MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT REPUBLIQUE
TOGOLAISE
SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
Travail-Liberté-Patrie
UNIVERSITE DE LOME
FACULTE DE DROIT (FDD)
MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU DIPLOME
D'ETUDES APPROFONDIES (D.E.A.)
OPTION: Droit public
Fondamental
LES PROCESSUS ELECTORAUX EN AFRIQUE
NOIRE FRANCOPHONE
Présenté et soutenu par : Sous la
Direction de :
Mazamesso WELLA Prof. Dodzi K. KOKOROKO
Agrégé de Droit Public
Directeur du Centre du Droit Public Directeur de l'Ecole
Doctorale Membre de la CNDH
Année universitaire :
2008-2009
A
DIEU
LE TOUT PUISSANT,
POUR SA GRACE.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à adresser un sincère merci à
notre directeur de mémoire le professeur Dodzi KOKOROKO, non seulement
pour son appui et ses conseils pour la rédaction de ce mémoire,
mais aussi pour son soutien inconditionnel et indispensable de toute nature
depuis le deuxième cycle, sans lequel ce jour n'aurait pas lieu dans
notre vie. Veuillez trouver ici monsieur le Professeur, l'expression de ma
profonde gratitude.
Mes remerciements vont également à :
MM. le Président et les membres du jury pour avoir
accepté de siéger dans ce jury malgré leurs multiples
occupations,
M. Franck SOMALI et au professeur Alain ONDOUA pour leurs
contributions, Tout le corps enseignant qui a participé à ma
formation,
Mon père WELLA Kodjo qui a toujours
privilégié mes études,
Ma mère AWONA Poala,
Mes frères et soeurs, et toute la famille WELLA,
Mes camarades de promotion
MM. BOUILLI, Emmanuel DZREKE et Mme KOMBATE Dodo pour leurs
multiples soutiens,
M. Dassouvi SAMATY pour sa sollicitude,
Et à tous ceux qui, de près ou de loin ont
contribué à la réalisation de ce travail. Veuillez trouver
en ce travail, un motif de satisfaction.
iv
AVERTISSEMENT
La Faculté De Droit n'entend donner aucune approbation
ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces
opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur
|
SIGLES ET ABREVIATIONS
ACP/UE : Afrique Caraïbe Pacifique/ Union
Européenne
CENI : Commission Electorale Nationale
Indépendante
CEI : Commission Electorale
Indépendante
CENA : Commission Electorale Nationale
Autonome
CIJ : Cour Internationale de Justice
CNC : Conseil National de la Communication
DGE : Direction Générale des
Elections
Ed. Edition
HAAC : Haute Autorité de l'Audiovisuel et
de le Communication MONUC : Mission des Nations Unies en
Côte d'Ivoire
OIF : Organisation Internationale de la
Francophonie
ONEL : Observatoire National des Elections
ONU : Organisation des Nations Unies
PACE : Projet d'Appui Cycle Electoral
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement UA : Union Africaine
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour la
Science et la Culture
1
INTRODUCTION
« On n'organise pas les élections pour les perdre
»1.
Cette conception des élections, de l'ancien
Président congolais, Pascal LISSOUBA, selon laquelle les
élections ne constituent plus un moyen privilégié
d'alternance au pouvoir, est la traduction malheureuse de l'image des
élections organisées sur le continent africain. Les
élections comme mode de désignation des dirigeants, n'est pas
propre à l'Afrique mais l'histoire, les règles et l'ampleur des
irrégularités électorales rencontrées ici ne sont
pas les mêmes qu'ailleurs. Il est vrai que l'Afrique se rend
effectivement aux urnes pour choisir ses gouvernants, mais dans un contexte
politique et juridique radicalement différent. La problématique
des élections en Afrique commence dès lors à
intéresser de plus en plus des chercheurs qui n'épuisent pas pour
autant l'intérêt que l'on peut porter sur un tel sujet. C'est pour
céder humblement à la tentation d'apporter notre modeste
contribution à cette thématique d'une actualité
brûlante, que nous nous proposons de porter notre réflexion sur
les élections en Afrique noire francophone.
L'élection « est un mode de dévolution du
pouvoir reposant sur un choix opéré par l'intermédiaire
d'un vote ou suffrage »2. Elle est conçue comme un
instrument de désignation des gouvernants et apparaît comme un
substitut au tirage au sort, au hasard ou aux prédictions des oracles,
à l'hérédité ou à la cooptation, une
alternative viable à l'auto désignation et un outil de
participation des citoyens à la gestion de la chose publique.
L'élection apparaît à cet égard
comme une exigence pour les régimes politiques, en tout cas pour ceux
qui se réclament de l'ordre démocratique, et devient ainsi
l'élément primordial d'évaluation des régimes
démocratiques. Désormais des Etats seront acceptés ou
exclus de la communauté internationale selon que les dirigeants soient
issus des élections ou non, de la
1Cité par KOKOROKO (D.), Les élections
disputées : réussites et échecs, Le Pouvoir,
n°129/2, 2009, p. 115-125.
2DUHAMEL (O.)- MENY (Y.), Dictionnaire
constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p.1075.
régularité ou de l'irrégularité de
celles-ci. L'élection se traduit dans la pratique par le vote. Celui-ci
est « l'acte par lequel les gouvernés procèdent à la
désignation et à la légitimation de leurs gouvernants et
manifestent, à leur demande, leur approbation ou désapprobation
à l'égard des projets qu'ils leur soumettent 3».
Pour le Professeur Maurice HAURIOU, « le suffrage, c'est l'organisation
politique de l'assentiment, c'est-à-dire de cette opération de la
volonté qui consiste à accepter ou à ne pas accepter une
proposition faite ou une décision prise par un autre pouvoir ; mais
aussi l'organisation politique des sentiments de confiance et de
dévouement d'homme à homme qui engendre le patronage et la
clientèle4 ».
Aussi important et indispensable dans un monde devenu
unipolaire, voter en Afrique a aussi une histoire. Contrairement à
l'idée d'une importation de la démocratie et de ses
procédures, hypothèse qui ne voit qu'un mimétisme
maladroit dans les élections africaines, la dimension historique a ici
son importance. Les strates successives d'expériences de participation
et de compétitions politiques, depuis les pratiques précoloniales
jusqu'aux situations actuelles en passant par les expériences de
démocratie `'coloniale» et de partis uniques plus ou moins ouverts
à l'expression populaire, ont tracé une voie qui délimite
les trajectoires potentielles de la démocratie électorale en
Afrique.
L'idée de légitimité populaire, voire
démocratique, n'est pas étrangère à certains
systèmes politiques africains anciens. Avant l'importation des
procédures occidentales de participation, et plus
particulièrement du vote, il n'était pas exceptionnel de
rencontrer des formules de contrôle du pouvoir ou de prise de
décision collective.5
S'agissant de l'introduction du scrutin proprement dit, il
n'est pas un fait récent. Des élections ont été
organisées à Freetown dès 1787. En 1848, le suffrage
3 Voir O. DUHAMEL et Y. MENY, Dictionnaire
constitutionnel, op.cit.
4 HAURIOU(M.), Précis de droit
constitutionnel, Paris, Recueil Sirey, 2e éd. 1929,
p.544.
5 QUANTIN (P.), Les élections en Afrique :
entre rejet et institutionnalisation,
www.afrilex.ubordeaux4.fr,
consulté en mai 2010.
3
universel a été accordé dans quatre
communes du Sénégal qui l'ont conservé jusqu'à
l'indépendance. Ces collectivités, non seulement
désignaient leurs édiles, mais envoyaient aussi un
député à Paris. Ces expériences électorales
de l'Afrique durant la période coloniale se sont poursuivies
après les indépendances sous les régimes de parti unique.
Mais s'il est indéniable que les élections sont
régulièrement organisées sur le continent après les
années 1960, celles-ci n'ont pas été compétitives
et démocratiques car l'opposition était interdite et seul le
parti unique organise et gagne les élections. Tel était le cas au
Togo, en Côte d'ivoire et dans d'autres pays sur le continent avant les
années 1990. Il est donc clair que dans ces conditions, ces
élections ne peuvent pas être qualifiées de
démocratiques du moins au regard des règles de droit
international.
La vague de transitions démocratiques du début
des années en 1990 a marqué le retour du multipartisme et du
principe des élections libres et honnêtes. Elle a ainsi
replacé la question du vote au centre de la politique africaine.
Pourtant ce retour ne doit pas occulter la trace des expériences
politiques non compétitives vécues pendant vingt ou trente ans
par les électeurs africains. En tout cas l'organisation des
élections libres et transparentes était devenue dans plusieurs
Etats africains, une exigence depuis le renouveau démocratique des
années 90. Désormais, du moins dans certains cas, les partis au
pouvoir commencent à perdre les élections, l'alternance n'est
plus interdite et leurs résultats sont acceptés même s'ils
sont défavorables aux sortants.6 Des décisions du juge
électoral sont respectées.7Ce sont là autant
d'événements et d'évolutions qui attestent de la
modification des comportements politiques vis-à-vis de
l'élection, du droit et de son juge et d'une nouvelle vision du
politique en Afrique. Si comme l'enseignent depuis longtemps les
théoriciens du politique, les élections disputées ne
sauraient à elles seules être un gage de démocratie, elles
n'en sont pas moins, quelles que soient leurs limites, une condition
nécessaire du développement démocratique.
6 Cas du Benin, Madagascar, du Sénégal
et du Congo.
7 Cas du Mali où la Cours Suprême annula
l'ensemble des élections législatives de 1997.
Consacré tant par les textes constitutionnels que par
les prescriptions de la communauté internationale8, le
recours aux élections n'est pourtant pas aujourd'hui sans rencontrer des
réserves et susciter des appréhensions. Les difficultés
semblent parfois empirer si l'on en juge par la gravité des crises
liées à l'organisation de récents scrutins9.
Les critiques des élections africaines se multiplient et, souvent
exprimées en termes vifs sinon virulents, instruisent des procès
sans appel.
Il se révèle alors que, dans la pratique,
l'élection libre et honnête semble démentie dans nombre de
pays d'Afrique noire francophone. Malgré l'avancée normative et
sur le plan pratique dans une moindre mesure, il existe un écart avec la
réalité. Cette situation justifie qu'on se pose la question
suivante : pourquoi les élections africaines riment avec crises et
violences politiques ?
A y voir de près, les élections
organisées en Afrique noire francophone ne revêtent pas les
mêmes aspects que celles des grandes nations démocratiques. Faites
d'irrégularités et de fraudes, les élections en Afrique ne
constituent pas un moyen crédible de promotion des alternances
démocratiques et politiques. Dans les pays objets de cette étude,
les consultations électorales se soldent généralement par
des contestations parfois violentes que l'on justifie par les lacunes qui
auraient entaché leur déroulement. N'entend-on pas souvent des
acteurs s'écrier : "c'est la mascarade électorale" ; "il y a
tripatouillage" ; "c'est la pagaille, on a volé nos voix, notre
victoire" ; "c'est un hold-up électoral" ; "ce sont des élections
en trompe-l'oeil" ; etc. Cette situation proviendrait des
irrégularités et fraudes savamment orchestrées par le
pourvoir en place pour faire échec à l'alternance par les
urnes.
Les heurts et malheurs des élections en Afrique
trouvent leurs justifications dans l'incohérence des normes et
institutions électorales d'une part et le comportement de
l'électeur africain dont le choix semble être lié à
sa communauté d'origine d'autre part.
8 Déclaration sur les élections
libres et régulières, Déclaration universelle sur la
démocratie adoptées par le Conseil interparlementaire
respectivement lors de sa 154ème et sa
161ème session à Paris le 16 mars 1994 et au Caire le
16 septembre 1997, Charte africaine de la démocratie, des
élections de la gouvernance adoptée le 30 janvier 2007.
9 Les élections ivoiriennes de novembre 2010
qui ont provoqué d'énormes pertes en vies humaines en attestent
largement la situation.
5
Ces vicissitudes électorales qui
dégénèrent dans la plupart des cas en des violences
sociales et ethniques10 et parfois sources des coups d'états
militaires11, sont liées non seulement à
l'imperfection du cadre normatif et institutionnel mais aussi à
l'environnement socioculturel dans lequel la démocratie
électorale africaine est appelée à s'épanouir. Les
énormes difficultés qu'éprouve l'Afrique pour s'approprier
la démocratie électorale fait penser à l'avenir des
élections en Afrique.
Aujourd'hui l'organisation des élections
sincères et fiables présente un enjeu primordial tant sur le plan
interne qu'international. Sur le plan national, les peuples admettent
aujourd'hui difficilement que leurs gouvernants soient choisis par des
procédés autres que ceux électoraux12. Sur le
plan international, les élections régulières et
transparentes constituent un moyen par lequel on classe et déclasse les
Etats dans la communauté internationale. Cette nouvelle donne oblige les
Etats défaillants en matière électorale à
s'inscrire non dans une perspective d'abandon des élections comme moyen
de désignation des dirigeants mais dans une dynamique de réforme
électorale.
Le sujet est intéressant à un double point de
vue. Au plan institutionnel, il s'agit de l'analyse d'une institution
fondamentale de la démocratie. « Nul gouvernement n'est
légitime si son autorité et ses fonctions ne découlent pas
du consentement des gouvernés »13. La manifestation de
l'adhésion du peuple, titulaire de la souveraineté, à
l'exercice du pouvoir politique, implique que les gouvernants soient
légitimés au moyen des élections. Election en tant que
moyen de légitimation, mérite d'être analysée. Au
plan fonctionnel, ce travail vise à proposer des approches de solutions
pour une amélioration des processus électoraux qui restent
congénital à la démocratie et ceci face aux
réserves qui leur sont formulées par ses détracteurs.
10 Cas du Kenya 2007, de la Côte d'Ivoire en
2000 et 2010, du Togo en 2005
11 Cas du Niger
12 Les contestations et manifestations des populations
des pays Maghreb qui ont conduit à la démission des
présidents tunisien et égyptien en attestent largement la
situation.
13 HALLOWEL (J.-H.), cité par DAKO (S.),
Processus électoraux et transitions démocratiques en Afrique
noire francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du
Sénégal et du Togo, Thèse de doctorat université
d'Abomey-Calavi, 2008, p.12
Pour une meilleure compréhension de notre étude,
nous analyseront, dans une première partie, les vicissitudes
électorales en Afrique noire et les perspectives dans une seconde
partie.
1ère Partie :
LES
VICISSITUDES
ELECTORALES
7
« Aux urnes l'Afrique ! »14, tel est
l'appel lancé par une équipe de chercheurs du centre d'Etudes
d'Afrique noire de Bordeaux depuis plus de trois décennies aujourd'hui.
Cet appel, appuyé par le discours de La Baule15, a
été entendu car l'Afrique se rend effectivement aux urnes,
surtout depuis les années 1990 et ceci dans le contexte du renouveau
démocratique. Vingt ans après, quel bilan peut-on dresser de la
pratique électorale dans la sphère objet de notre étude?
L'analyse de la situation présente un contraste. D'un côté,
la démocratie électorale africaine peut être
qualifiée d'irréversible car le tissu normatif et
opérationnel érigé pour l'organisation des
élections ne souffre pas de reproches majeurs. Ainsi, du moins
théoriquement, l'alternance n'est plus interdite, les résultats
électoraux sont acceptés même s'ils sont
défavorables aux sortants, les décisions du juge
électorale sont respectées. Tout ceci atteste du changement du
comportement politique de l'Afrique vis-à-vis de l'élection. De
l'autre côté, les élections en Afrique créent plus
de problèmes qu'elles n'en résolvent. Il suffit d'analyser les
crises électorales et postélectorales pour s'en rendre compte.
Les élections sont sources de violences et parfois plus
meurtrières16 que les grandes pandémies au point
où l'on se pose la question de savoir si cela vaut la peine. De cette
oscillation il résulte que l'Afrique a connu une révolution en
matière électorale (chapitre I) qui, à l'épreuve
des difficultés semble être réversible (chapitre II).
14 Appel lancé par une équipe de
chercheurs « aux urnes l'Afrique ! Elections et pouvoirs en Afrique noire
» Centre d'Etude d'Afrique Noire de Bordeaux, Pedone, 1978.
15 Discours prononcé par le Président
Français François Mitterrand le 20 juin 1990 lors du
16ème sommet France-Afrique.
16 Les différents rapports des Nations Unies
sur le Togo en 2005, Kenya en 2007 et la Côte d'Ivoire en 2010 lors des
élections présidentielles font part des milliers de morts et de
violation des droits humains.
CHAPITRE I : UN VOLONTARISME
NORMATIF
EN MATIERE ELECTORALE
|
L'histoire politique africaine est marquée, ces deux
dernières décennies, par un progrès significatif en
matière démocratique de façon générale et
sur le plan électoral en particulier. Le Vent de l'Est a contraint, en
complicité avec d'autres acteurs locaux, les dirigeants africains, en
majorité autoritaires, à moderniser leur régime politique.
Ce bond démocratique a conduit les Etats africains à adopter
l'organisation périodique des élections, comme mode d'accession
au pouvoir en lieu et place des coups d'Etat qui ont été
privilégiés depuis les indépendances. Cette
adhésion générale, du moins sur le plan normatif, au
principe des élections libres, démocratiques et honnêtes
(section 1), s'est accompagnée d'un mode d'organisation originale des
scrutins électoraux (section 2).
SECTION I : ADHESION GENERALE AUX PRINCIPES
ELECTORAUX
Si les élections ne sont pas étrangères
au continent africain, il est aussi indéniable que celles
organisées depuis les décennies 90 se situent dans une dynamique
de démocratisation. Elles s'organisent dans un climat plus
démocratique et ceci sous la pression de certains acteurs
internes17 et de la communauté internationale. Des garanties
minimales pour l'organisation des scrutins démocratiques ont, à
cet effet, été posées. Ainsi a-t-on assisté
à un retour au pluralisme politique (§ 1) et à la
consécration du droit aux élections libres et
démocratiques (§ 2).
PARAGRAPHE I : RETOUR AU PLURALISME
POLITIQUE Le pluralisme politique qui suppose une diversité
d'opinions, de tendances, exclut la dictature (A) qui est l'exercice sans
contrôle du pouvoir absolu et
17 La société civile, les partis
politiques de l'opposition, les mouvements estudiantins...
9
souverain18. Aussi l'opposition a-t-elle
été admise et reconnue comme corollaire de ce pluralisme (B).
A- Rejet de la dictature
La dictature instaurée dans la plupart des Etats
africains au lendemain des indépendances et surtout au début des
années 1970, a été dénoncée pour plusieurs
raisons. Aussi, cette dénonciation s'est-elle manifestée sous
plusieurs formes.
La dénonciation de la dictature s'explique par de
multiples raisons. Ces raisons tiennent à la négation des droits
et libertés, à l'incapacité de ces régimes à
fédérer les différentes tendances politiques dans le cadre
de la politique d'unité nationale et à l'illusion de
développement économique.
S'agissant d'abord des droits et libertés et
particulièrement ceux relatifs aux élections, ils étaient
pratiquement inexistants puisque les élections organisées dans le
cadre du parti unique constituaient des « élections sans choix
»19 du fait que tout était mis en oeuvre pour que
le candidat du parti unique remporte le scrutin. Aussi, aucune divergence
idéologique n'était-elle concevable. Or il n'y a pas de choix
sans pluralité de candidats ou d'idéologies politiques. Il est
donc certain que les scrutins organisés sous le parti unique ignoraient
les règles minimales d'une compétition électorale et sont
en parfaite contradiction avec le standard démocratique. En tout cas,
comme l'écrit Jacques CADART à propos de la Chine, « Les
élections n'ont pas tant pour objet de permettre au peuple de se choisir
des chefs qu'aux chefs de se rappeler au bon souvenir du peuple
».20
Ensuite le parti unique, selon les promoteurs, avait pour
vocation de fondre toutes les forces vives dans un même creuset national.
Mais l'écoulement du temps a révélé au grand jour
les incapacités d'un tel système à converger toutes les
idéologies dans une même direction en termes de politique
d'unité nationale. Le parti unique a, au contraire, attisé par
ses politiques tribalistes et
18 Dictionnaire LAROUSSE illustrée.
21 AHADZI-NONOU (K.), Essai de réflexion
sur les régimes de fait : le cas du Togo, cité par
KOKOROKO (D.), Contribution à l'étude de l'observation
internationale des élections. Thèse de doctorat ;
Université de Poitiers, 2008, p.43
20CADART (J) cité par
KOKOROKO (D), Contribution à l'étude de l'observation
internationale des élections. Op.cit. p.44
10
discriminatoires, les dissensions qui couvaient entre les
différentes régions et ethnies.
Enfin l'échec du parti unique sur le plan du
développement économique justifie le retour au pluralisme
politique. Les analyses statistiques démontraient, dans les
années 1980 et 1990, la régression des indicateurs
économiques, sociaux et les déséquilibres financiers
intérieurs et externes.
De surcroît, le continent africain est apparu
marginalisé dans le commerce mondial.
Tous ces facteurs justifient non seulement la faillite ou les
faiblesses des régimes dictatoriaux, mais aussi constituent les causes
du rejet de la dictature, un rejet qui s'est manifesté sous plusieurs
formes.
Les conférences nationales initiées en Afrique
au début des années 1990, à la suite de la chute du mur de
Berlin et de l'effondrement des pays communistes de l'ancien bloc de l'Est, ont
inauguré la « vague de démocratisation », selon
l'expression de Samuel Huntington21. Il faut souligner que le
processus de démocratisation avait déjà été
enclenché plus tôt dans un certain nombre de pays africains
(Sénégal, Gambie, Cap-Vert, Ile Maurice, Lesotho, par exemple).
