4.1.2.3 Plan parcellaire du bas fond : mode
d'exploitation actuelle
En milieu rural, les modes d'exploitations ne dépendent
pas que de la nature du milieu mais aussi des stratégies
économiques des ruraux qui sont elles mêmes fonction de leurs
différentes sources de revenu, du contexte économique et des
moyens de production qu'ils disposent (Lavigne et Camphius, 1997). Les modes
d'exploitation du bas fond sont donc les déterminants de son état
de fonctionnement, c'est-à-dire son organisation. A Laïndé
Karéwa, on distingue trois types d'usages essentiels du bas fond : la
production agricole à plus de 90 % de sa superficie totale,
l'élevage qui est plus important en saison sèche et repose sur
l'abreuvement et le pâturage, puis la pêche qui est
pratiquée par les jeunes pour la complémentation alimentaire.
Compte tenu de son importance, l'usage agricole a fait l'objet
d'intérêt pendant cette étude. Le système des
cultures du bas fond et les logiques de son organisation sont les principaux
points développés.
i. Système de culture
Il a été traité suivant trois facteurs
caractéristiques de la production agricole d'un milieu à savoir :
les cultures, la terre et les techniques de productions.
Les principales cultures du bas fond qui ont une importance
économique non négligeable chez les producteurs sont
présentées à la figure 4.6.
p rin p ar p
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à plus de 150 000 FCFA
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céréales (maïs, riz),
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ne limitent pas leur culture.
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Figure 4.6 : Répartition spatiale des prin
cipales cu ltures recensées en 20 08
pas rare de rencontrer ces types de cultures dans les bas
fonds en zone soudano-sahélien où la surface occupée par
l'arboriculture est de 6% de la surface totale du bas fond (Lavigne et
Camphius, 1997). Cette valeur est inférieure à celle obtenue
à Laïndé Karéwa qui est de 7,6 %. Cette valeur laisse
croire que l'arboriculture est bien développée dans ce terroir,
malgré l'investissement en temps et argent qu'elle réclame. La
canne à sucre et les fruitiers nécessitent assez d'espace, leur
importance est sans doute liée au système d'exploitation de la
terre.
La sécurité foncière est
nécessaire pour le développement de toute agriculture d'une
région. Elle se caractérise par le mode d'accès et la
liberté d'exploitation qu'a un paysan sur une parcelle donnée. A
Laïndé Karéwa la saturation rapide de l'espace a rendu
impossible de nos jours l'accès à la terre par
défrichement. Le seul moyen, surtout dans le bas fond, est la location.
Le coût de location de la terre dans cet espace se chiffre entre 10 000
et 15 000 FCFA /qrt/an (qrt= quart d'hectare soit 2500 m2). Les
contrats de location des parcelles sont essentiellement annuels mais certains
s'étalent sur deux ans. Ces contrats excluent tout investissement
à long terme tel que la plantation d'arbres. Tout acte
d'aménagement durable sur un espace signifierait une tentative
d'appropriation de la parcelle par le locataire. Des cas de prêt et de
don sont rarement rencontrés dans le contexte actuel. La figure 4.7
présente la carte de situation actuelle de la propriété
foncière dans le bas fond de Laïndé Karéwa.
