foncières sont d'abord urbaines
alors que 80% du
s s o era e
foncier est en zone rurale qui devrait être via
l'agriculture « le moteur de l'économie malienne ~!
De même le Ministère de l'Environnement est devenu
le Ministère de l'Environnement et de l'Assainissement,
Ef, appeons à tot à cacn e fae se e pcpe svant : La
ere es u u prei b mc, i p n pme i
sous entendu la viabilisation des terres agricoles pour
l'urbanisme, enjeu des concessions rurales, et mettant
age
en péril l'agriculture périurbaine. Celles-ci
devaient préserver des terres agricoles ou permettre
d'aménager
des espaces urbains viabilisés surtout pour des
infrastructures comme les écoles, hôpitaux. Elles sont objet de
convoitise et de spéculation dans les zones urbaines et
périurbaines. «Dilapidant le domaine privé immobilier de
l'État les autorités concédantes vendent aux plus nantis
et sans respect des règles, de 2 à 10 ha le plus souvent
transformés en TITRE foncier, qui sont revendues ensuite en lot sans
mise en valeur préalable en se servant en premier
gracieusement».22
3.4.3 Les États-Généraux du
Foncier (EGF) et la LOA
Pour ATT inaugurant les Assisses Nationales des
États-Généraux du foncier du 7 au 11 décembre 2009
-alors que des milliers d'hectares en zone agricole sont entrain d'être
céder de son fait et en catimini a d'autres États ou
investisseurs - l'essentiel de son discours était axé sur les
dérives foncières urbaines, dénonçant avec
virulence que :
«Les textes et schémas directeurs
d'aménagement régissant le foncier et l'immobilier se traduisent
par la dilapidation du domaine privé foncier de l'État et des
collectivités locales, l'enrichissement illicite des Autorités
concédantes l'insécurité foncière et
immobilière, les conflits fonciers et l'injustice ". Pour cela il
préconise « l'instauration du cadastre, la fixation des conditions
et procédures d'immatriculation, d'acquisition et d'expropriation... de
la mise en place d'un Observatoire National du Foncier et de l'Immobilier qui
aura comme mandat de recenser toutes les pratiques malsaines afin d'y
remédier par des propositions concrètes de solutions. Il est
impératif pour l'État de rentrer dans une logique de sanction des
responsables politico-administratifs.»
Des paroles et des grands chantiers qui nécessitent du
temps, des moyens et une forte volonté politique que le Mali n'a pas et
encore moins le Président! D'ailleurs aucune réponse n'a
été apportée à une interpellation directe et
publique sur les 100 000 ha de MALIBYA par un élu CNOP et
président de la Chambre d'Agriculture de Bamako, et de la
Fédération des éleveurs!
Seule la Ministre a parlé du foncier et des paysans :
« Dans sa philosophie, le débat national
public sur le foncier, se veut l'expression des préoccupations du paysan
agriculteur, du pasteur éleveur, du pêcheur Bozo ou Somono... les
présentes Assises nationales devront aboutir de manière
consensuelle à des recommandations pertinentes en vue de
l'élaboration d'une politique foncière nationale dont la mise en
oeuvre constituera la base d'une réforme domaniale et foncière
qui sécurise l'exploitation familiale du petit paysan, qui
protège les droits du pasteur nomade...~.
Conforme a l'esprit ambiant, un seul atelier officiel sur le
foncier rural et LOA, sous la responsabilité du SP est annoncé.
Le document de support est axé sur l'acquisition du TITRE foncier
actuellement inaccessible a « cause de la lourdeur de la procédure
et son coût élevé », pour servir alors de caution
« pour accéder au crédit et donc pour investir et
développer l'exploitation~. Pour aboutir a cette sécurisation
foncière il faudrait « définir un cadre foncier consensuel
de référence, ...pour éviter le pilotage a vue... Une
réforme foncière [qui] est une modification des règles
régissant l'utilisation des terres... avec comme objectif
d'améliorer la gestion foncière pour accroitre les
investissements et contribuer a la réduction de la pauvreté~.
C'est sur ces bases très résumées, éloignées
des préoccupations paysannes et fidèle a la pensée
présidentielle, qu'ont eu lieu les débats. De nombreux acteurs de
l'ON y participaient, des paysans au personnel d'encadrement. Il en est
ressorti un inventaire à la Prévert qui reflète le flou et
les préoccupations qui prévalent dans la mise en oeuvre de la LOA
et dans sa diffusion d'informations, voir annexe n°6
22 extrait du discours d'ATT aux
États-Généraux du foncier de décembre 2009
De toute façon ces EGF ne leur étaient pas
adressés, et les « revendications [étaient]
dérangeantes dans la motion » comme cela a été
argué en off. D'ailleurs l'APCAM et les OP avaient reçu peu
d'invitation et de fait étaient environ une vingtaine sur plus de huit
cents personnes. Même les chercheurs spécialistes du foncier rural
comme C.COULIBALY, n'ont pu intervenir que sous la pression de la FAO
auprès des organisateurs. A noter qu'à 200 m était
organisée sur 2 jours une conférence internationale sur
l'accaparement des terres, et que le Mali était représenté
par un seul député et par un seul paysan de la CNOP pour une
intervention de dernière minute !
3.4.4 Des choix justifiés par le manque d'argent
?
D'un côté des textes pour développer
l'agriculture familiale largement majoritaire dans le pays, de l'autre, les
bailleurs de fonds et l'État se positionnent sur d'autres projets,
arguant manquer d'argent ou n'utilisant pas l'argent dans ce sens alors que
l'agriculture est censée être le moteur du Mali !
Pourtant les zones privilégiées par
l'État pourraient au moins être aménagées. Au
contraire l'agriculture duale s'accentue entre les grandes exploitations «
blanches ~, dont l'État maintient le principe de domanialité et
favorise les accaparements fonciers par les urbains, les notables et les autres
pays, et entre la petite agriculture « noire » reléguée
sur les terres les moins propices basées sur les droits fonciers locaux
ou des contrats étatiques annuels, appauvrissant, démotivant et
empêchant toute projection et investissement. (Voir annexe 9 pour plus
d'informations sur l'accaparement des terres et le développement de
l'agro-business)
Des responsables ministériels argumentent que le Mali
n'a pas les moyens d'investir. Que de toute façon les
aménagements resteront a l'État qui alors en ferait profiter les
paysans mais... dans 100 ans... si d'ici là les investisseurs n'auront
pas acquis de TITRE foncier ou abandonné après l'afflux de
subventions ! De plus la production issue de ces terres a peu de chance de
nourrir les malien-ne-s. Elle sera soit exportée dans le pays des
investisseurs soit stockée pour jouer sur les marchés ! En
attendant les paysans sont expulsés, soit pour devenir des ouvriers
agricoles, soit de futurs chômeurs urbains.
INVESTIR POUR LES PAYSANS : EST-CE SI CHER POUR L'ETAT?
Il faut 4 millions de FCFA (6000 €) pour aménager
1 ha irrigué. Il faut environ 5 ha pour faire vivre décemment une
famille d'environ 12 membres mais les moyens ne sont pas mis là.
« Il y a 1 millions a 2 millions d'ha irrigables a aménager
*dans la zone de l'ON, seulement 82 000 ha le sont]. Actuellement la moyenne
est de 3 à 4 ha par paysan avec des baux renouvelables tous les ans
(liés au paiement de la redevance eau). Le SEXAGON avec un programme
FERT du Luxembourg est en train d'aménager 2000 ha pour les donner aux
petits paysans qui n'ont pas 3 ha, pour compléter. SOS faim finance
aussi » souligne le secrétaire général du
SEXAGON.
13 milliards de FCFA ont été
dépensé pour provoquer des « opérations pluies »
locales aléatoires,-chères à ATT-,
bénéficiant d'abord aux initiateurs de cette nouvelle
technologie, alors qu'on aurait pu aménager durablement plus de 3000 ha
soit 600 familles.
4 milliards a l'équipe de football qui a été
éliminée en quart de finale de la coupe d'Afrique !
|
Le sujet est brulant. Des associations en zone
périurbaine organisent des manifestations « qui trouvent leur
explication soit dans la tyrannie ou le laxisme de l'État concernant les
affaires foncières et domaniales et vis-à-vis de l'urbanistique
en général >' comme le souligne un article de Le
Républicain a propos d'une marche contre les expropriations et les
déguerpissements du 9 mars 2010 à Bamako,
sévèrement réprimée.
Il serait aussi temps que les OP soient plus visibles sur les
luttes foncières rurales qui ne cessent de se multiplier. Ce
laisser-faire révolte M. SISSOKO, leader paysan
sénégalais.
« Les paysans maliens ne vont plus se reconnaitre
dans leurs leaders. Ils ne font rien. On leur prend la terre. ATT leur avait
tout donné pour mener à bien la LOA. Ils ne se bougent pas
maintenant. ATT voulait donner 10 000 ha au Sénégal *dans le
cadre des accords avec l'UEMOA+. Je suis venu les voir pour leur demander si
les paysans n'avaient pas besoin de ces terres car ils sont installés
sur des surfaces de 0,5 a 2 ha. Ils n'ont rien dit, rien fait. Je ne comprends
pas. Ils n'existent plus. Les leaders ne bougent pas. Comme ils ne disent rien
ATT peut donner des terres à qui il veut ».
3.5 UN CONTEXTE POLITIQUE EN DEUX ETAPES
Un petit panorama politique et un rapide parcours sur le
Président devrait nous permettre de mieux comprendre le contexte
politique « consensuel » qui freine une dynamique gouvernementale.
Dans le contexte malien consensuel signifie satisfaire tout un chacun. Depuis
les Indépendances les malien-ne-s ont essayé de bâtir une
nation et un État, de la période socialiste a la période
actuelle libérale, qui n'ont jamais répondu à leurs
aspirations, mais plutôt à celles des élites. Depuis les
évènements du 26 mars 1991, où il a été le
« Maître d'oeuvre » dans le gouvernement de transition, ATT,
alors colonel putschiste, reste dans les mémoires. Il est celui qui a
tenu parole en ne se présentant pas aux élections prévues
après cette phase, et celui qui « a tracé la voie de la
démocratisation », concrétisée par la
Conférence Nationale, différents États
généraux dès le mois d'août 1991.
3.5.1 2002-2007 : une volonté politique
forte
En juin 2002, ATT devenu civil, est élu incarnant celui
qui avait donné « un départ nouveau pour le Mali » et
qui « avait négocié avec les mouvements syndicaux de lui
laisser le temps de renflouer les caisses de l'État ». Plus
généralement une volonté forte émerge, d'instaurer
de nouveaux modes de relations entre « gouvernants et gouvernés
» inscrits dans le Plan National de Communication pour le
Développement (voir annexe 10).
Ainsi chaque département ministériel est en
pleine réflexion pour proposer des projets dans son secteur, en ayant
comme point fort la bonne gouvernance rappelée plusieurs fois dans Les
Lettres de Cadrage en 2003 et 2007 « le Gouvernement est chargé de
traduire concrètement l'ambition de faire du Mali un modèle de
bonne gouvernance » .
Dans celui du Développement Rural une poignée
d'acteurs est convaincue que l'agriculture et l'amélioration du sort de
la paysannerie est une nécessité absolue pour l'avenir du Mali.
Pour cela il fallait a tout prix donner réellement la parole à
ceux que C. COULIBALY a appelé si justement les « sans voix »,
soit prés de 80% de la population, même si dans les zones
encadrées des voix s'étaient élevées et avaient
ouvert la piste au syndicalisme. Dans le cadre de la LOA cette volonté
politique forte s'est traduite en créant la Cellule Infrastructure et
Filières Agropastorales, cheville ouvrière voire bras armé
d'ATT pour mener le processus d'élaboration.
3.5.2 Après 2007 : fragmentation du pouvoir et
absence de lignes directrices
En juin 2007, réélu pour un dernier mandat,
selon la Constitution, avec 71% des voix, ATT est non plus sans parti
derrière lui mais avec une multitude. Ainsi 35 listes étaient
présentes qui se sont toutes ralliées à lui en
négociant chacune une part du pouvoir, empêchant toute dynamique
et cohérence. D'ailleurs le gouvernement n'est nommé que le 3
octobre. Un remaniement ministériel a eu lieu le 9 avril 2009, un autre
serait imminent. Cette situation ne satisfait pas au moins pour les acteurs de
la LOA:
Pour les anciens membres de la CIFA:
«La CIFA n'existe plus avec les personnes qui ont
oeuvré pour la LOA. Madame LANSRY partie au Commissariat de la
Sécurité Alimentaire, les autres ont eu aussi d'autres promotions
ou sont partis a la retraite. L'encadrement actuel n'est pas a la hauteur des
enjeux. Il n'y a plus de spécialistes en développement rural. Le
remaniement ministériel n'a fait que valider les départs
(retraites, promotions, maladies) le reste ressemblait à un jeu de
chaises musicales »
« Aujourd'hui il y a de la timidité de la part
du gouvernement sur l'agriculture, il y a quelque chose, un écart entre
les actes et les écrits. Il est plus dans les gros travaux que dans
l'agriculture. La LOA n'est pas une affaire de l'État mais des OP ! Il
faut donner ça aux acteurs. Il ne faut pas avoir peur de la donner aux
gens qui vont la critiquer ! C'est comme ça qu'un gouvernement peut
avancer ! »
Pour des responsables paysans :
(( Il y a eu un remaniement ministériel, qui a
laissé partir toutes les personnes impliquées dans la LOA... il a
su a l'époque s'entourer de cadres compétents ".
((Le gouvernement actuel est inodore, incolore. Tu me laisses
faire ce que je veux et je te laisse tranquille et vice-versa. On gère
en se partageant le gâteau. Le président est trop faible pour
mettre en oeuvre la LOA, iifait le jeu des partis. La CIFA
était compétente, le nouveau conseiller agricole aujourd'hui n'y
connait rien ~
l'agriculture. Le SP aurait du être rattaché
directement a la primature car aucun ministre n'accepte de se soumettre
à un autre ministre. "
Pour la FAO
(( En plus le gouvernement ne prend pas les choses en
main. Il est trop dans le consensus et chaque ministère défend
son pré-carré ce qui ne correspond pas à une vision
à long terme. Quand un ministre est nommé, c'est pour un mandat
précis dans un temps court, ce qui est différend d'un exercice a
mener sur du moyen et long terme. "
L'État malien est endetté de prés 1000
milliards de FCFA23 (1.53 milliards €),
c'était la moitié au début des années 80.
Confronté à la corruption et à de maigres rentrées
fiscales, n'ayant pas les « coudées franches » ATT se presse
de « puiser » dans les programmes comme le Cadre Stratégique
de croissance et de réduction de la pauvreté ou le Projet de
développement Économique et Social qui s'achèvent entre
2010 et 2012, a la fin de son mandat.
Ceux-ci supplantent les politiques agricoles, orientés
largement sur les grands travaux d'infrastructures, avec peu de composante
agricole prévue hormis « l'initiative riz ~ et l'irrigation de
périmètres. Ces projets et programmes sont de plus en plus
pilotés par les Partenaires au Développement (PTF). Sous couvert
de sécurité alimentaire et de mise en place de Banques de
céréales, la Belgique a la main sur le blé et
l'élevage, le Canada sur le blé, le riz et la micro-finance
toujours les mêmes zones agricoles « privilégiées
» du Mali.Le Mali perd de plus en plus de sa souveraineté.
3.5.3 La corruption gangrène la
société malienne
(( L'avènement de la démocratie
multipartiste a eu peu d'effets bénéfiques sur
l'efficacité de a lutte contre la corruption. Les méthodes ont
simplement changées " K.
KANÉ24.
Cette affirmation illustre bien la formation du gouvernement
pour qui l'objectif n'est pas de mettre en oeuvre des projets pour le pays mais
de maintenir un fragile équilibre entre les partis
et/personnalités en place à tous les échelons. Le Mali est
classé 101ème sur 180 selon l'indice de perception de
la corruption de Transparancy International (TI). Selon le malien Sidi Sosso
DIANA qui a fait un audit des comptes :
(( Des divers services et entreprises publiques, le manque
à gagner pour le Mali est de 98 milliards de FCFA (150 M d'euros) dont
40% imputables a la petite fraude pas celle des cols blancs qui se
règlent « dans les salons dorés " , les petits arrangements
entre Ministres et multinationales et qui font la une des journaux , celles de
tous les jours ".
Plusieurs dires, lors des entretiens, des fonctionnaires aux
paysans alimentent ce constat :
« Il y a aussi des problèmes de corruption,
chacun défend son pré-carré. Pour avoir une info il est
facile de faire tourner quelqu'un de bureau en bureau jusqu'à qu'il
paye, c'est de l'argent qui va directement dans la poche du fonctionnaire ou
plus largement au niveau des ministères liés a l'agriculture
"
23 (chercher article maliweb de février)
24 Karamoko Kané économiste malien auteur d'une
étude sur La corruption des fonctionnaires africains, 2009, Clé,
Yaoundé
« Les partis politiques sont financés par les
importateurs de riz et la loi les dérangeait. La loi est un cadre de
cohérence qu'ils refusent, car ils veulent saucissonner la loi en
fonction de leurs intérêts. Ce sont les ministres. Il faut
comprendre que nous avons un gouvernement sans parti, on est dans le consensuel
et chaque parti a droit a son pré carré. Par exemple il faut
être de l'ADEMA pour avoir le poste de ministre de l'agriculture, Il y a
beaucoup de véhicules disponibles a utiliser lors des élections
et un des plus gros budgets! Le consensus c'est se partager la rente ; on ne se
bat pas pour n'importe quel ministère.~
« Ils se sont faits de l'argent sur le dos des
producteurs, par exemple les pesticides qu'ils achetaient 2000FCFA ils les
revendaient 6000 FCFA ! Ils exploitaient eux-mêmes les paysans. Tout
était entre les mains des ministres de l'agriculture. »
Ces déclarations confirment le rapport d'indicateurs de
développement de la BM du 15 mars 2010 qui souligne que c'est dans le
secteur Agricole a cause des importateurs que cette corruption est la plus
forte : « La corruption fait partie intégrante de
l'économie politique africaine. Elle est intrinsèquement
liée a la pratique du pouvoir... clientélisme et corruption font
bon ménage ».
Même si journaux et ATT lui-même n'hésitent
pas a dénoncer ces dérives pour le moment rien n'avance! Et pour
cause selon K.KANE « le premier instrument de lutte anti-corruption,
c'est la mobilisation générale de la société »
et selon TI (2009) « tout dépend des dirigeants. Si
l'action démarre pas du plus haut niveau, toutes les dispositions
légales restent lettre morte ».
Pour le moment de leur part il n'y a que des discours ! En
attendant les pauvres sont les premières victimes ce qui se traduit dans
les faits par une augmentation de 25% des prix courants et de 10% pour un
projet25 .
Pourtant le Mali a des richesses minières comme de l'or,
de la bauxite, elle a de l'eau, des terres, de la force de travail, mais comme
le clame justement l'intellectuelle malienne Aminata TRAORE :
« Détrompons-nous : nous ne sommes pas pauvres,
nous sommes appauvris et leurrés »
Ces éléments de contexte sont important à
avoir a l'esprit pour comprendre le processus de la LOA que l'on va
développer.
B. Problématique, hypothèses,
méthodologie
4 PROBLÉMATIQUE
Pour tous les acteurs le diagnostic est partagé
favorisant une dynamique convergente lors de l'élaboration de la LOA :
la paysannerie est le socle de l'économie malienne pourtant la condition
paysanne est peu enviable et les importations alimentaires ne cessent
d'augmenter « malgré ces ressources et potentialités, les
efforts déployés et les réformes entreprises depuis 45 ans
~ argue un représentant du ministère de l'Agriculture qui
développe :
25Banque Africaine du Développement dans le rapport de la
BM « indicateurs de développement en Afrique » du
15/03/2010)
« De plus, le monde rural vit dans une situation de
précarité aggravée par un environnement économique
concurrentiel accru et difficilement soutenable aux plans sous-régional
et international. Le monde rural connaît, en outre, d'autres facteurs
d'évolution notamment la décentralisation et une forte exigence
d'implication de la société civile dans la gestion des affaires
publiques.... les politiques, stratégies et programmes mis en oeuvre au
cours de ces dernières décennies ont abouti a des
résultats mitigés, en deçà des espérances
des populations rurales. » 26
La CNOP est d'accord avec ce constat et se positionne en mettant
en exergue les exploitations Agricoles familiales et la souveraineté
alimentaire.
« Les principales caractéristiques du secteur
Agricole malien fondé notamment sur des exploitations Agricoles
familiales, vulnérables, peu équipées et
confrontées aux conséquences de l'ouverture du marché
national, imposent des transformations en mesure de moderniser l'Agriculture
familiale afin qu'elle soit capable de relever le défi de nourrir la
population malienne, de procurer des revenus suffisants et durables aux actifs
ruraux et de préserver les ressources naturelles qui sont la base
indispensable de la durabilité et des performances des activités
Agricoles, animales, halieutiques et forestières. »27
Si l'intérêt de faire une LOA est un point de
convergence entre tous les acteurs, tout l'enjeu sera de comprendre de quelle
façon elle va s'élaborer et comment elle va être mise en
oeuvre ? Les différents facteurs développés dans la partie
A] interféreront tout le long de cette LOA, surtout dans le changement
de comportement du chef de l'ETAT qui dans la phase d'élaboration a
fortement soutenu la CNOP, puis qui dans son 2ème mandat
s'est mis en retrait, voire inexistant Dans ce mémoire nous mettrons
surtout l'accent sur le rapport entre l'État et les OP, que la CNOP a eu
la charge de représenter. Les limites seront dans le fait qu'il n'est
pas possible d'aborder toutes les modifications des textes qui ont
circulé jusqu'à la version finale de la LOA et ce qui serait
aussi une façon d'analyser leur portée. Quelques
éclairages spécifiques seront mis en exergue pour expliquer le
processus des décrets et pré-décrets lors de sa mise en
oeuvre.
La question centrale de mon travail est :
Dans le cadre de la LOA, que se soit au niveau de son
élaboration ou de sa mise en oeuvre, comment et jusqu'oü la voix
paysanne, via la CNOP a-t-elle réussi à se faire entendre?
D'oü découlent d'autres interrogations :
Comment expliquer le décalage entre la phase
d'élaboration et celle de sa mise en oeuvre?
La caractérisation du « décalage » : la
concertation des paysans à travers la médiation de la CNOP
a-t-elle pu se poursuivre tout au long du processus de l'élaboration a
la mise en oeuvre?
5 LES HYPOTHÈSES
Hypothèse centrale
La CNOP a bénéficié d'un fort soutien
politique au moment de l'élaboration dela LOA. Par contre, lors de la
mise en oeuvre, il n'était plus présent, ce qui a entrainé
« le retour ~ d'acteurs qui avaient été mis de
côté au moment de l'élaboration (fonctionnaires et
APCAM)
26 Extrait de la note technique de
présentation de la LOA et le point de sa mise en oeuvre du
ministère de l'agriculture du 10 novembre 2009 distribuée lors de
l'atelier national d'échanges sur la stratégie concertée
de la LOA
27 Extrait d'un document de la CNOP de juin 2008 Stratégie
de mise en oeuvre concertée de la LOA distribué lors de l'atelier
national d'échanges sur la stratégie concertée de la
LOA.
Hypothèses secondaires
Cet affaiblissement du soutien politique après 2007 a
conduit à des formes de déstabilisation de la CNOP qui a
été fragilisée dans son fonctionnement interne.
Un décalage important s'observe sur la nature du
processus de concertation entre l'élaboration et la mise en oeuvre.
L'élaboration peut être considérer comme un «
véritable » processus de concertation alors que ce n'est pas le cas
a la mise en oeuvre
6 MÉTHODOLOGIE
Nous somme dans une analyse des stratégies des acteurs.
C'est l'enquête compréhensive avec selon les cas des entretiens
semi-directifs qui a été privilégiée.
Nous allons aborder la partie la plus difficile du point de vu
recherche. Peu d'écrit existe a ma connaissance sur ce sujet surtout sur
la partie mise en oeuvre de la LOA. Les dires sont parfois bruts. Ils sont
issus du croisement d'informations collectées a l'occasion de ma
participation a différents ateliers et séminaires : atelier
sous-régional à Ouagadougou sur les outils de communication
pédagogiques des problématiques paysannes du 20 au 27 octobre,
préparation du projet de décret sur la transhumance le 2, 3 et 4
novembre, Atelier national de concertation sur la LOA le 9 et 10 novembre, une
journée sur le projet de loi sur les statuts, Assises Nationales des
États-Généraux sur le Foncier du 7 au 11 décembre,
ainsi que 17 entretiens et différentes discussions off.
Le mémoire a la particularité d'être en
plein sous les feux dans l'actualité avec les limites de ne pas avoir
toutes les clefs et le recul nécessaire pour être pertinent, que
des recherches ultérieures pourront confirmer ou infirmer. Cette
situation permet de saisir sur le vif la réaction ou la
réactivité des acteurs face au sujet. C'est pourquoi de
nombreuses citations ne sont pas extraites automatiquement des entretiens
officiels28. Moi même ayant été
parfois sollicitée et partie prenante, l'analyse pourra se
révéler elle aussi trop subjective.
6.1 TYPOLOGIE DES ACTEURS
Les personnes ciblées pour les entretiens ont en commun
d'avoir été impliquées soit au moment de
l'élaboration, soit au moment de la mise en oeuvre, la plupart dans les
2 étapes. Elles y étaient en tant que fonctionnaires,
représentants d'OP nationales et régionales, de chercheurs, ONG
excepté les bailleurs de fond car les personnes n'étaient plus
là hormis le représentant de la FAO.
Les personnes interrogées lors des entretiens, dont
certaines plusieurs fois pendant plusieurs heures individuellement ou dans des
ateliers.
Du côté étatique :
- Les 2 fonctionnaires moteurs de la LOA : Madame Nana LANSRY
et Monsieur TRAORE Nouhoum de la Cellule Infrastructures et Filières
Agropastorales (CIFA), la responsable et le chargé des relations avec
les OP
28 Annexe tous les entretiens ?
- Ministère de l'agriculture : particulièrement le
juriste responsable en charge de la LOA tant à l'élaboration,
qu'à la mise en oeuvre.
- Secrétariat permanent en charge de la LOA
:secrétaire permanent, juriste, personnel administratif
- Secrétaire général et quelques élus
de l'APCAM et chambres d'agriculture de Bamako, Mopti et Tombouctou
- Déclarations, dires, discours, compte rendu de
réunions,extraits de documents officiels , articles de journaux
Du côté paysan :
-Échanges informels avec de nombreux paysan-ne-s dans les
structures, les ateliers internes aux structures et externes, EGF...
- Responsables de la CNOP et AOPP et plus longuement Messieurs
Ibrahima COULIBALY et Ousmane DIALLO, Maddy SISSOKO du SEXAGON
-Responsables FNAFR et FNJR
-Mamadou SISSOKO leader paysan Sénégalais
- Messieurs André TIORE du ROPPA, Bassiaka DAO de la
Confédération paysanne du Burkina Fasso Autres personnes
ressources en entretien ou informel:
-Professeur Cheibane COULIBALY, spécialiste du foncier,
appartenant au mouvement des intellectuels, fondateur de l'Université
Mandé Bukari (plusieurs heures)
-Monsieur BARTHELY représentant de la FAO au Mali
-Chercheurs de l'Institut d'économie Rurale du Mali, de
l'Université de Bamako (Institut supérieur de formation en
recherche appliquée)
-Monsieur Dionkounda TRAORE de la SNV (organisation
néerlandaise de développement)
Il est a noter qu'enfin de compte la LOA tient a la
volonté et a l'énergie de quelques personnes tant du
côté étatique que des paysans. J'ai pu rencontrer les
principaux acteurs, même s'il n'est pas toujours simple d'avoir des
rendez-vous ou tout simplement des documents29. Les
autres personnes non impliquées officiellement m'ont permis souvent en
rencontre informelles, d'avoir des explications et impressions
extérieures, forts précieuses.
La 1ère phase de préparation du
mémoire a été avant - et aussi pendant tout le stage - de
s'imprégner de l'histoire du pays a partir de lecture tant
littéraire qu'historique et de recherches documentaires et de nombreux
échanges sur ce thème là - particulièrement avec
mes maîtres de stage-. La mémoire collective étant
très forte au Mali et sans cesse sollicitée, ces temps me furent
d'une grande utilité et ont facilité les contacts et les dires,
corroborant le point de vu de P. JACQUEMOT (1981), « en discutant avec
n'importe quel malien aujourd'hui les évènements qui ont
marqué le passé du Mali sont profondément enracinés
dans la conscience collective.»
29 j'ai eu quand même, par hasard, un récapitulatif
tous les textes sortis la dernière semaine de mon stage.
La 2ème phase a consisté a rencontrer
différents interlocuteurs, sans a priori, ni guide d'entretien afin de
laisser chacun s'exprimer librement sur la LOA, pour un état des lieux
le plus ouvert possible. Cela m'a permis aussi de circonscrire les défis
que le Mali doit relever aujourd'hui.
Après avoir rassemblé les différents
éléments, comme dans un puzzle, j'ai pu élaborer dans une
3ème phase un guide d'entretien semi-directif où la
stratégie des acteurs et leurs relations étaient au coeur de la
trame d'interrogation. J'ai fait le choix d'un seul guide quelque soit
l'interlocuteur. Mais étant dans le vif de l'actualité des
questions très précises - hors questionnaire- ont
été abordées selon les personnes et le moment de la
rencontre. Dans tous les cas les individualités enquêtées
ont témoigné de l'attention a ce mémoire, car étant
dans une situation d'essoufflement, voir d'impasse leur intérêt
semblait se raviver.
Un parti pris manifeste ressortira au fil de la lecture :
s'appuyer le plus possible sur la parole, les documents et analyses issus des
chercheurs, personnes ressources africaines. Ce choix fait écho au
proverbe
«Tant que les lions raconteront leurs histoires de
chasse, les lions seront toujours vainqueurs»
Modestement et malgré tout avec mon filtre, c'est leurs
paroles que je chercherai a mettre en valeur. De même de mettre des
majuscules à Agricole par exemple acté dans la LOA ou autres, est
un respect des us d'écriture malienne.
Tout le stage s'est déroulé du 1er
octobre 2009 au 15 janvier 2010 à Bamako, là où se
trouvent la plupart des acteurs impliqués dans la LOA. Vu le temps et le
peu d'empressement de faire fonctionner les Comités Exécutifs
Régionaux, l'intérêt était émoussé
d'aller enquêter en région.
Dans la 1ère partie du mémoire
après avoir esquissé un panorama géographique et une
histoire du mouvement paysan, ont été abordés
différents états des lieux et enjeux auxquels est
confronté le Mali actuellement. Dont les principaux ont
été exposés et sont indissociables des difficultés
relevées pour mettre en oeuvre la LOA.
La 2ème partie va tenter de retracer en
trois chapitres les différentes étapes vécues par les
différents protagonistes, de l'élaboration d'abord puis les
textes en cours au moment de la mise en oeuvre actuelle de la LOA. Dans un
quatrième chapitre une réflexion sur le processus de concertation
à partir des travaux de BEURET et une analyse comparative sur
l'existence ou pas de stratégie collective dans les deux phases
inspiré d l'ONG GTZ. Les perspectives clôtureront ce
mémoire.
C. Le processus d'élaboration de la LOA
7 DANS LES COULISSE DE LA NAISSANCE DE LA LOA
En rupture avec les approches précédentes, le
président du Mali a affirmé solennellement sa volonté de
transformer radicalement les conditions de vie et de production dans le secteur
Agricole en initiant une LOA concertée dans le cadre d'une bonne
gouvernance. C'est dans cet esprit là qu'il a officiellement remis entre
les mains de la CNOP a Koulouba, le palais présidentiel, le 7/02/2005
l'organisation et l'animation des concertations pour l'élaboration de la
LOA.
Comme déjà exposé il y a convergence
d'objectif : reconnaître le rôle et la place de la paysannerie.
Cette jonction s'est faite a partir du moment oü ATT lors de son
1er mandat, poussé par des fonctionnaires motivés, a
reconnu la CNOP comme interlocuteur du monde paysan.
La 1ére réponse a été
d'actualiser le Schéma Directeur du Développement Rural (SDDR),
le premier date de 1992, qui a commencé à prendre en compte
les préoccupations paysannes mais « Il n'y avait pas de
vision. Le schéma directeur est un catalogue de
projet sans vision. Nous avons du insistépour avoir une
politique agricole à travers la LOA » précise un responsable
CNOP.
C'est début 2003 que les 1ères
réflexions sur le projet d'une LOA seront lancées au sein de la
Cellule Infrastructures et Filières Agro-pastorales (CIFA), la cheville
ouvrière de l'appareil étatique pour la LOA inspirée des
lois française et de la Loi Agro-pastorale du Sénégal
(LOASP), avec comme ambition finale de rédiger un Code rural comme
prévu a l'article 200. En tout état de cause mettre en place une
LOA n'est pas une simple affaire et tous les acteurs ne sont pas toujours
prêts au changement.
7.1 DES RÉPONSES ÉTATIQUES
Différents acteurs étaient en phase pour entrevoir
la construction d'une LOA. D'abord ceux de la CIFA dont les instigateurs
relatent :
(( La réflexion est née de quelques
fonctionnaires dont je faisais parti en début de mandat d'ATT dès
début 2003, il y avait un enjeu politique de marquer son passage et
chaque département devait proposer des projets »
((Une LOA aussi pour harmoniser et apporter de la
cohérence. Le secteur agricole souffrait d'une politique
d'incohérence. Sa force réside de mettre ensemble tout ce qui
existe dans le milieu institutionnel et politique et des lois en cours pour les
gérer dans le cadre de la vision de la LOA ».
Il est a noter que les éleveurs et pêcheurs ont
été entendus, d'être considérés a
l'égal des agriculteurs, ceux qui cultivent la terre. Ce souci de
n'oublier aucun secteur agricole se traduira symboliquement dans la LOA en
écrivant Agricole avec un grand À (Définitions
générales du chapitre I). En 2004 la crise alimentaire
liée à la sécheresse avec pour conséquence de
nombreux élevages décimés30,
et aussi de satisfaire des revendications plus politiques des régions du
Nord, la réponse du gouvernement a été la création
du Ministère de l'Élevage et
30 Jusqu'à 80% dans le Nord-Mali
de la Pêche et la mise en place d'une Charte pastorale qui
est importante notamment pour les transhumants mais qui n'est toujours pas en
oeuvre aujourd'hui!
A ce jour le monde Agricole est chapeauté par le
Ministère de l'Agriculture en charge de la production
végétale, le Ministère de l'Élevage et de la
Pêche, le Ministère de l'Environnement et de l'Assainissement
chargé de la gestion durable des ressources naturelles, plus le
Commissariat à la Sécurité Alimentaire rattaché
directement a la Présidence de la République. Pour le foncier
c'est le Ministère du Logement, des Affaires foncières et de
l'Urbanisme qui chapeaute, mais le foncier rural est
délégué au SP, donc au Ministère de l'Agriculture
depuis décembre 200931.
Le 14 juin 2003, à Koutiala, lieu symbolique des luttes
paysannes, est annoncée par ATT lui-même une LOA qui «
procède d'une approche résolument originale parce que holistique
des problèmes de l'agriculture ~ C'est d'abord une «
démarche ~ initiée a partir d'un document,
(( Une ossature de loi issue des nombreux débats
internes dans l'appareil étatique et qui sera la référence
pour lancer les débats. Elle constituera la référence qui
oblige l'ensemble des acteurs de l'agriculture. Ce sera une loi cadre, elle
constitue le point de convergences d'autres lois dont l'objet est de la mettre
en oeuvre ». 32.
La fin de l'extrait suivant donne peut-être la clef aux
blocages de la mise en oeuvre, et surtout a permis une interprétation
restrictive par le SP de la procédure à suivre pour son
application.
