EPIGRAPHE
« Vouloir caractériser le régime
politique d'un Etat africain par référence seulement au texte
constitutionnel, c'est protéger un schéma abstrait et vide sur
une réalité différente que l'on se condamne à
jamais connaître »
A.MAHIOU
DEDICACE
A mes parents Norbert MPUTU KAYEMBE et SABINA PASSY
BANDJEE, pour nous avoir montré le chemin de l'école et pouvoir
avoir nourri, entretenu et constamment ravivé en nous le goût
scientifique et le désir d'apprendre. Nous leur disons infiniment merci
pour toutes les privations et sacrifices consentis pour que leur fils, que
nous sommes fasse aujourd'hui parti de l'élite universitaire. Que ce
travail puisse être le couronnement de leurs efforts ;
A ma soeur Brigitte MPUTU MBELU pour le
soutien ;
A toute ma famille ;
Je dédie ce travail
= Jean Pierre MPUTU MUTENDE=
REMERCIEMENTS
Nos remerciements s'adressent
premièrement au professeur Zacharie NTUMBA MUSUKA qui, de main de maitre
a volontiers accepté d'assurer la direction de ce travail. Ses remarques
et suggestions pertinentes nous ont été d'une grande importance
dans la conception, la réalisation et la présentation de ce
travail.
Nous pensons également à nos amis et compagnons
de lutte Justin NGANDU, Michel LONGHE, Bienfait MPOYO, Deogratias MAPELA, Papy
OMARI, Magloire OMEONGA qui, durant tout notre parcours académique ont
été pour nous, non seulement des amis mais aussi de frères
qui n'ont aménagé aucun effort pour nous apporter leur soutien
Il en est de même de nos camarades étudiants et
collègues de promotion qui, jours pour jours n'ont jamais manqué
d'être à nos cotés à chaque fois que le besoin se
faisait sentir il s'agit de USENI HAMADI, MUYOMBO RAMAZANI, KASIKILA MWEMA,
ONOYA SHUNGU, TANGA IBUNGU, KAPASA MWEMEDI, MATHONGO KAHAMBWE, FATUMA ZAHABU,
OUMU KOITA.
Enfin, nos remerciements s'adressent à tous ceux qui
d'une manière ou d'une autre n'ont jamais cessé de nous soutenir
et qui pour des raisons de contingences scientifiques leurs noms n'ont pas
été cités, qu'ils trouvent à travers ces lignes
l'expression de notre profonde gratitude.
O.INTRODUCTION
O.1.
Problématique
Le Droit constitutionnel moderne est dominé par un
mythe : celui de fonder la société politique et son pouvoir
sur la volonté du groupe lui-même ; il s'agit en fait de
faire de chacun un gouvernement gouverné par lui-même.
Formellement, un régime démocratique est fondé sur le
système représentatif des élections libres et
transparentes aptes à générer l'alternance, le
multipartisme qui consacre la compétitivité et ce régime
institue le principe contradictoire, c'est-à-dire la possibilité
de dire et d'être contredit, la liberté de la presse, le refus de
la censure, la bonne gouvernance. Tous ces éléments étant
garantis par une justice indépendante.
En réalité, s'il est peut être difficile
de définir conceptuellement la démocratie, « l'on sait
immédiatement à qui ou à quoi on a à faire
lorsqu'on se trouve en sa présence
Historiquement la démocratie, qui est née dans
la Grèce antique, est à la fois un idéal et un
modèle de gouvernement. Le mot démocratie qui signifie
littéralement le « gouvernement du peuple » ou
« le peuple au pouvoir », « le gouvernement du
peuple par lui-même ». Self-government selon l'expression
anglo-saxonne ou mieux encore selon la formule qu'employait Abraham
LINCOLN : « le gouvernement du peuple, par le peuple et
pour le peuple » (1(*)) et le terme Etat de Droit, appelé aussi
principe de primauté du droit, qui est une situation juridique dans
laquelle chacun est soumis au respect du droit, du simple individu
jusqu'à la puissance publique, sont devenus de nos jours, plus qu'hier
l'objectif même de toute société moderne. Placer l'individu
au coeur de la société et soumettre l'Etat au Droit paraît
bien être la finalité de tout Etat de droit
démocratique.
De plus, la démocratie, solidement implantée
dans les pays occidentaux, semble partie à la conquête du monde.
C'est à ce titre que la constitution congolaise du 18 février
2006 a, d'entrée de jeux, à son article premier définit la
RDC dans ses frontières du 30 juin 1960 comme étant un Etat de
droit ; indépendant, souverain, uni et indivisible, social,
démocratique et laïc. (2(*))
Depuis de lustres, les congolais ont toujours aspiré
à une société démocratique où la violence
doit céder le pas au dialogue, la domination au service rendu, le profit
personnel à la solidarité, l'arbitraire à la justice et
l'oppression à la garantie de la liberté tout en sachant que le
développement politique reste la toile de fond d'un véritable
Etat de Droit démocratique garantissant et assurant d'abord la
sécurité des personnes et de leurs biens, qui à son tour
serait une source de foisonnement d'initiatives et de liberté. (3(*))
En effet, l'Etat de Droit suppose que la constitution qui en
est le soubassement procède à une répartition
équilibrée des compétences entre les différents
organes de l'Etat et que le droit ne soit pas seulement les textes mais surtout
ce qu'en font les acteurs. Il reste de ce fait que l'ancrage constitutionnel
des fondements d'un Etat de Droit démocratique ne suffit pas pour placer
la notion dans le domaine du vécu. L'avènement de l'Etat de droit
démocratique demeure encore tributaire des comportements humains et de
l'usage que l'on en fait. En Afrique, et particulièrement en RDC, il est
confronté à plusieurs obstacles.
Cependant, dans toute société humaine, la lutte
pour le pouvoir demeure une donnée permanente. Elle détermine de
nos jours la classification des régimes politiques. En RDC, à
l'approche des échéances électorales déterminantes
beaucoup sont les citoyens qui s'interrogent encore sur l'utilité des
élections, la nécessité d'aller voter. En effet, ayant
vite compris que le gain immédiat des élections allait revenir en
premier au personnel politique, pour ne pas attendre des promesses
jugées fallacieuses, le futur électorat a en 2006 par exemple,
lors des campagnes électorales conditionné sa participation aux
réunions des propagandes à sa rétribution
immédiate.
Mais hélas, en ce 21e siècle la
situation a changé, car aucun parti politique ne mobilise au
delà de son ethnie ou de sa région. A chaque fois que l'on
s'approche des échéances électorales, le débat sur
la nationalité et les appartenances tribales refait surface. Ceux qui
détiennent le pouvoir mobilisent les leur en leurs expliquant que la
perte du pouvoir signifie pour eux la fin des privilèges. D'où
une bipolarisation entre les partisans de ceux qui sont au pouvoir et ceux de
l'opposition qui épouseraient les contours géographiques des
terroirs d'origine des protagonistes (Nord-sud, Est-Ouest). Dans ces
conditions, aucune élection ne peut sembler valable et ressortir ses
vertus de départager des compétiteurs. Lors des
échéances électorales le débat au lieu de se baser
autour des idées concrètes et des programmes de gouvernement bien
établis, malencontreusement il est ailleurs, autour des appartenances
tribales et de telle ou telle autre considération. Ce genre d'attitudes
crée des tensions sociales entre acteurs politiques plongeant ainsi le
peuple dans un profond climat d'incertitude et d'insécurité au
point que ce dernier souhaite même que les élections n'aient
même plus lieu.
De ce fait, les élections au lieu d'être le
meilleur moyen de départager de façon pacifique des
compétiteurs du pouvoir créent beaucoup plus de problèmes
qu'elles n'en résolvent, car les acteurs politiques ventent la
démocratie et multiplient au quotidien des discours sur l'Etat de droit
démocratique auquel eux-mêmes ne croient pas car encrés et
tributaires d'une forte tradition autocratique.
Pourtant, on ne saurait manquer d'être frappé,
à l'observation par le décalage existant entre les institutions
politiques envisagées en RDC dans leur fonctionnement réel, et
les règles constitutionnelles dont elles sont censées
procéder.
Cet état de chose n'a cessé de susciter en nous
quelques interrogations à savoir :
Ø Il y a-t-il corrélation entre Etat de
Droit-Démocratie et élections ? ou encore mieux un Etat de
droit démocratique peut il se passer des élections ?
Ø Est-ce qu'en RDC, contrairement aux textes, le jeu
démocratique se joue t-il comme il se doit ?
Ø Si non, n'est ce pas là une coquille
vide ?
Ø Ce faisant, peut-on retenir le qualificatif d'Etat de
droit démocratique pour la RDC tel que consacré par la
constitution congolaise du 18 février 2006 à son article premier
?
Telles sont les questions auxquelles la présente
étude tentera d'apporter des éléments de réponse.
Mais avant d'y arriver quelles en sont alors les hypothèses.
O.2 Hypothèses
Entendue comme une réponse provisoire à la
question posée dans la problématique. L'hypothèse est une
réponse dont la recherche a pour but de vérifier le bien ou le
mal fondé de la question que l'on se pose.
· Globalement, un Etat de droit n'est pas
nécessairement un Etat démocratique mais tout Etat
démocratique est nécessairement un Etat de droit. L'Etat de droit
apparait ainsi comme une première étape dans la formation d'un
Etat démocratique.
S'agissant des élections, disons d'emblée que
celles-ci sont l'expression la plus évidente et la plus achevée
de la liberté. On est libre que quand on est à même de
choisir, raison pour laquelle les élections se confondent même
avec la démocratie et que lorsqu'on exclut l'alternance par le biais des
élections, il n'y a plus de démocratie, plus de
possibilité de l'opposition de devenir majorité et vice versa.
Cependant, loin de constituer le seul critère de la pratique
démocratique, les élections offrent tout de même l'occasion
aux citoyens d'opérer un choix entre plusieurs programmes politiques qui
leur sont proposés. Elles permettent aux électeurs
d'évaluer les performances des politiques publiques menées par
les dirigeants.
A ce propos, une partie de la doctrine considère
à juste titre que la démocratie est étroitement
liée aux élections et que ces dernières sont un mode de
transmission du pouvoir du peuple à ses représentants. Elles sont
la voie par laquelle les gouvernés arrivent à exercer
concrètement la liberté et l'égalité politiques qui
leurs sont reconnues par la constitution car un pouvoir qui ne circule pas a
tendance à s'identifier en la personne qui l'exerce.
· Tributaire d'un passé politique à forte
tendance autocratique, les acteurs politiques congolais dont la plupart sont
ceux qui, hier ont été les principaux apôtres du mobutisme,
donc de la dictature, ont du mal à s'adapter au contexte actuel et
à comprendre que le temps a largement changé et que le contexte
et l'environnement sociopolitique ne sont plus les mêmes. De ce fait, en
RDC le jeu démocratique semble ne pas bien se jouer et cela suite
à plusieurs raisons que nous aurons dans la mesure du possible à
démontrer tout au long de cette étude notamment : le manque
de culture politique et démocratique, le manque de tolérance, le
clientélisme et le fanatisme politique...
· Il est vrai que la coquille est vide car l'Etat de
droit démocratique ne peut en aucun cas être seulement formel
mais plutôt substantiel, il ne peut se limiter simplement à des
proclamations d'intention, à des discours pompeux au contenu creux mais
il devra en sus de cela être effectif et se traduire en acte. Mais ne pas
retenir le qualificatif d'Etat de droit démocratique pour la RDC
à mon sens serait injustifié car en soit l'Etat de droit
démocratique reste de tout temps un idéal auquel tous les Etats
aspirent et qu'à ce stade aucun pays du monde ne peut prétendre
avoir atteint la pure forme de démocratie et d'Etat de droit, un
processus que même les pays de vieille démocratie comme la France
ne peut à ce jour prétendre l'avoir définitivement
atteint. De ce fait ne pas retenir ce qualificatif pour la RDC serait alors
méconnaitre tous les efforts fournis et les avancées
considérables enregistrées dans ce domaine depuis les
élections organisées en 2006. L'Etat de droit démocratique
devra s'inscrire dans une logique de programmation car en soit l'Etat de droit
démocratique n'est pas une réalité statique mais dynamique
qui varie selon les époques et les circonstances.
O.3 Approche
méthodologique et techniques utilisées
O.3.1 Approche
méthodologique
Le concept méthode vient de deux mots grecs meta :
suivant et odo : chemin, passage, donc « chemin suivant
lequel (4(*))
Ceci compte fait, pour l'élaboration de ce travail,
nous avons recouru aux méthodes juridique et sociologique. La
première juridique nous a permis de confronter les faits au droit, et la
seconde sociologique, au-delà des textes nous a facilité la
compréhension et l'explication des faits, tout en décrivant le
phénomène concret avec toutes les manifestations et en tenant
compte de toutes les implications.
O.3.2 Techniques
utilisées
La technique est un procédé qui permet au
chercheur de récolter les données et informations sur son sujet
d'étude.
En effet, pour que nos objectifs soient atteints, nous nous
sommes servis des techniques documentaire et d'observation. Celle documentaire
come étant efficace, nous a permis d'interroger les différentes
doctrines et documents pouvant nous éclairer sur les questions ou
préoccupations soulevées par notre étude notamment par la
lecture quotidienne des ouvrages, textes de lois, magazines, revus et
publications officielles ayant trait à notre objet d'étude.
La technique d'observation quant à elle nous a
été d'une importance indéniable car elle nous a permis
d'observer au quotidien la scène politique congolaise et ses acteurs
afin de nous forger une opinion sur la manière dont le jeu
démocratique s'exerce en RDC.
O.4 Choix et
intérêt de l'étude
Il va sans dire que l'étude sur le caractère
d'Etat de droit démocratique de la RDC ne tombe pas de nu, elle tombe
à point nommé à ce moment précis de l'histoire
où la RDC, plus que jamais, à l'instar d'autres pays du monde,
depuis les élections organisées en 2006, s'est
irrévocablement engagée dans la marche vers l'édification
d'un Etat de droit démocratique. Dans ce contexte,
l'intérêt porté à une telle étude est
double : théorique et pratique.
Sur le plan théorique, la présente étude
tentera d'analyser la structure, l'organisation et le fonctionnement du
pouvoir politique en RDC et sur le plan pratique, elle se propose de confronter
les faits c'est à dire ce qui est prévu dans les textes et la
réalité c'est dire ce qui se fait sur terrain.
L'Etat de droit démocratique suppose l'existence des
institutions politiques stables, l'exercice libre et responsable des
libertés fondamentales des citoyens, l'accession à la gestion de
la chose publique par des mécanismes acceptables par tous, et au
demeurant la protection des citoyens par la justice.
Mais hélas, comment arriver à cet Etat de
droit démocratique? Tel est l'intérêt porté à
cette étude et la tache à laquelle elle compte se pencher.
O.5 Délimitation
spatio-temporelle
Telle qu'elle se présente, la matière de la
présente étude est vaste. Il nous parait assez
déconcertant voire prétentieux à pouvoir l'épuiser.
A cet effet, pour éviter une recherche vague et imprécise, le
mieux serait de circonscrire notre cadre d`investigation. C'est ainsi que sur
le plan de l'espace notre travail couvre uniquement les réalités
contenues en RDC et que le temps pris en compte pour ce faire partira des
élections organisées en 2006 jusqu'à ce jour
O.6 Subdivision du
travail
Hormis l'introduction et la conclusion, la présente
étude s'articulera autour de deux chapitres : le premier (La
conditionnalité de l'Etat de droit) et le second (Le pari de
l'édification d'un Etat de droit démocratique en RDC), qui
tenteront respectivement de mettre en lumière les éléments
constitutifs d'un Etat de droit démocratique tout en démontrant,
dans la mesure du possible, les éventuels obstacles à
l'avènement d'un tel Etat en RDC.
CHAPITRE I: LA
CONDITIONNALITE DE L'ETAT DE DROIT
Contrairement aux dictatures entretenues par l'occident
pendant toute la période de la guerre froide en Afrique en
général et en RDC en particulier, de nos jours, l'instauration
d'un Etat soumis au droit est au coeur même des relations internationales
et apparait de ce fait comme un objectif poursuivi par bon nombre des Etats
Africains. Eprouvant de difficultés pour rendre un compte assez exact de
ce que l'on peut définir comme un Etat de droit, nous nous limiterons
à en dégager les quelques éléments
caractéristiques considérés bien entendu dans le cadre de
ce travail comme impératifs de l'Etat de droit, c'est-à-dire les
conditions de son existence.
Section 1: Les
impératifs de l'Etat de droit
Parler de la conditionnalité de l'Etat de droit sans
préalablement chercher à en dégager le sens et la
portée serait sans nul doute, de notre part une façon de naviguer
à vue. Cependant dans son sens objectif, l'Etat de droit serait celui
qui fonctionne sur base des règles de conduite, justes,
équitables, consensuelles et préalablement édictées
et sanctionnées par ce qu'on a coutume d'appeler « le
pouvoir », en vue de régir les relations entre les
citoyens.
Dans son sens subjectif, l'Etat de droit, serait celui dans
lequel se trouveraient consacrées, sans ambage au profit de chaque
individu, membre de la collectivité, diverses prérogatives. En
effet, l'Etat de droit n'est ni une chimère, ni une vue de l'esprit. Il
est claire que l'Etat de droit est fondé sur une culture de
célébration des valeurs intrinsèques des hommes et de
participation et non celle d'exclusion qui entraine tant de passions aveugles
et de distinctions.(5(*))
Un Etat de droit est un Etat acceptant de lier son existence
à celle d'un droit démocratique.
L'Etat de droit est l'Etat soumis au droit,
c'est-à-dire qui soumet volontairement son action à des
règles de droit qu'il produit. Le pouvoir normatif appartient en propre
à l'Etat qui, en démocratie, s'autolimite puisque son rôle
est en même temps de « créer du
droit »(6(*))
Cependant, toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée, n'a point de constitution. (7(*))
L'Etat de droit, appelé principe de primauté du
droit, est une situation juridique dans laquelle chacun est soumis au respect
du droit, du simple individu jusqu'à la puissance publique. Il est
étroitement lié au respect de la hiérarchie des normes,
à la séparation des pouvoirs et des droits fondamentaux. Il est
aussi étroitement lié au développement du
constitutionnalisme.
L'Etat de droit est celui dans lequel les mandataires
politiques, en démocratie : les élus sont tenus par le droit
qui a été édicté. En effet, l'Etat de droit est une
théorie d'origine allemande (rechtsstaat), redéfinie par le
juriste autrichien Hans Kelsen. D'après lui, un Etat de droit est un
« Etat dans lequel les normes juridiques sont
hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve
limitée ».
Fondamentalement, un Etat de droit signifie que les pouvoirs
publics doivent exercer leurs fonctions selon les balises par un ensemble de
normes juridiques. Ainsi est fondée la légalité
administrative ou rule of law ou primauté du droit, des termes
essentiellement équivalents. L'Etat de droit peut aussi être
résumé par la formule : « Nul n'est au
-dessus de la loi ». Plus généralement, cet ordre
regroupe un ensemble de règles juridiques qui prémunissent les
citoyens contre les formes arbitraires du pouvoir (exécutif). Pour qu'un
Etat de droit existe, il faut que les obligations qui émanent de l'Etat
soient officielles, impersonnelles, impératives et sanctionnables. En
d'autres termes, les lois doivent être connues, personne ne peut y
échapper, elles doivent s'appliquer réellement et la
transgression de la loi doit entrainer des sanctions.
L'autorité de l'Etat dans un pays est indispensable et
nul ne l'ignore. Cependant, la puissance de l'Etat a des limites
consignées dans les lois du pays, à savoir : la
constitution, les lois et règlements...
Par conséquent, l'Etat n'agit pas n'importe comment,
allusion faite ici à un Etat de droit. En effet, dans cet Etat, la
puissance de l'Etat, doit pouvoir s'exercer dans le respect des limites
légales.
On peut avec le professeur VUNDUAWE rappeler qu'un Etat de
droit implique trois choses :
1°) Que les actes des autorités publiques soient
soumis au droit et à des règles
préétablies ;
2°) Que tous les actes des autorités
administratives et autres soient soumis au contrôle d'un juge
compétent et indépendant ; et
3°) Que son système politique soit
démocratique. (8(*))
Un Etat de droit suppose des normes juridiques qui sont
elles-mêmes hiérarchisées d'une manière explicite.
L'ordre hiérarchique des normes juridiques place au sommet la
constitution du pays. Un Etat de droit, c'est d'abord un Etat qui obéit
à des normes hiérarchisées, à commencer par le
respect des procédures.
Pourtant, cette idée d'Etat de droit est apparue au
XIXe siècle, dans la pensée juridique allemande, et
à l'instigation de Mohl. Cette notion a été
délaissée par les auteurs français (sauf par
R.Carré de Malberg, essentiellement), alors que Hans Kelsen ne s'y
intéressa que pour faire la critique, le célèbre juriste
autrichien estimant que l'expression « Etat de droit »
constituait une tautologie puisque, pour cet auteur, l'Etat personnifiant
l'ordre juridique. (9(*))
Cependant, bien qu'il soit difficile de définir
conceptuellement ce que l'on entend par « un Etat de
droit », mais l'on devra retenir que l'Etat de droit implique
nécessairement les principes suivants : le respect de la
hiérarchie des normes, l'égalité des sujets devant la loi,
l'indépendance du pouvoir judiciaire, la séparation des pouvoirs,
le respect des droits de l'homme, le contrôle de
constitutionnalité des actes réglementaires, législatifs
et administratifs ainsi que la souveraineté, principes qui, dans le
cadre de ce travail seront considérés comme étant les
éléments caractéristiques d'un Etat de droit.
§1. Eléments
caractéristiques de l'Etat de droit
L'Etat de droit se caractérise par les principes
suivant : le respect de la hiérarchie des normes,
l'égalité des sujets devant la loi, l'indépendance du
pouvoir judiciaire, la séparation des pouvoirs, le respect des droits de
l'homme, le contrôle de constitutionnalité des actes
réglementaires, législatifs et administratifs ainsi que la
souveraineté
1. Le respect de la hiérarchie des normes
Dans une société politique, les gouvernants sont
soumis au droit. Cela implique qu'ils doivent non seulement respecter le
contenu même de la constitution mais aussi la hiérarchie des
normes qu'elle établit.
Il en découle :
· L'obligation pour les lois de se conformer à la
constitution ;
· La supériorité de la loi sur les actes
édictés par l'exécutif ;
· L'existence d'une hiérarchie interne, aux actes
pris par l'exécutif, correspondant à celle des autorités
administratives.
Le droit constitutionnel a pour
finalité de définir les conditions d'exercice du pouvoir au sein
de l'Etat. Or, nous l'avions vu, l'une des fonctions majeures des
autorités étatiques consiste à créer le droit
destiné à régir les institutions, et la vie sociale. Ce
droit, de plus complexe, est formé des normes de plus en plus nombreuses
et diverses qui ne pourraient être appliquées s'il ne
définissait lui-même une hiérarchie destinée
à éviter la confusion des normes. C'est l'objet de la
constitution que de définir la procédure d'élaboration des
différentes règles, leur champ de compétence et leur place
dans l'édifice juridique de l'Etat. Elle ne pourrait remplir cet office
si elle n'émanait de l'autorité détenant le pouvoir le
plus entier qui puisse exister dans l'Etat, le pouvoir constituant, et si elle
ne se plaçait, elle-même au-dessus des pouvoirs publics et des
compétences normatives qu'elle leur confère. (10(*))
L'existence d'une hiérarchie des normes constitue
l'une des plus importantes garanties de l'Etat de droit. Dans ce cadre, les
compétences des différents organes de l'Etat doivent être
précisément définies et les normes qu'ils édictent
ne sont valables qu'à condition de respecter l'ensemble des normes de
droit supérieur. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la
constitution, suivie de la loi, puis des règlements. A la base de la
pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre
personnes de droit privé.
Cet ordonnancement juridique s'impose à l'ensemble des
personnes juridiques. L'Etat pas plus qu'un particulier, ne peut ainsi
méconnaitre le principe de légalité : toute norme,
toute décision qui ne respecteraient pas un principe supérieur
seraient en effet susceptible d'encourir une sanction juridique. L'Etat, qui a
compétence pour édicter le droit, se trouve ainsi lui-même
soumis aux règles juridiques, dont la fonction de régulation est
ainsi affirmée et légitimée. La protection de la
constitution permet de faire respecter la hiérarchie des normes et
d'assurer une protection efficace des droits fondamentaux.
A. Le respect de la hiérarchie des normes : la
subordination des pouvoirs constitués
Les pouvoirs constitués sont soumis au respect de la
constitution d'où ils tirent leurs compétences et les
règles concernant leur intervention. Le contrôle de
constitutionnalité régule le jeu politique. La loi votée
par les assemblées, d'initiative parlementaire ou gouvernementale, n'est
plus la norme supérieure, ce qui tend à faire de l'Etat de droit
l'aboutissement de l'Etat démocratique. (11(*))
B. La protection des libertés fondamentales
Matériellement, cela se fait par l'intégration
et la reconnaissance des déclarations et garanties des droits, la
constitution contient un ensemble de dispositions relatives aux libertés
fondamentales s'imposant aux autorités publiques. La protection de la
constitution est donc celle du citoyen. (12(*))
C. La protection de la constitution : remise en cause de
la démocratie
La protection de la constitution est soupçonnée
eu égard au principe et à l'exercice de ce contrôle. Le
principe consiste à soumettre la loi, expression de la volonté
générale, au respect de la constitution. L'enchainement
peuple-volonté-loi est rompu. L'exercice de ce contrôle est
critiqué du fait de la désignation et non de l'élection
(sauf en Allemagne) par les autorités politiques des juges
constitutionnels.