Figure 4.7 : Répartition spatiale du statut
foncier des exploitants du bas fond
De cette figure, il apparaît que l'espace dans le bas
fond est occupé pour l'essentiel par des propriétaires. Ces
derniers sont soit des anciens qui sont les premiers occupants, soit des
personnes « riches » ou soit des héritiers, adultes
d'âge compris entre 30 et 40 ans. Les propriétaires
représentent 78,3 % des exploitants. Ils existent parmi eux des paysans
qui disposent de plusieurs parcelles localisées en différentes
parties du bas fond. Cette opportunité est plus constatée au
près des premiers arrivants que sont en majorité les Mofous. Les
locataires dans le bas fond sont les 18% des exploitants et concernent pour la
plupart, les habitants du village. La location d'une parcelle au bas fond se
fait pour une durée de deux ans. Dans les contrats, le système de
fermage (le bail) est le plus dominant. Le métayage existe aussi mais
très rarement. Le nombre réduit des locataires vient du fait que
le système d'exploitation de la terre dans cet espace est
essentiellement du type faire valoir direct. Le propriétaire exploite en
général lui-même sa parcelle. Les cas de prêt, 8% des
parcelles, sont très peu fréquents et dépendent des
circonstances et relations qu'entretiennent les exploitants. Ici, ce sont des
personnes vivant hors du village et qui disposent des vergers à
entretenir, qui confient leurs domaines à des connaissances locales. En
plus de la rémunération qu'elles ont droit, la culture des sous
bois et le maraîchage leurs sont également permises dans le
verger.
La superficie occupée par les propriétaires,
99,1 ha, est très considérable dans une perspective
d'aménagement. La raison principale pour laquelle, la culture de canne
à sucre est dominante doit être liée à ce facteur.
La répartition de cette surface sur toutes les parties du bas fond est
un avantage dans la mesure où elle permet de voir les limites ou les
manques liés à la gestion de l'espace et à la
concertation. Tout bas fond en effet, est un espace socialisé,
approprié, et ses différents modes de mise en valeur font l'objet
de règles d'accès et de gestion. L'aménagement se faisant
sur un espace socialisé, transforme le statut et la valeur de la terre.
Il peut consolider des droits sur l'espace à aménager, ou au
contraire d'en conquérir. Il aura des effets sur les différents
usages (pâturage, vergers de bas de pente), et donc sur les
différents usagers. Tout aménagement hydro agricole a un enjeu
foncier. Il faut donc, préalablement à tout, clarifier s'il y a
ou non redistribution foncière et selon quelles modalités, en
négociant le devenir de ceux qui exploitent en faire valoir indirect, en
négociant avec les usagers potentiellement lésés, en
précisant les règles d'accès à la ressource
(limitation des zones de culture autour d'un barrage pour permettre
l'accès au bétail) (CIRAD et GRET, 2002). L'importance qu'un
espace comme le bas fond, soit en majorité détenu par des
propriétaires est de ce fait évidente. La
gestion de cette ressource, à haut potentiel d'ailleurs, peut être
mieux discutée avec cette catégorie d'exploitants. Ces derniers
sont en fait les maîtres des lieux, ceux avec lesquels, toute initiative
d'aménagement et de gestion de conflit peut être bien
débattus. La diversité ethnique des propriétaires est
également importante dans la mesure où elle permet d'avoir au
maximum possible une représentation globale des populations dans le
processus de concertation.
En ce qui concerne les techniques de production, deux phases
sont distinguées dans le mode d'exploitation du bas fond. La phase de
saison pluvieuse et celle de contre saison. Les techniques de productions
varient avec la période et dans tous les cas les paysans cherchent
à s'adapter aux conditions hydriques du milieu. D'habitude, au
début de la saison pluvieuse (avril-mai), la majorité des
parcelles porte la canne à sucre qui est à la moitié de
son cycle. Le semis du maïs dans certains vergers (vergers
cultivés) et parcelles encore humides a lieu pendant la même
période. Ceci est une stratégie qui permet aux paysans de vite se
libérer pour s'occuper au mois de juin des parcelles exondées. Au
début de juillet, les activités d'aménagement des
parcelles de canne à sucre en monoculture ou associée aux
tubercules commencent et continuent jusqu'en fin août. Elles consistent
à la réalisation, au nettoyage des canaux de drainage et à
la disposition des touffes d'herbes sur les limites des parcelles (lutte
antiérosive sous forme de diguettes enherbées). Cette
période est très exigeante en main d'oeuvre et demandent assez
d'investissement. La gestion des canaux de drainage consiste à les
ouvrir lors des inondations et à les fermer après drainage de la
parcelle.