(( Pour concrétiser l'initiative d'élaborer
une LOA, l'option s'est faite en faveur d'une méthode qui, sans figer le
débat a le mérite de l'éclairer. Elle consiste a
préparer un document de base, esquisse de la future loi qui est soumis
aux débats des acteurs. Son contenu fera l'objet d'un échange
entre les différents acteurs de l'agriculture qui pourront l'enrichir.
Le processus de concertation prévu débouchera sur une
synthèse nationale laquelle sera transcrite en forme juridique par une
équipe d'experts. »33
En effet évinçant les concertations et les
documents issus de la phase d'élaboration, la préoccupation
principale aujourd'hui est d'écrire des textes juridiquement acceptable
d'abord sur la forme puis politiquement correct sur le fond. Cette injonction,
prise au pied de la lettre et prônée par le SP met à mal
certains juristes (( je ne sais pas si je vais rester car on
n'écoute plus les paysans », considérant ce choix peu
en phase avec la dynamique antérieure, exécutant bon gré,
mal gré les nouvelles orientations. De leur côté peu de
paysans étaient peu ou pas consultés et en capacité pour
se confronter à cette phase administrative. Les dispositions finales
(TITRE VII) offrent des possibilités de revenir sur les lois,
seront-elles utilisées s'ils ne sont pas satisfaits ?
7.2 UNE LOI CADRE QUI FERA L'OBJET D'AUTRES LOIS
La charpente de la LOA a été construite au
départ au sein de l'appareil étatique autour de 5 thèmes
majeurs. La version finale se décline en 7 TITRES. Les 2 TITRES
supplémentaires sont la reconnaissance de la souveraineté
alimentaire et des risques et les dispositions finales donnant la
possibilité de réexaminer et amender les lois :
Tableau 1 : Ossature de la LOA
31 Jusqu'en 2006 il y avait un seul Ministère du
Développement rural, un Ministère Domaines de l'État,
Affaires foncières et Habitat et un Ministère de
l'Environnement.
32 Cette définition est tirée du document
d'orientation et d'introduction aux débats édité en
janvier 2005 pour la cérémonie officielle de lancement de
concertations
33 Document d'orientation et d'introduction aux débats
édité en janvier 2005
Première ossature
Architecture finale
Le 1er TITRE décrit les objectifs
généraux et les stratégies du développement
agricole. A travers celui-ci, il s'agit surtout de donner à la LOA une
légitimité en indiquant sa finalité tant au plan interne
qu'au plan international
TITRE I : Dispositions générales Chapitre I :
définitions générales Chapitre II : des principes Chapitre
III : des objectifs
Le 2ème traité des Hommes au sens
large dans la mesure où sont abordées les questions liées
au statut des exploitants et exploitations agricoles, aux organisations de la
profession agricole et à la formation des professionnels du secteur. La
loi d'orientation agricole aura pour effet notamment d'améliorer la
qualité des ressources humaines et de renforcer les capacités des
organisations du secteur agricole.
TITRE II : Place et rôle des acteurs Chapitre I :
exploitations et exploitants Chapitre II : OPA
Chapitre III : chambres d'agriculture et autres organismes
personnalisés
Chapitre IV : rôle de l'État
Chapitre V : les collectivités territoriales
Chapitre VI : organisations de la société civile
à vocation agricole
Pas prévu au départ, acquis des paysan-ne-s sur la
souveraineté alimentaire notamment
TITRE III : Souveraineté alimentaire et risques Chapitre I
: souveraineté alimentaire
Chapitre II : prévention et gestion des risques majeurs
Chapitre III : la santé publique vétérinaire
et de la protection sanitaire des animaux et végétaux
Chapitre IV : réhabilitation des zones
désertiques
Le 3ème se rapporte aux facteurs de
production c'est-à-dire l'ensemble des activités et biens
matériels qui concourent a l'amélioration de la production
agricole. Il s'agit, entre autres, de la gestion rationnelle de la terre, des
ressources naturelles et du régime foncier, du financement de
l'agriculture, de la maîtrise de l'eau, de la réalisation
d'infrastructures et d'équipements agricoles, du soutien à la
recherche agronomique.
TITRE IV : Facteurs de production
Chapitre I : aménagement du territoire et de la gestion
des ressources naturelles
Chapitre II : foncier agricole
Chapitre III : maîtrise de l'eau
Chapitre IV : production et maîtrise de l'énergie
Chapitre V : enseignement agricole et formation
professionnelle
Chapitre VI : recherche et conseils agricoles Chapitre VII :
financement de l'agriculture Chapitre VIII : intrants et équipements
Chapitre IX : infrastructures à vocation agricole
Le 4ème concerne d'une part, les
stratégies de développement de la production dans les domaines
agricole, animale, halieutique, forestière et faunique et d'autre part,
la promotion des filières et des marchés. Ce chapitre devrait
apporter une réponse à des questions aussi essentielles que
l'accroissement des productions dans les différents sous secteurs de
l'agriculture, la transformation de
TITRE V : Productions et marchés Chapitre I :
productions végétales Chapitre II : productions animales Chapitre
III : productions halieutiques et aquacoles
Chapitre IV : ressources et productions forestières et
fauniques
ces productions de façon à leur donner une
valeur ajoutée, la qualité des productions agricoles,
l'organisation du marché intérieur, l'accès aux
marchés extérieurs
Chapitre V : valorisation des productions Chapitre VI :
qualité et labellisation Chapitre VII : organisation des filières
Chapitre VIII : les marchés
Le 5ème traite du cadre institutionnel qui
accompagnera l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il est ainsi
préconisé de mettre en place un organe dont la vocation sera de
donner au Président de la République des avis
éclairés sur l'ensemble des questions touchant a l'agriculture
TITRE VI : mécanisme d'évaluation, de suivi et
d'évaluation
Chapitre I : Conseil supérieur de l'Agriculture
Chapitre II : espaces de concertation et de dialogue et de
communication
Chapitre III : planification du développement agricole
TITRE VII : Dispositions finales
Pas prévu. Introduit la mise en place d'un code rural
et la possibilité que « les lois régissant le secteur
agricole ...soient réexaminées et au besoin amendées
»
La LOA ainsi déclinée offre de nombreuses
possibilités avec un esprit « innovant », qui permettra aux
paysans d'écrire les textes lors de l'élaboration. Mais les
décrets leur donneront réellement un sens.
7.3 CONVAINCRE LES FONCTIONNAIRES
Si politiquement le gouvernement était prêt
à laisser les paysans être partie prenante de la LOA dans la phase
d'élaboration, l'affaire n'était pas la même au niveau des
fonctionnaires des départements ministériels en
général. En effet jusqu'à maintenant c'étaient eux
qui écrivaient les lois et ils n'acceptaient pas ce changement voyant
leur rôle, leur pouvoir et du financement leur échapper.
La 1ère bataille pour la LOA a
été celle là. Elle a été menée au
sein de l'appareil étatique, par la CIFA directement rattachée a
la Présidence, qui a été l'organe initiateur de la LOA,
ayant la confiance du Secrétaire Général, Modibo SEDIBE,
actuel 1er ministre, et d'ATT. La CIFA était composée
de :
Mme LANSRY Nana Yaya HAÏDARA en tant que chef qui est
maintenant responsable du Commissariat à la Sécurité
Alimentaire
M. Amidou DIAKITE responsable des transports, eau et
infrastructures
M. Amouna BARY responsable de la formation initiale et
professionnelle
M. Nouhoum TRAORE responsable agriculture, pêche,
élevage, foresterie, commercialisation, OP.
Ils collaboraient aussi avec le chargé des médias
à la Cellule communication Kader MAÏGA, le conseiller en charge de
la Cellule juridique Baba BERTHE, et du chargé des CT Almou BARECK.
Ces fonctionnaires étaient aussi en permanence en
relations officieuses avec des leaders paysans. Ils devenaient ainsi leur
porte-parole en haut lieu. Un responsable de l'AOPP d'alors confirme :
((Mme LANSRY a initié la loi. Flle était en
relation officieuse avec M. Falyri BOLY a l'époque Secrétaire
général de l'AOPP et moi-même. Nouhoum était en
contact avec Ibrahima COULIBALY. Le noyau de paysans c'était nous trois.
Après les choses se sont officialisées ».
Une des premières questions abordée ensemble, a
été :
(( La question de la gouvernance en matière
politique. Comment on met en place un processus au niveau de l'État, de
la CNO ? Comment celui-ci fonctionne ou ne fonctionne pas ? Qui conduit les
débats ? Il fallait donc définir ce concept de gouvernance
».
Cette interrogation était importante et nouvelle.
Jusqu'à maintenant, toutes les lois étaient
édictées sans la voix des concerné-e-s. Pour la
1ère fois une volonté forte soutenue politiquement par
le chef de l'État luimême, de donner la parole aux acteurs
impliqués, apparaissait.
Il a donc fallu d'abord introduire le débat en interne.
Le 1er a été mené au sein de la CIFA pour
« esquisser les grandes lignes d'orientations car ce sont les paysans
qui devaient écrire eux-mêmes leur loi ». Cette
première mouture de document a été transmise au
Secrétaire Général Modibo SIDIBE, qui séduit par la
démarche dira plus tard que ça serait « une des plus
belles lois de l'histoire qu'on laisserait en héritage ».
Mais les résistances au sein du corps des fonctionnaires
entravaient ce processus nouveau. La CIFA, s'attelle a la tâche, cette
rupture dans les relations dérangeait :
«Au début des premières
réflexions sur la LOA à notre niveau, certains pour ne pas
inclure les paysans, affirmaient qu'il n'y avait pas de structure paysanne qui
pouvait être un interlocuteur pour conduire les débats. Je voulais
que les paysans aient la parole et prennent les débats en main. J'en
avais marre, même mal, d'entendre du mépris sur les paysans.
Moi-même je suis issu d'une famille paysanne. Comment peut-on rejeter sa
famille, comment peut-on autant la déconsidérer ? ".
Modibo SIDIBE conscient du verrou organisa une table de
rencontres avec les différents agents des départements et des
conseillers de la présidence, qui donna lieu à une très
longue discussion à tous les niveaux économique, social,
financier. Un document s'en suivit a faire valider par ATT, « pour
avoir sa bénédiction ". En parallèle les bailleurs de
fond (FAO, BM, USAID) ont été contactés pour voir s'ils
soutiendraient ce processus. Un accord de principe a été
donné à condition de fournir « un document d'orientation
et un draft qui pourraient être le contenu de la loi, que ce soit un
brainstorming et que tous ceux qui soient concernés ne soient pas
oubliés "
Un documentaire de 30 minutes a été monté
pour rencontrer les acteurs et leur donner la parole au sein des
Ministères des filières, de la pêche, forêt, femmes,
jeunes etc. tant au niveau de Bamako que des services
décentralisés. Je n'ai pas eu accès a ce film qui aurait
été intéressant pour voir comment la LOA, à ce
stade là était présentée. C'est par le biais du
Comité technique des débats internes que le Ministère de
l'Agriculture a aussi organisé un forum des services publics et
parapublics qui a rassemblé l'APCAM et les services techniques des
différents départements. Évidemment tout ceci ne se serait
pas fait sans l'acquiescement d'ATT. Il y a eu donc une rencontre officielle
avec tous les conseillers, ministères et ATT où il y a eu encore
débat après la projection du documentaire :
« Ensuite cette présentation et cette vision
ont été reprises par le Président qui a dit au
gouvernement la conduite à tenir en lui demandant de poursuivre pour y
mettre du contenu en faisant des concertations à tous les niveaux. "
précise la responsable de la CIFA.
L'équipe a été renforcée par :
Alpha MAÏGA ancien Secrétaire Général du
Ministère de l'Agriculture, NIAGADO ancien directeur de l'Institut
d'Économie Rurale, MAGAGUILE ancien directeur dans le secteur
privé, un expert suisse et un expert français BICHAT . Ils
effectueront une mission en Suisse, en France puis après au
Sénégal pour récolter informations et documentations.
Selon un document du GRET/REDEV34 le
Ministère de l'Agriculture a consulté aussi : le Haut Conseil aux
CT, le Conseil Économique, Social et Culturel, le Haut Conseil des
Maliens de l'Extérieur, les Chambres des Commerces et de l'Industrie et
des Métiers.
Ainsi pendant presqu'une année la première
énergie dépensée pour la LOA a été de
susciter le débat au sein de l'appareil étatique pour qu'il
adhère a ce nouveau processus oü « ils ne seraient pas les
maitres du jeu ». Cela a été possible car la CIFA
était composée de gens convaincus du projet en laissant la parole
aux paysanne-s, avait l'entière confiance d'ATT et était
directement rattachée à la Présidence.
34 GRET http : //
loa.initiatives.net.hml//sommaire.php3
7.4 L'OFFICIALISATION DES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT ET
LA CNOP
Maintenant il fallait officialiser le rôle des OP. Il
devenait nécessaire que la CNOP soit reconnue comme l'interlocutrice
porteuse de la parole paysanne. Elle a été enregistrée
comme structure syndicale selon les textes législatifs le 26/11/2004,
même si elle était organisée depuis 2002. L'État
pouvait alors déléguer les concertations et le budget y
afférant.
«C'est là qu'on a fait le choix des
interlocuteurs entre l'APCAM, l'AOPP et la CNOP. Donc la CIFA a balayé
les différentes OP qui existaient. L'APCAM, en tant que structure
parapublique et par ce statut juridique elle ne pouvait pas être la voix
des paysans de terrain mais elle pouvait participer au débat. L'AOPP
était une organisation qui regroupait les paysans et les professionnels
en son sein. C'est-à-dire qu'il y avait des coopératives, des
syndicats, des associations, des OP faitières
etc. il y a donc des clivages
internes, des risques de prises de pouvoir, des intérêts parfois
divergents, cela risquait de fausser le débat. Par contre elle est
très bien implantée sur le terrain. Elle pouvait être la
structure qui s'occupe du dispositif sur le terrain avec l'aide des Chambres
d'Agriculture. La CNOP était la meilleure car elle était neutre,
avait la capacité scientifique et les dirigeants les mieux
écoutés par la base. La CNOP, c'est le cerveau de l'AOPP, c'est
l'organe politique, le coordinateur, l'animateur du débat sur la LOA.
C'est pour ça que le gouvernement l'a désigné. Nous
voulions éviter les conflits et nous avons déterminé
à chacun son rôle. »
Un responsable de la CNOP corrobore ce choix, de leur confier la
concertation pour que la LOA soit réellement le reflet des paysans de
base :
« ATT a demandé le point de vu des
producteurs. Nous lui avons dit nous sommes représentatifs [la CNOP]
mais ce qui est important c'est la base, on veut retourner expliquer a la base.
C'est comme ça qu'ATT nous a dit qu'on avait qu'à piloter
nous-mêmes la concertation, que ce ne soit pas les fonctionnaires comme
d'habitude, qui ont bataillé dur contre ça. ».
7.5 UN BUDGET POUR LA CNOP «LES FINANCES NE POUVAIENT
PLUS RESPIRER ! »
Au moment du budget, les fonctionnaires se sont montrés
encore une fois récalcitrants. Un responsable de la CNOP affirme :
« Mais ATT et la CIFA sont restés fermes face
au Ministre de l'Agriculture de l'époque Seydou TRAORE qui voulaient que
ce soient les départements donc les fonctionnaires qui pilotent. Ils
disaient que les paysans ne pouvaient pas mener ce genre de concertation, ATT
leur a répondu que s'ils ne peuvent pas ils ne pouvaient plus rien
réclamer ! »
Le défi était lancé et il était de
taille ! Ils devaient prouver leur capacité à transmettre,
à gérer et le gouvernement leur en donnait les moyens. Un fonds
spécial a été créé au niveau du
Ministère des Finances Mais là aussi la réaction fut
virulente. Un des responsables de la CIFA explique :
« Il ne voulait pas que la CNOP le gère,
arguant qu'ils étaient analphabètes, il les méprisait. Je
lui répondais qu'ils savaient gérer. Tous les milliardaires du
Mali sont analphabètes, ils sont paysans, éleveurs.
L'analphabétisme n'est pas un critère de gestion. Il a fallu
batailler et même lui dire de taire sa vision. Il a compris à la
fin .Les Finances ne pouvaient plus respirer.».
Cet accrochage est aussi relaté du côté
paysan et éclaire sur la captation de budget par les départements
ministériels:
« ATT a dit OK pour l'argent directement a la CNOP.
Le Ministère des Finances a dit qu'il ne pouvait pas payer 300 M FCFA
alors que le Ministère de l'Agriculture avait fait un devis de 700 M
FCFA et qu'il était prêt a les payer. Il y avait une forte
méfiance envers les producteurs, ils disaient qu'on était
incapable de mener les concertations. Ça a couté moins de 200 M
FCFA ».
Une convention entre la CNOP et l'État a
été signée. La CNOP a su aussi mobiliser des moyens via le
ROPPA et le bureau de la Coopération Suisse du Mali pour des actions
liées directement à la LOA et pour la CNOP pour l'édition
du Mémorandum paysan ou des réunions internes.
7.6 DES CONCERTATIONS AU VOTE « A LA FIN CHACUN S'Y
RETROUVAIT! »
Il fallait réussir les concertations et ce fut le cas mais
précise un représentant du CIFA :
((A chaque étape il fallait être patient car il
y a eu de la rébellion des cadres dans les régions car dans ces
concertations l'administration était exclue. Ils devaient remettre leurs
revendications a la CNOP ".
Le Ministère de l'Agriculture a alors organisé
un atelier a Sélingué afin que les fonctionnaires et l'APCAM
puissent aussi s'exprimer. Le rapport qui en est sorti et le Mémorandum
paysan ont servi de base pour la loi. Quand les choix étaient
difficiles, c'est ATT qui a tranché « comme pour les
agro-carburants, l'entreprise Agricole »
Pour valoriser le rôle du chef de l'État qui
s'est construit « une belle popularité là-dessus ~ d'une
part et d'autre part pour officialiser que pour la 1ére fois
le gouvernement déléguait aux paysans un processus de
concertation, une grande cérémonie a été
orchestrée le 7/02/2005 « un spectacle à l'AN, pour la
remise d'un document officiel des mains d' ATT au nom du gouvernement à
la société civile, la CNOP, pour accompagner tous les paysans
dans la construction de la LOA ».
Un plan communication a été
budgétisé et élaboré afin que les débats
parviennent dans tous les foyers via les radios, télévisions,
presse et même un forum sur le net (( ce qui a donné encore
plus de poids aux concertations " (GRET). 4000 paysans et paysannes se
sont déplacés et se sont exprimés :
(( Tout le monde était invité aux débats
mais les cadres de l'État n'en étaient pas propriétaires..
C'était une première ! Parfois les OP étaient en proie a
des batailles internes mais a la fin chacun s'y retrouvait i! "
La réussite c'est grâce a la forte structuration de
l'AOPP, rappelle un responsable paysan :
«L'AOPP même avant les concertations
officielles avaient organisé des concertations internes pour expliquer
aux leaders de chaque OP sur le terrain l'importance d'aller aux concertations.
L'AOPP a préparé le terrain, et la CNOP s'est moulée
dedans pour les concertations ".
Les concertations se sont déroulées de mai à
septembre 2005 (( au pas de course " avec comme support le document
d'orientation et d'introduction aux débats proposé par
l'État :
24 concertations locales et au niveau des cercles 9 ateliers
régionaux
8 ateliers thématiques (foncier, statuts des exploitants
et des exploitations, recherche, financement, développement des milieux
ruraux, filière/formation)
1 synthèse nationale
Les 12/13/14 septembre l'atelier national de synthèse a
eu lieu avec une déclaration politique paysanne finale. Les propositions
du Mémorandum paysan seront validées par les paysan-ne-s les
16/17/18 35à Ségou. Le 21, un avant projet de loi
reprenant la plupart de leurs propositions est remis au gouvernement.
Après plusieurs réunions interministérielles, un texte est
proposé au Conseil des Ministres du 2 novembre qui l'adoptera le 14
décembre. Il sera débattu lors d'une prochaine session
extraordinaire de l'AN qui se déroulera en août.
De janvier à août 2006 la CNOP a organisé
des réunions de préparation en interne pour se faire
entendre auprès des parlementaires. Elle sera reçue a une
séance d'écoute a l'AN le 16 juin. Des députés
avaient fait
35 La déclaration de Ségou. (voir annexe2)
des modifications qui n'allaient ni dans le sens du gouvernement,
ni dans celui des paysans. Des responsables de la CNOP racontent :
(( C'était la première fois que les paysans
étaient en contact avec les institutions de la République. C'est
vraiment en l'état que le projet de loi est sorti comme le voulait les
producteurs. C'est au passage a l'AN qu'il y a eu des modifications. Il y a eu
beaucoup de lobbying et de plaidoyer. Nous avons formé une équipe
d'une dizaine de paysans de la CNOP pour aller faire du lobbying auprès
des députés. Le texte qui avait été
chamboulé a été remis dans sa forme initiale.
»
Le 16 août 2006 la LOA n°06-40/AN-RM est votée
à l'unanimité à l'AN tard le soir, et « applaudie
» :
(( Flle est un instrument stratégique qui fixe les
orientations du développement du secteur agricole du Mali pour l'horizon
2025 *...+ dans l'optique des actes édictés par les
États-Généraux du monde rural de 1991, de l'option de
décentralisation et des autres grandes orientations des politiques de
développement économique et social du pays
»36.
Cette phase mériterait plus d'analyse et de comparaison
entre les documents. Mais là n'est pas l'objet intrinsèque du
mémoire. Cette présentation de l'élaboration de la LOA est
axée sur la stratégie des acteurs et non pas sur
l'évolution des textes pendant toute cette période, alors qu'elle
révèlerait plus en détail la capacité de la CNOP
d'influencer sur les textes comme nous l'avons vu dans le tableau
précédent ou comme nous allons le voir dans la section suivante,
sur quelques points forts revendiqués par les paysans et inscrits dans
la loi.
8 LES GRANDES LIGNES DE LA LOA
Avec 7 TITRES, 33 chapitres, 200 articles, elle aborde les
questions liées au développement Agricole et du
périAgricole (transformation, transport, distribution
etc.)37, intégrant aussi les stratégies et objectifs
de décentralisation, le CSCRP, les engagements sous-régionaux et
internationaux (articles 4 et 6) « Elle [est] l'instrument directif et
fédérateur pour les politiques Agricoles~. La LOA innove et met
en exergue la reconnaissance de l'EAF et de ses membres, le droit à la
sécurité alimentaire dans le cadre de la souveraineté
alimentaire, l'équité sociale, la responsabilisation des acteurs
pour pallier au désengagement de l'État. L'article 9 est clair
là-dessus :
(( La politique de développement Agricole repose
sur la responsabilisation de l'État, des CT, de la profession Agricole,
des exploitants Agricoles et de la société civile. Flle s'appuie
sur la solidarité, l'équité et le partenariat entre les
acteurs, la subsidiarité, la complémentarité, la promotion
de l'exploitant Agricole, des secteurs privé et associatif. Flle affirme
le principe du désengagement de l'État des fonctions productives
et commerciales, Agricoles et péri Agricoles. Flle privilégie la
promotion de partenariats et la création de marchés communs au
sein des grands ensembles économiques sous régionaux,
régionaux et internationaux. »
La LOA n'est qu'une loi cadre d'oü découleront
d'autres lois et des décrets. Mais quand ? Quel sera le contenu des
décrets ?
Nous pouvons d'ors et déjà apporter un
éclairage sur : quand ? En effet entre le document d'orientation
de l'avant projet et la loi votée, une modification notable a
été faite: la disparition des délais d'applications.
Ils étaient initialement prévus « dans les 3 ans maximum
[sauf+ l'évaluation qui doit être faite tous les 2 ans ».
36 Guide pratique des mesures
37 (voir annexe n°1)
Cette absence de délai laisserait-elle la porte ouverte
pour ne pas mettre en application les sujets les plus délicats à
gérer politiquement comme le foncier par exemple ? En tout cas la
position du représentant de la FAO est différente et a
pesé « J'ai dit au monde paysan de faire mener des
études, ils veulent la réalisation de la loi dans les 3 ans,
c'est moi qui ai demandé qu'on enlève ce délai dans la LOA
! ». Étant un des bailleurs de fond et un malien en poste
depuis longtemps dans différentes institutions agricoles, on peut
supposer qu'il a pu réellement influer.
Dans tous les cas l'espoir apporté par la LOA ne semble
pas répondre aux demandes des paysan-ne-s , qui en souhaitaient ((
une exécution rapide et opérationnelle », ni celles du
CIFA (( J'aurai aimé que ce qui se fait, sa mise en oeuvre soit
activée et finie en 2012 * fin mandat ATT+ mais il reste beaucoup de
choses à faire ! ».
8.1 QUELQUES POINTS FORTS REVENDIQUES ET APPORTES PAR LA
CNOP
Tout au long de ce chapitre 8, vont être retenus et
développés quelques points forts inscrits dans la LOA et
portés par la CNOP Le choix fait est lié aux concepts nouveaux
introduits comme la souveraineté alimentaire ou la défense de
l'exploitation Agricole familiale et de ses membres. Ses visions paysannes sont
aussi reconnues par le Ministère de l'Agriculture comme des dires
ci-dessous le confirmeront. Mais ce n'est pas parce que c'est inscrit dans la
LOA que leur réalité est tangible comme nous allons le voir.
Ainsi la CNOP elle-même revendique:
«Les principales propositions paysannes relatives a
la vision de l'agriculture : la reconnaissance de l'EAF, la souveraineté
alimentaire, la protection et la gestion des ressources naturelles, la
sécurité foncière, le financement et l'implication des OP
dans la mise oeuvre pour la partie gouvernance » ont été
prises en compte avec comme objectif l'équité sociale.
»
8.1.1 L'Exploitation Agricole Familiale (EAF)°
« L'EAF ne doit pas disparaître et c'est le but
de la loi » affirme un représentant de la CNOP lors de
l'atelier d'octobre 2009. Sa reconnaissance est traduite dans le TITRE II du
chapitre I a travers 16 articles du 11 au 26 qui doivent assurer un statut a
l'exploitation et aux exploitant-e-s, dont l'enregistrement et
l'immatriculation qui font partis des 5 décrets
sortis38. L'article 3 annonce (( que la
politique de développement agricole malienne a pour but de promouvoir
une agriculture durable et compétitive reposant prioritairement sur les
EAF reconnues et sécurisées ». L'article 13 classe les
exploitations Agricoles en 2 catégories: l'EAF et l'entreprise
Agricole.
(( La seule grosse concession qu'on a accepté dans
la loi c'est l'entreprise Agricole. On nous a dit que par rapport aux accords
internationaux, et dans l'esprit du libéralisme on ferait fuir les
investisseurs, c'était une concession librement acceptée »
explique un représentant de la CNOP.
En effet c'est pour au moins être conforme aux
engagements de l'ECOWAP que l'entreprise Agricole est inscrite dans la LOA.
Elle est gérée par les réglementations de l'Organisation
pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), ce qui la situe
d'emblée dans le champ des investisseurs liés aux échanges
régionaux et internationaux. Elle est clairement affichée
à côté des EAF comme dans la LOA :
38 Nous y reviendrons dans la partie mise en oeuvre de la LOA
a promouvoir une agriculture moderne et durable,
fondée sur l'efficacité et l'efficience des exploitations
familiales sans remettre en cause la diversification des productions »,
sont aussi reconnues a les entreprises agricoles grâce a
l'implication du secteur privé. ».
Ceci est en concordance avec le NEPAD qui veut promouvoir
« les gros investisseurs nationaux ou étrangers
d'accéder à des milliers d'hectares sécurisés par
l'État.». Des mesures sont déclinées
spécifiquement dans ce sens pour le Mali «appui à
l'initiative malienne d'investissement régional dans l'ON :
définition des conditions d'investissements privés
étrangers sur la zone »39 d. ATT a
précisé lors du CSA du 20 avril 2008 que dans ce cadre là
pour la période 2008-2012 103.356 ha dont 61 000 en maîtrise
totale de l'eau seront aménagés, mais pas pour les paysans, pour
les investisseurs -comme MALIBYA-
Même si pendant l'atelier de concertation le
représentant du Ministère de l'Agriculture a effectivement
rappelé cette reconnaissance de l'EAF défendue par la CNOP en
déclarant :
a Dans la LOA le législateur a pris l'option que
les femmes et les hommes seraient au centre et donc l'EAF qu'on a essayé
de formaliser, en lui donnant une structure, un sens juridique pour être
un acteur économique, elle l'est déjà, c'est dans le sens
juridique je veux dire»
Mais les interrogations subsistent quant à la
volonté de soutenir les EAF comme pilier de l'économie agricole,
alors que les programmes financent d'autres exploitations. Cette question est
aussi portée par T.DIARRA40, :
a La LOA entretient l'ambigüité sur la nature
de cette agriculture familiale. Elle sous-tend en réalité que
l'exportation doit revenir a la grande entreprise Agricole qui a par nature une
orientation commerciale et les petits paysans ne devront cultiver que pour se
nourrir et seront laissés-pour-compte. Ils deviendront des ouvriers
agricoles. La LOA pourrait ainsi institutionnaliser un système où
les petits paysans majoritaires au Mali seraient réduits a des
conditions de vie encore plus rudes qu'aujourd'hui.>
La reconnaissance de l'EAF passe aussi par la reconnaissance
de ses membres qui est l'enjeu du pré-projet de statut41 et par
l'équité sociale. Elle est transcrite dans l'article 8 a La
politique de développement Agricole vise à assurer la promotion
des femmes et des hommes qui vivent du secteur Agricole dans le respect de
l'équité, notamment entre les milieux rural et urbain.
»
Plus spécifiquement dans l'article 24 l'État
«privilégie l'installation des jeunes, des femmes, des groupes
vulnérables~. Dans l'article 45, il «favorise
l'équité entre les femmes et les hommes en milieu rural, en
particulier dans l'exploitation agricole~. L'article 17 précise «
Les membres d'une EAF, qu'ils soient de sexe masculin ou féminin, ont
l'obligation d'oeuvrer a la rentabilité économique et sociale de
l'exploitation. Le chef d'exploitation a l'obligation de promouvoir des
pratiques de gestion participative et des mesures incitatives au sein de
l'exploitation ~. L'article 19 complémente : A noter aussi un article
pour la mise en place d'un régime de protection sociale pour les
travailleurs des exploitations familiales (article 26).
8.1.2 La souveraineté alimentaire
La souveraineté alimentaire apparait dès
l'article 3, la LOA «vise a garantir la souveraineté alimentaire et
a faire du secteur Agricole le moteur de l'économie nationale en vue
d'assurer le bien-être des populations». Sa définition est
inscrite comme suit :
39 une mesure spécifique dans le cadre de la
maîtrise de l'eau du plan d'action CEDEAO/ECOWAP 40DIARRA
Tiéoulé, professeur de droit à la Faculté
d'études juridiques et économiques de Bamako
41 voir dans paragraphe 9.2.2
(( droit pour un État de définir et de
mettre en oeuvre une politique agricole et alimentaire autonome garantissant
une agriculture durable basée sur les productions locales et la
responsabilisation des producteurs qui disposent à cet effet, de moyens
appropriés, notamment la terre, eau, crédit,
marchés.»
Elle est bien différenciée de la
sécurité alimentaire qui « s'entend par la
disponibilité et l'accessibilité en tout temps et en tout lieu de
produits alimentaires et de qualité pour la satisfaction des besoins
énergétiques et des préférences alimentaires pour
mener une vie saine et active ». La souveraineté alimentaire fait
aussi l'objet de tout un chapitre de 5 articles dans le TITRE III dont
l'article 51 :
(( La souveraineté alimentaire constitue la ligne
directrice de toute la politique de développement Agricole. La
sécurité alimentaire est une dimension de la souveraineté
alimentaire ».
Cette vision, apportée par la CNOP, reconnue par
l'État, enthousiasme un paysan:
«C'est la première fois qu'est inscrit la
souveraineté alimentaire dans une loi agricole dans le monde ! Et il est
inscrit clairement de soutenir la production alimentaire et les
EAF».
Un représentant du Ministère de l'Agriculture
approuve :
(( En 2004 cette notion était peu
développée, la CNOP a apportée la vision de la
souveraineté alimentaire. D'afficher pour le gouvernement cette vision,
un programme pour les personnes et le pays, ça était une notion
essentielle, il faut aussi se donner les moyens, on a innové.
»
A noter que la souveraineté alimentaire est aussi
actée au niveau de la CEDEAO. On peut en déduire que les forces
paysannes au niveau de l'Afrique de l'Ouest oeuvrent dans le même sens et
se font entendre. Pourtant rien n'est gagné sur le terrain et des
questionnements subsistent posant l'articulation entre les différents
niveaux politiques
(( Comment mettre en oeuvre une politique agricole
décidée au niveau de la CEDEAO plutôt basée sur le
concept de souveraineté alimentaire et que la même structure
s'apprête a signer les accords APE qui sont basés sur un accord de
libre échange total, sur un autre modèle ? »42
D'ailleurs leur conviction et détermination ont
porté puisque, chaque OP dans son pays, a réussi à
mobiliser et la CEDEAO n'a toujours pas signé les APE. Mais la menace
est toujours là : A. OUEDRAOGO (2010) ancien directeur a l'OMC et
conseiller a la CEDEAO dévoile :
«L'Europe tente actuellement d'imposer ces accords
par la force *chantage sur les aides au développement+, au
détriment du dialogue, ...s'ils étaient finalisés dans la
version actuelle, ils priveraient les pays ACP d'instruments de politique
essentiels a leur développement. A l'opposé des objectifs
initiaux ils auraient pour effet de compromettre l'intégration
régionale, en aggravant la pauvreté et en empêchant les
pays de diversifier leurs productions et s'affranchir de la dépendance
vis-à-vis des produits de base ~
Le lait transformé nous éclaire
concrètement sur le sujet. Lors du Conseil Supérieur de
l'Agriculture de 2008, le chef de l'État a évoqué la
filière lait. Le Mali produit 600 000t de lait/an c'est insuffisant
d'autant qu'il est peu transformé sur place, impliquant une facture
annuelle d'importations de 15 à 20 milliards FCFA. Le problème
est lié aux tarifs douaniers faibles qui dépendent des
négociations APE au niveau sous-régional « .il est clair
qui si les pays du Sahel veulent développer leur filière lait,
ils doivent mettre les produits laitiers dans le nouvelle bande tarifaire du
tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO, dont le taux est à
35%»43.
42 N'DIOUGOU FALL, ROPPA
43 OUEDRAGO, 2010
Avec la souveraineté alimentaire affichée haut et
fort dans la LOA, le Mali pourrait aussi prendre cette décision et/ou
influer au niveau de la région.
8.1.3 Le financement
Le financement est décliné dans le chapitre VII
du TITRE IV avec 4 articles du 118 au 121. Le 119 prévoit la
création d'un Fond National de Développement Agricole qui sera
alimenté par les fonds de l'État, les Collectivités
territoriales, des OPA, des subventions, des dons et legs. Il spécifie
aussi que la profession Agricole participe nécessairement aux organes
d'administration et de gestion du fond. Les modalités de gestion du
fonds et les conditions d'éligibilité seront fixées par
décret ministériel.
Il est aussi introduit pour la 1ère fois,
que l'État peut accorder directement des subventions aux exploitants
Agricoles et aux OP pour leur permettre d'accéder a des services
agricoles de base, recherche et conseil Agricole adaptés à leurs
besoins et dans le respect des stratégies de développement
Agricole : (( L'État appuie les programmes de renforcement des
capacités des OPA et des organisations interprofessionnelles des
filières par la formation, l'appui à l'organisation et à
la structuration ainsi qu'aux rencontres et échanges sous
régionaux et internationaux ".