D. Les spécificités du contrôle de
constitutionnalité des lois
Le contrôle de constitutionnalité des lois, qui
permet la protection constitutionnelle des droits fondamentaux, manifeste ses
spécificités dans deux directions : quant aux
modalités du contrôle d'une part et quant à la nature du
contrôle d'autre part.
1. Quant aux modalités du contrôle
Il est habituel de distinguer deux types de contrôle
juridictionnel de constitutionnalité des lois.
Le premier correspond au modèle américain :
chaque juge est habilité à procéder au contrôle de
constitutionnalité et, le cas échéant à
écarter l'application d'une norme, qui serait en contradiction avec une
disposition constitutionnelle. C'est un contrôle que l'on qualifie
généralement de diffus, en ce qu'il s'exerce à tous les
niveaux de l'organisation juridictionnelle.
La Cour Suprême en assure l'unité et la
cohérence, sans en avoir le monopole. Dans ce modèle, la norme
contraire à la constitution est simplement écartée et non
éliminée ou abrogée. (13(*))
Au surplus, le contrôle de constitutionnalité des
lois est facultatif, la Cour n'intervient que lorsqu'elle est saisie.
2. Quant à la nature du contrôle
S'il est un débat qui a pu faire couler l'encre d'une
doctrine divisée, c'est bien celui portant sur la nature du
contrôle de constitutionnalité. Plus précisément, la
discussion s'est focalisée sur la nature de l'organe de contrôle
lui-même : est-il un organe politique, ou une juridiction ?
Exerce-t-il une fonction de constituant secondaire ? Est-il juge de la
constitution ? Sur ces diverses questions, les auteurs se sont
affrontés les uns estimant qu'il est un organe politique, les autres y
voyant, à l'inverse, une « véritable
juridiction ». (14(*))
On soulignera alors combien la Cour Suprême de justice
remplit une fonction juridictionnelle consistant à dire le droit et
à trancher des litiges portant sur une question de
constitutionnalité.
En premier lieu, si la Cour Suprême de justice a bien
vocation à dire le droit, ce qui est un des critères de
l'activité juridictionnelle, il ne faudrait pas sous-estimer le fait
qu'il existe, ce faisant, une activité de constituant en tant que de
législateur.
Constituant, la Cour l'est sans nul doute si l'on veut bien
admettre qu'elle a vocation à combler les lacunes de la constitution et
à l'adapter aux exigences contemporaines.
Législateur, la Cour constitutionnelle l'est tout
autant indéniablement lorsqu'elle formule, à l'encontre du texte
de la loi des réserves d'interprétation qui, en
définitive, en méconnaissent le sens.
Législateur, elle l'est parfois encore, de façon
plus épisodique, lorsque la censure partielle d'une des dispositions le
conduit à admettre qu'elle entre en vigueur amputée et, par
conséquent dénaturée.
En second lieu, si l'on admet que la Cour Suprême de
justice est bien une juridiction, encore faut-il ajouter qu'elle est d'une
nature bien spéciale, tant les garanties procédurales qui
accompagnent le processus de décision sont insuffisantes et empiriques.
Les principes fondamentaux d'une bonne justice, que la Cour Suprême de
justice protège par ailleurs contre la loi au titre des droits de la
défense, ne sont pas respecté à l'occasion du processus de
contrôle de constitutionnalité. Ainsi, le principe de la
publicité des débats n'est pas démis devant la Cour. De
même, le principe de la contradiction n'est pas toujours mis en oeuvre.
(15(*))
Cependant, un système juridique est un ensemble
organisé de règles de droit, de normes régissant une
société donnée. Il comprend des règles relevant du
Droit public et d'autres appartenant au Droit privé. Toutes ces normes
ne sont pas sur le même plan, toutes n'ont pas la même valeur. Des
subordinations apparaissent nécessairement en ce que des liens
s'établissent entre elles, où des règles commandent
à d'autres, leur sont supérieures, ne peuvent être
violées par ceux qui élaborent les normes subordonnées.
On dit que les règles de Droit, les normes sont
hiérarchisées. On peut aussi établir un classement des
normes selon leur degré d'autonomie, distinguant des normes
supérieures, qui commandent, s'imposeront à celles qui leur sont
inferieures ou subordonnées, dans la hiérarchie, chaque norme
doit être conforme ou compatible avec toutes celles qui lui sont
supérieures. (16(*))
Comment se présente alors ce classement ?
E. La théorie de la hiérarchie pyramidale des
normes
Les normes supérieures étant moins nombreuses
que les normes subordonnées, la hiérarchie des normes peut
être représentée par l'image
d'une « pyramide », à laquelle le juriste
autrichien Kelsen a attaché son nom : « l'ordre
juridique n'est pas un système de normes juridiques placées au
même rang, mais un édifice à plusieurs étages
superposés, une pyramide ou une hiérarchie formée d'un
certain nombre d'étages ou couches de normes successives ».
Dans le système de la hiérarchie pyramidale des
normes on trouve au sommet de la hiérarchie
la « norme-mère » (grand norm), celle qui
commande tout le système juridique, à laquelle sont
subordonnées directement ou indirectement toutes les autres. En-dessous
d'elle se situent d'autres normes placées sur le même plan, qui
à leur tour commandent à d'autres, lesquelles elles-mêmes
s'imposent à celles qui les suivent et ainsi de suite. A chaque
degré, le nombre des normes s'accroit et par là s'élargit
la base de la pyramide. Au fur et à mesure que l'on descend dans la
hiérarchie, le pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire la
liberté de celui qui élabore les normes diminue. On constate
aussi que plus une norme est élevée dans la hiérarchie,
plus elle est générale et abstraite. (17(*))
Mais hélas, quelle est alors la norme
supérieure ?
F. Le problème de la norme suprême
L'image de la pyramide laisse de coté une question
essentielle : quelle est la norme supérieure ?
Une constatation : tout système juridique se fonde
sur une hiérarchie des normes, et la norme la plus haute est
généralement la constitution. C'est elle la norme suprême,
elle commande à toutes les autres. C'est pourquoi son élaboration
a une portée symbolique considérable et intervient selon une
procédure contraignante avec des formes solennelles.
Mais la conception normativiste (toutes les règles
générales ou individuelles sont de même nature) ainsi
exposée, a surtout des vertus didactiques : faire apparaitre la
subordination des normes. L'idée que le système est
couronné par la constitution est contestable : si la constitution
est abrogée, que se passe t-il ? Toute la pyramide
s'effondre ? Il est bien évident que toute nouvelle constitution
n'entraine pas la caducité immédiate et automatique du Droit
antérieur. (18(*))
Pourtant le principe de la suprématie de la
constitution sur le reste de l'ordre juridique a une valeur explicative de la
plupart des Etats.
Un tel modèle suppose donc la reconnaissance d'une
égalité des différents sujets de droit soumis aux normes
en vigueur.
2. L'égalité des sujets devant le
droit
En dépit de quelques faiblesses qu'on peut constater
dans la pratique, le principe est affirmé dans la constitution :
« Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit
à une égale protection des lois, aucun congolais ne peut, en
matière d'éducation et d'accès aux fonctions publiques ni
en aucune matière, faire l'objet d'une mesure discriminatoire,
qu'elle résulte de la loi ou d'un acte de l'exécutif, en raison
de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa
résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son
appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu,
à une minorité culturelle ou linguistique». (19(*))
Le principe d'égalité, qui s'oppose à
tout traitement différencié des personnes juridiques constitue la
deuxième condition de l'Etat de droit. Celui-ci implique en effet que
tout individu, toute organisation, puissent contester l'application d'une norme
juridique, dès lors que celle-ci n'est pas conforme à une norme
supérieure. L'égalité devant la loi ou
égalité en droit est le principe selon lequel tout individu doit
être traité de la même façon par la loi (isonomie).
Aucun individu ou groupe d'individus ne doit donc avoir de privilèges
garantis par la loi.
Dans le domaine judiciaire, l'égalité devant la
loi se traduit par la règle de l'égalité devant la
justice, qui exige que tous les justiciables se trouvant dans la même
situation soient jugés par les mêmes tribunaux, selon les
mêmes règles de procédure et de fond. (20(*))
Ce principe s'est développé dans la philosophie
politique occidentale au XVIIIe siècle et fut mis en oeuvre
dans des systèmes de démocratie libérale en France et aux
Etats-Unis après les révolutions de 1787 et 1789. Ainsi la
déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789
proclame-t-elle dans son premier article que « les hommes
naissent et demeurent libres et égaux en droits. (21(*))
En effet, le principe d'égalité devant la loi
est un principe central du libéralisme et de la démocratie
libérale. Alors que l'ancien régime fonctionnait sur base du
principe de l'inégalité en droits, les régimes issus des
révolutions françaises et américaines prennent pour
fondement l'égalité en droits. Se contentant de traiter les
individus de la même façon, l'Etat doit laisser les individus
libres dans leur recherche du bonheur. En pratique,
l'égalité des droits implique nécessairement des
aménagements et des limites puisque, à tout moment, même
placés dans une situation d'égalité, les individus sont
amenés à acquérir des droits spécifiques et
différenciés, liés à leurs activités,
à leur environnement. En conséquence, l'égalité des
droits s'entend comme une égalité entre individus placés
dans des circonstances équivalentes, et comme une égalité
dans l'aptitude potentielle à acquérir des droits.
3. L'indépendance de la justice
Pour avoir une portée pratique, le principe de l'Etat
de droit suppose l'existence de juridictions indépendantes,
compétentes pour trancher les conflits entre les différentes
personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de
légalité, qui découle de l'existence de la
hiérarchie des normes, et le principe d'égalité, qui
s'oppose à tout traitement différencié des personnes
juridiques.
Un tel modèle implique l'existence d'une
séparation des pouvoirs et d'une justice indépendante. En effet,
la justice faisant partie de l'Etat, seule son indépendance à
l'égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure
de garantir son impartialité dans l'application des normes de droit.
4. La séparation des pouvoirs
Même si on peut en faire remonter la première
intuition à l'antiquité à Aristote, essentiellement le
principe de la séparation des pouvoirs trouve ses racines au
XVIIIe siècle dans l'oeuvre de John Locke (essai sur le
gouvernement civil, 1690). Mais c'est Montesquieu qui devait le reprendre, le
développer, le systématiser et en définitive y attacher
son nom. Dans l'esprit des lois (1748), Montesquieu, qui a découvert la
séparation des pouvoirs en étudiant le fonctionnement du
système Britannique et qui a aussi lu Locke, en fait un principe
général d'organisation du pouvoir étatique.
A la suite, la séparation devient une sorte de dogme
politique auquel, sous la révolution, la déclaration des droits
de l'homme devait donner une consécration éclatante en
proclamant : « Toute société dans laquelle la
séparation des pouvoirs n'est pas déterminée, n'a point de
constitution ». (22(*))
En d'autres termes, la constitution est la mise en forme de la
séparation des pouvoirs. (23(*))
Quels sont alors les fondements de la séparation des
pouvoirs ?
4.1 Les fondements de la séparation des
pouvoirs
Des justifications théoriques et pratiques se
mêlent alors que le principe de la séparation lui-même a
été réfuté.
a. Montesquieu et la théorie de la séparation
des pouvoirs
Montesquieu cherche un système de gouvernement qui
empêche le pouvoir d'être despotique et garantisse la
liberté des citoyens. Il le découvre, ou feint de le
découvrir, en Angleterre où, il trouverait son fondement, lui
semble-t-il dans une séparation entre les pouvoirs ou entre
les « puissances ».
La théorie de la séparation des pouvoirs repose
sur la répartition des fonctions entre des organes indépendants
les uns des autres, qui forment chacun un démembrement du pouvoir :
le pouvoir est distribué entre plusieurs organes. Montesquieu propose de
distinguer le pouvoir de faire les lois (législatif), celui de les
exécuter (exécutif) ; et celui de juger les crimes et les
différents ou conflits ; (judiciaire). Ces pouvoirs seront à
la fois spécialisés et indépendants :
l'exécutif n'a pas à donner ou à recevoir d'ordres du
juge, etc. l'innovation est là : si on souhaite un fonctionnement
harmonieux des institutions, les pouvoirs ne doivent pas être
concentrés dans les mêmes mains, on se méfie d'un pouvoir
trop puissant, on recherche un gouvernement faible ou modéré.
Comment justifier ce principe d'organisation de
pouvoirs ?
Il est un premier argument théorique : la
souveraineté appartient à la nation, celle-ci ne peut l'exercer,
se gouverner elle-même (sauf le cas exceptionnel de la démocratie
directe), elle doit donc designer des représentants. Si l'organe
groupant les représentants dispose de la totalité du pouvoir, il
risque de confisquer la souveraineté, de s'identifier au souverain. La
séparation permet de repartir l'exercice de la souveraineté entre
plusieurs organes dont aucun ne peut avoir la prétention de
représenter la nation dans son entier.
Un argument pratique est beaucoup plus convaincant. En
réalité, ce que Montesquieu propose, c'est une recette politique,
de bonne politique, destinée à affaiblir un pouvoir dont il se
méfie, à réaliser ce « gouvernement
modéré », objet de sa recherche.
Son point de départ est dans ce passage bien connu de
l'esprit des lois : « c'est une expérience
éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en
abuser. Il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ?
La vertu même a besoin de limites ».
Il faut donc limiter le pouvoir si on veut protéger la
liberté des citoyens contre la tyrannie, il faut que « le
pouvoir arrête le pouvoir ». Montesquieu
précisait : « pour former un gouvernement
modéré, il faut combiner les puissances, les régler, les
tempérer à une autre ». Séparés,
« distribués », les pouvoirs vont se limiter les uns
les autres par ce que les américains appellent un système de
« freins et contrepoids » (checks and balances). Une
constitution organisée autour de la séparation des pouvoirs fait
que ces pouvoirs se limitent mécaniquement en quelque
sorte « par la force des choses » et non par le seul
respect du texte de la constitution car la séparation des pouvoirs n'est
pas l'isolement des pouvoirs à travers des conflits inévitables
qui aboutirait à la paralysie de l'Etat. Chaque pouvoir est en quelque
sorte infirme, il ne peut agir sans le concours des autres. Les pouvoirs
doivent collaborer « par le mouvement nécessaire des
choses ». Ils sont « forcés d'aller de
concert ». En pratique en effet, ils ne peuvent agir sans
l'assentiment des autres, leurs attributions sont incomplètes (celui qui
vote la loi ne peut l'appliquer, celui qui l'applique ne peut la voter), et si
chacun dans son domaine peut décider, il peut aussi s'opposer aux
décisions de l'autre, c'est la fameuse faculté d'empêcher,
distinguée de la « faculté de statuer »
à laquelle Montesquieu attachait beaucoup d'importance. (24(*))
b. La séparation des fonctions
Au départ : une analyse des taches de l'Etat.
C'est à elle que procède Aristote comme Locke. Un certain nombre
de fonctions du pouvoir, ou de l'Etat, apparaissent, dont la liste va varier de
l'un à l'autre : délibérer, commander, juger, pour
Aristote ; faire la loi, exécuter la loi, mener les relations avec
l'étranger pour Locke.
De cette constatation banale, on passe à l'idée
que si ces fonctions peuvent être exercées par le même
organe, comme ce fut le cas pendant presque toute l'histoire, on peut aussi
concevoir qu'elles soient confiées à des organes
différents : celui qui fait la loi n'est pas celui qui est
chargé de l'appliquer, etc. Apparait alors une spécialisation des
organes dans une fonction définie. Si Aristote avait entrevu la
distinction des taches, il revient à Locke d'avoir compris qu'elles
peuvent être exercées par des organes distincts. Montesquieu
devait aller plus loin encore. (25(*))
5. Le respect des droits de l'homme
Le mouvement de proclamation des droits
individuels est apparu, on l'a noté, à la fin du
XVIIIe siècle lors de la révolution américaine,
puis française. Il est d'usage de distinguer, au moins en théorie
les déclarations des droits, simples expressions d'une philosophie
politique, exposé de principes placés en tête de la
constitution mais non dans son corps même des garanties des droits,
incluses au contraire en leur sein et ayant donc force de droit. En France, la
constitution de 1791 place ainsi en tête la déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 et intègre au texte constitutionnel
des « dispositions fondamentales » garanties par la
constitution. (26(*))
Il arrive qu'au lieu d'introduire dans le texte même de
la constitution les principes qui doivent dicter la conduite du
législateur, l'autorité constituante leur consacre un document
spécial qui porte le nom de « déclaration de
droits », ce titre lui vient de ce que, originairement, il
énonçait l'existence d'un domaine réservé au profit
de l'individu en face de l'Etat.
La première déclaration des droits provient des
Etats indépendants d'Amérique du nord (constitution du
Massachusetts du 15 juin 1780), mais celle qui eu le plus de retentissement
fut « la déclaration des droits de l'homme et du
citoyen », placée en tète de la constitution
française du 3 septembre 1791 et par laquelle l'assemblée
constituante affirmait solennellement les principes de la philosophie de la
démocratie individualiste, égalitaire et libérale.
La pratique des déclarations des droits, s'est par la
suite développée après la première et surtout la
seconde guerre mondiale, mais assez paradoxalement et pour des raisons
contingentes. C'est sous la forme d'une série d'amendements (les dix
premiers) apportés à la constitution fédérale
américaine du 17 septembre 1787 et définitivement adoptés
en 1791 que les Etats Unis se donnèrent l'équivalent d'une
déclaration des droits.
La raison qui motive les déclarations des droits, c'est
de faire solennellement connaitre au peuple, aux gouvernants la doctrine
politico-sociale dont devra s'inspirer l'activité de l'Etat. A vrai
dire, il s'agit plus d'affirmer un principe philosophique que d'établir
des véritables règles juridiques. C'est pourquoi lorsque fut
discutée la question de leur valeur obligatoire, la majeure partie des
auteurs fut d'accord pour leur denier une force juridique, en leur
reconnaissant seulement l'autorité d'un dogme philosophique.
La pratique des déclarations des droits est discutable.
Les défenseurs des déclarations des droits font valoir qu'il faut
bien inclure dans la constitution les principes de base de philosophie
politique qui inspire le régime, car les fins poursuivies par la
collectivité étatique et le pouvoir ne peuvent être
dissociées de l'organisation de l'Etat et de son pouvoir
De leur coté, ceux qui condamnent cette pratique des
déclarations des droits font valoir les griefs ci-après :
Ø D'abord, elle fausse le sens de la constitution car
c'est une erreur de ne voir en elle qu'un texte de caractère technique
et de renvoyer pour l'énonciation des fins du mécanisme
étatique à un document spécial. L'idée de droit ne
doit pas être en dehors de la constitution parce qu'elle n'est pas en
dehors de l'Etat. L'Etat, c'est un pouvoir avec l'idée de droit qu'il
incarne.
Ø Ensuite, l'idée de condenser dans une
déclaration des droits les directives de l'activité
gouvernementale méconnait la véritable signification du pouvoir
politique. Le pouvoir est porteur d'une idée de droit. Placer
l'idée en dehors de la constitution revient à dissocier cette
unité homogène que forme l'idée de droit et le
pouvoir ;
Ø Enfin, la pratique des déclarations des droits
incite le peuple à se soulever contre l'autorité au nom des
principes et les gouvernants à violer les principes en invoquant la
liberté qui leur est nécessaire pour gouverner. (27(*))
A ce sujet, Rivarol disait : « si vous
voulez qu'un grand peuple jouisse de l'ombrage et se nourrisse des fruits de
l'arbre que vous plantez, ne laissez pas ses racines à découvert.
Pourquoi révéler au monde des vérités purement
spéculatives ? Ceux qui n'en abuseront pas sont ceux qui les
connaissent comme vous et ceux qui n'ont pas su les tirer de leur propre sein
ne les comprendront jamais et en abuseront toujours ». (28(*))
Il faut se demander maintenant comment va-t-on le faire
respecter ? C'est le problème du contrôle de la
constitutionnalité des lois.
6. Le contrôle de constitutionnalité
Les autorités administratives
congolaises sont soumises, dans leurs différentes actions, au
contrôle du juge, car le pouvoir judiciaire est, suivant l'article 150,
alinéa 1er, de la constitution, le garant des libertés
individuelles et des droits des citoyens. En effet, les actes des
autorités administratives doivent être conformes à la
loi : c'est le prescrit des articles 153, alinéa 4 et 155 de la
constitution.
Placée au sommet de la hiérarchie des normes
juridiques, la constitution s'impose théoriquement à tous les
organes de l'Etat. Mais ce principe risque de ne pas être respecté
si un véritable contrôle de constitutionnalité des lois
n'est pas organisé.
La protection de la constitution s'inscrit dans le
développement de l'Etat de droit et dans sa combinaison avec le
système démocratique.
La constitution comprend l'ensemble des règles qui
régissent et déterminent l'Etat et organisent les rapports entre
les pouvoirs constitués. Elle définit la nature de l'Etat
(unitaire, fédéral) et celle du régime politique
(parlementaire, présidentiel). La constitution est la norme
suprême de la hiérarchie des normes internes. Sa protection peut
être politique ou judiciaire et souvent les deux.
La protection de la constitution s'est
développée grâce à l'essor du contrôle de
constitutionnalité. Elle permet de faire respecter la hiérarchie
des normes et d'assurer une protection efficace des libertés
fondamentales. (29(*))
En effet, la suprématie des lois constitutionnelles
sur les lois ordinaires appelle qu'un contrôle garantisse la
conformité des lois à la constitution.
Cette suprématie des lois constitutionnelles serait un
vain mot si elles pouvaient être impunément violées par les
organes de l'Etat. En ce qui concerne les actes de l'exécutif, leur
subordination est assurée du fait que les tribunaux peuvent
apprécier la légalité des actes qu'ils doivent appliquer.
Mais le problème reste entier, quant au respect que les lois ordinaires
doivent à la constitution. Certes, on s'accorde pour reconnaitre que la
constitution pose des règles que le législateur a le droit
d'observer.
Cependant, l'expérience prouve :
Ø Que tous les Etats qui sont dotés de
constitution rigides, et qui reconnaissent par conséquent la
suprématie de la loi constitutionnelle sur la législation
ordinaire, n'organisent pas le contrôle de la constitutionnalité
de lois. Ce fut longtemps le cas de la France ;
Ø Que dans les pays où ce contrôle existe,
ses modes de réalisation varient beaucoup en technique et en
intensité d'un régime à l'autre ;
Ainsi le contrôle de la constitutionnalité des
lois et des actes ayant force de lois constitue une sanction de la
suprématie de la constitution. A vrai dire, le contrôle de la
régularité des normes juridiques autre que la loi ordinaire est
plus facile à construire que le contrôle de la
constitutionnalité de lois et des actes ayant force de lois qui exige
des procédures compliquées.(30(*))
La constitution apparait aujourd'hui comme la règle
suprême forgée par le peuple, fixant le statut des gouvernants et
énonçant les droits et libertés. Elle est sur ce plan,
indissociable de l'idée démocratique. Mais sur le plan juridique
prédomine aujourd'hui la notion de constitution entendue au sens formel,
supérieure à toutes les autres lois, adoptée et
modifiée dans des conditions particulières et redevable d'une
protection spéciale garantie par l'existence d'un contrôle de
constitutionnalité.
A. La signification politique de la constitution
1. La constitution est un instrument de limitation du
pouvoir
Comme le soulignait jadis Georges Burdeau, l'association entre
la notion de constitution et l'idée de limitation du pouvoir par la
« séparation des pouvoirs » a perdu de sa force
à mesure que le « prince » s'est en pratique
identifié au peuple. La constitution, émanant de ce dernier,
suppose une certaine conformité de vue entre les titulaires du pouvoir
et le peuple qui les institue, par l'opération constituante. Mais en
aménageant le pouvoir au sein de l'Etat et, en assurant
l'indépendance du pouvoir judiciaire, l'idée de la constitution
demeure indissociable à celle de liberté. (31(*))
2. La constitution est un acte des gouvernés
La constitution fixe les principes d'organisation du pouvoir
et, par conséquent les compétences des gouvernants et leurs
relations mutuelles. Elle est souvent désignée comme, le statut
des gouvernants. Mais en démocratie, ce statut n'a de sens que s'il est
la libre expression de la volonté des gouvernés. Ainsi, les
gouvernants exercent le pouvoir dans un cadre légal. Les règles
constitutionnelles fixées par le peuple ou ses représentants.
Du fait que ces règles émanent du peuple, le
pouvoir souverain, elles sont non seulement distinctes des autres mais
supérieures à elles : aussi ne peuvent-elles en principe
être changées que selon une procédure spéciale ou
particulière. Le cas échéant leur respect est
assuré par l'existence du contrôle de constitutionnalité.
Ainsi, les autres règles en particulier celles qui émanent du
parlement doivent-elles être conformes à la constitution.