Les principales difficultés liées à ce
mode d'exploitation du bas fond sont relatives aux situations extrêmes de
son hydrologie. Globalement il se pose un problème de gestion de l'eau
et du sol caractérisé par :
- un système de drainage limité laissant des
parcelles inondées au mois d'août causant ainsi des
dégâts considérables. Ceci est le résultat du
contraste qui existe entre le débit d'écoulement du bas fond et
les dimensions et formes des canaux. Ces derniers ont une capacité de
contenance inférieure à ce débit. L'orientation et la
forme des canaux constituent également une limite du système.
- les difficultés d'accès à l'eau
d'irrigation marquées par une mauvaise organisation des tours d'eaux qui
se soldent souvent par des disputes et bagarres. En effet, pendant la saison
sèche, l'activité d'irrigation est intense. La canne à
sucre en croissance est très exigeante en eau. La demande étant
plus forte que l'offre, la ressource en eau devient insuffisante. Les paysans
n'arrivent pas à
irriguer convenablement leurs parcelles. La ressource en eau
du bas fond comme ci haut mentionné étant importante, on peut
gérer de manière efficiente ce stock annuel pour amoindrir ces
difficultés.
- l'ensablement des parcelles et l'agrandissement des canaux
dus au processus d'érosion sont une contrainte agronomique dans le bas
fond. Elles réduisent l'espace cultivable. En effet, de plus en plus les
paysans constatent que le lit mineur s'agrandit, s'ouvre et prend des
dimensions inquiétantes (figure 4.8). La pression de l'eau
exercée sur les parois des canaux finit par créer des
méandres (formes serpentées) le long de ceux-ci. Le transport et
le dépôt des particules du sol favorisent alors l'ensablement des
parcelles avales. Les champs de canne à sucre, par leur proximité
au lit mineur, sont les plus touchés par ce processus.
Figure 4.8 : Parcelle de canne à sucre
inondée et agrandissement du lit mineur
A Laïndé Karéwa, la culture de la canne
à sucre ne respecte pas strictement ses exigences agroclimatiques. En
effet, chez certains groupes de producteurs, la levée se situe en fin
des pluies (septembre-octobre) et chez d'autres, une partie de la croissance en
début de la même saison. La période de maturation,
nécessitant le froid et le stresse hydrique, se rencontre pour la plus
part en pleine saison humide. Si la température peut être
satisfaite, le besoin en eau de la plante en cette période est
excédentaire. Sa maturation sera de ce fait retardée. Cette
pratique ne permet pas à la plante d'exprimer son potentiel. Ce qui
à coup sûr serait à l'origine des multiples travaux
d'aménagement et d'entretient que font les producteurs pour atteindre un
rendement conséquent. La qualité du produit, le rendement et
même leur capacité de production sont largement
affectés par ce problème de maîtrise du
calendrier agricole. Avec le niveau actuel qu'occupe la culture en
matière de génération de revenu aux producteurs, il est
indispensable d'organiser sa production. A cet effet, nous pensons à un
décalage de sa période de bouturage en avril afin de permettre la
satisfaction des besoins en eau lors de la levée et une bonne partie de
la croissance. La maturation correspondra ainsi à la saison froide et
chaude, ce qui met la plante dans ces conditions de stress hydrique qui
favorisera sa maturation et dont un meilleur rendement. La figure 4.9, montre
le calendrier de production de la canne à sucre proposé. Le
tableau 4.4 quand à lui résume les principales pratiques et
techniques culturales annuelles dans le bas fond de Laïndé
Karéwa.