Mais la plupart des pays africains l'ont lancé au début des
années 1990 selon deux modalités différentes.
D'une part, les conférences nationales, faut-il le
rappeler, sont une invention, une contribution africaine à la
théorie de la démocratisation. Ces assises politiques
imposées par les mouvements d'opposition aux pouvoirs en place,
composés essentiellement d'organisations de la société
civile, se sont soldées par des résultats variables. Le
modèle béninois de transition a influencé le dynamisme
politique des pays francophones du début des années 1990.
Certains pays ont adhéré à cette nouvelle forme de
démocratisation avec des fortunes diverses. La conférence
nationale a été souveraine dans la plupart des pays qui l'ont
expérimentée, à l'exception du Gabon. L'alternance est
survenue au Congo (Brazzaville) et au Niger malgré quelques
péripéties. Au Togo, l'issue de la conférence a
été militarisée; l'armée est intervenue dans le
processus aux côtés du président pour contester certaines
décisions de la conférence
21GUEYE (B.), La démocratie en Afrique :
succès et résistances, Pouvoirs, N° 129,2009/2, p.
5- 26.
nationale et lui imposer sa volonté en
définitive, tandis qu'au Zaïre, les manipulations politiques et
institutionnelles l'ont fait perdurer et ont fini par en ruiner la
crédibilité.
L'autre voie de démocratisation, moins originale, a
consisté à anticiper la revendication de la tenue d'une
conférence nationale souveraine « stratégie offensive »
ou à réformer le système constitutionnel et politique sous
les pressions nationales et internationales « stratégie
défensive ». Une telle conférence a été mise
en oeuvre en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Cameroun, à
Madagascar, etc. La stratégie offensive, consistant pour le
président de la République à prendre l'initiative de la
démocratisation, a été expérimentée en
Zambie, au Cap-Vert, à Sao Tomé-et-Principe, etc.
Quelle que soit la voie empruntée, le processus de
démocratisation a permis, dans tous les pays, l'instauration du
multipartisme, du pluralisme politique, économique et syndical,
l'organisation d'élections disputées, la rédaction de
nouvelles constitutions et leur adoption par référendum ; bref,
l'organisation de la vie démocratique.
L'effervescence qui a accompagné ce processus
était telle que certains observateurs n'ont pas hésité
à annoncer le caractère irréversible de la
démocratie pluraliste au plan universel, et en particulier en
Afrique.22 Ce refus de la dictature a eu comme corolaire la
reconnaissance formelle de l'opposition.
B- Reconnaissance de l'opposition
Le respect de l'opposition est une conséquence du refus
de la dictature et de la proclamation des libertés. Elle
représente une des vertus cardinales de la démocratie
libérale sur le plan politique. En effet, le jeu de la liberté
doit conduire à la diversité des opinions à propos de la
gestion des affaires publiques. La liberté appelle donc l'existence de
partis politiques destinés à se succéder au pouvoir. C'est
dans cette optique que Boubacar GUEYE souligne que «l'opposition
d'aujourd'hui a naturellement vocation à devenir la majorité de
demain. C'est pourquoi elle doit être respectée et
protégée. Elle est une
22 FUKUYAMA (F.), La Fin de l'histoire et le
Dernier Homme, Flammarion, 1992, p.7-8, cité par GUEYE (B.), La
démocratie en Afrique : succès et résistances, op.cit.,
p.12,
12
composante essentielle de la démocratie en ce qu'elle
offre aux citoyens une alternative à la politique définie et
appliquée par le régime politique en place. Elle assume au fond
une mission de service public : contrôler et critiquer l'action
gouvernementale, proposer des valeurs, des idées et un projet de
société alternatif à ceux véhiculés et
appliqués par le parti ou la coalition de partis au pouvoir, et briguer
les suffrages des citoyens »23.
La reconnaissance de l'opposition a été, pendant
plus de trois décennies une des préoccupations politiques
majeures des démocrates africains. Elle a été au centre
des débats occasionnés par la transition démocratique
enclenchée à partir de 1990, à la suite du discours de La
Baule tenu par François Mitterrand lors du sommet France-Afrique en juin
1990. Une fois le pluralisme consacré par les nouvelles constitutions
africaines, des concertations entre partis politiques de la majorité et
de l'opposition ont été organisées périodiquement
dans plusieurs pays en vue de parvenir à une définition
consensuelle des règles du jeu politique et une pacification des
rapports majorité/opposition. Ainsi en est-il du Mali, du Burkina et du
Sénégal. Georges Vedel enseigne que « la démocratie,
dans le contexte des systèmes politiques majoritaires, renvoie à
l'exercice du pouvoir d'État par la majorité sous le
contrôle de l'opposition et l'arbitrage du peuple24 ».
L'existence d'une minorité ou d'une opposition est une dimension
constitutive de l'État démocratique. L'opposition en question ici
ne désigne pas seulement le groupe politique le moins
représenté à l'assemblée législative avec
lequel, conformément au voeu de Kelsen, le gouvernement de l'État
démocratique est susceptible de négocier des
compromis25, mais surtout l'ensemble formé par les citoyens
fondamentalement hostiles aux objectifs du régime en place, fussent-ils
organisés ou non.
Reconnaître un statut à l'opposition constitue de
ce fait une opportunité pour celle-ci d'avoir les moyens de porter son
message au peuple et de conquérir ses suffrages à l'occasion
d'élections pluralistes transparentes, loyales et sincères. Les
nouvelles constitutions africaines ne se contentent pas de
23 GUEYE (B.), La démocratie en Afrique :
succès et résistances, op.cit., p.21.
24 Cité par El HADJI (M.), « les
garanties et éventuels statuts de l'opposition en Afrique », Actes
de la quatrième réunion préparatoire au symposium
international de Bamako « la vie politique »mai 2000, p.1
non publié et repris par GUEYE (B.), op.cit.
25 Cité par GUEYE B.), op.cit., p.17.
reconnaître l'opposition ; certaines d'entre elles
affirment lui attribuer un statut formel26 destiné à
assurer son expression, sa représentation dans les instances de la
République, son inscription dans le débat parlementaire et sa
participation à certains organes de travail. Lors des travaux de la
28ème conférence de l'Union parlementaire africaine,
organisée en mars 2005 à Brazzaville, les participants se sont
unanimement accordés sur la nécessité de consolider la
démocratie pluraliste par la définition, entre autres, d'un
statut de l'opposition. L'adoption d'un statut de l'opposition est devenue une
aspiration majeure des démocraties en construction. Plusieurs pays
africains l'ont érigé au profit de leur opposition politique,
à l'instar du Congo27, Mali28, du Burkina Faso et
du Niger. Certains pays sont allés plus loin en associant l'opposition
à l'exercice du pouvoir dans le cadre de gouvernements d'union nationale
(Sénégal, Afrique du Sud, Mali, Gabon, Togo...).
Ce retour au pluralisme a eu pour corollaire la
consécration du droit aux élections libres et
démocratiques
PARAGRAPHE II : CONSECRATION DES DROITS ELECTORAUX
On note, pour s'en féliciter, l'acceptation
générale, en Afrique, du principe de l'organisation
d'élections libres et transparentes à intervalles
réguliers. Le citoyen africain se trouve ainsi conforté dans son
droit de choisir ou de sanctionner les dirigeants au moyen de sa carte
d'électeur. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à la
violence ou à la désobéissance civile pour exprimer sa
désapprobation. L'échéance électorale lui permet
d'exprimer sa citoyenneté, de demander des comptes aux gouvernants et
d'exiger la prise en charge de ses aspirations. Pour qu'il en soit ainsi,
certains droits lui sont formellement consacrés dont les plus essentiels
et indispensables sont l'égalité de traitement des candidats (A)
d'une part et le droit de vote (B) d'autre part.
26 Article 58 de la constitution du
Sénégal.
27 Loi 07/OO8 du 04 décembre 2007 portant
statut de l'opposition.
28 Loi 95-073du 15 décembre 1995 portant
statut de l'opposition en République du Mali. Art. 1er : la
présente loi a pour objet de conférer un statut juridique
à l'opposition dans un cadre démocratique et pluraliste aux fins
de contenir le débat politique dans les limites de la
légalité et d'assurer l'alternance pacifique au pouvoir. Art. 2:
on entend par opposition politique un ou plusieurs partis distincts du parti ou
de la coalition de partis politiques constituant le gouvernement ou soutenant
l'action gouvernementale. Elle constitue un élément essentiel de
la démocratie pluraliste.
14
A- Traitement égalitaire des candidats
L'égalité de traitement des candidats suppose,
en amont, la possibilité, pour tout citoyen remplissant les conditions
posées par le code électoral, d'être éligible.
L'éligibilité est « la capacité juridique à se
porter candidat à une élection politique ou non
»29. Ces conditions tiennent souvent à l'âge,
à la nationalité, au niveau d'instruction ou à la
résidence continue....Les conditions d'éligibilité ne
doivent pas être destinées à exclure certains du droit
d'être éligible mais à garantir que le futur Chef d'Etat ou
mandataire présente les aptitudes et capacités nécessaires
pour diriger. Une fois éligibles, les candidats doivent être
traités de façon égalitaire, ceci, lors de la campagne
surtout.
La campagne électorale étant l'ensemble des
activités de propagande par lesquelles les candidats, les partis
politiques etc., invitent les électeurs convoqués pour un scrutin
déterminé à s'y prononcer dans tel ou tel
sens30, constitue une période cruciale du scrutin.
C'est la période au cours de laquelle les candidats ou les coalitions
des partis politiques s'adressent aux électeurs en leur dévoilant
leurs projets de société, leur programme, bref la politique qui
sera exécutée si le choix est majoritairement porté sur
eux. Le mauvais déroulement de la campagne électorale pour
quelques raisons que ce soit, aurait une incidence négative sur la
fiabilité et la sincérité du scrutin.
Pour le Professeur Maurice KAMTO, «
l'égalité du traitement des candidats par les médias lors
de la campagne électorale est l'une des conditions essentielles de la
préservation de la liberté de choix des électeurs et de
l'égalité de chances des candidats. C'est donc une des pierres
angulaires de la démocratie »31. Dans ce cas, la
réglementation de l'accès des candidats aux médias devient
un impératif du processus de désignation des
délégataires du pouvoir politique.
Les législateurs africains n'ont pas
échappé à ce devoir. Conscients de cet impératif,
les Etats africains, du moins dans leur majorité, dans le souci
d'organiser des élections crédibles, ont inséré,
dans leurs législations électorales, des règles qui
gouvernent l'accès aux médias surtout publics en
29 BIDEGARAY, (ch.) « L'éligibilité
», Dictionnaire du vote, p. 404
30CORNU (G.), vocabulaire juridique,
1ère édition, 1987
31 KAMTO (M), « Le contentieux électoral
au Cameroun », Lex Lata, n° 020, novembre 1995, p.8.
période électorale. Ainsi aux termes de l'art.
94 du code électoral du Togo, « tout candidat ou liste de candidats
dispose, pour présenter son programme aux électeurs, d'un
accès équitable aux moyens officiels d'information et de
communication dans le respect des procédures et modalités
déterminées par la Haute Autorité de l'Audio-visuel et de
la Communication ». L'art. 68 de la loi 2006-25 du 5 janvier 2007 portant
règles générales pour les élections en
République du Bénin apporte des précisions sur les moyens
dont il s'agit. On y retrouve la radiodiffusion, la télévision et
la presse écrite. Les prérogatives de régulation
reviennent également à la Haute Autorité de l'Audiovisuel
et de la Communication (HAAC)32. Au Gabon, l'art. 95 de la
Constitution qui traite de la question dispose qu'il est institué un
Conseil National de la Communication (CNC) chargé, entre autres, de
veiller au respect de l'expression de la démocratie et de la
liberté de la presse sur l'étendue du territoire, au traitement
équitable de tous les partis politiques et au respect des règles
concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des
émissions relatives aux campagnes électorales. L'instance de
régulation arrive, quelques fois, à faire corriger les injustices
relevées dans la couverture des campagnes électorales par les
médias d'Etat, ce qui constitue une avancée en matière
électorale.
L'égalité de traitement des candidats implique
aussi une égalité devant les moyens financiers. La «
campagne électorale est une grande consommatrice d'argent
»33. Elle nécessite des ressources que tous les citoyens
désireux d'être candidats ne sont pas en mesure de mobiliser.
Souvent les candidats au pouvoir utilisent les deniers publics pour les besoins
de leur campagne électorale, possibilité dont ne disposent pas
ceux de l'opposition. Ceci contribue à fausser le jeu électoral.
Cette réalité ainsi que la nécessité de respecter
l'égalité du vote ont conduit à l'élaboration de
certaines normes relatives non seulement aux dépenses de campagne mais
aussi aux ressources mobilisables afin de les couvrir.
32 Voir art.142 de constitution béninoise du
11 décembre 1990 et art.68 de la loi n°2005-14 du 28 juillet 2005
portant règles générales pour les élections en
République du Bénin, J.O de la République, 1er
janvier 2006.
33 DAKO (S.), « Processus électoraux et
transitions démocratiques en Afrique Noire francophone. Etude des cas du
Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo »
; Thèse de Doctorat, Université d'Abomey-Calavi, 2008, p.215.
16
S'agissant du premier aspect, on a assisté à une
règlementation des dépenses électorales. Dans une
élection, les dépenses des candidats sont constituées par
le cautionnement et les dépenses de propagande électorale. Le
cautionnement électoral est défini comme « la somme d'argent
que doit déposer le candidat à une élection et qui lui est
remboursée s'il obtient un certain pourcentage de suffrage a pour but de
décourager les candidatures fantaisistes ».34 Si les
Etats comme le Cameroun et le Gabon offrent une liberté de
détermination de ces dépenses35, d'autres à
l'instar du Benin et du Togo, ont prévu des plafonds de dépenses
pour toutes les élections36. Concernant les moyens de
financement, les lois prévoient deux catégories de ressources :
les ressources privées37 et le financement
public38.
Somme toute les candidats à un scrutin
bénéficient d'un traitement équitable, du moins
théoriquement, garantissant la possibilité pour chacun
d'être élu, mais encore faut-il que les électeurs disposent
d'une véritable liberté de vote.
B- La liberté de vote
La question ici se pose non en termes de droit de vote, mais
de la liberté de vote car les législations électorales
africaines ont consacré le suffrage universel. Ainsi contrairement aux
libertés d'action, la liberté de vote doit être
appréhendée sous le rapport de l'intériorité. Elle
vise l'autonomie de son titulaire. L'électeur opère
intérieurement son choix avant de l'exprimer dans l'urne. En effet, au
nom de la liberté démocratique, les nouvelles constitutions
africaines permettent aux citoyens de voter ou de ne pas le faire. Ils
bénéficient, en vertu de ce principe, en plus du droit de voter,
d'un véritable droit à
34 Voir Lexique de termes juridiques, Paris, Dalloz,
8e éd., 1990, p.79.
35 Loi n° 2000/015 du 15 Décembre 2000 du
Cameroun.
36 L'art.107 de la loi n°2006-25 du 5 janvier
2007 portant règles générales sur les élections au
Bénin, fixe le plafond à cinq millions de francs de
dépenses par candidat pour les élections législatives et
à cinq cent millions de francs pour l'élection
présidentielle.
37 Les ressources privées regroupent, en
dehors des ressources propres des partis, les dons et legs, les aides provenant
de personnes privées tant nationales qu'étrangères. Aux
termes de l'art.35 al.3 de la loi n° 2001-21 du 21 février 2003
portant charte des partis politiques au Bénin, « le montant des
dons et libéralités éventuels de source extérieure
au Bénin provenant de personnes physiques ou morales et destinées
à un parti politique ne doit en aucun cas dépasser le tiers (1/3)
du montant total des ressources propres de ce parti ». Au Togo, l'art.19
de la charte des partis politiques précise que « le montant des
ressources éventuelles provenant de l'extérieur ne doit pas
excéder 25 % du montant total des ressources du parti ».
38 Voir art. 33 de la charte des partis politiques du
Bénin ; art. 18 de la charte des partis politiques du Togo ; art. 20 de
la charte des partis politiques du Gabon.
l'abstention. Mais la liberté du vote requiert aussi
l'absence de pressions sur les électeurs. C'est pourquoi, lorsqu'ils
choisissent de voter, les Constitutions garantissent le secret de leur vote.
La faculté de dire oui ou non, de faire ou de ne pas
faire, est le fondement du suffrage universel et donc, de la démocratie.
Nul ne doit être contraint de participer à la désignation
des gouvernants. La liberté de l'électeur implique son droit de
ne pas participer au vote s'il ne le désire pas. Si certains Etats
occidentaux ont opté pour le vote obligatoire39 pour lutter
contre l'abstention40, les Etats africains, à l'instar du
Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo ont
choisi de ne pas rendre le vote obligatoire. Leurs constitutions ne le
prévoient pas expressément mais aucune sanction ne figure dans
les lois électorales à l'encontre des abstentionnistes. Les
électeurs disposent donc d'un véritable droit à
l'abstention car toute obligation implique une sanction. Mais lorsque
l'électeur choisit de se prononcer dans tel ou tel sens, son choix reste
secret : c'est le secret de vote.
Le secret du vote est sans doute l'un des principes
fondamentaux du droit de suffrage car c'est ce qui en garantit une expression
démocratique. En effet, le vote est un droit personnel dont l'exercice
implique des procédures « individualisantes ». Quelle que soit
sa catégorie sociale, l'électeur doit être le seul
témoin de son vote. Ainsi, le vote secret a pour effet de
protéger le faible des pressions du fort. Sa préservation suppose
la prise de deux précautions. D'abord, le secret du vote requiert
l'instauration du vote écrit par bulletin41 car,
comparé à la déclaration orale, celui-ci permet une plus
grande confidentialité du vote. En Afrique, comme dans toutes les
démocraties actuelles, les électeurs expriment leurs votes sur
des bulletins qu'ils déposent dans des urnes conçues à cet
effet. Ensuite, la protection totale du secret du vote est-elle assurée
par l'utilisation d'isoloirs. Car, comme l'a écrit GOODWIN-GILL, «
le moyen le plus efficace de préserver la liberté de
l'électeur est bien d'éviter que le sens de son vote ne soit
connu : ainsi, il n'est plus tenu par les promesses ou engagements qui lui
auraient été indûment extorqués et il est à
l'abri des
39 L'Autriche et la Belgique par exemple.
40 Voir BRACONNIER (C) et DORMAGEN (J-Y), «
la démocratie de l'abstention » édition Gallimard,
2007, p.27
41 MARTIN (P.), Les systèmes électoraux,
cité par Simon DAKO, op.cit., p.116
18
menaces de ceux à qui son vote déplairait et
qui pourraient avoir prise sur lui ».42
Les droits électoraux, une fois garantis par des
textes, les Etats africains ont fait dans la plupart des cas, preuve
d'originalité en créant des institutions pour l'organisation des
scrutins électoraux.
SECTION II : UNE GESTION ORIGINALE DES SCRUTINS
ELECTORAUX
Les régimes politiques africains issus des transitions
démocratiques avaient, pour la plupart, construit un système
électoral qui reposait sur une sorte de corrélation quasi
axiomatique entre la légitimité électorale et la conduite
du processus électoral par un organe indépendant (§ 1) et
impliquant toutes les forces politiques dans l'organisation des scrutins
(§ 2).
PARAGRAPHE I : INSTITUTION D'ORGANES ELECTORAUX
INDEPENDANTS
Les suspicions qui ont toujours pesé sur le
Ministère de l'Intérieur, ont conduit les acteurs politiques
africains à remettre en cause ce Ministère de l'Intérieur
(A), dans la conduite du processus électoral et en créant des
commissions électorales(B).
A- Le dessaisissement du Ministère de
l'Intérieur
La récusation du Ministère de l'Intérieur
dans la conduite des processus électoraux constitue la véritable
démarcation des Etats africains vis-à-vis de la tradition
juridique occidentale dont ils ont hérité de l'époque
coloniale. La méfiance nourrie à l'égard du
Ministère de l'Intérieur est justifiée par son
inféodation par le parti au pouvoir et les forfaitures commises par cet
organe dans les pays qui l'ont expérimenté dans la conduite des
processus électoraux.
En effet, membre éminent d'un gouvernement qui est
l'émanation institutionnelle du parti au pouvoir, le Ministre de
l'Intérieur est, dans les faits, politiquement responsable de la
victoire électorale de sa famille politique.43 L'obligation
de rendre compte qui pèse sur lui s'étend également
à ses
42 GOODWIN-GILL (G. S.) cité par Simon DAKO,
Processus électoraux et transitions démocratiques en Afrique
Noire francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du
Sénégal et du Togo, Thèse de Doctorat, op. cit. p.117
43 El Hadj MBODJ, « Faut-il avoir peur de
l'indépendance des institutions électorales en Afrique ? »
www.francophonie.org
(consulté en février 2009), p. 16
représentants dans les circonscriptions administratives
en charge du pilotage, à la base, du processus électoral. Ce
noyautage de toute la chaine du processus électoral par le gouvernement
et ses démembrements territoriaux a été très vite
perçu comme un facteur négatif limitant l'épanouissement
du jeu démocratique dans les nouvelles démocraties africaines en
construction. Il n'est nullement de nature à offrir les traditionnelles
garanties minimales de neutralité, d'impartialité, de
transparence et de sincérité dans l'expression du suffrage. Or,
l'existence d'un cadre organisationnel crédible permettant un
déroulement harmonieux du processus électoral emportant la
confiance et l'adhésion de tous les protagonistes du jeu
électoral à des règles consensuelles est le gage minimal
d'une élection régulière, transparente, sincère et
loyale.