(32(*))
3. La constitution est l'expression d'une philosophie
politique
Règle suprême que le peuple s'est donné
pour le gouvernement de la société, la constitution exprime une
philosophie politique. Cette dimension n'est certes pas nouvelle mais
revêt dans les démocraties contemporaines, une signification
particulière, dès lors que certaines règles, issues de ces
principes, font l'objet d'une protection spéciale. (33(*))
B. Constitution politique et constitution sociale
Maurice Hauriou a jadis distingué la constitution
politique et constitution sociale ; l'une règle l'organisation du
pouvoir, l'autre dessine les principes essentiels régissant l'ordre
social, singulièrement quant aux droits et libertés du citoyen.
Cette philosophie politique peut cependant n'être qu'implicite dans le
texte constitutionnel. Mais, le plus souvent, elle prendra corps dans un
préambule ou une déclaration des droits placés en
tête de la constitution exprimant à chaque époque, une
conception de l'individu et de l'Etat. Même dans une constitution
coutumière comme celle de la Grande Bretagne, les trouve-t-on
exprimés dans des textes fondamentaux comme la grande charte ou le bill
of rights. (34(*))
C. Le développement du contrôle de
constitutionnalité en France : décision du 16 juillet 1971
et le bloc de constitutionnalité
L'évolution et même la révolution
juridique, intervient le 16 juillet 1971, avec une très importante
décision relative à la liberté d'association
(décis. n° 71-44 DC). En effet, saisi par le Président su
sénat de la constitutionnalité d'une loi du 1er
juillet 1901 relative au contrat d'association, et tendant à
subordonner l'acquisition de la capacité juridique des associations
déclarées à un contrôle préalable de leur
conformité à la loi par l'autorité judiciaire, le conseil
constitutionnel déclare non conformes à la constitution certaines
dispositions de cette loi. Il motive sa décision en visant non pas tel
ou tel article de la constitution, mais son
préambule : « considérant qu'au nombre des
principes fondamentaux reconnus par les lois de la république et
solennellement réaffirmés par le préambule de la
constitution, il y a lieu de ranger le principe de la liberté
d'association... » En fondant son contrôle sur le
préambule de la constitution, le conseil constitutionnel élargit
considérablement les normes de référence du contrôle
de constitutionnalité, ce que l'on appelle souvent le bloc de
constitutionnalité. (35(*))
D. Le développement du contrôle de
constitutionnalité aux Etas unis : décision du 24
février 1803 : arrêt Marbury V. Madison
L'arrêt Marbury V. Madison rendu en février 1803
est une des plus célèbres décisions de la Cour
Suprême des Etats-Unis. Prise à l'unanimité sous la
présidence du juge Marshall, elle a eu une considérable influence
y compris hors de frontières de l'Amérique. Elle est intervenue
peu après la fin de la guerre d'indépendance, époque
où s'affrontaient les fédéralistes et les
républicains démocrates. En effet, peu avant son départ de
la présidence des Etats-Unis, John Adams avait nommé plusieurs
juges. En particulier, il avait affecté William Marbury comme juge de
paix dans le comté de Washington. Cet arrêt rendu par la Cour
Suprême des Etats-Unis le 24 février 1803 est, à bien
d'égards le plus important des arrêts rendus par cette cour non
pour l'importance de l'affaire jugée, qui est mineure, mais pour les
principes qu'il établit. La cour affirme la capacité pour les
tribunaux et en particulier pour elle-même, de juger de la
conformité des lois à la constitution et d'écarter, en ne
les appliquant pas, celles qui y contreviendraient. Ce principe donne à
la cour son pouvoir le plus important, et fait d'elle la première cour
constitutionnelle de l'histoire.
A cet effet, la cour soulève alors d'office le moyen de
l'inconstitutionnalité du judiciary Act : « on ne
peut présumer qu'il se trouve dans la constitution des clauses qui
soient sans effet ». Il pose ensuite deux principes majeurs : en
premier lieu, la supériorité de la constitution sur la loi n'est
pas une considération théorique, mais doit être mise en
pratique, avec pour conséquence la nullité des actes qui lui sont
contraires, ensuite, il appartient principalement au pouvoir judicaire
d'interpréter la constitution, et donc d'apprécier la
conformité des lois. C'est précisément le domaine et le
devoir du pouvoir judiciaire poursuit le juge Marshall, de dire ce qu'est la
loi. Ceux qui appliquent une règle à un cas particulier doivent
nécessairement exposer et interpréter cette règle. Si deux
lois se contredisent, les tribunaux doivent décider comment chacune
s'applique. Il en est ainsi si une loi contredit la constitution ; ou
conformément à la constitution, il doit ignorer la loi : le
tribunal doit déterminer laquelle de ces deux règles en conflit
décide de l'affaire. C'est l'essence même du travail du juge.
(36(*))
Supposons que tous ces critères réunis
c'est-à-dire le respect de la hiérarchie des normes,
l'égalité des sujets devant la loi, l'indépendance du
pouvoir judiciaire, la séparation des pouvoirs, le respect des droits de
l'homme, le contrôle de constitutionnalité et encore qu'il faille
y ajouter l'existence d'une souveraineté car un Etat de droit c'est
avant tout un Etat souverain.
7. La souveraineté
A condition de ne pas être totalitaire, l'Etat souverain
reste un Etat de droit, c'est-à-dire un Etat qui ne peut pas tout faire.
(37(*))
La souveraineté ou « plenitudo
potestas » que les auteurs allemands appellent « la
compétence des compétences » est cette puissance
absolue qui s'exerce sur un territoire et une population et qui donne aux
gouvernants le droit de commander. (38(*))
Pour Jean Bodin « la souveraineté est la
puissance absolue d'une République.
En somme, la souveraineté est la forme qui donne
l'être à l'Etat ; elle est un tout inséparable de
l'Etat auquel, si elle était ôtée, ne serait plus un Etat.
(39(*))
La personnalité de l'Etat ne suffit pas à le
caractériser car il existe : régions, villes, zones, qui en
bénéficient. Si on veut déterminer le critère
juridique de l'Etat, il faut ajouter à sa personnalité un
élément qui prétend n'appartenir qu'à lui. Cet
élément ne serait autre que sa souveraineté.
L'expression « souveraineté »
désigne, généralement un pouvoir suprême
c'est-à-dire qui ne relève d'aucun autre. En
réalité, elle est une notion complexe, en ce sens qu'elle peut
s'envisager sur deux plans : plan du droit interne et plan du droit
international, en ce sens aussi qu'elle a évolué avec le temps
qu'elle s'est présentée d'abord avec un caractère purement
politique, pour se transformer progressivement en une notion juridique.
(40(*))
A. La conception politique de la souveraineté
Cette conception développée par Jean Bodin, dans
ses six livres de la république, publiés en 1576, établit
une équivalence entre souveraineté et indépendance
absolue
Elle consiste à affirmer que l'Etat est affranchi de
toute espèce de subordination vis-à-vis de n'importe quel autre
pouvoir et porte, dans une large mesure, la marque de l'époque à
laquelle elle était formulée. S'agissant en effet, au
XVIe siècle et principalement, dans le royaume de France,
d'affirmer la suprématie du Roi sur les grands féodaux.
Cette indépendance de la France, vis-à-vis de
tout pouvoir étranger est affirmée dans deux brocards
hérités de légistes : « le roi ne
tient sa couronne que de Dieu seul » « le roi est empereur
en son royaume ».
Bien qu'elle ait été surtout mise au point pour
répondre à un besoin momentané, la conception politique de
la souveraineté-indépendance a été
conservée, en grande partie par le droit international. Elle est
à la base de la doctrine de l'indépendance fondamentale des Etats
et justifie le principe de non-intervention. Elle explique également que
les Etats ne se soumettent que volontairement à des arbitrages ou
à des procédures de justice internationale. (41(*))
Mais cette conception de la
souveraineté-indépendance a le défaut d'être absolue
et aussi d'être une conception négative, ne donnant aucun
renseignement sur le contenu du pouvoir souverain de l'Etat.
Aussi, lui a-t-on progressivement substitué une
conception juridique plus souple et plus explicative.
B. La conception juridique de la souveraineté de
l'Etat
Cette conception consiste à admettre que la
souveraineté est une propriété des pouvoirs du
gouvernement. Pour le gouvernement d'un Etat, il est nécessaire de
mettre en oeuvre un certain nombre des pouvoirs ou des droits : droit de
législation et de réglementation, de police, de justice, droit de
battre la monnaie, droit d'entretenir une armée, et ce qui
caractérise l'Etat, c'est qu'il a la disposition de ces pouvoirs de
gouvernement de ces droits régaliens essentiels.
Cette doctrine a la même origine historique que celle de
la souveraineté-indépendance. Elle fait elle aussi état de
la reprise progressive des droits régaliens, opérée par le
roi sur les grands féodaux. Mais elle a l'avantage d'être plus
explicative. Elle permet de comprendre que la souveraineté est
divisible, c'est-à-dire que le faisceau des droits de puissance publique
puisse être partagé et reparti entre divers titulaires. Elle
explique aussi, les partages de la souveraineté qui s'opèrent
dans le cadre de l'Etat fédéral, entre l'Etat central et les
Etats membres.
Dans tous les cas, on est parti de la constatation que l'Etat
détermine lui-même ses propres compétences et ses propres
règles fondamentales inscrites dans la constitution, lesquelles
conditionnent toutes les autres règles applicables sur son territoire,
sans exception, et pour l'observation desquelles il peut seul mettre en
mouvement la force publique.
La souveraineté peut alors être définie
comme un pouvoir de droit, il ne s'agit pas d'une situation de force mais d'un
pouvoir s'inscrivant dans l'ordre juridique qu'il fonde, initial parce qu'il
est à la source de cet ordre juridique, inconditionné parce qu'il
ne procède d'aucune norme extérieure, et suprême parce
qu'il n'existe aucune norme au dessus d'elle.
Si l'Etat est aussi à la source du pouvoir et du droit,
il n'en constitue pas pour autant la fin, sauf dans les conditions
totalitaires. Les compétences libérales ou démocratiques
assignent, pour finalité à l'Etat le bien commun des individus.
(42(*))
C. L'autolimitation de l'Etat par le droit
La souveraineté de l'Etat étant inacceptable,
nombre d'auteurs considérait qu'il n'existe pas de critères
juridiques absolus de la collectivité étatique, qui ne peut
être véritablement caractérisé que par ses
éléments historiques et politiques. Cependant, la
souveraineté n'est ni l'omnipotence ni l'arbitraire car si l'Etat est
maitre de son organisation, il en est prisonnier en ce sens :
Ø Qu'il se doit d'appliquer les principes qu'il a
lui-même posé
Ø Et qu'il ne peut s'affranchir du droit qu'en le
modifiant, c'est-à-dire en créant un nouveau qui continuera
à le lier. (43(*))
Mais à coté de l'Etat de droit, il existe un
certain nombre de situations transitoires qui, sans échapper à la
légalité ordinaire qu'exige un Etat de droit, diffèrent
cependant de celui-ci quant à leur mise en oeuvre. Tel est
l'intérêt porté au paragraphe suivant
§2. Les variantes de
l'Etat de droit
L'Etat de droit admet aussi plusieurs variantes à
savoir : l'Etat de police, l'Etat démocratique, et l'Etat
d'urgence.
1. L'Etat de police
On oppose généralement l'Etat de droit à
l'Etat de police (polizeistaat ou obrigkeitstaat : dans ce dernier, les
autorités publiques détiennent des pouvoirs exorbitants,
affranchis de tout contrôle. (44(*))
A cet égard, dans L'Etat de droit, l'existence d'un
contrôle efficace, que seules peuvent offrir des juridictions
indépendantes constitue la pierre de touche de l'Etat de droit.
L'Etat de droit est un Etat où, dans les rapports avec
les citoyens, l'administration est soumise à des règles de droit.
Les citoyens disposent donc d'une possibilité de recours contre les
décisions de l'administration (existence de juridictions qui jugent des
différents entre les citoyens et l'Etat). L'Etat de droit s'oppose donc
à l'Etat de police. Pour Carré de Malberg, « l'Etat de
police est celui dans lequel l'autorité administrative peut, d'une
façon discrétionnaire et avec une liberté de
décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes
les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l'initiative,
en vue de faire face aux circonstances et d'atteindre à chaque moment
les fins qu'elle se propose ». Dans l'Etat policier, les
autorités publiques détiennent des pouvoirs exorbitants
affranchis de tout contrôle. (45(*))
A l'inverse, l'Etat de droit est un Etat qui, dans ses
rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur statut individuel, l'Etat
se soumet lui-même à un régime de droit, et cela en tant
qu'il enchaine son action sur eux par des règles, dont les unes
déterminent les droits réservés aux citoyens, dont les
autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être
employés en vue de réaliser les buts étatiques. Cependant
il convient de préciser que l'Etat de police est aussi est un Etat de
droit mais à la seule différence que ce droit est
instrumentalisé par l'autorité pour à chaque fois
atteindre le but qu'elle poursuit.
2. L'Etat démocratique
En traversant plusieurs siècles de l'histoire des
nations et baignant dans des cultures si diverses, le mot démocratie
s'est chargé de significations multiples, précisées
souvent par des qualificatifs spécifiques. Mais le mot, adopté
par toutes les langues, a traversé, intact, l'histoire de toutes les
nations.
En effet, on ne s'entend pas sur la caractérisation
d'un Etat démocratique alors qu'on a aucune difficulté ni
réserve à définir l'Etat dictatorial, l'aristocratie ou la
tyrannie. N'est-ce pas étonnant? Cependant, un Etat de droit n'est pas
nécessairement un Etat démocratique mais tout Etat
démocratique est nécessairement un Etat de droit. De ce fait
l'Etat de droit apparait donc comme un prélude à la formation
d'un Etat démocratique. Il ressort de cette analyse que la
corrélation entre un Etat de droit et un Etat démocratique est
grande à la seule différence que L'Etat démocratique
garantit que le processus d'accession, d'exercice et d'alternance au pouvoir
permette une libre concurrence politique et émanant d'une participation
populaire ouverte, libre et non discriminatoire alors que l'Etat de droit
insiste surtout sur la soumission de l'Etat au droit.
3. L'Etat d'urgence
L'Etat d'urgence est une mesure prise par un gouvernement en
cas de péril imminent dans un pays. Certaines libertés
fondamentales peuvent être restreintes à cet effet comme celle de
circuler ou la liberté de la presse. L'article 4 du pacte international
relatif aux droits civils et politiques de l'ONU de 1966 régule au
niveau du droit international l'Etat d'urgence. (46(*)). Le comité des droits
de l'homme de l'ONU peut examiner les éléments constitutifs du
danger public invoqué et éventuellement solliciter
l'élaboration de rapports spéciaux.
Cependant, s'il n'est pas le seul régime d'exception,
il est sans doute celui qui remet le moins gravement en cause la
légalité ordinaire. La proclamation de l'Etat d'urgence ne permet
pas de déroger à certains droits fondamentaux et interdictions
absolues tel que le droit à la vie, les droits de la défense et
le droit de recours. (47(*))
En République Démocratique du Congo,
l'état d'urgence peut être proclamé lorsque des
circonstances graves menacent d'une manière immédiate
l'indépendance ou l'intégrité du territoire national ou
qu'elles provoquent l'interruption du fonctionnement régulier des
institutions, le Président de la République proclame
l'état d'urgence ou l'état de siège, après
concertation avec le premier ministre et les présidents des deux
chambres. (48(*)) Mais
l'Etat de droit est celui dans lequel les mandataires politiques, en
démocratie : les élus sont tenus par le droit qui a
été édicté sans dérogation aucune.
Ce faisant, quels sont alors les rapports qu'entretien l'Etat
de droit démocratique et d'autres notions qui lui sont
voisines ?
Section 2 : Rapport
entre l'Etat de droit démocratique et les notions voisines
En ce 21e siècle, les Etats se
caractérisent sous plusieurs modes de gouvernance. Ils sont
gouvernés tantôt sous une forme dictatoriale (§1)
tantôt sous une forme républicaine (§2), enfin orienté
et motivé uniquement par l'impérieuse nécessité de
la survivance de l'Etat d'où le fameux prétexte de la raison
d'Etat (§3)
§1. Rapport d'avec l'Etat
dictatorial
Dans l'Etat de droit, l'Etat est soumis au droit. La puissance
publique s'y trouve soumise aux normes qu'elle a édictées. Ce
principe est assuré par l'existence d'organes juridictionnels agissant
au nom de l'Etat mais indépendants de lui. Aussi, comme le souligne
D.Rousseau, l'Etat de droit « serait notre modernité en
tant qu'ensemble de valeurs, et de principes incontournables sur lesquels se
fondent les rapports sociaux, l'organisation sociale et l'Etat ».
C'est la constitution qui en explicite les contours fondamentaux. (49(*))
Aussi, dans un Etat de droit, les gouvernants sont soumis
à des règles de droit contenues dans la constitution et les
textes officiels qui la complètent « auxquels ils doivent
se soumettre, sans pouvoir les modifier si non en des formes spéciales,
solennelles et difficiles ». Le droit constitutionnel suppose que les
gouvernants sont considérés comme des hommes ordinaires, soumis
au Droit comme les sont les citoyens. »
Cependant, la dictature désigne un régime
politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les
pouvoirs de façon absolue, sans qu'aucune loi ou institution ne les
limitent. L'origine de ce terme remonte à la Rome antique où la
dictature désignait un état de la République romaine
où un magistrat (le dictateur) se voyait confier de manière
temporaire et légale les pleins pouvoirs en cas de trouble grave.
Etymologiquement, le terme vient du latin
« dictatura » qui désignait comme nous l'avions dit
à l'époque de la république romaine une magistrature
exceptionnelle qui attribuait tous les pouvoirs à un seul homme (le
dictateur), étymologiquement « celui qui parle ».
Cette magistrature suprême, assortie de règles de
désignation précises et temporaires (six mois au maximum),
était accordée en cas de danger grave contre la
République. Elle fut abolie après les dictatures de Sylla et
Jules César.
Le mot dictature désigne aujourd'hui ce que l'on
appelait plutôt « tyrannie » dans l'antiquité
ou despotisme dans l'ancien régime. Cette acception qui s'est
développée pendant la révolution française sert
surtout pour la période contemporaine.
Dans le domaine politique, on
appelle « dictature », un régime dans lequel
une personne (le dictateur), ou un groupe de personnes, disposant d'un pouvoir
absolu, s'y maintient de manière autoritaire et l'exerce de façon
arbitraire. Le caractère absolu du pouvoir se caractérise
notamment par l'absence de séparation des pouvoirs (exécutif,
législatif, judiciaire). Cette confusion des pouvoirs peut l'être
au profit de l'exécutif (cas le plus courant) ou au profit du
législatif (régime d'assemblée) il résulte aussi de
l'absence de contrôle démocratique et d'élections libres
(répression des opposants, le non-respect de la liberté de
presse). Si beaucoup de dictateurs arrivent au pouvoir à la suite d'un
coup d'Etat ou d'une guerre civile, il arrive qu'un dirigeant parvienne au
pouvoir légalement avant de devenir un dictateur.
§2. Rapport d'avec la
République
La démocratie et la république sont aujourd'hui
largement confondues. Néanmoins la démocratie vise davantage le
mode d'élection ainsi qu'un état social libéral tandis que
la république insiste sur la constitution ou les principes fondateurs
d'un Etat-nation, le plus souvent par opposition à une monarchie ou
à un empire.
Etymologiquement, la république ne renvoie pas à
un mode de gouvernement par le peuple comme le fait la démocratie, elle
renvoie à la res publica c'est-à-dire la chose publique et en ce
sens tous les Etats sont des républiques. Cependant, une
république peut être d'inspiration démocratique mais il ne
s'agit pas d'une condition nécessaire. La république de Venise
était par exemple une oligarchie dans laquelle seul un groupe de 1.000
à 2.000 patriciens de la capitale disposait de droits politiques sur un
empire allant du nord de l'Italie aux iles grecques. De nombreuses
républiques sont ou ont été des dictatures personnelles,
civiles ou militaires. A l'inverse, de nombreuses démocraties ont un
régime monarchique parlementaire.
En effet, la République désigne avant tout
l'objet même du pouvoir politique : le bien commun, la chose
publique (res publica). Par suite, bien sûr, c'est l'Etat de droit, un
gouvernement légitime (le pouvoir s'exerce sur les hommes libres, les
lois ne sont pas répressives mais plus précisément,
limitent les libertés afin qu'elles s'accordent entre elles et au bout
du compte soient mieux assurées). Dans ses six livres de la
république, J.Bodin définit la République par sa fin. Pour
lui, la République est un droit gouvernement de plusieurs ménages
(familles), et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine. La
démocratie donne un contenu à la République : elle
désigne un titulaire du pouvoir politique ou de la chose publique,
à savoir le peuple. Le lien entre la République et la
démocratie est donc complexe, et nullement un lien de synonymie :
en effet, s'il va de soi que la démocratie est républicaine, car
elle est un Etat de droit, la République, chose publique est une
personne unique, qui a les compétences nécessaires.
§3. Rapport d'avec la
raison d'Etat
Conçue par Machiavel dans « le
prince » dont la philosophie est peu encline à
l'éthico-juridique. La raison d'Etat envisagée dans le sens
d'user des moyens immoraux (crimes, ruse, perfidies, etc) pour atteindre son
but politique. Dans cette optique, la raison d'Etat serait la raison des plus
forts. En séparant la politique de la morale pour l'inscrire dans le
champ de rapports de force : « la fin justifie les
moyens », Machiavel aurait inventé la raison d'Etat. La raison
d'Etat désigne l'impératif au nom duquel le pouvoir s'autorise
à transgresser le droit dans l'intérêt public. (50(*))
La raison d'Etat est une théorie vitaliste du
politique, un point de vue ontologique qui préside à son
caractère absolu. L'Etat ayant pour but impérieux de persister,
la loi de la nécessité régira son fonctionnement. Il
n'acceptera de se soumettre à aucune autre maxime. Le gouvernement de la
raison d'Etat exige donc de proscrire toute norme dogmatique. John Lock va dans
le même sens avec beaucoup de
flexibilité : « comme la loi ne peut pas tout
prévoir, il faudra laisser aux gouvernants le bénéfice
d'un pouvoir discrétionnaire. (51(*))
Pour certains auteurs comme M.SENELLART (52(*)), la raison d'Etat est une
injustice institutionnalisée. C'est exactement contre Machiavel que
s'est développé le discours de la vraie raison d'Etat. Au
début du XVIIe siècle, s'opposent deux raisons
d'Etat : l'une vraie raison d'Etat et vraie règle de gouvernement,
conforme à la morale chrétienne et regardant toujours le
bénéfice du public ; l'autre seulement apparente, qui vise
qu'au seul avantage de celui qui s'en sert.
Cependant, comme on pourra le constater, alors que le
gouvernement d'un Etat de droit démocratique exige des règles
consensuelles, équitables et préalablement établies
auxquelles mêmes les gouvernants sont soumis, la raison d'Etat
apparaît donc de ce point de vue comme une particularité, elle
désigne l'impératif au nom duquel les gouvernants peuvent
transgresser le droit. La raison d'Etat évite le dogmatisme juridique,
pour elle avions-nous dit, l'Etat ayant pour but de persister, seule la
nécessité régira son action. Dans un tel gouvernement, le
moyen utilisé par le pouvoir ne tient qu'au but par lui poursuivi.
Enfin, la raison d'Etat en soi n'est pas une mauvaise chose.
Etant une notion relative, elle doit être bien cernée par les
constituants, avec de très bons garde-fous susceptibles d'éviter
les déviances. Sinon, leur absence laisserait libre cours à la
dérive d'une élite au pouvoir, aux idées dictatoriales en
puissance, soucieuse de réaliser son dessein égoïste et
pernicieux
CHAP II : LE PARI DE
L'EDIFICATION D'UN ETAT DE DROIT DEMOCRATIQUE EN RDC : ENJEUX ET
PERSPECTIVES
Le débat sur la méthode n'est pas totalement
nouveau. Il y a longtemps qu'on se demande si, pour faire évoluer les
relations sociales, il faut porter l'effort premier sur les hommes ou sur les
institutions, sur les usages ou sur le droit. (53(*))
La priorité devra être donnée dans le
cadre de ce travail au niveau des usages, chaque société ayant
ses problèmes spécifiques, le mal congolais est essentiellement
un problème d'hommes car on ne peut construire un Etat de droit
démocratique qu'avec des démocrates convaincus, respectueux de
lois et des valeurs républicaines. La démocratie étant par
ailleurs un état d'esprit, une culture politique supérieure et
élitiste incarnée par un ensemble de valeurs qui la sous-tendent.
S'agissant des institutions et de textes, disons
d'emblée qu'on en a tellement en abondance à telle enseigne que
parfois leur compréhension pose problème. De ce fait dans le
cadre de cette étude, l'effort premier sera porté non sur le
droit, ni moins encore sur les institutions mais, plutôt sur les usages
car en République démocratique du Congo, l'avènement d'un
Etat de droit démocratique demeure encore tributaire des comportements
humains.
Se proposant d'associer dans toute la mesure du possible
l'ensemble des citoyens à la gestion des affaires publiques, le
régime démocratique comporte en effet une très grande
variété de rouages destinés à faciliter cette
liaison. Il constitue aussi le type le plus élaboré et par
conséquent fort instructif d'aménagement constitutionnel. Mais
s'il sert à bien des titres d'exemplaires, le régime
démocratique est devenu fort ambigu. La plupart des pays s'en
recommandent quelle que soient leurs structures politiques réelles et
jamais expression n'avait été si répandue autant que
controversée.