Ces mesures sont traduites ainsi par la voix du Ministère
de l'Agriculture :
(( C'est une des questions centrales a résoudre. A
côté des institutions financières dont la vocation est de
financer l'activité économique, un FNDA est créé,
avec une forte implication de la profession Agricole dans sa gestion. Il est
prioritairement orienté vers l'appui aux activités Agricoles et
péri Agricoles (recherche, conseil, formation, autres activités
de renforcement de capacités, bonifications d'intérêts).
Afin de permettre l'accès au crédit a tous les exploitants, des
mesures incitatives pour assurer la couverture du territoire et la
diversification des instruments de crédit par les institutions
financières sont prévues. De façon complémentaire,
un Fonds de Garantie est mis en place pour partager les risques sur les courts
et moyens termes. Pour résoudre les nombreuses difficultés
d'approvisionnement des exploitants, des mesures sont prises pour faciliter
l'accès aux intrants et a des équipements de qualité, a
des coûts accessibles. La production nationale d'intrants et
d'équipements agricoles est encouragée par des dispositions
incitatives en faveur des artisans et des industriels produisant sur place. On
a ainsi innové avec le FNDA et le Fond de calamités
agricoles. il y a
déjà des avancées qu'on ne pouvait pas imaginer il y a 4
ans ou 10 ans. Des subventions pour les intrants, l'idée est bonne mais
il y a encore des problèmes. Mais c'est la 1ère e fois
que nous *l'État+ achetons, ça fait 3 ans qu'on n'arrivait pas
à faire adopter le texte par rapport au Ministère des Finances
"
Effectivement aucun décret à ce jour. Mais
-enfin !- la ligne budgétaire FNDA vient d'être crée en
janvier 2010 après un « coup de gueule » du 1er
ministre lors du dernier CEN du 19 novembre. Les exploitants et OP devront
attendre encore la formalisation de l'article 121 pour avoir accès a du
financement. D'ailleurs c'est un sujet oü tout le monde paysan
était d'accord a une réunion au Ministère des Finances
selon le secrétaire général de l'APCAM (( Par rapport
au FNDA au Ministère des Finance, tout le monde était là.
Nous avons parlé d'une seule voix. ".
Dans son Plan d'Orientation Stratégique 2008-2012, la CNOP
intègre ce nouvel accès au financement :
Appuyer le développement d'un mouvement paysan
national, représentatif, légitime et crédible assurant,
à travers ses diverses organisations et cadres de concertation, les
fonctions de représentation et de défense d'intérêts
et de fournitures de services économiques et techniques aux
exploitations agricoles familiales.
S'impliquer dans la fourniture de services fait écho
aux articles 119 et 120 qui officialisent, via le FNDA44, «
l'octroi de financement a l'appui aux activités Agricoles et
péri-Agricoles et à la délégation de certaines
missions de service public à des structures spécialisées,
financées dans ce cas là par l'État ou la
collectivité territoriale ».
Une réflexion serait a mener entre AOPP et CNOP voire
Chambres d'Agriculture car avec ces nouvelles orientations de la concurrence
voire de la rivalité risque d'envenimer la situation actuelle. On peut
s'interroger sur ces évolutions : Ce choix ne va-il pas engendrer des
modifications dans la structure qui était plutôt au départ
« un cerveau ~ plutôt qu'un fournisseur. La motivation des nouveaux
élus risque alors d'être différente et changerait le
rôle de la CNOP sur lequel elle s'était construite.
Une nouveauté aussi, l'État et les
Collectivités territoriales sont responsables de la prévention et
la gestion des risques majeurs et des calamités naturelles affectant les
productions Agricoles (TITRE III, chapitre II, articles 56 à 60) ainsi
un Fond National des Risques et des Calamités Agricoles (FONARCA) est
prévu (article 58) et est associé a un régime d'assurance
Agricole (article 60).
8.1.4 La politique foncière
Une politique foncière est réclamée
depuis longtemps par les paysan-ne-s. Elle fait partie intégrante de la
LOA dans le chapitre II du TITRE IV déclinant 9 articles du 75 au 83. La
LOA étant une loi cadre, l'article 78 spécifie « qu'une loi
sur le foncier agricole sera élaborée a compter de la publication
de la présente ~. C'est sur quoi travaille le SP. Son état
d'avancement sera détaillé plus loin, dans la mise en oeuvre, et
entre autre les commissions foncières prévues a l'article 79, qui
ont fait l'objet d'un décret depuis 1 an et ne sont toujours pas
opérationnels.
L'inventaire des us et coutumes est prévu dans
l'article 76, l'État, les Collectivités Territoriales et les
Chambres d'Agriculture en ont la charge mais rien n'a été encore
mis en oeuvre alors qu'il n'y a pas besoin de décrets mais de moyens et
de volonté, et les paysan-ne-s attendent alors que :
« Le foncier rural est un fondement de la loi. Le
foncier rural est très compliqué et est lié à la
vie des communautés. Une politique foncière doit tenir compte des
us et coutumes. Il faut faire une liste des us et coutumes actuels pour que la
politique foncière ne casse pas tout. Sécuriser et donner
l'accès a la propriété foncière, aussi aux femmes.
La mise en oeuvre doit se faire a travers des projets pilotes ».
La Ministre de l'Urbanisme, des Affaires foncières et du
Logement abonde dans ce sens45 :
«La situation du foncier est
caractérisée par la dualité du régime foncier avec
un système traditionnel et un système moderne. Le droit
coutumier, bien que reconnu par la loi, n'est pas réglementé et
les pratiques coutumières et traditionnelles sont souvent en
contradiction avec les textes de loi et réglementations des textes
législatifs et réglementaires incompréhensibles pour la
majorité des intervenants et chacun interprète
différemment en fonction de ses intérêts»
44 Fond National de Développement Agricole
45 Déclaration faite pendant les EGF
La politique foncière est en quelque sorte le miroir de la
société malienne actuelle, tiraillée entre modernisme et
tradition, pression économiques externes et besoins internes, convoitise
des élites et des investisseurs.
8.2 LA RECONNAISSANCE DES OPA ET CHAMBRES
D'AGRICULTURES
Les Organisations Professionnelles Agricoles sont reconnues dans
la LOA en tant qu'acteurs impliqués et a impliquer.
Les OPA est un terme très générique qui peut
concerner autant l'AOPP, la CNOP ou toute autre organisation voire l'APCAM
même si des articles spécifiques lui sont consacrés.
8.2.1 Les OPA reconnues dans la LOA
Dans le TITRE II, chapitre II de l'article 27 a 30, les OPA
sont reconnues en tant que structures (article 28) «Les exploitants
Agricoles peuvent s'organiser librement au sein d'OPA créées
conformément à la législation en vigueur. » et
sont acteurs dans le pays « Les OPA participent a
l'élaboration, a la mise en oeuvre et a l'évaluation des
politiques et programmes publics nationaux d'intervention dans leurs domaines
de compétence. » (Article 29).
A cet effet, elles sont représentées notamment
dans les cadres de concertation, les commissions, les groupes de travail, aux
niveaux local, régional, national, sous régional, pour faire
valoir les intérêts de leurs membres. Elles peuvent exercer les
mêmes rôles aux plans sous-régional et international,
conformément aux engagements souscrits par le Mali, la CNOP est dans ce
cadre.
« C'est d'ailleurs une de ses forces comme le dit un
membre de la CNOP « La CNOP a des atouts, des élus engagés
en permanence et expérimentés et le plus important un
réseau national et international, une reconnaissance de l'État
dans sa capacité a faire des propositions a répondre aux
défis et enjeux. La CNOP a engagé le dialogue avec l'État.
»
8.2.2 Attributions faites aux Chambres d'Agriculture
(CA) dans la LOA
C'est dans le TITRE II chapitre III avec 4 articles (31
à 34) que la LOA définit le rôle des CA. Le 31
précise « Les CA sont les Organismes Personnalisés
représentatifs de la profession Agricole. Elles constituent
auprès des pouvoirs publics, des organes professionnels consultatifs sur
toutes les questions d'intérêt Agricole. A ce TITRE, elles donnent
leurs avis à la demande des pouvoirs publics ou formulent des
suggestions de leur propre initiative sur les questions Agricoles ou relatives
au monde rural, notamment sur :
les politiques d'orientation, de coordination de
développement Agricole ainsi que leur mise en oeuvre
la réglementation fiscale et douanière relative aux
activités Agricoles la législation du travail relative aux
exploitations Agricoles
la législation foncière applicable en milieu
rural
la politique des prix, des revenus, du crédit et de la
commercialisation la formation professionnelle Agricole
les moyens de promotion du développement
Agricole46».
La LOA dans l'article 33 lui attribue aussi un rôle de
médiateur dynamique pour les OP « Les CA appuient
l'émergence d'OPA, d'organisations de femmes rurales et/ou de jeunes
ruraux ainsi que la création d'organisations interprofessionnelles.
Elles contribuent aussi à la promotion du partenariat entre les OPA
nationales d'une part et d'autre part entre celles-ci et les OPA existant au
niveau sous-régional ou international. »
Mais vu les conflits entre les OP et les Chambres ce
rôle de médiateur va lui être difficile à mener, et
ne va pas aider aussi du côté paysan pour faire bloc face a
l'administration. A contrario elles peuvent devenir un outil pour créer
la division au sein des OP -un outil au service de l'État ?-.
Dans les faits lors de l'élaboration de la LOA la CIFA
n'a pas considéré l'APCAM comme représentative de la voix
paysanne, comme nous le verrons. « Il n'y a pas vraiment de
référent Chambre sur la LOA il faut voir Daouda au
secrétariat permanent et Salif pour la CNOP, c'est eux qui ont suivi,
mais de la Chambre en tant que tel officiellement personne. Nous avons 2
représentants au CSA [dans les textes 5 sont prévus]. Pour
être franc il y a eu une dualité entre la Chambre d'Agriculture et
la CNOP et nous nous sommes effacés »47.
Si de nombreuses et fondamentales revendications paysannes
sont repris dans la LOA. Son suivi et sa mise en oeuvre devaient se
concrétiser dans des instances de gouvernance où notamment
paysans et autorités étatiques pourront
régulièrement faire le point. Répondront-elles à
leur rôle?
8.3 LES INSTANCES DE GOUVERNANCE : REVOIR LA COPIE !
Du côté institutionnel les instances
prévues pour « piloter les mutations escomptées, assurer les
cohérences stratégiques sous-tendues par la LOA et veiller au
respect des responsabilités et engagements de tous les acteurs
impliqués par la loi »48 ont
du mal à se mettre en place et/ ou à remplir leurs missions.
En effet il est prévu dans les textes TITRE VI,
chapitre I, articles 185 à 191 un Conseil Supérieur de
l'Agriculture (CSA), doté d'un Comité Exécutif National
(CEN) et de Comités Exécutifs Régionaux(CER). L'ensemble
de la mise en oeuvre de la Loi, dans le sens coordination et harmonisation, est
entre les mains d'un Secrétariat Permanent (SP).
8.3.1 Le Conseil Supérieur de l'Agriculture
(CSA)
C'est le décret N°07-066/P-RM du 23 février
2007, sorti 6 mois après la promulgation de la LOA, qui fixe «
l'organisation et les modalités de fonctionnement du CSA » ainsi
que le détail de la composition des différentes instances.
L'article 185 stipule « Il est créé un CSA, doté d'un
CEN et de CER. Le CSA est un organe
46 A en charge le Salon International de l'Agriculture et elle a
été encouragée par ATT lors du dernier CSA a la
perpétuer
47 Entretien avec le président de la CA du district de
Bamako
48 Guide pratique des principales mesures de la LOA
de concertation sur les politiques nationales de
développement Agricole et péri-Agricole. Il a pour mission de
veiller à l'application de la LOA D (article 186). Il est notamment
chargé de :
participer à la définition et veiller à la
cohérence de la politique de développement Agricole,
promouvoir la mobilisation des ressources et de s'assurer de la
pleine adhésion des populations aux objectifs de la politique de
développement Agricole,
suivre l'évolution des grandes orientations de la
politique de développement Agricole et émettre des avis,
délibérer sur toutes les questions
d'intérêt Agricole qui lui sont soumises par les acteurs du
secteur Agricole,
adopter avant le 31 mars de chaque année, le rapport
annuel sur les mesures prises pour l'exécution de la LOA et sur les
modalités de sa mise en oeuvre.
Le CSA est régi par le Président de la
République qui fixe l'ordre du jour sur proposition du 1er
ministre, président du CEN « La concertation, le dialogue et la
participation consciente et délibérée des acteurs
président à son fonctionnement. Il veille à la
rationalisation des outils et méthodes de planification, au suivi et
évaluation, à la gestion des risques découlant de la
complexité des relations interinstitutionnelles dans un État en
réforme D49.
«Le CSA est un élément important,
présidé par ATT, y siègent les paysans. C'est un lieu oU
le ministre peut interpeller les décideurs. Quand tous les ans, vous
pouvez dire directement au Président, c'est une chance de lui dire ce
qui ne va pas, et même de tancer le 1er ministre. »
explique un membre de la CIFA.
La nomination des membres du CSA pour 3 ans a fait l'objet du
décret 146/P-RM du 26 avril 2007 conformément a l'article 187
« Ces structures ont été créées pour
continuer ía gouvernance~mais on aurait du les mettre pour 5 ans [au
lieu de 3 actuellement] ». Regrette un ancien de ía CIFA.
Outre 21 Ministères et 1 Commissariat, sans compter les
personnes compétentes invitées, il est composé des
représentants suivant concourant a l'élaboration et a la mise en
oeuvre des politiques Agricoles et péri Agricole :
4 au privé (banques, institut de micro-finance, patronat
et Chambres de Commerce et d'Industrie)
2 pour les CT
3 pour la société civile dont 1 pour les jeunes et
1 pour les femmes
13 pour la profession Agricole: 5 APCAM, 5 CNOP, 1 femme rurale,
1 jeune ruraux, 1 salarié.
Sur la fonction du CSA les avis sont partagés. Pour sa
part le SP est satisfait de cette structure de gouvernance :
« La LOA a prévu des instruments
institutionnels CSA, CEN, CER qui prennent en compte la
représentativité des OP, CNOP, APCAM. On ne peut pas satisfaire
tout le monde. Je ne peux pas comprendre que des acteurs se plaignent du
fonctionnement, l'État a mis en avant la participation des acteurs. Ils
sont présents partout et ils ne se reconnaissent pas dans cet
organigramme ? Pourtant ils viennent aux réunions. Vous connaissez des
lieux où pouvez interpeller directement le Président, le
1er ministre ? Vous l'avez en France ?... Ils[les
élus
49 Extrait de la note technique de présentation de la LOA
et le point de sa mise en oeuvre par le Ministère de l'Agriculture
des OP+ ne prennent pas les préoccupations de leur
base avant d'aller au CSA, ne leur font pas de compte rendu après
».
Même s'il a raison, la CNOP est restreinte en moyens alors
que lui pourrait les aider. Pour la FAO « au CSA on parle de
l'agriculture actuelle en général mais pas de la LOA
».
Le déroulement des CSA ressemble plus à de «
grandes messes ~ qu'à des lieux d'expressions et de suivi de la LOA.
(Voir annexe 10)
Le prochain CSA avant fin mars 2010 devrait permettre de faire
enfin une évaluation de la mise en oeuvre de la LOA. Quelles seront les
décisions prises pour améliorer ou pas les difficultés
actuelles, nous ne le sauront malheureusement pas dans ce mémoire.
8.3.2 Le Comité Exécutif National
(CEN)
L'article 11 du décret N°07-066/P-RM du 23/02/2007
précise qu'il se réunit 1 fois par semestre. L'ordre du jour est
fixé par son président, le Premier Ministre, sur proposition du
Ministère de l'Agriculture (article 189). Il est aussi
spécifié via l'article 15 « qu'un arrêté du
Ministre de l'Agriculture fixe l'organisation et les modalités du SP ~.
Le CEN a pour mission le suivi de la mise en oeuvre des décisions et des
recommandations du CSA (article 188). Il est plus particulièrement
chargé de :
coordonner l'élaboration des instruments de mise en oeuvre
de la LOA en rapport avec les départements ministériels
concernés par la politique de développement Agricole
élaborer le rapport annuel sur les mesures prises pour
l'exécution de la LOA et sur les modalités de sa mise en
oeuvre
assurer l'information de tous les acteurs sur l'application de la
LOA
suivre les résultats de l'évaluation de la
politique de développement Agricole assurer le secrétariat du
CSA.
La CNOP n'est pas impliquée dans la préparation des
CEN et découvre les sujets lors de la réunion :
« Les choix des décrets ne sont pas de notre
fait. Ce sont des gens, des salariés [des ministères] en relation
avec le SP/Diarra qui proposent pour les CEN et nous la CNOP on va sur tel ou
tel décret aprés. Il n'y a pas de réunion de
préparation, je le regrette. » déplore le président
de la CNOP.
Le CEN se situe au « niveau technique c'est au
1er Ministre de suivre ».3 sessions ont eu lieu alors qu'on
devrait en être à la 6ème. Le 1er CEN
du 21/03/2008 a fait l'objet d'un compte-rendu succinct d'une vingtaine de
lignes disponible sur internet50. Je n'ai pas de
trace du 2ème. Le dernier date du 13/11/2009 auquel
malgré ma demande, je n'ai pas pu assister. Par contre j'ai
été témoin que la convocation s'est faite par
téléphone seulement 3 jours avant la date retenue. Ce qui
implique une disponibilité rapide des mandaté-e-s.
D'après une liste de présence - pas de
décret, ni d'arrêté a ma connaissance- sa composition plus
restreinte réunit :
Le 1er ministre51 plus 8
ministres.
50
http://loa -mali.info fait par Axe Formation.
Voir Chap 9.5.2.
51 Modibo SEDIBE -qui était Secrétaire
général et motivé51 lors de
l'élaboration de la LOA-
La Commissaire à la Sécurité alimentaire Les
Présidents de l'APCAM et de la CNOP
Plus des responsables comme le directeur de cabinet de la
Primature, le Secrétaire général du Ministère de
l'Agriculture, les conseillers techniques de la Primature et des
départements ministériels, le SP.
Comme au CSA, le déroulement des sessions semble assez
consensuel, sauf pour la dernière session, qui a fait l'objet de
nombreuses remarques, ex primant ainsi le malaise et la lenteur qui existent
dans la mise en oeuvre de la LOA. Nous y reviendrons plus tard pour mieux
suivre l'évolution de la LOA dans le temps au paragraphe 10.1
8.3.3 Le Comité Exécutif Régional
(CER)
Selon le décret N°07-066/P-RM du 23 :02/ 2007 le
CER de l'Agriculture est «chargé du suivi de la mise en oeuvre de
la LOA au niveau régional. Il émet des avis et fait des
propositions sur les questions de développement Agricole
d'intérêt régional ou national. Il élabore le
rapport annuel de la mise en oeuvre de la LOA au niveau régional et
transmet une copie au Président du CEN, après consultation au
niveau des cercles et communes (article 190) ».
Il est présidé par le Gouverneur de
Région ou du District de Bamako. (Article 191). Son secrétariat
est assuré par le Directeur régional chargé de
l'agriculture qui propose l'ordre du jour (Article 20). L'article 19 informe
que le CER se réunit 1 fois par trimestre.
Dans le cadre de la décentralisation, ouvert à
la société civile et présidé par le Gouverneur, les
CER auraient du être les lieux de propositions issues du terrain pour
alimenter le national. Mais ils dysfonctionnent et ceux qui ont tenu une
première réunion, c'est sous l'impulsion, l'injonction du SP.
Mais ce n'est pas son rôle, pourtant il a trouvé du financement
pour le faire. Le SP témoigne qu'il a fallu intervenir :
(( Dans le cadre de la décentralisation, à
partir du 13 octobre nous allons, le secrétariat permanent, aller dans
les régions, expliquer sa mise en oeuvre aux CER, pour qu'ils
s'approprient les textes, faire des mises au point. Nous commençons par
Sissoko, Ségou, Mopti, Tombouctou Mais la CNOP n'a pas été
invitée »
Ainsi l'ouverture a du mal a se concrétiser,
confirmé par un membre du SP :
«Je reconnais que la CNOP n'a pas été
impliquée dans la mise en place des CER ... les chambres sont dedans,
mais l'espace n'est pas fonctionnel, il n'y a pas de budget ». Un
élu paysan régional renchérit (( Nous ne savons même
pas s'il y a des CER. Les gens voient des élus choisis par le
gouvernement, venus même de Bamako, mais les leaders paysans locaux ne
sont pas convoqués ! Comment peut- on trouver des solutions ? Les gens
eux existent sur le terrain, comment ils le vivent ? »
Au niveau des comités exécutif
régionaux, cela ne dépend pas du SP, mais il y avait une urgence
à installer et nous sommes intervenus, il nous manque d'aller a KIDAL et
GAO, de toute façon une seule région a fait son boulot c'est
SÉGOU. 1 seule région sur 8 ce n'est pas beaucoup. C'est vrai
aussi qu'on n'a pas mis la CNOP dans ces comités.
Le Ministère de l'Agriculture lors de l'atelier de
concertation renchérit :
(( Il y a aussi un travail important a faire au niveau
régional mais ça pêche. Il n'y a pas une seule
région qui a organisé une réunion sauf quand le SP leur a
dit, ce n'est pas son rôle. Lui il envoie les documents de
synthèse lors des réunions avec le premier ministre. Le
gouverneur de région est investit des fonctions de coordination, du
pouvoir de l'État et doit organiser au moins deux séances. Les
problèmes dans les régions par rapport au foncier, aux projets,
au financement doivent remonter lors de ces réunions. Quelle politique
pour les régions pour que des activités agricoles puissent
être développées ? C'est ça a l'origine, mais il n'y
a eu aucune réunion. Le gouverneur devrait faire le point pour demander
appui technique, expertise puis ces documents remontent au Ministère
puis au CSA avec le Premier Ministre, le Président de la CNOP, le
Président de l'APCAM pour avoir un état de l'agriculture.
»
Si les 8 régions ont toutes prises des Décisions
actant la création d'un CER. Leur enregistrement s'étale
d'avril 2008 (Kidal) d'à août 2009 (Koulikoro). D'après
les informations récoltées seuls Kayes et Gao ont
nommément désigné des membres. Pour celles qui ont tenu
qu'une 1ère réunion alors qu'il est prévu une
périodicité
trimestrielle le constat est accablant, comme le rapporte un
paysan élu a la Chambre Régionale d'Agriculture de Mopti :
« Il y a un réel problème au niveau des
CER, car les gens qui sont au comité n'ont rien suivi de la LOA, les
gouverneurs ne suivent pas, il faut des soutiens, des compétences
paysannes qui accompagnent, que les gens soient associés, il faut aller
sur des exemples, pour le foncier, avec la loi on n'a pas tranché. Qui
doit le faire l'administration, la justice, l'APCAM ? ».
8.4 LE SECRETARIAT PERMANENT DE LA LOA (SP)
C'est l'arrêté N°O7-0554/MA-SG du 5 mars 2007
qui fixe l'organisation et les modalités de fonctionnement du SP.
Dirigé par un Secrétaire permanent, il assiste le Ministre de
l'Agriculture.
En quelque sorte le SP est censé remplacé la
CIFA qui n'existe plus mais sans avoir ni appui politique direct du chef de
l'État, ni moyen tant humain que financier et avec une motivation
différente. Depuis sa mise en place et jusqu'à ce jour c'est
Daouda DIARRA qui assure cette fonction. Il est chargé notamment de :
planifier, organiser et diriger les activités du
Secrétariat permanent
traduire sous forme de programmes et projets, les politiques
et stratégies concourant à la mise en oeuvre de la LOA et assurer
leur diffusion auprès des partenaires sociaux et partenaires au
développement
veiller a l'harmonisation des interventions des
différents départements ministériels et autres partenaires
en matière de mise en oeuvre de la LOA.
Au niveau des ressources humaines le secrétariat permanent
est composé de fonctionnaires :
1 secrétaire permanent. Sous l'autorité du
secrétaire général du ministère de l'Agriculture,
il est chargé de programmer, de diriger et de coordonner
l'exécution des activités du SP. Il rédige a l'attention
du Ministre de l'Agriculture un rapport trimestriel
d'activités52.
1 agroéconomiste. Il est nommé par
décision du ministre de l'Agriculture Chargé de conseiller le SP
sur des questions économiques et financières découlant du
système agro-sylvo-pastoral et environnemental de la LOA il est en
contact avec les services techniques.,
1 juriste. Il est nommé par décision du ministre
de l'Agriculture. Il est.chargé de conseiller le SP sur les questions
juridiques et institutionnelles. Il veille a l'harmonisation des interventions
des différents départements ministériels et autres
partenaires en matière de mise en oeuvre de la LOA.
2 secrétaires qui suivent dans la réalité la
diffusion des textes, un chauffeur, un planton.
L'article 10 spécifie que « sous l'autorité
du Secrétaire permanent, l'agroéconomiste et le juriste sont
chargés de planifier, organiser et diriger les activités du SP,
de traduire sous forme de programmes et projets, les politiques et
stratégies concourant a la mise en oeuvre de la LOA et assurer leur
diffusion auprès des partenaires sociaux et partenaires au
développement. »
52 Je n'ai aucun document a ce sujet
A ce jour (( il y a un problème le poste
d'agroéconomiste n'est pas pourvu » déplore le juriste
mais cela n'a pas l'air d'émouvoir autant le SP. Est-ce parce que le
rôle des différents membres n'est pas clairement défini ?
Pire entre le SP, l'agroéconomiste et le juriste les tâches sont
les mêmes. Est-ce que le budget ne le permet pas ? Ne trouve-t-on pas la
bonne personne ? (( La qualité des ressources humaines est
médiocre au niveau de l'encadrement, c'est le contre coup des PAS.
» affirme-t-il.
La responsable de la CIFA remarque :
(( Le SP n'est pas fonctionnel, il faut lui donner plus de
moyens, plus de souplesse pour qu'il puisse voir, interpeller, faire pression
sur les ministres sans attendre les CEN ... Le SP n'est pas fort et ne tisse
pas de liens. ».
De son côté la FAO souligne « Diarra a des
difficultés à manager » et la CNOP acquiesce «Diarra
est un fonctionnaire jusqu'au bout des doigts, il est axé sur le
problème du budget. Il a un problème de leadership et de
volonté »
Le Secrétaire permanent défend :
(( Je n'ai aucun pouvoir d'agir sur les structures
institutionnelles, sur la décentralisation qui a du mal a se mettre en
route ~ faisant écho a une réflexion d'un élu de la CNOP
« Pour la mise en oeuvre, tout est au main du SP, pour ne pas dire du
secrétaire permanent, sans moyen ni pouvoir » .
En tout cas le résultat est que le SP a peu de relation
avec les différents départements ministériels
confirmé par le juriste du SP :
((Chaque département fait son décret sans en
référer au SP. Par rapport a l'enjeu financier chaque
département tire la couverture sans cohérence...même contre
les paysans ».
Ainsi le SP qui devait être la cheville ouvrière de
la mise en oeuvre de la LOA, la continuité du CIAF, se retrouve au
milieu « d'un panier de crabe ». Un fusible pratique pour le pouvoir
? Un responsable paysan explique :
((le SP semble se noyer, et se retrouve entre deux feux :
des administratifs qui sont contents que l'État lâche du lest et
vont pouvoir renégocier des lois pour leur intérêts
personnels et non pas des paysans, et de l'autre côté des paysans
qu'il n'écoute plus. Il est sur un siège éjectable
».
Le SP est au coeur de la mise en oeuvre de la LOA et une forte
responsabilité repose sur ses épaules. Mais il ne semble pas
remplir son rôle n'ayant ni moyen, ni pouvoir « . «La LOA
piétine, il refuse de croire cela~Le SP est là pour rendre compte
de ce qui se fait... Diarra croit qu'il doit tout faire. Il veut tout
gérer alors que la loi doit être faite par tout le monde
».
8.5 LES POINTS FOCAUX
La Décision N°08-00215/MA-SG du 26 août 2008
désigne des points focaux où sont nommés 12
salarié-e-s représentants 9 ministères, le Commissariat a
la Sécurité Alimentaire, l'APCAM et la CNOP. Ils devraient
être des espaces permanents de liaisons entre les agents des
différents ministères, de l'APCAM et des OP. Mais comme le SP
commente lui-même :
«Il n'y a pas de réunions formelles des points
focaux. C'est le Ministère de l'Agriculture porteur du dossier qui
décide des réunions. C'est écrit nulle part d'une
périodicité. »
Cette situation est aussi relevée par un responsable de la
CNOP :
(( C'est a lui *le salarié+ que Diarra s'adresse de
technicien a technicien. Il y a aussi un problème de fonctionnement
ministériel, les points focaux n'ont jamais fonctionné...Chaque
département ministériel impliqué dans la LOA est
représenté. Ce sont des agents techniques du ministère qui
sont présents, qui sont des courroies de transmission entre
ministère et SP, puis après il y a des ateliers. Mais il y a
longtemps qu'il n'y a plus de réunion régulière c'est au
coup a coup ».
(( Le SP devrait être moteur, coordinateur mais il y
a disette aux niveaux des textes des départements ministériels
Quand on reçoit un texte du ministère on informe tout le monde, 1
semaine ou 3 jours avant» explique le juriste du SP, et quand il y en
a (( Tout le monde n'a pas le même dynamisme le même souci de
faire avancer les réunions " conclue un représentant du
Ministère de l'Agriculture.
Ainsi non seulement ce rouage ne fonctionne pas mais quand il
est en action, il n'y a pas de temps pour les OP d'engager une réflexion
sur le texte de faire des propositions, amendements et encore moins le temps
d'avoir une concertation avec leur base.
8.6 ANALYSE DU POIDS DE CHAQUE MEMBRE DANS LE CSA, LE CEN
ET CER
Il parait intéressant de faire un focus sur le poids des
représentants dans les 3 organes de gouvernances où les paysans
sont en liens en direct avec les autorités étatiques
Tableau 2 : Composition des instances de
gouvernance
|
CSA
|
CEN
|
CER
|
Présidence
|
Président de la République
|
Premier Ministre
|
Gouverneur
|
Secteur Public
|
21 : 20 Ministres + 1
Commissaire SA1
|
11 Ministres
|
16 : 15 directeurs régionaux + 1
délégué SA*
|
Secteur privé
|
4 : 1 Conseil National du
Patronat Malien, 2 Pdt de la Chambre de Commerce et
d'Industrie + 1 Pdt de l'APIM2
|
0
|
2 : APIM + Pdt de la délégation
Régionale de la Chambre de Commerce et d'Industrie
|
Collectivités territoriales
|
2
|
0
|
1 Pdt de l'Assemblée régionale
|
APCAM
|
5 : Président + 4
représentants 4
|
Président
|
1 : Pdt Chambre Régionale Agricole (CRA)
4 : représentants de la profession
agricole par sous-secteur (pas précisé
d'ou)3
2 : Coordination Régionale des OP
|
OP/CNOP
|
5 : Président + 4
représentants
|
Président
|
Organisations rurales
|
2 : Fédération Nationale des Femmes Rurales +
Fédération Nationale des Jeunes Ruraux
|
0
|
4 : 2 Fédération des Femmes
Rurales + 2 Fédération des Jeunes Ruraux
|
Syndicats salariés
|
1
|
0
|
0
|
Société Civile (SC)
|
3 : Conseil National de la SC + Conseil National des Jeunes du
Mali + Associations et ONG féminines
|
0
|
3 : Coordination régionale de la SC
|
Total
|
44
|
14
|
34
|
1 Sécurité alimentaire, 2
Associations des Professionnels des Institutions de la Micro-finance,
3 agriculture, élevage, pêche, foresterie.
Si l'on se réfère a l'article 3 du décret
des questions se posent sur la représentation voulue
équilibrée au CSA : « le nombre de membres
représentants l'Administration ne doit en aucun cas dépasser
celui des représentants des acteurs non-étatiques ~.
Considérant le choix fait lors de l'élaboration que «
L'APCAM,
en tant que structure parapublique et par ce statut
juridique elle ne pouvait pas être la voix des paysans de terrain »,
elle peut être alors à juste titre être comptée
plutôt comme représentante de l'administration, dans ce cas
là l'article 3 n'est pas respecté. D'ailleurs quand le
ministère organise des forums internes pour les débats sur la
LOA, l'APCAM est invitée pas les OP. La jonction se fait dans le cadre
d'autres ateliers.
Mais la position étatique est de considérer dans
ces organes la profession agricole sans distinction de statut, occultant
-volontairement ?- les dissensions entre APCAM et CNOP, freinant toutes
revendications communes Cette attitude se retrouve à travers cette
déclaration du Président de la CNOP « Je n'ai pas
été au dernier CSA *l'an dernier+ a cause des OGM car la
déclaration commune que nous[CNOP, APCAM, Société civile,
Femmes et Jeunes+ avions préparé sur le sujet n'était plus
soutenu par le président de l'APCAM ».
Cet amalgame -volontaire ?- arrange bien en tout cas les
pouvoirs tout en justifiant la continuité de bonne gouvernance, mais
cela ne résout pas les difficultés qui apparaissent dans la mise
ne oeuvre de la LOA. Occulter les problèmes est-ce une façon de
gouverner ? Une autre bombe à retardement ? Une façon de faire
taire et/ou récupérer les OP ?
Dans la configuration actuelle une seule personne pour la
Société Civile est prévue. Elle représente une
plateforme nationale de différentes associations, et est une
alliée de la CNOP. Ensemble ils ont déjà organisé
des manifestations et des sensibilisations contre les OGM, les APE. De
même la Présidente de la FNAFR et le Président de la FNAJR
sont des élus de la CNOP. Même le représentant des
syndicats des salariés est le directeur de la CNOP. Mais à priori
cette force de représentation à la quelle la CNOP était
très attachée pour assoir le rôle d'interlocuteur
privilégié des paysans pouvant interpeller directement le
Président ne suffit pas.
En réalité le CSA n'est pas vraiment un lieu
d'échanges. Comme l'analyse le représentant de la FAO
«Au CSA, il y a autant de ministres que de paysans. Ils ont fait un
combat pour être à côté du Président, mais ce
n'est pas là que les choses se traitent. Au CSA les ministres et 1er
ministre ne disent rien devant le Président ! ».
Au niveau du CEN, la représentation est
complètement déséquilibrée et restreinte : le
1er Ministre, 8 ministres, le président de l'APCAM et de la
CNOP et du personnel d'encadrement gouvernemental. Il s'apparente presque a un
conseil interministériel. Là aussi la réflexion de la FAO
parait pertinente « Au CEN et autres organes les OP y sont très
peu. Ils ne sont que 2 ou 3 alors que c'est là que se font les
choses...le débat technique entre ministres et paysans. C'est a ce
niveau qu'ils auraient du être. Dans toutes les institutions en dessous
du CSA, ils ne sont pas représentés, ce n'est que de la
présence dans le processus. Il faut revoir la copie. Il faut qu'ils
aillent là où on donne du contenu aux choses. »
Au niveau du CER, selon le décret, 34
représentants sont prévus, la liste finale est plus que
fluctuante selon les régions. D'après les relevés de
Décision, leur nombre varie de 42 membres avec par exemple le commandant
de compagnie de gendarmerie nommé pour la région de Kiloukoro
jusqu'à une liste minimaliste nommant officiellement que 3
représentants (Société civile, Banque, micro-finance) pour
la région de Mopti.
Pour la profession Agricole leur représentation n'est
pas précisée, alors qu'au niveau du CSA c'est net, il y a 4
représentant-e-s par sous-secteur désignés par l'APCAM et
4 par la CNOP plus les Présidents. Les 4 représentant-e-s du
sous-secteur Agricole dans les CER, peuvent être issus tant de l'APCAM
que d'OP, privilégiant selon le poids des uns ou des autres. Seules sont
assurées 2 places pour la CNOP via la Coordination Régionale des
Organisations Paysannes. Vu les difficultés de lien avec les
régions reconnues par la CNOP elle-même, «il existe une
fissure entre le national et les régions, qui handicape l'implication
des OP et de leurs membres dans le processus de décentralisation.»,
la situation est encore plus complexe53. De
même
53 Plan d'orientation stratégique 2008/2012 de la CNOP
pour les représentants des femmes et des jeunes, le
libellé est aussi moins ciblé, c'est la Fédération
des Femmes Rurales et le simple terme Jeunes Ruraux reste assez vague.
