Les contes égyptiens anciens et les contes de l'Afrique subsaharienne: essai d'une analyse comparée( Télécharger le fichier original )par David Elysée Magloire TESSOH Université Yaoundé 1 - Master en littérature et civilisations africaines 2011 |
IV-3-3- La signification politiqueLa littérature orale étant une littérature populaire qui reflète la société, le conteur devient ipso facto un éveilleur de conscience qui se met au service de son peuple pour dénoncer tous les abus et toutes les injustices dont sont victimes le bas peuple. Le conte devient pour ainsi dire la tribune idéale où le peuple règle ses comptes en se vengeant de ses oppresseurs sur le plan de l'imaginaire en les ridiculisant et en les tournant en dérision. C'est le cas dans les contes n° 25 Le roi qui voulait épouser sa fille" et le n° 2 "Le conte de Rhampsinite". Dans le conte n°25 le roi se prête à une épreuve d'autoritarisme et de tyrannie, dans un élan conservateur excessif, il décide de priver sa fille de liberté de choix d'un époux et lorsque les prétendants arrivent, il les arrosent d'injures. « Va-t-en pantalon troué "l'autre trop vilain : "Il est laid, on dirait grain de riz" "regarde moi ce gawou". Malheureusement pour lui, c'est un écureuil qui va faire subir à la famille royale sa plus grande humiliation en engrossant la fille du roi malgré toutes les précautions prises par le roi. Dans le conte n° 2 c'est un jeune homme très rusé qui va se moquer du roi en volant son trésor et en rendant ivres les gardes du palais. A travers ces deux contes on peut lire en filigrane une invitation au peuple de ne plus se laisser jamais leurrer par ceux qui sont habiletés à veiller sur son épanouissement et sur son droit. Ceci résonne haut d'autant plus que le roi est censé être au service de sa population. Tous les hommes étant égaux, le conte a pour objet de rappeler aux puissants que les excès d'autorité finissent toujours par se retourner contre eux. En tournant en dérision ces puissants, le conte suscite dans le public le sens de la réflexion critique, le goût des interrogations fructueuses et la volonté d'analyser les problèmes, de les transcender et comprendre le fonctionnement de la société dans laquelle il évolue. En définitive on peut dire que le conte joue un rôle primordial dans la régulation des rapports entre les membres d'une société. IV-3-4- La signification cognitive ou intellectuelleL'une des fonctions fondamentales du conte sur laquelle les sociétés négro-africaines sont unanimes, c'est sa fonction cognitive dans la mesure où il y a dans la plupart des contes une volonté d'expliquer d'une manière convaincante ce qui est parfois scientifiquement inexplicable. C'est le cas des contes qui nous propose des explications étiologiques édifiantes sur certains faits qui nous entoure. Dans notre corpus, huit contes sont des contes étiologiques. Il s'agit plus précisément des contes. n°2 "Le conte de Rhampsinite" qui nous informe quant à l'origine de la malice chez les Egyptiens qui se considèrent comme étant les plus malicieux de la planète où la malice a vu le jour. A la fin du récit on peut lire : « n'avait-il pas, en effet, donné la preuve de la malice des Egyptiens qui en remontent à toutes les nations ». n° 11 "Les Coépouses " est un récit qui nous explique pourquoi les fesses de la femme sont plus grosses que celles de l'homme. n° 12 "La jeune fille et le lion" finit par : « Ainsi prend fin cette histoire sur l'origine du courage de la femme » n° 22 "L'origine du divorce" nous informe sur ce qui a provoqué le divorce entre l'homme et la femme : « Une fois rentrée chez elle, elle donna la flèche à son mari et décida de le quitter. Ainsi par eux, arriva le premier divorce. » n°23 "Et le ciel recula" est une tentative d'explication sur la distance qui existe entre le ciel et la terre. « C'est ainsi que par l'inadvertance d'une femme, la face du monde fut irrémédiablement changée. » n°24 "Pourquoi y a-t-il tant d'idiots de par le monde ? " Explique la présence des idiots dans tout le monde : « Les idiots et leurs femmes construisirent une cabane et vécurent tant bien que mal. Ils eurent des enfants aussi bêtes qu'eux, les cabanes se multiplièrent et les idiots se répandirent dans le monde entier » n° 27 "Comment le tambour est arrivé sur la terre" nous renseigne sur l'origine du tambour sur la terre. « C'est depuis ce temps là qu'il y a des tambours sur la terre pour danser et faire la fête ». n° 21"La dette de Kimanga" nous explique pourquoi le porc remue la terre avec son groin, pour ce conte, le porc est à la recherche de la pierre à écraser de la femme de la tortue qu'il avait jeté dans les champs : « jusqu'aujourd'hui Kùpù-le cochon cherche toujours la pierre à écraser de la femme de Kimanga avec son groin. » Des analyses qui précèdent nous pouvons dire que le conte ne se réduit pas essentiellement à sa fonction ludique, à côté on peut relever d'autres fonctions telles que les fonctions sociologiques, politiques ou encore intellectuelles. C'est fort de ce constat que Joseph Dong Aroga dira que : « La pratique du contage participe donc de l'éducation en même temps qu'elle est recréation. » 63(*) Tout en charmant et en amusant, les contes permettent la transmission de la culture, l'apprentissage de la langue et l'initiation à l'éloquence. * 63 DONG AROGA, Joseph, Au clair de la lune, les contes du Cameroun, Yaoundé, PUY, 2001, P.7 |
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