Phase de Avril Mai Juin Juillet Août Septembre
Octobre Novembre Décembre janvier Février Mars
développement
de la canne à
sucre
Bouturage
Levée
Croissance
Maturation
Récolte
Figure 4.9 : Calendrier de production de la canne
à sucre
Cultures annuelles exploitées
Phase de saison pluvieuse Avril Mai Juin
-sarclage -irrigation
Canne à sucre (12 mois)
-sarclage - sarclage et
aménagement des canaux de drainage
Pas de
culture véritable
- bouturage et
désherbag e
-laboure mécanisé du sol et
pépinière
-début de
récolte
Riz (6 et 4 mois) Pas de
culture véritable
Patates (3 mois) aménagem
ent des
billons et
bouturage e
- sarclage -entretien
d'humidité du sol
Taro (6 mois) -semis
(associé aux
cannes)
- défense culturale
et début récolte
-sarclage
et défense culturale
- début de récolte
Manioc (12 et 6 mois)
-récolte et vente
-nouvelle mise en place
Légumes (1 à 3 mois)
- entretien -récolte et
vente
-récoltevente des fruits
-récoltevente des fruits
Fruitiers (manguier et anacardier)
-élagage et
entretient
Tableau 4.4 : principales techniques et pratiques
culturales dans le bas fond
Juillet
|
Techniques et pratiques culturales
Phase de saison sèche
Août Septembre Octobre Novembre
|
Décembre
|
|
|
|
Janvier
|
Février
|
Mars
|
Entretient
|
-même
|
-début
|
-récolte-
|
Aplanissem
|
- mêmes
|
sarclage et
|
bouturage
|
irrigation
|
des
|
activité
|
récolte-
|
vente
|
ent des
|
activités
|
aménagem
|
et début
|
des
|
canaux de
|
|
vente variété
|
-début de
|
parcelles et
|
|
ent des
|
d'irrigation
|
parcelles
|
drainage
|
|
longue
|
bouturage
|
bouturage
|
|
canaux d'irrigation
|
|
|
-récolte
|
Pas de
|
Pas de
|
- semis
|
sarclage
|
Sarclage et
|
Récolte et
|
Pas de
|
Pas de
|
|
culture
|
culture
|
|
|
début récolte
|
début de
semis
|
culture
|
culture
|
-
|
Désherba
|
Désherbage
|
désherba
|
-début
|
Récolte
|
Récolte
|
Pas de
|
Pas de
|
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|
ge manuel
|
manuel
|
ge manuel
|
récolte
|
|
|
culture
|
culture
|
-récolte et
|
bouturage
|
désherbage
|
Début
|
-récolte
|
Récolte et
|
bouturage
|
Désherbag
|
récolte
|
nouvel aménage ment
|
|
|
récolte
|
|
nouvel aménagement
|
et irrigation
|
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irrigation
|
|
-drainage
|
-début
|
-récolte
|
Récolte et
|
-entretien
|
Même activité
|
Même
|
irrigation
|
récolte
|
des parcelles
|
récolte
|
|
semis
|
d'humidité du sol
|
|
activité
|
|
|
-récolte et
|
Récolte et
|
Récolte et
|
Plantation
|
-plantation
|
Plantation de
|
Sarclage et
|
irrigation
|
irrigation
|
vente
|
plantation
|
plantation
|
|
|
remplacement
|
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|
|
|
-mise en
|
Récolte et
|
Pas de
|
Pas de
|
Pas de
|
Semis ou
|
Irrigation et
|
Récolte et
|
Nouvel
|
place en
zone exondée
|
vente
|
culture
|
culture
|
culture
|
repiquage
|
traitement
|
vente
|
mise en
place
|
-élagage
|
Couvertur
|
Récolte de
|
Entretien
|
Entretient
|
Entretient des
|
Début de
|
Récolte et
|
Récolte et
|
et
|
e sol et
|
fruits et
|
|
des fleurs et
|
fleurs et
|
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|
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|
vente des
|
entretient
|
élagage
|
vente
|
|
transplantati on des plants
|
transplantation plant
|
|
fruits
|
fruits
|
71
Maïs (3 mois) semis -sarclage -sarclage
et
-irrigation fertilisation
ii. Logiques d'organisation des parcelles du bas
fond
Globalement on distingue trois types de parcelle mise en
exploitation dans le bas fond. Les parcelles à cultures annuelles,
à cultures pérennes (vergers) et des parcelles à cultures
combinées (vergers cultivés en dessous). Ces derniers concernent
les vergers dans lesquels sont exploitées des cultures vivrières
sur des espaces non occupés. La mise en exploitation de chaque parcelle
tient compte de l'espèce à produire et de l'environnement en
place.