Section 1 : Le pari
de l'édification d'un Etat de droit en RDC
Cependant, la prééminence du droit (rule of law)
reste le fondement de l'Etat de droit. Il soumet l'action des gouvernants
à l'emprise des règles préétablies. L'action des
autorités est disciplinée par des normes générales
et impersonnelles destinées à prévenir l'arbitraire :
le législateur est soumis à la constitution, les organes
juridictionnels et administratifs sont liés par les lois ». En
pareil système, « les gouvernants ne peuvent rien que ce
qu'ils sont chargés de faire » tandisque les particuliers,
peuvent tout faire, sauf ce qui leur est explicitement interdit. (54(*))
Mais cependant, examinons le degré de mise en oeuvre de
l'Etat de droit en République démocratique du Congo eu
égard à ses éléments constitutifs à savoir
la hiérarchie des normes, l'égalité des sujets devant la
loi, l'indépendance du pouvoir judiciaire, la séparation des
pouvoirs, le respect des droits de l'homme, le contrôle de
constitutionnalité et la souveraineté.
§1. Au niveau de la
hiérarchie des normes
Au-delà de la simple rigidification
d'une constitution matérielle préexistante, la formalisation
deviendra au contraire structurante dans la mesure où
l'intégration du droit constitutionnel matériel aboutit à
la réorganisation explicite de la hiérarchisation du
système. (55(*))
Dans un Etat de droit, il est nécessaire pour ses
citoyens de voir respecter et appliquer la norme suprême dans la mesure
où, détenteurs du pouvoir constituant originaire, ils en sont la
source. (56(*))
En effet, le Droit constitutionnel a pour finalité de
définir les conditions d'exercice du pouvoir au sein de l'Etat. Or, nous
l'avions vu, l'une des fonctions majeures des autorités étatiques
consiste à créer le droit destiné à régir
les institutions, et la vie sociale. Ce droit, de plus complexe, est
formé des normes de plus en plus nombreuses et diverses qui ne
pourraient être appliquées s'il ne définissait
lui-même une hiérarchie destinée à éviter la
confusion des normes. En RDC, depuis l'avènement de la constitution du
18 février 2006, le problème de l'ordonnancement juridique des
textes de lois ne semble plus se poser avec acuité car la constitution
définit elle-même l'ordre légal de succession de textes
juridiques.
Mais, un problème reste pendant à savoir celui
du respect dû à la constitution par les autres textes. En effet,
si en droit comparé par exemple la question du contrôle de
constitutionnalité peut être qualifiée de diffus car
laissée à l'appréciation de n'importe quelle juge saisi,
en RDC par contre cette question ne relève que de la compétence
du seul juge constitutionnel alors que jusqu'à ce jour la mise en place
de cette institution semble verser dans une léthargie profonde. Nous
formulons à cet effet le voeu de voir rapidement cette Cour être
mise en place afin de jouer pleinement son rôle dans l'instauration et
l'enracinement de cette démocratie naissante.
§2. Au niveau de
l'égalité des sujets devant la loi
En démocratie, l'égalité est une valeur
centrale. Les différences de statuts sociaux n'impliquent pas des
inégalités de droit mais uniquement des inégalités
de fait. La démocratie ouvre donc le champ des possibles en
éliminant les inégalités de droit. L'autorité d'une
fonction ne va plus alors se fonder sur la tradition, la coutume mais sur
l'accord contractuel des volontés de chacun.
De tout ce qu'on a vu précédemment
résulte l'émergence d'une vaste classe moyenne. Cette
égalité sociale ne signifie pas une société
égalitaire ; il ne s'agit pas de remettre en cause les
inégalités économiques mais de fonder une
société sur l'égalité juridique ainsi que sur la
mobilité sociale. Cela ne signifie pas non plus égalité
des conditions de vie, mais égalité dans les espérances de
réussite (et dans la dignité sociale attachée aux
individus)
Ce sentiment d'égalité pénètre la
société toute entière. Il transforme profondément
les relations humaines. Cette passion pour l'égalité amène
le changement social. Le passage à la démocratie sera lent et
inéluctable. L'égalisation des conditions entraîne le
rapprochement des niveaux de vie, donc une montée en puissance des
classes moyennes. C'est une société qui connaît une grande
fluidité sociale car les inégalités entrainent des
frustrations et des tensions sociales.
En République Démocratique du Congo, les
écarts entre riches et pauvres sont devenus de plus en plus croissants,
de telle façon que l'essentiel des richesses du pays est
concentré entre les mains d'un groupe minoritaire de personnes vivant
confortablement avec leurs familles pendant que l'ensemble du peuple croupit
dans une misère indescriptible, chose qui entraine la disparition d'une
classe moyenne au sein de la société et de ce fait, les riches
deviennent de plus en plus riches pendant que les pauvres continuent à
s'appauvrir davantage chaque jour qui passe. Dans un tel environnement il est
difficile voire impossible de parler d'égalité entre citoyens,
fondement d'un Etat de droit.
§3. Au niveau de
l'indépendance du pouvoir judiciaire
Le constituant affirme l'indépendance du pouvoir
judiciaire à l'égard du pouvoir politique. Il insiste sur la
nécessité d'instaurer un Etat de droit par un pouvoir judiciaire
indépendant. L'indépendance du pouvoir judiciaire n'est rien
d'autre que la faculté laissée aux magistrats d'exercer librement
leurs fonctions. (57(*))
L'émergence du constitutionnalisme est donc le
mouvement philosophique enclenché au XVIIIe siècle
visant à insérer le pouvoir politique, jadis absolu dans des
règles, très souvent écrites par la technique de
séparation des pouvoirs et surtout la protection des droits de l'homme.
Ces deux impératifs étant garantis par un pouvoir judiciaire
indépendant. (58(*))
Ce mouvement se meut lentement, voire encore très
lentement en RDC. Ainsi, la beauté des textes est trahie par la
pratique.
La démocratie est une culture élitiste,
c'est-à-dire qu'elle ne peut être manipulée à bon
escient que par un homme de culture supérieure, prêt à
tolérer le partage du pouvoir car finalement, la démocratie est
une vertu. En tout état de cause, la plus grande difficulté
à souligner dans le rapport entre la justice et la démocratie,
est qu'en rapprochant les deux réalités, la tendance actuelle,
encline au développement même de la démocratie, est que,
dans un Etat justement démocratique, les pouvoirs législatif et
exécutif tirent directement leur légitimité selon les
modes d'une investiture par le peuple souverain. En France, les jurés,
simples citoyens sont adjoints au juge, et aux Etats-Unis d'Amérique, la
nomination par le président de la république des juges
fédéraux doit être approuvée par le sénat.
Tout bien considéré, une bonne justice tire son
fondement de la démocratie car celle-ci a comme objectif principal la
mise en place d'un Etat de droit, à telle enseigne qu'en
démocratie, la justice se fait couronner de sa promotion. De cette
façon, l'on se doit de souligner en guise de conclusion, deux grands
rôles de la justice dans la démocratie : elle est une
garantie majeure contre l'arbitraire du pouvoir et en réalise par
là même la limitation.
En outre, la justice restera un élément
essentiel de la protection des gouvernés. La vocation essentielle de
l'homme étant l'autodépassement constant. Cependant, l'un des
problèmes de la démocratie en RDC, c'est l'absence d'un pouvoir
judiciaire réellement indépendant. Les magistrats ne se sont pas
toujours départis d'une certaine allégeance envers l'homme qui
les a nommés, le président de la République et le parti au
pouvoir pendant de longues années.
§4. Au niveau de la
séparation des pouvoirs
Initiée par Montesquieu au
XVIIIe siècle, la théorie de séparation des
pouvoirs se fixe pour but de limiter le pouvoir en organisant sa division par
la répartition des trois fonctions de l'Etat : législative,
exécutive, judiciaire à des organes distincts, disposant chacun
de moyens d'action réciproques pour empêcher l'autre de
l'absorber. Inspirée par l'exemple des institutions anglaises de
l'époque, cette théorie est devenue un dogme du
constitutionnalisme moderne, et une référence obligée,
bien que différemment interprétée. Si, prise à la
lettre, elle est devenue inapte à éclairer le fonctionnement des
régimes démocratiques, dans son esprit, elle demeure une source
d'inspiration et un de fondements classiques des régimes politiques.
(59(*))
Quant à la séparation des pouvoirs, il convient
de préciser qu'il s'agit d'une théorie liée à la
philosophie des lumières et préconisée par John Locke.
Cette théorie qui se fonde moins sur une vraie séparation que sur
l'équilibre des pouvoirs. En effet, élaborée en un temps
où les partis politiques n'existaient pas encore, en tout cas pas sous
leur forme moderne, la théorie de séparation des pouvoirs pouvait
apporter un équilibre entre les différents organes, maitres de
l'exercice du pouvoir, à telle enseigne qu'aujourd'hui où ce sont
les partis politiques qui animent la vie politique à laquelle les
institutions ne fournissent qu'un cadre formel, la distinction gouvernement et
parlement est remplacée par majorité d'un côté,
regroupant les partis vainqueurs des élections, et l'opposition d'un
autre coté, attendant sa revanche aux élections prochaines.
En définitive, en terme démocratique, l'Etat est
en réalité aujourd'hui le parti politique au pouvoir ou le parti
qui exerce le pouvoir de l'Etat. La démocratie est finalement
inséparable d'un pouvoir unique, lequel constitue la seule garantie des
luttes constructives des tendances politiques, qui régit le principe de
l'unité dans la diversité. Nous empruntons à Francis
KERNALGUEN cette déclaration du général De Gaulle dans un
discours le 31 janvier 1964 : « l'autorité
indivisible de l'Etat est confiée toute entière au
Président de la République par le peuple qui l'a
élu ; il n'en existe aucune autre, ni ministérielle, ni
civile, ni militaire, ni judiciaire qui ne soit tenue par lui »,
cette analyse ne nous autorise nullement de renier l'équilibre,
notamment organique, que cette théorie a imposé au paysage du
pouvoir politique.
L'hyperbolisation de la fonction s'opère au
détriment des autres pouvoirs notamment du parlement, qui au lieu
d'être un contrepoids du régime, devient par son
émasculation, un simple contrefort, si pas une simple chambre
d'enregistrement. (60(*))
Si certains voient dans les rapports entre le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif les indices sérieux d'un
régime présidentiel, qu'il nous soit permis estime le professeur
DJOLI, de remettre en cause leur cogitation pour la bonne et simple raison
qu'au fond il s'agit de la pratique présidentialiste. En effet, la
détermination d'un régime politique reste tributaire du
fonctionnement réel des institutions et non des rapports tels que
définis dans la constitution : quelle est de nos jours la valeur
attachée à la responsabilité gouvernementale lorsque
l'organe de contrôle juge préférable et à dessein de
se transformer en caisse de résonnance des décisions de
l'exécutif ? Quelle est la place de la dissolution de
l'assemblée nationale tant il est vrai que la culture politique du
politicien congolais est loin d'atteindre sa maturation et lui permettre par
conséquent de repenser la structure de laquelle il tire le
pouvoir ?
Au demeurant, nous sommes persuadés et convaincus de ce
que un tel régime reste une coquille vide, un panier à crabe, un
conglomérat d'amis, qui profitent de marquer leur époque avec
l'idée de l'inamovibilité, de l'immuabilité et de
l'immutabilité. (61(*))
§5. Au niveau du respect
des droits de l'homme
Si en occident l'Etat passe pour la
clé de voûte du dispositif sécuritaire des droits de
l'homme, dans les pays du tiers monde en général et en Afrique en
particulier, la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux est loin
de compter parmi ses missions essentielles et ne préoccupe que
très peu d'hommes au pouvoir. Certains estiment que dans ces pays, on ne
peut permettre à des personnes retranchées derrière des
droits individuels égoïstes de freiner et compliquer la tâche
de l'Etat, dont les moyens sont déjà insuffisants. En cas de
conflit entre les nécessités du développement et les
droits fondamentaux, les seconds doivent céder. La priorité
devrait par conséquent être accordée plus aux
progrès économiques et sociaux qu'au respect des droits de
l'homme. (62(*))
Le développement d'une nation ne se mesure pas
uniquement aux diverses ressources naturelles et aux potentialités dont
le pays peut disposer. Il est également tributaire de la capacité
de mobilisation des énergies capables de créer un espace
d'exercice et de protection des libertés individuelles et des droits
fondamentaux de l'homme. Ce rôle est dans un Etat moderne assuré
par un pouvoir judiciaire indépendant. (63(*))
Les fondements du respect des droits de l'homme et l'exercice
ou la réalité de libertés publiques restent les questions
relatives, c'est-à-dire lorsque nous observons la distance entre les
droits proclamés et les droits réels, il y a un divorce. La
question du respect des droits de l'homme au-delà de son
universalité pose le problème de sa contextualité et cette
contextualisation, loin de remettre en cause l'universalité des
libertés publiques et des droits de l'homme doit plutôt nous
amener à rechercher les causes de cet état de choses.
En effet, tout système juridique est lié
à un contexte culturel, historique et politique particulier. Le droit
est sûrement ce qui fait autorité mais ce qui fait autorité
ne tient pas seulement à la machinerie juridique, c'est-à-dire la
forme. Ce qui fait autorité tient surtout à un dispositif
invisible. La norme doit s'emboiter avec la représentation, à des
mythes, à de traditions, bref à la culture. (64(*))
Cependant, le positivisme ne doit être absolument que
juridique mais aussi sociologique, c'est-à-dire le droit ou le
positivisme doit s'entendre comme une réponse apportée par les
acteurs juridiques aux aspirations de la conscience collective autrement dit le
droit doit traduire les aspirations profondes d'un peuple, donc jouer le
rôle de miroir.
Le constat que nous pouvons tirer de cette affirmation est
qu'il existe très peu des textes, législatifs et
réglementaires en matière des libertés constitutionnelles
consacrées dont on ne sait pas appliquer faute de lois d'application.
Mais ce qui frappe à l'observation est que dans la pratique, on se
trouve rarement si pas jamais dans des hypothèses où ces droits
fondamentaux consacrés par des différents instruments juridiques
internationaux soient évoqués devant les cours et tribunaux. En
Droit international, tous les instruments juridiques internationaux consacrent
les libertés publiques et les droits de l'homme. Ces instruments ne sont
pas seulement philosophiques car la plupart d'entre eux font partie
intégrante de notre système juridique. (65(*))
On constate aujourd'hui que la problématique de la
garantie des droits de l'homme et des libertés fondamentales est au
coeur des relations internationales en ce que vu la recrudescence des
violations massives des droits de l'homme, les Etats se sont engagés
à promouvoir les droits de l'homme et les libertés publiques
reconnus aux citoyens. Les droits de l'homme constituent les piliers de la
démocratie. En revanche, la démocratie est un facteur de
promotion des droits de l'homme.
Par ailleurs, une véritable diplomatie des droits de
l'homme se cristallise et qui devra permettre au Congo, après toutes les
affres de la guerre, de redevenir une nation acceptable sur la scène
internationale. (66(*))
§6. Au niveau du
contrôle de constitutionnalité
En fait, la saisine du juge constitutionnel,
bien qu'elle soit intéressée, montre clairement d'abord, la
quête par les acteurs de la caution constitutionnelle légitime,
ensuite, l'existence au-dessus des acteurs d'une institution tierce
régulant les conflits d'interprétation. (67(*))
La constitution constitue une ressource de
pouvoir pour les juridictions constitutionnelles. Celles-ci, par le biais de
l'interprétation constitutionnelle authentique, peuvent, soit être
des rentières constitutionnelles se limitant à une
interprétation stricto sensu, soit devenir des entrepreneurs
constituants donnant sans cesse de nouveaux sens à la constitution ou
alors profitant du silence ou l'obscurité de la constitution pour
créer la norme. (68(*))
En définitive, le contrôle de
constitutionnalité est le reflet par excellence de la saisine de la
politique par le droit, mieux de la juridicisation et la juridiciarisation de
la vie politique. Ces glissements font craindre l'émergence
du « gouvernement des juges ». Mais il faut se
méfier davantage d'un gouvernement sans juge au sein duquel, la force
attachée à une dictature de la majorité politique
supplante celle du droit, le contrôle de constitutionnalité nous
permet de dire qu'on n'a pas juridiquement tort parce qu'on est politiquement
minoritaire. (69(*))
Le droit n'est pas une science exacte, c'est à dire
qu'à un problème donné, il n'existe pas une seule et
unique solution mais plusieurs. Une part de subjectivité entrera dans
l'analyse. Ceci est très net pour les dispositions de la constitution.
La façon dont sera composé sociologiquement, politiquement
l'organe chargé du contrôle, son jugement sur le respect ou le non
respect de la constitution variera. Or, on a pu dire qu'il ne fallait
« toucher à la constitution qu'avec des mains
tremblantes ». N'y a t-il pas quelque chose de choquant à ce
que cet organe définisse une interprétation de la constitution
conforme ou non à la volonté du constituant ?
Le contrôle étant en effet le plus souvent
attribué à un juge, celui-ci apparaît comme la, plus haute
autorité de l'Etat. Quoi qu'il en soit, toutes les constitutions ne font
pas la même place au contrôle de constitutionnalité. Le
choix existe entre une foule de possibilités. (70(*))
Le Droit constitutionnel n'est pas seulement constitué
par l'articulation textuelle. Il n'existe que par sa jurisprudence qui lui
donne consistance et assure la garantie de sa suprématie. Ce n'est
qu'à cette condition qu'il quitte l'étape métaphysique
pour accéder à la positivité. (71(*))
Dans cette perspective, les tripatouillages et les
révisions constitutionnelles afin de conforter son pouvoir et de s'y
maintenir constituent un exercice banal dans l'évolution
constitutionnelle congolaise ; le texte constitutionnel apparaît
comme un instrument de « stratégie politique qu'un code
contraignant et formaliste ; ainsi, le juge constitutionnel africain se
trouve dans une situation d'une grande dépendance à
l'égard du chef de l'Etat et son idée de juridicité, car
du fait de la personnalisation du pouvoir, tout contrôle de
constitutionnalité doit ménager la susceptibilité du chef
de l'Etat. (72(*))
Appréhendée à l'aune de la justice
constitutionnelle, la politique africaine apparaît comme abritant une
dynamique de forclusion de la violence physique, comme un instrument de
régulation du conflit. La justice constitutionnelle transforme
progressivement les manières de faire et de penser la politique. Cette
réalité, en dépit de sa relativité ne doit pas
être dénuée. Dès lors, la vie politique africaine ne
relève plus uniquement estime Luc SINDJOUN, du piège social de
Bothsein, c'est-à-dire de la méfiance
généralisée entre acteurs politiques traduite par la
faible coopération. La saisine d'une juridiction constitutionnelle comme
recours est un indice de confiance ; mais il reste que, d'une part, la
saisine du juge constitutionnel participe de la construction sociale de la
crédibilité institutionnelle, d'autre par, la décision de
justice indique la conduite légitime. (73(*))
Mais la politique constitutionnelle de la RDC semble poser
d'énormes difficultés, conduisant ainsi à une certaine
méfiance de la part des uns des autres. En effet, par politiques
constitutionnelles, il faut entendre le complexe produit par les
décisions et les non décisions, par l'expression et le silence
des autorités publiques qui à pour effet d'orienter la
rédaction, l'application, la réception ou l'interprétation
de la constitution dans un sens précis. (74(*))
Mais, s'appuyant sur l'article 87 alinéa 2 de
l'ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 relative à la
procédure devant la cour suprême de justice, s'agissant des
demandes d'annulation des actes, décisions et règlements des
autorités centrales qui dispose que : « La cour
apprécie souverainement quels sont les actes du conseil exécutif
qui échappent à son contrôle. (75(*))
Se fondant sur cette disposition, la Cour a pris cette
habitude malheureuse de se déclarer à chaque fois
incompétente quant à l'appréciation de
constitutionnalité des actes et décisions pris par les
autorités centrales. Il va sans dire que cette politique
constitutionnelle ne va pas sans inconvénient car, une de fonction de la
justice c'est essentiellement celle de trouver de solutions aux litiges qui se
posent en société, autrement dit, aucune situation ne peut rester
sans issue. Or, la cour étant l'instance la plus haute et à cela
la seule habilitée à exercer le contrôle de
constitutionnalité, cette attitude plonge dans une certaine confusion
car faudra-t-il permettre aux parties de rechercher autres solutions
qu'institutionnelles ? N'est ce pas là un déni de justice et
une insécurité judiciaire et juridique ?
Critiquant l'attitude de la cour, Laurent OKITONEMBO WETSHONGA
indique qu' « en se réfugiant derrière une
théorie controversée, surtout dans sa forme abandonnée
depuis plus d'un siècle partout où elle était
d'application, pour cautionner un acte manifestement illégal,
inconstitutionnel et inconventionnel. (76(*))
Dans le même ordre d'idée on se souviendra aussi
du recours en l'interprétation consistant à savoir si le premier
Ministre est ou non membre du gouvernement, recours qui est resté sans
suite jusqu'à ce jour.
§7. Au niveau de la
souveraineté
Si l'introduction de la souveraineté
comme fonction ou charge permet de poser politiquement la question de la
légitimité de l'exercice du pouvoir, la revendication
démocratique pourra s'appuyer sur cette théorie pour justifier
ses exigences. (77(*))
La souveraineté a le grand mérite de bien faire
comprendre ce qu'il y a dans l'Etat d'irréductible aux autres
groupements et collectivités. Les données de base dont elle
découle, et qui rendent un compte assez exact de ce que l'observation
fait découvrir de plus courant dans la vie nationale et internationale
permet, en effet de dégager une notion suffisamment claire et
précise de l'Etat. (78(*))
En effet, l'idée principale contenue dans
l'affirmation de la souveraineté de l'Etat est celle de procurer une
certaine indépendance tant interne qu'externe à l'Etat dans la
manière dont ce dernier compte s'y prendre. Nous devons garder à
l'esprit que la vraie souveraineté, la vraie indépendance
politique passe toujours par celle économique.
Cependant, en RDC, vu la modicité des moyens financiers
qui sont les sien, vu la recrudescence des problèmes de
société auxquels elle doit régulièrement faire
face, se trouve dans une impasse pour concilier les nécessités de
l'ordre public à celles de son développement d'où comme la
plupart d'autres pays africains se voit souvent obligée de recourir aux
pays mieux nantis qui lui fournissent aides et assistances, mais à quel
prix ? Si dans le cadre du programme d'ajustement structurel par exemple,
le FMI, la banque mondiale et les différents autres partenaires pour
annuler les dettes de la RDC doivent contrôler et orienter ses
dépenses en lui dictant une ligne de conduite par rapport à la
gestion des deniers publics et sa politique économique, on se demande
alors où serait sa souveraineté si elle ne peut pas
décider seule?
Comme on peut le constater, l'Etat de droit n'est donc pas
quelque chose qui serait établi au Congo suite à un coup de
baguette magique. Il est un problème de volonté, mieux un
problème de culture nationale, que devrait rejoindre en cela la culture
universelle du moment. (79(*))
Mais cependant ; quid de la problématique de
l'édification d'un Etat démocratique en RDC ?
Section 2 : Le pari
de l'édification d'un Etat démocratique en RDC
La démocratie est la forme de gestion la plus difficile
à réaliser. En tout cas, elle est plus difficile que la dictature
où les dirigeants imposent des ordres, suivant leurs propres visions du
monde, sans le moindre moment d'une discussion réelle. (80(*))
Examinons tour à tour la fondamentalité de
l'instauration d'un Etat démocratique en RDC, en se
référant à ses éléments constitutifs retenus
dans le cadre de ce travail qui sont : l'instauration du suffrage
universel direct, le pluralisme politique, le respect du principe majoritaire,
le respect des droits de l'opposition, le libéralisme politique et enfin
le respect de l'individu.
§1. Au niveau de
l'instauration du suffrage universel
Tout régime politique peut se réclamer de la
démocratie. Et dans les mêmes circonstances, il est très
aisé pour un chef d'Etat autocratique de se déguiser en
défenseur de la démocratie. Il suffit pour cela qu'il mette en
place des institutions (pluralisme tronqué) et des mécanismes
(élections) qui, permettent l'exercice de la démocratie pour
faire observer que son pouvoir est basé sur la liberté de choix.
En réalité, ces institutions et mécanismes cachent un
pouvoir politique extrêmement autoritaire et violant car ils ont
été créés et activés uniquement pour assurer
le contrôle des élections en faveur du parti unique et des
conditions, elles aussi uniques. (81(*))
Pour KAMTO, vu l'expérience africaine en matière
électorale et d'exercice de la démocratie, « la
détermination du caractère démocratique d'un régime
politique ne peut être fondée sur l'existence ou la non existence
du phénomène électoral comme procédé de
désignation des gouvernants, mais sur le caractère
compétitif ou concurrentiel des élections et sur leurs fonctions
de sélection car les procédés de choix des gouvernants
restent un des maillons essentiels du pouvoir politique et sa stabilité.
(82(*))
Mais il faudra souligner qu'en République
démocratique du Congo une chose est sûre ; ce qu'on a
réussi à remettre le pouvoir jadis longtemps confisqué par
la classe politique au peuple lui-même qui, en est originairement
détenteur par le mécanisme d'élections
régulières organisées tous les cinq ans. Cependant il
reste, ce faisant, un grand travail de fond à abattre car le peuple
congolais, dont la majorité est constituée de personnes non
lettrées, ne comprennent pas encore les rouages de la démocratie,
cette dernière étant encore d'apparition récente.