L'ancienne responsable du CIFA résume la situation
« il faut revoir la copie .On a fait le débat
avec elles [les organisations paysannes], pour elles et aujourd'hui elles ne se
sentent pas concernées, personne ne les interpelle, nous devons nous en
soucier comme lors de l'élaboration »
8.7 ÉVOLUTION DES ACTIVITES ENTRE LE DERNIER CSA ET
LE DERNIER CEN
A partir des 2 comptes-rendus nous allons voir les
évolutions d'exécutions des activités sur une
période de 18 mois entre les 2 sessions, entre le CSA lieu politique
d'oü émane une feuille de route pour l'année a venir , et le
CEN chargé de s'assurer de sa bonne exécution. Ce CEN est celui
qui fait le point pour rendre compte au prochain CSA. Des informations sur le
dernier CEN sont issues du diaporama présenté par le SP sur
l'état des lieux de la LOA complète les réflexions sur ce
CEN.
8.7.1 Au niveau politique agricole
générale
Selon le compte-rendu au niveau de l'agriculture les mêmes
points sont repris par ATT au GSA et le Premier Ministre au GEN.
volonté du Président de la République de
faire du Mali une puissance Agricole l'aménagement des bas-fonds et
mares
l'amélioration effective des infrastructures a l'Office du
Niger
la mise en place du FNDA à hauteur de 10 milliards de
FCFA
développement de l'industrie du lait.
L'intervention du Président qui égrène
différentes initiatives ou projets agricoles en cours occupe en mots
plus de place que le reste dans ce compte rendu du CSA. Ce qui corroborerait ce
dire que le CSA serait plutôt une « grande messe annuelle
consensuelle» et peu ou prou tourné sur la LOA elle-même. Une
seule phrase se rapporte à la LOA « qu'ATT a d'abord
félicité l'équipe en charge de la LOA pour la
qualité des documents et le travail accompli ~.Donc pas de
recommandations pour la mise en oeuvre de la LOA. Par contre lorsqu'il «
demande au 1er ministre d'ouvrir la voie a la modernisation de
l'agriculture familiale et de créer les conditions d'un véritable
décollage de l'agro-industrie », il est toujours ancré dans
sa vision duale - voire schizophrène-de l'agriculture.
8.7.2 Au niveau des activités qui doivent
être menées au niveau des ministères
Peu d'évolution, tous les textes sont encore en cours,
hormis le décret sur la qualité et la labellisation des produits
agricoles qui est paru et cité, tandis que celui sur les commissions
foncières n'apparait pas alors qu'il date de janvier 2009. Les
activités ises en oeuvre sont souvent des documents de réflexion
ou des études mais pas de décrets ou lois.
Au niveau CSA sur les « 21 activités prioritaires
retenues pour 2008/2009 susceptibles de déclencher un changement »,
15 sont présentées. Au niveau du CEN 19 activités «
ont été adoptées lors de la 3ème session
du CSA » et 14 présentées en
cours54.
Tableau 3 : État des lieux des textes
Textes en cours présentés au CSA
|
État d'avancement au CEN
|
Remarques
|
Statut des exploitants et
exploitations agricoles familiales (12)
|
adopté en Conseil des Ministres
|
En cours de réécriture car la
CNOP a fait savoir qu'elle n'était pas d'accord, un
autre texte
devrait être présenté pour
le pré-projet de loi
|
Politique semencière (141)
|
le document a été élaboré
transmis au secrétariat Général du
gouvernement, les réunions interministérielles sont en cours
|
Le plan d'action aurait été
validé par le Conseil des Ministres
|
Décret sur la qualité et la
labellisation des produits agricoles (166)
|
Décret adopté
|
Sorti le 19 juin 2009
|
Décret relatif aux droits et
obligations de maitrise d'ouvrage et maitrise d'oeuvre (138)
|
Un document de réflexion a été
élaboré
|
Les concertations n'ont toujours pas commencé
|
Décret fixant les modalités
d'organisation et de mise en oeuvre du contrôle
sanitaire et de qualité des aliments d'origine végétale et
animale (63)
|
Pas de communication
|
|
Décret déterminant l'installation des
vétérinaires privés sur l'étendue du territoire par
des mesures incitatives en faveur des zones pastorales (151)
|
les termes de référence sur
l'étude sont rédigés et validés.
L'étude a démarré. Le
chronogramme de mise en oeuvre est élaboré.
|
Il faut maintenant valider les
conclusions de l'étude. Le texte réglementaire
doit être déposé au Secrétariat
Général du
gouvernement pour adoption au Conseil des Ministres
|
Arrêté interministériel fixant le
modèle de cahier de charges des exploitants agricoles
dans les
|
Les modèles des cahiers des
charges sont rédigés, après
des rencontres d'informations sur le
|
Qui a participé à ces rencontres d'informations
? les
|
54 Les sources officielles ne concordent pas par rapport aux
chiffres. Toujours difficile d'avoir une réalité des textes en
cours
secteur agricole (92)
concertations ?
démarré.
productions animales (147)
|
schéma d'opérationnalisation
réalisées par la Direction des
productions et des Industries animales
|
services ?les OP ?
Il faut encore valider les
modèles et rédiger
arrêté ministériel
|
Politique halieutique et aquacole
fixant le modèle de cahier des
charges dans le domaine des productions animales (155 à
157)
|
Pas de communication
|
|
Décret fixant les critères et
procédures des subventions et/ou d'appui pour la
conservation et la bonne gouvernance des ressources naturelles (23)
|
Les termes de références sont
élaborés, l'avant-projet de texte est rédigé, le
texte est validé
|
A été refusé par le Secrétariat
Général du gouvernement car les OP n'avaient pas
été consultées.
|
Fonds National de Développement Agricole (FNDA) (119)
|
L'avant-projet de loi sur le fonds national de
développement a été élaboré. Le processus
d'adoption est entamé et il faut (( accéléré sa
mise en place > dixit le Premier Ministre
|
la création d'un compte
d'affectation spécial, confirmé lors de
l'entretien du 7 janvier 2010 avec le secrétaire permanent. (( Ca y est
le FNDA va avoir 10 milliards, c'est
pratiquement fait, ça sera
opérationnel dès la première campagne ~
mais c'est une loi, dont l'avant-projet serait
élaboré et doit encore passé devant
l'AN.
|
Elaboration de la politique foncière
déléguée maintenant au SP (77)
|
La feuille de route sur le Foncier Agricole est
élaborée et validée. Le comité de pilotage est en
place. La phase préparatoire est terminée. Le voyage
d'étude et d'échanges d'expériences au Burkina Faso et au
Bénin réalisés.
Les termes de référence des deux études
(( Diagnostic > et (( Cadre Législatif et réglementaire >
ont été élaborés et validés. Le lancement
est effectif.
|
Processus lancé pour le
diagnostic par le recrutement de 2 consultants.
Les concertations sont en
préparation.
Le voyage réalisé n'a jamais été
évoqué lors des entretiens.
|
Politique Nationale de
l'enseignement de l'alphabétisation
et de la formation professionnelle agricole continue (98)
|
la feuille de route élaborée et
validée, le groupe de travail a été mis
en place, le chronogramme de travail est élaboré.
Les axes stratégiques de la
formation Agricole sont élaborés.
|
Un atelier de partage et de mise à niveau sur le
contenu a eu lieu ainsi que la mise en place du groupe de travail
|
Institution d'un régime institution
d'un régime de protection sociale
des travailleurs et des exploitants agricole familiales
(26)
|
la feuille de route est rédigée.
|
La feuille de route n'est pas
encore validée. Un voyage d'étude est
prévu au Sénégal.
|
Politique nationale de
développement énergétique du
|
le document est élaboré, les
concertations entre acteurs ont
|
Qui fait parti des
|
Décret fixant les modalités
d'organisation des interventions en cas de menaces sur la
sécurité alimentaire(59)
les termes de référence sont
rédigés et validés, l'étude a
démarré.
La façon dont est présenté l'état
d'avancement peut laisser perplexe par rapport a la réalité. En
effet de dire qu'il est adopté est un raccourci rapide : par exemple sur
les statuts il est bien passé au Conseil des ministres mais il est en
cours de réécriture, celui sur l'appui aux exploitations par
rapport a la gestion des ressources naturelles est retourné dans les
circuits car les OP n'avaient pas été consultées, de
même le FNDA qui devait être opérationnel après le
dernier CSA, devrait l'être « pour la prochaine campagne ».
8.7.3 Au niveau des tâches du Secrétariat
permanent (SP)
Outre les tâches déjà
déclinées55, entre autres les activités de communication
et diffusion des textes, il est spécifié que le SP assure au
niveau des CER l'appui, l'animation et le suivi , la centralisation et analyse
des rapports d'activités, la mise en cohérence de leurs
activités avec les projets du secteur agricole en cours sur le
terrain
Mais c'est seulement dans le dernier trimestre de
l'année 2009 que le SP s'est assuré en se déplaçant
dans les régions qu'au moins les CER étaient mis en place mais vu
leur non fonctionnement , il ne peut remplir aucune des tâches
prévues.
D'autres responsabilités sont rattachées au SP, non
spécifique à la LOA comme :
la mise en oeuvre du plan de passage a l'approche sectorielle
pour le développement rural et l'élaboration de la politique de
développement agricole
la mise en place du comité de Pilotage pour
l'élaboration du Programme National pour l l'Investissement dans Secteur
Agricole (PNISA)
l'organisation de la revue sectorielle et définition de la
méthodologie de travail l'élaboration et la validation du
document relatif au plan de passage a l'approche sectorielle
l'élaboration et la validation des termes de
référence relatifs a la politique de développement
agricole
la signature du document de financement du plan de passage a
l'approche sectorielle et de la politique de développement Agricole
l'organisation des ateliers régionaux sur la
méthodologie et le contenu du plan de passage.
Je n'ai pas d'information sur ces activités là,
mais sans moyen, faiblement doté en personnel, ni pouvoir, c'est une
charge de travail en plus, surement pénalisante pour la mise en oeuvre
de la LOA.
55 voir paragraphe 8.4
Toutes les instances de gouvernances censées
pérenniser la dynamique de l'élaboration ne satisfont pas tous
les acteurs, voire les pénalisent. Sans leadership fort, et des moyens
affectés précisément, chacun agit dans son coin, les
rôles et mandats sont indéfinis et la LOA « piétine
». «Il faut revoir la copie » ont signifié plusieurs
interlocuteurs
D. La mise en oeuvre
9 ÉTATS DES LIEUX/ANALYSE DES TEXTES SORTIS OU
EN COURS
C'est a partir des textes sortis ou en cours que nous allons
aborder cette partie détaillant surtout le comportement des acteurs et
les failles dans le processus. Le choix d'analyser certains textes est
partisan, chacun apportant un éclairage différent sur des
dysfonctionnements en cours. Mais auparavant nous allons nous attarder sur le
budget alloué a la phase de mise en oeuvre, son montant et sa gestion
sont souvent le reflet de la volonté que l'on veut y mettre pour faire
aboutir une loi.
9.1 QUEL BUDGET POUR QUELLE VOLONTE?
(( La main qui donne est toujours au dessus de celle qui
reçoit.» proverbe africain
Il est a noter en préalable qu'il est très
difficile d'avoir une vision claire du budget. Volontaire ? Ainsi les versions
peuvent diverger-car chacun jongle avec les chiffres et leur affectation dans
le temps (pour l'année, pour 5 ans ?) et selon leur source. Le seul
document sur lequel s'appuyer c'est sur le compte rendu de la 2 ème
session du CSA du 28/04/2008. Le plan d'opération 2008 prévoit un
budget évalué a 542 000 000 FCFA et/dont 230 000 FCFA
affectés directement a la mise en oeuvre du programme des 21
activités et les acteurs concernés.
Un membre de la CIFA complémente :
(( Chaque chapitre est dispatché dans chaque
ministère. Son financement est assuré par le Ministère des
Finances, tout ce qui concerne la production, la partie activité par le
Ministère de l'Agriculture, le Ministère des Finances pour la
partie fonctionnement (fonctionnaires, locaux...) »
Des membres du SP développent :
(( Il y a une ligne budgétaire spécifique
pour la mise en oeuvre de la LOA qui est dispersée dans tous les
ministères. Au début le SP avait estimé que pour mettre la
LOA en oeuvre *partie programmation des activités+ il fallait 1 milliard
FCFA pour l'ensemble des textes, la partie législative et
l'édition/diffusion de 90 documents. Ça sur 5 ans, jusqu'en 2012.
Le premier ministre Modibo a dit que c'était trop et excessif, il l'a
ramené a 500 M. Le SP a un budget spécial investissement. Chaque
année on saucissonne. On avait 200 M en 2009 et 100 M en 2010. Cet
argent est destiné a la diffusion et a l'élaboration de textes
»
(( Le budget cette année est de 100 M et il y a 5
salariés dessus. Et on n'a toujours pas d'agroéconomiste c'est
aussi pour ça qu'on a recours aux consultants. Les 100 M je ne les
gère pas directement ils sont a la Direction des Affaires
Financières du Ministère de l'Agriculture et je leur demande
à chaque fois. ».
Un point est sûr en tout cas : le budget alloué
à la LOA est en baisse. Mais peut-être que le peu de
résultats obtenus encourage cette tendance et/ou est ce un moyen
politique de freiner la mise en oeuvre de la LOA?
Un autre problème est aussi soulevé :
(( On a besoin des bailleurs de fonds, des partenaires un
État pauvre n'n'a pas le choix. La partie politique foncière peut
commencer car Monsieur Cavanna de l'AFD est un bailleur de fond qui intervient
sur le thème de la politique foncière. Il prend en charge les 2
consultants prévus et le voyage d'étude ...L'État n'a pas
les moyens...c'est le lot des pays pauvres on cherche souvent des partenaires.
»
La recherche de financement -qui subordonne commanditaires et
donneurs - mais aussi de consultants, prend du temps mais paradoxalement
apporte de l'argent. Cela fait peut-être aussi parti des freins de la
dynamique et/ou d'un choix délibéré de ne pas travailler
directement avec les acteurs impliqués, qui eux demandent toujours des
moyens.
La CNOP avait fait un devis de 141 M pour l'ensemble des
concertations pour la mise en oeuvre mais la réponse du Ministère
de l'Agriculture est claire. « On ne peut pas sortir 141 M. En 2004 on
a cherché des ressources un peu partout puis l'État a
complété mais on a encore moins de ressources aujourd'hui.
». Il offre une porte de sortie « Il faut identifier les
problèmes, les sectionner, prendre la main, ensuite le coude et
l'épaule ».
LE COÛT DES ATELIERS
(( Un texte législatif est estimé à 5
millions FCFA : 2 millions FCFA pour les textes [élaborés par des
consultants], 3 millions FCFA pour les ateliers»
Quand les ateliers sont organisés à Bamako, tous
les participants y compris les fonctionnaires touchent 3000 FCFA/jour. Le repas
du midi et les pauses sont pris en charge en général. Le repas du
soir et l'hébergement sont à charge. Ainsi seuls les
administratifs vont à ces réunions. Toute personne
concernée habitant loin ne se déplace pas sauf à
être pris en charge par sa structure, ce qui pose problème pour
les paysans.
S'ils sont organisés en région pour la CNOP
c'est a Sélingué*, pour l'administration a Ségou les per
diem s'élèvent a 15000 FCFA/jour. Donc suivant le demandeur, les
frais d'atelier varient et influent sur la décision de financer ou pas,
ou permet de soutenir ou pas tel ou tel acteur.
*~ 100km de Bamako, c'est un centre de formation paysan
géré par la CNOP, né en 2007 lors d'un forum
«Pour le processus d'élaboration de la mise en
oeuvre, le budget est passé au SP alors que la LOA était notre
leadership» dit un membre de la CNOP illustrant ce revers de situation -
des relations de partenariat perdues qui existaient avant avec
l'État..
Selon une réflexion d'un des membres du CIFA
(( Diarra n'était pas là au départ
*n'a pas connu le processus de financement lors de l'élaboration+ et en
plus maintenant c'est lui qui gère le budget donc il est en permanence
sollicité par les départements, [peut être entrainé
dans la corruption en off] mais ne donne plus rien à la CNOP. Les
départements organisent leurs ateliers à Bamako où les
gens viennent pour les per diem ! C'est une erreur fondamentale grave... c'est
un des facteurs clef du changement dans le processus ».
Au moment de l'élaboration une ligne budgétaire
avait été affectée spécialement à la LOA
dont une part avait même été transférée, via
une convention, puis gérée directement par la CNOP pour les
concertations. Lors de la mise en oeuvre le financement devient objet de
convoitise et de pouvoir, non plus un moyen pour faire avancer la loi. Chacun
doit aller quémander pour organiser des ateliers, avoir recours à
des consultants, faire des voyages d'études. Les estimations des besoins
sont faites par le SP lui-même pour les ministères ou autres
acteurs, en fonction de la feuille de route du CEN. Pourtant ce travail ne
semble pas fait si l'on en croit la réflexion du Ministère de
l'Agriculture, interpellant de vive voix le représentant du SP pour
répondre aux paysans, qui se plaignaient de ne plus être
financés pour les ateliers :
(( Vous devez aussi évaluer le coût du texte et
le faire acter sur les lignes budgétaires [validé 1/an lors du
CSA], en prenant en compte les demandes ».
Cela signifierait que ce n'est pas fait et qu'il n'y a pas
d'anticipation pour organiser la concertation a différents niveaux et
avec tous les acteurs malgré ce qui est dit au CSA et dans les textes.
Pour le SP il faut avancer sur les décrets en faisant des études
et des consultations en cherchant des partenaires techniques et financiers le
plus possible hors financement prévu dans la LOA. Mais est ce le
coût (voir encadré) ou la volonté qui freinent ?
«De toute façon c'est l'État
maintenant. Le fond du problème, au début les OP étaient
au coeur du débat, c'est venu de la base, mais maintenant c'est
l'État qui prend sa place. On se donne les moyens au niveau de
l'État pour faire les textes. C'est le rôle de l'État, ses
missions régaliennes. Il faut comprendre ça ! On n'a besoin de
personne pour écrire les décrets ! Il y a 2 phases
différentes. On s'est mis d'accord au moment de l'élaboration,
maintenant c'est a l'État d'appliquer ... Faut-il sortir 100 ou 200 M
à chaque décret pour faire de la concertation ?»
s'exclame le SP.
La version semble différente au Ministère de
l'Agriculture :
« Ils [le SP] ont 180 M de budget, il y a
peut-être un problème de management. Ils ont de l'argent mais pas
les capacités humaines. En 2010 ils devraient avoir 120 M.
Divisés par le nombre de décrets sortis, y a les moyens ! Un
atelier ça coute 5 M, on peut faire beaucoup d'ateliers ! Leur mission
c'est de sensibiliser, de diffuser...pas de décider pour les ateliers.
»
Pourtant même sans convention actuellement pour la mise
en oeuvre- mais cela va peut-être se faire- les OP devraient pouvoir
avoir accès a d'autres sources de financement car selon le
Ministère de l'Agriculture « Normalement ils ont du financement.
L'APCAM a une forte subvention pour ça et elle doit soutenir et appuyer
les OP ». Si les circuits de financement sont à priori en place,
ceux qui tiennent le porte-monnaie semblent peu enclins à soutenir la
CNOP.
Pour la FAO ce n'est pas un problème d'argent «
Pour les OP ce n'est pas qu'une question de moyens, ils mettent tout sur les
moyens, c'est en faire un problème mais quand ils sont
interpellés dans les réunions *CSA, CEN] ils ne font pas de
propositions. Le niveau de représentation est tellement bas dans les
réunions. ».Ce mutisme serait du au fait selon les paysans «
qu'on ne peut pas consulter la base, porter leur parole car on a plus le moyen
et parfois le temps d'organiser des concertations internes. » Mais aussi
du a l'opacité du processus, aux problèmes entre l'APCAM et la
CNOP et internes à la CNOP comme nous le verrons plus loin.
Au-delà des chiffres, on peut en déduire qu'il y
a d'un côté des freins -sciemment mis ?- pour financer les OP du
côté du SP et APCAM alors que le Ministère de l'Agriculture
semble aller dans l'autre sens. Est-ce un jeu entre eux ou un réel
différend ? De toute façon personne ne tranche. Les OP sont
démunies, ne remplissent pas leur rôle.
Le rôle des OP semble s'amenuiser dans la phase de mise
en oeuvre. Effectivement les 5 décrets déjà sortis et pour
lesquels la CNOP avait organisé des ateliers ne satisfont pas. Suivre
les textes en cours relève d'un exercice impossible. Alors comment et
où intervenir pour être efficace ? Cela est-il possible dans la
confusion qui règne? Le panorama des activités prévues et
réalisées va nous permettre de mieux appréhender les
difficultés a s'insérer dans le processus.
9.2 5 DECRETS SORTIS MAIS INSATISFAISANTS MALGRE DES
ATELIERS ET LE RECOURS AU CONSULTANTS
Selon le dernier document récapitulatif de l'état
d'avancement de la LOA, 5 décrets sont inscrits au Journal Officiel :
Décret N°08-177/P-RM du 27 mars 2008 fixant les
modalités d'application de la Loi relative au contrôle de
qualité des engrais. Sorti 1 mois avant le dernier CSA, il répond
à des enjeux de désengagement de l'État et de corruption
sur la production, l'importation ou la distribution des engrais.
Décret N°08-768/P-RM du 29 décembre 2008
fixant les modalités d'enregistrement et d'immatriculation des
exploitations Agricoles familiales et des entreprises Agricoles. Il
répond plutôt aux OP mais les Chambres d'Agriculture n'ont rien
mis en route et les services de l'État sont embourbés dans la
décentralisation.
Décret N°008-793/P-RM du 31 décembre 2008
fixant les modalités de création et d'enregistrement des
organisations interprofessionnelles Agricoles. Il est lié aux enjeux de
désengagement de l'État et des filières, notamment le
coton.
Décret N°09-011/P-RM du 19 janvier 2009 fixant les
attributions, la composition et les modalités de fonctionnement des
Commissions Foncières Locales et Communales. Il répond à
une demande forte du terrain mais toujours pas en application se confrontant
aux problèmes de la décentralisation et l'absence de politique
foncière.
Décret N°09-314/P-RM du 19 juin 2009 relatif à
la qualité et à la labellisation des produits Agricoles. Il
répond aux exigences de l'exportation.
D'abord, les décrets n'ont pas fait l'objet d'un choix
concerté, car c'est sur proposition du SP qu'ils sont
présentés au CEN. Puis les acteurs choisissent de s'y investir ou
pas selon leur moyen, leur intérêt comme le déplore un des
initiateurs de la LOA :
(( C'est le SP qui fait les propositions de décrets
ce n'est pas la CNOP. Cette redéfinition de la structure chargée
de mettre en oeuvre la LOA va a l'encontre de l'esprit qui avait
présidé. Il n'y a plus une Cellule, une interface pour assurer
cohérence, volonté politique et pluralisme des acteurs.
»
(( Lors du CEN le SP présente les
thématiques, puis chaque ministère choisit en fonction de son
intérêt, ses capacités, son temps, ensuite la liste est
validée au CSA, puis la CNOP dit sur lesquels elle veut travailler
» renforce un membre du SP
Ces 5 décrets ont fait l'objet d'ateliers. A priori ils
s'inscrivent encore dans la démarche de concertation. Mais il ne suffit
pas d'organiser des ateliers pour que le résultat satisfasse les acteurs
et plus particulièrement les paysans. Essayons de comprendre pourquoi
?
Le responsable de la FNJR élu CNOP relate :
(( Pour les 5 premiers décrets la CNOP avait encore
des ressources financières pour inviter le gouvernement à venir
dans nos ateliers à Sélingué. Mais il y a eu des
incompréhensions sur la portée de ces ateliers de
préparation...Effectivement la CNOP a participé aux textes, mais
on doit se comprendre sur les textes de mise en oeuvre »
Je n'ai pas assisté a ces ateliers de
préparations des 5 décrets sortis aujourd'hui. Ils se sont
déroulés jusqu'en juin 2009. Ils étaient prévus et
budgétisés, dans le cadre de la convention des concertations.
Pourquoi se déroulent-ils 3 ans après le vote de la loi ? Il y
avait du temps pour les préparer ! Les rendus des consultants
engagés ne correspondaient pas aux attentes. Un membre du SP explique
:
(( Ceux qui élaborent les textes ce sont des
bureaux d'études. Par exemple par rapport au statut on a lancé
l'étude auprès d'un bureau d'étude (me donne le rapport de
ce BE) après une consultation restreinte, on a choisi le BE. On a
payé 2 M puis on a fait un atelier de validation à
Sélingué avec tous les acteurs. La première version du
texte était très mauvaise, du copié-collé. Les
premières réflexions se sont faites au SP pour avoir de la
matière ; la dernière version est a l'AN »
La CNOP confirme :
«...puis on n'a pas eu de bons consultants, on leur
disait que ce n'était pas ça qu'on leur demandait, ils nous ont
piégés. On n'a pas d'infos réelles mais des états
des lieux pas de réflexions, de pistes. On leur a même redit
pendant les ateliers, ils n'ont rien voulu savoir !»
Cette situation amène aussi à une
dé-crédibilisation de la CNOP. Un fonctionnaire du
Ministère de l'Agriculture rapporte :
((Ils ont des problèmes avec les consultants,
ça leur rapporte du financement mais pas de soutien concret dans la
rédaction des textes. Les consultants font de la littérature...
Par exemple sur les décrets la CNOP nous a envoyé des textes
de consultants. Ils avaient engagé un consultant par texte pour avoir un
document
de réflexion, puis ils se le sont appropriés,
modifiés puis nous ont convoqué nous le ministère à
Sélingué. La CNOP nous a soumis leurs projets de textes [des
consultants ?J et après ils reviennent dessus. "
Si le travail final des consultants ne contente pas
«Mais alors il ne fallait pas les payer et leur demander de
présenter un autre rapport» demandais-je
(( Ils sont payés d'avance *2M FC4+. Un accord ((
gagnant-gagnant ", je te paye de suite et tu me verses 10%. Avoir recours
à des consultants fait parti aussi des schémas en vigueur, une
façon aussi de se faire une cagnotte... 10% sont reversés au
commanditaire, c'est courant, c'est comme ça "
Les ateliers pour écrire les décrets se sont
avérés un lieu d'incompréhensions avec des documents de
consultants inappropriés. La construction concertée de la phase
élaboration semble évaporée. Il est facile d'imaginer que
les objectifs de chacun étaient différents comme par exemple
sortir des décrets coûte que coûte, sans s'occuper ou ne
plus considérer prioritaires les préoccupations paysan-ne-s ou ne
pas prendre en compte les difficultés d'application sur le terrain.
L'administration (( avait repris les choses en main " et ((on
n'avait pas le recul " dit la CNOP.
La demande est forte de remédier à ce
problème du côté paysan, de reproduire le même
processus qui avait réussi à l'élaboration, qui leur
donnait de l'autonomie et des réflexions/propositions :
(( Nous devons prendre le temps entre chaque décret
d'en discuter avec les paysans de toutes régions et les OP et encore
dans les CER puis une deuxième phase avec le ministère, puis on
s'assoit, article par article.".
Cette demande peut paraitre surréaliste. Mais la CNOP
est confrontée pour la 1ère fois à cette phase
institutionnelle et juridique. Sans expérience, avec des moyens
financiers et humains faibles, une désorganisation au sein de la
structure, cette demande peut correspondre à leurs yeux être le
seul moyen d'argumenter leurs propositions. Une réflexion de fond
devrait être menée à ce niveau là mais en même
temps ils doivent répondre aux enjeux de la mise en oeuvre maintenant.
La tâche est d'autant plus difficile que les liens avec les
régions sont faibles.
D'une année sur l'autre, lors des CSA une feuille de
route avec les futurs textes a travailler dans l'année a venir, est
validée et disponible pour tous les acteurs. Pourquoi alors n'y a-t-il
pas anticipation ? Comment sont diffusées les informations, à
qui, par qui, comment ? Quel compte rendu des mandatés pour solliciter
et motiver la base ? A ces interrogations le président de la CNOP
répond :
(( Il est difficile d'anticiper car c'est
compliqué, le processus est mal embrayé. Tout est morcelé
entre les ministères, alors pourquoi se projeter s'il n'y a pas de
retour ? C'est trop compliqué a suivre, on ne sait pas où en sont
les textes ".
Du côté administration le bât blesse aussi.
Les personnes compétentes et motivées ne sont plus là
« au temps de l'élaboration je coordonnais une équipe
d'experts du ministère, on avait des personnes ressources. »
dit un représentant du Ministère de l'Agriculture. La FAO
fait le même constat « Il y a au Mali un problème de
compétences... les textes ne sont qu'entre les mains des juristes sortis
de l'ENA. Il y a une faiblesse de l'encadrement étatique, tous les
anciens sont partis créer leur bureau d'études » donc
pour devenir consultants !
L'incapacité d'aborder les décrets pour porter
une vision commune et réaliste dans la continuité de l'esprit des
concertations, se traduit par la rédaction de textes dont le seul souci
est qu'ils soient juridiquement et politiquement corrects, oubliant la voix
paysanne. Les 3 décrets suivants vont éclairer certaines facettes
de nouvelle situation.
9.2.1 Un décret interprofession sans
présence obligatoire des paysans !
Le décret fixant les modalités de
création et d'enregistrement des organisations interprofessionnelles
agricoles N°O8-793/P-RM est sorti le 31 décembre 2008
conformément a l'article 174 de la LOA : « sont acteurs ou
intervenants d'une filière Agricole tous les agents économiques
organisés des segments de la production, de la conservation, de
l'approvisionnement, des services a la production, de la transformation, du
conditionnement, de la commercialisation et de la consommation. »
Ces acteurs peuvent se regrouper à leur initiative au sein
d'interprofessions qui visent à :
Définir et favoriser des démarches
contractuelles entre ses membres; contribuer à la gestion des
marchés, par une meilleure adaptation des produits aux plans quantitatif
et qualitatif et par leur promotion
Connaître l'offre et la demande par la collecte, le
traitement et la diffusion de l'information sur le ou les produits de la
filière
Renforcer les capacités des membres de l'interprofession
pour garantir la qualité du ou des produits
Renforcer la sécurité alimentaire sanitaire, en
particulier par la sécurité des aliments, la
traçabilité des produits, dans l'intérêt des
utilisateurs et des consommateurs
La transcription en décret se révèle
discriminante pour les paysans sur plusieurs points dont 2 mis en exergue
ici.
L'article 2 stipule en effet « que les organisations
interprofessionnelles se constituent librement, avec un nombre minimum de 2
acteurs ~. Il faudra être conforme d'ici 2 ans pour créer son
interprofession, soit fin 2010 (article 19). Il ne peut y avoir qu'une seule
interprofession par produit. Le Ministère de l'Agriculture alerte en les
interpellant fortement lors de l'atelier de concertation qu'il sera
obligé d'accepter même ce cas de figure
«...et vous n'y serez pas, les gens n'ont pas compris
la pertinence, les malins-malins oui, si les transporteurs et les
commerçants créent une interprofession riz avant les paysans, on
ne pourra pas refuser. J'encourage la CNOP, l'APCAM a réagir pour
créer des interprofessions avec des paysans, le décret dit qu'il
faut seulement 2 acteurs, il n'est pas précisé qu'il faut des
paysans... ".
Le juriste du SP confirme :
(( Par exemple pour l'interprofession, la première
réflexion était issue de l'AOPP. Ensuite le SP a fait des
modifications puis c'est passé au secrétariat du gouvernement.
Par exemple 2 acteurs c'est une question d'interprétation cela n'exclu
pas les paysans mais c'est vrai qu'on aurait du spécifier.
»
En interrogeant la CNOP sur cette aberration, la réponse
est cinglante :
(( Celui de l'interprofession c'est un instrument de
l'État, les OP n'étaient pas prêtes sauf le coton qui a mis
sur pied la première interprofession. Ce décret c'est un massacre
pour nous, nous nous y sommes pas vraiment impliqués, je ne sais pas qui
nous représentait ! » et mise sur le fait que (( Les choses vont se
corriger, car ce n'est pas opérationnel, ils vont s'en rendre compte.
»
L'article 5 ouvre aussi la porte aux non-professionnels
« la moitié au moins des représentants des exploitants
Agricoles, des transformateurs et le cas échéant des
commerçants et conservateurs au sein de l'assemblée de
l'interprofession exercent personnellement une activité dans la
production, la transformation, la commercialisation du produit ou du groupe de
produits concernés». Ainsi presque la moitié des
représentants peuvent être dans l'interprofession sans exercer
aucune des activités répertoriées. Il est aussi
précisé dans ce même article que « les
Régions produisant ou commercialisant le produit ou le groupe de
produits sont représentées en son sein »sans
spécifier leur fonction exacte.
De plus a ce jour le décret validant le statut
d'exploitant agricole n'est toujours pas opérationnel, ainsi
officiellement il n'y a pas d'exploitants Agricoles statutairement parlant!
9.2.2 Le décret enregistrement et
immatriculation pas encore en place !
C'est le décret N°O8-768/P-RM du 29
décembre 2008 répondant a l'article 16 de la LOA. Il est
important pour la CNOP. Il signifie la reconnaissance du métier et de
son outil car « il faut sortir le foncier de l'informel et lui accorder
ainsi qu'à l'exploitation familiale un véritable statut ~ AOPP
(2004). Mais là le problème, n'est pas le contenu, mais c'est son
application ipso facto sur le terrain. Pourquoi les structures agricoles
concernées, les CA (article 2) n'ont encore pris aucune disposition pour
le mettre en application sur le terrain au niveau de l'enregistrement ?
(( Celui de l'enregistrement et immatriculation devrait
avoir des zones tests a mettre en place avec l'APCAM56. Ce
décret est important car il reconnait la personne morale en attendant
que la loi sur le foncier soit adoptée. C'est un gage pour toute
personne ayant des vues sur vos terres. Il n'y a pas de textes pour reconnaitre
les droits coutumiers, l'immatriculation y aide. » Insiste le
représentant du Ministère.
Sur le terrain pour ceux et celles qui ont voulu recourir a ce
décret, c'est un vrai casse-tête. La vice-présidente de la
CNOP explique « dès la sortie du décret j'ai voulu me
faire enregistrer et immatriculer. Mais rien n'avance. Personne ne sait ce
qu'il faut faire, comment. Rien n'est en route ».
L'avis du juriste du SP est :
(( Pour l'immatriculation on est confronté aux
problèmes de la décentralisation, elle n'est pas efficace et
culturellement les gens ne sont pas prêts pour ça. »
9.2.3 Le décret commissions foncières une
réponse aux conflits mais pas usité!
C'est le décret N°09-011/P-RM du 19 janvier 2009
qui fixe les attributions, la composition et les modalités de
fonctionnement des commissions foncières locales et communales
conformément a l'article 79 de la LOA : (( Une commission
foncière est créée au niveau de chaque Commune. Les
attributions, la composition et les modalités de fonctionnement des
commissions foncières locales et communales sont fixées par
Décret pris en Conseil des Ministres ». D'ors et
déjà pour les communes nous avons relevé qu'elles
fonctionnaient peu ou pas, rencontrant des obstacles au niveau de la
décentralisation. Le décret prévoit 2 commissions, au
niveau local (article 4) et au niveau communal (article 6).