Au regard de l'hydrographie du bas fond, la figure 4.10 montre la
répartition spatiale des parcelles.
Figure 4.10 : Répartition spatiale des types
des parcelles
La figure révèle que la mise en exploitation des
parcelles respecte d'abord l'exigence en eau de l'espèce principale, la
proximité de la parcelle à cette ressource et enfin les
caractéristiques du sol. Au même titre que les parcelles à
cultures combinées, on remarque que les parcelles à cultures
annuelles (cultivées) soit 66 % du nombre total, sont plus
localisées le long du lit mineur, dans les parties amont et avale du bas
fond. Comme espèces principales concernées, on distingue la canne
à sucre, le riz, le bananier
et les tubercules. Ces parcelles sont exploitées plus
intensivement en contre saison. Leur proximité au lit mineur facilite
leur irrigation en cette saison. Les parcelles à cultures
combinées (verger cultivé en dessous) ont un double objectif dont
la génération de revenu (à partir des fruitiers) et
ensuite à la sécurité alimentaire (production
précoce des vivriers en période de soudure). C'est
également dans ces espaces que l'on rencontre la plupart des cultures
maraîchères et même certains tubercules en association.
Cette organisation rencontre quelques difficultés lorsque les pluies
s'installent. La majorité des parcelles inondées et
dévastées par les eaux de crues et de ruissellement sont celles
à cultures annuelles. Ces dernières subissent uniquement l'effet
d'une exploitation peu contrôlée et du manque de maîtrise du
système de drainage. En saison sèche par contre, leurs sous
irrigation dérivent du problème d'accès à l'eau.
Celui-ci est caractérisé par un manque d'agencement dans le temps
des tours d'eaux donc par une demande forte des producteurs au même
moment. Les logiques paysannes tiennent rarement compte de la variation
temporelle de la ressource en eau. Si non les canaux de drainage auraient des
dimensions suffisantes telles que l'excès d'eau soit facilement
drainé. Ce facteur comme le citent les paysans rend difficile
l'exploitation du bas fond et par conséquent freine son intensification.
Les parcelles à cultures pérennes (6,18 %) se trouvent sur les
versants (Nord) et très rarement près du lit mineur. Elles
occupent généralement des grandes surfaces, nécessitent
beaucoup de temps de travail et sont à proximité des habitations.
Ce qui permet aux paysans de limiter le vol pendant les périodes de
production. Le manguier, l'espèce la plus cultivée, ne
réclame pas la submersion du sol pour se développer. L'exigence
en eau n'est pas la raison fondamentale de l'exploitation de cet espace.
Celle-ci est beaucoup plus relative au sol et à la facilité
d'accès aux vergers. Les parcelles à cultures combinées
suivent également la même logique.
La mise en exploitation des parcelles au bas fond n'est pas
trop influencée par la topographie. Mais comme elle joue sur
l'écoulement de l'eau donc sur l'humidité du sol, elle influence
cette organisation. Sur les zones de pente assez élevée 1.6%, les
parcelles à cultures annuelles sont plus présentes au fond et sur
les versants des cuvettes (maïs, tubercules et riz) en temps humide.
Tandis qu'en temps sec, les espèces plus exigeantes comme le riz
disparaissent à la faveur de celles moins exigeantes. Il existe une
forme d'adaptation des cycles des cultures aux conditions du milieu.
L'influence de la pente sur le niveau de la nappe et donc sur l'humidité
du sol peut être observé par la figure 4.11 qui montre la
variation du niveau piézométrique dans les puits suivant le
profile en long du bas fond.
