II.6. la situation des femmes sur le marché du travail
à Bukavu.
Malgré diverses déclarations et l'existence des
textes consacrant l'égalité des sexes, particulièrement
l'égalité selon le genre inhérente à la
participation au marché du travail, la réalité des faits
reste paradoxale à Bukavu.
La ségrégation du marché du travail, les
disparités de statut, de l'emploi, des salaires contribuant à la
« féminisation des travailleurs pauvres », des
disparités en terme de probabilité d'accès au salariat
plutôt qu'au travail indépendant ou à l'inactivité,
d'accès aux plus hautes instances politiques, administratives,
économiques, sociales,...la vulnérabilité et la
précarité des femmes sur le marché du travail,...semblent
en effet se jouer des lois imposant formellement l'égalité.
Beaucoup de femmes restent encore confinées dans des
travaux peu rémunérées, souvent dans l'économie
informelle, sans quasiment de protection juridique, peu ou pas de protection
sociale et une forte précarité. De ce fait, la propension des
femmes à participer au salariat reste beaucoup plus faible que pour les
hommes.
Plusieurs facteurs apparaissent déterminants dans le
renforcement des inégalités entre les hommes et les femmes sur le
marché du travail « Bukavien ».
La crise économique a en effet accru des tensions sur
le marché du travail, exacerbé la concurrence pour accéder
aux emplois disponibles et raréfié les actifs productifs.
Non seulement les femmes ont les opportunités de gain
plus limitées, mais également elles doivent surmonter des
handicaps supplémentaires pour accéder au marché du
travail notamment l'illettrisme, l'absence ou l'insuffisance de formation
scolaire et /ou professionnelle, l'incidence des considérations
traditionnelles, le jugement porté par des acteurs et institutions
participant au fonctionnement du marché du travail, les assignations au
travail domestique issues de la structuration de la vie privée,...
Les dotations en capital humain des femmes, la structure du
marché de travail et l'incidence de la société
traditionnelle structurent la carrière professionnelle des femmes et
favorise des points sur le marché de travail, beaucoup plus
vulnérables en termes de statut d'emploi que ceux des hommes.
A cet égard, l'ampleur du taux de chômage
féminin suggère l'exclusion du marché de travail
inhérente à des contraintes économiques et sociales
génératrices de manque en termes de gain et de
considération sociale et privée.
Le rapport de l'office national de l'emploi
révèle des disparités de l'emploi entre les hommes et les
femmes.
Ils enregistrent en effet à ce jour, environs 3391
demandeurs d'emploi dans la ville de Bukavu dont 3102 hommes contre 289 femmes,
soit 91,5% d'hommes inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi contre 8,5%
des femmes.
Et au niveau des contrats de travail visés de
l'année 2007 à l'année 2008, il ressort un total de 2396
dont 2095 pour les hommes et 301 pour les femmes, soit respectivement 87,4% et
12,6%.
Il ressort également d'un rapport effectué par
la division provinciale de la condition féminine et famille sur le
statut de la femme congolaise en 2008, des inégalités criantes
d'accès aux postes de responsabilité dans la province du Sud-Kivu
et dans la ville de Bukavu principalement.
Le tableau suivant nous fournit plus d'informations à
ce sujet :
Tableau N° 3 Promotion du genre en province du Sud-Kivu
en 2008
N°
|
DESIGNATION
|
HOMMES
|
FEMMES
|
TOTAL
|
1
|
Gouverneur de province
|
1
|
0
|
1
|
2
|
Vice- gouverneur
|
1
|
0
|
1
|
3
|
Ministres provinciaux
|
7
|
3
|
10
|
4
|
Assemblée provinciale
|
33
|
3
|
36
|
5
|
Maire de la ville
|
0
|
1
|
1
|
6
|
Maire adjoint
|
1
|
0
|
1
|
7
|
Bourgmestres titulaires
|
0
|
3
|
3
|
8
|
Bourgmestres adjoints
|
3
|
0
|
3
|
9
|
Administrateurs
|
8
|
0
|
8
|
10
|
Administrateurs assistants
|
5
|
3
|
8
|
11
|
Chefs des divisions provinciales
|
49
|
5
|
54
|
12
|
Entreprises para-étatiques
|
14
|
0
|
14
|
13
|
Magistrature
|
48
|
2
|
50
|
14
|
Instituts supérieurs
|
|
|
|
ISDR
|
30
|
1
|
31
|
ISP
|
40
|
1
|
41
|
15
|
Médecins chefs de zone
|
32
|
2
|
34
|
16
|
Enseignants
|
24.000
|
2600
|
26.600
|
17
|
Officiers supérieurs de la police
|
53
|
1
|
54
|
18
|
Officiers subalternes de la police
|
463
|
17
|
480
|
19
|
Officiers de première classe
|
175
|
11
|
186
|
20
|
Officiers de deuxième classe
|
137
|
3
|
140
|
21
|
Agents de la police
|
2959
|
140
|
3099
|
22
|
Agents de l'administration
|
3691
|
738
|
4429
|
|
TOTAL GENERAL
|
31.750
|
3534
|
35.280
|
Source : Division provinciale de la condition
féminine et famille, « Rapport sur le statut de la femme
congolaise et la proportion du genre par rapport à la femme en
2008 ».
Il ressort de ce tableau que 31 750 hommes occupent des
emplois relativement importants contre 3534 femmes, soit 89,9% contre 10,1%.
L'activité des femmes a acquis beaucoup plus de
visibilité dans le secteur informel qui a atteint des proportions
importantes suite à la dégradation du tissu économique et
des conditions de vie.
Dans ce paysage, les femmes font souvent du commerce et se
spécialisent dans l'alimentation et les vêtements. Elles sont
également très présentes sur le marché
parallèle des changes.
L'entreprenariat féminin s'exerce dans la couture, la
coiffure, la petite restauration, le salage du poison, la fabrication et la
vente de charbon ou de savon,...
Néanmoins, sauf quelques cas rares, la plupart des
femmes oeuvrant dans l'économie informelle restent pauvres et beaucoup
en sont tout simplement au stade de la survie.
L'émergence des associations féminines, des
coopératives témoigne progressivement du souci pour les femmes de
tisser des liens et de trouver des alliés.
Elles mettent par exemple sur pied des tontines ou
« likilimba » où elles cotisent de manière
régulière afin que l'une ou l'autre membre de l'association
puisse trouver des fonds en cas de besoin (démarrer un commerce, payer
l'école des enfants,...)
Bref, la situation des femmes sur le marché du travail
à Bukavu laisse à désirer.
Elle laisse apparaitre des inégalités criantes,
une forte précarité et une vulnérabilité qui
nécessitent encore des efforts considérables de la part du
pouvoir politique en termes de réduction des inégalités
selon le genre, de protection juridique et sociale et
d'accélération de l'éducation des femmes.
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