§2. Au niveau de
l'instauration du pluralisme politique
Le tribalisme, l'ethnisme ou le racisme est l'un des plus
graves dangers qui menacent la démocratie en Afrique. Après
l'instauration du multipartisme, de nombreux partis politiques
créés ont pris les couleurs de l'ethnie, de la race, de la tribu,
du clan ou même du lignage de leurs fondateurs
Répondant à la question du journalise Jean Louis
Remilleux à savoir : « Le MPR est un parti
unique ; vous en êtes le `'guide'' et pourtant vous parlez de
la démocratie ! Est-ce bien cohérent ? Et à
cette question du journaliste, le président MOBUTU répondit comme
suit : « En Afrique, à l'inverse, nos partis sont en
général unanimistes et rassembleurs. Mais ce que j'aimerai vous
faire comprendre, c'est que le degré de démocratie ne se mesure
pas au nombre de partis politiques. La Belgique par exemple, compte quelques
huit partis pour une dizaine de millions d'habitants ; est-elle 80 fois
plus démocratique que les Etats-Unis qui n'en ont que 2 pour plus de 200
millions d'américains ? Le multipartisme n'est pas consubstantiel
à la démocratie. Dans certaines circonstances socio historiques,
il peut même jouer contre elle. C'est ce qui s'est passé dans mon
pays. En 1960, nos colonisateurs belges nous ont légué le
multipartisme en même temps que la redingote et le noeud papillon. La loi
fondamentale bricolée par la Belgique a fait naitre 44 partis et 7
syndicats. Résultats : résurgence du tribalisme, rebellions,
guerres fratricides, faillite de l'Etat, balkanisation du territoire, 5000
morts, un fleuve de sang ». (83(*))
Les élections s'effectuent au sein et entre des partis
politiques concurrents, ceux-ci fonctionnent comme des institutions de
canalisation des diverses opinions des masses populaires qui adhèrent
à un idéal commun, lequel est estimé pouvoir le mieux
servir l'intérêt individuel et national. La pluralité des
partis politique est perçue, dans le monde occidental, comme une
pratique essentielle en dehors de laquelle il est tout simplement fallacieux de
parler de démocratie ; le système de parti unique n'est pas
capable, estime-t-on d'informer objectivement les électeurs et de les
aider à choisir, d'entre plusieurs, les points de vue ainsi que les
dirigeants les meilleurs, susceptibles de favoriser l'intérêt de
chaque citoyen et de la nation tout entière.
Dans un système démocratique, il y a toujours au
moins deux partis politiques. Ainsi, un régime démocratique est
nécessairement pluraliste : parce qu'il vit du conflit
fécond entre les différents partis. Et, l'opposition corollaire
du pluripartisme, fonctionne légitimement en tant qu'institution de
contre-pouvoir. Contre l'uniformisation totalitaire, le pluralisme impose que
personne ne détienne la vérité ultime de la
société et de son histoire ; il implique aussi, par
conséquent, non point qu'il n'y ait pas à rechercher la
vérité, mais que celle-ci ne pourra être approchée
que dans l'échange et la communication des points de vue partiels.
Ainsi, le jeu dialectique de la majorité et de
l'opposition permet d'identifier davantage les problèmes de la
société et d'envisager les meilleures voies de leur solution.
C'est pourquoi l'existence d'un parti `'opposé'' est conçue comme
terme ou germe de contradiction en l'absence duquel toute démocratie
s'abime à s'auto-contempler, cesse d'évoluer et finit par se
suicider. (84(*))
Mais, contrairement à cette idée
répandue, la doctrine se convient de plus de l'idée
que « si le pluralisme est indispensable, un trop grand nombre
de partis politiques en compétition brouille le jeu et nuit au choix des
électeurs. Le pluralisme exagéré peut devenir
difficilement contrôlable et profiter de la naïveté d'un
peuple démocratiquement occulté en l'attirant parfois vers de
partis politiques sans projet de société. Cet état de
choses démontre la nécessité d'une éducation et
d'une information démocratique dans notre pays car «
pour prendre une décision saine sur les questions qui le concerne,
l'électeur doit recevoir une information abondante et libre ».
La liberté d'information, aspect fondamental de la démocratie,
est la force vitale qui assure son bon fonctionnement.
§3. Au niveau du respect
des droits de l'opposition politique
Depuis 1960, la République Démocratique du
Congo a traversé plusieurs crises politiques qui ont mis à mal la
cohésion et les libertés publiques. L'acceptation
réciproque du pouvoir et de l'opposition a souvent fait défaut
pour assurer une démocratie apaisée. La mise en place d'un statut
de l'opposition politique en République Démocratique du Congo est
une innovation de son système politique.
Au regard du droit interne, elle constitue une mutation
juridique et politique d'importance voulue par le constituant de la
troisième république dans le but de sacraliser les acquits de
longues luttes pour la démocratie dans notre pays, tout en tirant les
leçons des échecs et des limites des expériences
démocratiques antérieures. Ce faisant, l'instauration d'un statut
spécifique de l'opposition politique participe à l'enracinement
de l'Etat de droit au coeur d'une démocratie apaisée suivant les
battements du rythme du calendrier républicain. (85(*))
Au terme de la loi organisant l'opposition politique en RDC,
il faut entendre par opposition politique, le parti politique ou les
groupements des partis politiques qui ne participent pas à
l'exécutif ou ne soutiennent pas son programme d'action aux niveaux
national, provincial, urbain, municipal ou local. (86(*))
Cependant, en République Démocratique du Congo,
la conception majorité-opposition pose problème. Pour les acteurs
politiques de la majorité par exemple, le mal ne peut provenir que de
l'opposition et cela vice versa. Cette attitude conduit même à une
certaine solidarité conjoncturelle tant des membres de l'opposition que
de la majorité. De ce fait les questions d'Etat n'existent pas car les
prises de position varient selon que l'on se trouve dans une même famille
politique ou non, pour eux seuls les intérêts de la famille
politique qui comptent quand bien même que ces intérêts
seraient contradictoires et incompatibles avec l'intérêt
supérieur de la nation.
Dans son rapport publié en janvier 2008 sur la
décentralisation en RDC, GRIP affirme que : si la tenue des
élections nationales et provinciales constitue en soit une
réussite remarquable qu'il convient de saluer, la lucidité
commande toutefois de garder à l'esprit les dangers de l'application de
la règle de la majorité dans une société
divisée. L'effet boomerang de ce qui peut rapidement être
perçu comme une dictature de la majorité peut se
révéler lourd de danger si des mécanismes de partage du
pouvoir ne sont pas simultanément mis en place. (87(*))
Si hier la dictature était le fait d'un individu qui
imposait sa volonté aux autres, de nos jours la dictature a
changé, elle est devenue le fait d'une famille politique au pouvoir,
constituant la majorité, imposant ainsi ses vues aux autres groupes et
à la nation toute entière.
Le débat opposition-majorité se confond entre
animosité et adversité car certes ils sont des adversaires
politiques, ne professant pas les mêmes vues quant à la gestion
de la chose publique, cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont
condamnés à demeurer dans une inimitié permanente mais
plutôt fédérer l'ensemble de leur force en interaction
constante pour ainsi faire avancer la nation.
Une autre difficulté ou limite de la démocratie,
et sans doute la plus fâcheuse, est l'absurdité ou la
déraison tyrannique qu'entraine parfois la règle de la
majorité. L'on sait que la pratique démocratique se fonde, en ce
qui concerne le processus décisionnel, sur l'importance numérique
des membres participants. La décision est en faveur de la position
exprimée par le plus grand nombre de personnes, et cette décision
se prend habituellement sous le mode du vote. L'emportant, la majorité
est autorisée à appliquer et à faire passer son programme
politique, et la minorité est obligée de se soumettre et
d'obéir aux règles qu'elle met en place. De cette manière,
la démocratie se présente, quoique de façon peu visible,
comme une tyrannie de la majorité et que déjà Alexis de
Tocqueville disait effrayante.
Mais elle est plus effrayante encore si cette majorité
est incompétente, non instruite, non informée, non
éduquée et mue par des considérations plutôt
sentimentales que rationnelles et objectives. La démocratie
manifestée dans le principe populaire de la victoire de la
majorité n'est justifiée que si cette majorité est
éclairée et capable d'indépendance d'esprit et
d'objectivité c'est-à-dire si la majorité est reconnue
apte à opérer des choix rationnels, raisonnables et justes en
faveur de toute la communauté. Bref, la démocratie ne signifie
pas seulement nombre, mais aussi qualité. (88(*))
Ainsi, Tocqueville écrit dans
la démocratie en Amérique : « je regarde
comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de
gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et
pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de
tous les pouvoirs (...). Lors donc que je vois accorder le droit et la
faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on appelle
peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une
monarchie ou dans une République, je dis : là est le germe
de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois.
A ce propos, une question mérite d'être
posée à savoir : quand est ce qu'on est opposant ? A
mon sens, l'opposition n'est pas un tremplin ni moins encore un blanchissement.
On est opposant quand on a une vision contraire dans la conduite de l'Etat par
rapport à la classe politique au pouvoir et que l'on croit devoir
apporter une nouvelle façon de faire, bref c'est une question de
conviction et d'état d'esprit. Or en République
démocratique du Congo, on ne devient opposant que quand on est pas
associé à la gestion de la chose publique ou quand on n' y trouve
pas son compte, donc c'est une question de vengeance personnelle même
sans avoir des alternatives concrètes à proposer au peuple
souverain.
Il convient de noter aussi que la loi organise plusieurs
niveaux d'opposition politique à savoir au niveau central, provincial,
local, municipal et urbain. Mais le constat tiré de la pratique montre
que l'opposition politique ne se retrouve qu'à Kinshasa, capital du pays
et siège des institutions alors qu'à travers la
république, dans des provinces, c'est l'institution du monolithisme
politique car, seul le parti politique au pouvoir n'a droit au chapitre. Au
niveau provincial et local, les choses évoluent encore comme si rien n'a
changé par une certaine violence et manque de tolérance sans pour
autant prendre en compte le fait qu'au niveau central, les institutions ont
largement évoluées, c'est comme si le Congo ne se limitait
qu'à Kinshasa et de ce fait les provinces ont leurs propres modes de
gestion.
§4. Au niveau du
libéralisme politique
Le libéralisme est le courant de pensée
bâti autour de la valeur des droits de l'individu, et qui propose
d'aménager la société de manière à assurer
et à garantir la liberté individuelle. La société
de droit ayant comme fin l'individu, les rapports entre gouvernants et
gouvernés doivent être organisés de telle façon que
la liberté du citoyen ne subisse aucune limitation de la part du pouvoir
à laquelle l'individu n'ait consenti en ayant participé à
la désignation des gouvernants.
J.J Rousseau disait : « le peuple pense
qu'il est libre, il se trompe fort, il ne l'est qu'au moment des
élections. Une fois les membres du parlement élus, il devient
esclave ».
L'individu est au centre du libéralisme. La plus haute
tâche de l'État est d'assurer et de défendre la
liberté individuelle qui est considérée comme
imprescriptible. La liberté individuelle étant aux yeux des
libéraux la norme fondamentale et le fondement de la
société humaine autour de laquelle l'État, l'ordre
politique et économique doivent être structurés.
En effet, il faut qu'un peuple jouisse de sa liberté
sous toutes ses formes pour pouvoir participer souverainement à
l'organisation du pouvoir à travers ses représentants car la
liberté est pour un peuple ou un individu synonyme de la vie elle
même. Cependant, la vraie liberté est le résultat d'un long
processus de la libération. Pour les congolais, ce processus
s'étend à la libération de la misère
socio-économique au sens pragmatique d'équilibre d'un minimum
vital.
Priver l'homme de son travail, c'est le rendre
économiquement dépendant. En effet, en RDC, la classe moyenne est
entrain de disparaître parce qu'elle a perdu son pouvoir d'achat.
L'idée de la liberté est intimement liée à celle du
développement économique. On ne peut être libre, affranchi
de toute contrainte quand on est économiquement dépendant.
Aujourd'hui l'état de pauvreté sans cesse accentuée du
jour au jour plonge le congolais dans une insécurité grandissante
et croissante au point même que sa conscience s'en trouve
annihilée. Il ne sait décider de lui-même, penser de
lui-même, bref il est tenu prisonnier par l'élite politique au
pouvoir qui dans la mesure du possible l'apporte régulièrement
aides et assistance ; dans un tel contexte, l'idée de la
liberté n'est qu'une pure utopie.
§5. Au niveau du respect
de l'individu
La source de légitimité de l'Etat se trouve dans
sa capacité à concilier l'ordre public et la liberté en
toute clarté avec le souci de réaliser l'intérêt
général et ensuite elle se trouve dans l'institutionnalisation
des droits de l'homme car l'Etat, le pouvoir politique n'existent que pour
servir la population et non le contraire. (89(*))
C'est pourquoi il est illogique et contraire au droit et
à la pensée politique originale de la population de se doter d'un
Etat et de croire que son créateur qui est la population
délègue aux acteurs politiques, à l'Etat tout le pouvoir
pour ensuite perdre sa liberté.
Dans la tradition chrétienne, l'individu est la fin de
la société, la fin de la politique, il est la fin du droit. En
fin de compte, l'individu est la source de la finalité du pouvoir
politique.
Le gouvernement démocratique ne sera donc pas
uniquement celui qui émane du peuple, mais celui qui respecte, voire
réalise, les droits et intérêts des citoyens,
considérant à cet effet que l'individu ne pourra produire de bons
résultats que lorsqu'il est motivé.
Comme le note Rousseau dans ses huit lettres de
montagne, « un peuple libre obéit mais ne sert pas, il
obéit aux lois, mais n'obéit qu'aux lois, et c'est par la force
des lois qu'il n'obéit pas aux hommes
Section 3 : Les
obstacles éventuels à l'avènement d'un Etat de droit
démocratique en RDC
Pour nous, les causes de la débâcle congolaise
sont multiples à savoir : l'enjeu politique international, la
mauvaise gouvernance, la décroissance économique, la
pauvreté de la culture politique, le manque de dialogue entre acteurs
politiques, le fanatisme et le clientélisme politique, les partis
politiques, l'absence de leadership et d'une pensée politique autonome ,
la sacralisation du pouvoir, le manque d'exigence du peuple et enfin
l'impunité.
§1. L'enjeu politique
international : une menace à la démocratie
Situé au centre de l'Afrique, la
République Démocratique du Congo apparaît comme le centre
diplomatique principal de neuf Etats de l'Afrique centrale. Kinshasa est
d'ailleurs l'intermédiaire diplomatique auprès des autres Etats
de la zone pour le compte d'un grand nombre des représentations
étrangères. Face à l'ensemble des autres
sous-régions africaines, la République Démocratique du
Congo se dégage nettement comme le grand lieu de convergence
diplomatique en Afrique centrale.
Compte tenu des facteurs déterminants de sa politique
étrangère, c'est-à-dire le facteur géographique, le
facteur démographique, et le facteur économique, la
République Démocratique du Congo est appelée à
jouer un rôle important en Afrique. Aussi est-elle devenue un enjeu des
puissances étrangères et en même temps un enjeu
géopolitique en Afrique. (90(*))
La communauté internationale est composée des
sujets du Droit international essentiellement les Etats et les organisations
internationales qui poursuivent des objectifs propres voire opposés ou
antagonistes. L'harmonisation de ces objectifs peut se faire par le biais de la
coopération bilatérale ou multilatérale. Les relations
internationales sont caractérisées actuellement par la fin du
conflit Est-ouest et par la dislocation de l'empire soviétique. Les USA
sont restés la seule superpuissance, néanmoins la Russie, la
chine et dans une certaine mesure la France s'opposent de manière
ponctuelle au leadership américain. L'union européenne avec 27
pays membres constitue également un pôle de puissance. Les
modifications fondamentales intervenues en Afrique appellent une
réorientation des objectifs de politique étrangère afin de
mieux les adapter à la nouvelle donne. (91(*))
La mondialisation sans cesse croissant de plusieurs
problèmes nécessitent plus de concertation ainsi que la recherche
des solutions à l'échelle planétaire telle que
l'endettement des pays en voie de développement, la
libéralisation du commerce international, la protection et la
préservation de l'environnement, le contrôle et la gestion des
flux migratoires, la lutte contre les endémies, la lutte contre le
commerce des stupéfiants et les crimes organisés.
Qu'on le veuille ou non, la réussite de la
démocratie en Afrique est également liée à ce qui
se passe en Europe et en Amérique. L'autoritarisme n'a pas seulement
été imposé, mais aussi appuyé durant toute la
période de la guerre froide par la communauté internationale. En
fait, l'élite politique et militaire n'aurait pas instauré des
régimes répressifs aussi longtemps et sans aucune
inquiétude, si ces derniers n'avaient pas l'approbation quasi-totale de
cette même communauté internationale. Au nom de la
géopolitique et de la philosophie consistant à avoir des hommes
forts pour gouverner l'Afrique, la communauté internationale n'a pas
hésité à appuyer des régimes répressifs et
sanguinaires. A titre d'exemple, ni les Etats-Unis d'Amérique, ni la
France et encore moins la Belgique, n'ont désapprouvé
l'assassinat en 1961 de Patrice Emery LUMUMBA et ses compagnons de lutte par
les autorité belges et les différents acteurs politiques
congolais, ou encore la pendaison d'Evariste KIMBA, Emmanuel BAMBA,
Jérôme ANANY et Alexandre MAHAMBA, le 4 juin 1966, par le
Lieutenant colonel Joseph Désiré MOBUTU qui, loin d'être
inquiété a, au contraire été encouragé de
continuer une telle pratique en vue de cimenter avec une main de fer, son
règne sur la RDC. C'est du reste pour cela qu'en signe de
congratulation, il a bénéficié de l'appui de ses amis en
occident durant toute la période de l'imposition de la dictature.
(92(*))
Cependant, depuis la fin de la guerre froide en 1989, les
intérêts de la communauté internationale ne sont plus
corollaires à l'autoritarisme, mais à la démocratisation.
La pensée sociale dominante en Europe profonde n'accepte plus
l'autoritarisme comme système politique pour la planète. Elle
prône la démocratie, les droits de l'homme, la bonne gouvernance
pour garantir le développement et la paix durables dont le commerce
international a tant besoin pour sa bonne marche. (93(*))
La CPI de la Haye par exemple traduit en justice tout
dictateur ayant commis des crimes contre l'humanité. Les aides
bilatérales et multilatérales de ces pays nantis sont de plus en
plus conditionnées à la mise sur place par les nations
bénéficiaires d'Etats de droit et l'application du respect des
droits de l'homme, de la démocratisation, de la bonne gouvernance.
D'ailleurs, les gouvernements et les institutions financières
n'hésitent plus à couper toute assistance à tout leader
récalcitrant. Les conceptions de la souveraineté et
d'inviolabilité des Etats sont de plus en plus mises en cause en faveur
de l'intervention pour l'intérêt des masses populaires
(ingérence humanitaire).
Cependant, il faut retenir que les puissances
économiques et politiques exigent des gouvernements responsables en
Afrique la démocratisation afin de répondre à leur
intérêt. L'enjeu de la géopolitique change le fusil
d'épaule selon les intérêts économiques et
politiques d'alors. Dans cet enjeu, il n'y a ni amis ni ennemis permanents, il
n'y a que des intérêts. Pour le moment, la pensée sociale
et économique de la mondialisation ne permettra pas aux
récalcitrants au mouvement de la démocratisation de se barricader
derrière des barrières idéologiques fascistes ou marxistes
pour justifier l'autoritarisme. L'heure a sonné en faveur de l'Etat de
droit, de la bonne gouvernance, la démocratisation, le respect de la
personne, l'alternance politique, le développement et la paix durables.
(94(*))
§2. La mauvaise
gouvernance
La bonne gestion des affaires de l'Etat est essentielle
à tout développement réalisé aussi bien dans un
régime politique autoritaire que démocratique. La capacité
d'un Etat de produire assez de biens pour satisfaire les besoins primordiaux de
la majorité de sa population constitue le résultat d'une bonne
gestion de la res publica.
Mais pour que cette croissance devienne une croissance
économique soutenue, il faut nécessairement une paix relative et
une administration publique performante et responsable. Or, la croissance
économique soutenue et la paix relative incitent le développement
et la paix durables grâce aux reformes sociales, politiques,
économiques et écologiques, en un mot, la démocratisation.
Si l'autoritarisme éclairé est très souvent
nécessaire au déclenchement de la croissance économique et
si la bonne gouvernance est fondamentale dans la consolidation de l'abondance,
par ailleurs, la démocratisation est essentielle à la
transformation de la croissance économique soutenue en
développement et en paix durables. La bonne gouvernance et la
démocratisation vont toujours de pair. (95(*))
Il s'avère néanmoins qu'en dehors de la bonne
gouvernance, il y a absence flagrante de croissance économique soutenue
et de paix relative sans lesquelles en effet il n'y aura jamais de
développement et de paix durable essentielles à la
démocratie.
La nécessité d'une transparence dans la gestion
des affaires de l'Etat a conduit Sylvain TSHIKOJI à faire une
distinction entre le raisonnable et le rationnel : pour cet auteur,
« le rationnel représente la recherche pour chacun de la
satisfaction de ses intérêts tandisque le raisonnable est
lié aux contraintes des termes équitables et
équilibrés de la coopération sociale communautaire. Il
renvoie au juste et au bien de tous et de chacun. Le raisonnable
présume, anticipe et conditionne le rationnel et suggère que les
hommes d'Etats s'impliquent dans la réalisation continuelle de la
conciliation entre le raisonnable et le rationnel » (96(*))
Aucune bonne gouvernance ne peut advenir si les dirigeants
manquent de rejeter la logique émotiviste-ethniciste pour marcher sur la
voie de la sagesse politique, mariant le raisonnable au rationnel dans la
gestion de la cité. (97(*))
La transparence dans la gestion constitue l'une des vertus
cardinales de la démocratie. Elle signifie sincérité dans
les rapports interindividuels et clarté dans l'administration des
affaires. Elle est une mise à la disposition du peuple concerné
de toutes les informations nécessaires, principalement les informations
névralgiques c'est-à-dire relatives à la gestion des
ressources humaines et financières. Toute gestion qui manque de
transparence émousse la confiance du partenaire. La transparence, fait
régner la confiance, génère l'entrain et la
disponibilité au dévouement et à la
générosité en faveur de l'affaire dont l'individu se sent
désormais co-responsable, dans la réussite comme dans
l'échec. (98(*))
La non satisfaction des besoins sociaux
considérés comme fondamentaux est source de plusieurs conflits
sociaux qui sont à la base de l'absence d'une bonne organisation
sociale. La bonne organisation sociale étant le fruit d'une bonne
gouvernance, nécessite une large vision politique pouvant l'assurer. La
RDC souffrant aujourd'hui de cette vision politique assure difficilement le
bien être social et mental de ses habitants et cela s'observe à
travers différents conflits que connaît le pays. La
défaillance de son système politique en est l'incidence.
Nous assistons ainsi à une crise de
développement de cette société étatique où
son mode de vie est totalement altéré. Le sous
développement devient accentué et donne naissance à des
antivaleurs qui font régresser de plus en plus cette
société congolaise. Il s'en suit que le gouvernement qui se
refuse à remplir un tel rôle dans la prise de conscience politique
pour le développement, ou en est incapable peut lui-même
être considéré comme obstacle au développement ou
comme cause fondamentale de pauvreté. (99(*))
§3. La
décroissance économique
La décroissance économique dans la plupart des
pays africains est un autre danger qu'a connu le processus de
démocratisation entre 1957 et 1990. D'une part le mouvement pour la
démocratie est entré dans la dense au moment où l'Afrique
est en voie de se sous développer, et d'autre part, la classe
ouvrière est entrain de disparaître parce qu'elle perd son pouvoir
d'achat. Alors que la démocratie est essentiellement associée aux
valeurs et intérêts de la classe moyenne qui renforce la
société civile en organisant des associations, des partis
politiques, des syndicats et différents groupes de pression pour limiter
et contrôler le pouvoir de l'Etat et pour exiger un gouvernement
responsable et compétent. (100(*))
Les frontières de la démocratie coïncident
à peu près avec celles du développement économique.
Tout n'est pas parfait dans les régimes démocratiques
eux-mêmes : le peuple s'y gouverne moins lui-même, qu'il n'est
gouverné par une étroite minorité. (101(*))
Dans ces conditions, le sous-développement ou
l'extrême pauvreté de la plupart des pays africains devient
également une entrave majeure à la démocratisation et
à l'organisation des élections démocratiques, libres,
transparentes et régulières. Comparée à
l'autoritarisme triomphant des trente premières années des
indépendances, la démocratie en Afrique relève sans aucun
doute de la vertu. Or, comme le faisait remarquer Saint Augustin, ce
«père de l'Eglise (catholique)» aux origines africaines,
«la vertu exige un minimum d'aisance» qui, malheureusement, fait
encore largement défaut au Congo.