Niveau piezometrique (m)
0,8
0,6
0,4
0,2
1,2
0
1
puits 1
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5
puits 2
Distance entre les puits (Km)
puits 3
puits 4
juillet
Août
Septembre
Figure 4.11 : Variation du niveau
piézométrique suivant le profile en long du bas
fond
Il ressort de la figure que lorsque la pente s'adoucie
(d'amont vers l'aval), le niveau piézométrique de l'eau remonte
vers la surface du sol. Cependant, certains facteurs tels que la structure du
sol et la proximité des puits au lit mineur du bas fond, peuvent
influencer cette tendance. Pendant le mois de juillet où la
pluviométrie atteint 175 mm et malgré sa position en aval, le
puit 4 a un niveau piézométrique bas (profond). Ce qui suppose
que l'apport du lit mineur et des percolations est très faible. Mais
Lorsque la pluviométrie atteint 210 mm en Août et 200 mm en
Septembre, on constate dans le même puit, une remontée sensible du
niveau piézométrique vers la surface du sol. La courbe tend
véritablement vers une droite. L'effet du lit mineur sur la recharge de
la nappe phréatique est plus perceptible en ces périodes et ceci
sur tous les puits. Ainsi, nous retenons que la recharge de la nappe
phréatique dans le bas fond commence lorsque la pluviométrie
atteint un certain seuil mensuel. La connaissance de la période à
partir de laquelle son processus de vidange commence est indispensable pour
compléter la caractérisation hydrologique de ce bas fond.
Dans le mode d'exploitation de ce dernier, la pente du terrain
ne détermine pas le choix d'une culture. Mais en modifiant la vitesse
d'écoulement de l'eau en surface, la pente finit par influencer
l'hydrographie du bas fond. Par conséquence, elle détermine les
zones de mobilisation de l'eau, c'est-à-dire les espaces à taux
d'humidité élevé ou
non. Ces zones humides seront moins nombreuses lorsque la
pente du terrain est forte (partie amont) et que la saison sèche
s'installe et plus nombreuse lorsque le temps devient pluvieux posant ainsi
deux contraintes agronomiques qui réduisent la surface cultivable du bas
fond. La première est caractérisée par la « sous
humidité » de certains espaces cultivables et la deuxième
par leurs sur humidités. La maîtrise de la variabilité
temporelle de l'eau est très indispensable pour l'activité
agricole dans le bas fond. Elle peut sans doute favoriser une meilleure
implication des acteurs dans la préservation des ressources naturelles.
Pour cela, nous pensons qu'il faut faciliter la circulation de l'eau en
réduisant le nombre excessif des canaux créer par les paysans,
pour libérer le lit mineur du bas fond et retrouver le chemin naturel de
l'eau. La réalisation des ouvrages sur des petites distances comme les
digues (en terre ou filtrantes) avec aménagement du seuil du lit mineur
supprimera, suivant le profile en long du bas fond, le ruissellement et
favorisera la recharge de la nappe phréatique. Ces mesures doivent
être intégrées dans un système global d'irrigation
et drainage afin de définir clairement les réseaux à
mettre en place. L'ensablement ressentis au centre et en aval du bas fond
marque la fin du processus d'érosion initiée en tête sous
l'influence combinée de la pente et de la structure du sol (massive ;
sableuse). Pour résoudre ces problèmes, il est évident
qu'on doit agir en tête du bas fond pour minimiser l'érosion et
ensuite favoriser l'extension transversale des eaux accumulées en
surface. La proposition d'aménagement que nous venons de faire peut
lutter efficacement contre ce phénomène.
iii. Atouts et contraintes d'organisation du bas
fond
Ils concernent les éléments favorisants ou
limitants l'exploitation du potentiel agronomique du bas fond par les paysans.