Au niveau local, elle est présidée par le
préfet du Cercle. Outre le président du Conseil de Cercle et les
maires des Communes, l'administration via différents chefs de services
sont au nombre de 6. Pour la représentation du monde agricole et rural
sont nommés :
Le président de la délégation locale de la
Chambre Régionale d'Agriculture
4 représentants par sous-secteurs Agricoles
désignés par la Chambre régionale
4 représentants par sous-secteurs Agricoles
désignés par la Coordination Locale des OP 1 représentante
des Associations féminines
1 des Associations de Jeunes du Cercle.
56 L'APCAM procède a l'enregistrement et l'état au
niveau de la Commune et des Cercles a l'immatriculation ( article 9)
D'après les informations récoltées, a ce
jour aucun Préfet n'a fixé de liste nominative comme
prévue a l'article 5. Le SP confirme le 7 janvier (( Pour les
commissions foncières je reviens du terrain, on met ça en place
sur 5 communes à Kadiolo cercle de Sikasso ». Cela est du a
l'interpellation du 1er premier Ministre lors du dernier CEN et
qu'une évaluation est prévue au prochain CSA amis surtout selon
un fonctionnaire du SP (( Pour les commissions foncières c'est le SP
qui n'a pas été efficace, on n'a pas fait notre boulot dans les
cercles »
Au niveau communal, la commission foncière n'a
compétence que pour une seule Commune. Outre le souspréfet, le
maire et 3 conseillers communaux sont nommés :
3 chefs de service (Génie Rural, Agriculture et
Vétérinaire)
les chefs de villages
4 représentants par sous-secteur agricole de la
Coordination Communale des OP 1 représentante des Associations
Féminines de la commune
1 représentant des Jeunes. »
Ces commissions se réunissent à (( chaque
fois que besoin » (article 8). Les articles 9 à 12 expliquent
le fonctionnement et les prises de décisions. A noter a l'article 11 :
il est prévu que les frais de déplacement et de séjour
soient pris en charge sur le budget national du Ministère de
l'Agriculture et des Finances.
Les litiges fonciers sont légion en terre malienne,
alors que les commissions foncières devraient apporter des solutions,
aujourd'hui les situations sont bloquées sur le terrain. De nombreuses
voix se sont élevées pendant les
États-Généraux du Foncier pour créer un lieu de
règlement des conflits et avoir des textes clairs pour faire appliquer
la loi. Mais peu de personnes connaissaient l'existence du décret
commissions foncières ! Cela révèle le problème de
la diffusion des décrets qui est à la charge du SP et/ou de la
difficulté, la volonté de les mettre en application sur le
terrain. Comme le relève un fonctionnaire :
(( Le décret sur la création des commissions
foncières date du 19 janvier 2009. Aucune commission n'est formée
a ce jour alors qu'il y a des problèmes d'attribution et d'usage. Avec
la composition, le nombre d'acteurs dans la commission foncière on
aurait pu résoudre des problèmes avant d'aller en justice, qui ne
regarde pas les us et coutumes, ne regarde que si c'est légal ou pas.
Les gens ne sont même pas au courant qu'il y a un décret sur les
commissions foncières. ».
Les premiers pas dans l'univers institutionnel
s'avèrent semés d'incompréhensions et d'obstacles
politiques, humains. Sans contributions pertinentes ni moyens, ni le temps de
susciter les débats avec les adhérents, peu
préparée à cette phase là, la CNOP perd pied,
redonnant toute la place à l'administration qui n'a plus de directives,
ni leadership. Même si la CNOP a eu le leadership pour organiser les
premiers décrets - les résultats ne sont pas à la hauteur
de leurs espérances - les 5 décrets leur apportant de
l'insatisfaction soit dans l'écriture finale soit dans leur
application.
9.3 LES TEXTES EN COURS
(( Maintenant on ne sait plus rien depuis le dernier CSA .On
a perdu toute la dynamique et le dialogue » regrette un salarié de
la CNOP.
A partir de là nous abordons la phase de mise en oeuvre
dans un cadre mouvant et flou, , sans pression, ni directive du plus haut de
l'État, chacun naviguant a vu au gré de l'intérêt
porté a la LOA. Avant de tenter une analyse de textes en cours, nous
allons essayer de décrypter leur cheminement officiel.
9.3.1 Parcours pour les procédures des textes
législatifs
Un exposé du juriste du Ministère de
l'Agriculture lors de l'atelier de concertation, va nous éclaire sur le
parcours des textes, en faisant sélectivement ressortir les points
concernant les différents acteurs en jeu. Mise au point
nécessaire faite à la demande de la CNOP mais qui arrive au bout
de 3 ans ! A ce jour aucun document n'existe pour expliquer ce processus !
« Un texte sur le cheminement des décrets et lois n'est pas fait,
mais la CNOP ne m'a pas relancé là-dessus». Faut-il attendre
la demande d'une OP pour rendre public des textes sur le fonctionnement du
système législatif ?
Cheminement des décrets
« Il y a les lois et le niveau réglementaire
ce sont les décrets, il y a 2 sortes de décrets les
décrets ministériels et les décrets simples. ».
Dans le langage courant il n'est jamais spécifié quelle
sorte de décret est en cours, donc à quelle étape il
est.
« Le décret est proposé par les
ministères. L'APCAM est obligatoirement saisie de tous les textes mais
cela ne lie pas le gouvernement. Si pas d'avis de l'APCAM le texte repart, mais
c'est aussi à ce moment là que les OP sont consultées.
» Alors qu'il y a des élus CNOP à l'APCAM, nous
retrouvons là la dualité ou le dysfonctionnement entre les 2
structures. Les informations arrivent aussi par d'autres canaux par les ONG de
renforcement de capacité comme la SNV ou par le relationnel.
« Tout acteur peut faire des propositions au
Ministère. Le Ministère fait un projet de décret, les
directions le soumettent aux départements, puis si le conseil juridique
estime que c'est bon, ça passe au Secrétariat du gouvernement
où les textes sont écrits pour passer au Ministère. »
Le problème à ce niveau est de savoir quel texte est en
cours, à quel niveau d'écriture il est, quel est le
référent et donc à quel moment il est opportun
d'intervenir.
« Puis le texte [du Ministère] va au
Secrétariat Général du gouvernement qui rédige le
texte en se référant aux autres différents textes, car
c'est là que sont les archives. Il y a une mémoire, une logique
à pérenniser à stabiliser. C'est un garde-fou pour
permettre de savoir si le texte est bon, s'il n'existe pas déjà,
par rapport à l'histoire, à la cohérence du texte ».
C'est l'aspect rédaction juridique et harmonisation avec tous les textes
nationaux, et internationaux.
« Après il y a une réunion avec les
ministères concernés, et là c'est dur car le texte touche
automatiquement d'autres domaines! Chacun défend son secteur, chacun
défend les intérêts de son département, s'ils ne se
mettent pas d'accord, retour au Secrétariat général du
gouvernement. Le premier ministre tranche en dernier recours après avis
du Président » Où est la prise en compte de l'intérOt
général, de la voix paysanne ?
« Puis il y a un tirage en 60 exemplaires pour tous
les ministères, Cour suprême, institutions, chambres etc. Ce sont
des textes sans tâche, ni rature, puis retour au Conseil des Ministres et
s'il est adopté par lui, c'est dans l'état tel quel qu'il est
validé avec des remarques, des réserves si besoin !
».
Ayant moi-même expérimentée la recherche
de documents tels que les décrets déjà sortis, ce n'est
pas une simple affaire de pouvoir mettre la main dessus, alors que ce sont des
textes votés, signés et publics. Lorsque la CNOP a accès
aux textes en cours, c'est quand ils sont finalisés par les juristes des
départements ministériels et arrivés au SP. Ce dernier les
diffuse alors et devrait reprendre les remarques pour les intégrer avant
l'étape suivante. Mais il y a toujours le problème de temps pour
bien traiter le dossier en faisant des concertations. Ce temps là n'est
jamais prévu.
Effectivement les décrets sont désormais
écrits dans le cadre d'un circuit interne administratif avec
plutôt une simple consultation rapide auprès des organisations
Agricoles, surtout l'APCAM, avec la contrainte de « répondre pour
hier » et sans débat, sans savoir ce qui va être repris ou
pas.
Vote des lois et plus spécifiquement de la
LOA
«Il y a aussi les ordonnances qui sont des textes qui
passent devant l'AN car elles vont devenir une loi, par principe elles sont
adoptées car reflètent la loi... mais elles peuvent être
annulées mais je ne connais pas d'exemple... Pour les lois c'est la
même procédure que les décrets avec un passage dans les
commissions de l'AN. Une commission de saisie au fond et des commissions
spécialisées sont consultées pour avis. Le bureau de l'AN
se réunit et partage les textes dans les commissions dans lesquelles
s'inscrivent les députés. Pour la LOA toutes les commissions ont
été saisies, elles ont fait des écoutes sans
interférence du gouvernement, elles peuvent même écouter un
fou du village si elles veulent. Elles écoutent les ministres aussi puis
font leur rapport qui passe après en session plénière avec
les remarques...Dès que c'est voté même s'il y a des
coquilles, elle est votée en l'état.. La cour suprême
peut-être saisie pour un recours mais de mémoire il en a jamais vu
».
Le passage a l'AN semble n'être qu'une formalité
d'après le fonctionnaire. Pourtant lors de l'élaboration, la CNOP
a fait du lobbying car les députés voulaient amender les textes,
« souvent parce qu'ils ne connaissaient rien au sujet ou aux enjeux
». Le travail de lobbying et plaidoyer a été
anticipé. De plus la LOA était déjà validée
par ATT. « La loi votée était bien à la fin le
reflet des principales revendications paysannes ». Le jour du
vote57 Le seul grand débat évoqué était
la discussion d'écrire agricole avec un grand A. «Agricole avec
un grand A est une convention, la majorité a accepté le texte est
passé ».
A noter que l'AN a été modifiée lors des
élections de juin 2007. Ainsi les députés actuels ne sont
pas tous les mêmes et le travail de lobbying, donc de l'énergie,
va revenir dans l'échéancier des OP.
A qui profite cette opacité d'écriture
des textes ?
Pour les décrets, lois ou politiques en cours le
désordre est maitre. Le vocabulaire employé n'est pas clair : les
cursus et procédures sont différents et la transparence n'est pas
de mise. Personne ne sait plus oü donner de la tête.
Cela a été flagrant en faisant le point avec la
CNOP en octobre sur les textes en cours suite a l'entrevue avec le SP. Sur le
foncier le SP parle d'une concertation dans 6 mois, alors que le
Ministère de l'Urbanisme, des Affaires foncières et du Logement
organiserait un colloque sur le sujet du 27 au 29 novembre (ça sera
celui du 7 au 11 décembre). Sur le texte de politique semencière,
pas au courant qu'il serait sur le bureau interministériel. Les statuts
devraient être signés dans 2 semaines -mais où ?- alors que
« ce n'est pas un décret mais une loi et donc elle doit passer
devant l'AN.~. Appelé devant moi un député confirme qu'il
n'a rien reçu. En fait c'était pour la signature au Conseil des
ministres alors que le texte proposé, ne prenait pas en compte les
remarques de la CNOP qui l'a fait savoir. En janvier le pré-projet de
loi n'était toujours pas finalisé. Nous y reviendrons. Cet
imbroglio fut mainte fois relevé par les paysans lors de l'atelier de
concertation :
« Comment s'organiser pour se faire entendre avant le
décret ? Il faut nous expliquer le processus, le cheminement des textes.
».
Cette opacité dans la rédaction des textes n'est
peut-être pas innocente ou révèle tout au moins un
dysfonctionnement et « chacun défend son
pré-carré ». Il n'y a plus d'organe directeur comme
l'était la CIFA rattachée directement à la
Présidence. Convaincue et engagée la CIFA avait aussi
réussi à faire bloc tout au long du processus en interne tout en
tissant des liens avec le monde paysan. Selon le président de la CNOP
« Sans Nouhoum TRAORE et Madame LANSRY il n'y aurait pas eu de loi
avec la CNOP. »
57 La LOA faisait partie d'une liste de 10 lois prévues
d'être toutes votées dans cette session extraordinaire du 16
août 2005. A 15h elle n'était toujours pas passée et la
session a fini vers minuit, avec 9 lois votées dont la LOA.
Aujourd'hui les textes s'écrivent pratiquement sans la
CNOP. Leur sentiment est que :
« La loi nous échappe. Il n'y a plus de
cohérence entre les différents ministères, chacun a son
conseiller juridique faisant sa loi de son côté. Chacun arrive
avec un bout de la loi qu'il doit traduire en terme juridique en veillant a
leur adéquation a toutes les dispositions existantes extérieures.
Il n'y a plus de cohérence, alors que cela doit être le souci du
SP ».
Les textes qui ne « devaient pas être écrits
dans les bureaux » se retrouvent dans un processus administratif
très normatif, corroboré par la FAO « Il y a des
problèmes parce que les juristes prennent le dessus, il n'y a que les
textes et les paysans n'ont pas le droit de dire ceci, cela »
Depuis plus de 3 ans que la mise en oeuvre de la LOA est en cours
aucune initiative n'a été prise afin que les acteurs soient
formés,informés, et surtout les OP qui s'y retrouvent
impliquées pour la première fois.
9.3.2 Les textes prévus
Sur les 21 textes prévus et validés par le CSA, 15
textes sont en cours sur lesquels travaillent les différents
ministères comme répertoriés dans le tableau
ci-dessous:
Tableau 4 : Répartition des textes au sein des
ministères
Ministère concerné
|
Textes en cours
|
Article
|
Agriculture
|
Statut des exploitants et exploitations agricoles familiales
|
12
|
|
Politique semencière
|
141
|
|
Décret sur la qualité et la labellisation des
produits agricoles
|
166
|
|
Décret relatif aux droits et obligations de maitrise
d'ouvrage et
maitrise d'oeuvre
|
138
|
Élevage et Pêche
|
Décret fixant les modalités d'organisation et de
mise en oeuvre du
contrôle sanitaire et de qualité des aliments d
origine végétale et animale
|
63
|
|
|
151
|
|
Décret déterminant l'installation des
vétérinaires privés sur l'étendue
|
|
|
du territoire par des mesures incitatives en faveur des zones
pastorales
|
147
|
|
Arrêté interministériel fixant le
modèle de cahier de charges des
|
|
|
exploitants agricoles dans le domaine des productions animales
|
155 à
|
|
Politique halieutique et aquacole fixant le modèle de
cahier des
charges dans le domaine des productions animales
|
157
|
Environnement et
|
Décret fixant les critères et procédures des
subventions et/ou d'appui
|
23
|
Assainissement
|
pour la conservation et la bonne gouvernance des ressources
naturelles
|
|
Économie et des
|
Texte relatif au fonds national de développement
agricole
|
119
|
Finances
|
|
|
Logement, des Affaires foncières et de l'Urbanisme
|
Élaboration de la politique foncière
déléguée maintenant au SP
|
77
|
Enseignement
|
Politique Nationale de l'enseignement de l'alphabétisation
et de la
|
98
|
secondaire, de la
|
formation professionnelle agricole continue
|
|
Recherche scientifique
|
|
|
Développement social, de la Solidarité des
personnes âgées
Énergie et de l'eau
Commissariat à la
sécurité alimentaire
Texte relatif a l'institution d'un régime institution d'un
régime de 26
protection sociale des travailleurs et des exploitants agricole
familiales
Document de politique nationale de développement
énergétique du 92
secteur agricole
Décret fixant les modalités d'organisation des
interventions en cas de 59
menaces sur la sécurité alimentaire
74 textes sont prévus en tout. Si l'on s'en
réfère au rythme actuel, soit 5 décrets sortis, il va
falloir que le monde paysan soit vraiment patient pour voir une mise en
application réaliste de la LOA ! Mais peut-on revendiquer le temps de
faire des concertations et vouloir aller vite ? C'est l'avis du SP et de la FAO
qui revendiquent qu'il faut du temps mais pour faire des études, pas
pour des concertations. Pour le 1er « oui il y a du retard mais ce n'est
pas un problème, le sujet est complexe il faut prendre le temps »,
pour le 2ème « il faut donner du temps car cette loi apporte
beaucoup de changements, on va escamoter le processus...il faut faire des
études ».
Un dialogue avec le juriste du SP apporte un autre regard :
«-C'est vrai il y a un problème. Ils n'ont pas le
temps de consulter leur base, en plus ils n'ont pas les moyens financiers. Quel
délai vaudrait?
- Au moins un mois si on était en France mais on a de
l'argent annuellement pour pouvoir être réactif au sein de nos
structures
- ici il faut en plus trouver l'argent, les partenaires
pour financer au moins 3 ou 6 mois, sinon 1 an. Si la feuille de route
était respectée, ils pourraient s'organiser. Cela pose le
problème de financement des syndicats paysans. »
Avec 8 ministères plus le Commissariat a la
Sécurité alimentaire, l'écriture et le suivi des textes
dans toutes les étapes s'avèrent ardus. D'autant que les
instances de gouvernance ne répondent pas a la demande. Que l'on soit
paysan ou au SP, le constat est le même « la multiplication des
ministères ajoute à la complexité ». A noter
aussi que certains textes comme la politique foncière, ou l'enseignement
sont engagés dans un processus de concertation plus long pour
élaborer des lois.
Nous sommes vraiment au coeur de l'actualité avec des
informations et des papiers qui circulent dans tous les sens ou ne circulent
pas. Nous sommes aussi à la période charnière de crise
entre l'appareil étatique et les OP. A priori chacun en est conscient
mais personne n'est encore en capacité d'en analyser vraiment les causes
ou de prendre sur lui la cause de l'impasse actuelle ou d'avoir les moyens, le
pouvoir d'y remédier. L'exercice va donc être périlleux
mais j'ai fait le choix d'essayer de décoder au mieux ce qui se passait
en m'appuyant toujours sur les dires a partir d'entretien ou d'ateliers, de
quelques textes et de mon vécu car j'ai été
impliquée directement dans certains.
Je fais le choix de décrire plus en détail trois
processus de travail autour de pré-projets de texte sur les
thèmes : transhumance, statut des exploitations et subventions à
la gestion des ressources; Ces illustrations permettent de mieux
comprendre...
Pré-projet sur le décret transhumance,
un dialogue de sourds
Ce pré-projet de décret est affilié
à la Charte Pastorale qui a été adoptée en 2001 et
qui en 2010 est toujours sans décret d'application pour le volet
transhumance ! Pourtant les éleveurs-nomades représentent un
secteur Agricole important et sont confrontés à de nombreux
conflits : fonciers, sanitaires, commerciaux, climatiques !
J'ai pu assister a 3 jours d'atelier concernant ce
pré-projet. Le 1er jour était interne, a l'AOPP, les 2
suivant étaient la session officielle organisée par le
Ministère de l'Élevage et de la Pêche. Ce regard a
été un plus pour
aider à la compréhension des relations et
compétences des différents acteurs en particulier paysans et
administration lors d'un atelier de concertation.
Préparation de l'atelier avec les éleveurs a
l'AOPP
La SNV a anticipé l'atelier ministériel en
préparant la veille, le lundi 2, une rencontre avec 15 éleveurs
dans les locaux de l'AOPP. Le texte support de ce pré-projet circule
depuis 3 ans au sein des OP. Chaque OP régionale concernée par le
sujet, l'avait eue pour en discuter localement (Mopti, GAO, Kayes Sikasso,
Ségou (pas de représentant ce jour là). C'est sur les
articles 142 a 151 du chapitre I du TITRE V de la LOA qu'ils ont
travaillé.
Les participants interviennent sur chaque article
projeté sur un écran, et le salarié de la SNV
insère chaque remarque. Puis il fait validé par l'ensemble la
/les propositions. Une traduction en bambara et fulfuldé est
assurée entre les participants. Puis est abordé la
stratégie pour défendre le dossier le lendemain. Le formateur va
chercher l'information par téléphone pour savoir comment sera
organisé l'atelier. « Il y aura une plénière
où tout le monde est invité à participer, puis une
commission de synthèse finalisera le décret. »
rapporte-t-il.
La stratégie consiste a ce que chaque participant, par
binôme, s'approprie 2 ou 3 articles dans lesquels ils sont les plus aptes
a argumenter pour faire inscrire les amendements discutés et
approuvés l' après-midi. " Il faut qu'ils défendent
à fond leurs positions, c'est leur force de conviction qui peut les
faire intégrer dans les décrets. ». La SNV insiste pour
que les participants se soutiennent les uns, les autres par des interventions
sans montrer qu'ils sont tous issus de L'AOPP, mais qu'ils représentent
l'ensemble des éleveurs maliens. De même il pousse pour qu'il y
ait au moins 3 représentants a la commission de synthèse (2
paysans dont 1du Nord et 1 du Sud plus le salarié de la CNOP).Puis est
procédé au listing des noms de qui défend quoi par rapport
aux articles et de nommer ceux qui iraient a la synthèse. L'atelier se
clôt par la distribution à chacun des textes amendés.
Si ce moment a permis aux éleveurs d'être force
de proposition avec une réflexion collective issue de concertations avec
la base, la partie prise de parole n'a pas fonctionnée : sur les 15
présents seuls 5 s'exprimeront vraiment car la réunion a
été un vrai dialogue de sourd comme nous allons le voir.
Une administration en conflit interne et un atelier peu
préparé
L'atelier s'est déroulé le 3 et 4/11/2009 a la
salle de conférence du Ministère de l'Élevage et de la
Pêche avec 80 personnes présentes dont environ 15 éleveurs.
L'atelier a été cofinancé par 2 ONG : la SNV et HELVETAS.
Le financement comprend le temps des deux animateurs, les repas du midi et la
pause café du matin, le remboursement des frais de transports ainsi que
10 000 FCFA de per diem pour les deux jours d'atelier pour le repas du soir et
l'hébergement a tous les participants. Je ne sais pas s'il y a une
contribution étatique
Nous sommes toujours dans un contexte de concertation via un
atelier de validation au niveau national. Mais est-ce que les interlocuteurs
parlent le même langage, ont les mêmes objectifs, la même
volonté d'aboutir ?
Le directeur de cabinet du Ministère de
l'Élevage et de la Pêche est président de séance.
Après lecture collective du texte au rétro projecteur, 15
personnes se manifestent pour prendre la parole. Un participant demande «
Où sont les éleveurs ?~ pour mieux les identifier ou pour
s'assurer qu'ils sont là ? Un élu CNOP apostrophe dès le
départ :
« Le document présenté ne correspond
pas au document distribué pour la consultation, ça fait plusieurs
années que ça tourne, dans les régions de Kayes, Kidal,
Gao, Mopti, Tombouctou. Ils ont beaucoup travaillé sur le document et on
ne retrouve rien dans votre document !
La réponse du ministère est :
« Le document que vous avez est un document ouvert et
vous êtes maître dans cet atelier, on est dans un atelier national
de validation. Le document présenté fait référence
à la Loi Pastorale et aux décrets déjà
adoptés et aujourd'hui on est sur le décret
transhumance.~
Effectivement dans l'ensemble, même si la parole a
été donnée, le ministère et de nombreux
techniciens des services feront tout pour rester dans le cadre des textes
déjàadoptés dans la Charte Pastorale. De fait
le texte est un copié-collé des textes généraux
déjà
existants mais pas décliné sur la transhumance
"les articles 1 à 10 sont déjà dans la loi, il
faudrait mieux parler des modalités spécifiques à la
transhumance ». Il n'y a même pas la mise en adéquation
avec les autres textes existants " rectifier tous les visas pour être
en règle avec la CDEAO/UMOA, rajouter les accords bilatéraux
comme ceux de la Mauritanie, du Burkina »
interpellent les participants. De nombreuses remarques sont
faites sur les incohérences et contradictions du texte (articles 9, 29
et 35).
Ainsi la préparation de l'atelier par l'administration
peut être estimée comme aléatoire, comme un semblant de
consultation car cela fait parti du processus de démocratie
participative dont le Mali est attaché. En effet que signifie alors un
atelier national de validation quand le ministère se décharge
plusieurs fois sur d'autres départements ministériels et surtout
au plus haut de l'État pour trancher, arguant « Ce sujet est
relégué aux services de la primature, cela ne fait pas parti de
nos compétences. » ?
Cette attitude s'est révélée tant sur les
questions liées aux compétences territoriales que sur la
composition des commissions prévues dans le décret. Abondant
déjà nos remarques sur ce sujet, la décentralisation n'est
toujours pas efficiente pour les gens et dans les faits. De nombreuse
modifications pour intégrer les CT à tous les échelons ont
été faites, alimentées par de nombreuses discussions sur
le rôle de chacun et leurs prérogatives, délaissant alors
les revendications spécifiques à la transhumance et/ ou ne
pouvant pas apporter de réponses concrètes.
Pour les paysans cet atelier était important puisque des
enjeux forts d'identité et de reconnaissance étaient en jeu en
souhaitant formaliser leurs droits par rapport a l'espace et aux ressources
:
«Quand nos bêtes meurent on a rien, alors que
quand les sauterelles arrivent les agriculteurs ont tout ...Dans le Macina, on
a attribué 100 000 ha et c'est un lieu de passage séculaire de
transhumance (400 000 bovins et 200 000 ovins en 89, en augmentation
constante), où va passer la piste de transhumance maintenant ? Il faut
bien réorganiser le classement et le déclassement. Les pistes
doivent être classées pour nous protéger »
Un dialogue de sourd s'est instaurer avec d'un
côté des administratifs peu impliqués, incompétents
sur le dossier engendrant même des querelles techniques entre eux, et de
l'autre des paysans désabusés alors qu'ils s'étaient
investis.
« Avec les deux version de documents ça va
pas, si on est là comme faire-valoir, on s'en va, on vous laisse entre
techniciens. Écoutez les voix des éleveurs, ne les balayez pas
d'un revers de main, ce sont les préoccupations des éleveurs. Il
y en a ici qui ne savent pas lire et ont plusieurs centaines de bêtes, ne
creusez pas le fossé entre intellectuels et analphabètes ~
déclare le président de la Chambre d'Agriculture de Bamako,
adhérent CNOP et président de la FEBEVIM. Il faut «
arrêter les débats car ce sont des débats techniques et les
éleveurs décrochent » renchérit un responsable de la
CNOP.
Malgré tout un groupe avec les 3 personnes
prévues du côté OP plus les 2 animateurs des ONG, a
réussi à présenter une synthèse finale qui a
été approuvée. Qu'en sortira t-il alors et dans combien de
temps ? A ce jour a ma connaissance pas d'avancée sur le sujet. Mais vu
le cheminement des textes après et les pressions qui peuvent alors
être réellement exercées, est-ce que les paroles des
éleveurs seront reprises ?
Pourtant il y a urgence car sur le terrain la situation est de
plus en plus difficile et conflictuelle, comme l'illustre cet
article58 :
« Comme on peut le constater, les syndicats des
éleveurs, initiateurs de cette assemble générale unitaire,
en battant le rappel des troupes, voulaient simplement sonder les
éleveurs par rapport à la situation conflictuelle à Y.
tout en dégageant des pistes de réflexion pour y trouver des
solutions pacifiques. Et l'une des voies pour aboutir à cette solution
passe par la LOA Agricole et la Charte Pastorale dont l'ignorance et
l'incompréhension ont conduit a cette situation regrettable. C'est pour
combler le vide que les responsables des 2 syndicats ont fait appel au
Directeur national de la production animale, pour les expliquer
clairement.»
Si expliquer la LOA et la Charte pastorale - dont l'une est
votée depuis plus de 3 ans et l'autre depuis bientôt 10 ans -,
peut être une bonne initiative et il serait temps ! Mais cela
suffira-t-il à régler les problèmes sans décrets
d'application satisfaisants applicables sur le terrain ? Les commissions
foncières auraient toute leur
58 L'Indépendant du 5 septembre 2009
place dans cette situation. Une évaluation sur la partie
diffusion et sensibilisation qui est dévolue au SP devrait être
faite tant sur le terrain qu'en interne.
Les débats techniques ont dominé cet atelier,
engendrant de nombreuses et longues querelles entre services, marginalisant les
éleveurs qui peu à peu se sont déconnectés, et
révélant un ministère dépassé ou
désinvolte. Le déroulement d'ateliers dans ces conditions ne peut
qu'entrainer des frustrations et des incompréhensions. Il ressort que
peu de personnes étaient prêtes pour travailler sur les
décrets par manque de formation, de compétence, de vision commune
partagée. Est-ce que cela suffit pour satisfaire aux critères de
démocratie participative, de bonne gouvernance ?
Pré-projet de loi sur le statut, un
thème délicat
C'est dans le TITRE II chapitre I que sont
développés 16 articles (11 à 26) faisant
référence aux droits et devoirs par rapport au statut des
exploitations et des exploitant-e-s Agricoles. C'est aussi une revendication
forte de la CNOP que les paysan-ne-s soient reconnus officiellement comme
catégorie socioprofessionnelle au sein de la société. Mais
il va falloir encore attendre le vote de la loi et la sortie des décrets
d'application !
Une réunion interministérielle s'est tenue au
Secrétariat Général du Gouvernement le 4 février
2009 oü 17 départements ministériels étaient
représentés plus l'APCAM, la CNOP, l'AOPP, la FNAFR, la FNJR.
C'est là qu'aurait été décidé que ce
thème serait une loi car ce n'est pas spécifié dans la
LOA.
Dans le texte de
présentation59 il est stipulé :
(( Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette LOA, divers
textes législatifs ou règlementaires sont prévus. Flle
précise en son article 13 que les exploitations Agricoles sont
classées en deux catégories : l'EAF et l'entreprise agricole. La
LOA définit les principes généraux régissant ces
deux catégories d'exploitation. Les principes ont besoin d'être
complétés par d'autres dispositions pour créer les
conditions nécessaires a leur mise en oeuvre. Le présent projet
de loi s'inscrit dans ce cadre '>
Concernant l'entreprise agricole son statut est mieux
précisé en indiquant qu'elle est créée sous la
forme de société régie par les textes de l'OHADA.
La LOA est axée sur les exploitations Agricoles
familiales. Sur les 16 articles, seuls 3 articles mentionnent nommément
l'entreprise Agricole (20, 21, 25). Ils définissent que l'entreprise
Agricole, enregistrée auprès des Chambres d'Agriculture, est soit
individuelle, soit sociétaire. Elle emploie exclusivement des
salariés, et est soumise a l'impôt.
Les différentes mesures seront présentées
le 24 juin 2009 dans un atelier. A priori si l'on s'appuie sur les
déclarations du ministère (( personne ne se serait
manifesté contre les mesures préconisées à ce
moment là '> mais après:
(( La CNOP est désorganisée, ils ont un
problème de stabilité, de connexion ce qui entraine un
problème de confiance dans nos relations, par rapport à une
certaine sérénité dans les accords. Quand on fait des
erreurs il faut le reconnaitre, ne pas dire que c'est toujours a cause de nous.
Leurs propositions de décret ont été envoyées
directement au ministre avec une lettre d'accompagnement signée
d'Ibrahima60. Alors pourquoi ils remettent les
statuts en cause. La loi n'est pas encore passée a l'AN et est
réfutée maintenant par la CNOP'>
Pendant l'été la CNOP fait savoir qu'elle n'est
pas d'accord et le pré-projet est bloqué, alors qu'il devait
être présenté a l'AN en cette fin d'année.
« Nous avons réussi à faire remonter au Ministère
de l'Agriculture que nous n'étions pas d'accord avec le texte et
qu'il fallait le modifier avant de
59 (Annexe n° rapport de présentation du projet de
loi portant sur le statut du 24 juin 2009)
60 Ibrahima COULIBALY, président de la CNOP
l'envoyer aux députés » dit un
responsable de la CNOP. Qu'a-t-il pu se passer ? Se repose le problème
de la pertinence et l'efficacité des ateliers, leur place dans le temps,
qui est différent selon les acteurs et le temps de concertation interne
souhaité avec les moyens y afférant pour les réaliser afin
que les acteurs puissent se positionner en cohérence.
En essayant de rassembler les informations il semblerait que
les paysans aient demandé un délai pour consulter leur base,
c'est ce que l'on pourrait comprendre selon les dires du conseiller de la SNV
qui les accompagne sur la partie mise en oeuvre de la LOA. « Il a
été envoyé par mail à tous les responsables paysans
il y a trois mois, aucun n'a répondu ». Cette absence de
réponse pourrait signifier que sans une logistique physique pour
organiser les concertations, la mobilisation ne se fait pas. D'autant plus que
les moyens de communications sont faibles et que la parole et l'échanges
règnent encore au Mali. Alors que signifie la lettre envoyée par
la CNOP prise comme approbation du projet par le ministère de
l'agriculture ? On peut aisément supposer qu'à un moment
donné quelqu'un ait alerté sur le contenu du texte qui ne
convenait pas. Qui représentait la CNOP a l'atelier ? Est-ce elle qui a
alerté ?
En tout état de cause, le 18 novembre, la CNOP,
reçoit un coup de fil du représentant du ministère de
l'agriculture qu'il a besoin d'avoir les nouvelles propositions de la CNOP
avant la fin de la semaine. C'est ainsi que le 19 novembre le conseiller de la
SNV et le président de la CNOP m'invitent dans les locaux de l'ONG, en
urgence pour les accompagner dans la rédaction de leurs propositions.
Pour rappel au moment des concertations, un atelier thématique a eu
lieu. Je n'ai pas de données de l'atelier là-dessus mais il y a
eu déjà une réflexion collective.
C'est donc seulement a 3 que nous nous attelons a la tâche
et exprimons unanimement :
(( C'est un simple copié/collé de la
définition française plus liée au concept
d`entreprise/entrepreneur qu'aux réalités des EAF maliennes
»
La grande disparité est que la plupart des articles
sont consacrées aux formes sociétaires. Même si elles
trouvent un écho en France vis-à-vis des cotisations, mesures
fiscales, accès aux subventions, elles sont dans l'ensemble liées
a l'individu. Alors que l'exploitation malienne défendue par la CNOP et
la société plus largement -lors de EGF, cela a été
rappelé plusieurs fois, particulièrement dans l'atelier femmes-
sur le concept culturel familial. De plus les statuts sociétaires
présentés ne donnent pas de place équitable aux
conjoint-e-s61 ce qui va a l'inverse des aspirations paysannes
maliennes au sein de la famille : les droits et les devoirs de chaque membre,
homme, femme, jeune au sein de l'exploitation ne correspondent pas aux
établissements agricole à responsabilité limitée ou
groupement agricoles d'exploitation commune comme proposés.
Le texte est réécrit et l'après-midi
même, Ibrahima et moi portons le document en main propre au.
responsable/juriste de la LOA du Ministère de l'Agriculture qui nous
prévient :
((La première version a été
adoptée par le Conseil des ministres. Il est difficile de remettre tout
en cause, c'est trop tard pour prendre en compte toutes les modifications de la
CNOP. On*c'est lui-même] va quand même faire quelques
modifications, et le texte sera envoyé aux députés pour la
première session du parlement d'ici fin janvier début
février ...Le problème c'est qu'il y a 2 positions celle de
l'APC4M et celle de la CNOP. La CNOP remet en cause une partie du texte, nous
ne pouvons pas prendre en compte que la CNOP. L'APCAM n'a pas suivi la CNOP. Il
y a des propositions qui se recoupent et dans ce cas on modifie. Après
c'est ATT qui tranche sur le texte a présenter a l'AN. »
61 A l'image de la réalité française !
Lorsque l'APCAM est interrogée sur ce sujet. Sa
réponse est embarrassée:
« Un document aussi capital que le statut de
l'exploitant pour définir qui est exploitant ou pas, il y a une guerre
d'école, on ne peut pas être tous d'accord, il faut trouver un
consensus. Les débats vont être très houleux. Ce n'est pas
un seul jour d'atelier qui va clore le sujet, même là ça
sort de l'imaginaire. »
En fait c'est le juriste du Ministère de l'Agriculture
qui va s'atteler a représenter un texte en incluant les remarques de la
CNOP qui ne vont pas a l'encontre du texte initial validé par l'APCAM.