La suspicion ou la méfiance qui pèse sur le
Ministère de l'Intérieur n'est pas dénuée de tout
fondement. Ainsi comme précédemment souligné, l'appareil
étatique en charge de l'organisation des scrutins, a, dans certains
Etats, fait preuve d'imperfections, de fraudes et partialité. En effet,
au Sénégal, la contestation du rôle de l'administration
d'Etat dans la gestion des élections s'est engagée suite aux
irrégularités et autres fraudes ayant entaché les
élections régionales et locales de 1996. L'ampleur de ces
dernières était telle que le Président de la
République en est arrivé à s'écrier lui-même
« plus jamais ça »44. Ainsi, même si le
Ministère de l'Intérieur a permis lors des premières
élections pluralistes du Bénin et du Mali le changement des
responsables politiques, sans doute en raison des circonstances exceptionnelles
et de la nature consensuelle de l'administration électorale de la
transition, on considère que du fait de sa trop grande proximité
avec le pouvoir et de l'inféodation de l'administration avec le parti
unique ou le parti majoritaire, il est inapte à garantir la
sincérité du scrutin. Ce sont ces raisons qui ont poussé
les acteurs politiques, dans le cadre du renouveau démocratique,
à dessaisir le Ministère de l'Intérieur de la conduite du
processus électoral.
44Voir OULD AHMED SALEM (Z.), « L'observatoire
national des élections au Sénégal. Une neutralité
sous surveillance », QUANTIN (P.) (dir.), Voter en Afrique.
Comparaisons et différenciations, Paris, Harmattan, 2004,
pp.156-162
20
Ce dessaisissement est partiel45 dans certains cas
et total dans d'autres46. Si les nouvelles institutions
créées pour la gestion des processus électoraux
bénéficient de tous les pouvoirs nécessaires pour
l'accomplissement de leur mission dans le cadre du dessaisissement total, elles
ne jouent que le rôle de supervision dans le cas d'un dessaisissement
partiel où la conduite des opérations matérielles est
à la charge de l'administration étatique. Aussi, les
législateurs confèrent aux nouvelles autorités
administratives africaines, dans ce second cas, des pouvoirs d'injonction, de
saisine des juridictions compétentes, d'information et de propositions
à l'effet d'améliorer le régime électoral sur la
base de leurs expériences.
Partiel ou total, le dessaisissement du ministère de
l'intérieur rime avec la création des commissions
électorales.
B- Création des commissions électorales
La mise en place d'institutions électorales
indépendantes des gouvernements apparait comme une réponse
appropriée à la méfiance manifestée à
l'égard des administrations électorales formatées dans la
culture du système du parti unique, de fait ou de droit, et des
régimes militaires d'exception47. Qualifiées par
certains comme étant la manifestation de l'imagination africaine en
matière d'ingénierie juridique48, ces nouvelles
institutions, quel que soit le nom qui leur est attribué49,
sont venues appuyer et enrichir le décor institutionnel et politique de
la troisième génération des régimes politiques
africains50.
Ces institutions procèdent en théorie de la
volonté de « soustraire les résultats des
compétitions à la suspicion d'illégitimité qui
pesait sur les scrutins organisés
45 Au Sénégal et au Cameroun.
46 Cas du Togo, du Benin, du Gabon...
47 El Hadj MBODJ, « Faut-il avoir peur de
l'indépendance des institutions électorales en Afrique ? »
op. cit. p.32
48 Du BOIS DE GAUDUSSON (J.), « Les
élections à l'épreuve de l'Afrique » in Cahier
Constitutionnel No 13 /2002.p.11
49 CENI au Togo, CENA au Bénin, CEI en
Côte d'Ivoire...
50 La première génération
correspond aux régimes directement hérités de la
colonisation, la seconde génération aux régimes politiques
monolithiques civils ou militaires, alors que la troisième
génération est celle des régimes pluralistes nés de
la vague de démocratisation de la dernière décade du
second millénaire. Voir SOMALI (K.): « Le parlement dans
nouveau constitutionnalisme en Afrique », Thèse, p.11
par le seul appareil
étatique.»51 La création des commissions
électorales correspond donc à un objectif précis, celui de
l'adhésion consensuelle de tous les acteurs de la vie politique à
la conduite des processus électoraux.
La décision de la Cour Constitutionnelle
béninoise du 23 décembre 1994 résume bien cette
philosophie. « La création de la commission électorale
nationale autonome (CENA), en tant qu'autorité administrative
indépendante, un organe disposant d'une réelle autonomie par
rapport au gouvernement, aux départements ministériels et au
parlement, pour l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible des
libertés publiques, en particulier les élections honnêtes,
libres et transparentes (...) la création d'une commission
électorale indépendante est une étape importante de
renforcement et de garanties des libertés publiques et des droits de la
personne ; elle permet, d'une part d'instaurer une tradition
d'indépendance et d'impartialité en vue d'assurer la transparence
des élections, et d'autre part de gagner la confiance des
électeurs et des partis et mouvements politiques
»52.
Les nouvelles institutions électorales ont pour
vocation non seulement de garantir la confiance des électeurs et des
acteurs politiques mais aussi d'assurer la sincérité du scrutin
et des résultats en particulier. A l'expérience, il
apparaît que ces institutions ont contribué à instaurer la
confiance entre les acteurs et les protagonistes des
élections53 à l'exception de quelques
expériences malheureuses54. Pour assumer la mission qui leur
est confiée avec efficacité et pallier, à cet effet, les
insuffisances du Ministère de l'Intérieur, les commissions
électorales africaines sont dotées d'une indépendance.
Cette indépendance est à la fois existentielle et
fonctionnelle.
Parler de l'indépendance existentielle revient à
rechercher le fondement juridique des commissions électorales. Elles
sont constitutionnalisées dans certains cas55. Même
si la constitutionnalisation des commissions électorales
51 OULD AHMED SALEM (Z.), « L'observatoire
national des élections au Sénégal. Une
neutralité sous surveillance », Op. Cit. p.153
52 Décision de la Cour Constitutionnelle du
Benin du 23 décembre 1994.
53 Cas du CENA au Bénin, ONEL au
Sénégal en 2000.
54 Togo aux élections présidentielles de
1998 et 2003, Niger en 1996.
55 Bénin, Mali, Niger, République
Démocratique du Congo.
22
pose certaines difficultés56, elle
présente un avantage indéniable. Placées hors de la
portée du législateur, les institutions électorales ne
pourront, dans le futur, être modifiées ou supprimées que
dans les conditions prévues par la constitution. Dans d'autres pays, ces
institutions sont des actes législatifs et sont issues, dans certains
cas même, des accords politiques. Dans tous les cas, ces institutions
bénéficient d'une indépendance vis-à-vis du pouvoir
exécutif et des autres organes de l'Etat.
S'agissant de l'indépendance fonctionnelle, il faut
relever, à ce niveau, que, dans la plupart des cas, les
compétences des commissions africaines sont larges. Elles vont de
l'organisation matérielle à la supervision des élections.
Toutefois l'effectivité de cette indépendance dépend du
bon vouloir de l'administration qui, généralement a la main mise
sur le matériel.
Cet effort institutionnel est appuyé par la recherche du
consensus dans l'organisation du scrutin.
PARAGRAPHE II : ORGANISATION CONSENSUELLE DES
SCRUTINS
On acceptera volontiers que l'Afrique est un laboratoire en
matière électorale car les périodes électorales
constituent, en Afrique, des moments d'agitations politiques. Cette
période constitue une occasion d'innovation et de création
institutionnelle. Les partis politiques, la société civile, les
ONG et les confessions religieuses y trouvent alors une occasion de donner
leurs opinions sur le processus devant conduire au choix des futurs dirigeants.
Afin d'instaurer un climat de confiance et donner une certaine
crédibilité au processus, tous ces acteurs sont associés
à la conduite du processus électoral sur le principe de «
consensus ». Toutes les couches sociopolitiques participent non seulement
à l'adoption des règles (A) devant régir l'organisation
mais aussi à toutes les étapes de l'organisation
matérielle du scrutin (B).
A- Recherche du consensus dans l'adoption du cadre normatif
et
institutionnel
L'organisation des élections libres, honnêtes et
crédibles repose sur la légalité et la
légitimité des textes électoraux. Si la
légalité d'un texte est la conformité de
56 Problème de la tropicalisation des
constitutions africaines qui deviennent des « fourre-tout » avec
l'intégration des institutions trouvant normalement leur origine dans
une simple loi.
23
ce texte à la loi au sens large, la
légitimité d'un texte renvoie à l'adhésion
majoritaire des populations à ce texte. L'acception des résultats
électoraux dépend mieux de la légitimité des textes
sur la base desquels est organisé le scrutin que de sa
légalité. Les textes électoraux adoptés par les
parlements paraissent parfois moins légitimes du moment où, dans
la plupart des cas, ces parlements sont peu représentatifs car
eux-mêmes élus sur la base des règles peu
démocratiques.
Conscients de cette réalité et dans un souci de
recherche de consensus mais non de l'unanimité pour assurer la
crédibilité des scrutins électoraux, les Etats africains,
dans leur majorité, adoptent les dispositions électorales en
marge des institutions étatiques habilitées à cet effet.
Les codes électoraux adoptés par les différents parlements
ne sont qu'un entérinement formel des textes issus des discussions
politiques entre les acteurs politiques d'une part et la société
civile et les ONG d'autre part. Les dispositions du code électoral
togolais ne sont que la transcription des dispositions de l'Accord Politique
Global adopté à Ouagadougou par les acteurs de la vie politique
togolaise57. Il n'en est pas moins du cas ivoirien où les
dispositions électorales ayant régi le scrutin de novembre 2010
sont issues de longues négociations entre les acteurs de la vie
politique ivoirienne. Au Bénin si la plupart des dispositions
électorales sont constitutionnalisées, il n'en demeure pas moins
que celles-ci sont issues de la conférence nationale qui a réuni
les forces vives de la « nation » béninoise.
Parlant des commissions électorales, Céphise BEO
AGUIAR délégué du Parti Social-démocrate au
séminaire international sur les structures électorales
organisé par l'OIF et le gouvernement béninois le 13 janvier
2008, indiquait que « étant l'émanation de la volonté
des acteurs politiques du fait de la méfiance vis-à-vis de
l'administration, ces structures devront à tout prix tenir compte des
acteurs politiques pour qu'à l'issue des scrutins, des contestations
soient moindres et que les remises en causes soient plus faciles à
gérer »58.
Il en résulte que la recherche de consensus, du moins en
amont, dans l'organisation des élections, présente un
intérêt certain. Cela permet à chaque
57 L'Accord Politique Global a été
signé par les acteurs de la vie sociopolitique du Togo le 20 août
2006.
58www.francophonie.org
consulté en février 2009.
24
acteur d'apporter son expérience et expertise pour
l'amélioration de la conduite des processus électoraux en amont
et d'éviter des contestations en aval car la responsabilité est
partagée en cas d'irrégularités graves. L'implication de
tous les acteurs dans le processus a eu des incidences positives59.
Mais il faut relever que même si l'adoption consensuelle des dispositions
électorales contribue à la crédibilité du scrutin,
cette situation crée parfois un flou juridique60. Aussi la
recherche du consensus a-t-il conduit les acteurs politiques à se
partager les tâches tout le long de la chaine dans la phase pratique du
scrutin.
B- Organisation participative du scrutin.
L'organisation d'un scrutin, du moins dans sa phase pratique,
va de l'établissement de la liste électorale à la
proclamation des résultats. Les différentes forces politiques se
partagent les tâches à tous les niveaux de la chaine
d'organisation du scrutin, dans le souci d'assurer la transparence des
opérations électorales. Les codes électoraux
précisent la composition de la structure en charge de l'organisation des
élections, de ses démembrements départementaux
jusqu'à ceux des bureaux de vote61.
Cette répartition est souvent paritaire Pouvoir
/Opposition ou
proportionnellement à la représentation des
partis ou coalitions de partis sur le chéquier politique
national62. En marge de ces membres des partis politiques qui jouent
un rôle actif au sein de la structure organisationnelle du scrutin se
trouvent des représentants de ces partis souvent appelés
délégués des partis et plus passifs, qui jouent le
rôle d'observateur dans les bureaux de vote.
59 Les élections législatives
d'octobre 2007 et celles présidentielles de 2010 au Togo moins
contestées et approuvées par la communauté internationale
du fait de l'adoption consensuelle du code électoral est l'illustration
de l'hypothèse.
60 Cas ivoirien où le Président GBAGBO
évoque la constitution ivoirienne alors que ses adversaires font
référence aux dispositions des différents accords
politiques.
61 L'opposition participe à la cogestion de
la commission électorale et souvent la parité est
respectée dans la composition comme au Mali et au Burkina Faso, et des
fois l'opposition est majoritaire comme c'est le cas au Bénin.
62 Voir POKAM (H.de P.) : Les commissions
électorales subsahariennes : analyse de leurs enjeux et de leurs usages
par les acteurs politiques au cours du processus d'invention de la
neutralité électorale, www.cairn.info consulté en
mai 2010.
Parallèlement à cette implication de tous les
acteurs dans l'organisation du scrutin, prend part de plus en plus actif, la
communauté internationale dans l'organisation des processus
électoraux, en Afrique, en particulier.
A l'expérience, cette pratique semble bien
réussir et est donc à l'actif des hommes politiques
africains63. L'implication des tous acteurs politiques a permis
à chacun de mettre à contribution son expérience. Ceci a
conduit à apporter des solutions, non les moindres, aux
difficultés rencontrées lors des élections en Afrique
même si le défi à relever reste encore immense dans
certains pays.
S'agissant du gonflement des listes électorales ou des
omissions sur celles-ci, l'enregistrement biométrique des
électeurs a permis dans certains Etats d'Afrique francophone, de
corriger cette imperfection. L'adoption des bulletins uniques
séquentiels, la transmission des résultats par voie satellitaire,
l'acceptation de ces résultats par les candidats perdants64
et la certification des résultats par la communauté
internationale65 sont autant d'efforts consentis par les acteurs
politiques africains pour l'organisation des élections libres,
honnêtes et transparentes qui participent à l'enracinement de la
modernité. Le Bénin et le Mali pour ne citer que ceux-là
font ainsi office de meilleurs élèves en matière de la
démocratie électorale sur le continent même si le scrutin
présidentiel béninois de 2011 a replacé la question de
l'instabilité des régimes africains au centre du débat.
Des efforts considérables sont mis en oeuvre pour
assurer un déroulement honnête, régulier et impartial des
élections par les pouvoirs publics appuyés par la
communauté internationale, en témoignent les réformes des
codes électoraux, les multiples missions d'observation des
élections par les Etats partenaires et les organisations
internationales.
Mais s'en tenir à ce seul aspect reviendrait à
ne voir que l'arbre qui cache la forêt. Il est tout de même
indéniable qu'en dépit des progrès significatifs mais
variables, selon les Etats, l'organisation et la gestion du processus
électoral rencontrent de sérieuses difficultés qui
affaiblissent sa transparence et qui font obstacle à la
réalisation de ce qui est un objectif essentiel dans la
période
63 Cas du Togo lors des scrutins d'octobre 2007 et de
mars 2010.
64 Cas de la Guinée Conakry et du Niger lors
des élections présidentielles de 2010.
65 Accord signé entre l'ONU et la
République de la Côte d'Ivoire aux termes duquel l'ONU devait
certifier les résultats des élections présidentielles de
novembre 2010.
26
d'ancrage de la démocratie dans laquelle se trouvent
les pays en transition : l'acceptation des résultats
électoraux par les acteurs du scrutin. Elections comme moyen de
sorti de crises deviennent source de crises au point que l'on se demande si
l'irréversibilité proclamée de la démocratie
électorale africaine « fondationnelle » n'est finalement pas
réversible.
CHAPITRE II : UN VOLONTARISME
ELECTORAL
REVERSIBLE
|
La mise en place de tissus normatifs et opératoires en
matière électorale constitue certainement un
élément de réussite dans la modernisation des
régimes politiques en Afrique noire francophone. Sur le plan normatif,
différents textes à portée juridique variable encadrent
désormais le jeu électoral en juridicisant des concepts tels que
la participation à la direction des affaires publiques, la
sincérité et la périodicité des élections,
l'universalité, l'égalité et le secret du suffrage. Sur le
plan opératoire, la création des commissions électorales
nationales indépendantes ou autonomes, à côté du
Ministère de l'Administration Territoriale, constitue une étape
importante de renforcement et de garantie des droits et libertés
fondamentaux.
Cependant, ce décor normatif et opératoire ne
doit pas masquer la réalité électorale africaine faite des
graves irrégularités, de crises et de violences. Ces critiques
formulées à l'encontre des processus électoraux tiennent
à l'incohérence des textes et institutions électoraux
(section1) qui sont tributaires de leur environnement socio-économique
(section 2).
SECTION I : UN DECOR JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL
INCOHERENT L'architecture normative et institutionnelle africaine en
matière électorale cache souvent des imperfections qui rendent
difficile voire impossible la mise en oeuvre de ces textes et institutions.
Cette situation s'explique par l'importation des textes et institutions
occidentaux (§ 1) d'une part et l'imprécision de
l'originalité textuelle africaine (§ 2) d'autre part.
PARAGRAPHE I : UN MIMETISME OCCIDENTAL INADAPTE
L'analyse du droit africain révèle, dans une large dimension, un
calquage du droit du colonisateur occidental. Ce mimétisme se manifeste
à plusieurs niveaux (A), et semble inadapté dans bien de cas aux
réalités africaines (B).
28
A- Un mimétisme manifeste
Peut-on encore, au XXIème siècle,
analyser les démocraties en Afrique en termes de mimétisme et en
se situant par rapport à la période coloniale? La question n'est
pas surprenante car malgré des efforts de création des textes
originaux, l'arsenal juridique et institutionnel africain est largement une
photocopie du droit occidental et particulièrement de l'ancienne
métropole.
Malgré une rupture dans les années 1970-1980, le
renouveau constitutionnel africain des années 1990 illustre, à
plus d'un titre, l'intérêt marqué au droit occidental par
les Etats africains. On ne saurait, à cet effet, ignorer les
ressemblances textuelles, les recopies d'articles de constitution, la reprise
de systèmes forgés ailleurs, les conditions d'élaboration
des nombreux régimes aboutissant à de véritables «
copier-coller »66. Nombre de lois fondamentales adoptées
au moment des indépendances apparaissent comme des textes miroirs de
constitutions en vigueur au nord et plus spécialement dans les anciennes
métropoles, reprenant, volontairement ou contraints et forcés,
tout un dispositif institutionnel, une série de dispositions juridiques
ou encore, ceci n'excluant pas cela, des modèles types
d'institutions.
Cette situation illustre la permanence du facteur externe qui
est un des traits de l'histoire africaine. Ces analyses, quelque peu
oubliées dans les années 1970 et 1980 à une époque
de remise en cause des régimes démocratiques et de rupture de
l'ordre constitutionnel existant, ressurgissent avec le déclenchement
des transitions démocratiques dans les années 1990.
L'Afrique est de nouveau marquée par un regain de
mimétisme, avec l'établissement de régimes plus proches
que jamais des modèles extérieurs, en réalité de
l'un d'entre eux, la démocratie libérale et pluraliste. Les
transitions ont gommé, éradiqué du constitutionnalisme
africain les particularités et originalités institutionnelles qui
s'étaient développées dans les années 1970. Il
existe encore un discours, légitimant, des élites des pays en
développement qui insistent sur la performance des modèles
exogènes sans analyser les structures sociales locales effectives.
Même si certains réduisent ce mimétisme à
l'appartenance à une même école en se fondant sur une
différence
66Du Bois de GAUDUSSON (J.), Le mimétisme
postcolonial, et après ?, Pouvoirs 2009/2, N° 129, p.
45-55.
d'interprétation et d'application67, les
textes juridiques africains sont largement une transplantation des
systèmes juridiques occidentaux. Cette influence étrangère
qui s'explique par l'universalité des valeurs démocratiques a
ignoré, dans bien de cas, les réalités socioculturelles et
ethniques de l'Afrique.
B- Un mimétisme inadéquat
La démarche suivie par les constituants africains se
justifie par l'histoire coloniale. La dimension historique est grande dans
l'influence exercée par le droit occidental sur le droit africain. En
réalité l'importation du droit du colonisateur n'est pas en soi
condamnable car il fallait, en tant que nouveaux Etats indépendants, se
fonder sur quelque chose.
Mais la difficulté ou du moins l'impact négatif
de cette situation réside non seulement dans le fait que le
modèle importé n'est pas sans reproche mais aussi les facteurs
socioculturels et ethniques très diversifiés du continent n'ont
pas été suffisamment pris en compte. De surcroît les
efforts d'adaptation présentent des faiblesses. Que les élections
en Afrique soient qualifiées de non concurrentielles ne doit pas
surprendre même si les irrégularités rencontrées ici
ne sont pas les mêmes ailleurs car tous les systèmes
européens ne sont pas concurrentiels ou pour le moins ne l'ont pas
toujours été68. Il faut aussi souligner que les
imperfections, du moins certaines, sont des éléments constitutifs
permanents du fonctionnement des démocraties électorales
occidentales et des régimes apparentés. Il paraît ainsi
normal que la copie porte les erreurs de l'originale.