Les atouts d'organisation du bas fond de Laïndé Karéwa
regroupent les points suivants :
- la proximité du bas fond avec les habitations facilite
l'accès et permet le contrôle des dégâts liés
au vol et aux pâtures des animaux;
- la densité du réseau hydrographique
rattaché au bas fond qui compte environ douze cours d'eau pour le
drainage d'un kilomètre carré;
- la superficie, 126,6 ha est très importante pour la
production agricole et surtout dans un contexte de saturation foncière
où la sécurité alimentaire devient de plus en plus
aléatoire. Elle est suffisante pour inciter à penser à un
aménagement hydro agricole pour encourager la gestion des ressources
naturelles. Puisque de nos jours, pour certains auteurs, cette gestion renvoie
beaucoup plus à
l'amélioration de la productivité des espaces
portant ces ressources naturelles. Si la superficie conditionne le niveau
d'investissement, le bas fond de Laïndé Karéwa devrait faire
l'objet d'une étude d'aménagement. A ce titre nous rappelons que
le périmètre irrigué de DROH GANA au Tchad est
aménagé sur une surface de moins de 30ha;
- La tenure foncière est essentiellement du type
propriétaire, ce qui favorise un bon cadre de dialogue pour la
concertation. Elle garantie la pérennité de la production
agricole dans cet espace souvent rares en milieu soudano sahélien;
- L'expérience villageoise sur les cultures de rente
(canne à sucre, bananiers et fruitiers) et la gestion de l'eau. Les
producteurs connaissent à leur niveau les itinéraires techniques
des cultures et les méthodes bien que peu efficaces de contrôle
des eaux de crues. Une étude critique sur les dimensions des canaux de
drainage qu'ils ont aménagés, permettra d'améliorer leurs
connaissances dans ce domaine;
- La reconnaissance par les agriculteurs des autres usages
tels que l'abreuvement et le pâturage exercés par les
éleveurs. Ceci constitue une base de dialogue et même un
départ sur le processus de gestion concertée;
- L'existence d'une pente globalement favorable à une
irrigation de surface par
gravité et une lutte anti-érosive moins exigeante
en matériels et techniques.
En ce qui concerne les contraintes d'exploitation du potentiel
du bas fond, nous
avons retenu les plus fréquemment rencontrées que
sont:
- L'ignorance des paysans des limites exactes du bas fond. La
densité d'exploitation en contre saison est plus élevée
dans sa zone centrale. Les versants du bas fond restent presque
inexploités. Or il est bien possible de les valoriser avec les cultures
maraîchères (jardinage);
- l'absence de technique de conservation de l'eau qui
s'observe par le fait que les exploitants en amont du bas fond se soucis plus
au drainage des parcelles pendant la saison pluvieuse. Alors que dans la
même partie, le problème d'accès à l'eau
d'irrigation en saison sèche constitue une contrainte majeure à
l'exploitation;
- Le manque de technique adaptée de conservation de sol
en zone avale du bas fond est marqué par l'érosion par ravinement
(présentée par la figure 4.12) qui favorise l'agrandissement du
lit mineur et crée des méandres. Ce processus est à
l'origine de la réduction des surfaces exploitables dans cette partie du
bas fond.
Cette situation inquiétante évolue chaque
année et fait déguerpir certains producteurs de leurs parcelles.
La menace est évidente et les pratiques culturales ne peuvent pas
supprimer ces ravins, il est imminent de penser à des
aménagements plus appropriés.
Figure 4.12 : Parcelles de canne à sucre
détruites par l'érosion par ravinement
- la sur humidité du sol de juillet à septembre,
limite les activités d'entretien et d'aménagement des parcelles
de canne à sucre en maturité. La présence des herbes et
sous arbrisseaux augmente la couverture du sol qui contribue à
l'humidifier d'avantage. Par conséquent, elle augmente le temps de
travail consacré au sarclages et drainage. La canne à sucre en
cette période a besoin de moins d'eau et d'une température assez
basse. Cette contraintes aura une influence sur la production et donc sur le
revenu final du producteur;
- la densité des canaux de drainage est
élevée et rend difficile le transport des botes des cannes
à sucre et même des régimes de banane lors des
récoltes. Ce transport qui est généralement assuré
sur la tête par les paysans et qui nécessite assez de main
d'oeuvre et d'investissement.
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