Pour cela il nous dit avoir constitué un groupe de travail interne
« Nous avons mis en place un petit comité
interministériel (agriculture, justice et élevage-pêche)
pour analyser les deux textes et pouvoir l'envoyer aux députés
»
Est-ce que la CNOP sera entendue et plus largement le fait de
respecter l'EAF malienne et ses membres? Pour le moment pas de réponse.
A ce jour impossible de savoir où cela en est !
Dans ce chapitre I du TITRE II, il est à noter que les
paysans revendiquaient aussi un régime de protection sociale pour les
travailleurs et exploitants agricoles (article 26) et une convention collective
spécifique au secteur Agricole (article 18). Une loi est prévue
pour les conditions et modalités de l'apprentissage Agricole - dans le
même article- qui devrait être traité dans le chantier de
l'enseignement Agricole et de la formation. Celui-ci a tenu jusqu'à
aujourd'hui une seule réunion pour mettre en place le comité de
pilotage. Selon la présentation faite au dernier CEN, des textes
concernant le régime de protection sociale seraient actuellement
travaillés au Ministère du Développement social, de la
Solidarité des personnes âgées. Ce n'est que le
début d'un long parcours dans les arcanes administratifs.
Définir un statut pose un problème tant culturel
que politique, c'est peut-être pour cela que ce thème a
été proposé sous forme de loi, pour avoir un débat
de société au moins a l'AN. Même au sein du monde agricole
les divergences existent. Soit la loi prendra du temps soit elle passera en
force avec des textes qui risquent de favoriser une poignée
d'exploitants, niant les spécificités de l'EAF.
Pré-projet de décret pour l'attribution
des subventions et/ou appuis pour la conservation et la bonne gestion des
ressources naturelles, procédures et contre-ordre
L'article 23 du TITRE II chapitre 1 stipule qu'un
décret doit être pris: « L'État et les
Collectivités territoriales peuvent accorder, dans le cadre de contrats
de conservation et de bonne gestion des ressources naturelles, des subventions
et/ou appuis aux exploitations Agricoles. Les engagements techniques des
exploitations Agricoles participant de la conservation et de la bonne gestion
des ressources naturelles sont consignés dans un cahier des charges
dûment signé par le chef de l'exploitation. Le cahier des charges
fait partie intégrante du contrat. Seules les exploitations Agricoles
immatriculées peuvent bénéficier de subventions et/ou de
l'appui de l'État ou des Collectivités territoriales. Un
décret pris en Conseil des Ministres fixe les critères et les
procédures d'attribution des subventions et/ou appuis pour la
conservation et la bonne gestion des ressources naturelles. »
Ce décret est entre les mains du Ministère de
l'Environnement et de l'Assainissement. D'emblée rappelons qu'à
ce jour que le décret immatriculation daté du 29 décembre
2008 n'est pas encore opérationnel alors que « seules les
exploitations Agricoles immatriculées peuvent en
bénéficier.»
Lors de l'atelier de concertation le représentant du
Ministère de l'Agriculture présente le sujet en ces
termes laconiques : « Les termes de références sont
élaborés, l'avant-projet rédigé, le texte
est validé », alors que depuis septembre le texte est
bloqué parce que les OP n'ont pas été consultées,
même si
il a demandé au dernier moment l'aval de l'APCAM, avis
consultatif obligatoire, qui l'a donné la veille du passage au Conseil
des ministres. Que s'est-il passé ?
Un représentant du Ministère de l'Environnement et
de l'Assainissement explique :
« Il y a eu un dysfonctionnement. Ca était un
couac, la démarche a été biaisée à un
moment. Il y avait de prévu un atelier avec la CNOP et l'APCAM. Mais
nous avons reçu une lettre *des services du Conseil des ministres]
seulement 1 semaine avant disant de passer le texte avant le 26/09 au Conseil
interministériel. Il y a eu alors un arrêt du processus et nous
avons mis néant sur la fiche62. .Vu que la
réponse a été non, le processus a été
stoppé, le texte n'est pas passé ».
Le fait est confirmé par le Ministère de
l'Agriculture pendant un débat off au moment du repas entre paysans et
fonctionnaires :
« Le Ministère de l'Environnement est en train
de travailler sur un texte, un décret pour subventionner les bonnes
pratiques agricoles. Il est resté bloqué en Conseil des ministres
car les OP n'ont pas été consultées. Sila
procédure est malmenée, on arrivera à la même chose
que le code de la famille ! »
Dans tous les cas, avec ce projet de décret on
perçoit tous les décalages qui règnent entre services
administratifs et/ou les pressions plus politiques. En effet nous sommes au
dernier trimestre de l'année, le CEN et le CSA se profilant, tout
pourrait être aussi précipité pour pouvoir dire que la
feuille de route est respectée. Un membre du SP rapporte :
« Par exemple pour le décret RN du
ministère de l'assainissement, les OP dans le cadre des
éléments participatifs n'ont pas été
consultées. Le Secrétariat du gouvernement a retourné le
texte. Il y a actuellement une demande au SP pour organiser un atelier à
Sélingué. 3 millions sont prévus couvrant
hébergement, repas et per diem, c'est 15 000 /jour a
Sélingué alors que c'est 3000 a Bamako »
Le président de la CNOP a une autre analyse «
Par rapport au décret sur les ressources naturelles l'État n'est
pas prêt pour avancer là-dessus, ce n'est pas une priorité
pour le gouvernement.». Peut-être a-t-il raison car toute la
partie de la LOA consacrée a l'aménagement du territoire et de la
gestion des ressources naturelles TITRE IV, chapitre I est impossible à
traiter pour le moment sans avoir résolu les obstacles liés
à le décentralisation et éclairci les modalités de
gestion foncière. Des problèmes budgétaires pourraient
être aussi avancés.
On peut tirer à partir de ces exemples que sur les 21
activités programmées, peu ont de chance de se concrétiser
cette année. Celles sur lesquelles nous avons attiré l'attention
sont elles-mêmes enlisées pour les différentes raisons que
nous avons exposées. « Depuis 2009 plus rien car les
ministères sont en retard, n'ont pas encore terminé leurs textes
». Comment cela ressortira t-ils lors des prochaines sessions du CEN
et du CSA ?
La politique foncière un démarrage
à retardement Le volet politique
Des articles peu applicables, peu ciblés vers la
paysannerie
Le foncier rural est décliné dans le TITRE IV
chapitre II et regroupe 9 articles du 75 au 83. Un décret est
prévu (article 79) sur la création de commissions
foncières. Acté depuis plus d'1 an rien n'est mis en application
sur le terrain comme nous l'avons vu. C'est par voie législative que la
politique foncière sera traitée, l'article 78 spécifie
«qu'une loi sur le foncier agricole sera élaborée a compter
de la publication de la présente loifl.
62 C'est une fiche qui accompagne le texte et sur laquelle il
faut répondre a des éléments de participation des OP,
s'ils ont été consultés
L'article 75 précise « la politique
foncière a pour objet la sécurisation des exploitations et des
exploitants Agricoles, la promotion des investissements publics et
privés, l'accès équitable aux ressources foncières
et la gestion durable des dites ressources. »
L'inventaire des us et coutumes et leur toilettage
éventuel réclamé depuis longtemps est prévu dans
l'article 76. Il demande encore une synergie entre État, CT et les CA,
qui, aujourd'hui sont toujours en panne. Rien n'est fait alors que cela
permettrait de mieux gérer les conflits.
La politique foncière agricole est
élaborée « par l'État de concert avec la profession
Agricole~ L'article 77 définit aussi les objectifs qu'aujourd'hui
personne ne respectent : « [elle] vise à lutter contre les
spéculations en matière de transactions, de tenures
foncières et de détentions coutumières abusives des
espaces. Elle repose sur l'institution du cadastre au niveau de chaque commune
afin de préciser toutes les indications relatives aux terres Agricoles.
»
Les communes n'ayant pas ni de limites territoriales ni les
moyens humains, financiers et la volonté manquant cruellement cette
prérogative n'est pas prête d'être mise en route. De
même pour l'article 81 qui prévoit de réaliser des
aménagements mais seulement sur les terres immatriculées au nom
de l'État ou de la CT, alors qu'aucun registre n'existe et que les
transferts de domaniaux prévus ne sont toujours pas effectués
sauf pour les investisseurs étrangers avec des baux
emphytéotiques !
L'article 82, est emblématique des priorités
concrètes de l'État. Dans le cadre de la promotion de
l'investissement, de la capitalisation et de l'accroissement de la production
Agricole, des dispositions sont prises pour alléger les coûts et
simplifier les procédures d'établissement des titres fonciers et
de concessions rurales et la conclusion de baux de longue durée pour les
exploitants Agricoles. ». Les titres fonciers ou les concessions rurales,
qui sont connues pour être acquis par complicité et corruption,
dénoncées par tous, n'existent que dans les zones urbaines et
périurbaine et les baux longues durée ne concernent pas la
paysannerie, comme il est précisé « L'État prend les
dispositions pour faciliter l'obtention de titres fonciers aux exploitants
nationaux et la conclusion de baux avec cahier des charges aux exploitants
étrangers désirant s'investir dans le développement
Agricole au Mali ».Cet article répond aux accords signés
dans le cadre de la CEDEAO/ECOWAP et avalise les choix étatiques comme
nous l'avons déjà vu .
Quelle dynamique pour le volet de politique foncière
rurale ?
Ainsi c'est « dans son coin » que le travail sur une
politique foncière rurale va s'élaborer. Déjà en
2004, un comité de pilotage sous la responsabilité de l'AOPP
avait fait des propositions et édité un document intitulé
La question foncière au Mali : propositions paysannes pour une
gestion pacifique et durable des ressources foncières, oü l'on
peut lire dans ses conclusions
« L'État doit prendre conscience qu'il a en
face de lui des acteurs ruraux organisés, conscients des facteurs qui
bloquent leur développement, porteurs de propositions
d'amélioration des politiques les concernant et impatients d'être
écoutés. L'ambition de l'État doit être aujourd'hui
d'élaborer, de manière concertée une nouvelle politique
foncière ayant pour objectif de sécuriser l'exploitation
familiale paysanne ».
La concertation devrait se faire mais il a fallu 3 ans pour
qu'elle démarre réellement. Une mission d'appui confiée au
Hub Rural 63 a été organisée
en 2007 à la demande du Ministère de l'Agriculture pour «
proposer sous forme de feuille de route, une démarche cohérente
et participative permettant de concrétiser les innovations introduites
par la LOA en matière foncière~. Des rapports que j'ai lu, c'est
le seul qui apporte une réponse argumentée et pragmatique pour
permettre d'avancer, car il a été construit collectivement,
même s'il a « engendré des débats houleux
».
Après avoir organisé un atelier de restitution le
12 juin 2007, la feuille de route a été livrée au
ministère en juillet 2007. Puis le 27 et 28/11/2008, un atelier de
concertation national sur la méthodologie de mise en
63 www. hub
rural.org
oeuvre du volet foncier de la LOA met en exergue
«l'impératif nécessité de concertations internes a
chaque groupe d'acteurs, afin de laisser la possibilité de construire et
d'argumenter leurs positionnement ~. Il a été
définitivement validé en décembre 2009 et le SP va enfin
enclencher le processus.
Si les préconisations faites et le calendrier sont
respectés, le temps d'une vraie concertation a tous les niveaux, qui a
fait défaut jusqu'à maintenant pendant la phase de mise en
oeuvre, la politique foncière devrait redonner un second souffle
à la LOA !
Qu'en sera-t-il ? La Décision N°09-0003/MA-SG du
26 janvier 2009 désigne les membres du comité de pilotage, dont
la présidence, avec l'accord des participants -en particulier des
paysans- sera assumée par le représentant du Ministère de
l'Administration Territoriale et des CT. Ce qui parait judicieux puisque la
décentralisation est un des noeuds du problème. Sont
représentés 7 ministères, 9 représentants des
organisations paysannes et de la société civile: CNOP, AOPP,
SEXAGON pour les OP, puis APCAM, FNAFER, FNAJER, le Conseil national de la
société civile et l'Association des municipalités du Mali,
3 au nom de la recherche : Université Mandé Bukari, Institut
d'Économie rurale, Institut polytechnique rural. Les
représentants de la CNOP et de l'Université Mandé Bukari
étaient déjà dans le comité de pilotage sur La
question foncière au Mali en 2004.
Selon la feuille de route le mois d'octobre 2009 devait
être consacré aux concertations locales et l'atelier national sur
la politique foncière agricole devait se tenir en février 2010 et
la tenue de l'atelier national sur la loi foncière agricole et ses
textes d'application a l'automne 2010.
La démarche est soutenue financièrement par
l'Agence Française de Développement et voici l'état des
lieux fait par le SP lui-même en janvier 2010 :
« Les consultants sont recrutés, la feuille de
route est validée, le comité de pilotage est en place. Par
rapport aux études diagnostics et cadre réglementaire, on aura
les résultats au plus tard fin janvier. Le premier draft devrait
être écrit en mars. D'avril a août c'est la concertation, le
dialogue dans les régions, en septembre il y aura le dialogue national
et enfin en octobre premier draft de la loi. Puis il justifie que le processus
est long car « c'est un exercice complexe qui demande a se remettre en
cause dans nos comportements a tous les niveaux, dans nos façon de
travailler, de penser... Au Sénégal la loi a été
votée le 4 juin 2004 et ils n'en sont pas encore là ! »
Le calendrier devrait être respecté mais nous
reprendrons cette réflexion déjà écrite en 2004
dans La question foncière au Mali :
« Malgré la dynamique actuelle qui se
développe autour du foncier entre autres, des concertations locales,
régionales, nationales de nombreux séminaires et ateliers de
réflexion, les paysans demeurent inquiets et sceptiques face à
tout cette agitation qui n'a que peu, voire pas d'impact tangible sur leur
situation foncière ». Qu'en sera-t-il ?
Une politique semencière qui sème la
discorde
C'est dans le TITRE V, chapitre 1 que sont traitées les
productions végétales avec seulement 2 articles, les 140 et 141.
Ils abordent le thème de façon très
générale. Le 140 évoque une politique de
développement agricole pour accroitre la production et la
productivité en fonction des systèmes de production et des
potentialités des différentes zones. Le 141 stipule «
L'État, en concertation avec les Collectivités territoriales et
la profession Agricole, définit la politique bio-sécuritaire et
semencière en vue d'assurer la couverture totale des besoins nationaux
en semences sélectionnées, la conservation et la valorisation des
variétés existantes et celles en voie de disparition, ainsi que
la réintroduction de celles disparues. L'État, en partenariat
avec la profession Agricole, élabore le Catalogue National des semences
et tient des livres généalogiques.»
D'autres articles sont disséminés dans la LOA
comme les 109, 131, 132 et 133 qui traitent des soutiens financiers que
l'État peut apporter dans le cadre de transfert de technologies, de la
définition d'une politique semencières et des ressources
génétiques , de la valorisation du patrimoine
génétique et de la création d'unités agricoles
d'intrants Agricole notamment pour les semences sélectionnées.
Le calendrier de mise en oeuvre de la LOA pour
l'année 2008 validé par le CSA et le CEN
annonçait l'élaboration d'une politique semencière et
bio-sécuritaire. Effectivement le matin de mon 1er entretien
avec le SP, un document sur la politique semencière était
l'ordre du jour d'une réunion interministérielle «c'est
sur
leur bureau.>. J'insiste pour avoir plus d'informations
mais il reste très évasif voire embarrassé (( Il y a eu un
comité de pilotage. On va mettre en place un comité scientifique.
Par rapport aux OGM, il vaut mieux faire des textes que rien '>.
Le texte a été validé par le Conseil des
ministres, imprimé, des décrets devraient suivre. Ce document est
décliné en 12 axes stratégiques, avec un calendrier de
travail qui s'étale de 2009 à 2013. Le président de la
CNOP « n'était pas au courant~ de la finalisation du document
« politique semencière au Mali ~. Elle est citée comme
l'AOPP, l'APCAM en tant que « partenaires impliqués ~ dans le plan
d'actions du document dans certains axes. L'AOPP est même
mentionnée pour « élaborer les textes législatifs,
réglementaires relatifs à l'introduction et a l'utilisation des
OGM, leur traçabilité et étiquetage ». Une
façon de récupérer les OP ? Qui ira ? Avec quelle posture
? Un sujet brulant à traiter au plus vite au sein des OP et l'APCAM
confrontées a de nouveaux élus pro-OGM, nous y reviendrons plus
loin.
« En catimini » un Groupe consultatif sur les
biotechnologies a été constitué64 et a
déposé le 28 février 2008 un projet de loi intitulé
« Sécurité en biotechnologie », en dehors du processus
prévu dans la LOA. Les paysans s'insurgent :
(( Comment a-t-il pu être voté et adopté
avec des députés qui n'ont aucune idées des enjeux
réels.>
(( ATT au départ était contre les OGM. Il a eu
des pressions de Syngenta [qui est impliqué dans beaucoup de
laboratoires de recherche au Mali] et de la fondation USAID [qui arrivait avec
des M de dollars].'>
L'avis du juriste du SP abonde :
(( Sur les OGM c'est une catastrophe ce qui a
été voté. L'AN a suivi les ordres du pouvoir. Pour la
politique semencière il y a des gros enjeux, on aurait du mieux
s'inspirer du document de la CNOP sur les semences. '>
A la lecture du projet, les multinationales d'OGM ont
effectivement la porte grande ouverte. La CNOP et la Coalition pour la
Protection du Patrimoine Génétique Africain-Mali ont fait des
propositions d'amendements. Seront-elles étaient prise en compte? En
tout cas, toutes les personnes mobilisées contre les OGM sont en train
d'organiser une grande marche de Niono a Bamako pour continuer à mettre
la pression sur le projet de loi avant qu'il ne devienne une vraie loi !
Hormis le volet de politique foncière qui semble
engagé dans une nouvelle dynamique, tout au long de l'année 2009
le processus s'est effrité et déraille. C'est ce que nous avons
tenté de démontrer a travers les décrets, lois et
politiques en cours. Tous les acteurs sont d'accord pour dire « qu'il y a
des problèmes, qu'il faut les résoudre qu'il faut reparler du
rôle et de la place de chacun » dit un membre de la CNOP « Il y
a confusion des rôles. Le SP prend la place de l'exécutif et les
OP ne sont pas consultées, chaque ministère s'approprie un partie
de la loi dans son domaine et ne respecte plus le processus »
renchérit un autre.
Ainsi même si les instances de gouvernance
prévues par la loi sont péniblement mises en route, c'est leur
rôle, leur fonction, leurs compétences qui ne correspondent plus a
l'esprit de l'élaboration de la loi. Dans le POS 2008-2012 de la CNOP,
ce souci était pris en compte « les OP et la CNOP
considèrent donc cette étape d'élaboration des mesures
réglementaires comme cruciale dans la mesure oü elle doit permettre
de rendre les dispositions de la LOA opérationnelles ...c'est pourquoi
la CNOP doit être suffisamment outillée »
Nous sommes passés d'une gestion concertée a un
système imposé et individualisé. Nous assistons aussi a
une prise de pouvoir par l'administration, sans vision commune cohérente
délaissant les OP, en position de faiblesse dans le processus. Un membre
de la CIFA constate :
« Il n'y a plus de personnes ressources, la
présidence a baissé les bras, il n'y a plus de pression, la
présidence ne suit plus le dossier, les départements se
l'approprient selon leur intérêt. '>.
De plus les OP n'étaient pas prêtes.
64 Je n'ai pas pu avoir plus de détail pour
répondre aux questions comme comment ? Avec qui ?
((On croyait le travail finalisé [après le
vote de la LOA]. Ça était notre première erreur : une loi
ne vaut que par ses décrets d'application ! On ne connaissait pas le
mécanisme des décrets, c'était une lacune de la CNOP. On
l'a appris a nos dépens. »
A ce stade là il devient nécessaire d'approfondir
plus en détail les relations qui existent entre tous les protagonistes
et les stratégies de chacun, avant de se pencher sur le contenu et les
perspectives
E. La CNOP en voie de déstabilisation
(( Quand l'AOPP s'enrhume, la CNOP tousse »
Plusieurs facteurs ont amené a l'éclatement dans
la gestion concertée de la mise en oeuvre de la LOA liés a des
modifications de stratégies entre les acteurs. Le processus a surement
été d'abord altéré par les élections
présidentielles qui se sont déroulées en juin 2007,
entrainant des remaniements ministériels, des mutations de
fonctionnaires, des réorganisations internes même si c'est le
même président qui a été élu. Ces changements
ont aussi interféré dans le processus de mise en oeuvre de la LOA
a l'intérieur de chaque structure et dans son déroulement. La
cassure est nette. Au temps de l'élaboration pendant le premier mandat
d'ATT, il y avait une volonté forte, des responsables convaincus et
unis. Au temps de la mise en oeuvre, 2ème mandat, on se
retrouve avec une dispersion des responsabilités, une volonté
affaiblie et de nouveaux acteurs perturbants au sein des OP.
9.4 L'AOPP PORTE D'ENTREE POUR DIVISER AU SEIN DE LA CNOP
ET PRIVILEGIER L'APCAM
La CNOP, jeune structure, est née pour porter la parole
:
« Des Représentants du Monde Rural et des OP tout
le pays et de tous les secteurs Agricoles avec une vision commune construite
ensemble *...+ Nous donnons mandat a la CNOP de nous représenter dans
toutes les instances de concertation relatives a la loi et a ses textes
d'applications et nous lui confions la responsabilité de coordonner
toutes les initiatives paysannes d'application, de suivi, de surveillance et
d'évaluation de la LOA65. »
Plébiscitée pour mener les concertations lors de
l'élaboration de la LOA, elle a assis sa crédibilité en
surmontant de nombreux obstacles. Ce qui a été
dépassé « presqu'en force, par volonté politique
~à ce moment là, ressurgit en cette période de flottement
et de changement au sein de l'appareil étatique. Cette situation avait
été anticipée et gérée par l'équipe
de la CIFA qui avait tenue ferme devant les velléités de certains
fonctionnaires de bâillonner la voix paysanne portée par la CNOP.
Aujourd'hui ce déficit d'autorité se ressent et les
frustrés du temps de l'élaboration reviennent sur le devant de la
scène.
65 Mémorandum paysan sur la LOA du Mali
9.4.1 Les chambres d'agriculture un tremplin pour
d'autres élus paysans
Les Chambres d'Agricultures, surtout au niveau de l'APCAM,
sont clairement des structures paraétatiques. Les élu-e-s du
collège exploitant n'étaient peu ou pas issus des réseaux
d'organisations syndicales. En 2006, aux dernières élections
individuellement membres de l'AOPP et de la CNOP commencent a s'investir dans
les Chambres d'Agriculture Régionales (CAR) « Dans les Chambres il
y a trois vice-présidents CNOP, 1 depuis 5 ans, 2 depuis 2 ans. La
chambre de Koulikoro est même aux mains de la CNOP. »
Être dans cette structure au niveau régional,
peut permettre d'avoir des moyens pour agir, étant un acteur
obligatoirement consulté car elle est automatiquement membre de toutes
les instances concernant le monde rural. Elle est souvent maître
d'ouvrages de nouveaux projets, programmes, avec un accès a de gros
financements pour la formation, l'information et la communication,
l'organisation et la structuration des filières et OP,
l'approvisionnement en intrants agricoles, zootechnique et
vétérinaires et l'appui a la commercialisation des produits. Les
CAR sont indépendantes dans leur gestion et très liées au
développement local.
Au niveau national, a l'APCAM les enjeux sont
différents et plus politisés. La déclaration du
représentant de la FAO éclaire les enjeux « ce sont les
consultants de la BM qui mènent, lui *le président de l'APCAM+ il
n'est rien». La SNV précise « La CNOP dérange car elle
ne se fait pas acheter... et est très engagée contre les OGM,
l'APE... On lui reproche que se soit des intellectuels qui mènent donc
moins malléables que des paysans de base ». Un membre de la CNOP
explique :
« L'entrisme aurait été mené a
partir des CAR, via des représentants de l'AOPP. L'APCAM est
constituée de 32 membres tous élus au scrutin secret et
répartis comme suit : 9 Présidents des CAR (1 président et
8 viceprésidents), 2 membres par CAR soit 18 membres ; 5 membres des
OPA66 laissant très peu de place aux OP *... +De toute
façon nous sommes représentés que dans un collège
avec 5 membres. A la base les textes sont mauvais, on peut être
élu en tant qu'individu et pas organisation. Et dans le collège
OP il y a eu une manoeuvre pour évincer la CNOP. L'État a reconnu
6 associations de pêcheurs et la Fédération Nationale des
Pêcheurs avec a sa tête Souleymane Keita qui ont pris le pouvoir,
ainsi l'État était sur qu'il n'y aurait pas de débats a
l'APCAM. Il voulait casser la faîtière CNOP~.
Un fonctionnaire affirme que :
« L'État a soutenu des membres d'OP pour
qu'elles se présentent ». La CNOP réplique «
L'État n'a jamais poussé la CNOP a aller aux chambres, mais le
Ministre de l'Agriculture a donné de l'argent a des élus APCAM
pour que la structure reste inerte, maitrisée par TOGOLA. D'ailleurs a
l'ancien président on lui avait conseillé de ne pas se
représenter et de laisser la place ", tandis qu'un autre assène
« pour cela elle *l'APCAM+ a débloqué des moyens financiers
pour soudoyer des jeunes éléments de l'AOPP ».
Tout cela été facilité par le fait que
dans cette grande « famille Agricole » les visions, qui avaient
été « maitrisées~ pendant l'élaboration de la
LOA, ressurgissent ouvertement - par rapport au statut, aux OGM, aux
interprofessions -. La CNOP défend l'EAF et sa diversité sur tout
les territoires ce qui ne satisfait pas les producteurs
spécialisés, entrés en force a l'APCAM,
représentants des filières tournées vers l'exportation aux
revenus plus élevés, toujours soutenus par les stratégies
d'État basées sur « l'économie de traite ».
9.4.2 La filière coton, outil de l'État
et des pro-OGM
« Le coton est la base des problèmes de l'agriculture
au Mali »
66 Le collège OPA sont les coopératives, mutuelles,
caisse d'épargne et de crédit et OP qui doivent élire 5
représentants pour l'ensemble.
Un Secrétaire d'État directement rattaché
a la Primature est en charge du dossier coton qui est le2 ème
poste de rentrer de devises, donc sous haute surveillance étatique.
D'autant plus que la CMDT sera définitivement privatisée en 2010.
D'oü l'importance d'avoir des alliés dans le monde paysan et
l'APCAM est un lieu stratégique « C'est un appendice de
l'État...elles *les chambres d'agricultures et APCAM+ se disent
représentantes des paysans depuis 1990 et valident les décisions
ministérielles dans des logiques clientélistes » (NARDONNE
2006)
La nomination du nouveau président de l'APCAM ne serait
alors pas due au hasard. Plusieurs dires dressent pourtant un portrait peu
flatteur pour le personnage et son rôle.
« Le président, Boukary TOGOLA a appuyé
ATT aux dernières élections qui l'a nommé président
de l'APCAM ... en conflit avec l'AOPP et la CNOP » (NARDONE 2006)
Confirmé par un membre de la CNOP « Il a
même appelé à voter ATT publiquement à la
télévision. Sur le terrain personne ne le soutient, il est connu
pour ce qu'il est, même dans son village il ne peut pas parler
».
« [Il] est embourbé dans des structures. Il
est président du SYCOV, du groupement coton, de l'APCAM, de la Chambre
d'Agriculture de Sikasso, de l'Union des coopératives coton, de
l'interprofession coton » égrène un représentant de
la CNOP. Outre ses prises de positions il est soupçonné et voire
accusé de malversations.
Selon le représentant de la FAO « lui est venu
avec son argent, je ne sais pas d'oU il vient, mais il est riche de toute
façon ».
Des paysans détaillent « ATT a un rapport sur
[ses] escroqueries, qui peut le mener directement en prison. Alors il ne bouge
pas et est aux ordres, l'État a besoin d'un leader peu encombrant et se
sert de lui ». Un autre explique «Le lobby coton a travers l'AOPP a
investit l'APCAM, ce sont des gens incultes et spéculateurs. Le
président de l'APCAM en fait parti, il est aussi fournisseur d'engrais,
signe avec les commerçants et se fait livrer des remorques
entières d'engrais dans ses champs, ce qui est équivalent
à des pots de vin et on lui prête aussi des machines a l'oeil !
». Un autre renchérit « Il y a collusion entre des agents haut
placé du pouvoir et le lobby du coton. Il a a travers l'AOPP investit
l'APCAM ... il est un pion du lobby coton qui est pro-OGM, et le coton c'est le
bras armé du gouvernement. L'ancien président a été
poussé ».
La situation est nouvelle sur la question des OGM. Jusqu'en
2006 la CNOP, l'AOPP, l'APCAM avec des associations de la Société
Civile s'étaient toujours mobilisées contre. Ils ont
manifesté67 leur désapprobation
officiellement pour la 1ère fois contre un projet entre les
services de recherche agronomique et les firmes semencières, a
l'époque Monsanto, et ont été entendus. En octobre 2004,
le gouvernement reporte lors d'un Conseil des ministres l'introduction d'OGM au
Mali. De même ils ont sans cesse continué a exprimer leur
opposition sur le terrain avec de nombreuses communications et sensibilisations
via les radios et diffusion de livret en plusieurs langues. Une marche commune
a même été organisée vers le siège de l'USAID
le 21 août 2006. Lorsqu' en février 2008, un Groupe consultatif
sur les biotechnologies fait voter un pré-projet de loi sur les OGM,
sans tambour ni trompette, seule la CNOP, des OP de l'AOPP et des associations
civiles réagissent a toute vitesse en organisant un sit-in symbolique
devant l'AN. De toute façon ils n'avaient pas le temps de battre le
rappel pour une forte mobilisation.
La rupture est depuis consommée ouvertement entre la
CNOP et l'APCAM depuis la nomination du nouveau Président, et
l'État n'y serait pas pour rien. L'exemple suivant l'illustre de la voix
même du Président de la CNOP :
« A chaque fois qu'on *la CNOP+ se plaint, c'est lui
*TOGOLA+ qui filtre. Par exemple a la réunion régionale de la
CEDEAO, j'ai été mandaté pour faire une déclaration
commune (APCAM/CNOP) très forte contre les OGM, remettant en cause le
ministre. Cette déclaration a fait une explosion dans la salle. A la fin
de la réunion, il
67 Lors de la Conférence sur la maitrise des sciences et
technologies en vue d'accroitre la productivité agricole en Afrique a
Ouagadougou en juin 2003,
était prévu une conférence de presse
avec lui et moi, il*le ministre+ lui *TOGOLA+ a dit d'y aller car il ne
dénoncerait pas , il est manipulable tandis que moi du fait que je suis
classé dans les intellectuels , je garde mon autonomie, je ne suis
attaché à aucun parti. Il y a eu plusieurs fois des situations
comme celle-ci qui ont contribuées à dégrader les
relations entre lui et moi. ».
Cette attitude se retrouve à travers cette
déclaration du Président de la CNOP « Je n'ai pas
été au dernier CSA [l'an dernier]) à cause des OGM car la
déclaration commune que nous [CNOP, APCAM, Société civile,
Femmes et Jeunes] avions préparé sur le sujet n'était plus
soutenu par le président de l'APCAM ». Un juriste confirme
:
(( Sur les OGM c'est une catastrophe ce qui a
été voté. L'assemblée a suivi les ordres du
pouvoir. Pour la politique semencière il y a des gros enjeux, on aurait
du mieux s'inspirer du document de la CNOP sur les semences. »
9.5 D'AUTRES FACTEURS ONT PARTICIPE A L'AFFAIBLISSEMENT DE
LA CNOP
9.5.1 Une année à diffuser la LOA
La première préoccupation pour la CNOP
après le vote de la LOA a été de la vulgariser comme
prévu dans la convention. Une ligne budgétaire spéciale
communication avait été votée. Des manuels traduits en
langues nationales (bambara, fulfulde...) ont été
édités. De nombreuses émissions radio ont abordé le
sujet. « On l'avait déjà fait avec les OGM puis les
accords APE. On savait comment faire. Ça a duré une année.
» Relate un responsable de la CNOP.
Cette énergie nécessaire qui a été
mise dans cette tâche a peut-être en quelque sorte
détournée la CNOP de la phase mise en oeuvre de la LOA,
relâchant la pression qu'elle avait exercée.
9.5.2 Axe Formation, un bureau d'étude naviguant
en eaux troubles
Ce bureau d'étude monté par un couple
franco-canadien au moment de l'élaboration des concertations de la LOA
s'est rajouté aux soucis de la CNOP. Dès le début relate
le Président de la CNOP :
((Ils ont tout fait pour se rapprocher de la CNOP, ce sont
des malins, participant à tous les forums sociaux, venant toujours nous
voir argumentant qu'ils étaient « engagés pour la cause ...
que leur motivation n'était pas monétaire mais plutôt
d'avoir un tremplin pour être connu suite a la participation d'une grand
oeuvre nationale »68 puisqu'ils avaient des
compétences pour les accompagner. « Ils nous ont
présenté un projet financé par USAID et ils avaient
surtout besoin de nous, de l'AOPP pour le cofinancement, mais l'AOPP ne voulait
pas d'eux ils se sont accrochés a moi surtout quand ils ont su qu'on
nous avait délégué la LOA. Le draft du projet avec eux
n'était pas finalisé, mais un jour que je n'étais pas la,
j'étais au Nord, ils ont appelé Souleymane KEITA pour qu'il signe
alors qu'on n'avait pas l'argent et pas le montant définitif qui devait
être inscrit dans le budget de la loi ! D'ailleurs ils ont
commencé a travailler sans contrat, ni argent. C'était une erreur
de signer sans montant sur le contrat. On les a payé quand même
13,5 M de FCFA même deux mois avant la fin du processus.... Et
après ils en voulaient plus parce qu'ils auraient crée un site,
que on ne leur avait pas demandé, c'est là qu'a commencé
le couac ! ».
68 CNOP-INFO N°00/cnopmali @
yahoo.fr
La CNOP a dépensé de l'énergie a
régler ce conflit qui a pris de l'ampleur en début d'année
2006. Obligée d'interpeller tout le monde pour défendre leur
cause, la CNOP écrit partout du gouvernement a l'ambassade canadienne
:
« Luc Barret (Assistant technique sur la LOA) a
convoqué une réunion et leur a dit qu'effectivement le site
n'était pas prévu. Ils (le couple) voulaient une lettre de
reconnaissance de Diarra via le ministère pour reconnaitre tous les
acteurs qui avaient participé à la LOA » et
éventuellement se placer comme futur interlocuteur
privilégié et expérimenté au moment de la mise en
oeuvre. « Toute la CNOP s'est liguée contre eux et les instances
officielles nous ont donnés raison. Elles sont personnes non grata au
Mali ». C'est à cette époque que le site de la CNOP
lance en mars son premier bulletin d'informations CNOP/INFO.
D'autant plus que retournés au Canada depuis plus de
deux ans, ils se permettent sur le site69 -toujours
en ligne -de dénigrer les actions de la CNOP dont le sit-in devant l'AN
contre le pré-projet de loi sur les OGM, ou d'étaler le conflit
en mettant en cause la CNOP. Pour un responsable de la CNOP la situation est
claire « Axe Formation a été payé pour faire de
la propagande sur internet contre la CNOP et particulièrement contre
Ibrahima au moment de cette action contre les OGM pour le
décrédibiliser [à cause de la faible
mobilisation]».
La CNOP, officiellement, n'a pas eu de compte rendu des
concertations qu'elle a menée, ils sont consultables, selon la version
d'Axe Formation, sur le site dont ils font « une utilisation illicite
». Comme il est conclu dans l'article du CNOP/INFO n°00 « Il n y
a pas plus aucun doute aujourd'hui que la volonté du couple était
de nuire à la CNOP, à sa crédibilité et à
celle de ses leaders ». Pourtant leur compétence pendant
l'élaboration n'est pas remise en cause et manque peut-être
aujourd'hui au moment de la mise en oeuvre. Au moins une question reste
à priori en suspend de qui étaient-ils les sous-marins de
l'USAID, autres ?
