Violences en milieux urbains au Togo: cas de Lomé( Télécharger le fichier original )par Pihèwa KAROUE Université de Lomé - Maà®trise 2011 |
CONCLUSIONAu terme de cette étude sur les violences urbaines dans la ville de Lomé, il convient d'en rappeler brièvement l'enjeu et le mode de réalisation. En effet, l'objectif central de la recherche était de pouvoir donner une explication sociale des violences urbaines dans la ville de Lomé. Le questionnaire soumis aux prisonniers auteurs des actes que nous avons choisis d'étudier nous a permis de recueillir des informations sur leur histoire personnelle et leur conditions sociales pré -détention. Nous avons ainsi pu établir des lignes explicatives à partir des hypothèses que nous avions émises. Les entretiens avec les commissaires, les juges d'instruction et le régisseur, les recherches documentaires nous ont, en plus, permis de cerner les stratégies élaborées au niveau de ces institutions chargées de faire respecter la loi et de veiller à ce que la sécurité et la justice règnent dans les populations. Elles nous ont aussi permis de lire l'évolution du phénomène à l'aide des procès verbaux archivés au fil des années. Nous avons ainsi étudié les violences urbaines avec l'hypothèse centrale selon laquelle la source de ce phénomène serait la fragilisation des normes sociales induite par le modernisme et encouragée par l'inefficacité ou l'absence des institutions chargées du contrôle social de la population juvénile. Pour cela, il nous a fallu, en nous référant à la théorie du contrôle social, répondre aux questions de recherche suivantes : · Les délits des criminels ne seraient-ils pas causés en amont par la défaillance de l'éducation familiale et de la scolarisation? · La précarité de la vie et le stress quotidien ne seraient-ils pas des facteurs potentiels de violence urbaine? · Quels peuvent être les impacts de la non-intégration d'un néo citadin dans la ville de Lomé ? En effet, par cette étude, nous pouvons désormais répondre à ces trois questions, dans une certaine mesure, par l'affirmative ; confirmant ainsi nos hypothèses. En effet, concernant la défaillance de l'éducation familiale, il s'est avéré que nos enquêtés ayant seulement fait le primaire occupent la plus grande proportion de notre échantillon soit 36.2%. Alors que 51% des enquêtés de notre échantillon ont vécu entre 5 et 10 ans en famille et aurait donc dû être scolarisé au niveau de l'école primaire. Le premier niveau de défaillance est donc la négligence des familles qui ne portent pas assez d'attention à la scolarisation des enfants. Les résultats confirment, par ailleurs, une baisse du niveau de l'enseignement. Seulement 8.6% des enquêtés étaient issus de familles stables du point de vue de la présence active des parents et 3.4% de l'échantillon reconnaissaient avoir eu trop de liberté dans leur jeune âge. A ces cas s'ajoutent tous les autres enquêtés qui étaient soit orphelins, abandonnés par le papa ou la maman les laissant avec un conjoint. Des fois, ils sont même abandonnés par les deux parents. C'est bien là que commence les violences urbaines, quand on n'a pas été éduqué comme il se doit aux valeurs morales indispensables pour pouvoir résister aux attraits trompeurs des villes. L'importance de la famille dans l'explication des violences urbaines devient, dès lors, irrécusable. D'autre part, il serait important que l'éducation scolaire devienne une éducation à la vie puisqu'il y a une marge non-négligeable d'individus ayant fréquenté mais n'étant pas dépouillés d'actes violents La seconde hypothèse aussi s'est vue confirmée avec un bémol dû au paysage urbain de Lomé. Il est en effet, assez difficile de percevoir avec exactitude les contours de la ségrégation spatiale dans une ville aussi étendue et complexe que Lomé, notamment en raison de la partielle généralisation de la pauvreté pouvant rendre possible l'organisation d'un gang dans n'importe quel quartier de la capitale. Cependant, une grande partie de nos enquêtés (plus de 80%) (Conf. Tableau VIII) venaient des quartiers de banlieue. La plupart d'entre eux (31 %) ne pouvait pas exercer le métier qu'ils avaient appris - une bonne proportion (29.3%) n'ayant d'ailleurs aucune qualification - . Beaucoup d'entre eux (plus de 55%) gagnaient un salaire insuffisant à couvrir leurs propres besoins ainsi que dans de nombreux cas (60%), ceux de leur famille. Nous pouvons donc retenir que la précarité et le stress quotidien pour trouver des moyens de subsistance, souvent incertains et fragiles, sont des facteurs importants de violences urbaines ; et que ces facteurs se retrouvent, dans une importante proportion, dans les quartiers de banlieue. A priori, le chômage était un facteur explicatif
des violences urbaines. Cependant, si le chômage implique une
qualification en attente d'emploi La question de la non-intégration des néo citadins comme facteur de violences urbaines s'est faite très explicite à partir des résultats obtenus. La proportion des détenus ayant quitté leur village sans qualification à la recherche de l'emploi est, en effet, déterminante. 86.2% des enquêtés étaient dans ce cas. Nos questions nous ont permis, par ailleurs, de découvrir que malgré l'apprentissage d'un métier, bon nombre de ces détenus (70.7%) étaient néanmoins victimes des assauts de leurs pairs délinquants organisés. Des questions plus étendues ont permis de s'apercevoir que ces groupes étaient les premiers à les accueillir. Certains, sous la pression des proches parents, ont cependant pu commencer un apprentissage; cela ne les pas empêché pour autant de conserver ces mauvaises compagnies. La plupart de nos enquêtés n'arrive donc pas à s'intégrer, ni au niveau du travail, ni au niveau de la mentalité citadine (en résistant aux aspects trompeurs qui y sont présents)...déracinés à tous les niveaux, marginalisés par les autres citadins, ils sont donc plus vulnérables aux mauvaises influences qu'ils ne manqueront pas de trouver sur leur chemin. De plus, le rejet et la marginalisation vont les pousser à se retrouver entre eux, créant ainsi des foyers potentiels de violences urbaines. En sommes, cette recherche nous a permis d'appréhender les causes des violences urbaines dans la ville de Lomé et de porter sur elles un jugement sociologique. Ainsi, en joignant les parcours et les conditions sociales des détenus, nous avons pu construire un cercle de causalité des violences urbaines dans la ville de Lomé. Ce cercle permet de comprendre la genèse, les causes fondamentales et concrètes des délits commis par les jeunes en passant du contexte familial à la vie personnelle. En prenant acte des défaillances relevées à tous les niveaux de ce cercle, il nous revient de faire des propositions en vue d'éviter dans un futur proche ou lointain, la perpétration, du moins régulière, des actes de violence urbaine dans notre capitale. Il conviendrait donc de s'interroger sur : la réinsertion des prisonniers, le suivit des membres de leurs famille respectives et des relations sociales entretenues par les forces armées avec les civils dans les recherches futur. Etant donné que celles-ci ont une place prépondérante dans la gestion des problèmes de sécurité dans nos sociétés actuelles.
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