A quoi l'indépendance a-t-elle servi, se demandent ceux
ou celles qui ont connu l'époque de la colonisation. De quel genre
d'élites pires que les colonialistes, avons-nous hérité,
car le maitre d'esclaves lui-même sait qu'il cesse d'être maitre si
ses esclaves ne mangent pas ! Les mobutistes défaits ont fait
l'expérience que nulle part ils ne pourront vivre mieux qu'au Congo,
pays qu'ils ont consciencieusement détruit. A qui toutes ces violences
imposées au peuple congolais ont-elles donc profité ? A qui
ont-elles servi ? Aux occidentaux ? Au peuple congolais ? Aux
mobutistes ? (102(*))
Le contexte socio-économique actuel est favorable
à toutes sortes de catastrophes, dans toutes les régions du
Congo. Comme lors de la crise économique des années 1920,
l'ampleur de la misère installée dans la durée est elle
qu'en désespoir de cause, la grande majorité des congolais
cherche un réconfort dans le messianisme ou les faux prophètes.
(103(*))
Sans l'indépendance économique,
l'indépendance politique n'est qu'un vain mot. Et à cela, la
stabilité politique a pour principale ennemi la famine et la
misère du peuple.
§4. La pauvreté de
la culture politique et démocratique
La culture politique se définit comme l'ensemble des
valeurs et croyances, d'attitudes qui guident et orientent le comportement
politique d'une société ou mieux, les
« normes » politiques de la société.
La culture politique est l'école du respect de l'autre,
de l'acceptation de la différence, de la tolérance et du
dialogue, de l'acceptation de l'alternance politique (savoir gagner ou perdre
les élections avec élégance). (104(*))
Pour donner naissance à une démocratie, la
culture politique doit comporter et responsabiliser le pouvoir de l'Etat pour
solutionner les conflits individuels ou collectifs, former des associations et
des groupes d'intérêts autonomes au sein de l'Etat, l'acceptation
de la tolérance d'opinions, le respect des droits individuels,
l'obligation pour chaque citoyen de participer à la bonne gestion de la
chose publique, son acceptation de pratiquer la politique, l'obligation pour
chaque citoyen de voter ou élire et le droit d'être voté ou
élu.
Cependant l'impréparation politique qui a conduit
à l'inculture politique est à la base de l'échec actuel du
processus de démocratisation du pays. (105(*))
La démocratie a essentiellement pour base la
discussion, la palabre et le débat. Il s'agit d'apprendre à
convaincre et non à vaincre, de gouverner par le dialogue, le
débat, la discussion, la tolérance, la transparence, le
compromis, le consensus, le consentement ; or depuis 1885 jusqu'aux
années 1990, l'Afrique noire n'a été gouverné que
par des régimes autoritaires qui n'ont pas favorisé chez
l'élite une culture politique démocratique. Pire que cela, la
classe politique a, dans sa majorité, refusé l'alternance.
(106(*))
La scène politique n'est pas un lieu de
déchirement, de querelles fratricides ou de suspicion de chapelle
nourrie de litanies interminables des accusations réciproques et
futiles. La scène politique est un lieu où les haches de guerre
politique visant des personnes et non leurs politiques ou leurs idées
sont déniées. C'est un lieu où sont oubliés tous
les vilains sentiments de rancune, de haine, d'égoïsme, de
tribalisme, pour impérativement faire éclore et cultiver la
liberté dans le respect des personnes et des biens, la paix sociale, la
tolérance, la convivialité, le travail bienfait pour le
développement du pays et l'esprit de la solidarité communautaire
africaine pour réaliser le « bien commun ».
(107(*))
La démocratie comme idéal, éthique et
pratique politique et le pouvoir politique en soi, comme
« apostolat » et éthique au service du bien commun
sont une constance dynamique de l'action politique. La politique, en termes de
pouvoirs politiques (organisation efficace de la société), est un
« apostolat », c'est une « profession de
foi ». Dans ce sens que : « s'engager en toute
intégrité à réaliser le bien commun, à
s'occuper des autres, en élevant le niveau de vie de la population par
le développement politique et économique relève
sincèrement d'une véritable profession de foi car un tel
engagement exige des qualités intellectuelles, un savoir faire et un
savoir moral, mais aussi un profond dévouement à servir les
multitudes.
L'élite dirigeante qui n'a pas de telles
qualités, un tel objectif, gouverne pour son propre intérêt
et non pour celui de toute la population. Ceci est une évidence eu
égard au virus dictatorial et à l'égoïsme
viscéral qui gangrènent l'élite politique congolaise.
C'est un vrai « apostolat » : rendre service aux
autres à travers la collectivité nationale ou locale,
réaliser l'intérêt général, avec l'amour d'un
travail bien fait, procurer à chaque habitant du pays concerné le
minimum vital, ceci est une véritable profession de foi qui exige
volonté et éthique politiques. Ainsi, on ne s'improvise pas
politicien parce qu'on sait parler et captiver l'attention des gens.
(108(*))
A ce propos NGOMA BINDA distingue 3 visées politiques
contradictoires : le politicien fonctionnaire, politicien
machiavélique et politicien éthique. Le politicien fonctionnaire
est la personne nommée ou élue mais qui arrive au pouvoir sans
conviction ni vision concrète pour la société. Son seul
intérêt est celui d'entrer en politique, et d'y figurer simplement
parce qu'il faut y être. Parfaitement passif, il se contente de toucher
ses honoraires, et d'accomplir des tâches routinières au fil des
jours comme un simple fonctionnaire. Il ne propose rien, et surtout il
s'interdit de s'opposer à toute suggestion ou option, même
erronée. Il est une carpe muette. Il ne voit en politique aucune
finalité autre qu'une occasion d'enrichissement, d'accomplissement
ponctuel d'une fonction de prestige et d'honneurs.
Le deuxième type de regard, qui est largement celui des
acteurs politiques de Etats africains modernes, considère le pouvoir
comme une propriété privée, personnelle et exclusive de
son détenteur, il est centralisé et exercé de
manière cynique, autoritaire et arbitraire, selon les humeurs,
émotions et préoccupations tout à fait personnelles.
Le troisième regard est éthique. C'est celui des
personnes qui considèrent le pouvoir comme une propriété
collective et un outil transitoire entre leurs mains dans le but d'aider la
communauté à mieux réaliser ses aspirations de vie
harmonieuse, prospère et heureuse. Le politicien véritable se
forge une vision communautaire de la réalité : il fait du
bien commun c'est-à-dire l'exigence de mettre en avant plan
l'intérêt de la nation entière, le motif unique de son
action dans la politique. (109(*))
A cet effet, la lutte politique au Congo se résume de
nos jours par : comment faire pour accéder aux ressources du
trésor public. Il y a peu la politique relevait en RDC du domaine des
initiés mais qu'est ce qui justifie à ce jour l'afflux massif et
l'attirance de tout un chacun vers la politique ? Il fait l'ombre d'aucun
doute que le congolais a compris que faire de la politique c'est gagner aussi
rapidement que prévu l'argent, bref s'enrichir.
Ainsi, certains auteurs et acteurs politiques parvinrent
à soutenir que l'origine de la crise congolaise est à rechercher
dans l'inculture politique, consécutive à un vide traditionnel
en cette matière. Cette thèse côtoie une autre, celle de
l'immaturité des individus. En effet, l'immaturité des individus
suggère des solutions de survie individualiste sans souci de
l'intérêt général. Celle-ci justifierait
l'incapacité des acteurs politiques congolais à se transcender
dans leur quête en vue de l'instauration d'une véritable culture
démocratique dans le pays. (110(*))
L'élucidation des sujets traités dans ce travail
concourt à l'émergence d'une nouvelle culture politique au Congo
en particulier, et en Afrique en général en attirant l'attention
des congolais sur la gravité de la situation et lancer en même
temps un défi à la jeunesse montante, pour qu'elle se
débarrasse des tares de la colonisation et se départisse de
l'inculture politique des générations antérieures en vue
de transformer les richesses potentielles dont regorge le pays en réel
bonheur.
§4. Le manque de dialogue
entre les acteurs politiques
Si la population qui est en grande partie analphabète
pratique encore l'art de discuter et de palabrer (kinzonzi) pour trouver des
solutions à leurs problèmes, par contre, l'élite
alphabétisée a perdu cet art parce que très pauvre en
culture politique. C'est là le grand danger de la démocratie, car
le développement démocratique risque d'être bloqué
et kidnappé soit par de nouveaux venus, soit par les anciens
détenteurs qui cherchent à reconquérir le pouvoir par tous
les moyens, et même par des voies démocratiques, sans être
démocrates convaincus. C'est la politique de « ôte-toi
de là que je m'y mette ». (111(*))
L'Etat est le lieu de neutralisation des
intolérances ; il est une des conquêtes importantes de la
modernité : c'est lui qui a permis à des gens qui se
détestaient de trouver une pacification par le droit, c'est parce qu'il
leur a offert sa rationalité froide que les belligérants ont pu
renoncer aux guerres de religion ; aussi aujourd'hui l'Etat
démocratique apparaît comme le seul espace rationnel
d'articulation démocratique des identités polysémiques.
(112(*))
Le monde moderne s'accorde que la meilleure manière de
régler des conflits et d'instauration de la paix demeure le dialogue. La
paix, la paix, et toujours la paix. Elle reste une valeur imprescriptible
à rechercher, une vertu à recommander. Autour d'elle, tout le
monde s'accorde parce que chacun, à son niveau de vie, reste tendu vers
elle. Cela revient à dire que la paix est le tout de l'homme et de tout
homme. Elle est une raison de vivre qui permet à chacun de prendre
conscience et d'apprécier pour lui-même et pour les autres la
qualité de la situation d'être co-partageant de la vie avec
autrui. De par sa raison naturelle tout homme est susceptible de se rendre
compte de la situation relationnelle qui nécessite, au nom de l'harmonie
et de la paix sociales, un certain équilibre vital entre les forces en
présence.
Une telle paix s'acquiert au bout d'un dialogue et d'un
consensus vrai autour d'un certain nombre de choses qui importent pour la vie
et la cohabitation commune. (113(*))
Comme pilier de la gestion fondée sur la participation,
le dialogue est, en cas de crise, un instrument de recréation de
concorde et de l'unité historique, du consensus et de la
solidarité communautaire. Or le dialogue suppose toujours
déjà l'entente sur la chose même du dialogue. Ici les
interlocuteurs s'effacent l'un et l'autre devant les choses qui engagent et
qui, en quelque sorte, imposent le dialogue et de ce fait, demeurent un trait
d'union entre les interlocuteurs. Ils seront ainsi par un intérêt
commun, un horizon encore flou vers lequel ils se tournent l'un et l'autre et
qui les obligent à se consulter pour en avoir une meilleure
appréhension.
Le dialogue vise une entente sur la chose, une quête en
commun de la vérité. Cela signifie que les interlocuteurs ne
vivent ni dans les horizons fermés, ni dans un horizon unique. Cela
suppose que sa propre vérité est toujours déjà
à l'épreuve de la vérité qui, elle, doit s'imposer
à tous ; son savoir est sujet au débat, à la
discussion. Car, c'est l'entente des interlocuteurs, des subjectivités
présentes, sur la chose même qui garantit l'objectivité, la
rationalité, l'universalité et le respect des accords conclus
à cet effet. Se refuser d'obéir ou d'observer l'entente, refuser
de respecter les clauses de l'entente, c'est se condamner à
l'état de nature, et donc à l'état sauvage.
La culture du dialogue refuse spontanément toute
violence, tout recours aux armes pour un quelconque règlement du
différend. Car, la violence c'est l'expression de l'état animal
de l'homme. La rationalité s'apparente à la civilisation qui veut
que les hommes se retrouvent être dialoguant et négociant ces
choses qui engagent la vie des peuples et des communautés. (114(*))
La démocratie a essentiellement pour base la
discussion, la palabre et le débat. Il s'agit d'apprendre à
convaincre et non à vaincre, de gouverner par le dialogue, le
débat, la discussion, la tolérance, la transparence, le
compromis, le consensus. Or en RDC de telles qualités font défaut
à l'élite politique congolaise, le débat entre opposition-
majorité se résume bien en un dialogue de sourd, stérile
et moins constructif, incapable de transcender leurs intérêts
politiques et de se retrouver autour d'une table afin de parler froidement de
ce qui leur est de commun et qui nous unit tous, à sa voir la
république. Pire que cela cette classe politique ne se
caractérise à longueur de journées que par des escalades
verbales à la télévision aussi bien qu'à la
radio.
§5. Le fanatisme et le
clientélisme politique
Dieudonné WAMU OYATAMBWE souligne que la palabre est
ensorcelée. Si, au fondement de l'authentique palabre il y avait
un « verbe ritualisé, vecteur de la vérité,
laquelle est la matrice de la concorde et de la solidarité, aujourd'hui
le genre du discours est celui du psittacisme : le déploiement
rhétorique de phrases et de notions que leur locuteur n'a pas
pensées, c'est-à-dire ne se préoccupe pas de confronter
à la réalité des situations non plus qu'à la
réalité de ses intentions et projets. (115(*))
L'attirance vers l'autre constitue le paradigme fondamental
pour la construction de tout essai d'explication sur l'essence de l'être
humain. Malgré tous les obstacles, malgré toutes les
difficultés, l'homme s'oriente vers la rencontre avec d'autres hommes
grâce à la conviction que ce n'est qu'avec les autres qu'il va
pouvoir faire davantage pour lui-même et pour les autres. (116(*))
En effet, le discours est constitutif du politique, et il a
toujours fait l'objet d'études philosophiques (depuis Socrate, Platon,
Aristote) psychologiques, linguistiques ou politiques. Les
représentations politiques par lesquelles les individus et les groupes
se reconnaissent, se distinguent, orientent leurs stratégies et leurs
conduites, résultent de l'entrecroisement des discours. Et, comme
Fréderic Bon le souligne si bien, le champ politique reste avant tout un
lien de langage, un champ de discours. (117(*))
La manipulation est un thème de réflexion
ancien. Encore Platon dans son dialogue Phèdre, fait une distinction
entre la parole belle (domaine d'investigation de la rhétorique) et
parole vraie (domaine d'investigation de l'analytique). Platon constate qu'il y
a un décalage visible entre ce qui est beau et ce qui est vrai dans la
parole. Si la rhétorique a été parfois
blâmée, alors le motif essentiel de cette attitude était
qu'elle a opéré une substitution immorale : la
vérité a été remplacée dans cet art de bien
parler par la beauté. Mais, par cela nous assistons à une
tromperie : le récepteur est induit en erreur. (118(*))
Le rôle de l'intellectuel et celui du politicien en RDC
semblent se confondre : on est à la fois intellectuel et politicien
engagé. Partant de cette confusion entretenue, on peut dire que
l'intellectuel recherche la vérité et le politicien recherche le
pouvoir. A ce sujet, les réflexions du sociologue français
Raymond Aron démontrent que « La vocation de la science
est inconditionnellement la vérité ». «
On ne peut pas être en même temps homme d'action et homme
d'études sans porter atteinte à la dignité de l'un et de
l'autre ». De même le politologue américain Murray
Edelman affirme que les rôles des théoriciens et des politiciens
sont tout à fait distincts.
Finalement, il serait vivement souhaitable qu'au Congo, la
différence entre l'intellectuel et le politicien soit clairement
déterminée, que la frontière entre l'un et l'autre soit
établie de manière nette pour que chacun puisse jouer son
rôle afin d'éviter une confusion qui ternit l'image de toutes les
parties. (119(*))
En République Démocratique du Congo au lieu que
chaque congolais dans sa parcelle du pouvoir et dans la sphère de
compétences qui sont les siennes réfléchissent sur ce
qu'il pourra éventuellement faire pou se rendre utile à toute la
communauté pour faire avancer la nation, passe plutôt
l'essentiel de son temps en se demandant ce qu'il pourra
éventuellement faire pour plaire au chef. Une telle attitude ne fait que
renforcer le clientélisme politique car chacun cherche tant bien que mal
à attirer et à plaire le chef afin de s'attirer des avantages
particuliers, l'espace politique étant de ce fait
caractérisé par la complaisance et la basse flatterie :
faire penser au chef qu'il est bon, que tout ce qu'il fait est bien, il n'a pas
à se reprocher, bref le soutenir même dans le mal pourvu que ses
propres intérêts politiques soient garantis quand bien même
que le solidarisme africain enseigne que dans le cadre de rapports de vie, le
bonheur individuel passe toujours par celui des autres, c'est-à-dire le
chemin du particulier passe toujours par celui de l'universel.
En effet, la gestion politique du système politique
étant tenue par les origines des telles ethnies, tribus, provinces, fait
que le système politique congolais soit incarné par ces ethnies,
tribus, provinces illustrant ainsi cette culture paroissiale qui rend la
capacité du système politique congolais faible donnant ainsi
naissance à des maux sociaux qui gangrènent la vie nationale. Ils
se démontrent dans la gestion politique du système politique
congolais par des comportements politiques tels que, la personnalisation du
pouvoir, la mauvaise gouvernance, les détournements, les rapports de
clientélisme politique, le trafic d'influence, des marchandages
politiques, la concentration du pouvoir, la non méritocratie, le
favoritisme, le patrimonialisme, etc. qui laisse peu de liberté aux
individus. (120(*))
Le culte de la personne devra céder la place au culte
de l'excellence et des idées et que les congolais devront apprendre
à épouser les idées et non les personnes. On peut s'en
douter mais le Congo a l'avantage nonobstant la multiplicité des tribus
qu'il regorge en son sein d'avoir un peuple homogène et à ce
titre, le clivage est-ouest dont on a toujours entendu parler n'est qu'un
alibi qui n'existe que dans le mental des hommes politiques permettant,
à chacun de se positionner.
§6. Les partis
politiques
L'élite politique africaine en général et
congolaise en particulier vouée dans sa totalité au régime
clos, confond volontiers, une fois au pouvoir, la structure du parti politique
avec celle de l'Etat. Le parti politique a pour objectif la participation d'une
façon démocratique à l'exercice du pouvoir. Il est en
réalité une véritable école d'apprentissage de
connaissances et de l'exercice du pouvoir politique. C'est un instrument qui
manifeste et interprète la volonté populaire. Dans l'exercice du
pouvoir politique, l'Etat est absolument distinct des partis politiques.
L'inverse nous plonge dans un
Etat-Parti « totalitaire ». (121(*))
Patrimoine communautaire, l'Etat ne peut en aucun cas
appartenir à une famille politique donnée,
représentée par les partis politiques. C'est un instrument que la
population a mis au point pour s'administrer, pour se gérer. C'est la
raison pour laquelle aucune tendance politique ne peut en revendiquer la
propriété, car par essence, l'Etat reste neutre. La
neutralité de l'Etat vis-à-vis du pouvoir politique et de la
société civile s'insère dans la logique de sa mission
d'intérêt général. (122(*))
En RDC par contre une telle neutralité exigée de
l'Etat est loin d'être observée dans la pratique. Il suffit pour
s'en convaincre de voir par exemple des autorités publiques avec des
écharpes de partis politiques, prenant fait et cause au nom du parti, de
cellules de partis politiques dans des entreprises publiques, toutes les
autorités de la territoriale entrain de battre au quotidien campagne au
nom du chef de l'Etat. Ainsi la structure de l'Etat s'en trouve
mêlée et confondue à celle du parti politique et de la
coalition au pouvoir.
L'étude de la manière dont sont
organisées le fonctionnent des partis politiques congolais permet
d'observer que ces derniers ne sont pas constitués sur des bases
démocratiques et idéologiques bien connues et comprises des
membres. A l'absence des programmes politiques crédibles et fiables,
s'ajoute une propension à l'autoritarisme dans la gestion de ces partis,
la configuration familiale, tribale ou régionale de leurs organes de
direction ainsi que la nature quasi secrète de leurs actes constitutifs.
L'absence des sièges identifiables et la non tenue des congrès en
vue de définir leurs projets politiques, le programme de formation de
l'opinion et de sélection de l'élite dirigeante. En sont pour
beaucoup. Sur ce point, on remarque que la majorité des membres de ces
partis naviguent à vue. Dans un tel contexte, la notion de l'Etat de
droit ne peut qu'être mal comprise si elle n'est pas
considérée comme un concept nouveau s'accommodant difficilement
avec la mentalité des acteurs politiques. Ces derniers accusent un
déficit d'éducation politique indispensable à l'exercice
des charges publiques. (123(*))
Le multipartisme signifie diversité d'opinions, de
pensée, or dans nos pays africains, la diversité d'opinions finit
par épouser la diversité tribale ou ethnique. (124(*))
Enfin, quel est le rôle d'un parti politique dans une
démocratie moderne ?, Est ce que nos partis politiques jouent ils
réellement ce rôle ? Si non pourquoi ? Voilà tout
autant des questions qui nécessitent de notre part des réponses
adéquates et appropriées pour pouvoir esquisser vers des
propositions concrètes.
§7. L'absence de
leadership et d'une pensée politique autonome
Cependant, la question qui se pose, est celle de savoir si la
démocratie congolaise doit être le mimétisme de la
démocratie occidentale ; et si non quelle doit être alors la
particularité de cette démocratie ?
A ce sujet le Président, MOBUTU dans une interview
accordée à Jean Louis Remilleux disait : « je
crois profondément que l'histoire particulière de chaque pays et
de chaque civilisation aboutit à un système politique et culturel
propre, à des règles du jeu spécifiques dont il est
toujours dangereux de s'éloigner. Même le chemin de l'universel
passe par la culture locale, tout simplement parce que la ferveur doit
s'exprimer dans des formes accessibles à tous. Pas de solutions toutes
faites, il en est de la culture comme de la démocratie : notre
adhésion à un principe universel ne doit pas conduire à
l'abandon des spécificités locales. Je ne préjuge pas
renchérit le président MOBUTU de l'évolution des partis
politiques en Afrique, mais ma conviction d'aujourd'hui est que c'est le
système le mieux adapté aux réalités de l'Afrique
d'aujourd'hui, à notre mentalité et à notre culture. Dans
nos villages, la démocratie a toujours existé : c'est
l'union autour d'un chef à la recherche du consensus avec les notables,
par la technique de la palabre sous l'arbre. C'est que nous appelons au MPR la
démocratie de juxtaposition, à l'opposé de la
démocratie conflictuelle, la votre. Le fait est là : nos
ancêtres ne nous ont pas légué votre philosophie de
l'opposition, ce dont on a pu prendre conscience lors de notre malheureuse
expérience du multipartisme.
Les peuples se dotent chacun du système qui leur
convient : nous réclamons donc le droit à la
différence, le droit de penser par nous-mêmes et de créer
des systèmes politiques et démocratiques qui nous soient propres.
La démocratie étant d'essence locale, elle doit évoluer
d'elle même dans son contexte et à son rythme. »
(125(*))
Du point de vue de la forme, des principes de base, on
pourrait d'emblée dire que la démocratie congolaise doit suivre
la démocratie occidentale. Cependant, compte tenu du fond, les principes
de base qui fondent la démocratie libérale restent les
mêmes dans la pratique, les réalités de chaque pays ou
continent divergent. (126(*))
De ce point de vue, il faut aussi que le mimétisme
institutionnel face aussi l'inverse car pourquoi est ce que le Congo devra
toujours se présenter dans le concert de nations comme si elle n'avait
rien à proposer en contre partie.
L'arrivée du colonialisme n'a pas favorisé
l'essor de la démocratie car ce dernier a instauré la
négation des droits, l'animalisation de l'homme noire et cela va
perturber la conception africaine au lieu de réaliser la synthèse
entre la civilisation occidentale et celle africaine, cette rencontre sera
dissolvante estime le professeur DJOLI. (127(*))
L'Afrique doit donc trouver une autre voie et, pour y
parvenir, elle doit inventer sa propre démocratie non pas dans
l'individualisme et le libéralisme, mais plutôt dans le
communalisme, le sens de la solidarité, du partage, de la retenue, en un
mot dans l'humanisme.
Car, depuis que le vent de la démocratisation a
commencé à souffler sur le Continent africain, la confusion
institutionnelle s'en est trouvée plus grande, les guerres civiles plus
nombreuses et plus meurtrières, les querelles intestines plus
exacerbées, la pauvreté et la misère plus
généralisées, les dictatures plus atroces, même si
elles se sont savamment camouflées du manteau de la
légitimité conférée par des élections en
réalité toujours entachées
d'irrégularités.
L'exercice du pouvoir en Afrique doit reposer essentiellement
sur le sens du partage. Tant que le législateur africain n'aura pas tenu
compte de « l'arbre à palabres », lieu traditionnel de
rassemblement, à l'ombre duquel on s'exprime sur la vie en
société, les problèmes du village, la politique afin de
prendre des décisions concertées, il y aura toujours des coups
d'Etat et des coups de force, des arrestations postélectorales, des
contestations de résultats électoraux, des assassinats
politiques, des amendements et des révisions constitutionnels, ... en un
mot, l'instabilité politique qui freine tout effort
développement...
Toutefois, africaniser la démocratie ne veut
pas dire doter l'Afrique d'une démocratie au rabais, c'est tout
simplement forger une démocratie respectueuse des principes fondamentaux
en droits de l'Homme, mais aussi de réalités africaines positives
comme le sens du partage et la solidarité, entre autres.
Si la religion musulmane peut servir de base à une
prise de conscience commune pour les arabes par exemple, la musique pour les
autres, en RDC par contre il nous manque un repère commun ou un objet
pouvant ainsi mobiliser l'ensemble du peuple, un catalyseur des énergies
dans lequel chaque congolais peut se réclamer et se retrouver. Chaque
fraction ou groupe étant ainsi retranché derrière des
intérêts parfois mesquins.