Toutefois analyser les élections africaines en termes
de copie serait dangereux et limiterait l'intérêt du sujet. Le
mimétisme africain doit être qualifié de faux
mimétisme car l'Afrique ne s'est pas contenté de recopier ou
d'imiter l'Occident mais a fait preuve d'originalité comme l'atteste la
création des commissions électorales. Ainsi le problème se
pose en des termes différents. L'originalité africaine est-elle
adaptée à ses réalités ? N'est-elle pas source de
plus d'irrégularités que l'invention occidentale ? A ces
questions nous pouvons répondre par l'affirmative en nous fondant sur
l'observation de la situation. S'il
67Du Bois de GAUDUSSON (J.), « Le
mimétisme postcolonial, et après ? », op. cit. p. 49
68 Voir QUANTIN (P.) « Pour une analyse
comparative des élections africaines », Politique
Africaine N°69, 1998, p.12
30
est vrai qu'une suspicion de partialité du
Ministère de l'Intérieur justifie l'institution des commissions
électorales, la création de celles-ci à quelques jours de
la date du scrutin, leur composition et compétence ne sont pas de nature
à rendre sincères et fiables les opérations
électorales.
Comment expliquer la prise de fonctions des membres de la
commission électorale guinéenne neuf jours avant le jour du
scrutin? Comment la commission de la République Démocratique du
Congo avec des maigres moyens logistiques pouvait distribuer le matériel
électoral en une seule journée dans un pays qui fait dix fois la
France?
Le vote est secret et doit l'être mais la technique du
vote en Afrique, calquée sur le modèle occidental pose de
sérieuses difficultés dans un environnement où la
majorité des électeurs est analphabète, sans
éducation civique, mettant ainsi en cause le caractère secret du
vote.
PARAGRAPHE II : UNE INGENIERIE AFRICAINE LACONIQUE
L'effort des acteurs politiques africains en vue de la gestion
efficiente des élections n'est pas négligeable sauf aux yeux des
pessimistes. Cet effort qui se justifie par la création des commissions
électorales semble être remis en cause par l'issue
controversée des scrutins et souvent justifiée par les
dysfonctionnements de ces institutions. Ces difficultés sont d'ordre
structurel et conjoncturel. La réversibilité des processus
électoraux en Afrique est donc liée d'une part aux limites
normatives des commissions électorales (A) et d'autre part à leur
l'inféodation par le pouvoir en place (B).
A- Un cadre normatif et institutionnel limité
La création des commissions électorales
indépendantes ou autonomes a été envisagée comme un
palliatif aux difficultés, insuffisances et irrégularités
connues par des scrutins organisés par le Ministère de
l'Intérieur, sanctuaire de la cuisine électorale.
Mais l'expérience a révélé
qu'elles ne sont pas, du moins dans la majeure des cas, à la hauteur de
la tâche qui leur est confiée si l'on en juge de la gravité
des crises liées à l'organisation des scrutins
récents69. Les limites tiennent souvent
69 Exemple du Madagascar en 2001-2002, Togo en 2005,
Kenya en 2007, Côte d'Ivoire en 2000 et en 2010.
à la composition, aux compétences et aux moyens
matériels de ces institutions. Ces limites sont congénitales
à l'existence même des structures électorales.
D'abord s'agissant de la composition déterminée
par les textes, elle fait peser une suspicion sur la neutralité et
l'impartialité de l'institution. Si dans certains cas la configuration
des commissions est fondée sur le principe de proportionnalité ou
de parité, la nomination ou l'élection des membres par les hommes
politiques ou les assemblées représentatives qui ne
désignent chacun que son partisan de confiance, transforme l'institution
en lieu de débats politiques partisans remettant du coup
l'indépendance présumée de l'institution en
cause70. Les règles de nomination font parfois que le pouvoir
en place se taille la part du lion71.
S'agissant ensuite des prérogatives qui leurs sont
attribuées, elles sont définies de façon extrêmement
imprécise. En premier lieu, la loi électorale ne définit
pas clairement le calendrier électoral notamment la date de mise sur
pied de la commission électorale devant organiser le scrutin en laissant
le soin au pouvoir règlementaire d'en déterminer. Cette situation
a conduit à la création des commissions presqu'à la veille
du scrutin mettant celle-ci dans un pétrin72. En second lieu
les compétences reconnues à ces instituions sont de façade
dans certains pays et, dans d'autres cas, la répartition de ces
compétences est source de querelles politiciennes. L'analyse du code
électoral togolais en donne confirmation. L'article 4 du code
électoral du Togo précise que « le Ministère de
l'Intérieur est chargé de l'organisation des différentes
consultations référendaires électorales. L'Autorité
administrative indépendante a pour mission de veiller au respect de la
loi électorale. Elle est particulièrement chargée du
suivi, du contrôle et de la supervision du processus électoral en
vue de garantir la transparence et d'assurer aux électeurs et aux
candidats la libre expression des suffrages »73. Le texte
législatif togolais définit les attributions de la
70 Les débats houleux entre le RPT et
l'opposition sur cette question lors de l'APG et les tractations pour la
nomination du Président de la CENI lors du scrutin du 04 mars 2010,
attestent de l'importance de la question.
71 Au Zimbabwe la constitution confie la
surveillance du processus électoral à une Election Supervisory
Commission(ESC) dont les membres sont librement choisis par le chef de l'Etat
à qui ils rendent compte uniquement.
72En Guinée la commission est
créée onze jours avant le déroulement des premières
élections de 1993 et les membres de la commission n'ont pu prêter
serment que neuf jours avant le premier tour.
73 Cet article a été modifié en
2009 à la veille des élections présidentielles de mars
2010.
32
commission nationale électorale en des termes
juridiquement imprécis dont la traduction concrète est incertaine
du fait du silence des textes. Il en est de même de la loi
électorale malienne du 30 août 2000 qui, modifiée par la
loi du 13 juillet 2001, présente le même flou juridique. Elle
consacre, en effet, en son chapitre II « Des autorités
compétentes », trois organes dans le cadre de la gestion des
élections générales. L'ambiguïté sur les
prérogatives de ces trois organes est entretenue par l'article 16 de la
loi qui précise que « l'organisation et les modalités de
fonctionnement de la Délégation Générale aux
Elections (DGE) sont déterminées par décret pris en
conseil des ministres. La DGE est dirigée par un
Délégué général, nommé par
décret du Président de la République
»74.
Enfin les difficultés normatives qui limitent
l'efficacité des institutions électorales sont d'ordre
matériel. L'autonomie financière dont jouissent les structures
électorales en Afrique est tributaire de l'Etat75. Ce dernier
peut donc limiter les ressources financières des instituions
électorales pour influencer leur efficacité. De même l'Etat
ayant quasiment le monopole sur les moyens matériels et humains et qui
ne les affecte qu'à son gré à la structure
électorale, constitue un handicap rendant la mission des commissions
électorales incertaine. Ces insuffisances des institutions
électorales africaines sont accompagnées par la prise en «
otage » de ces organes par le pouvoir en place.
B- Inféodation de l'administration électorale
par le pouvoir en place
Qualifiées d'indépendantes ou autonomes, selon le
cas, les commissions électorales africaines jouissant d'une
indépendance existentielle et fonctionnelle, sollicitent, dans leur
fonctionnement, l'intervention de plusieurs
74Si les attributions restent
déterminées par le texte législatif susmentionné,
il n'en demeure pas moins que cette institution, en dépit de la noblesse
de la mission qui lui a été confiée, peut semer le doute
dans un contexte de crise larvée ou ouverte entre les différents
acteurs de la vie politique.
75 Les articles 7 et 8 du code électoral du
Togo qui disposent respectivement que « la CENI élabore son budget
avec le concours technique des services compétents de l'Etat » et
que « l'Etat met à la disposition de la CENI les moyens
nécessaires à son fonctionnement et à l'accomplissement de
sa mission ». La même autonomie est consacrée par la loi
électorale du Bénin. L'article 40du code électoral
béninois dispose, en effet, que « la Commission Electorale
Nationale Autonome (CENA) dispose d'une réelle autonomie par rapport au
gouvernement, aux départements ministériels, au Parlement et
à la Cour Constitutionnelle sous réserve des dispositions des
articles 49, 81 alinéa 2 et 117, 1er et 2ème tirets, de la
Constitution du 11 décembre 1990 et des articles 42, 52 et 54 de la loi
91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle
modifiée par la loi du 17 juin 1997 ».
acteurs gouvernementaux qui limitent au bout du compte, leur
indépendance. Cette situation produit une influence non moins grande sur
l'impartialité et la neutralité de ces
institutions.
En effet la conduite des opérations électorales
requiert l'intervention de plusieurs acteurs gouvernementaux: le
Ministère de l'Intérieur pour la sécurité
électorale et le maintien de l'ordre public; le Ministère des
Finances pour la gestion des ressources financières ainsi que la tenue
de la comptabilité des fonds publics alloués par le
législateur ; le Ministre des Affaires Etrangères pour
l'observation internationale; le Ministre de la Justice dont le personnel est
très sollicité tout au cours du processus76. Les
instances de régulation des médias interviennent dans le
déroulement du processus électoral.
Ces organes étatiques, souvent aux compétences
vaguement définies, profitent de cette imprécision des textes
pour influencer, dans tel ou tel sens, selon leur connotation politique. Ils
font souvent preuve de zèle administratif ou d'une passivité et
portent, de ce fait, un coup dur à la transparence et la
fiabilité des opérations électorales.
De fait ou de droit, le pouvoir politique en place tente ainsi
de neutraliser les institutions électorales en réduisant leurs
moyens logistiques à l'approche des élections nationales. Cette
situation est relevée dans le cadre des élections
sénatoriales du Sénégal de janvier 1999. En effet, les
moyens de l'Observatoire National des Elections au Sénégal (ONEL)
ont été drastiquement et brutalement limités. Par exemple,
alors que ces premiers locaux s'étaient révélés
insuffisants, l'ONEL s'est vu octroyer un nouveau local quatre fois moins
grand. De même, il n'avait pas reçu le personnel nécessaire
(administratif et ouvrier) et son Président n'avait plus de bureau dans
la nouvelle structure. Cette inféodation de l'administration
électorale est la manifestation de l'attitude du Chef de l'Etat
Sénégalais qui, face à la crédibilité accrue
de l'ONEL nomma son président comme ambassadeur en GuinéeBissau.
L'opposition sénégalaise a vivement dénoncé cette
tentative de porter atteinte à l'indépendance et à
l'efficacité de cette institution que le Général
76 Au Togo les présidents des commissions
électorales indépendantes locales sont des magistrats,
présidents des tribunaux.
34
NIANG avait fini par symboliser malgré la suspicion et le
scepticisme du début77.
Le politique prend ainsi le contrôle des institutions
électorales en ne laissant à celles-ci qu'une portion congrue de
marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre de leurs compétences. Les
dysfonctionnements constatés des institutions en charge de la conduite
des opérations électorales et les graves crises et violences
électorales rendent non seulement impossible l'alternance par la voie
des urnes mais sont aussi sources d'instabilité politique sur le
continent. Néanmoins une analyse objective révèle aussi
que les difficultés de l'Afrique de s'approprier la démocratie
électorale sont liées à des facteurs socioculturels.
SECTION II : DES PROCESSUS TRIBUTAIRES DE LEUR
ENVIRONNEMENT
Les processus électoraux africains ne sauraient
être envisagés en dehors de l'environnement socioculturel et
politique dans lequel ils sont appelés à s'épanouir. En
effet, marquée par des décennies de domination coloniale,
l'Afrique a connu des régimes politiques libéraux quelques
années avant la dictature militaire ou du parti unique jusqu'en 1990.
Aussi les tentatives de construction de nations africaines depuis les
indépendances se sont-elles révélées vaines du fait
des facteurs socio-ethniques. Tout ceci explique le sens du vote en Afrique
(§ 1) et rend l'alternance souhaitée peu probable (§ 2).
PARAGRAPHE I : ABSENCE DE THEORIE ELECTORALE AFRICAINE
Que signifie « voter » en Afrique ? L'analyse même
événementielle et culturaliste des scrutins électoraux sur
le continent laisse découvrir que le sens donné au vote n'est pas
le même que sur d'autre cieux78. Le vote ici est lié
à l'ethnie (A) et à l'argent (B).
77 POKAM (H. de P.), les commissions
électorales en Afrique subsaharienne: analyse de leurs enjeux et de
leurs usages par les acteurs politiques au cours du processus d'invention de la
neutralité électorale, communication faite au centre d'Etude
d'Afrique Noire de Bordeaux,
www.afrilex.u-bordeaux4.fr
p .11, consulté en Août 2009.
78 Le vote est un moyen de demander compte aux
dirigeants, de s'exprimer et sanctionner les dirigeants malhonnêtes.
A- Un vote essentiellement identitaire
La classe sociale, l'ethnie et la religion sont des facteurs
explicatifs du sens du vote en Afrique. Si l'individualité79
et la rationalité80 du vote ne sont pas totalement absentes,
elles sont néanmoins loin d'être la chose la mieux partagée
par la majorité des électeurs africains. Des élections
tenues dans les années 1990 à celles de 2011, la carte
électorale de certains pays montre que les candidats réalisent
toujours leurs meilleurs scores dans leurs départements d'origine et,
plus largement, dans les zones d'implantation de leurs communautés
ethnolinguistiques. Quant aux partis, en dehors de l'élection des fils
du terroir, leurs meilleurs résultats sont réalisés dans
les communautés d'origine de leurs leaders.
Les résultats issus de ces différentes
consultations attestent le caractère ethnique de la vie politique
togolaise et ceci à titre indicatif.
Election présidentielle de 1998
Régions
|
Suffrages exprimés
|
GNASSINGBE E.
|
OLYMPIO G.
|
Savanes
|
142.954
|
117.092
|
10.220
|
Centrale
|
179.674
|
140.049
|
8.754
|
Kara
|
313.297
|
228.443
|
3.197
|
79 Dans le vote, l'individualisation est une
croyance, celle d'agir selon des convictions politiques, d'avoir une opinion
à soi. Le vote est alors considéré comme un choix
individuel fondé sur un calcul en termes de coûts
d'opportunité.
80 Le vote est rationnel lorsqu'il tient compte non
seulement des actes posés par le sortant mais aussi de la
capacité des concurrents à répondre aux attentes de
l'électorat. Pour le déterminer, il faut faire appel aux
modèles stratégiques d'explication du vote qui, contrairement aux
modèles déterministes ou sociologiques, mettent l'accent sur
l'auteur de l'acte électoral et ses motivations profondes. Ainsi, en
va-t-il des modèles économétriques qui font le lien entre
le vote et les variables économiques telles que l'inflation, le taux de
chômage et la croissance du PNB ou politlogiques qui tiennent aux
repères politiques tels que l'identification partisane, la
proximité idéologique. Les études révèlent
l'existence de diverses rationalités dont les plus essentielles sont la
rationalité en finalité, la rationalité en valeur et la
rationalité affectuelle et émotionnelle. Cette diversité
se justifie en ceci que l'électeur est aussi un être social ayant
ses propres logiques d'attitude et d'intérêt. Le vote est,
dès lors, le résultat d'un arbitrage qu'effectue
l'électeur entre différentes allégeances. Ainsi, le
déterminant du vote peut être l'intérêt
égoïste du votant ou l'intérêt de la communauté
nationale.
36
Plateaux
|
355.168
|
136.839
|
163.063
|
Maritime
|
355.280
|
39.381
|
269.011
|
Source : Tableau
réalisé par nous-même à partir des résultats
officiels Election présidentielle de
2005
Régions
|
Suffrages exprimés
|
Faure GNASSINGBE
|
Bob AKITANI
|
Savanes
|
309.396
|
228.977
|
77.834
|
Centrale
|
387.292
|
298.555
|
86.848
|
Kara
|
567.778
|
457.028
|
109.440
|
Plateaux
|
332.805
|
165.431
|
159.489
|
Maritime
|
607.076
|
177.546
|
408.186
|
Source : Tableau
réalisé par nous-même à partir des résultats
officiels
Ces deux tableaux montrent une polarisation du vote entre le
nord et le sud. En 1998, le candidat au pouvoir, M. Eyadema GNASSINGBE, a
obtenu ses meilleurs scores dans les régions nordiques du pays, zones
d'implantation des populations Kabyè, ethnie d'origine du
président, et autres, Losso et Bassar. Ainsi, à Kara, sur un
suffrage exprimé total de 313.297 voix, il en a obtenu 228.443 soit
72,91%. Dans la région centrale, grâce à la présence
d'une forte population rurale Kabyè qui y ont immigré à la
recherche de terres cultivables, Eyadema a fait 77,94% des suffrages.
Par contre, dans la région maritime qui n'a pas
reçu de migrants, le rejet de ce candidat a été cinglant
car il n'y a obtenu que 11,08% des suffrages exprimés contre 75,71% pour
G. OLYMPIO, candidat originaire du sud. Cette répartition
géographique du vote a été maintenue en 2005 malgré
l'absence des deux principaux challengers de 1998. L'opposition nord-sud a
été respectée. Dans la région maritime, le candidat
originaire du sud, Bob AKITANI qui a remplacé G. OLYMPIO a obtenu un
score de 408.186 voix sur 606.076 suffrages exprimés soit un pourcentage
de 67,34%. De même, à Kara, le successeur d'Eyadema GNASSINGBE, M.
Faure GNASSINGBE, mobilise 80,04% des suffrages exprimés sur sa
personne.
Il ressort des résultats des élections
présidentielles que les populations du sud votent majoritairement pour
les candidats de l'opposition originaires du sud. Quant aux électeurs du
nord, ils portent majoritairement leur choix sur le Rassemblement du Peuple
Togolais (RPT), parti au pouvoir et dont les leaders sont du nord. Cette
logique s'observe également dans les résultats des
élections législatives de 1994 et de 2007.
L'analyse de la carte électorale du Bénin, du Gabon
et du Cameroun donne les mêmes résultats81.
L'autre facteur sociologique dont dépend le vote en
Afrique est la religion. Au Sénégal, une étude
réalisée dans la région de Saint-Louis auprès d'un
échantillon de trois mille personnes inscrites sur les listes
électorales montre que le lien ethnique avec le candidat est moins
décisif dans le choix de l'électeur que la consigne du marabout
qui rivalise avec celle du chef de famille82.
L'hétérogénéité identitaire
des individus empêche la société d'adopter des institutions
efficaces ou d'établir un système de conventions partagé :
la division en ethnies affecte en effet le degré d'empathie ou de
confiance que les individus se portent spontanément les uns envers les
autres, et affaiblit donc la capacité du corps social à se
définir des objectifs collectifs ou à instaurer les
81 DAKO (S.), « Processus électoraux en
Afrique Noire francophone » Thèse de doctorat, op. cit. p.
400-421
82 Voir MONJIB (M.), Comportement électoral,
politique et socialisation confrérique au Sénégal,
Politique Africaine, n°69, mars 1998, p. 57.
38
mécanismes d'autorité et de solidarité qui
rendent possibles les politiques publiques83.
Ces facteurs sociologiques qui influencent le vote en Afrique
font que les élections ici n'ont pas le même sens qu'ailleurs. La
perversion des élections par les facteurs ethniques et religieux est
accentuée par le marchandage du vote.
B- Un marchandage du vote
« Il semble aussi que le renouveau démocratique
n'a pas rompu avec la politique du ventre, mais bien au contraire, a
renforcé cette tendance en élargissant la participation des
élites et les populations au régime de manducation politique
»84. Cette analyse de Richard BANEGAS lors des élections
législatives de 1995 au Bénin illustre le caractère
monnayable du vote en Afrique.
La période préélectorale marquée
par la campagne électorale constitue en Afrique une foire commerciale
où voix et billets de banque sont échangés entre
électeurs et candidats. Il est vrai, les électeurs africains
attachent un prix au dépôt d'un bulletin dans l'urne mais la
citoyenneté balbutiante a d'abord pour nom « vote acheté
». C'est par cette fonction d'utilité, matérialisée
dans l'achat de conscience, que le vote pluraliste acquiert son sens dans le
contexte africain.
En lieu et place des projets de société qui
doivent être confrontés par les différents candidats pour
séduire l'électorat, c'est un véritable marché
d'appel d'offre où le plus offrant n'est pas celui dont la politique est
plus proche des électeurs mais celui qui s'exprime par l'importance de
ses moyens financiers et matériels. Cette situation fait du candidat
sortant le favori de fait car utilisant le plus souvent les moyens de l'Etat ;
ce qui rend incontestablement le scrutin peu compétitif. Le
clientélisme électoral est très perceptible chez les
électeurs pour qui, la période électorale est le moment
où l'on peut reprendre, aux hommes
83 BOSSUROY(T.), Déterminants de
l'identification ethnique en Afrique de l'Ouest, Afrique Contemporaine, n°
220, 2006/4, pages 119 à 136
84 BANEGAS (R.) « Marchandisation du vote,
citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin »,
Politique Africaine, N°69, mars 1998, p.19
politiques, l'argent qu'ils ont accumulé depuis leur
accession au pouvoir85. Ce clientélisme électoral est
sans doute lié aussi à l'extrême pauvreté dans
laquelle vit la majorité des populations africaines.
Comme le soulève si bien Michaël BRATTON : «
s'il apparaît, d'un autre côté, que la stabilité
démocratique à moyen et à long terme dépend du
bien-être économique des citoyens, alors on pourrait s'attendre
à ce que les démocraties soient particulièrement fragiles
dans les régions du monde où beaucoup de gens vivent dans la
pauvreté »86. Les candidats aux différentes
consultations électorales ont su profiter de cette pauvreté des
populations pour les corrompre au cours de la propagande électorale en
distribuant les produits d'importation et des billets de banque. On assiste
à ces pratiques peu orthodoxes qui consistent à échanger
le bulletin d'un candidat contre un billet de banque à la sortie du
bureau de vote pour justifier qu'on n'a pas voté pour ce
dernier87
Le marchandage du vote et le vote du sang ou de coeur ont
dépouillé les élections de leur sens en faisant de
l'alternance par les urnes, une arlésienne.