Ainsi la CNOP affairée par ses nouveaux engagements
dans la LOA, en prise à des conflits internes et externes subit de rudes
épreuves, difficiles à gérer pour cette toute jeune
structure paysanne. Au moins les facteurs présentés prouvent que
la confusion est semée tant au sein des structures que de leurs
positionnements vis-à-vis de l'administration. « Il y a un
problème d'homogénéité a la CNOP...il y a un
changement de vision agricole. » déplore un représentant du
ministère. Pour le secrétaire permanent « 80% des
problèmes viennent de la CNOP." Mais est ce vraiment la CNOP ou les
manoeuvres qui auraient été orchestrées pour la
déstabiliser ?
9.5.3 Des représentants à multiple
casquettes
Dans la désorganisation qui règne le
problème de la représentation des élus et de leur mandat
se pose aussi. Aujourd'hui il y a la difficulté de bien
appréhender les discours, les relations paysans/chambre d'agriculture et
les postures de chacun. Il faudrait le curriculum vitae élargi et
étoffé de chacun pour bien comprendre les dires, les
réactions. De fait les personnes aujourd'hui interviewées peuvent
être a la fois élues CNOP, Président d'une
Fédération et Président d'une Chambre.
En plus de la confusion des rôles, cette situation
concentre aussi les pouvoirs. Les mandatés ne rendent plus compte de
leurs missions auprès de leur différentes organisations, quand
ils interviennent en réunion on ne sait pas sous quelle casquette ils
parlent. Ils ne prennent plus/pas le temps de consulter la base. « Il
y a des problèmes internes à la CNOP, par rapport aux
mandatés dans les comités de pilotage qui y
69 http:/loa-mali.info
vont sans réflexion collective de la CNOP. »
lâche un responsable d'OP. Une coupure ressort entre les élus
CNOP, le noyau qui a participé a l'élaboration et
l'arrivée de nouveaux élus qui comme le constate un
représentant du Ministère de l'Agriculture « ont une
vision différente ~il n'y a plus de continuité».
Pour le Président de la CNOP touché
affectivement, c'est vécu comme « une trahison ~ qu'il ne comprend
pas que cela puisse arriver au sein des paysans. Cet état de fait a
amené des changements « La CNOP a relâché car les gens
qui suivaient les dossiers sont allés a d'autres activités
». Effectivement les anciens responsables, certains
dégoutés, semblent avoir optés pour des implications plus
locales loin des « magouilles ». Le président de la CNOP
lui-même est dans une posture difficile, un responsable CNOP analyse :
« Pris par la LOA et ses mandats internationaux,
Ibrahima n'est plus en contact avec sa base. Pourtant sans Ibrahima il n'y
aurait pas de CNOP mais il a été remis en cause ... C'est l'AOPP
de Kiloukoro dont il fait parti, qui ne l'a pas réélu lors des
élections de l'année dernière...Ainsi il se retrouve
président de la CNOP avec encore un mandat de 2 ans, sans être
officiellement mandaté par son organisation de base. Une situation pas
facile à gérer et laissant un goût amer de trahison!
'>70.
Il n'est pas facile de tirer toute les ficelles de cette
tentative de déstabilisation de la CNOP-d'autant que la structure n'est
pas encore consolidée - et que cette fragilité l'a rend encore
plus vulnérable et que c'est elle qui est en première ligne, pas
les autres OP. Elle est limitée en moyens, ayant comme
conséquence une désorganisation entre autre entre région
et national. La question se pose d'autant plus que l'an prochain de nouvelles
élections CA. Quelles manoeuvres seront en action cette fois-ci ?
9.5.4 Leader une place à haut risque
La personnalisation via un leader est toujours dangereuse mais
fait parti de toute histoire d'un mouvement. Si l'on s'en réfère
a B.LECOMTE (DEVEZE, 2008) :
« Le leader est celui qui, par sa vision et sa
capacité d'explication, obtient que les autres membres disent «
marchons ensemble '>, sous-entendu « avec toi '>. Ces individus
rares ne sont pas choisis au début par un vote de leurs bases. Ce sont
des créateurs de sens, des gens qui pressentent ce que sera demain, des
prophètes courageux; ce n'est pas évident d'être fondateur
d'une association autonome ...au Mali '>
En effet il faut gérer à la fois la lutte
collective et cette ascension personnelle. Il est parfois difficile de
dissocier l'un de l'autre en tant qu'être humain d'abord et aux yeux des
militants et des autres acteurs ensuite. Il est toujours plus facile pour tout
le monde de se ranger derrière un leader. C'est ainsi que le
représentant de la FAO fait remarquer à ce sujet «
Ibrahima a fait l'opportuniste car il a accepté la médaille du
Président, il aurait du la refuser, il aurait du faire décorer
les OP. Tu étais dans la conviction, tu as pris sur toi toutes les
responsabilités c'est donc sur toi que retombe tout le mérite de
la LOA. Ibrahima a passé après son temps à toujours mettre
sa poitrine an avant, face au Président de l'APCAM, à la
télé, Continue ton chemin, ne t'arrOte pas là !
»
Cette situation toujours ambiguë et complexe d'un leader
fortifie à un moment puis fragilise les structures et la personne,
attisant les jalousies. Elle est aussi confortable pour les autres faisant
reposer sur une seule épaule les idées, les présences aux
réunions dans les hautes sphères. Ces lourdes
responsabilités accaparantes, la connaissance des dossiers
accumulées au fur et a mesure, font qu'à un moment il y a un
risque : le leader évolue pratiquement de plus en plus seul et de plus
en plus loin de la base. Du coup s'ouvre une voie pour d'autres
personnalités, motivées par d'autres enjeux, comme le nouveau
président de l'APCAM « il lui [Ibrahima] barre la route ».
70 En mai 2010, il vient d'être élu
vice-président du ROPPA au nom de la CNOP
« Depuis c'est la crise a l'AOPP, l'AOPP n'est plus
unie... la tension animale a baissé la raison prend le pas dans le sens
de la réflexion, ils acceptent de se dire bonjour maintenant et de
participer aux réunions mais personne ne veut faire le premier pas.
»
9.5.5 Des ressources financières et humaines
« limitantes»
C'est dans les points focaux qui ont très peu
fonctionné comme on l'a déjà vu que les salariés
étaient impliqués. Une personne avait été
recrutée en tant que chargé des programmes et de suivi de la mise
en oeuvre de la LOA, mais « on n'a pas eu les moyens financiers pour la
retenir, alors qu'elle était très compétente, elle est
partie à la GTZ » En effet financé sur un programme d'une
ONG sur 4 ans, le contrat prenait fin l'an dernier. N'ayant ni assez de
trésorerie ni de ressources prévues dans un nouveau programme a
temps pour faire la jointure, la personne est partie. La CNOP n'a plus de
salarié-e-s pour assumer cette fonction, et ceux en place ne peuvent pas
tout gérer. Vu les différentes discussions off on peut supposer
que ceci engendra aussi une coupure, avec les élu-e-s qui
s'étaient déchargés de ce volet sur lui. Lorsque le
salarié est parti, un vide s'est installé, voire un
découragement. A ce jour il n'est toujours pas remplacé.
Aujourd'hui a la CNOP il y a un animateur/directeur, une secrétaire, un
comptable en permanence et un planton/gardien « homme à tout faire
»-. Une autre ONG finance un poste d'informaticien pour 2 ans
actuellement.
Le manque de moyens en général et pour
être efficace au moment de la mise en oeuvre de la LOA en particulier est
une plainte récurrente. En effet ayant moins de financement, et surtout
un budget autonome, pour mener des activités liées a la mise en
oeuvre de la LOA, la CNOP se retrouve démunie pour perpétuer la
dynamique. Pire, elle est subordonnée a demander pour budgétiser
chaque action soit au SP soit a l'APCAM qui l'accordent ou pas. Des ateliers
sont organisés par les uns sans les autres. Le juriste du SP a mis les
pieds dans le plat lors de l'atelier de concertation « L'APCAM a fait un
atelier a Sélingué sur la mise en oeuvre de la LOA et la CNOP
demande un renforcement, un financement sur le même sujet ? »
Même si les OP bénéficient de soutien d'ONG comme la SNV,
HELVETAS, SOS-faim... c'est sur des programmes toujours assez longs a mettre en
route, pas toujours faciles à adapter au cours des
évènements qui demandent souvent à être très
réactifs. La restriction budgétaire est mal vécue par les
paysans qui se sentent déconsidérés par rapport à
tout leur investissement antérieur :
(( D nous a trahis mais maintenant il comprend que sans
nous il n'est rien ! On n'est pas considéré, on n'a pas de
financement donc pas de moyens alors qu'on a fait rentrer de l'argent via les
formations, les partenariats »
Cette pénurie financière pénalise aussi la
CNOP dans d'autres lieux :
((la CNOP dans le cadre du CSCRP où elle
était considérée comme (( indispensable ~ n'a pu s'y
impliquer que tardivement par manque de ressources financières, humaines
et techniques pour organiser la réflexion interne puis porter des
propositions. Flle demande de prendre en compte cette donne dans le CSCRP (( en
tant qu'OP entière et ne pas être assimilée dans plus
globalement la société civile. »71
La CNOP est entrain de perdre pied. Des dysfonctionnements
existent : le salarié en charge du dossier est parti et le syndicat est
en proie a des dissensions internes. Elle n'arrive pas ou plus a s'entourer de
personnes qualifiées pour avancer a ce stade là. Même les
ONG avec lesquelles elle travaille régulièrement n'arrivent pas
ou ne leur apportent pas les réflexions, les expériences qu'elle
a besoin. En même temps ce n'est pas vraiment
71 Plan d'Orientation Stratégique 2008-2012 de la CNOP
leur rôle « La SNV nous aide sur la logistique, le
renforcement organisationnel, la formation des cadres paysans. Elle crée
la condition de la réflexion.»
Les questions financières et de ressources humaines
sont importantes pour la CNOP. Elle n'a plus les moyens de se ressourcer en
organisant des débats avec la base et de porter leur parole. A quand une
ligne budgétaire permanente pour les syndicats paysans, elle existe pour
les syndicats de salariés ?
Ainsi la dynamique qui avait présidé lors de
l'élaboration se voit arrêter net dans son élan, ne
permettant ni de dialogue entre institutions et paysans d'une part, et ni de
débats entre paysans sur tout le territoire d'autre part tandis que le
fossé ne se comble pas entre l'APCAM et la CNOP. Entre la reprise en
main par l'administration de la LOA et les dissensions au sein des
organisations paysannes, le flou le plus complet règne pour essayer de
suivre la mise en oeuvre de la LOA. « De toute façon 2009 fut une
année des plus difficiles » dira lui-même le président
de la CNOP.
Même s'il est difficile d'aller plus loin dans l'analyse
car encore trop dans le présent, il était important de prendre en
compte ces éléments. Pour pousser la réflexion plus loin,
la construction d'un seul mouvement paysan derrière une seule structure
est-elle le reflet de la diversité des acteurs de l'agriculture
malienne. Si l'AOPP a été construite sur ce schéma, nous
en avons vu les limites. Est-ce que la volonté forte de la
société malienne d'être toujours dans le consensuel
n'entraine pas à cet état de fait ? Si cela a réussi au
moment de l'élaboration avec une volonté forte commune des
acteurs principaux, au moment de la mise en oeuvre des fissures apparaissent.
Cela augurerait-il d'une scission et de la structuration de plusieurs syndicats
avec des visions, des valeurs différentes comme dans de nombreux pays ?
A suivre !
F. Discussions et pistes ?
« Il faut redynamiser le cadre, il faut que les acteurs
s'y mettent. En ce moment c'est difficile, il n'y a pas de cohérence, de
visibilité car il y a un éclatement des budgets, des
compétences »
La situation a l'automne 2009 est plus que brouillée a
tous les niveaux. Consciente des dérives, la CNOP invite les
différents acteurs impliqués à se retrouver à la
Bibliothèque Nationale de Bamako, pour un atelier d'échanges sur
la stratégie de mise en oeuvre concertée de la LOA le 9 et 10
novembre 2009 auquel j'ai participé. Il est financé sur le budget
du SP dont le compte rendu doit être fait et payé à la
CNOP.
30 personnes sont présentes dont des élu-e-s de
la CNOP, de l'AOPP, de l'APCAM et des agents des Ministères de
l'Agriculture, de l'Élevage et de la Pêche, de l'Environnement et
l'Assainissement. Le SP est représenté par le conseiller
juridique. La voix officielle est tenue par M. CISSE juriste du
Ministère de l'Agriculture. Il est impliqué dans la LOA depuis le
début, connait bien tous les acteurs et est apprécié par
les paysans « Le gouvernement via CISSE a répondu favorablement
dans l'atelier CNOP pour redonner la main a la CNOP. CISSE est fonctionnaire,
donc il répond a des ordres mais il est aussi fils de paysan. »
Argumente un responsable CNOP.
10 « NOUS AVONS LE FEU, VOUS AVEZ LA VIANDE
FRAICHE, VENEZ CHERCHER LE FEU »
Au risque de redites, il est important d'essayer de faire
ressentir l'ambiance qui régnait. En effet les paroles dites dans cet
atelier sont importantes car elles font un point sur les situations de chacun,
comment chacun les ressent et des marges de manoeuvre existantes pour repartir
dans un éventuel nouveau processus pour la mise en oeuvre.
Après le mot d'accueil de la CNOP, la parole est
aussitôt donnée au représentant du Ministère de
l'Agriculture qui plante le décor :
(( Depuis 2006 on aurait pu déjà se
retrouver pour bâtir un partenariat pour la mise en oeuvre de la LOA. En
2006 il y avait un vrai élan de la CNOP. La CNOP aurait du prendre soin
de matérialiser cet envol, peut-être il n'y a pas eu l'appui
nécessaire, il n'y a pas de contact, de convention comme en 2004. Il
n'est pas trop tard, les acteurs n'ont pas changé. Qu'est-ce qu'on peut
apporter comme compétence pour accompagner la mise en oeuvre de la LOA ?
J'espère qu'au bout de ces 2 jours vous fournirez un document qui
permettra de relancer les processus de la mise en oeuvre de la LOA.~
Il insiste en recadrant la place de chacun, car la tension entre
l'APCAM et la CNOP est vive, en rappelant :
«ATT a tenu ses promesses en mettant en avant la CNOP
lors de l'élaboration. Il y avait aussi l'APCAM mais en tant
qu'établissement public leur analyse, vision, aurait pu biaiser le
processus, c'est pourquoi c'est la CNOP. La CNOP a une bonne expérience
et un bon réseau. L'État s'est appuyé sur les propositions
paysannes pour faire la LOA. En marge du processus paysan, il y a eu des
consultations auprès des offices, structures, des agents du
ministère. Des choix ont été difficiles car il y avait des
choix à prendre, et le Président a tranché. »
Il met en avant les difficultés rencontrées
actuellement :
(( On a péché sur 2 dimensions : textes et
pratique. Une chose est de faire les textes, autre chose des décrets.
Daouda Diarra fait ce qu'il peut, anime sur le terrain, le Président
devrait agir pour entendre la bouche du milieu rural. '>
Il pointe du doigt aussi les faiblesses de la CNOP. Elle semble
déphasée aux yeux du ministère :
(( La CNOP au lieu d'envoyer un document de
stratégie *pour cet atelier et qui date de juin 2008++ vous auriez du
faire des contre propositions, apporter des convictions. Que la CNOP fasse des
propositions. Les propositions doivent se suivre dans la continuité, il
y a eu une feuille de route, il faut assumer les cadres, il faut des
conventions, mais si vous ne proposez pas, pas de convention. La convention de
2004 s'engageait sur l'élaboration et malheureusement pas sur la mise en
oeuvre de la LOA. Composez avec 2004 une convention 2009 car il faut un cadre
juridique ! '>.
En janvier 2010, la CNOP assure avoir envoyé une
proposition de convention au Ministère de l'Agriculture et n'a eu aucun
retour. En posant la question a CISSE il me répond qu'il n'a rien
reçu, (( qu'en tout cas ce n'est pas arrivé sur son bureau
»! Encore une défaillance dans le système ou une
volonté de certains fonctionnaires de brouiller les relations ? Un
paysan interpelle :
((Comment faire pour dépasser les problèmes et
remettre de la stratégie ensemble et c'est l'objectif visé de
l'atelier: la CNOP doit retrouver son rôle dans la mise en oeuvre de la
LOA... Aujourd'hui il faut remettre en place une dynamique, car il y a des
textes légaux qui sont venus sans que la CNOP soit avertie ». Un
élu CA, adhérent de la CNOP, va dans ce sens aussi (( Il faut
saisir cette opportunité, la balle est dans notre camp, saisissons cet
accompagnement, et remercions le ministère. Il y a des
piétinements mais nos intérêts sont communs. Nous devons
oeuvrer ensemble a sa mise en oeuvre, a partir de nos préoccupations
propres. »
Puis les OP expriment leur désarroi face au processus en
cours :
(( Chaque projet de décret et de loi devrait
être analysé par la CNOP. Il y a une coupure du dialogue. Chaque
décret doit être présenté et l'avis doit être
collecté : il nous faut du temps. Tous les acteurs doivent être
intéressés par la mise en oeuvre des textes. La CNOP veut
récupérer le leadership. La CNOP a la capacité d'organiser
des ateliers pour récolter les préoccupations de la base. La mise
en oeuvre doit être testée ...la loi devrait être
adaptée à chaque région en fonction du mode de production
locale.'>
Elles insistent sur le fait qu'elles n'ont plus les moyens de
consulter leur base :
(( Le processus doit être dynamique et la CNOP doit
permettre que les potentiels s'expriment pleinement. La CNOP doit encadrer le
processus. Elle doit avoir les moyens de la concertation et être
appuyée par la base de tout bord. Les compétences paysannes sont
la base de la transmission. Il faut de la stabilité pour le portage de
dossier par les élus. '>
Tout au long de cet atelier il y a eu des mises au point entre
CNOP et ministères, mais aussi entre CNOP et APCAM. Les noeuds de
tensions sont fortement ressortis. Malgré tout il existe chez la plupart
des acteurs présents la volonté d'avancer sur la mise en oeuvre
de la LOA. La convergence vat-elle se réenclencher ? Qui va vouloir et
pouvoir reprendre les choses en main ? Est-ce que le dernier CEN va remplir ce
rôle ?
10.1 QU'ATTENDRE DU DERNIER COMITE EXECUTIF NATIONAL
(CEN)?
L'article 197 stipule que « L'évaluation de la
politique de développement agricole se fait tous les deux ans par les
structures compétentes », devrait enfin être appliquée
au CSA de mars 2010, avec 2 ans de retard !
Le CEN du 21 mars 2008 recommandait par la voix du Premier
Ministre de : Désigner les points focaux pour impliquer les
compétences nationales Intégrer dans les activités
2008/2009 la loi sur le statut des exploitants Réduire les coûts
du plan d'opérationb2008/2009
Rédiger la note de présentation du plan
d'opérations
Sur les points spécifiquement opérationnels, comme
nous l'avons vu les points focaux ne fonctionnent pratiquement pas à ce
jour, la loi sur le statut piétine et le budget a été revu
à la baisse.
Le CEN du 13 novembre 2009 qui a duré 1 heure, semble
faire transparaitre le malaise et les lenteurs qui entourent la mise en oeuvre
de la LOA. Chacun par ses déclarations reflète cette situation
:
Le SP :
(( Organiser des débats thématiques au
niveau des services techniques du secteur agricole, que dans le Programme de
Travail Gouvernemental des départements techniques, soit pris en compte
les activités et recommandations du CSA et redynamiser les CER
».
A noter que les suggestions du SP sont les mêmes que
celles du dernier CSA, révélant l'immobilisme entre les 2
sessions. S'il y a eu des débats au niveau des services techniques ils
ne se sont pas révélés efficaces lors des ateliers comme
nous l'avons vu. La LOA n'est toujours pas intégrée dans les
taches gouvernementales, et révèlent les difficultés de
cohérence entre les départements ministériels. L es CER ne
sont toujours pas opérationnels
La Commissaire à la sécurité alimentaire
:
(( Établir une meilleure visibilité dans la
mise en oeuvre de la LOA et propose que les projets de textes avant leur
adoption par le Gouvernement fassent l'objet de concertation et de partage par
tous les acteurs concernés
(( Prendre en compte les dernières recommandations
faites au dernier CSA ».
Les remarques de l'ancienne responsable du CIFA prennent
un certain relief lorsqu'elle déplore l'absence de dialogue et de la non
sollicitation de tous les acteurs a l'inverse de ce qui existait et qu'elle
souligne le non respect des recommandations ».
Le Président de la CNOP a fait part :
« De la nécessité de s'assurer que les textes
élaborés soient opérationnels
Du besoin de procéder à des expériences
pilotes par rapport a l'enregistrement et l'immatriculation, les commissions
foncières
que la LOA manque de leadership «
Il parle même de la « crainte des producteurs ~
face a une LOA qui n'est plus prise en main et qui s'éloigne de leurs
préoccupations. L'expérimentation est une demande forte des OP
dont les Chambres d'agriculture ont la responsabilité et/ou les services
décentralisés.
Le président de l'APCAM
Annonce le début de l'expérimentation de la
procédure d'enregistrement et d'immatriculation dans 5 communes rurales,
qui aurait déjà du être mise en place comme prévu
sur le décret daté du 31 décembre 2008. En
réalité les premières réunions sur le sujet
n'auront lieu qu'après le CEN.
De même pour les commissions foncières dont le
manque d'application avait été plusieurs fois relevé,
alors que le décret était sorti depuis le 19 janvier 2009, et
qu'il pouvait répondre pour parti aux conflits. Le SP confirme le 7
janvier « Pour les commissions foncières je reviens du terrain, on
met ça en place sur cinq communes à Kadiolo cercle de Sikasso
».
Le mécontentement général et
l'arrivée du prochain CSA forcent l'APACAM a réagir Le Directeur
de la Primature
«Exprime son inquiétude quant à la
réalisation effective des activités programmées avant le
prochain CSA, car à ce jour il y a un faible taux de réalisations
des activités exécutées au cours de l'année
Demande aux membres du CEN de faire des propositions par
rapport a l'opérationnalisation des textes déjà
adoptés mais aussi pour la réalisation des activités
programmées avant la fin de l'année 2009.»
Même la voix gouvernementale dénonce l'inertie de la
LOA Le premier ministre tance à priori le CEN :
« En rappelant par 2 fois, en début et fin de
séance, aux départements ministériels la
nécessité et l'urgence de prendre les mesures appropriées
en vue de suivre l'opérationnalisation des dispositions de la LOA et de
ses textes d'applications
En demandant de faire pour les prochaines cessions l'état
des textes adoptés et des
décrets72 et la
nécessité d'une présentation de l'état de tous les
secteurs Agricoles
En faisant par de son inquiétude de la non adoption des
textes relatifs au FNDA. Lors de mes entretiens l'explication qu'on me donnera
c'est que le ministre de l'Économie et des Finances est réticent
a ce fond, mais maintenant il allait devoir s'exécuter après ce
« coup de gueule ». Effectivement quelques jours plus tard
était annoncé la création d'un compte d'affectation
spéciale, confirmé lors de l'entretien du 7 janvier 2010 avec le
secrétaire permanent. « Ca y est le FNDA va avoir 10 milliards,
c'est pratiquement fait, ça sera opérationnel dès la
première campagne »
En réclamant au SP de préparer un rapport
analytique de l'état de mise en oeuvre de la LOA et ses textes
`applications pour la prochaine session (CSA de mars 2010) et d'inscrire a
l'ordre du jour du CSA « les préoccupations des acteurs du secteur
Agricole, des exploitants agricoles....pour orienter les interventions futures
du Gouvernement
En procédant a une priorisation des textes d'application
en fonction de leur nature, leur impact et leur intérêt ».
Mais comme le souligne un membre du Ministère de
l'Agriculture :
« En tout cas à la dernière session le
premier ministre s'est comporté plus comme un porteur de la LOA que
comme Premier Ministre. Il soulignait le manque d'expérience sur le
terrain par rapport aux textes sortis et il a exhorté les
départements a s'activer et la volonté du pouvoir a aller vers la
mise en oeuvre. 2010 doit être l'année de la mise en oeuvre
pratique ! »
72 C'est un document récapitulatif, que j'ai eu juste
avant de partir vers le 10 janvier 2010
Si 2010 doit être enfin, l'année de mise en
pratique de la LOA, des décisions doivent être prises a plusieurs
niveaux. Mais qui peut les prendre, quelle volonté ou soutien politique
existent actuellement alors que toutes les structures soit étatiques ou
paysannes sont divisées? C'est l'objet du prochain paragraphe.
10.2 REMETTRE LA CONCERTATION AU COEUR DU PROCESSUS
Comme nous l'avons vu la concertation
déléguée aux OP lors de l'élaboration a
été une des clefs de réussite de cette phase, actée
par le vote de la LOA « applaudie par tout le monde ~. L'autre facteur
essentiel a été la volonté forte et cohérente de
l'État « dans une approche volontariste du Président de la
République de porter une LOA pour sortir l'Agriculture de la situation
dans laquelle elle est plongée afin qu'elle devienne réellement
le moteur de l'économie nationale ... et qui oblige l'ensemble des
acteurs » 73. De son côté la CNOP
rappelle dans son POS « La LOA fait obligation a l'État d'engager
des concertations avec les OP. »
10.2.1 La concertation un facteur clef de
réussite
Pour mémoire une des revendications fortes des OP au
moment de la mise en oeuvre est d'avoir les moyens de mener des concertations
pour être efficace tant avec les paysans qu'avec l'administration.
Considérant que sans cette phase, ils ne sont pas suffisamment «
armés ~ d'un message collectif et argumenté, surtout pour
participer à des textes officiels.
Mais qu'entend-on par processus de concertation ? A quel stade
en est le processus de concertation ? Si il existe encore quelles perspectives
lui donner, avec quelles conditions favorables ? Nous allons tenter dans un
tableau, la comparaison du processus de concertation entre la phase
d'élaboration et celle de mise en oeuvre de la LOA à partir des
conditions de réussite des travaux de
BEURET74. A Noter que ses travaux se sont
déroulés a l'échelle locale alors que nous sommes ici au
niveau national. Mais d'abord cheminons dans quelques définitions.
10.2.2 Définitions
La concertation est l'un des termes qui semble le plus flou
dans les écrits des chercheurs comme dans les textes et les propositions
des décideurs publics (BEURET, 2006). D'oü une des premières
questions pertinentes que la CIFA s'était posée en cherchant
quelle gouvernance mettre en place pour mener la concertation en laissant la
parole aux OP et ensuite comment la pérenniser via des instances.
« La concertation par rapport a la consultation ou a la
négociation, c'est la construction collective d'objets qui vont devenir
communs aux participants et sur la base desquels pourront émerger des
initiatives, des décisions, des règles, a l'issue ou en aval de
la concertation proprement dite. La concertation peut n'induire ni
décision ni action collective, mais elle crée des
références communes qui rendent possibles l'action et la
décision collective. La concertation est un processus de construction
collective de questions, de visions, d'objectifs et de projets communs relatifs
à un objet. (BEURET, 2006)»
73 Document d'Élaboration et d'introduction aux
débats de la LOA
74 Article published by EDP Sciences and available at
http://www.edpsciences.org/nss
or
http://dx.doi.org/10.1051/nss:2006005
J.-E. BEURET et al. : Natures Sciences Sociétés (2006)
Concertation :
Lamoureux, Galléty et
Rousset75 l'associent a une forme renouvelée
de consultation, oü le gouvernement conserve toute l'autorité
décisionnelle ou tout au moins la concertation serait une
négociation amputée de tout pouvoir décisionnel. Selon
Mermet76 la concertation est moins avancée
qu'une négociation, car elle ne cherche pas forcément une prise
de décision d'un commun accord, le pouvoir de décision restant a
l'initiative du maître d'ouvrage ou de l'administration.
Consultation :
La consultation n'offre aucune garantie quant a l'ouverture
d'un dialogue entre les acteurs et celui qui consulte s'emploie parfois a
éviter un débat qui donnerait un pouvoir aux acteurs locaux en
leur permettant de se construire une vision commune : ceci constitue une
différence majeure avec la concertation.
Négociation :
Pour BEURET la concertation va plus loin que la
négociation sur d'autres plans, car, alors que la négociation
vise a décider sans obligatoirement comprendre l'autre, la concertation
vise a construire des objets communs essentiels pour l'avenir. Elle laisse par
ailleurs les acteurs libres de construire ensemble la question posée.
Gestion concertée :
La gestion concertée fait appel à la concertation
pour dépasser les divergences de perceptions, d'intérêts et
de positions en vue de construire une gestion cohérente et
coordonnée d'un bien soumis a différents usages.
10.2.3 Tableau comparatif sur la concertation entre
l'élaboration et la mise en oeuvre de la LOA
Tableau 5 : comparatif sur la concertation entre
l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi
Critères de concertation réussis
d'après BEURET
|
Traduction dans le processus
d'élaboration
|
Traduction dans la mise en
oeuvre
|
Construire des objets de
concertations qui correspondent à une
préoccupation commune essentielle pour l'avenir. Cet objet donne lieu
à des controverses.
|
Répondre aux enjeux de l'agriculture, moteur de
l'économie en reconnaissant le rôle des paysans et des paysannes a
travers l'agriculture familiale controverse récurrente au pays.
|
La vision globale qui devrait être assurée par le
SP est dissoute dans chaque département
ministériel sous la plume des
juristes et dans l'esprit de défendre son «
pré-carré »
|
La concertation crée des
références communes qui rendent possibles
l'action et la décision collective.
|
La concertation a crée des
références communes à travers le texte de la
LOA voté a l'unanimité par les
députés et « applaudi par tout le
monde ».
|
Il n'y a plus de concertations,
Résultats des textes
d'application insatisfaisants sans références
communes.
|
La réponse commune s'élargira au
|
Partie d'ATT/CIFA/CNOP elle s'est
|
Le réseau se rétrécit et se
|
75 BEURET, 2006
76 BEURET, 2006
fur et à mesure du processus, condition sine qua non de
l'élargissement du réseau ...qui est un ensemble d'entités
humaines, individuelles ou collectives, défini par leur rôle, leur
identité.
Le réseau relie toutes les entités qui
participent au problème et à la recherche de solutions permettant
de passer de l'acceptable au souhaitable.
La dynamique engagée et, au-delà du dialogue. La
mise en place de porte-parole, de supports d'information mutuelle, de
règles de dialogue... permet de consolider le réseau qui porte la
concertation et les accords qui pourront en résulter.
La concertation doit être vue comme un processus de
construction collective d'une innovation sociale,
portée par un réseau dont la consolidation et
l'élargissement déterminent le succès
L'intérêt de la concertation par rapport à
la consultation ou à la négociation, c'est la construction
collective d'objets qui vont devenir communs aux participants et sur la base
desquels pourront émerger des initiatives, des décisions, des
règles, a l'issue ou en aval de la concertation proprement dite. C'est
un processus de construction collective de questions, de visions, d'objectifs
et de projets communs relatifs a un objet...
élargie a tout l'appareil étatique des ministres
aux services en passant par l'APCAM, a touché plus de 4000 paysans et
paysannes et a eu recours à des personnes qualifiées.
Les nombreux débats internes et externes dans toutes
les catégories socioprofessionnelles du secteur attestent de cette
volonté de passer de l'acceptable au souhaitable.
|
Elle a mis en avant des personnalités du CIFA et des
responsables d'OP. Une stratégie de communication a été
mise en place : documentaire,
réunions jusqu'à l'échelon local,
émissions radio, télé, diffusion de documents en langues
nationales, internet
|
De l'élaboration au vote la LOA est une innovation
sociale. Le réseau a été élargi et
consolidé, voir sous contrôle, amenant au succès.
|
C'est dans cet esprit que la démarche a
été mise en oeuvre. Même s'il y a des phases de
consultation (CIFA/CNOP la première année lors des premiers pas
au sein de l'État), vis-à vis de l'APCAM/chambre d'agriculture
pour aboutir a une négociation au moment de l'écriture des
articles de la loi et du vote a l'AN, il y a bien eu concertation. On est
passé d'une ossature de loi étatique a une écriture des
textes par les paysans, il y a bien eu une construction collective
étalée sur trois ans. Seules les chambres d'agriculture
compartimente en fonctions des identités et de leur
rôle entrant dans une phase de consultation pour arriver à un ((
accord qui se noue via une réduction drastique de ce réseau
».
Il n'y a plus de réseau, de relais entre les
identités, plus de débats : les points focaux et les CER ne
fonctionnent pas, les ateliers administration/ paysans sont des dialogues de
sourds, les paysans n'ont plus les moyens de faire des concertations et (( ne
réclament pas » dans les CSA et CEN.
La dynamique est en panne, sans (( leadership », sans
échanges. La parole paysanne est étouffée malgré
les règles de dialogue instaurées. La sonnette d'alarme est
tirée mais ne consolide ni la concertation ni les accords. Le moyen le
plus rapide d'aboutir a un accord étant de marginaliser les participants
qui ont des points de vue et des références différents
dans la consultation.
L'innovation sociale s'est
arrêtée au seuil de l'Assemblée nationale
lors du vote de la loi. L'essai n'est pas transformé.
A cette phase là on n'est plus dans la concertation
mais soit dans la négociation qui (( vise à décider sans
obligatoirement comprendre l'autre~, soit dans la consultation qui (( n'offre
aucune garantie quant à l'ouverture d'un dialogue entre les acteurs et
celui qui consulte s'emploie parfois a éviter un débat qui
donnerait un pouvoir aux acteurs locaux en leur permettant de se construire une
vision commune : ceci constitue une différence majeure avec la
concertation » :
ont été marginalisées.
|
les départements ministériels et l'APCAM sont
soit dans l'une ou l'autre posture. Il n'y a plus de construction collective.
Il n'y a plus de processus de
construction collective car l'administration a repris la main,
et l'APCAM sert de « portevoix» consultatif.
|
La légitimité des acteurs admis à
participer et les objectifs poursuivis par le processus ne sont pas
donnés a priori, mais sont construits par le processus.
Le jeu d'acteurs étudié se trouve limité
à ceux qui participent à la procédure ou a l'instance,
qu'ils s'y opposent ou la soutiennent. La participation est volontaire car
l'individu est acteur du processus (alors qu'il peut subir une consultation de
façon relativement passive ou être convoqué à une
négociation).
Le processus peut être « induit » par les
pouvoirs publics ou se développer de façon autonome, entre des
acteurs dont l'objectif est soit de se forger une position commune à
défendre auprès des décideurs, soit d'agir ensemble
indépendamment de la puissance publique
Le décideur public, peut décider de
déléguer au collectif une partie de son pouvoir de
décision, mais rien ne l'oblige a le faire. S'il le fait, ceci devient
une règle qu'il devra respecter. Les règles du jeu vont
être là aussi l'objet d'une construction collective.
La gestion concertée fait appel à la
concertation pour dépasser les divergences de perceptions,
d'intérêts et de positions en vue de construire une gestion
cohérente et coordonnée. Elle ouvre un espace doté des
propriétés d'un
Le processus a permis à tous les acteurs d'y participer
au fur et a mesure dans le cadre de cette construction. La
légitimité des paysanne-s à tous les acteurs
étatiques, décentralisés ou paraétatiques,
bailleurs de fond reposait sur leur implication effective déjà
dans le secteur.
Certains ministres, fonctionnaires, et l'APCAM étaient
en opposition et/ou en résistance car ils perdaient de leurs
prérogatives antérieures. Dans ce cadre là ils ne couvrent
pas le champ de participation volontaire, ils l'ont plutôt subi.
|
Le processus a bien été induit par les pouvoirs
publics. Il s'est développé de façon autonome lors de la
prise en main de la concertation par la CNOP attesté par un
Mémorandum paysan.
|
L'État a délégué la LOA à
la CIFA puis la concertation en moyen humain et financier à la CNOP pour
toucher la population rurale. Les règles du jeu ont été
construites collectivement pour mettre en place une gouvernance. Elles ont
été respectées notamment avec la mise en place d'une
convention.