§8. La sacralisation du
pouvoir
La culture traditionnelle africaine avec la sacralité
du pouvoir peut être un frein majeur à l'avènement d'un
Etat de droit démocratique en RDC. Le positivisme sociologique
considère le droit comme une réponse apportée aux
aspirations de la conscience collective.
L'ensemble des institutions politiques constitue ce que l'on
appelle le pouvoir politique. Celui-ci n'est d'ailleurs reconnu par le droit
constitutionnel que dans la mesure où il est institutionnalisé,
c'est-à-dire qu'il s'est dégagé de la personne de ses
titulaires pour s'attacher à une entité abstraite. (128(*))
Parmi les raisons qui retardent l'avènement de l'Etat
de droit en République Démocratique du Congo, on note
l'identification de l'individu à sa fonction, ou plus exactement la
confusion entre l'autorité et la fonction qu'elle exerce. Perceptible
dans le chef de bon nombre de citoyens, cette constatation conduit à
soutenir que la majorité des congolais se résignent à
s'attaquer directement aux actes des autorités publiques. (129(*))
Le 04 juillet 1966, dans son face à face avec la presse
justifiant la pendaison d'Evariste KIMBA, Emmanuel BAMBA, Jérôme
ANANY et Alexandre MAHAMBA, le Lieutenant colonel Joseph Désiré
MOBUTU dit : « le respect dû au chef, c'est quelque
chose de sacré et il fallait frapper par l'exemple. Il fallait couper
court à cela pour que les gens ne puissent plus
recommencer ».
L'épisode Armand Tungulu en est trop
révélateur à ce sujet. En démocratie, le
président de la république est un citoyen. Ce n'est pas pour
autant , une façon pour nous de légitimer l'acte par lui
posé car étant lui-même déjà incivique, nous
faisons simplement remarquer que pour certains le fait qu'il ait lapidé
le cortège présidentiel constituait de fait grave alors qu'on se
souviendra qu'il y en a eu avec le président américain où
une jeune dame s'est manifestée en publique, récemment en France
avec Sarkozy, avec le pape Jean Paul II, mais vous conviendrez avec moi que la
gestion de l'acte combien incivique n'était pas la même, sans nul
doute cela se justifie par la compréhension que nous avons du chef.
La question n'est pas de moindre importance dès lors
qu'elle évoque le souci de la conciliation entre le droit positif
souvent importé de l'occident et quelques pratiques africaines
(soumission au chef, absence de contestation et d'opposition dans la gestion de
la cité).
Il est à cet égard permis de se demander si,
dans la perspective de la fonctionnalité de l'Etat, la rencontre entre
le droit écrit et la coutume, celle-ci est une percée ou un
raté. Evariste Boshab pense que dans bien de cas, le droit écrit
est avalé par le droit coutumier. Pour lui, « si la coutume
peut avaler le droit écrit, il se pose un double problème :
soit il s'agit des mauvaises lois et le peuple se fera justice en les ignorants
purement et simplement ; soit la légitimité de l'appareil de
l'Etat ne semble pas suffisamment forte pour que la population se sente
automatiquement obligée d'exécuter ses décisions.
(130(*))
§9. Le manque d'exigence
du peuple
Tocqueville disait : « dans
toute démocratie, le peuple a les gouvernants qu'il
mérite ».
Les acteurs politiques congolais au lieu de servir de semeur
de lumière aux leurs, ils continuent comme eux à demeurer
plongés dans le tribalisme, l'ethnocentrisme et le régionalisme,
qui constituent des obstacles au développement. Ils aggravent par le
sous développement du Congo en ce que chaque fraction tribale cherche
à s'arroger des droits particuliers, voire des avantages, des
monopoles.
Le professeur KAMUKUNY estime qu'en Afrique en
général, et en République Démocratique du Congo en
particulier, les gouvernants ont pris l'habitude de garder par devers eux
la « magie de la connaissance exclusive des dispositions
constitutionnelles. L'entreprise leur permet d'avoir une certaine emprise sur
une population souvent ignorante de ses droits constitutionnellement garantis.
Cet état de choses éloigne bon nombre de citoyens de la
connaissance et de la compréhension de la constitution. (131(*))
Placés dans ces conditions (ignorance de la
constitution et de leurs droits), il est peu probable que les gouvernants et
les gouvernés soient absolument tenus au respect de la constitution, des
lois de la république et aux valeurs du constitutionnalisme.
L'effort de chaque congolais devrait tendre d'une part
à sortir spirituellement de son clan, de sa tribu, de sa région,
d'autre part à détruire par l'éducation, la formation et
la conscientisation, l'ethnocentrisme pour faire siennes les valeurs
fondatrices de la conscience nationale. (132(*))
Il n'y a pas de démocratie forte sans un peuple fort,
un peuple qui connaît non seulement ses devoirs et obligations envers
l'Etat et le pouvoir politique mais aussi les devoirs de ceux-ci envers lui et
des droits dont il devra bénéficier pour son
épanouissement. Or comme on venait de le faire remarquer, l'élite
politique congolaise qui, dans sa majorité est lettrée au lieu de
se constituer en semeur de lumière entre les leur, cette dernière
continue d'ailleurs à les abroutir davantage dans le but d'entretenir
leur ignorance afin de mieux leur manipuler et de se servir d'eux comme
appât en vue d'accéder et de rester au pouvoir aussi longtemps que
cela puisse paraître possible. De ce fait le manque d'information du
peuple, son ignorance constitue un fond de commerce politique pour
l'élite politique aux idées pernicieuses, retranchée dans
la recherche des intérêts égoïstes et dans sa
quête effrénée d'un positionnement politique.
De ce fait le manque d'exigence du peuple congolais est
dû non dans une intention délibérée de sa part mais
plutôt par un déficit criant d'information entretenu à
dessein par son élite qui, au demeurant est censée
l'éclairer. Il suffit pour s'en convaincre de regarder autour de nous et
d'observer ce qui se passe au quotidien dans les rapports entre peuple et
gouvernants, rapports dans lesquels le peuple fait montre d'une ignorance
extrême ne sachant même pas les fondamentaux de la
démocratie, à savoir quel est par exemple le rôle du
président de la république en démocratie, d'un
député, d'un ministre au mieux du gouvernement, quels sont ses
droits en tant que peuple, détenteur originaire du pouvoir politique.
D'autre part, les élections pluralistes et
démocratiques n'ont aucun sens si la majorité du peuple et des
leaders politiques est incapable de comprendre les règles du jeu ni sa
finalité; si les électeurs ne sont pas en mesure de se prononcer
de manière réfléchie et responsable sur le choix des
hommes devant les gouverner et les politiques qu'ils proposent; si le cadre
constitutionnel lui-même, le régime politique, les lois
électorales leur sont totalement inconnus. C'est l'épineux
problème d'éducation politique des masses et aussi des leaders
politiques qui est indispensable à l'avènement d'une
démocratie vraie et durable en RDC. L'éducation à la
démocratie et aux élections est une tâche cruciale qui
conditionne très largement la qualité et la réussite des
élections sur le continent et appelle l'engagement de tous ceux qui
militent pour la démocratie en Afrique. Tout comme les élections
elles-mêmes, cette éducation exige des moyens et des
infrastructures matérielles et financières.
La démocrate est fondée sur le voeu de
posséder des dirigeants dotés de très hautes
qualités sociales, intellectuelles et morales. Elle se veut un
gouvernement du peuple pour le peuple, par les meilleurs choisis par le peuple
parmi les meilleurs au sein du peuple. Elle exige l'excellence non seulement
des représentants du peuple, mais aussi de leurs électeurs, qui
doivent opérer le choix pertinent le meilleur. Tout choix non
fondé sur des analyses et des arguments rationnels et raisonnables est
en tous points semblables à un tirage au sort minable. (133(*))
On peut se plaindre aujourd'hui de la qualité de
l'élite dirigeante et de l'homme politique congolais, mais alors une
question reste pendante qui est celle de savoir si l'on mérite mieux
que cela. Cette classe politique étant cependant le reflet de la
société congolaise.
En définitive, il faut reconnaître que si la
masse est mal informée ou peu éclairée, le pouvoir pourra
la manipuler et l'influencer plus facilement qu'il ne pourrait le faire
à l'égard des populations informées.
§10. Le manque du sens de
l'histoire et de la reconnaissance des mérites des uns et des autres
Pour prévenir l'avenir, il faut connaître le
passé, car les événements de ce monde ont en tout temps
des liens aux temps qui les ont précédés.
Créés par les hommes animés des mêmes passions, ces
événements doivent nécessairement avoir les mêmes
résultats. (134(*))
En RDC, la population est convaincue que les intellectuels qui
ont choisi de faire de la politique active leur métier, ont
échoué parce qu'ils n'ont pas réussi à
répondre aux attentes et aux espoirs de tous, malgré leurs
compétences et leurs positions dans la hiérarchie au sein des
institutions de l'Etat. Devenus politiciens, ces intellectuels se sont servis
au lieu de servir. De ce fait, ils sont accusés par la population
d'être en partie responsables de sa misère. Et pour réfuter
ces accusations, ces politiciens se posent en victimes d'un système
politique dans lequel ils auraient allègrement évolué sans
pouvoir réel. (135(*))
Mais paradoxalement, tous les régimes politiques,
depuis l'indépendance jusqu'à ce jour, négligent
l'enseignement par lequel la science est transmise et font appel à des
individus incultes ou à des « intellectuels »
recrutés non pour leur compétence, mais pour leur militantisme.
Ainsi, les véritables compétences se retrouvent dans la rue ou en
exil, pendant que des aventuriers et des pseudo-intellectuels prennent place
dans des bureaux et participent aux instances de décisions.
Voilà ce qui confirme la prophétie du feu
professeur ILUNGA KABONGO qui a publié, il y a une vingtaine
d'années, un article dont le titre reste
d'actualité : « La problématique de la
recherche scientifique en société bloquée : le fond
du problème ». Décédé en exil, ce
politologue congolais avait prédit « qu'un jour on
établira des corrélations fatales, à savoir par
exemple : que la mortalité infantile augmente dans la même
proportion que le nombre des médecins docteurs ; que la
détérioration de l'état des routes et des bâtiments
publics est directement proportionnelle au nombre d'ingénieurs produits
par l'université ; que le déficit alimentaire augmente avec
le nombre d'ingénieurs agronomes, etc. » (136(*))
Déjà au lendemain de nos indépendances,
le collège des commissaires auquel MOBUTU a fait recours pour lui
confier la gestion du pays a posé le premier acte de démission de
l'intelligence sur notre sol. Il s'est plongé dans l'illusion de vouloir
sauver la nation sans analyser avec lucidité les enjeux de la situation
néocoloniale dans laquelle nous étions entrés ni à
chercher à comprendre ce qui se trainait derrière le surgissement
de MOBUTU sur la scène politique de notre pays. Ce péché
originel, a été suivi d'autres démissions de
l'intelligence. Le manifeste de la n'sele et la mise sur pied du système
de la dictature n'ont été possibles que parce que des
diplômés se sont courbés devant le nouveau maitre du pays
pour servir et élaborer pour lui les principes et les stratégies
de domination. Le mouvement populaire de la révolution (MPR), comme
parti unique et cadre de destruction de la liberté, n'a pu
s'épanouir que par la force d'une élite asservie au pouvoir et en
quête d'une visibilité sociale de nouveaux riches.
Comme avec ce parti unique de MOBUTU, l'alliance des forces
démocratiques pour la libération (AFDL) de Laurent
Désiré KABILA a débarqué à Kinshasa avec sa
propre cohorte d'intellectuels qui ont inauguré une nouvelle
période de la démission de l'intelligence. Du mobutisme, on est
passé au kabilisme, avec les mêmes principes, les mêmes
comportements et les mêmes pratiques sociales des intellectuels au
service du prince, sans aucune distance critique par rapport aux
réalités ni aucune capacité d'éclairer le pouvoir
sur les enjeux véritables de la situation du pays. (137(*))
Aujourd'hui, avec le président Joseph KABILA, les
mêmes personnes reprennent avec les mêmes comportements, les
mêmes pratiques et attitudes. Faudra-t-il attendre l'après
pouvoir, pour afin reprendre la routine : « c'était
la faute du système ».
Voilà un jugement à l'emporte-pièce que
le lecteur découvre à travers plusieurs publications
d'intellectuels politiciens ayant collaborés avec lé
régime déchu. Ces publications s'affichant comme des preuves
accablantes de la mauvaise gestion des affaires de l'Etat durant la
deuxième république. Quant aux reproches formulés à
l'encontre du régime MOBUTU, ils ne semblent pas avoir atteint les
intellectuels qui ont vite fait de se désolidariser de la gestion
catastrophique du pays. Combien eu le courage de démissionner pour
manifester leur désaccord avec un système politique non-conforme
à leurs convictions ? Se demande Freddy MULUMBA (138(*))
Il n'y a pas continuité de l'Etat et cela se traduit
généralement par le fait que lorsqu'une nouvelle classe politique
arrive au pouvoir, l'ancienne a souvent tendance à aller en exil. Et que
de ce fait le premier acte que cette classe politique au pouvoir pose c'est de
réfuter tout ce qui a été fait avant elle et de
considérer que tout est reparti à zéro, dans ce contexte
peut on espérer au progrès alors que chaque fois que nous sommes
obligés avant le changement de régimes de repartir chaque fois
à zéro ?
Les congolais devront se réconcilier avec l'histoire et
la responsabilité de chaque congolais en général et de la
classe politique et de l'élite intellectuelle en particulier serait
celui de restituer au peuple son histoire, transcendant toute
subjectivité car aucune nation à travers le monde ne peux se
bâtir et se développer sans prendre en compte sa propre histoire
et son passé. Et à ce sujet, la reforme de notre système
d'éducation et d'enseignement s'impose car à quoi servira le fait
par exemple d'enseigner aux générations futures l'histoire de la
France, de la Rome antique, si au demeurant ces derniers ne maitrisent
même pas l'histoire congolaise ?
§11.L'impunité
Dans une société
démocratique, l'exercice des charges publiques ou l'accomplissement d'un
mandat électif doit être considérée comme une
obligation et non pas une entreprise lucrative. L'accession au pouvoir ne peut
pas être assimilée à la recherche du gain facile, à
la loi du moindre effort ou au positionnement personnel. Tel ne semble pas
toujours le cas en pratique. La majorité des acteurs politiques
congolais font de la politique non pas pour rendre service ou accomplir un
devoir, mais pour en tirer un profit personnel. (139(*))
La lutte contre l'impunité est une valeur
constitutionnelle qui exige que les gouvernants soient comptables de leurs
actes. L'absence d'une réelle responsabilité politique et
pénale des gouvernants ne peut qu'aggraver leur impunité et
portant retarder l'avènement de l'Etat de droit.
La justice exige que l'Etat respecte et use des moyens
à sa disposition pour faire respecter le principe de
l'égalité de tous devant la loi, et eu égard aux chances
de succès personnel. Une société démocratique
apparaît donc comme une société à haut degré
de justice. Elle est un Etat de droit et qui travaille avec le maximum
d'efficacité dans la sanction, négative et positive à
faire respecter le droit, la justice, la légalité, et à
faire éclore les talents utiles à la vie et à la
prospérité de la société et de chacun des citoyens
qui la composent.
La corruption constitue un mal qui détruit les
individus et les nations. Si elle permet aux uns de s'enrichir, elle ravage en
même temps des milliers de foyers où elle sème le
dénuement, la pauvreté, la misère. Aucune nation ne peut
se développer si les citoyens versent dans la corruption, la concussion
et le détournement des deniers publics.
De telles pratiques détraquent le fonctionnement
normal des services de la nation. Elles sont contraires à la loi et
à la morale, et doivent être découragées par une
punition exemplaire. Une nation qui désire se développer et
progresser est donc obligée de mener un combat sans complaisance contre
la corruption. (140(*))
Aucune gestion du pouvoir ne peut être efficace si elle
ne s'appuie sur les valeurs républicaines mais aussi sur l'exigence de
la sanction sans complaisance des actes individuels et collectifs posés
dans la cité. Il s'agit, négativement, de punir avec rigueur et
conformément à la loi les personnes dont les actes ou la conduite
s'écartent à la loi, les personnes dont les actes ou la conduite
s'écartent des règles requises mais il s'agit aussi de rendre
hommage et d'encourager les actes civiques, efforts et talents qui font honneur
au pays et concourent à son progrès.
La juste sanction rigoureuse est ce qui a manqué le
plus dans nos pays africains post-coloniaux. Des individus et des groupes
ethniques se sont comportés avec barbarie, désinvolture et sans
égards pour les autres. Et ils sont généralement
restés impunis. L'impunité est une porte ouverte au laisser-aller
et à l'anarchie. Une bonne gestion du pouvoir doit fixer tant soit peu
correctement les espaces de liberté ainsi que les limites d'action des
individus et des collectivités ethniques, en même temps qu'elle
doit assumer la tache délicate de réprimer les errements. Aucune
ethnie n'a le droit ni de soumettre une autre ethnie ni de lui priver les
moyens de vie et de succès.
En résumé, on retiendra qu'une bonne gestion du
pouvoir se conforme à un ensemble de principes dans lesquels se
perçoit, visiblement ou en filigrame, de l'exigence éthique. Elle
doit être démocratique et, comme on l'a vu plus haut, toute
démocratie véritable est basée sur la vie morale des
gouvernants et des gouvernés quant à leurs devoirs envers la
nation et les concitoyens. L'éthique politique impose donc d'instituer
la justice politique comme principe fondamental dans la gestion du pouvoir.
(141(*))
L'impunité reste ce faisant l'un de plus grand maux
qui gangrène la société congolaise, la corruption est
instituée de nos jours comme mode de gouvernance et de gestion de la
cité.
Il convient de préciser avant de terminer ce
paragraphe que la sanction dont nous en appelons dans ce travail n'est pas
seulement juridique mais aussi sociale. En effet, si hier dans nos
sociétés primitives traditionnelles tout membre de la
communauté qui posait des actes contraires à la conduite sociale
exigée et à l'ordre établi se voyait voué à
l'isolement, à l'indifférence et au rejet des autres membres du
corps social pour ainsi marquer leur indignation, de nos jours une telle
culture semble s'écarter de notre vécu quotidien car, au lieu de
subir une désapprobation de tous, les marginaux sont par contre
ovationner par le public quand bien même que leurs comportements ne
s'accommoderaient pas aux exigences sociales élémentaires .
Mais enfin que faire pour bâtir un Etat de droit
véritablement démocratique en RDC ? Telle est la substance
de la section suivante.
Section 4. Le nouveau
Paradigme démocratique Pour La République Démocratique Du
Congo
Lorsqu'on considère le poids des limites potentielles
auxquelles est soumise la construction de l'Etat de droit, on a l'impression
que la notion pourtant indispensable à la démocratie et au
développement du pays semble s'éloigner des portes de la
République Démocratique du Congo. Eprouvant les
difficultés de rassembler le critère de définition d'un
Etat de droit démocratique, Robert Badinter s'est résolu de ne
proposer que quelques réflexions. L'auteur affirme
qu'il « n'y a dans un Etat de droit démocratique de
modèle préétabli : il y a plutôt des principes,
ce qui n'est pas la même chose. Il n'y a pas, pour parvenir à un
Etat de droit démocratique, de recettes pures : il y a que des
expériences, avec des conséquences que l'histoire de chaque pays
permet de dégager. (142(*))
Compte tenu des ambivalences relevées dans
l'édification d'un Etat de droit démocratique au Congo, il nous
parait utile, sans s'enfermer dans des considérations théoriques
et stériles de proposer de façon beaucoup plus pragmatique
quelques lignes de conduite à suivre afin qu'en République
Démocratique du Congo soit bâtie une démocratie florissante
au coeur de l'Afrique. Pour ce faire il faudra pour la RDC :
S'agissant de l'organisation de sa politique
étrangère, la RDC doit procéder à la
réorientation de sa politique étrangère afin de mieux les
adapter à la nouvelle donne car dans le concert de nations, il n'y a pas
des Etats amis mais seulement des intérêts amis. Il est temps pour
la RDC de bien définir ses intérêts
socio-économiques et politiques avec le reste de ses partenaires au
monde. Cette bonne gestion des affaires de l'Etat étant essentielle
à tout développement réalisé aussi bien dans un
régime politique autoritaire que démocratique. Mais pour que ce
développement devienne une croissance économique soutenue, il
faut nécessairement une paix relative et une administration publique
performante et responsable mettant ainsi à la disposition du
travailleur un minimum d'aisance vital car un individu ne peut produire des
bons résultats que lorsqu'il est motivé
Il s'avère néanmoins qu'en dehors de la bonne
gouvernance, il y a absence flagrante de croissance économique soutenue
et de paix relative sans lesquelles en effet il n'y aura jamais de
développement en RDC et de paix durable essentielles à la
démocratie car la transparence dans la gestion constitue l'une des
vertus cardinales de la démocratie. Toute gestion qui manque de
transparence émousse la confiance du partenaire
Aussi, Alors que la démocratie est essentiellement
associée aux valeurs et intérêts de la classe moyenne. Les
frontières de la démocratie coïncident à peu
près avec celles du développement économique.
Comparée à l'autoritarisme triomphant des trente premières
années des indépendances, la démocratie en RDC
relève sans aucun doute de la vertu. Or, comme le faisait remarquer
Saint Augustin, ce «père de l'Eglise (catholique)» aux
origines africaines, «la vertu exige un minimum d'aisance» qui,
malheureusement, fait encore largement défaut au Congo.
Cependant, la démocratie a essentiellement pour base la
discussion, la palabre et le débat. Il s'agit d'apprendre à
convaincre et non à vaincre, de gouverner par le dialogue, le
débat, la discussion, la tolérance, la transparence, le
compromis, le consensus, le consentement. Le monde moderne s'accorde que la
meilleure manière de régler des conflits et d'instauration de la
paix demeure le dialogue. La démocratie a essentiellement pour base la
discussion, la palabre et le débat. De ce fait, les acteurs politiques
congolais doivent de plus en plus capitaliser cet autre atout essentiel pour
l'avènement de la démocratie en RDC car les expériences
antérieures ont démontré que dans une démocratie
naissante comme la notre, le consensus est le seul moyen qui puisse garantir
une paix durable et assurer un certain minimum de confiance entre les
acteurs.
Quant aux partis politiques, disons tout de suite qu'ils sont
en réalité une véritable école d'apprentissage de
connaissances et de l'exercice du pouvoir politique. A ce titre en RDC, vu la
multiplicité des partis politiques qui ne cessent de naitre du jour au
jour, allant même jusqu'à brouiller le paysage politique, il y a
lieu de penser autrement quant à l'avenir de ces partis politiques. A ce
titre il faudra par exemple conditionner l'agrément d'un parti politique
à un minimum d'aisance matérielle et financière car on ne
crée pas un parti uniquement pour le plaisir de le faire, mais il faut
cependant s'assurer des moyens de pouvoir le faire fonctionner à tous
les échelons de la vie nationale et assurer sa pérennité
et dans ce même ordre d'idée, ces partis politiques doivent
répondre à certains préalables à savoir :
Comment ils sont différents des autres partis existants?. Comment le
programme de ces partis sera-t-il profitable pour le citoyen moyen? Au lieu
d'assister impuissant à la formation de partis politiques multiples
ayant les mêmes vues mais seulement se disputant le problème de
leadership.
L'étude de la manière dont sont
organisées le fonctionnent des partis politiques congolais permet
d'observer que ces derniers ne sont pas constitués sur des bases
démocratiques et idéologiques bien connues et comprises des
membres. A l'absence des programmes politiques crédibles et fiables,
s'ajoute une propension à l'autoritarisme dans la gestion de ces partis,
raison pour laquelle ces partis politiques survivent difficilement en l'absence
de leurs leaders. Au demeurant les partis politiques en RDC devront pour
l'avenir se bâtir autour des idées fortes et que la
présidence de ces partis devra se faire de manière rotative par
voie d'élections organisées régulièrement. Cela
aura l'avantage de permettre à ces partis de continuer le combat et de
survivre même à l'absence du leader et de ne pas s'identifier en
lui.
Enfin, il faut africaniser la démocratie congolaise. En
effet africaniser cette démocratie ne veut pas dire doter la RDC d'une
démocratie au rabais, c'est tout simplement forger une démocratie
respectueuse des principes fondamentaux en droits de l'Homme, mais aussi de
réalités africaines positives comme le sens du partage et la
solidarité, tout cela étant bien sûr soutenu par un
système judiciaire efficace et indépendant, ajouter à cela
une éducation civique des citoyens, clé d'une démocratie
réussie. Et tout bien considéré, l'élite
intellectuelle en général et politique en particulier ont
chacune, dans sa sphère de compétence une responsabilité
majeure dans la construction d'un Etat de droit démocratique en RDC.
CONCLUSION
Cette étude est partie de deux constatations majeures.