PARAGRAPHE II : UNE ALTERNANCE A PRIORI INCERTAINE
Le renouveau démocratique des années 1990 est
apparu dans un contexte dominé par des décennies de règne
du parti unique, la personnalisation du pouvoir et l'incursion fréquente
de l'armée dans les affaires politiques au mépris du
caractère impartial et républicain de l'armée nationale.
Le parti unique est devenu majoritaire en théorie et réfractaire
aux élections (A), et l'armée politisée (B), ont fait de
l'alternance à travers les urnes, une arlésienne.
A- La résurgence de l'ancien parti unique
La vie politique des Etats africains est dominée par
des décennies de règne du parti unique qui était confondu
avec l'appareil étatique. Le parti d'Etat qui a disparu avec le
multipartisme est de fait le parti dominant dans la plupart des cas et exerce
une influence non moins grande sur le fonctionnement régulier
85 BANEGAS (R.) « Marchandisation du vote,
citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin »,
op.cit. p.21
86 BRATTON (M.), Populations pauvres et
citoyenneté démocratique en Afrique, Afrique contemporaine
2006/4, n° 220, p.33-64.
87 Cette situation a été
constatée et dénoncée par l'opposition togolaise lors des
scrutins présidentiels de 1998 et de 2003.
40
des institutions et par conséquent sur le
déroulement des opérations électorales.
Il faut d'entrée souligner que les tenants du parti
unique ont été très réticents à
l'égard du multipartisme car ils n'entendaient pas non seulement
recevoir des critiques sur la gestion dont ils font du bien public mais aussi
avaient-ils peur de perdre certains privilèges. Ainsi l'ancien parti
unique, en tant que parti politique parmi tant d'autres, et s'appuyant sur un
parlement monocolore acquis à sa cause, fait adopter des textes
électoraux peu favorables au jeu démocratique.
Les réformes constitutionnelles et institutionnelles
indispensables à l'organisation d'un scrutin équitable sont donc
bloquées ou faites à la mesure de la volonté de l'ancien
parti unique et dans le souci de se maintenir au pouvoir. Le découpage
électoral et le choix du mode de scrutin attestent l'assertion. C'est ce
qui explique l'instabilité des textes et institutions africains comme
l'atteste les intempestives modifications constitutionnelles et
institutionnelles observées sur le continent88. Ce manque de
préparation psychologique de l'ex-parti unique et de ses dignitaires
à l'environnement démocratique rend quasiment impossible
l'organisation des scrutins acceptable par tous.
Parlant de la culture politique africaine, Jean-Pascal DALLOZ
et Patrick CHABAL estiment que ces traits témoignent de la
résurgence de la longue durée d'une culture politique africaine
(panafricaine ?) qui viendrait vaincre la couche superficielle
d'occidentalisation déployée sur les sociétés
africaines par la colonisation89. Cette mentalité
réfractaire à la démocratie électorale se manifeste
à trois niveaux.
D'abord les dirigeants autoritaires ne sont pas favorables
à l'alternance et ne sont pas préparés à
accepter une quelconque défaite. Ils instrumentalisent à
88 En dehors des révisons constitutionnelles
fréquentes qui suppriment la limitation des mandats, les codes
électoraux sont toujours modifiés à la veille de chaque
scrutin électoral et ceci en fonction des ambitions politiques du moment
et des forces en présence.
89 Dalloz (J.-P.) et CHABAL (P.) cité par
Foucher (V.), Difficiles successions en Afrique subsaharienne : persistance et
reconstruction du pouvoir personnel, Pouvoirs, N° 129,2009/2, p.
127-137.
cet effet les normes électorales90 ou
refusent de lâcher le pouvoir même en cas de
défaite91. Ensuite les partisans de l'ex-parti unique
notamment les « barons » par souci de conserver leurs prestiges et
biens matériels acquis le plus souvent frauduleusement, et dans le but
d'échapper à la justice, font tout pour soutenir et maintenir un
régime illégitime et impopulaire en instrumentalisant, à
tous les niveaux, le processus électoral. Le Ministère de
l'Intérieur et les préfets au niveau local, le Ministère
de la Sécurité avec la gendarmerie et la police chargée de
sécuriser les élections et le Ministère des Finances qui
affecte les fonds de l'Etat pour la campagne du président sortant, sont
redoutables à cet effet.
Enfin l'avènement de la démocratie
électorale en Afrique dans les années 1990 s'est produit dans un
environnement socioculturel peu préparé pour accueillir un tel
régime politique. Contrairement à ceux qui pensent que la
démocratie du moins électorale n'est pas pour les
africains92, le problème se pose en terme de
préparation des populations africaines peu instruites et dont
l'organisation sociale est basée sur la royauté et la chefferie
avec une concentration des pouvoirs dans les mains du roi ou souverain,
à s'approprier la démocratie électorale.
En effet les populations africaines sont dans l'ensemble
conservatrices et redoutent les systèmes politiques d'importation
même si aujourd'hui l'expérience tunisienne, égyptienne et
libyenne atteste de l'évolution du comportement politique de celles-ci.
Ceci dit le règne du parti unique qui a exclu pendant longtemps toute
pensée contradictoire reste un facteur négatif pour
l'instauration de la démocratie électorale.
Aussi faut-il ajouter la faiblesse persistante des partis
d'opposition qui ont du mal à se déployer au-delà des
bassins ethno-régionaux où leurs chefs peuvent parfois jouer de
leur identité ou des grandes villes où la « colère
» et la
90 Cas des découpages électoraux peu
judicieux, des textes qui écartent les candidats de l'opposition les
plus gênants, le refus d'enregistrer les électeurs acquis à
la cause de l'opposition ou le gonflement de la liste électorale.
91 Le cas du Kenya en 2007 et celui de la Côte
d'Ivoire en 2010 en sont évocateurs.
92 « Les élections pluralistes seraient à
leur tour devenues un instrument de renforcement de pouvoirs autoritaires et
même de domination inventé par les impérialistes pour
retarder l'Afrique » Atsutsé AGBOBLI, cité par K. J.
KOFFIGOH et repris par Du Bois De GAUDUSSON (J.) in « L'Afrique à
l'épreuve des élections » Cahier constitutionnel
N°13/2002.
42
politisation forte de l'électorat leur facilite la
tâche. Ce n'est donc bien souvent que lorsque des barons du parti au
pouvoir entrent en opposition, détournant une fraction des ressources
matérielles et militantes du parti au pouvoir, que l'opposition tient
enfin une chance de victoire.
À rebours, tant qu'un chef d'État est
décidé à rester au pouvoir, son monopole sur l'État
semble souvent lui permettre de tenir le jeu politique formel et d'assurer sa
réélection. A ces éléments peu favorables, vient
s'ajouter l'armée.
B- La partialité de l'armée
Définie comme « un groupe ou des groupes d'hommes
en armes, recrutés, entraînés et commandés par
l'Etat, et soumis à une organisation et à des obligations
dûment établies »93 l'armée a pour principe
et valeur la neutralité et l'impartialité. Une armée
républicaine doit être neutre et impartiale face au pouvoir
politique auquel elle est soumise.
Mais malheureusement tel n'est pas le cas en Afrique à
quelques exceptions près. Les armées africaines, du fait de leur
affiliation à une tendance politique ou de l'appel des civils,
s'ingèrent dans le jeu politique et porte atteinte par ricochet à
la transparence des élections. L'armée est non seulement un moyen
de conquête mais de maintien au pouvoir.
S'agissant de la conquête du pouvoir, l'Afrique offre
des exemples inédits de coups d'Etat militaires même contre des
présidents démocratiquement élus94 remettant en
cause l'accession au pouvoir par voie d'élections. Même si
certaines interventions militaires contre un régime devenu impopulaire
et dictatorial, sont vivement saluées par les populations et la
communauté internationale95, elles demeurent anti
constitutionnelles. On pourra à ce sujet se poser la question de savoir
si certains coups d'Etats sont légitimes alors que d'autres ne le sont
pas. En tout cas même si l'intervention militaire permet dans certains
cas d'instaurer une autorité civile démocratique en organisant
les élections après le coup d'Etat, cela est condamnable a priori
car c'est contraire
93Charles H. FAIRBANKS J. R, cité par
GBEOU-KPAYILE Nadjombé G. « Armée et démocratie
» mémoire de DEA Droit Public, Université de Lomé,
2005, p.28
94 Cas du Madagascar, de la Mauritanie, du Niger...
95 C'est le cas de la guinée Conakry de
LASSANA Konté et du Niger de Mamadou TANDJA dont l'intervention
militaire ayant renversée ces chefs d'Etats a été
salués Par une partie de la communauté internationale et les
populations.
aux règles et principes constitutionnels. D'ailleurs les
putschistes qui dirigent la transition ont tendance à s'approprier le
pouvoir96 .
Utilisées comme un moyen d'accès au pouvoir, les
forces armées constituent aussi un moyen pour se maintenir au pouvoir de
par leur soutien à un régime illégal et illégitime.
L'immixtion de l'armée dans les affaires électorales pour
permettre au régime auquel elle est affiliée de se maintenir au
pouvoir n'est pas rare en Afrique. Cette immixtion de l'armée se
manifeste sous plusieurs formes : elle intervient parfois dans un cafouillage
électoral pour déclarer vainqueur tel ou tel en arguant que c'est
dans le souci de maintenir l'ordre et éviter une éventuelle
guerre97, soit dans le bourrage des urnes98. Dans
d'autres cas les candidats sortant comptant sur l'armée pour
réprimer les contestataires refusent d'accepter le verdict des urnes
lorsque celui-ci leur est défavorable99. Cette politisation
de l'armée fait d'elle du moins en fait un facteur dont dépend
l'alternance en lieu et place des urnes.
Certes beaucoup de facteurs expliquent les difficultés
de la démocratie électorale africaine mais il est
impérieux de trouver des solutions à ces difficultés.
96 Cas ivoirien en 2000 avec Général
Robert GUEI, arrivé au pouvoir après le coup d'Etat de 1999 a
voulu se maintenir au pouvoir malgré sa défaite aux
élections en dissolvant la CEI et se s'autoproclamant élu.
97 Cas des élections présidentielles de
1998 au Togo oü face à la démission de la présidente
de la CENI, le Général Seyi MEMENE alors ministre de
l'intérieur s'est donné l'autorité de proclamer les
résultats en déclarant le candidat sortant EYADEMA élu et
ceci à la grande surprise de tous
98 Au cours des élections
présidentielles de 2003 au Togo, la chaine de télévision
TV5-Monde a montré un militaire togolais qui fuyait avec une urne le
soir du scrutin emportant ainsi le vote des électeurs.
99 Cas du Kenya aux élections
présidentielles de 2007 où le président KIBAKI a fait
réprimer les contestataires de son élection douteuse. C'est aussi
le cas en Côte d'Ivoire où Laurent GBAGBO comptant sur
l'armée et ses milices appelées « les patriotes » a
refusé de lâcher le pouvoir malgré sa défaite aux
élections de novembre 2010. Il est de même au Togo lors du scrutin
présidentiel de 2005.
2ème Partie
44
LES
PERSPECTIVES
ELECTORALES
Aux vues de l'analyse qui précède sur les
processus électoraux, l'Afrique serait plus proche de la porte
d'arrivée que de la porte d'entrée. A ce XXIème
la question des élections en Afrique doit être
appréhendée non en termes d'adhésion ou non à la
démocratie électorale mais en termes d'adaptation et
d'amélioration. Certes les pays où l'on n'organise pas les
élections en Afrique aujourd'hui sont rares comme les pays où
l'on ne boit pas de coca-cola dans le monde100 ; mais très
peu sont ceux qu'on peut véritablement qualifier de démocratie
électorale à l'instar de celle occidentale. Il se pose alors le
problème d'amélioration de ces processus. Au regard des
différentes difficultés que rencontrent les élections
africaines, leurs sincérité et équité passent par
leur « tropicalisation » (chapitre I) d'une part et le renforcement
de l'assistance électorale (chapitre II) d'autre part.
100Entre 2000 et 2009, il y a eu des
élections multipartites (législatives et/ou
présidentielles) dans 49 des 53 pays du continent, les exceptions
étant l'Érythrée, le Swaziland, la Libye et la Somalie.
CHAPITRE I : ACCLIMATATION DES
PROCESSUS
ELECTORAUX
|
46
« Il n'y a pas de mode d'organisation unique de la
démocratie, (...) le respect des principes universels, les formes
d'expression de la démocratie doivent s'inscrire dans les
réalités et spécificités historiques, culturelles
et sociales de chaque peuple »101. Cette déclaration de
la francophonie sur la pratique de la démocratie dans l'espace
francophone réaffirme la nécessité de prendre en compte
des facteurs socioculturels de chaque Etat (section I) dans le raffermissement
de la démocratie électorale. Aussi l'enracinement de la
démocratie électorale en Afrique passe-t-elle par le renforcement
des garanties institutionnelles (section II).
SECTION I : INTEGRATION DES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES
Les processus électoraux ne peuvent s'épanouir en dehors
de leur environnement socioculturel. Parmi les facteurs socioculturels pouvant
influencer la fiabilité et la sincérité des scrutins
électoraux figure l'ethnie qui est un tabou constitutionnel (§ 1).
Aussi les électeurs africains constituent-ils un véritable «
bétail électoral » à qui il faudra inculquer une
culture démocratique (§ 2).
PARAGRAPHE I : INSTITUTIONALISATION DES FACTEURS
SOCIO-
ETHNIQUES.
La division des sociétés africaines en ensembles
ethniques est facilement invoquée pour rendre compte des troubles
sociaux, de l'instabilité politique ou des retards de
développement que l'on observe sur le continent. Toutefois ce facteur
semble être ignoré par le constituant africain. La
dévolution du pouvoir par voie électorale doit en prendre compte
(B) du moment où les crises électorales en Afrique sont en
réalité des crises interethniques (A).
101Titre III-2 de la Déclaration
adoptée lors du Symposium international sur le "Bilan des pratiques de
la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace
francophone", qui s'est tenu du 1er au 3novembre 2000, à
Bamako(Mali).
A- Election : un affrontement identitaire
En Afrique, la période électorale rime le plus
souvent avec violences interethniques. Loin d'être un moment de
confrontations politique et idéologique, elle est un temps de
réactivation des conflits identitaires et de construction d'une
identité nationale plurielle où les clivages communautaires
resurgissent avec acuité dans l'espace public102. Les pays
comme le Rwanda, la République Démocratique du Congo, le Kenya et
le Nigeria illustrent bien la situation. Même les Etats apparemment
calmes comme le Gabon, le Bénin, le Togo
etc. ne semblent pas être à
l'abri des troubles identitaires. La crise ivoirienne apparaît, à
cet égard, significative du sort qui attend la plupart des pays
africains, plongés dans la torpeur d'une paix artificielle, entretenue
et maintenue par l'achat des consciences, le musellement de la presse, une
opposition politique atone, etc.. Les périodes électorales
constituent l'un des moments privilégiés de revendication
identitaire.
La manipulation des communautés de base par les leaders
politiques est l'une des causes de cette situation qui débouche sur des
affrontements interethniques. Parfois certains candidats renoncent à
faire campagne dans certaines localités.
Cette revendication identitaire qui aboutit à des
violences interethniques, se justifie par plusieurs raisons : l'accession
à des hautes fonctions administratives de l'Etat se fait le plus souvent
en Afrique par affinité ethnique et non par mérite et il faut
à cet effet se batailler pour que son frère de sang soit au
sommet afin d'en tirer profit103. Aussi les différents
groupes ethniques estiment que leurs intérêts ne peuvent pas
être mieux garantis par un dirigeant issu d'une communauté
ethno-régionale linguistique différente. C'est donc
légitime de se poser la question de savoir si l'électeur africain
est sous l'influence de sa communauté d'origine. En tout cas une chose
est certaine : les mobilisations électorales s'effectuent pour
l'essentiel sur la base des revendications d'appartenance et de conflits
d'identité d'ethno-régionales. Les différences ethniques,
religieuses et socioprofessionnelles, si elles sont sources de
102 Voir MENTHONG (H.-L.), « Vote et communautarisme au
Cameroun : un vote de coeur, de sang et de raison », Politique africaine,
No 69, p. 9
103 Voir MONDJIB (M.) « Comportement électoral,
politique et socialisation confrérique au Sénégal »
Politique africaine n°69, p.29
48
violences électorales en Afrique, c'est parce que les
hommes politiques s'en ont servi pour accéder au pouvoir et pour diriger
: « diviser pour mieux régner » diton souvent.
D'ailleurs n'entend-on pas des candidats mettre en garde les électeurs
sur le danger qu'ils courent s'ils portaient leur voie sur l'adversaire?
De façon générale, le tribalisme
détruit progressivement toute possibilité de vie en commun,
sème la haine et la guerre entre les peuples, sous le signe d'un
identitarisme féroce. Ces facteurs sociologiques qui agissent
négativement sur les processus électoraux en Afrique doivent
être exploités positivement.
B- Intégration du facteur ethnique dans la
dévolution et l'exercice du pouvoir
Les revendications et crises identitaires plus visibles en
période électorale, ne doivent pas être
considérées comme des signes d'un échec
irréversible de l'oeuvre de construction nationale.
Il suffit donc de trouver la politique appropriée pour
consolider la conscience des citoyens d'appartenir à un même corps
social et politique. A ce sujet, des solutions sont, à notre sens,
envisageables.
En premier lieu, les dirigeants doivent rompre avec la
politique de mimétisme qu'ils ont adoptée jusqu'ici. En effet,
ils ont abordé la construction étatique essentiellement par
reprise plus ou moins forcée de modèles exogènes, issus
des sociétés industrielles de l'Est et de l'Ouest qu'elles ont
artificiellement plaqués sur des structures économiques, sociales
et politiques qui réclament probablement un autre type
d'organisation104. A y voir de près, le choix du
système de parti unique est la conséquence de l'ancienne
situation coloniale. Ils ont hérité d'un pouvoir autocratique et
d'une administration pyramidale et centralisée, entièrement
conçue dans le sens d'un pouvoir central puissant. Le meilleur
système pouvant leur permettre d'asseoir leur pleine autorité,
comme le colonisateur l'avait fait précédemment, était
donc le système de parti unique.
En second lieu, il est important de cesser de considérer
la diversité ethnique comme un facteur de division mais plutôt
comme le socle de la modernité de l'Afrique, car la
probabilité de la remettre en cause est presque inexistante. Les
104 DJEDJRO MELEDJE (F.), « Les élections sont
faites pour les hommes et si elles doivent conduire à la perte des vies
humaines, cela ne vaut pas la peine », communication donnée
à la Faculté de Droit de l'Université de Lomé le 18
janvier 2011 sur « les alternances politiques en Côte d'Ivoire
».
différentes communautés ethniques sont
obligées de vivre ensemble. Il convient, pour ce faire, d'éviter
les politiques d'exclusion. La décentralisation territoriale qui permet
à l'Etat d'associer les populations à la base à la gestion
des affaires publiques constitue, à cet effet, une politique à
promouvoir. Aussi la répartition des postes politiques dans
l'administration centrale en fonction de l'équilibre régional
constitue-t-elle un facteur d'union des fils d'un pays.
De même comme l'ont préconisé certains, on
pourra envisager des
candidatures tournantes par rapport aux différentes
ethnies en trouvant des formules adéquates relativement aux ethnies
éligibles, à la capacité de diriger
etc. et ceci dans le respect de la
minorité. Aussi la conversion des régimes présidentiels et
présidentialistes africains en régimes parlementaires
apparaît comme une des solutions. L'élection présidentielle
provoquant plus de clivages en raison de l'importance de l'enjeu, la
répartition du pouvoir entre différents représentants
réduira les tensions lors des élections.
L'ethnie ne doit plus constituer un tabou qui joue un
rôle inédit en fait, mais ignoré par les textes qui
proclament l'unité nationale105. Elle constitue un atout dont
l'Afrique doit se servir pour affermir sa démocratie électorale.
A ces facteurs sociologiques qui vicient les processus électoraux en
Afrique, s'ajoute le défaut de culture démocratique.
PARAGRAPHE II: NECESSITE D'UNE CULTURE DEMOCRATIQUE
S'il est vrai que la démocratie et les élections
en particulier ne sont pas totalement méconnues en Afrique, la pratique
du vote moderne et les procédures y afférentes sont quasiment
étrangères aux Africains. Dans un continent le moins
alphabétisé, les électeurs africains constituent en
réalité un « bétail électoral » qu'il
faut éduquer (A). De même, l'attitude de l'électeur
africain se justifiant par sa situation économique, il faudra lutter
contre la pauvreté (B).
A- Education des électeurs
L'organisation d'un scrutin libre et équitable
acceptable par tous suppose avant tout la maîtrise des
procédures du vote et la finalité de l'élection par
les électeurs. Si l'on admet que la technique et la perception
actuelle des élections
105Voir MENTHONG (H.-L.), op. cit. p.11
50
en Afrique sont d'importation occidentale, il s'avère
indispensable de préparer l'électorat afin qu'elle s'approprie
les valeurs de la démocratie électorale.