L'élaboration s'est bien déroulée en
gestion concertée, cohérente et coordonnées par la CIFA
puis la CNOP. Elle a réussi à dépasser les divergences par
de nombreux débats dans des espaces publics et/internes aux services
étatiques: réunions
La légitimité des acteurs,
surtout des organisations paysannes, chevilles
ouvrières avec la CIFA de la première phase, est remise en
cause.
Même si volontairement les OP participent à
certains espaces de concertation, ils sont
démunis parce que la concertation n'existe plus tant au
sein de leurs structures que dans les espaces prévus où ils sont
plutôt en situation de consultation et/ou négociation.
Les départements ministériels ont repris en main
la partie mise en oeuvre, chacun de façon autonome mais sans objectif de
forger ensemble une position commune.
L'État a délégué au
Secrétariat permanent la mise en oeuvre « sans pouvoir, ni moyens
» sans règles réelles.
Il n'y a plus de gestion concertée. Est-ce que
l'atelier national de stratégie concertée pour la mise en oeuvre
de la LOA d'octobre 2009 permettra de remettre de l'huile dans les
espace public : liberté et
autonomie des citoyens pour la
formation par la raison d'une opinion et d'une volonté
collective (Habermas, 1978) .
|
locales et nationales, ateliers
thématiques qui ont vu émergé une opinion et
une volonté collective.
|
rouages ?
|
L'itinéraire de concertation est
marqué par une progression dans le dialogue (positive
ou négative) des «événements» extérieurs
qui l'influencent et d'éventuelles interventions visant à
favoriser son avancée.
|
Il y a bien eu une progression dans le dialogue, avec une
volonté
interventionniste de l'État pour
favoriser son avancée en affichant une bonne
gouvernance demandée par les paysans et les bailleurs de fonds.
|
Régression plutôt que
progression. Reste des contacts bilatéraux survivance
du réseau antérieur. Arrivée de
chercheurs en tant que relais futurs comme les
retraités, les mutés qui voient leur «bébé se
noyer».
|
Un itinéraire va souvent évoluer
sur plusieurs scènes.
|
Deux scènes principales : celle interne a l'appareil
étatique, et celle des paysans qui parfois se confrontaient surtout dans
les réunions délocalisées.
|
Des multitudes de scènes
cloisonnées où la division et le dialogue de
sourds prédominent.
|
Le réseau et l'objet de la
concertation, lorsqu'elle s'engage, sont toujours très
restreints. La concertation prend forme sur des scènes de concertation
autour
desquelles s'articulent les échanges entre acteurs.
|
Au départ le réseau de la concertation
était bien restreint alors que l'objet de la concertation concernait 80%
des malien-e-s avec qui des échanges ont bien eu lieu.
|
Le réseau restreint du départ
CIFA/CNOP qui était des
moteurs, des animateurs et
coordinateurs n'existe plus. Chaque acteur qui était
partie prenante a refermé le cercle de la concertation.
|
A la lecture de ce tableau, il ressort clairement que la phase
d'élaboration était bien une concertation et la mise en oeuvre
oscille entre consultation et négociation, quand celles ci existent.
Pour réussir cette concertation, comme nous avons
essayé de le faire ressortir tout au long de cette étape, il a
fallu que le plus haut sommet de l'État via la CIFA use de tout son
poids pour :
convaincre les fonctionnaires
imposer à certains ministres à se plier à
cette démarche
signifier a l'APCAM qu'elle n'était pas le porte-voix des
paysans et paysannes.
Ces acteurs confrontés à une autre logique
étatique, sont souvent entrés en opposition, en résistance
ou se sont effacés. Au moment de la mise en oeuvre, le décor a
changé. De nouvelles élections présidentielles avec les
inévitables remaniements ministériels tant politiques que
liés à des départs en retraite, de nouvelles affectations
de budget ont redistribuées les cartes. Ceux qui se considéraient
lésés lors de l'élaboration ont le champ libre pour
reprendre leurs prérogatives.
Cette situation est clairement expliquée par le SP qui
doit coordonner les débats entre tous les acteurs et harmoniser les
ministères, évoquant les blocages et lenteur :
«Cet outil, la LOA on va le faire avancer...C'est un
apprentissage, c'est notre première LOA, il faut qu'on change nos
habitudes, comment progresser ensemble dans l'intérêt
général, pour le bien public, rompre avec les anciennes
pratiques, apprendre a travailler collégialement, c'est pas
automatique...Le changement se dit mais ne se réalise pas facilement !.
Je reste convaincu que c'est une chance pour le Mali d'avoir réussi a
sortir une LOA innovante qui offre des outils pour permettre d'avancer. Oui il
y a du retard mais ce n'est pas un problème, le sujet est complexe il
faut prendre le temps. Il estime que la participation surtout des organisations
paysannes est garantie « Un point est fait au ministre tous les 6 mois. Un
tous les ans directement avec le Président. Cette configuration assure
la participation des acteurs. On n'a besoin de
personne pour écrire les décrets ! Il y a deux
phases différentes. On s'est mis d'accord au moment de
l'élaboration, maintenant c'est a l'État d'appliquer !
»
Donc pour l'organe responsable de la LOA, le SP, la
concertation voire la gestion concertée n'est plus d'actualité,
hormis dans les instances de gouvernances. Le résultat est que la LOA
« piétine » et ne correspond plus aux aspirations des
paysan-ne-s.
Au vu de tous ces éléments quels sont les
facteurs qui pourraient redonner une dynamique au processus au moment de la
mise en oeuvre ? Quelles sont les nouvelles conditions et éventuellement
les nouveaux acteurs qui pourraient intervenir ? Quelles pistes
privilégier pour remettre de la stratégie collective et porter
jusqu'au bout l'espoir qu'avait suscité la LOA ?
10.2.4 Reconstruire de la stratégie
concertée
Cette partie a été inspirée par le
document de stratégie collective de l'agence de coopération
allemande GTZ. Le concept de stratégie vient du grec. Comme beaucoup
d'autres notions utilisées dans les sciences de la gestion, c'est un
terme d'origine militaire, qui désignait a l'origine l'art de conduire
les armées (stratos = armée, agein = conduire). Carl Von
Clausewitz, général prussien du XIXe siècle,
développe dans son livre « De la guerre » le concept de
stratégie. Il met l'accent sur « la nécessité de
s'orienter vers des objectifs a long terme, par une délégation
plus poussée du pouvoir de commandement vers les échelons
hiérarchiques inférieurs ». Cela permet de réagir
avec plus de flexibilité aux mouvements imprévus et aux
conditions changeantes de l'environnement, et de fixer les marges de manoeuvre
des unités subordonnées. Il aborde aussi les aspects
comportementaux tels que l'audace, la motivation, la
persévérance, la ruse et le rapport entre tension et
détente, innovation et routine. L'orientation stratégique
influence de façon décisive la vision éthique qui forme
alors « le cadre d'une culture organisationnelle » qui dépend
du degré de cohérence et d'harmonisation de toutes les
activités. Cette stratégie est assurée par des conventions
et règles qui régissent les structures et les processus, avec des
rôles clairement définis et une vision commune. En règle
générale, nos actions intentionnelles et planifiées
reposent sur les connaissances dont nous disposons, qui doivent être sans
cesse étendue pour éviter de répéter ce que nous
avons déjà l'habitude de faire.
Cette grille d'analyse de la stratégie collective,
construite pour comprendre la stratégie d'une organisation, est ici
utilisée pour analyser les stratégies d'un ensemble
d'organisation (CNOP, le gouvernement;...) qui se concertent pour adopter une
orientation commune.
Une lecture à travers le tableau ci-dessous permet de
faire ressortir les points des différents critères entre les 2
phases de la LOA, l'élaboration et sa mise en oeuvre :
Tableau 6 : différents critères
stratégiques
Actions clefs stratégiques
|
Élaboration
|
Mise en oeuvre
|
Objectif à long terme
|
Oui
|
?
|
Délégation de pouvoir
|
- État : CIFA/rattaché à la
présidence directement
-OP/CNOP : concertation,
diffusion de documents
|
-État: SP rattaché au Ministère de
l'Agriculture
- OP/CNOP : aucune
|
Flexibilité de réactions
|
Oui
|
non
|
Conditions changeantes
environnementales
|
stable
|
instable
|
Marges de manoeuvres
|
ouverte
|
faible
|
Comportements humains (audace, persévérance...
|
oui
|
|
non
|
Rapport tension/détente
|
|
En alternance
|
|
Tension pas de détente
|
Innovation et routine
|
|
Innovation
|
|
Routine
|
Mise en place d'une
organisationnelle
|
culture
|
oui
|
|
non
|
Degré de cohérence
harmonisation
|
et
|
Volonté d'y arriver
|
|
Aucune volonté
|
Conventions et règles
|
|
Existantes
|
|
A peine existantes
|
Rôles clairement défini
|
|
oui
|
|
non
|
Vision commune
|
|
oui
|
|
non
|
Connaissances
|
|
Élargissement par
concertations sur tout territoire
|
les le
|
Restreint
|
Ainsi on peut en déduire qu'il y a bien eu
l'existence d'une stratégie collective au moment de l'élaboration
et qu'au moment de la mise en oeuvre, elle n'existe pas voir qu'il n'y a plus
de stratégie collective.
Remettre de la concertation et de la stratégie
collective apparaissent comme des leviers sur lesquels agir de suite
malgré le fait que de nombreux points relevés ne peuvent
être régler du jour au lendemain. Nous allons répertorier
les actions opérationnelles possibles rapidement.
11 UNE LISTE NON EXHAUSTIVE DE RECOMMANDATIONS
11.1.1 Au niveau institutionnel
En 2012, de nouvelles élections présidentielles
et des CA vont focalisées les attentions et encore apporter des
changements : des personnes en poste vont bouger, d'autres vont arriver, avec
quelles ambitions ? Aujourd'hui selon les voeux de la nouvelle année
d'ATT les perspectives qu'il a dressées sont orientées vers :
les grands chantiers financés par le PEDES, le CRSCP
sont mis en avant comme des échangeurs, des bâtiments, des routes,
cinquantenaire des Indépendances en septembre 2010 oblige. Le barrage de
Taoussa étant la seule référence faite a l'agriculture.
une révision de la Constitution
un redécoupage des régions, cercles et communes.
Pourtant en attendant, à mon avis des décisions
pourraient être prise, et remettre du liant dans le processus à
condition qu'il y est de la volonté de voir la mise en oeuvre de la LOA
aboutir dans des conditions satisfaisantes pour tous.
Faire une évaluation complète et objective de
l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la LOA
Il y a urgence a reconstruire une entité forte, en qui
la présidence a toute sa confiance a l'image de la CIFA pour assurer une
bonne gouvernance, cohérence et construction collective entre les
ministères, redonner la parole et les moyens d'agir aux OP en respectant
le temps d'être force de proposition en donnant le temps et les moyens
.
Budgétiser une ligne de financement permanent pour les
syndicats paysans- elle existe pour les syndicats ouvriers- leur permettant
d'agir, réagir, de faire des propositions en toute autonomie
Faire fonctionner les instances de gouvernance dans le cadre
de leur prérogatives, pour réellement suivre la mise en oeuvre de
la LOA, faire respecter les procédures, « revoir la copie »
sur certains points : représentation par exemple
Redéfinir et respecter le rôle de chacun sans
s'immiscer
Que l'État respecte lui-même ses engagements
vis-à-vis des CT et ose attaquer de front la politique foncière
malienne et la corruption y afférente.
Prévoir un programme de formation accessible en
plusieurs langues tant du côté de l'administration que de la
population en général pour s'approprier le système
législatif afin d'écrire des décrets opérationnels
et compréhensibles par tous.
Inciter les bailleurs de fonds a poursuivre dans le même
esprit que lors de l'élaboration, répondre à la demande
plutôt que de défendre leurs intérêts.
11.1.2 Au niveau des organisations paysannes
« L'État ne peut pas ouvrir les portes de la
délégation de pouvoir et la refermer, mais les OP doivent
être a la hauteur et reprendre leur place. »
Débattre au sein de la CNOP de la vision que les
élu-e-s doivent porter et de sa fonction. Reste t-elle « un cerveau
~, un syndicat généraliste porteuse et défendant une
vision collective et transversale comme l'EAF, la souveraineté
alimentaire, l'agriculture paysanne ? Ou - pour des raisons financières
?- se met elle en concurrence sur les prestations de services -offertes par la
LOA face au désengagement de l'État- avec les autres OP avec une
vision filière? Ce choix avait été clair lors de la
naissance de la CNOP. Il semble plus flou aujourd'hui au risque de se mettre en
rivalité avec l'AOPP, les CA.
De clarifier les rôles entre CA/APCAM et les OP et
particulièrement la CNOP. Au-delà des déclarations
d'intention faites lors de l'atelier de concertation quelle sera la
réelle volonté de parler d'une seule voix ? Estce le bon choix ?
Peut-être est-il temps de couper le cordon, et d'afficher clairement les
rôles, et d'affirmer qu'il y a bien deux entités. La
stratégie d'investir les Chambres d'Agriculture pourrait être
poursuivie si la vision collective et les objectifs sont clairs. Cela
permettrait de parler d'une seule voix, d'être dans les consultations,
d'avoir accès a du financement. Au niveau de l'APCAM les marges de
manoeuvres sont plus restreintes, c'est peut-être là que la
différentiation doit se faire. Si les OP ne font pas cet exercice la
confusion continuera, les tensions perdureront au détriment des
paysan-ne-s et au bénéfice de l'État, ou du moins de
l'appareil administratif. Il faut alors mettre en place une stratégie en
fonction du choix et la respecter. Dans tous les cas actuellement chacun
revendique le fait de porter la parole de toute la paysannerie, à la
différence que par les textes l'APCAM est automatiquement
consultée et écoutée, pas les OP.
Selon les options choisies elles doivent :
Revoir leur fonctionnement, leur
représentativité. Par exemple des fissures existent aussi entre
le national et le régional entravant leur implication dans les
structures décentralisées. Le fait que la CNOP n'a pas de
représentation régionale celle-ci étant assurée par
les organisations membres de l'AOPP accentue les difficultés de
cohérence.
Assurer la transmission des dossiers et le renouvellement des
élu-e-s, bien définir leurs mandats
Se former et s'appuyer sur les ressources humaines tant
interne qu'externe sans les cantonner dans le seul rôle de consultants
passage presque obligé pour avoir du financement alors que la plupart
apporte peu pour ne pas dire rien. Rechercher du côté des
réseaux paysans, associatifs, chercheurs, universitaire nationaux et
internationaux. Les ONG avec qui elles travaillent leur apportent du soutien
logistique mais ne les aiguillonnent pas assez dans leurs réflexions.
Réagir vite pour continuer à assurer la
crédibilité et sa place mais qui veut de la CNOP aujourd'hui ?
S'appuyer sur son bilan positif pendant l'élaboration, sa
capacité a porter une vision collective, son réseau national et
international, la force et la richesse de ses membres. Montrer que la CNOP
existe en se mobilisant fortement sur le foncier par exemple. Que la CNOP
redevienne l'interlocuteur incontournable tant pour les paysans que pour les
institutions.
Si le processus de concertation est largement pratiqué
en amont dans tous les secteurs, c'est a l'application des textes que les
problèmes se posent, quand ils existent. ! Lors des EGF une commandante
de cercle dénonce cette dérobade « le Code Domanial
comprenait 8 TITRES et 282 articles. On avait introduit 9 décrets, 8
furent votés et annoncés à la télé, puis ils
ont disparu. On ne veut pas gérer le foncier. S'il y a
incohérence, il faut se demander si on veut vraiment des lois !
».
CONCLUSION
« Aujourd'hui à part des textes il n'y a rien,
les problèmes des paysans restent entier » déclaration du
secrétaire général du SEXAGON
L'hypothèse centrale était juste : la CNOP a
bénéficié d'un fort soutien politique au moment de
l'élaboration de la LOA. Par contre, lors de la mise en oeuvre, elle
n'était plus présente, ce qui a entrainé « le retour
» d'acteurs qui avaient été mis de côté au
moment de l'élaboration (fonctionnaires et APCAM).
Les évolutions du soutien politique à la CNOP au
moment de l'élaboration puis à la mise en oeuvre coïncident
avec les 2 temps électifs du chef de l'État.
Lors de son 1er mandat (2002-2007), élu sans
parti, Amadou Toumani TOURE (ATT) avait la confiance de la population, des
acteurs sociétaux et politiques. Il était celui qui avait ouvert
la voie à la démocratisation, après les
évènements de 1991. L'agriculture est déclarée
« moteur de l'économie » dont la LOA serait «
l'instrument fédérateur. Elle constitue le socle de la politique
générale de développement agricole pour l'horizon 2025
»
La Cellule Infrastructure et Filières Agropastorales
(CIFA), composée de fonctionnaires convaincus, pour qui la LOA devait
être écrite par les paysans jusqu'alors «
méprisés », sera la cheville ouvrière, le « bras
armé » d'ATT pour l'élaboration de la LOA. Cela c'est
traduit par une délégation des concertations aux paysans via la
CNOP, 4000 paysans y ont participé. Les fonctionnaires qui d'habitude
« écrivaient les lois dans les bureaux » et l' APCAM
jugée non représentative du monde paysan, ont suivi à
contre coeur, ce nouveau processus où « ils ne seraient pas les
maitres du jeu », malgré de nombreux débats menés en
interne.
Composée de 7 Titres, 33 chapitres, 200 articles la LOA a
été votée à l'Assemblée nationale le 16
aoüt 2006 à l'unanimité et « applaudie par tout le
monde ». « C'est vraiment en l'état que le projet de loi est
sorti comme le voulait les producteurs » et le Président de la
République.
Si les « sans voix » étaient pris en
considération et défendaient leurs idées dans la rue ou
dans les institutions : refus des OGM par le Conseil des ministres en 2004, LOA
en 2006, APE toujours pas signés, le contexte général lui
s'est dégradé, comme développé dans la partie A].
Les maigres recettes fiscales et la corruption ne permettent pas au Mali
d'être souverain dans sa gestion, aggravant l'endettement du pays. La
décentralisation s'enlise, la gestion foncière n'a toujours pas
de règles claires, les conflits fonciers se multiplient, l'exode rural
et la pauvreté s'accentuent. C'est dans ce contexte « explosif
» que se profilent les prochaines élections présidentielles,
en juin 2007.
Au moment de son 2ème mandat (2007-2012), 35
partis se sont ralliés à ATT, réélu à 71%,
en négociant chacun une part de pouvoir. Un nouveau gouvernement ne sera
nommé qu'en octobre 2007 distribuant des postes au gré des
complaisances politiques et/ou personnelles. Il y aura même un
remaniement ministériel en 2008.
La réorganisation des services, le départ ou la
mutation de fonctionnaires -comme ceux impliqués dans la CIFA, qui est
dissoute et remplacé par un Secrétariat Permanent « sans
pouvoir, ni moyen » - font que la mise en oeuvre de la LOA «
piétine ». Il y a une fragmentation du pouvoir. Les acteurs
écartés au moment de l'élaboration s'empressent de
reprendre leurs prérogatives, défendant chacun leur
pré-carré. A l'APCAM est nommé un nouveau Président
qui a appelé à voter ATT. Il a de multiples
responsabilités dans la filière coton, et est pro-OGM semant la
discorde dans le monde paysan. Les instances de gouvernance prévues dans
la LOA ont du mal à se mettre en place : le 1er Comité
Exécutif National n'aura lieu qu'en mars 2008 suivi un mois après
du 1er CSA. Les Comités Exécutifs Régionaux ne
sont toujours pas en place.
Les préoccupations paysannes, sécurisation
foncière et exploitations Agricoles familiales sont
délaissées au profit de quelques investisseurs surtout
extérieurs, à qui l'État, propriétaire de
« droit », loue des milliers d'hectare avec des baux
emphytéotiques de 50 ans renouvelables une fois, tandis que les
élites nationales jonglent avec « les papiers magiques » pour
acquérir des terrains.77
Les politiques maliennes, et spécifiquement celles
liées à la LOA, sont supplantées par des programmes tels
que le Cadre Stratégique de Croissance pour la Réduction de la
Pauvreté, le Projet de Développement Économique et Social,
qui permettent à ATT de marquer son passage en lançant de grands
chantiers dont certains seront inaugurés pour fêter le
Cinquantenaire des Indépendances. Ce qui est paradoxal car voulant
profiter de ces mannes monétaires, le Mali se retrouve de plus en plus
sous la coupe des « partenaires techniques et financiers ».
L'intégration régionale pourrait être une
réponse porteuse d'espoir d'une construction collective africaine en
encourageant chaque pays à se reposer la question quelle agriculture
développer et pour qui ? La conclusion finale de la Conférence
« Afrique 21 » estime que « Le réveil africain est en
cours. .il doit s'appuyer notamment sur le développement de
l'agriculture vivrière, l'Afrique ne doit plus importer »[ 78 :
l'occasion de mettre réellement en adéquation les textes qui
prônent la souveraineté alimentaire et la priorité aux
exploitations Agricoles familiales et les choix faits sur le terrain, surtout
au niveau de la gestion des terres étatiques.
Au moment de la mise en oeuvre, n'ayant plus de soutien politique
fort, limitée par ses moyens humains et financiers, la CNOP est
très fragilisée. Cette jeune coordination est née de la
volonté de fédérer l'AOPP - fortement structurée
sur le terrain- et les autres organisations paysannes maliennes. C'est un
« cerveau » qui devient «le seul cadre autonome de
représentation des OP du Mali, pour édifier un mouvement paysan
crédible, porteur d'une vision paysanne basée sur la promotion
socio-économique durable des exploitations agricoles familiales à
travers une agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire
».
77 Voir annexe 11
78 Conférence « Afrique 21 : les nouveaux
défis pour l'Afrique », Cameroun, du 17 au 19 mai 2010,
Cette construction qui était facilement gérable et
s'est avérée efficace au moment de l'élaboration
s'avère ébranlée, « artificielle » au moment de
la mise en oeuvre. Les liens avec les régions, la base qui
s'étaient tissés lors des concertations se sont effilochés
d'autant plus que la mise en oeuvre tarde à démarrer. Trois ans
plus tard seuls 5 décrets sont sortis sur les 74 textes prévus et
ils ne satisfont pas les paysan-ne-s certains dans l'écriture
(interprofession) d'autres car ils ne sont toujours opérationnels
(commissions foncières)!
L'entrisme de nouveaux élus avec des visions
différentes sur l'agriculture décrédibilise et
déstabilise la CNOP. Ces dissensions profitent aux fonctionnaires,
à l'APCAM, et au-delà, au chef de l'État qui n'a plus
qu'une « seule voix représentative » en face à lui.
L'adage « diviser pour mieux régner » illustre cette
situation, confirmant la 2ème hypothèse : cet
affaiblissement du soutien politique après 2007 a conduit à des
formes de déstabilisation de la CNOP qui a été
fragilisé dans son fonctionnement interne.
Si la LOA a de nombreux outils pour répondre aux
aspirations paysannes, leur mise en place est problématique. Les marges
de manoeuvre sont étroites. La centralisation des décisions et
les divisions, favorisent l'individualisme et l'opportunisme dans la gestion
des textes, délaissant la cohérence et la dynamique que
l'élaboration de la LOA avait engendrées. On est passé
d'un processus de concertation et de gestion concertée à un
processus de consultation, - quand il existe!-
Les exemples autour de différents textes ont
illustré tout au long de ce mémoire les dysfonctionnements
caractérisant le déraillement du processus, passant d'un monde
d'ouverture à un monde fermé d'écriture juridique, aux
ordres des politiques, occultant tout partage de vision collective confirmant
ainsi la 3ème hypothèse : un décalage important
s'observe sur la nature du processus de concertation entre l'élaboration
et la mise en oeuvre. L'élaboration peut être considérer
comme un « véritable » processus de concertation alors que ce
n'est pas le cas à la mise en oeuvre.
Mais comment faire pour que les « préoccupations se
retrouvent dans les décrets » demandent les OP au Ministère
de l'Agriculture lors d'un atelier de concertation à l'automne 2009 ? A
qui cela profite? En tout cas pour les paysan-ne-s la mise en oeuvre de la LOA
n'est pas ce qu'ils espéraient. Leurs premiers pas avec le monde
institutionnel les marginalisent à nouveau. Leur manque
d'expérience et de moyens, -un membre de la CNOP dira même
« nous sommes out »- sont aussi des facteurs qui ont
entravé leur investissement et efficacité dans cette phase, alors
que la CNOP avait réussi à mobiliser et à être
crédible lors de l'élaboration, mais elle était alors
soutenue par la CIFA et le chef de l'État.
Aujourd'hui, la segmentation des pouvoirs, la confusion qui
règne dans l'écriture des textes, le manque de lignes directrices
laissent la porte ouverte à de nouveaux élus et aux acteurs qui
avaient été écartés -peut-être avaient-ils
été remis alors dans leur juste fonction?- . Cette
déstabilisation et décrébilisation, est-ce un
1er pas pour récupérer la CNOP? Des
élections
chambre d'Agriculture auront lieu en 2012, les « manoeuvres
» auraient-elles déjà commencé comme nous avons
essayé de le montrer?
Des acteurs gouvernementaux ou paysans, surtout ceux qui
s'étaient investis dans la phase d'élaboration, estiment «
qu'on est en train de noyer le bébé ». Ils ont envi
d'avancer « de faire un pont au bout de 3 ans ». Mais sans
volonté politique forte la situation risque peu d'aboutir à moins
de reprendre sa place en instaurant un rapport de force comme le
préconise leader paysan sénégalais : « ATT leur avait
tout donné pour mener à bien la LOA. Ils ne bougent pas
maintenant... ils n'existent plus. »79.
Au dernier CSA de mars 2010 des membres ont dit au
Président « qu'il fallait sortir de l'immobilisme80
». Qu'en sera-t-il? Nous n'aurons pas l'occasion de l'aborder dans ce
mémoire mais la mise en oeuvre de la LOA est un défi à
relever car c'est l'avenir du monde paysan et du Mali qui sont en jeu.
En 2012 de nouvelles élections arrivent et occupent
déjà les esprits à lire la presse. ATT ayant
épuisé ses 2 mandats, qui sera le prochain président?
Quelles seront ses ambitions par rapport à la mise en oeuvre de la LOA.?
Les dispositions finales (TITRE VII) offrent des possibilités de revenir
sur les lois, seront-elles utilisées? Le Président de la
Fédération Nationale des Jeunes Ruraux est en tout cas encore
prêt à se battre:
« Il faut aussi que la CNOP reprenne toute sa place ...
C'est à nous d'aller au SP, aux Ministres, nous devons aller forcer les
portes, nous devons être là où l'État n'est pas
performant. A nous de réfléchir et avoir la capacité
à travailler sur les projets avant et quand les projets sont
votés comment les diffuser ? »
79 Même si la remarque peut-être juste, au
Sénégal sur lequel la LOA malienne et la CNOP se sont
appuyées, la CNCR est aussi mise à mal par le président
Wade, qui est entrain de favoriser l'émergence d'un syndicat « plus
aux ordres ~ et d'évincer la CNCR. La LOASP n'est toujours pas mise en
oeuvre alors qu'elle date de 2004.
80 Voir annexe 12
![](Strategie-des-acteurs-lors-de-lelaboration-et-de-la-mise-en-oeuvre-de-la-Loi-dOrientation-Ag3.png)
BIBLIOGRAPHIE
AOPP, 2004, La question foncière au Mali : Propositions
paysannes pour une gestion pacifique et durable des ressources foncières
au Mali
BELLONCLE Guy, 1990. Associations villageoises et
développement rural équilibré dans le projet Mali-Sud
BIERSCHENK T et al, 2000, Courtiers en développement. Les
villages africains en quête de projets, Paris, Karthala
BUIJSROGGE Piet, 1989, Initiatives paysannes en Afrique de
l'Ouest, l'Harmattan, Paris CINAM-SERESA, 1960, Rapport sur les perspectives de
développement du Sénégal, Dakar CISSOKHO Mamadou, 2009,
Dieu n'est pas paysan, GRAD, Présence Africaine
COULIBALY Cheibane, 1997, Politiques agricoles et
stratégies paysannes au Mali, Le Cauri d'or, Bamako
COULIBALY Cheibane ,1er trimestre 2003, les Cahiers de
Mandé Bukari, Décentralisation et développement local
COULIBALY Cheibane , 4ème trimestre 2006, les
Cahiers de Mandé Bukari, Syndicalisme paysan et démocratie
COULIBALY Cheibane, 2006, les Cahiers de Mandé Bukari,
DAGNON Gaudens, 1992. Regards croisés sur les
organisations paysannes au Mali.
DEVÈZE Jean-Claude, LECOMTE Bernard, De la CROIX
Dominique, 2008, Défis agricoles africains, 2008, Karthala GIRI.
Jacques, 1983, Le Sahel demain : catastrophe ou reconnaissance, Karthala,
Paris
GRAD-ROPPA, 2007, Histoire du mouvement paysan en Afrique de
l'Ouest, CD-rom, GRAD, Bonneville GRET http :
//loa.inititives.netml//sommaire.php3
GUEGUEN Josiane, ?, Coton, chronique d'une grève a
Koutiala, Mali, SYCOV
http://www.cnop-mali.org/spip;php?page=sommaire1
JACQUEMOT Pierre, Mali le paysan et l'État, textes de
Moussa C CiSSE, Kary DEMBELE, Youssouf G. KEBE, Mamadou N. TRAORE réunis
par, 1981, l'Harmattan
LE MALI, 2006, Jaguar
Les organisations paysannes et rurales, 1995, Réseau
GAO
Mémorandum paysan sur la loi d'orientation agricole du
Mali, 2005, CNOP, Ségou
NARDONE Jessica, Septembre 2006 Le monde rural au Mali
structuration et impact des acteurs sur les politiques agricoles
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne UFR Science Politique
Mémoire sous la direction de Roland Marcha
OUEDRAGO Ablasse, février 2009 ?, Cinq bonnes raisons de
suspendre les négociations sur les APE, article Jeune Afrique
Plan d'actions ECOWAP/CEDEAO 2008-2012
ROY Alexis, 2009, Subvertir et définir : que nous apprend
le militantisme sur les espaces politiques en « transition » Les
syndicats de producteurs de coton au Mali : la représentation paysanne
confisquée ?
![](Strategie-des-acteurs-lors-de-lelaboration-et-de-la-mise-en-oeuvre-de-la-Loi-dOrientation-Ag4.png)
TOURE Amadou Toumani, 2005, Une politique agricole pour le Mali
de demain, Discours du chef de l'État a la cérémonie de
lancement de la LOA Koulouba, 7 février 2005
Voyage d'étude sur les chambres d'agriculture du Mali
du 15 au 25 mars 2002 pour la République du Niger, du ministère
du développement agricole, la l direction de l'action coopérative
de la promotion des organismes ruraux// Anne-Laure
![](Strategie-des-acteurs-lors-de-lelaboration-et-de-la-mise-en-oeuvre-de-la-Loi-dOrientation-Ag5.png)
GLOSSAIRE
AGRICULTURE FAMILIALE
L'exploitation familiale a des caractéristiques a la
fois économiques, sociales, voire socioculturelle. C'est le mode de mise
en valeur des ressources rurales le plus approprié aux
réalités et aux intérêts du monde rural. Elle a un
système de production et de reproduction qui maintient et
améliore la vie du groupe tout en intégrant les valeurs de
solidarité et de partage. De plus en plus son importance n'est plus
contestée et la considération qu'on lui donne fait qu'elle
commence a être prise en compte au niveau national et
sous-régional, notamment dans l'élaboration des politiques
agricoles. Elle offre plus de possibilités pour résoudre les
problèmes d'ordre socio-économique, les enjeux de création
d'emplois et de redistribution de revenus. N'Diogou FALL
AGRICULTURE FAMILIALE PAYSANNE
- Système économique spécifique reposant
sur la famille et le terroir, capable de s'adapter et de préserver son
autonomie ; elle cherche a fonctionner d'abord sur des circuits de
proximité favorisant la recherche d'équilibre et de
sécurité.
La notion de taille est privilégiée en parlant de
petite agriculture ou des petites et moyennes exploitations agricoles en les
assimilant a l'agriculture familiale.
ASSOCIATIONS VILLAGEOISES
Comme le décrit minutieusement Mamadou Cissokho dans
Dieu n'est pas un paysan et le confirme Bernard Lecomte, la naissance de ces
premières organisations que ce soit au niveau national ou du village,
est basée sur la discussion entre les fondateurs, à partir des
questions « Que voulons nous être, que voulons accomplir ensemble,
quelle est notre ambition ? » Ce qui les différencie
fondamentalement avec les associations sous tutelle de l'État, d'un
projet, d'une ONG. L'aboutissement de ces interrogations peut prendre beaucoup
de temps et peut devenir « de plus en plus lourd et complexe au fur et a
mesure que l'on s'éloigne du village pour aller vers le national »
et le régional.
MOUVEMENT PAYSAN
Des organisations paysannes autonomes par rapport a
l'État
Organisations incontournables dans les négociations
Capacité à rassembler et à se
fédérer
Élaborer un projet d'avenir
Un engagement de type politique
OPA
Ensemble des composantes du monde agricole, OP, caisse
mutuelle...
OP
Organisation paysanne au sens large qui se regroupe pour
défendre les intérêts des paysans SECURITE ALIMENTAIRE
Concept né il y a une dizaine d'années comme
l'accès a tous les individus, a tout moment, a une nourriture suffisante
en quantité et convenable en quantité sans définir de
politique agricole
![](Strategie-des-acteurs-lors-de-lelaboration-et-de-la-mise-en-oeuvre-de-la-Loi-dOrientation-Ag6.png)
SOUVERAINETE ALIMENTAIRE
La Via Campesina est la première organisation à
remettre en cause le concept de sécurité alimentaire ou du moins
à vouloir aller plus loin, lui reprochant ses limites en terme de droit
humain et faiblesse politique. Ainsi le concept de souveraineté
alimentaire va être introduit lors du Sommet mondial de l'Alimentation de
la FAO a Rome en 1996. La SA pourrait donc se définir comme le droit des
peuples ou des États à définir librement les politiques
agricoles les mieux adaptées à leur besoin sans créer de
préjudices aux autres pays et sans dumping:
la priorité à la production agricole locale pour
nourrir les populations
une double responsabilité des États, définir
sa propre politique agricole et la sécurité alimentaire en
prenant en compte les effets extérieurs de sa politique
le droit des États à se protéger des
importations agricoles et alimentaires à trop bas prix à travers
des taxes la participation des populations aux choix politiques agricoles
La SA est devenu alors un concept clé dans les
débats sur l'agriculture et les alternatives aux politiques
néolibérales
Définition CNOP : droit pour un État de
définir et de mettre en oeuvre une politique agricole et alimentaire
autonome, basée sur les productions locales, garantissant une
agriculture durable et la responsabilisation des producteurs qui disposent
à cet effet, des moyens appropriés ( terre, eau, crédit,
marchés et prix rémunérateurs) et valorisant les modes
traditionnels et les pratiques culinaires locales.
TON
En référence au terme Bambara pour
désigner l'association de travail de personnes qui ont été
initiées (BELLONCLE). Représente les structures traditionnelles
de solidarité (groupement d'entraide, coopératives de travail)
reprises et instituées sous le Moussa Traoré à des fins
politiques et de récupérations du monde rural. Sont reconnus
statutairement a l'inverse des associations villageoises. Peuvent avoir
accès à des marchés financiers et en principe doivent
présenter un bilan et un compte d'exploitation chaque fin
d'année.
|