La première, observant les violences qui accompagnent toujours les
périodes préélectorales, électorales et
post-électorales en Afrique en général et en
République Démocratique du Congo en particulier, nous avons
été amené à réfléchir sur la
corrélation qui puisse exister entre l'Etat de droit et la
démocratie ou mieux que deviendrait la démocratie si on la
détachait des élections. Et il a été clairement dit
que la corrélation entre Etat de droit et une démocratie est
grande d'autant plus que toute démocratie est nécessairement un
Etat de droit mais tout Etat de droit n'est pas nécessairement un Etat
démocratique. S'agissant des élections, il a été
prouvé que celles-ci sont l'expression la plus évidente et la
plus achevée de la liberté. On est libre que quand on est
à même de choisir.
La seconde, nous avons été poussé
à nous demander si en RDC, contrairement au texte, le jeu
démocratique se joue comme il se doit et à ce titre vu les
différentes pratiques qui rongent encore la scène politique
congolaise nous avons constaté que ce jeu semble ne pas bien se jouer en
RDC.
De ces deux constatations nous avions abouti à une
conclusion à savoir si on pouvait retenir le qualificatif d'Etat de
droit démocratique pour la RDC tel que voulu par l'article premier de la
constitution du 18 février 2006 étant bien
considéré que le jeu démocratique ne se joue pas encore
comme il se doit. Et dans ce contexte, s'agissant de la RDC, il a
été souligné que rien ne nous autorise à ce jour
à ne pas retenir le qualificatif d'Etat de droit démocratique
pour la RDC car, en soi, l'Etat de droit démocratique reste de tout
temps un idéal auquel tous les Etats aspirent et qu'à ce stade
aucun pays du monde ne peut prétendre avoir atteint la pure forme de
démocratie et d'Etat de droit. En effet, en RDC, l'Etat de droit
démocratique est perceptible du point de vu des textes et des
agencements institutionnels, mais quant à la pratique beaucoup reste
encore à faire.
Comme on le constate après lecture, on ne se contente
ni de jeter un regard sans complaisance sur le passé, ni de trouver
plaisir dans une critique gratuite. On va loin dans notre démarche, en
proposant des pistes de solutions pragmatiques et en indiquant en même
temps les acteurs privilégiés susceptibles de les appliquer.
Dans notre pays où l'accession au pouvoir est
l'occasion pour les vainqueurs de s'emparer du « gâteau »
national avec gloutonnerie et d'en jouir seuls au détriment des
intérêts vitaux de tous les citoyens. Ce travail est un
défi lancé à la nouvelle génération
montante, qui doit sans tarder, s'engager résolument dans la recherche
des solutions à la grande crise congolaise sous peine de voir son avenir
lui échapper et son pays, au mieux relégué au dernier
rang, au pire disloqué.
En effet, compte tenu de la position stratégique de
notre pays dans le monde, compte tenu d'immenses atouts humains dont nous
disposons et de ressources naturelles immenses qui font de notre pays une terre
de grandes espérances, le rêve que nous devons bâtir en RDC
et l'ambition que nous devons tous porter sont ceux d'une nation appelée
à construire la politique d'humanité et de civilisation pour la
proposer à toute l'Afrique et au monde d'aujourd'hui.
Nous devons pour ce faire devenir la plus belle, la plus forte
et la plus rayonnante démocratie du continent africain. Si nous voulons
échapper au destin de guerre, de violence, de misère,
d'inconscience et d'impuissance qui domine notre nation actuellement, nous
n'avons pas d'autre choix que celui de devenir une grande démocratie au
coeur de l'Afrique : une vraie démocratie où le pouvoir politique
puisse garantir à chaque citoyen les possibilités les meilleures
d'assumer sa liberté, d'exercer ses responsabilités et de faire
resplendir tous les pouvoirs et toutes les énergies de sa
créativité pour une sociétés du bonheur
partagé.
Bien sûr, ce travail n'est pas exhaustif et doit,
certainement soulever des questions nouvelles. Ce n'est qu'une brèche
ouverte, un chantier qui s'annonce indubitablement riche en débats et
recherches.
BIBLIOGRAPHIE
I. Documents officiels
1. Constitution de la RDC du 18 février 2006, in
journal officiel, 47e année, numéro
spécial, 20 juin 2006
2. Pacte international relatif aux droits civils et politiques de
l'ONU
3. La déclaration universelle des droits de l'homme et du
citoyen de 1789
4. Ordonnance-loi n° 82-O17 du 31 mars 1982 relative
à la procédure devant la cour suprême de justice, in
journal officiel de la RDC, 47e année, numéro
spécial, 20 juin 2006
5. Loi n° 07/008 du 04 décembre 2007 portant statut
de l'opposition en RDC, in journal officiel de la RDC, numéro
spécial, 1O décembre 2007
II. Ouvrages
1. A. Philippe, Institutions politiques et Droit
constitutionnel, 16e éd, Paris, LGDJ, 2004
2. C.SALAVASTRU ; Rhétorique et
politique : le pouvoir du discours et le discours du pouvoir, Paris,
Harmattan, 2004
3. D.Chagnollaud, Droit constitutionnel contemporain,
Tome 1, théorie générale, les régimes
étrangers, Armand colin, Paris, 2003
4. D.WAMU OYATAMBWE ; Les mots de la
démocratie au Congo Zaïre : 1990-1997, l'Harmattan,
Paris, 2006
5. E.MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA ; Droit constitutionnel
et institutions politiques de l'Etat, collection Droit et
société, Kinshasa, éditions universitaires africaines,
2001
6. F.De la SAUSSAY et F.DIEU ; Droit constitutionnel
et institutions politiques, Hachette, Paris, 2000
7. F.MULUMBA KABUAYI WA BONDO ; Réflexions sur
la responsabilité des intellectuels dans la crise en RDC, éd
Le potentiel, Kinshasa, 2007
8. F.TALA-NGAI ; RDC de l'an 2001 :
déclin ou déclic ?, éd analyses sociales,
Kinshasa, 2001
9. F.VUNDUAWE te PEMAKO ; Traité de Droit
administratif, Bruxelles, Afrique éditions, Larcier, 2006
10. J.Antoine ; Le pouvoir et l'opinion : essai
sur la communication sociale, Denoël, Paris
11. J.B.LABANA LASAY'ABAR et LOFEMBE BENKENYA ; La
politique étrangère de la République Démocratique
du Congo, Maison d'édition Sirius, Kinshasa, 2009
12. J.DJOLI ESENG'EKELI, Droit constitutionnel, principes
structuraux, Tome 1, collection Droit et
société ; éditions universitaires Africaines
13. J.L.ESAMBO KANGASHE, La constitution congolaise du 18
février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme :
contraintes pratiques et perspectives, éd Bruylant, 2009
14. KIMPIANGA MAHANIAH ; L'expérience
politique de l'Afrique noire de 1945 à 2005, Presse de
l'université de Luozi, 2005
15. L.Favoreu, P Gaïa R.Ghevontian, J.L. Mestre, Otto
Pfersmann, A. Roux, G.Scoffoni ; Précis de Droit
constitutionnel, Dalloz, Paris, 2002
16. L.SINDJOUN ; Les grandes décisions de la
justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel
jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des systèmes
africains, éd Bruylant, Bruxelles, 2009
17. MOBUTU dignité pour l'Afrique :
entretiens avec Jean Louis Remilleux, éditions Albin Michel S.A, Paris,
1989
18. MWAMBA BAPUWA ; Le défi d'un Congo
démocratique, uni, libre, prospère : hommage au journaliste
patriote, Paris, harmattan, 2007
19. P.NGOMA BINDA ; Une démocratie
libérale communautaire pour la RDC et l'Afrique, l'Harmattan,
Paris, 2001
20. P.NGOMA BINDA, La participation politique :
éthique civique et politique pour une culture de paix, de
démocratie et de bonne gouvernance, 2e éd, revue
et argumentée, IFEP, Kinshasa, 2005
21. R.Cabrillac, M-A-Frison-Roche, T.Revet ;
Libertés et droits fondamentaux, 9e éd,
Dalloz, Paris, 2003
22. R.DEBBASCH ; Droit constitutionnel,
éd Litec, Paris, 2000
23. SOUGA Jacob NIEMBA ; L'Etat de droit
démocratique, fédéral au Congo Kinshasa : source de
stabilité réelle en Afrique centrale, l'Harmattan, paris,
2002
24. TSHIKOJI MBUMBA S. ; Au coeur de la crise
congolaise : choix et responsabilités politiques,
éditions du Cerdaf, Kinshasa, 2005
25. Y.SASSA NZUZI ; Le Congo en crise de
développement : cause et perspective, éd intelligence
en action, Kinshasa, 2000
III. Notes de Cours
1. BIBOMBE MUAMBA ; Cours de Droit constitutionnel et
institutions politiques, notes polycopiées, faculté de Droit,
UNIKI, 2e Graduat, 2007-2008
2. LUZOLO BAMBI LESSA ; Cours d'organisation et de
compétence judiciaires, Notes polycopiées, éditions
ISSABLAISE MULTIMEDIA, 2008
3. DJOLI ESENG'EKELI ; Cours de Droit constitutionnel
congolais, notes polycopiées, faculté de Droit, UNIKIN,
2e Graduat, 2007-2008
4. DJOLI ESENG'EKELI, Cours de libertés publiques,
faculté de Droit, UNIKIN, L2, 2010-2011
5. MAVUNGU MVUMBI; Cours de politique
étrangère du Congo, faculté de Droit, UNIKIN, L2,
2010-2011
6. MUSAO KALOMBO C. ; Histoire politique du Congo,
Inédit, G1 R.I, UNIKIN, 2010-2011
IV. Autres
publications
1. L'Etat de droit, in Revue juridique de la faculté de
droit de l'université protestante au Congo, 2e année,
numéro 1, 1999
2. Droits de l'homme et Droit international humanitaire,
séminaire de formation cinquantenaire de la déclaration
universelle de droits de l'homme, du 18 novembre au 10 décembre 1998,
Presses de l'université de Kinshasa, 1999,
3. Rapport du grip de janvier 2008 sur la
décentralisation en RDC : enjeux et défis
V. Webographie
1. Google.fr : L'Etat de droit et la démocratie
2.
http://WWW.tocqueville.culture.fr
3. WWW.lepotentiel.cd
4. WWW.la-democratie.fr
* (1) Formule employée
par Le Président Américain Abraham LINCOLN le 19 novembre 1863
sur le champ de bataille de Gettysburg
* (2) Article 1 de la
constitution de la RDC du 18 février 2006 ; in journal officiel,
numéro spécial, 47e année, 20 juin 2006
* (3) J. L. ESAMBO KANGASHE,
La constitution congolaise du 18 février 2006 à
l'épreuve du constitutionnalisme, contraintes pratiques et
perspectives, éd Bruylant, 2009, p 156
* (4) J. DJOLI ESENG'EKELI,
Droit constitutionnel et principes structuraux, tome 1, collection Droit et
société, éditions africaines, P 34
* (5) R. Debbasch, Droit
constitutionnel, éd.Litec, Paris, 2000, p1
* (6) F. De la SAUSSAY et
F.DIEU, Droit constitutionnel et institutions politiques, Hachette,
Paris, 2000, p 23
* (7) Article 16 de la
déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789
* (8) F. VUNDUAWE te PEMAKO,
Traité de Droit administratif, Bruxelles, Afrique
éditions, Larcier, 2006, P 108
* (9) B.BIBOMBE MUAMBA, Notes
polycopiées du cours de Droit constitutionnel et institutions politiques
de l'Etat, G2 Droit, UNIKI, 2008-2009, P 14
* (10 ) R .Debbasch,
op.cit, p 189
* (11) F. De la SAUSSAY et
F.DIEU, op.cit, p 22
* (12) Idem
* (13) R. Cabrillac, M. A
Frison-Roche, T. Revet, libertés et droits fondamentaux,
9e éd, Paris, Dalloz, 2003, p 72
* (14) Idem, p 74
* (15) R. Cabrillac, M.A.
Frison-Roche, T. Revet ; op.cit, pp 75-76
* (16) Ardant P.,
Op.cit, p 92
* (17) Ardant P.,
Op.cit, p 93
* (18) Idem, pp. 93-94
* (19) Articles 12 et 13 de la
constitution du 18 février 2006, in Journal Officiel de la RDC,
47e année, numéro spécial, 20 juin 2006
* (20) E.J.LUZOLO BAMBI LESSA,
Notes de cours d'organisation et de compétence judiciaires,
éditions ISSABLAISE MULTIMEDIA, 2008, p 18
* (21) Article 1er
de la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de
1789
* (22) Article 16 de la
déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789
* (23) Ardant .Ph,
Institutions politiques et Droit constitutionnel, 16e
éd, Paris, LGDJ, 2004, p 40
* (24) Ardant Ph,
Institutions politiques et Droit constitutionnel, 16e éd,
Paris, LGDJ, 2004, pp 41-42
* (25) Ardant Ph,
op.cit, p 41
* (26 ) D. Chagnollaud ,
op.cit, pp 25-26
* (27) E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, Tome 1,
théorie générale des institutions politiques de l'Etat,
collection Droit et société, éditions universitaires
africaines, 2001, pp 85-86
* (28) Rivarol, cité par
E. MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, op.cit, p 86
* (29) F. de la SAUSSAY et F.
Dieu; Droit constitutionnel et institutions politiques, Hachette,
Paris, 2000, p 20
* (30 ) E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA; op.cit, pp 105-106
* (31) D. Chagnollaud;
Droit constitutionnel contemporain, Tome 1, théorie
générale, les régimes étrangers, 3e
éd, Armand colin, 2003, p 24
* (32 ) Idem, pp 24-25
* (33) D. Chagnollaud; op.cit,
p 25
* (34) Idem
* (35 ) R. Debbasch;
op.cit, p 155
* (36) Arrêt 5 U.S.137
rendu le 24 février 1803 par la cour suprême des Etats-Unis dans
l'affaire Marbury V. Madison
* (37) B.BIBOMBE MUAMBA,
Op.cit, P 14
* (38) J. NDJOLI ESENG'EKELI,
Droit constitutionnel, principes structuraux, Tome 1,
Collection Droit et société, éd universitaires africaines,
p 82
* (39) J. NDJOLI ESENG'EKELI,
op.cit, p 82
* (40) E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA; Op.cit p 49
* (41) E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA; Op.cit, p 50
* (42) E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA; Op.cit, p 51
* (43)E. MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA; Op.cit, p 53
* (44) SOUGA Jacob NIEMBA,
op.cit, p 39
* (45) idem
* (46) Article 4 du pacte
international relative aux droits civils et politique de l'ONU de 1966
* (47) Article 61 de la
constitution de la RDC du 18 février 2006, in journal officiel,
47e année, numéro spécial,
* (48) Article 85 de la
constitution de la RDC du 18 février 2006, in journal officiel,
47e année, numéro spécial, 20 juin 2006
* (49) SOUGA Jacob NIEMBA; Etat
de droit, démocratique, fédéral au Congo Kinshasa: source
de stabilité réelle en Afrique centrale, l'harmattan, Paris,
2002, p 42
* (50) SOUGA Jacob NIEMBA,
op.cit, p 51
* (51) Idem, p 49
* (52) M.SENELLART, cité
par SOUGA Jacob NIEMBA ; op.cit, pp 52-53
* (53) J .Antoine, le
pouvoir et l'opinion : essai sur la communication sociale,
Denoël, Paris
* (54) SOUGA Jacob
NIEMBA ; op.cit, p 41
* (55) L.Favoreu, P Gaïa
R. Ghevontian, J.L. Mestre, Otto Pfersmann, A. Roux, G. Scoffoni ;
Précis de Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 2002,
p 33
* (56) F.De la SAUSSAY et
F.DIEU, op.cit, p 20
* (57) J.L.ESAMBO KANGASHE,
op.cit, p 118
* (58) J.DJOLI ESENG'EKELI,
Cours de Droit constitutionnel Congolais, Notes polycopiées,
2ème Graduat, Faculté De Droit, Université de
Kinshasa, 2007-2008, p22
* (59) D.CHAGNOLLAUD,
op.cit, p 96
* (60) J.DJOLI ESENG'EKELI,
Cours de Droit constitutionnel congolais, Notes polycopiées,
faculté de Droit, UNIKIN, G2, 2007-2008, p 31
* (61) J.DJOLI ESENG'EKELI,
Notes polycopiées de Droit constitutionnel congolais, op.cit, p 189
* (62) Droits de l'homme et
Droit international humanitaire, séminaire de formation cinquantenaire
de la déclaration universelle des droits de l'homme, du 18 novembre au
10 décembre 1998, Presses de l'université de Kinshasa, 1999, p
219
* (63) J.L.ESAMBO KANGASHE,
op.cit, p 72
* (64) J.DJOLI ESENG'EKELI,
Cours de libertés publiques, L2 Droit, UNIKIN, 2010-2011
* (65) Idem
* (66) J.B. LABANA LASAY'ABAR
et LOFEMBE BENKENYA, La politique étrangère de la
République Démocratique du Congo : structures,
fonctionnement et manifestations, Maison d'éditions Sirus,
Kinshasa, 2008, p 12
* (67) L.SINDJOUN ;
Les grandes décisions de la justice constitutionnelle
africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques
constitutionnelles au prisme des systèmes africains, éd
Bruylant, Bruxelles, 2009, pp 579-580
* (68) L.SINDJOUN ;
op.cit, p 58 3
* (69) J.DJOLI ESENG'EKELI,
Droit constitutionnel, principes structuraux, Tome 1, collection Droit
et société, éditions universitaires africaines, p 193
* (70) Ardant Ph.
Op.cit, pp 97-98
* (71) J.DJOLI ESENG'EKELI,
Cours de Droit constitutionnel congolais, notes polycopiées,
2e Graduat, faculté de Droit, UNIKIN, 2007-2008, p 28
* (72) J.DJOLI ESENG'EKELI,
Cours de Droit constitutionnel congolais, notes polycopiées,
2e Graduat, faculté de Droit, UNIKIN, 2007-2008, pp 30-31
* (73) L.SINDJOUN ;
op.cit, p 586
* (74) Idem, p 584
* (75) Article 87 al 2 de
l'ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la
procédure devant la cour suprême de justice, in journal officiel
de la RDC, numéro spécial, 47e année, 20 juin
2006
* (76) J.L. ESAMBO KANGASHE,
op.cit, p 167
* (77) L.Favoreu, P Gaïa
R. Ghevontian, J.L. Mestre, Otto Pfersmann, A. Roux, G. Escoffion ;
op.cit, p 33
* (78) E.MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, op.cit, p 51
* (79) BUABUA WA
KAYEMBE ;'' Etat de droit'', in Revue juridique de la faculté
de Droit, UPC, 2e année, numéro 1, 1999, p 14
* (80)P.NGOMA BINDA, La
participation politique : éthique civique et politique pour une
culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance,
deuxième édition, revue et argumentée, institut de
formation et d'études politiques, Kinshasa, 2005, p 199
* (81) J.SOUGA NIEMBA,
op.cit, p 9
* (82) Cité par Jacob
SOUGA NIEMBA, op.cit, p 9
* (83) MOBUTU,
Dignité pour l'Afrique, éd Albin Michel S.A, Paris,
1989, pp 83-84
* (84) P.NGOMA BINDA,
op.cit, pp 166-167
* (85) Lire à ce sujet
l'exposé des motifs de la loi n° 07/008 du 04 décembre 2007
portant statut de l'opposition politique en RDC
* (86) Article 2 de la loi
n° 07/008 du 04 décembre 2007 portant statut de l'opposition
politique en RDC, in journal officiel, numéro spécial, 10
décembre 2007
* (87) Rapport du GRIP
publié en janvier 2008 sur la décentralisation en RDC :
enjeux et défis, p8
* (88) P.NGOMA BINDA, op.cit,
pp 201-202
* (89) P.NGOMA BINDA, op.cit,
p 48
* (90) J.B.LABANA LASAY'ABAR et
LOFEMBE BENKENYA op.cit, p 16
* (91) MAVUNGU MVUMBI, Cours de
politique étrangère du Congo, L2 Droit, UNIKIN, 2010-2011
* (92) KIMPIANGA MAHANIAH,
L'expérience politique de l'Afrique noire de 1945 à
2005, presse de l'université libre de Luozi, 2005, p 47
* (93) Idem, P 73
* (94) KIMPIANGA MAHANIAH,
op.cit, p 74
* (95) KIMPIANGA MAHANIAH,
op.cit, pp 67-68
* (96) Sylvain TSHIKOJI,
cité par J.L.ESAMBO KANGASHE, op.cit, p 197
* (97) NGOMA BINDA P, Une
démocratie libérale communautaire pour la RDC et l'Afrique,
l'harmattan, 2001, p 17
* (98) NGOMA BINDA P., La
participation politique : éthique civique et politique pour une
culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance,
2e éd, revue argumentée, Ifep, Kinshasa, 2005, p
195
* (99) Y.SASSA NZUZI ;
Le Congo en crise de développement : cause et perspective,
éd intelligence en action, Kinshasa, 2000, pp 1-2
* (100) KIMPIANGA MAHAHIAH,
op.cit, pp 71-72
* (101) Ardant Ph,
op .cit, pp 147-148
* (102) MWAMBA BAPUWA ;
Le défi d'un Congo démocratique, uni, libre,
prospère : hommage au journaliste patriote, Paris,
Harmattan, 2007, p 376
* (103) Idem, p 379
* (104) KIMPIANGA MAHANIAH,
op.cit, p 70
* (105) F.TALA-NGAI, RDC
de l'an2001 : déclin ou déclic ?, éditions
analyses sociales, Kinshasa, 2001, p6
* (106) Jacob SOUGA NIEMBA,
op.cit, p 70
* (107) Jacob SOUGA NIEMBA,
op.cit, p 246
* (108) Idem, pp 250-251
* (109)P.NGOMA BINDA, La
participation politique : éthique civique et politique pour une
culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance,
deuxième édition, revue et argumentée, institut de
formation et d'études politique, Kinshasa, 2005, pp 318-319
* (110) F.TALA-NGAI,
op.cit, p 11
* (111) KIMPIANGA MAHANIAH,
op.cit, p 71
* (112) J DJOLI ESENG'EKELI,
Notes polycopiées de Droit constitutionnel congolais, op.cit, p 40
* (113) TSHIKOJI MBUMBA
S. ; Au coeur de la crise congolaise : choix et
responsabilités politiques, éditions du Cerdaf, Kinshasa,
2005, p 65
* (114) TSHIKOJI MBUMBA
S. ; op.cit, pp 66-67
* (115) D. WAMU OYATAMBWE,
Les mots de la démocratie au Congo-Zaïre : 1990-1997,
l'harmattan, Paris, 2006, p 6
* (116) C.SALAVASTRU ;
Rhétorique et politique : le pouvoir du discours et le discours
du pouvoir, Paris, Harmattan, 2004, p 1
* (117) Idem, p 12
* (118) C.SALAVASTRU, op.cit,
pp 147-148
* (119) F.MULUMBA KABUAYI WA
BONDO, op.cit, pp 20-21
* (120 ) Y.SASSA NZUZI ;
op.cit, pp 1-2
* (121) Jacob SOUGA NIEMBA,
op.cit, p5
* (122) Idem, p43
* (123) J.L. ESAMBO KANGASHE,
op.cit, pp 174-175
* (124) MUSAO KALOMBO MBUYU.C,
Notes de cours de l'Histoire politique du Congo, G1 R.I, janvier 2010,
p 169
* (125) MOBUTU
dignité pour l'Afrique, op.cit, pp. 91-92
* (126) J.SOUGA NIEMBA,
op.cit, p 248
* (127) J.NDOLI ESENG'EKELI,
Cours de libertés publiques, 2ème Licence,
Faculté de Droit, UNIKIN, 2010-2011
* (128) L.Favoreu, P Gaïa
R. Ghevontian, J.L. Mestre, Otto Pfersmann, A. Roux, G. Scoffoni ;
op.cit, p 488
* (129) J.L. ESAMBO KANGASHE,
op.cit, p 172
* (130) J.L. ESAMBO KANGASHE,
op.cit, pp 163-164
* (131) J.L. ESAMBO KANGASHE,
op.cit, p 170
* (132) TSHIBANGU TSHIASU
KALALA, `'Etat de droit'', in Revue juridique de la faculté de
Droit, op.cit, p 285
* (133)P.NGOMA BINDA, La
participation politique : éthique civique et politique pour une
culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance,
2e édition, revue et argumentée, IFEP, Kinshasa,
2005, pp 202-203
* (134) Extrait du discours de
N.Machiavel dans « le prince »
* (135) F.MULUMBA KABUAYI WA
BONDO ; Réflexions sur la responsabilité des
intellectuels dans la crise en République Démocratique
du Congo, éd Le potentiel, Kinshasa, 2007, p13
* (136) F.MULUMBA KABUAYI WA
BONDO ; op.cit, p 29
* (137 ) F.MULUMBA KABUAYI WA
BONDO ; op.cit, pp VII-IX
* (138) F.MULUMBA KABUAYI WA
BONDO , op.cit, p 17
* (139) J.L. ESAMBO KANGASHE,
op.cit, p 175
* (140) P.NGOMA BINDA, La
participation politique : éthique civique et politique pour une
culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance,
deuxième édition, revue et argumentée, institut de
formation et d'études politique, Kinshasa, 2005, p 324
* (141)P.NGOMA BINDA, La
participation politique : éthique civique et politique pour une
culture de paix, de démocratie et de bonne gouvernance,
2e édition, revue et argumentée, IFEP, Kinshasa,
2005, pp 335-336
* (142) J.L. ESAMBO KANGASHE,
op.cit, p 176
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