L'éducation dont il est question ici n'est pas
nécessairement scolaire. Il est vrai, selon l'UNESCO, que l'Afrique a
fait un effort sensible ces deux dernières décennies en
matière d'éducation mais il s'agit ici plus d'éducation
civique que scolaire formellement. Il faut d'une part promouvoir
l'éducation civique et d'autre part l'éducation formelle.
S'agissant d'abord de la promotion de l'éducation
civique, il faut remarquer que la majorité de l'électorat
africain est analphabète soit parce qu'elle n'a pas
fréquenté soit parce qu'elle a abandonné très
tôt le cursus scolaire. Il importe de renforcer la culture citoyenne de
ceux-là qui constituent, du reste, la majorité de
l'électorat par une éducation civique informelle. Celle-ci
constitue un moyen fondamental de transformation des non scolarisés
ainsi que des déscolarisés en un corps de citoyens capables de
remplir convenablement leur devoir civique.
En renforçant leurs capacités,
l'éducation leur procure les moyens nécessaires à la
maîtrise des enjeux politiques, gage d'un choix éclairé et
judicieux. Pour être efficace, cette éducation civique doit se
faire selon une orientation, un contenu et des stratégies qui prennent
en compte les réalités spécifiques de chaque pays car,
l'homme ne peut devenir que ce que l'éducation fait de
lui106. Cette formation incombe aux acteurs extrascolaires en
général et en particulier aux partis politiques et autres
organisations de la société civile.
Mais, dans la réalité, ce sont surtout ces
dernières qui s'illustrent dans ce domaine. Nous n'en voulons pour
preuve que la mobilisation des associations et autres ONG lors de
l'élection législative de 2007 et présidentielle de 2010
au Togo.
Concernant l'éducation formelle, il faut relever que
sans élites intellectuelles responsables et conscientes, il n'y a pas de
démocratie viable. De même, sans école, il n'y a pas
d'élites intellectuelles. C'est l'éducation qui assure la
compétence postulée du citoyen. Les systèmes scolaires
sont des moteurs de
106 Voir KANT, Traité de pédagogie,
cité par LAUPIES (F.), et repris par DAKO (S.), op.cit., p.447
développement économique, social et politique.
Sur le plan politique, l'école est non seulement le lieu de la
construction nationale, mais aussi celui de la coercition et de la
révolte. En tant que moyen de construction de l'Etat-nation, elle doit
offrir à chaque individu, membre de la communauté, la chance
d'accéder au statut de citoyen. Les objectifs et les orientations de
l'éducation doivent donc être guidés par le modèle
de citoyens dont les Etats africains en mouvement vers la démocratie ont
besoin. Cette exigence d'éducation a conduit d'ailleurs certains pays
à décréter la gratuité de l'enseignement primaire
public107.
L'électorat une fois instruit sur le plan civique, doit
posséder un minimum vital pour éviter de monnayer son vote.
B- Lutte contre la pauvreté
Une situation socio-économique favorable est-elle une
pré-condition de la démocratie ? Les transitions politiques qu'a
connues le monde au cours des dernières années permettent d'en
douter.
Un régime politique démocratique a longtemps
été considéré comme l'attribut des économies
industrialisées à haut revenu. D'autres recherches ont cependant
conduit à revoir cette loi de Lipset en observant que « des
démocraties de troisième génération» se sont
installées dans des pays aussi bien riches que pauvres (Huntington, 1991
; Bratton et van de Walle)108. Quelles que soient les nouvelles
perspectives sur la naissance de la démocratie, les analystes ont encore
toujours tendance à penser que les perspectives de survie d'un
régime sont meilleures lorsqu'un pays est riche et en croissance
économique.
En tout cas l'analyse des vicissitudes électorales en
Afrique laisse découvrir que certaines difficultés sont de
façon intrinsèque liées à l'extrême
pauvreté qui sévit sur le continent noir. Le marchandage du vote
et les violences électorales illustrent cette assertion. Le fait que la
majorité des populations vivent en deçà du seuil de la
pauvreté et ceci parfois à cause de la mauvaise
répartition des ressources, les électeurs non seulement pensent
que la propagande électorale
107 Le Bénin, le Cameroun et le Togo par exemple.
108Bratton (M.), op. cit. p.13,
52
est occasion de reprendre ce que les hommes politiques leur ont
volé109, mais aussi de monnayer leur voix contre des billets
de banque.
De même la violence électorale s'explique par le
fait que l'accession au pouvoir est un moyen de s'enrichir110.
Au regard de toutes ces considérations, on en
déduit que la régularisation des processus électoraux en
Afrique passe aussi par la lutte contre la pauvreté. Cette lutte contre
la pauvreté passe, elle aussi, par la lutte contre la corruption et la
bonne gestion de la chose publique.
La lutte contre la corruption implique une mise sur pied d'un
véritable arsenal juridique pour sanctionner les auteurs de ce crime.
Aussi la lutte contre la corruption doit-elle commencer au sommet de l'Etat.
Il est vrai que nombreux Etats ont créé des
institutions anti-corruption mais celles-ci n'ont pas été
dotées de moyens efficaces pour démanteler les auteurs de ce
fléau et les sanctionner. Les dirigeants doivent faire mieux en la
matière pour dégager des ressources afin de satisfaire les
besoins élémentaires de leurs populations. A cette lutte contre
la corruption doit s'ajouter la bonne gestion de la chose publique.
Si l'altérité ethnique s'est radicalisée
au point de devenir source de haine, cela résulte principalement des
inégalités économiques et sociales dont sont victimes
certaines couches des populations. En Afrique, la richesse est souvent
très inégalement répartie de sorte que l'opulence de la
minorité côtoie la misère de la grande masse sans
situations intermédiaires le plus souvent. Or, ces
inégalités créent une atmosphère de peur et de
haine et rendent impossible l'organisation de compétitions politiques
pacifiques, non violentes.
De plus, elles favorisent le désintérêt
des couches marginalisées pour la participation électorale. Il
importe donc de combattre les inégalités socioéconomiques
si l'on veut avoir des élections non violentes et sincères. En
réduisant les antagonismes sociaux, le développement que
génère une bonne distribution des revenus nationaux transforme
une société conflictuelle en une société
consensuelle, seul gage possible pour la démocratie libérale.
109 BANEGAS (R.), op. cit. p.23.
110 En Afrique les mécanismes de contrôle de la
gestion de la chose publique sont inexistants ou inefficaces favorisant
l'enrichissement illicite des dirigeants.
Le rééquilibrage de la société
passe d'abord par la réduction du train de vie de l'Etat en limitant la
composition des gouvernements et les dépenses de ces derniers au strict
minimum.
Ensuite, le respect de l'égalité des chances de
tous les citoyens devant l'accès aux emplois publics doit être une
réalité.
Enfin, la distribution des dépenses doit tenir compte
des couches déshéritées. C'est le cas par exemple des
diplômés sans emplois ou des chômeurs qui peuvent
bénéficier d'une allocation de subsistance, d'une
sécurité sociale. C'est aussi le cas des femmes et des enfants
qui peuvent bénéficier, de la part de l'Etat, d'une
sécurité sociale particulière. Celui-ci peut par exemple
accorder à toutes les femmes enceintes et à tous les enfants d'un
certain âge des soins de santé gratuits.
Somme toute, l'intégration de tous ces facteurs
socio-économiques et ethniques permettra, à coup sûr,
d'améliorer les processus électoraux mais encore faut-il
renforcer les garanties institutionnelles.
SECTION II : RENFORCEMENT DES GARANTIES
INSTITUTIONNELLES La fiabilité et la sincérité
d'un scrutin électoral dépend de l'efficacité et de la
crédibilité des institutions en charge de la conduite des
opérations électorales. La crédibilité de
l'administration électorale ne peut être garantie que si elle est
affranchie des limites structurelles et conjoncturelles dont elle souffre
(§ 1). De même certaines insuffisances étant
congénitales à la démocratie électorale, il faut
une institution efficace pour la gestion du contentieux électoral
(§2).
PARAGRAPHE I : UNE ADMINISTRATION ELECTORALE PLUS
CREDIBLE Les élections sont avant tout une compétition
politique opposant des acteurs politiques dont l'administration
électorale reste l'arbitre. En tant qu'arbitre, l'administration
électorale doit être non seulement neutre et impartiale (A) mais
encore faut-il que les acteurs évitent de l'instrumentaliser (B).
A- Neutralité de l'administration
électorale
La création des commissions électorales en
Afrique a été motivée par le souci de neutralité et
de la transparence dans la conduite des opérations électorales,
gage d'une alternance politique pacifique. La cour constitutionnelle
béninoise a bien traduit cette aspiration dans sa décision du 23
décembre 1994 « [...] La
54
création de la Commission Electorale Nationale
Autonome, en tant qu'autorité administrative indépendante, est
liée à la recherche d'une formule permettant d'isoler, dans
l'administration de l'Etat, un organe disposant d'une réelle autonomie
par rapport aux gouvernements, aux départements ministériels et
au Parlement, pour l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible des
libertés publiques, en particulier des élections honnêtes,
libres et transparentes [...] Elle est une étape importante de
renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la
personne ; qu'elle permet, d'une part, d'instaurer une tradition
d'indépendance et d'impartialité en vue d'assurer la transparence
des élections, et, d'autre part, de gagner la confiance des
électeurs, des partis et mouvements politiques ».
Si ces commissions ont connu des succès dans certains
pays111, elles ont failli dans d'autres du fait des limites
structurelles et conjoncturelles évoquées plus haut notamment
l'insuffisante étendue de leurs compétences et leur
incapacité à les exercer, l'imprécision de leurs missions,
leur dépendance financière et la politisation de leur
composition. Les hommes politiques africains doivent tirer les
conséquences de ces dysfonctionnements pour prendre des mesures
idoines.
Il s'agit d'une part d'attribuer la conduite des
opérations électorales exclusivement à ces institutions
car leur caractère ad hoc et le partage des attributions avec d'autres
institutions portent atteinte à l'efficacité de ces commissions
électorales. Leur rôle ne doit pas être réduit au
contrôle ou à la supervision des opérations
électorales112.
D'autre part, l'autorité administrative électorale
doit être une institution
permanente à l'instar des pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire ou encore de la juridiction constitutionnelle
et de l'organe de régulation des médias, etc. Autrement dit, les
membres de l'institution seront désignés pour un mandat dont la
durée doit être légalement voire constitutionnellement
déterminée. La pérennité de l'administration
électorale offre des avantages : d'abord elle favorise le
professionnalisme des membres par la capitalisation des
111 Au Bénin et au Mali par exemple.
112 Au Sénégal, au Gabon et au Cameroun,
malgré la création des commissions électorales, c'est le
Ministère de l'Intérieur qui organise des élections et ces
commissions sont chargées de la supervision uniquement.
expériences, ensuite elle favorise la bonne
conservation du matériel électoral non consomptible capable de
servir pour plusieurs consultations électorales et enfin
l'administration électorale permanente offre l'avantage de garantir la
fiabilité des listes électorales car cela permettra non seulement
d'en assurer l'informatisation et la permanence mais aussi de les apurer
régulièrement afin de les rendre toujours aptes à servir
en cas de consultations électorales.
Le Togo et le Sénégal ont déjà
opté pour des commissions permanentes. Les membres sont nommés
pour un mandat déterminé mais qui ne siègera que lors
d'une consultation électorale. Entre deux échéances, la
gestion sera assurée par un Secrétariat Administratif Permanent
(SAP).
La crédibilité et la sincérité des
scrutins viendront de la neutralité et la permanence de l'administration
électorale mais encore faut-il que les acteurs politiques changent de
comportement.
B- Un changement de comportement des acteurs politiques
Les élections étant une compétition
politique, le succès de l'opération dépend, dans une large
proportion, de l'attitude des différentes tendances politiques en lice.
Elles doivent faire preuve de bonne foi et de loyauté même si ces
valeurs sont peu connues en politique.
En Afrique les compétitions électorales opposent
souvent deux tendances : les partisans de la restauration autoritaire des
régimes politiques et les partisans d'une véritable alternance
politique113. Pour la première tendance, le droit
électoral est exclusivement conçu comme la chose des gouvernants
au pouvoir, et pour la seconde, les droits électoraux, propres aux
peuples, doivent être garantis, objectivement à tous et
subjectivement, à chacun, par les gouvernants agissant
collectivement.
La confrontation semble tourner en faveur de la logique
autoritaire qui amène les « élites dirigeantes de [l'Afrique
noire francophone] à déployer toute leur intelligence pour
fausser les élections pluralistes organisées
»114. C'est ce qui explique la persistante rareté des
successions et alternances en Afrique, et la
113 KOKOROKO (D.), « le réformisme électoral
en Afrique», op. cit. p.1
114AHADZI-NONOU (K.), cité par KOKOROKO (D.),
« le réformisme électoral en Afrique » op. cit. p.5
56
longévité des chefs d'Etat115.
L'anthropologue Johannes Fabian trouve une formulation parfaite de cette
situation dans un proverbe congolais : « Le pouvoir se mange en entier
»116. Cette conception malheureuse des
élections117 est de nature à dénaturer le jeu
électoral.
Pour que les systèmes électoraux africains soient
compétitifs, les acteurs politiques doivent cultiver certaines
vertus.
Ils doivent admettre l'idée selon laquelle l'opposition
peut accéder au pouvoir et la majorité peut devenir l'opposition
par le jeu des élections. Le pouvoir politique doit être
dépersonnalisé. Les dirigeants africains doivent savoir qu'ils ne
sont pas titulaires du pouvoir qu'ils exercent mais des
délégataires, bref des serviteurs du peuple. Ainsi le peuple
souverain peut le retirer à tout moment par le jeu des
élections.
Cette dépersonnalisation du pouvoir politique passe par
la démocratisation des partis politiques. Le fondateur du parti ne doit
pas être le président à vie du parti ; le jeu
démocratique doit conduire au renouvellement de la classe dirigeante sur
la base des normes légalement et légitimement définies.
Les acteurs politiques doivent avoir une croyance commune en
des valeurs qui constituent la base de toute société
démocratique. L'acceptation des résultats, mêmes
défavorables, la limitation du nombre des mandats et le respect des
droits de l'homme doivent être les valeurs les mieux partagées.
L'idéal serait d'organiser des élections
régulières, transparentes et honnêtes mais l'histoire nous
enseigne que certaines erreurs et irrégularités sont
congénitales à la démocratie électorale. Dans ces
conditions il est indispensable de créer des institutions
crédibles pour la gestion du contentieux électoral.
115Omar Bongo du Gabon et Eyadema GNASSINGBE du
Togo sont morts au pouvoir avec respectivement 40 et 38 ans de règne.
Leurs cadets suivent l'exemple : l'Angolais Jose Eduardo dos Santos est en
poste depuis 1979, le Burkinabé Blaise COMPAORE depuis 1987, le Tchadien
Idriss DEBY depuis 1991, le Gambien YAHYA Jammeh depuis 1994...
116Foucher (V) : Difficiles successions en Afrique
subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel, Op. Cit
p.23
117« On n'organise pas les élections pour les
perdre » déclaration du Président congolais Pascal LISSOUBA
Cité par KOKOROKO (D) : « les élections disputées :
réussites et échecs » op. cit. p.1
PARAGRAPHE II : UNE MEILLEURE GESTION DU
CONTENTIEUX
ELECTORAL
Le contentieux électoral est une opération qui
vise à régler les litiges mettant en cause la
régularité des processus électoraux. Il a pour but de
vérifier la régularité des actes et la validité des
résultats des élections. L'adhésion de l'Afrique au
principe de l'organisation d'élections disputées à
intervalles réguliers implique l'institution des mécanismes de
gestion du contentieux électoral. Mais le règlement du
contentieux électoral en Afrique peine à satisfaire l'opinion
commune (A) d'où la nécessité de le redynamiser (B).
A- Un contentieux électoral balbutiant
L'organisation d'un scrutin compétitif passe par la
maîtrise et la réussite de toutes les étapes du processus
électoral. Elles vont de la détermination du cadre normatif et
institutionnel, à la proclamation des résultats définitifs
en passant par l'établissement d'un fichier électoral fiable,
l'enregistrement des candidatures, la campagne, le vote, le
dépouillement et la transmission des résultats et la gestion du
contentieux éventuel.
L'élection pluraliste étant aujourd'hui
indispensable pour mesurer la légitimité des gouvernants, le
contentieux est incontournable pour assurer la crédibilité de la
consultation électorale. Mais comme le souligne Djedjro Francisco
MELEDJE, « en faisant une appréciation rétrospective du
contentieux électoral en Afrique, on est saisi par une impression de
vide et un fort sentiment de déception »118.
En effet sous le régime du parti unique, le contentieux
électoral était souvent préalablement vide du fait du
rôle du parti dominant ou simplement sans issue. Mais le renouveau
démocratique a replacé la question de la justice
constitutionnelle119 et le contentieux électoral en
particulier au coeur des débats politiques.
118 MELEDJE (D.) : Le contentieux électoral en Afrique,
Pouvoirs 2009/2, N° 129, pp. 139-155.
119 Voir HOLO (T.):Émergence de la justice
constitutionnelle, Pouvoirs 2009/2, N° 129, pp. 101- 114.
58
Certes on a assisté à l'institution des
juridictions constitutionnelles en Afrique, qui en dehors du contrôle de
constitutionnalité, gère le contentieux
électoral120. Mais deux décennies après, le
règlement du contentieux en Afrique est, de loin, non satisfaisant.
Cette situation est liée à des difficultés structurelles
et conjoncturelles.
S'agissant des difficultés structurelles, elles
tiennent à la procédure ; par exemple comment comprendre le fait
pour le juge électoral au Nigeria ne se prononce que plus d'une
année et demie après l'élection présidentielle
d'avril 2007 sur la régularité de ce scrutin ? Dans ces
conditions et raisonnablement, Umaru Musa YAR'ADUA, donné comme
élu et exerçant depuis un temps très long les fonctions de
chef de l'État, ne peut plus voir son élection
invalidée.
Il est aussi question de la composition des juridictions faite
souvent en majorité des profanes du droit121. Parfois la
règle de la majorité et le secret de la
délibération sont de nature à rendre inefficace les
décisions de ces juridictions. Les dysfonctionnements conjoncturels
constituent une pesanteur qui influence les décisions en matière
électorale. « Dans une démocratie, disait Jürgen
HABERMAS, les citoyens doivent avoir la conviction que ce sont eux, par leurs
décisions électorales, qui conservent, à certains moments
cruciaux, le pouvoir d'influencer une politique par ailleurs
étatisée et encapsulée »122. Oui, en
Afrique, le juge électoral influence les résultats
électoraux le plus souvent pas sur les moyens évoqués mais
par sa gratitude à l'égard du pouvoir en place, dont il est
l'émanation. N'entend-on pas des détenteurs du pouvoir chanter
que la Cour leur est acquise ? Le constat fait par le Professeur Koffi AHADZI
selon lequel « en Afrique, l'expérience montre trop souvent que les
liens d'allégeance s'établissent entre l'organe politique et ceux
qu'il désigne »123 est vérifié.
Le contentieux électoral en Afrique est loin de trouver
un dénouement heureux eu égard à ces multiples
vicissitudes que présentent les institutions en charge de ce
contentieux.
120 Il s'agit souvent du contentieux des consultations
nationales : présidentielles, législatives et le referendum. Le
contentieux des élections locales est de la compétence des
juridictions ordinaires.
121 Voir art.100 de la Constitution du 14 octobre 1992 du Togo
122 HABERMAS (J.), Cité par DAKO (S.), thèse de
doctorat, op.cit. P.436
123 Voir K. AHADZI, Les nouvelles tendances du
constitutionnalisme africain : le cas des Etats d'Afrique noire francophone,
Cité par Simon DAKO, Thèse de doctorat, op.cit. P.438
123 Voir DUHAMEL- MENY (Y.), Cité par Simon DAKO,
Thèse de doctorat, op.cit.p.432
Il faut trouver des solutions adéquates pour redynamiser
le juge électoral, gage de la crédibilité et de la
fiabilité des consultations électorales.
B- Un contentieux électoral à
redynamiser.
«Beaucoup de pays non démocratiques disposent
d'impressionnantes Constitutions qui garantissent les droits de l'homme et
toutes sortes de valeur, mais ces Constitutions-là ne sont que des
façades puisqu'il n'existe aucune magistrature indépendante
susceptible de les mettre vraiment en oeuvre »124. Cette
analyse pertinente de BARAK, traduit les malheurs de la justice
constitutionnelle en charge du contentieux électoral en Afrique.
Il faut éperonner cette magistrature en vue d'une
meilleure gestion du contentieux électoral et, par ricochet, garantir la
sincérité des consultations électorales. La recherche de
l'efficacité de la justice constitutionnelle, à notre sens, passe
par plusieurs mesures.
D'abord, il faudra réviser la composition et le mode de
désignation des membres des Cours et Conseils constitutionnels. En
raison du caractère technique et de la complexité des
tâches qui leur sont assignées, il serait plus
bénéfique pour les transitions démocratiques africaines de
confier le contentieux constitutionnel à des professionnels du droit.
Pour cela, les juges constitutionnels doivent être choisis exclusivement
parmi les juristes à savoir les professeurs de droit et les praticiens
tels que les magistrats notamment du siège et les avocats.
Ensuite, la possibilité doit être offerte aux
juges de publier leurs opinions en cas de dissidence. La pratique de l'opinion
dissidente permet aux membres des juridictions constitutionnelles d'annexer aux
décisions adoptées par la majorité des membres de la
juridiction leur position. Pratiquée aux Etats-Unis et en Allemagne par
exemple, la technique des opinions dissidentes est un facteur de transparence
du droit, permet de mieux saisir le raisonnement des juges et peut être
à l'origine de riches controverses doctrinales. Ainsi, la pratique de
l'opinion dissidente est de nature à renforcer la qualité des
décisions des juridictions constitutionnelles.
