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Une administration publique performante: un défi pour l'état haà¯tien à  la croisée d'une exigence des citoyens et d'une incitation des acteurs internationaux ? Le cas de la modernisation de la fonction publique

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par Destin JEAN
Université Pierre Mendès-France - Master 2 en Droit public 2011
  

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A. Des aspirations légitimes du citoyen à des services publics de qualité

Le régime de dictature des DUVALIER21 ayant régné pendant une trentaine d'années en Haïti effrayait une bonne partie de la population et a également laissé derrière lui des souvenirs troublants eu égard à la banalisation de la protection des libertés publiques et de l'annihilation de la participation active du citoyen haïtien à la vie publique de son pays.22 Il s'agissait bien d'un système politique qui niait la liberté et la légitimité du citoyen à prendre, par la voie qu'il choisit, une part active à l'action publique dans son pays. Comment alors un pareil régime pourrait-il placer le citoyen au centre de ses préoccupations ? Comment vouloir prétendre travailler à la satisfaction d'un citoyen muselé ? L'Etat, par le biais de son Administration publique, peut-il satisfaire le citoyen qui ne jouit pas du droit d'opinion, voire la liberté d'expression ?

Par ailleurs, le 07 février 1986, marquant la chute du régime des DUVALIER, suite à une insurrection populaire, a cristallisé le ras-le-bol de la majeure partie de la population haïtienne qui ne voulait plus de ce système oppressif. Un peu plus d'un an après, soit le 29 mars 1987, l'adoption, par référendum, à la quasi-unanimité d'une nouvelle Constitution, portant bien évidemment abrogation totale de l'ancienne, matérialise une révolution juridico-

21 Temps politique en Haïti, allant de 1957 à 1986, marqué par la présidence à vie du Docteur François DUVALIER dit Papa Doc (1957-1971) et son fils Jean-Claude DUVALIER dit Baby Doc (1971-1986).

22 Dans un rapport de 64 pages publié en date du 04 avril 2011 par Human Rights Watch, organisme de défense des droits humains, intitulé : « Haïti, un rendez-vous avec l'histoire. Les poursuites contre Jean-Claude DUVALIER », l'organisation fait un rappel de la nécessité de mener à bien une enquête et des poursuites suites aux graves violations des droits humains commises sous la dictature de DUVALIER. Ledit rapport est disponible sur le lien suivant :

http://www.hrw.org/fr/reports/2011/04/14/ha-ti-un-rendez-vous-avec-l-histoire-0

De plus dans un communiqué publié le 14 avril 2011 sur le site officiel de Alter Presse, on a pu lire la déclaration suivante de Reed Brody, conseiller juridique auprès de HUMAN Rights Wacth : «Le procès de Duvalier pourrait s'avérer être l'affaire criminelle la plus marquante de toute l'histoire d'Haïti ». Le communiqué est disponible sur le lien suivant :

http://www.alterpresse.org/spip.php?article10911

Les deux pages sont consultées le 22 juillet 2011.

politique d'importance. Le peuple, comme constituant originaire, a fait la preuve qu'il veut que soit institué un régime empreint de la philosophie politique libérale avec bien évidemment la logique d'un Etat serviteur plutôt qu'oppresseur. Or, l'Administration publique reste et demeure l'un des moyens pratiques dont l'Etat dispose pour servir ses citoyens. Par voie de conséquence, les aspirations du citoyen haïtien à des services publics de qualité dans le schéma du nouveau système politico-administratif institué par la Constitution de 1987 sont pour le moins légitimes.

Le droit du citoyen à des services publics de qualité et accessibles est un acquis démocratique payé au prix fort. D'ores, l'Etat, en dépit de ses limites en ressources humaines qualifiées, ses limites d'ordre économique, technologique, infrastructurel ou autres, se doit de garantir et de permettre la réalisation de ce droit. C'est une responsabilité qui lui incombe et dont il ne peut se décliner même sous le prétexte que la réalisation de cette mission tiendrait du défi.

En effet, généralement, l'un des éléments essentiels de cette notion de service public de qualité reste et demeure la constance dans l'amélioration de l'information et de l'accueil de l'usager en vue de sa satisfaction. Sur ce point, nous l'avons déjà abordé plus haut, les conditions sont loin d'être réunies pour parler d'éventuelle satisfaction des usagers de l'Administration publique haïtienne. Néanmoins, un acquis important relativement à un aspect de cette question permet d'avancer que la tradition, aussi pesante soit-elle, ne peut pas toujours faire échec aux attentes légitimes des citoyens dans leur rapport avec l'Administration. Cet acquis consiste au fait qu'un usager peut aujourd'hui s'adresser en créole23, la seule langue parlée et comprise par la quasi-totalité des Haïtiens, à un Agent d'un service public pour s'informer ou régler une démarche administrative quelconque.

Là encore, faut-il bien y apporter une sourdine, car dans l'idiosyncrasie de bon nombre d'agents de l'Administration publique haïtienne, comme c'est d'ailleurs le reflet de la perception dans une bonne partie de la société, le Français reste et demeure une langue supérieure au Créole, de telle sorte que même si vous avez la latitude de vous exprimer en

23 La Constitution de 1987 a consacré le Créole comme langue officielle au même titre que le français. Jusque-là le français, parlée par une minorité de privilégiés dans la population, était considérée comme la seule langue de l'Administration publique. De son côté, le Créole, parlé et compris par la quasi-totalité des Haïtiens, n'avait pas droit de cité. Cela traduit bien la volonté affichée de l'Etat, dans le statu quo ante, de ne pas servir une catégorie d'usagers ou de les exclure purement et simplement.