124 BARAK (A.), Cité par DAKO(S.), Thèse de
doctorat, op.cit. P.438
60
Enfin, afin de consolider davantage la fonction
juridictionnelle et de faciliter l'harmonisation des décisions de
justice, il serait indiqué de regrouper toutes les institutions
juridictionnelles dans un même organe et doté
d'indépendance vis-à-vis des pouvoirs exécutif et
législatif.
Aussi importe-t-il que l'actio popularis,
actuellement limité à quelques pays comme le Bénin, le
Gabon, l'Afrique du Sud125 et le Burundi126, puisse
s'étendre à tous les pays.
Cette extension du droit de saisine aura pour
conséquence d'accroître les sollicitations des juges
constitutionnels. Face à cette éventualité, des solutions
peuvent être trouvées dans l'allègement du domaine de
compétence de la Haute Juridiction.
En tout cas il est de l'intérêt du juge
électoral lui-même notamment de son honorabilité, de se
délier de certaines pesanteurs en se montrant autonome et
indépendant. Bref il doit se montrer ingrat comme c'est le cas dans
certains pays d'Afrique127vis-à-vis de l'autorité qui
l'a nommé.
Le succès de la démocratie électorale en
Afrique passe par l'adaptation des normes et institutions électorales
aux réalités du continent notamment la pluralité ethnique,
la réduction de la pauvreté, la culture démocratique et
une armée républicaine. A ces mesures qui doivent être
prises au plan national, doit venir en appui la communauté
internationale pour qui, la question électorale ne relève plus de
compétence exclusive des Etats.
125 La question de la saisine du juge constitutionnel est
réglée par l'art.167 de la constitution sud-africaine.
126 Ici le droit des personnes physiques ou morales de saisir
le juge constitutionnel en vue de la vérification de la
constitutionnalité des lois est prévu par les articles 151 et 153
de la constitution burundaise du 13 mars 1992.
127Dans certains États comme le Bénin,
la République sud-africaine et le Ghana, les règles de la
compétition électorale s'enracinent progressivement.
CHAPITRE II : RENFORCEMENT DE
L'ASSISTANCE
ELECTORALE
|
<< Aujourd'hui, l'élection est devenue, dans les
pays en transition démocratique ou tout simplement en crise, une affaire
internationale, ne serait-ce qu'à travers les opérations de
supervision et d'observation des processus électoraux ; elle n'est plus
la seule affaire de l'État. Les actions qui sont menées dans ce
cadre par les acteurs internationaux visent à améliorer
l'organisation des scrutins, soit par l'allocation de ressources
nécessaires à la bonne organisation pratique de l'élection
ou à l'indication des principes directeurs du suffrage, soit par la
dénonciation des irrégularités, soit enfin par leur
implication dans le règlement des contentieux »128.
Cette analyse du professeur MELEDJE illustre, à plus
d'un titre, l'appréhension faite des élections par la
communauté internationale. Contrairement à la rigidité du
principe sacro-saint de non-ingérence dans les affaires
intérieures, l'ingérence en matière électorale est
devenue une pratique internationalement admise (Section1). Mais cette pratique
présente des insuffisances qui doivent être nécessairement
surmontées afin de contribuer à l'amélioration des
processus électoraux en Afrique (Section 2).
SECTION I : ASSISTANCE ELECTORALE : UNE PRATIQUE
ADMISE Le droit international public est, pendant longtemps,
resté indifférent vis-à-vis de l'organisation politique
des Etats129 . Mais cette position du droit international a
128MELEDJE (D.), Le contentieux électoral
en Afrique, op. cit. p. 8
129 Voir l'article 2 paragraphe 1 << l'organisation est
fondée sur l'égalité souveraine de tous les états
membres ».
Voir la résolution n°2131 du 21 décembre
1965 portant sur la déclaration sur l'inadmissibilité de
l'intervention dans les affaires intérieures des états,
l'Assemblée Générale affirme que << tout état
a le droit de choisir son système politique, économique, social
et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe quel
état ».
La déclaration de 1970 sur les principes
régissant les relations internationales pacifique entre état
dispose que << chaque état a le droit de choisir et
développer librement son système politique, économique,
social et culturel »
62
évolué au cours des dernières
décennies. Au nom de l'impératif démocratique, la forme
d'organisation du pouvoir politique n'est plus exclusive à l'Etat. C'est
aussi une affaire de la communauté internationale. L'ingérence de
la communauté internationale dans la politique intérieure des
Etats prend la forme d'assistance électorale. Cette assistance repose
sur un fondement (§1) et se manifeste sous plusieurs formes (§2)
PARAGRAPHE I : FONDEMENT DE L'ASSISTANCE ELECTORALE
L'assistance électorale, canal souvent utilisé par la
communauté internationale pour intervenir dans la politique
intérieure des Etats, est d'une part la manifestation de la
souveraineté de ces Etats(A) et d'autre part une forme de
coopération internationale (B)
A- Une manifestation de la souveraineté
étatique
Il ne fait aucun doute que l'organisation des élections
relève de la souveraineté des Etats. A cet effet la
communauté internationale ne saurait, pour quelques raisons que ce soit,
se mêler à ce processus à travers l'assistance
électorale sans le consentement de l'Etat hôte. C'est ce que la
C.I.J. a traduit en 1975, dans son avis sur le Sahara occidental, en affirmant
qu' « aucune règle du droit internationale coutumier n'exige
que l'état ait une structure déterminée comme le prouve la
diversité des structures étatiques qui existent actuellement dans
le monde ».
L'intervention de la communauté internationale dans
l'observation internationale des élections se fait à la demande
de l'État directement concerné. L'invitation adressée par
un État à des organisations internationales ou non
gouvernementales et à des entités étatiques à
observer le déroulement de ses élections peut être
regardée comme une ingérence étrangère sur son
propre territoire.
L'observation internationale des élections n'est donc
pas contraire à la souveraineté du fait que son contenu concret
est accepté par l'État hôte. L'invitation à observer
les élections présume l'engagement de l'État hôte de
construire un État de droit, fondé sur la démocratie, le
pluralisme politique et le respect des droits de l'homme. Ceci rend licite, par
exemple, l'aide des Nations
Unies aux processus électoraux quand cette aide est
sollicitée par l'État hôte de manière expresse.
Les résolutions de l'Assemblée
générale insistent toujours sur le fait que l'assistance
électorale, notamment l'observation internationale des élections,
est apportée à la demande de l'État
hôte130.
Ainsi la souveraineté, tout en excluant la soumission
de l'État à l'ordre juridique d'un de ses pairs, est compatible
avec celle relative à l'ordre juridique international produit par leur
action commune. Pour Jean COMBACAU, « l'autolimitation de
l'État est le mécanisme qui concilie souveraineté et
obéissance au droit »131.
Au lieu de considérer que l'observation internationale
des élections comme un abandon de souveraineté, il serait
nécessaire de la concevoir comme une limitation volontaire de celle-ci.
Cette expression de la souveraineté des Etats africains dans
l'acceptation des missions d'observation des élections est
fréquente au point où une présomption simple
d'irrégularité pèserait sur des scrutins n'ayant pas fait
l'objet d'observation internationale. Même si certaines assistances
électorales semblent imposées à l'Etat
hôte132, il n'en demeure pas moins que celui-ci puisse refuser
mais à ses risques et périls.
Manifestation de la volonté étatique, l'assistance
électorale est une forme de coopération internationale.
B- Une forme de coopération internationale
L'assistance électorale à travers les missions
d'observation est appréhendée comme une forme de
coopération culturelle, politique et même économique. Elle
est la manifestation de l'intérêt que la communauté
internationale porte à la tenue des élections libres
s'insérant dans le développement démocratique, notamment
le respect des droits de l'homme et la primauté du droit.
Il faut noter que l'observation électorale est le fruit de
l'adhésion de l'Etat à des
130Voir les résolutions suivantes de
l'Assemblée Générale des Nations Unies : AG/Rés.
49/190 du 23 déc. 1994 ; AG/Rés. 53/31 du 23 nov. 1998 ;
AG/Rés. 54/36 du 29 nov. 1999 ; AG/Rés. 55/43 du 27 nov. 2000 ;
AG/Rés.54/173 du 17 déc. 2000.
131 COMBACAU (J.), « Droit International Public »,
Montchrestien 4ème Ed. 1987
132 Le cadre politique interne conflictuel peut amener la
communauté internationale à imposer une mission d'observation
à l'Etat hôte. Voir à cet effet la résolution 1765
de 2007 du Conseil de Sécurité de l'ONU relative à la
certification des élections en Côte d'Ivoire.
64
organisations internationales ou régionales dont la
mission ou l'une des missions est la promotion de la démocratie et de
l'Etat de droit et par ricochet l'organisation des élections libres et
transparentes. Comme le réaffirme l'Assemblée
Générale des Nations Unies en 1991, les régimes politiques
des différents Etats doivent tirer leur légitimité des
élections libres, périodiques et honnêtes133.
Les Etats africains, dans leur grande majorité, ont
ratifié les différents instruments juridiques relatifs à
la démocratie et à l'Etat de droit.
Sur le plan régional, l'adoption en 2007 à
Addis-Abeba de la charte africaine des droits de l'homme, de la
démocratie, des élections et de la bonne gouvernance illustre que
l'organisation des élections démocratiques est l'un des
fondements de la coopération entre les Etats africains.
La déclaration de la francophonie de Bamako sur le
bilan de la pratique démocratique atteste cette assertion. En effet il
ressort de cette déclaration que la Francophonie réitère
non seulement sa conviction que Francophonie et démocratie sont
indissociables mais de plus exprime clairement et pour la première fois
son rejet des prises du pouvoir par la force, en se donnant les moyens de
réagir vigoureusement à toute interruption du processus
démocratique et aux violations graves des droits de l'Homme dans
l'espace francophone.
Sur le plan économique, la convention ACP/UE
signé à Cotonou, au Bénin, le 23 juin 2000 subordonne
l'aide financière et économique de l'Union Européenne
à la promotion des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la
démocratie par les pays ACP. Elle prévoit respectivement dans ses
articles 9 134 et 96135, la clause «
élément essentiel » et la clause « non-
133 Résolution 46/137 de 1991
134L'article 9 de l'accord établit que
« le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et
de l'État de droit [...] constituent les éléments
essentiels du présent accord tout comme « la bonne gestion des
affaires publiques ».
135L'article 96 prévoit « qu'en cas de
violation d'un ou plusieurs éléments essentiels de l'accord (donc
le respect des droits de l'homme) dénoncés par l'une des parties
signataires, des `consultations' peuvent avoir lieu en vue d'examiner la
situation de manière approfondie et, le cas échéant, d'y
remédier [Il appartient à la Commission européenne
d'engager ces consultations avec le pays visé afin de régulariser
au plus vite la situation. C'est ensuite au Conseil des ministres de prendre
une décision. Ce dernier établit des contacts avec le pays
concerné et lui présente ses griefs. Soit le pays coopère
et le Conseil décide de lever les `sanctions d'urgences'
adoptées, soit il n'y a aucune coopération et le Conseil peut
alors
66
exécution » mais avec une procédure de
consultation plus flexible136.
L'observation des élections est donc << un
sésame au développement »137. D'ailleurs les
institutions financières comme la Banque Mondiale et le Fond
Monétaire International conditionnent l'octroi des aides et prêts
au respect des valeurs démocratiques surtout depuis l'effondrement du
bloc communiste.
L'organisation des élections libres et transparentes
constitue un élément de classement ou de déclassement des
Etats dans la communauté internationale. Il s'avère donc
nécessaire pour cette dernière de porter son regard sur les
différentes étapes du processus électoral. Cette
observation électorale revêt à cet effet plusieurs
formes.
PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX
FORMES
MULTIPLES
L'intervention étrangère dans le processus
électoral d'un Etat se présente sous plusieurs formes selon qu'il
s'agit du degré ou de la nature d'intervention. On est ainsi
passé de l'observation à la certification des résultats
(A) d'une part, et de l'assistance technique à l'assistance juridique
(B) d'autre part.
A- De l'observation du vote à la certification des
résultats
L'observation électorale qui s'est
développée dans les années 80 et 90 a connu une
évolution significative avec le précédent Namibien sans
oublier les expériences des Nations Unies lors de la
décolonisation. Elle est passée aujourd'hui à la
certification des résultats en passant par l'assistance
électorale.
L'observation électorale vise un objectif très
précis : la régularité des opérations de vote,
et, le cas échéant, de la campagne électorale qui les
précède immédiatement. Elle est enfermée dans
une période très brève : le temps du
prendre des mesures appropriées : suspension totale ou
partielle de l'aide économique, réorientation des appuis directs
».
136L'article 9 de l'accord établit que
<< le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques
et de l'État de droit [...] constituent les éléments
essentiels du présent accord, tout comme la bonne gestion des affaires
publiques ». Cet article, le plus abouti du genre est beaucoup plus
précis et élaboré que les << clauses droits de
l'homme » présentes depuis 1995 dans tous les accords liant l'UE et
les pays tiers. La principale plus-value de Cotonou réside toutefois
moins dans l'article 9 que dans la procédure créée pour
qu'il ne soit pas une << coquille vide ». L'article 96
prévoit ainsi qu'en cas de violation d'un ou plusieurs
éléments essentiels de l'accord (donc le respect des droits de
l'homme), dénoncés par l'une des parties signataires, des
<< consultations » peuvent avoir lieu en vue d'examiner la situation
de manière approfondie et, le cas échéant, d'y
remédier », in, JOCE L. n° 317 du 15 décembre
2000.
137 KOKOROKO (D.), Contribution à l'étude de
l'observation internationale des élections, Thèse, op. cit.
p.383
scrutin138. Ainsi enfermée dans un
délai très court, l'observation électorale ne permet pas
d'apprécier la crédibilité des élections qui ne se
résument pas au jour du vote mais à plusieurs étapes
notamment de la détermination du cadre normatif et institutionnel au
règlement du contentieux et la proclamation des résultats
définitifs.
Conscient de cette limite de l'observation électorale,
on est passé à l'assistance électorale. Se
présentant sous plusieurs formes (technique, logistique
financière, matérielle et même juridique), l'assistance
électorale occupe un espace plus long et plus étendu : le temps
de l'élection déborde de beaucoup le temps du scrutin.
Elle permet donc, contrairement à l'observation,
d'apprécier toutes les étapes du processus électoral afin
de s'en convaincre de la crédibilité. L'assistance a de nombreux
mérites : elle rassure les partis politiques, les électeurs et la
communauté internationale. Pour le pouvoir en place, accepter
l'assistance électorale, c'est s'interdire certains comportements. Elle
a donc un effet préventif.
Mais la communauté internationale, dans le souci de
s'assurer que les résultats sont conformes au sentiment majoritaire du
peuple, exige que les résultats soient certifiés139
par la mission d'observation. On ne se limite plus à
l'appréciation des différentes étapes du scrutin mais
s'assurer que les résultats proclamés sont bien le sentiment
exprimé par le peuple. La certification, une expression vague aux
contours mal définis, ouvre la voie à une véritable
intervention internationale en matière électorale qu'il faudra,
à notre sens saluer. On est passé de l' << assistance aux
élections » à l' << assistance électorale
» qui vise non seulement les élections en tant
qu'événement ponctuel mais prend en compte tout le cycle
électoral.
Certes l'intervention en matière électorale se
heurte la souveraineté étatique mais la communauté
internationale doit trouver un moyen de faire respecter les aspirations
profondes du peuple à qui appartient la souveraineté. Cet
138 MASCLET (J.- C.) << Le processus électoral :
permanences et évolutions » actes du colloque réuni au
sénat le 22 novembre 2005 sous la direction de Owen (B.), pp.177-179.
139 Voir à cet effet la résolution 1765 de 2007 du
Conseil de Sécurité de l'ONU relative à la certification
des élections en Côte d'Ivoire.
interventionnisme électoral graduel s'observe
également au niveau de la nature de l'assistance apportée aux
Etats en déficit démocratique par les veilles démocraties,
les organisations internationales et non gouvernementales.
B- De l'assistance technique à l'assistance
juridique
L'assistance électorale, une véritable
évolution du droit international prend différentes formes. Il
faut noter que la forme de l'assistance dépend de deux facteurs : le
contenu de la demande adressée par l'Etat hôte d'une part, la
volonté et l'intérêt de la communauté internationale
à participer à l'organisation des élections
crédibles d'autre part. Les besoins exprimés par les Etats
hôtes dépendent de leur niveau de développement
économique, technologique, les compétences et expertises
disponibles sur place. En rapport avec ces besoins les Etats hôtes
sollicitent une assistance technique, matérielle et logistique.
Cette assistance consiste en la fourniture du matériel
électoral tel que les urnes, les ordinateurs, du matériel roulant
et autres..., à l'envoi des experts pour assister l'administration
électorale.
Le Togo, à titre indicatif, avait reçu en 2007
une importante assistance en la matière pour l'organisation des
législatives notamment dans l'établissement de la liste
électorale informatisée. Outre cette assistance technique,
matérielle et logistique, certains Etats bénéficient
d'importantes aides financières pour l'organisation des
élections. L'organisation des élections a un coût et le
budget de l'Etat ne peut supporter. D'ailleurs nombreux sont les Etats
africains qui évoquent cette raison pour repousser les élections
ou modifier le mode de scrutin140.
Cette raison financière évoquée parfois
est un alibi qui masque la volonté du pouvoir en place de faire
échec à une éventuelle alternance par les urnes. Pour
contourner cet obstacle, les partenaires n'hésitent pas à
octroyer une aide financière si la demande est faite. En
République Démocratique du Congo, l'assistance financière
du PNUD et de la MONUC lors des élections de 2006, représente un
budget total de 423 millions de dollars. Elle a permis la création d'une
Commission Électorale Indépendante (chargée de
vérifier la validité des
140 La révision constitutionnelle de 2010 en
République Démocratique du Congo a remplacé le scrutin
majoritaire à deux tours par un scrutin majoritaire à un tour au
motif que les ressources de l'Etat ne permettent pas l'organisation d'un
scrutin à deux tours.
68
élections), la mise en place d'un système
électoral fiable, le transport du matériel électoral et
l'enregistrement de quelques 26 millions de Congolais sur les listes
électorales informatisées.
La priorité de la Division Électorale de la
MONUC consiste à mettre en place un système électoral
durable pour permettre à terme la tenue d'élections
crédibles sans appui extérieur. Ainsi, par souci de
durabilité du système électoral, à la fin des
élections de 2006, la MONUC a poursuivi son assistance dans le cadre du
Projet d'Appui au Cycle Electoral (PACE), afin de renforcer le système
électoral et appuyer l'organisation des élections futures.
Toutefois convaincue que le succès d'un processus
électoral ne dépend pas seulement du financement et de
l'assistance matérielle mais aussi d'un cadre normatif et institutionnel
favorable à une compétition électorale, la
communauté internationale offre une assistance juridique si besoin se
fait sentir.
Cette assistance juridique qui se résume en l'expertise
étrangère dans l'élaboration des codes électoraux,
permet de s'assurer que les normes électorales répondent aux
standards internationaux. Cet échange d'expérience est d'une
grande utilité même s'il contribue parfois à un «
copier-coller » inadapté aux réalités locales.
La pratique de l'assistance électorale s'est
révélée efficace au fil du temps car elle a
contribué à l'organisation des élections acceptables dans
nombre d'Etats à l'exception de quelques-uns encore jaloux de leur
souveraineté. Elle a contribué à créer des
conditions juridiques et politiques nécessaires pour instaurer la
confiance, la paix et la stabilité nationale.
Si les Etats hôtes expriment leurs demandes en fonction
de leurs besoins, les partenaires ne répondent qu'en fonction des
intérêts et enjeux que l'élection en question
présente à leurs yeux. Ainsi la communauté internationale
reste-elle divisée ou unie, passive ou active, selon la situation et les
intérêts des uns et des autres. Cette situation est la preuve des
limites de l'assistance en matière électorale, limites auxquelles
il faudra à tout prix remédier.
SECTION II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX LIMITES
SURMONTABLES
L'assistance électorale, quel que soit son degré
ou sa forme, est la résultante d'un compromis entre l'Etat hôte et
les partenaires impliqués dans le processus électoral. L'atteinte
des objectifs ultimes de cette pratique dépend de la volonté
réelle et de l'attitude des acteurs en jeu. Mais certaines
défaillances de l'assistance électorale constituent, dans
certains cas, un frein (§1) qu'il faut desserrer pour parfaire
l'efficacité de l'assistance électorale (§2).
PARAGRAPHE I : LES LIMITES DE L'ASSISTANCE ELECTORALE
L'absence de lisibilité et de cohérence est l'un des
grands maux qui minent l'efficacité de l'observation internationale des
élections. Cette carence se trouve aussi bien dans les normes qui
gouvernent la matière (A) que dans la valeur juridique des rapports et
recommandations (B).
A- Les limites techniques et organisationnelles
Les limites observées ici tiennent au cadre juridique
instituant l'observation des élections. La quasi inexistence et le
caractère disparate des normes internationales en matière
d'assistance électorale traduit les limites organisationnelles que l'on
peut relever. Ces limites organisationnelles se situent à deux
niveaux.
Sur le plan interne, l'observation internationale des
élections demeure confrontée, d'une part, à des obstacles
techniques relatifs à la mise en place des missions d'observation
internationales des élections et, d'autre part, à des obstacles
techniques liés à leur durée et à leur
financement.
S'agissant des obstacles techniques limitant l'impact des
missions d'observation internationale des élections sur le processus
électoral, on signalera les problèmes relatifs au nombre et
à la qualité des observateurs internationaux. Certains
partenaires internationaux impliqués dans la pratique de l'observation
internationale des élections ne dépêchent, en effet,
parfois que quelques observateurs pour le « monitoring » des
élections dans des Etats hôtes très vastes. Les quelques
observateurs se placent dans les bureaux de vote de la capitale et dans un ou
deux villages, et, par conséquent, ne peuvent pas observer et juger
valablement la sincérité d'un scrutin électoral. A ces
70
limites s'ajoute le problème de la durée et du
financement. Comme le fait observer Bangui-Rombaye, « la
fragilité d'une mission d'observation vient aussidu fait qu'elle est
là pour constater un événement circonscrit dans le
temps,
sans forcément prendre en compte tous les
éléments en amont de l'élection proprement dite
(problèmes d'état civil, établissement des listes
électorales, informatisation de celles-ci, délivrance de cartes
d'électeurs, modalités d'accès aux médias)
»141.
Les observateurs internationaux en sont souvent réduits
à témoigner du seul déroulement du scrutin. Aussi le
financement des missions d'observation internationales des élections
demeure-t-il également une autre limite majeure du moment qu'il provient
des autorités politiques ou des bailleurs de fonds non impartiaux
vis-à-vis du processus électoral. La dérive de
l'observation internationale des élections au titre du critère
financier découle des satisfécits délivrés par
certaines missions d'observation en dépit de fraudes électorales
avérées et connues de tous. La prise en charge des observateurs
par le gouvernement du pays hôte risque d'entraver l'indépendance
de l'institution qui aurait bénéficié des faveurs des
autorités locales, et, partant, la crédibilité de la
mission d'observation.
Sur le plan externe, les limites proviennent tant de
l'insuffisante couverture du territoire de l'État hôte que de la
non-coordination des différentes équipes impliquées. En
effet l'état défectueux des voies de communication terrestre,
aérien et maritime réduit les capacités d'accès aux
zones rurales souvent enclavées des missions d'observation des
élections. Généralement, les membres des bureaux de vote
sont transportés sur les lieux par l'administration un jour avant le
scrutin. Ils ne sont récupérés que plusieurs jours
après la clôture du scrutin. Peu d'observateurs internationaux
accepteraient d'emprunter une pirogue pour atteindre l'autre rive du fleuve
où siège le bureau de vote. Or, leur absence sur les lieux laisse
le champ libre à toutes les manipulations électorales.
De même la non-maîtrise de certaines
spécificités socioculturelles et les barrières
linguistiques constituent des limites auxquelles il faut ajouter la
141Bangui-Rombaye (A), Tchad : Elections sous
contrôle cité par KOKOROKO (D.), Contribution à
l'étude de l'observation internationale des élections,
thèse, op. cit. p.423
diversité des missions d'observation car elle n'est pas
sans conséquences sur les remarques ou appréciations
portées sur le déroulement et la régularité des
scrutins. Ces différentes limites ont une incidence sur les rapports et
recommandations des observateurs dont la valeur juridique est discutable.
B- Les limites liées à la valeur des rapports
et recommandations
Les missions d'observation sont souvent l'oeuvre des Etats,
des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Les rapports
concluant ces missions d'observation effectuées ne possèdent
qu'une valeur « recommandationnelle ». Or la valeur juridique des
recommandations a toujours constitué une pomme de discorde au sein de la
doctrine internationaliste.
Les points de vue sont très partagés. Pour
certains auteurs, elles sont juridiquement obligatoires pour les États
membres de l'organisation, pourvu qu'elles soient adoptées
conformément aux règles de procédure et de
compétence de l'organe délibérant. Pour d'autres auteurs,
elles ont uniquement une signification politique et morale, et pour d'autres
encore, sans avoir de valeur juridique, elles possèdent un
caractère juridique142. Il importe cependant de distinguer
selon que l'on est dans le cadre d'une organisation de coopération ou
d'intégration. Dans les organisations internationales de
coopération143, les rapports d'observation ont valeur de
recommandation et ne sont donc pas des actes juridiques contraignants pour les
États auxquels ils sont destinés. Ils sont dépourvus de
force obligatoire. Les destinataires ne sont donc pas liés et ne sont
pas tenus de s'y soumettre. Ces rapports traduisent en fin de compte uniquement
l'aptitude de l'organisation internationale à exprimer une
volonté qui lui est propre.
Cependant, l'absence d'effets obligatoires des rapports
émis par les observateurs internationaux ne signifie pas qu'ils
n'aient aucun effet politique même si juridiquement, ils ne
contraignent pas l'État hôte. Les États
142N'Guyenne QUOC (D.), droit international public,
LDJ, 7ème éd., p.563
143« Organisation ayant pour but de favoriser la
coordination des activités des États membres dans un domaine
spécifique afin d'atteindre des objectifs d'intérêt commun
sans transfert de souveraineté.
72
destinataires peuvent être tenus, du fait de leurs
obligations générales en tant qu'États membres, à
prendre ces rapports en considération et à les examiner de bonne
foi. C'est le cas de l'Union Européenne et les pays de l'Afrique
Caraïbe et Pacifique où les rapports et recommandations sont
déterminants dans le maintien des relations entre l'Etat hôte et
l'organisation.
A cette absence de force contraignante des rapports et
recommandations viennent s'ajouter un suivi limité de la mise en oeuvre
de ces recommandations. Le suivi des rapports d'observation implique
normalement l'existence de procédures, de mécanismes ou de
modalités encadrant la mise en oeuvre, comme celle de procédures,
mécanismes ou modalités sanctionnant leur non mise en oeuvre.
Cependant, tel n'est pas véritablement le cas dans la pratique. Toutes
ces imperfections rendent obsolète l'observation des élections
d'où la nécessité de les surmonter afin de combler les
lacunes de l'organisation interne des élections.
PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE PERFECTIBLE
L'organisation des élections crédibles et
compétitives est aujourd'hui au centre des préoccupations de la
communauté internationale, des partis politiques de l'opposition et des
populations. Il importe donc de débattre des conditions juridiques et
institutionnelles qui seraient susceptibles de faire de l'observation
internationale des élections un moyen légitime et efficace de
renforcement de l'État de droit et des droits fondamentaux.
L'amélioration de l'assistance électorale passe,
à notre sens, par une réglementation des missions d'observation
électorale (A) et un changement de comportement des acteurs (B)
A- Réglementation des missions d'observation
électorale
Au regard des problèmes soulevés par
l'observation des élections, il convient, à titre de
réglementation, de déterminer le cadre juridique des mandats des
observateurs et élaborer un règlement-type en matière
d'observation internationale des élections.
La détermination du cadre juridique du mandat des
observateurs renvoie à la question de savoir si le mandat
confié aux missions d'observation doit être restrictif ou
général. Malgré les divergences de la doctrine sur la
question, le
mandat des observateurs doit être général
pour que l'observation électorale participe effectivement à
l'enracinement de la démocratie électorale en Afrique.
Contrairement au mandat restrictif selon lequel le rôle des observateurs
internationaux est d'éclairer la communauté internationale sur la
manière dont s'est déroulée une élection (cet avis
n'aura pas de valeur juridique en soi, mais il permettra de renforcer ou
d'affaiblir la légitimité des élus au regard de la
société internationale), pour le mandat général, la
validité d'un scrutin dans certains pays en transition
démocratique serait liée à l'avis donné par les
organismes officiels représentant les observateurs internationaux.
Cette conception extensive du mandat des observateurs leur
permettra, de participer de façon active, au processus électoral
en posant des questions pertinentes aux différents acteurs politiques de
l'État hôte sur l'organisation du processus électoral.
A cette détermination précise du mandat des
observateurs doit s'ajouter ensuite le choix des observateurs. La
sélection des observateurs internationaux doit s'effectuer sur des bases
rigoureuses et fiables afin d'éviter le rôle néfaste
joué par certains observateurs internationaux inféodés aux
autorités gouvernementales, qui discréditent ladite pratique.
Aussi doivent-ils être dépêchés en nombre suffisant
susceptible de couvrir tout le territoire.
Enfin, afin de pallier à l'anarchie qui règne en
matière d'observation électorale, il s'avère indispensable
d'adopter un règlement-type devant régir toute mission
d'observation des élections. Les limites inhérentes à
l'observation internationale des élections proviennent en partie de
l'absence d'un règlement-type régissant une telle pratique.
Certes l'élaboration d'un règlement-type soulève des
difficultés et réserves dans la doctrine internationale du fait
de la rigidité de la règle de droit et la diversité des
faits et réalités socioculturels. Pour le Professeur KOKOROKO,
seule la certitude juridique, seul le caractère obligatoire qui
découle de la norme du droit, en l'occurrence une réglementation
internationale en vigueur, souple et « collant » à la
réalité, peuvent conférer à l'observation
internationale des élections, tous les influx bénéfiques
et positifs qu'elle possède politiquement.
74
L'avenir de l'observation internationale des élections
passe également par une adhésion ferme des États
hôtes et de la communauté internationale.
B- Changement de comportement des acteurs
Certaines limites inhérentes aux missions d'observation
des élections proviennent de certains acteurs qui concourent à
leur mise en oeuvre. Il s'agit d'une part de l'Etat hôte et d'autre part
de la communauté internationale.
S'agissant de l'Etat hôte, il doit respecter les
engagements démocratiques souscrits et oeuvrer à un réel
consensus politique interne en prélude au déploiement des
missions d'observation internationale des élections.
Les dérives constatées dans la mise en oeuvre du
droit à des élections libres et honnêtes justifient le
recours à la culture de bonne foi renforcée à
l'égard des États membres des organisations internationales qui
les obligerait, d'une part, à ne pas agir contre les buts desdites
organisations, et, d'autre part, à subordonner leurs propres
intérêts à celui desdites organisations144.
L'État membre doit manifester au sein de l'organisation internationale
un certain comportement qui soit logique et cohérent par rapport aux
buts de l'organisation.
Au-delà du respect des engagements par l'Etat
hôte, l'émergence du principe de légitimité
démocratique à travers l'impératif d'élections
libres et honnêtes145 a pour corollaire, l'avènement
d'une croyance commune aux valeurs qui doivent être la base de toute
société démocratique ; ces valeurs communes sont le
respect des droits de l'homme, le respect de la souveraineté du peuple
et de son droit à choisir librement ses dirigeants politiques, le droit
de mener librement des activités politiques, la tolérance et
l'acceptation de l'opinion divergente et l'indépendance des institutions
impliquées dans l'organisation des processus électoraux
146.Pour ce faire, un certain nombre de conditions doivent
144Dupuy (P.-M.), « L'obligation en droit
international », cite par KOKOROKO (D.), Contribution à
l'étude de l'observation internationale des élections,
thèse, op. cit. 416
145 KPEDU (A.Y.), « Essai sur le principe de la
légitimité démocratique en droit international et sa mise
en oeuvre dans les accords d'aide au développement en Afrique,
Thèse, Poitiers, 2007 146Ben Achour (R.), «
Liberté des élections et l'observation internationale : normes de
lege ferenda », cite par KOKOROKO (D.), contribution à
l'étude de l'observation internationale des élections,
thèse, Op. Cit. 418
être réunies telles que des mécanismes
fiables pour l'organisation des élections politiques.
Relativement à la communauté internationale,
elle doit adhérer à un suivi rigoureux des rapports d'observation
et renouveler son engagement en faveur du droit à des élections
libres et honnêtes par son élévation au rang de normes
impératives. D'abord la communauté internationale doit passer au
peigne fin les rapports et recommandations des différentes missions
d'observations afin non seulement de sanctionner les Etats défaillants
mais aussi de veiller à la mise en oeuvre des recommandations.
Ensuite il est souhaitable d'ériger l'organisation,
à intervalles réguliers, des élections libres et
honnêtes, en normes impératives de droit international.
Toutes ces mesures permettront, tant soit peu,
d'améliorer la pratique de l'observation internationale des
élections afin que celle-ci puisse contribuer à la transparence
et à la sincérité des scrutins en Afrique.
76
CONCLUSION
« Toute réforme s'appuie sur la
dénonciation d'un abus, toute idée nouvelle repose sur
l'insuffisance démontrée de l'ancienne »147. Une
nouvelle politique ne se conçoit donc pas sans un bilan minutieux de
celle menée auparavant.
Ce Mémoire nous a donné l'occasion de faire des
analyses et des propositions en vue de contribuer à
l'amélioration des processus de désignation des gouvernants en
Afrique noire francophone. Pour cela, nous nous sommes attelé à
faire le bilan de la pratique de démocratie électorale depuis
1990 jusqu'à nos jours. Une question fondamentale a retenu notre
attention au cours de notre réflexion, celle de savoir si les
élections organisées dans ces pays depuis 1990 sont de nature
à favoriser l'enracinement de la démocratie.
La participation électorale est un droit politique
fondamental. En effet, il a pour objet l'association des citoyens à la
gestion des affaires de la cité et bénéficie d'une
protection constitutionnelle. Plus qu'un droit, il s'agit d'un pouvoir reconnu
aux citoyens pour leur permettre de désigner souverainement ceux qui
doivent les représenter et agir en leurs lieux et places. Aussi, les
nouvelles législations réhabilitent-elles les principes de la
démocratie électorale, autrement dit les règles
indispensables à des élections concurrentielles libres dans un
système multi partisan.
Mais, à elles seules, les règles
consacrées ne suffisent pas. L'enracinement de la démocratie
postule des institutions capables de porter l'idéal démocratique.
Qu'en est-il donc des organes électoraux ? L'analyse des dispositions
des lois y afférentes laisse entrevoir un effort de création
d'organes électoraux fiables.
Dans l'ensemble, l'adhésion commune aux normes
internationales s'est accompagnée de la création de
systèmes de gestion qui, a priori, offrent des garanties de transparence
et d'honnêteté électorales. La gestion des processus
électoraux incombe à des structures placées sous des
contrôles aussi bien administratif, politique que juridictionnel.
147 PROUDHON (P. J.), Justice et liberté,
cité par -Simon DAKO, « Processus
électoraux et transitions démocratiques en Afrique Noire
francophone. Etude des cas du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du
Sénégal et du Togo » ; Thèse, op. cit.p.456
Cependant, il est important de relever la diversité de
conceptions qui caractérise le modèle administratif. Nous en
avons identifié trois. Le premier se caractérise par
l'organisation et le déroulement des élections sous la
supervision et le contrôle d'une commission électorale : c'est le
cas du Cameroun et du Sénégal. La deuxième
modalité, celle du Bénin et du Togo, consacre le retrait total de
la mission d'administration électorale au Ministère de
l'Intérieur. Quant au dernier système administratif
électoral, il partage l'administration électorale entre le
gouvernement et la commission électorale. Il ressort de ce qui
précède que contrairement à la période de parti
unique, il n'y a plus d'Etat confiant l'exclusivité de l'administration
électorale au Ministère de l'Intérieur.
La diversité du système administratif explique
celle du modèle de contrôle. Si les contrôles externes qui
s'exercent sur la mise en oeuvre des processus électoraux sont les
mêmes dans quelques pays, globalement le système de contrôle
des élections varie d'un pays à un autre. Au Bénin et au
Togo, les seuls véritables contrôles existant sont les
contrôles externes. Au Cameroun, au Gabon et au Congo, en revanche,
l'organe administratif subit, en plus des contrôles externes, des
contrôles internes qui sont exercés par les commissions
électorales nouvellement créées.
Toutefois, insuffisance des garanties administratives et
juridictionnelles, l'influence négative de l'analphabétisme et de
la pauvreté ont fait que la pratique électorale est loin
d'être rassurante pour l'avenir de la démocratie en Afrique noire
francophone. Elle est contraire aux exigences du droit de suffrage.
L'universalité, l'égalité et la sincérité du
vote sont massivement violées tant par les organes chargés de la
mise en oeuvre des processus électoraux que par les titulaires du droit.
Pire, les mascarades électorales semblent se généraliser,
car les tripatouillages des résultats électoraux s'observent
même dans les pays que l'on considère comme des labels
démocratiques à savoir le Bénin, le Sénégal
et le Mali. Ceci entraîne un désintérêt croissant des
populations pour le vote.
La conséquence probable de cette pratique
électorale est le reflux démocratique car, la
défaillance de la participation électorale est
susceptible d'entraîner le recours aux moyens de participation
protestataire. Afin de
78
renverser cette tendance peu favorable à l'enracinement
de la démocratie, il est indispensable de procéder non seulement
à des réformes institutionnelles au niveau de l'administration
électorale et de la justice constitutionnelle mais surtout au
relèvement du niveau de conscience démocratique des populations.
Aussi l'assistance internationale en matière électorale si elle
est harmonisée et débarrassée de ses tares,
contribuera-t-il à rendre crédible et sincère les scrutins
organisés en Afrique noire francophone.
80
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WEBGRAPHIE
www.francophonie.org
www.un.org
www.afrilex.u-bordeaux4.fr
www.revue-pouvoirs.fr
www.cairn.info
www.politique-africaine.com
www.africa-union.org
82
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION I
1ERE PARTIE: LES VICISSITUDES ELECTORALES 6
CHAPITRE I : UN VOLONTARISME NORMATIF EN MATIRE
ELECTORALE 8
SECTION I : ADHESION GENERALE AUX PRINCIPES ELECTORAUX 8
PARAGRAPHE I : RETOUR AU PLURALISME POLITIQUE 8
A- Rejet de la dictature 9
B- Reconnaissance de l'opposition 11
PARAGRAPHE II : CONSECRATION DES DROITS ELECTORAUX 13
A- Traitement égalitaire des candidats 14
B- La liberté de vote 16
SECTION II : GESTION ORIGINALE DES SCRUTINS ELECTORAUX 18
PARAGRAPHE I : INSTITUTION D'ORGANES ELECTORAUX INDEPENDANTS
18
A- Dessaisissement du Ministère de l'Intérieur
18
B- Création des commissions électorales 20
PARAGRAPHE II : ORGANISATION CONSENSUELLE DES SCRUTINS 22
A- Recherche du consensus dans l'adoption du cadre normatif et
institutionnel... 22
B- Organisation participative du scrutin. 24
CHAPITRE II : UN VOLONTARISME ELECTORAL REVERSIBLE
27
SECTION I : UN DECOR JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL INCOHERENT 27
PARAGRAPHE I : UN MIMETISME OCCIDENTAL INADAPTE 27
A- Un mimétisme manifeste 28
B- Un mimétisme inadéquat 29
PARAGRAPHE II : UNE INGENIERIE AFRICAINE LACONIQUE 30
A- Un cadre normatif et institutionnel limité 30
B- Inféodation de l'administration électorale par
le pouvoir en place 32
SECTION II : DES PROCESSUS TRIBUTAIRES DE LEUR ENVIRONNEMENT
34
PARAGRAPHE I : ABSENCE DE THEORIE ELECTORALE AFRICAINE 34
A- Un vote essentiellement identitaire 35
B- Un marchandage du vote 38
PARAGRAPHE II : UNE ALTERNANCE A PRIORI INCERTAINE 39
A- La résurgence de l'ancien parti unique 39
B- La partialité de l'armée 42
2EME PARTIE: LES PERSPECTIVES ELECTORALES 44
CHAPITRE I : ACCLIMATATION DES PROCESSUS ELECTORAUX
46
SECTION I : INTEGRATION DES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES 46
PARAGRAPHE I : INSTITUTIONALISATION DES FACTEURS SOCIO-ETHNIQUES.
46
A- Election : un affrontement identitaire 47
B- Intégration du facteur ethnique dans la
dévolution et l'exercice du pouvoir 48
PARAGRAPHE II: NECESSITE D'UNE CULTURE DEMOCRATIQUE 49
A- Education des électeurs 49
B- Lutte contre la pauvreté 51
SECTION II : RENFORCEMENT DES GARANTIES INSTITUTIONNELLES 53
PARAGRAPHE I : UNE ADMINISTRATION ELECTORALE PLUS CREDIBLE 53
A- Neutralité de l'administration électorale 53
B- Un changement de comportement des acteurs politiques 55
PARAGRAPHE II : UNE MEILLEURE GESTION DU CONTENTIEUX ELECTORAL
57
A- Un contentieux électoral balbutiant 57
B- Un contentieux électoral à redynamiser. 59
CHAPITRE II : RENFORCEMENT DE L'ASSISTANCE ELECTORALE
61
SECTION I : ASSISTANCE ELECTORALE : UNE PRATIQUE ADMISE 61
PARAGRAPHE I : FONDEMENT DE L'ASSISTANCE ELECTORALE 62
A- Une manifestation de la souveraineté étatique
62
B- Une forme de coopération internationale 63
PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX FORMES MULTIPLES
65
A- De l'observation du vote à la certification des
résultats 65
B- De l'assistance technique à l'assistance juridique
67
SECTION II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE AUX LIMITES SURMONTABLES
69
PARAGRAPHE I : LES LIMITES DE L'ASSISTANCE ELECTORALE 69
A- Les limites techniques et organisationnelles 69
B- Les limites liées à la valeur des rapports et
recommandations 71
PARAGRAPHE II : UNE ASSISTANCE ELECTORALE PERFECTIBLE 72
A- Réglementation des missions d'observation
électorale 72
B- Changement de comportement des acteurs 74
CONCLUSION 76
BIBLIOGRAPHIE 79
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