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Créole, vous avez quand même intérêt à le faire plutôt en Français, si vous êtes en mesure, car ainsi êtes-vous susceptible d'être traité avec plus d'attention et d'égard, voire avant un autre usager ne pouvant s'exprimer qu'en Créole et qui était arrivé au service bien avant. Donc, le principe « Premier arrivé, premier servi » ne vaut plus son pesant d'or.

En somme, compte de ce qui précède, vous aurez compris qu'en dépit des aspirations légitimes du citoyen et des acquis fragiles, beaucoup reste à faire en vue de transformer l'Administration publique haïtienne afin de la rendre capable d'offrir des services publics de qualité. Ces efforts auront contribué à la satisfaction des usagers et aussi à crédibiliser l'Etat haïtien aux yeux des acteurs internationaux dont les pressions en vue d'une Administration saine et performante sont pour le moins légitimes.

B. De la légitimité des pressions des acteurs internationaux en vue d'une Administration publique efficace

La dépendance financière d'Haïti vis-à-vis de la communauté internationale va croissante. Le pays produit de moins en moins de richesses pour assurer son propre développement ; parallèlement la libéralisation des échanges commerciaux accélère la pauvreté et la dépendance.24

En outre, la dépendance financière du pays vis-à-vis de la Communauté internationale se traduit aussi assez concrètement dans le budget national du pays25. Si, en principe, « le budget

24 Sur le site web du CADTM, Comité pour l'annulation de la dette du Tiers-Monde, Sophie Perchellet, dans sa contribution ( Haïti sous ajustement structurel) dans un article collectif intitulé : « Construire ou reconstruire Haïti ? », dresse un tableau sombre de la détérioration, aux dépens d'Haïti, des termes de l'échange commerciale depuis le tournant néolibéral accentué à partir de 1986. Il donne des explications à la dégradation de la pauvreté et de la dépendance vis-à-vis de la Communauté internationale. La page est disponible sur le lien suivant :

http://www.cadtm.org/Construire-ou-reconstruire-Haiti,6647 L'article est publié le 12 septembre 2010 et la page est consultée le 20 juillet 2011.

Les données statistiques de la Banque Mondiale sur Haïti viennent en renfort à cette analyse de Mme S. Perchellet. http://donnees.banquemondiale.org/pays/haiti Page consultée à la même date.

25 Pour l'exercice fiscal 2010-2011, le budget national de 106, 3 milliards de gourdes (1 dollar US = 41 gourdes) dépend à hauteur de 70% des contributions de la Communauté internationale. Dans un bulletin publié en date du 14 décembre 2010 sur le site web de radio Signal FM, on a pu lire les explications suivantes du Ministre de l'économie et des finances, Ronald Baudin, relativement au retard observé dans l'élaboration dudit budget : «Normalement, ce budget qui accuse un certain retard dans son élaboration aurait dû être adopté avant le 1er octobre. Mais à cause de certaines contraintes, notamment les négociations sur l'appui budgétaire avec les

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de l'Etat traduit des choix politiques »26, on aura vitement compris, de ce fait, le poids de la Communauté internationale dans l'orientation des politiques publiques adoptées dans divers domaines en Haïti, puisque cette dernière apporte en général sous forme de dons ou de prêts les 2/3 du budget. A l'inverse, si cet apport fait défaut, l'Administration publique est susceptible d'être paralysée. Dans des conditions pareilles, la Communauté internationale, particulièrement les institutions financières internationales et les autres bailleurs de fonds dans le cadre de la coopération bilatérale et/ou multilatérale se doivent de s'assurer d'une gestion efficace des fonds alloués et de la performance des politiques mises en oeuvre. Or, comment parvenir à cet objectif sans une Administration publique efficiente ?

La performance de l'Administration publique devient une condition sine qua non de l'efficacité de l'aide internationale dont dépend en majeure partie la mise en oeuvre effective des politiques publiques dans divers domaines de la vie nationale. D'où les interventions multiples et multiformes des acteurs internationaux en vue de rendre l'Administration publique efficiente.

Ainsi, pourrait-on se demander, à bon droit, si la quête de performance de l'Administration publique haïtienne par les acteurs internationaux aurait la même finalité que les exigences des citoyens haïtiens, par souci d'altruisme. En d'autres termes, les acteurs internationaux, cherchent-ils uniquement à rendre l'Administration publique haïtienne capable de mettre en oeuvre des politiques publiques qu'ils ont orientées dans leurs propres intérêts ou cherchent-ils à renforcer effectivement les capacités de l'Administration publique du pays à mieux servir les usagers avec peu de moyens et quels serait alors le mobile de leur action ?

En somme nous avons vu que le poids de la tradition au niveau de l'Administration publique haïtienne vient faire échec aux attentes des citoyens et des acteurs internationaux en dépit de la légitimité, pour des raisons différentes, desdites attentes. Par ailleurs, ce constat de crise de performance de l'Administration publique haïtienne se révèle aussi et surtout particulièrement par les insuffisances de la Fonction publique et des fonctionnaires.

partenaires de la communauté internationale qui ont duré plus que prévu, c'est avec deux mois et demi de retard que nous présentons ce budget ». Cf :

http://www.signalfmhaiti.com/index.php?option=com_content&view=article&id=3153:haitiexercice-fiscal2010-2011-le-budget-annuel-depasse-les-100-milliards-de-gourdes-pour-la-premiere-fois&catid=34:politique Cette page est consultée le 03 août 2011.

26 Lexique des sciences politiques, page 42.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci