La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs( Télécharger le fichier original )par Florence COUTURIER- LARIVE Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010 |
Section II: Effets des obligations pesant sur le Maître d'ouvrage204. Des sanctions légales et des conséquences sur la responsabilité des constructeurs- La Loi Grenelle II et ses textes d'application édictent, on vient de le constater351(*), une obligation de résultat générale pour le maître de l'ouvrage, de respect des caractéristiques thermiques minimales qu'ils exigent dorénavant des bâtiments. Si au- delà de ces maxima, les textes abandonnent les exigences thermiques à la loi du contrat et à la bonne volonté de chacun, il s'avère qu'au dessous, le maître de l'ouvrage se retrouve bel et bien « hors la loi » (§1). Or, hors les cas où le maître de l'ouvrage endosse également l'habit de maître d'oeuvre352(*), la nature même du contrat de louage d'ouvrage353(*), implique donc que les constructeurs auront également à répondre de la bonne exécution des obligations édictées par la Loi du 12 juillet 2010 (§2) §1 : Des sanctions légales205. Des sanctions pénales nécessaires- De manière générale, la nécessité de sanctionner pénalement la norme afin que celle ci soit effectivement appliquée est malheureusement inévitable. Les normes relatives à la réglementation thermique n'échappent pas à cette règle. Avant la Loi du 12 juillet 2010, l'absence de contrôle du respect des exigences thermiques entraînait un défaut de contentieux, ce qui ne signifiait pas pour autant que la norme était respectée354(*). D'où aujourd'hui, avec la volonté ferme et impérative de générer des résultats environnementaux positifs dans le domaine du bâtiment, le législateur s'est vu contraint d'élaborer un contrôle du respect des normes techniques lors de l'opération de construction et des sanctions le cas échéant, afin de pallier aux difficultés éventuelles ultérieures, lorsque les attentes en termes de performance énergétique s'avéreront déçues355(*). Ce qui est paradoxal, c'est qu'hormis une retouche au sein de l'article L 152-4 du CCH356(*), aucune disposition pénale n'a été changée. Cela signifie que les réformes du législateur se sont situées en amont, au niveau de la force des obligations imposées aux maîtres d'ouvrage357(*) et une seule nouvelle incrimination apparaît, relative au refus de production du diagnostic de performance énergétique en cas de demande des autorités358(*). Ceci dit, la bonne compréhension du sujet ne saurait éviter de reprendre les sanctions pénales applicables au non respect de ces nouvelles obligations. 206. L'infraction de non respect de la norme thermique et les personnes visées par l'incrimination- Ainsi, l'article L 152-4 du CCH incrimine le fait, « pour les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l'exécution de travaux », de méconnaître les obligations imposées par les articles (...) L. 111-9, L. 111-10, L. 111-10-1 [et] L. 111-10-4 du CCH, ainsi que par les règlements pris pour leur application ou par les autorisations délivrées en conformité avec leurs dispositions. Il convient de remarquer que si l'article L 152-4 du CCH montre un champ d'application aux personnes concernées plus large que celui de l'article 1792-1 du Code Civil en visant « les utilisateurs du sol » , il n'en demeure pas moins des similitudes suffisamment évidentes pour pouvoir affirmer que si le législateur a voulu sanctionner pénalement la personne « réputée constructeur »359(*), c'est que celle ci est ipso facto également garante de l'application des dispositions relatives aux réglementations thermiques sur le plan civil, notamment sur la base de la responsabilité spécifique des articles 1792 et suivants du Code Civil360(*). 207. L'inexécution dans les délais prescrits, de certains travaux- De même, l'article L 152-4 alinéa 2 du CCH incrimine également, pour les mêmes peines361(*), l'inexécution dans les délais prescrits de tous travaux imposés par les autorisations délivrées conformément aux dispositions des articles L 111-9, L 111-10, L 111-10- 1 et L 111-10-4 du CCH (Article L 152-4 alinéa 2,1°), avec, en cas de condamnation, un prononcé sur la mise en conformité des lieux, ou à défaut sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur362(*). Dans ce cas, le Tribunal devra impartir au bénéficiaire des travaux un délai d'exécution de l'ordre prononcé judiciairement, avec la possibilité que ce délai soit assorti d'une astreinte pécuniaire par jour de retard d'exécution363(*). 208. Le non respect des engagements ayant donné lieu à des autorisations de dépassement de COS- Dans la même veine d'obligation d'exécution de certains travaux vis à vis de l'Administration, l'article R 111-21-1 du CCH dispose que : « sans préjudice de l'application, le cas échéant, des peines plus sévères prévues aux articles L. 152-2 à L. 152-9, le fait pour le titulaire du permis de construire ou son ayant droit qui a bénéficié des dispositions de l'article L. 128-1 du code de l'urbanisme364(*) de ne pas réaliser une construction satisfaisant aux critères de performance requis ou de ne pas respecter dans les trois ans suivant l'achèvement des travaux son engagement d'installer les équipements de production d'énergie renouvelable est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. » S'ensuit la possibilité de voir assortir la peine d'une peine complémentaire d'affichage ou de diffusion dans les médias de la décision prononcée, avec une prise en compte de la récidive en vue d'une aggravation. 209. Obstacle au droit de visite du bâtiment par les autorités administratives- Enfin, l'article L 152-10 du CCH punit d'une amende de 3 750 euros et prévoit la possibilité du prononcé d'un emprisonnement d'un mois, le fait de faire obstacle à l'exercice du droit de visite du bâtiment par les autorités compétentes, prévu à l'article L. 151-1 du même Code.365(*) 210. La constatation des infractions- Concernant la constatation des infractions, c'est l'article L 152-1 du Code de la Construction et de l'Habitation qui prévoit expressément que les infractions aux dispositions, entre autres, des articles L 111-9, L 111-10 (concernant tous deux les exigences relatives aux caractéristiques et à la performance énergétique et environnementale des bâtiments366(*)), L 111-10- 1 ( concernant l'obligation de communiquer dans le mois suivant leur demande, les études et diagnostics visés aux articles L. 111-9, L. 111-10 et L. 111-10-4 du CCH aux : préfet, maire de la commune d'implantation des bâtiments et président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement) et L 111-10-4 du CCH (qui concerne le diagnostic relatif à la gestion des déchets issus de la démolition ou réhabilitation lourde de certaines catégories de bâtiments367(*)) « sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de la construction et de l'habitation suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font [ foi] jusqu'à preuve du contraire. » 211. L'attestation de fin de travaux, élément de preuve de l'infraction pénale- Le dernier alinéa de l'article L 152-1 du CCH dispose enfin qu'« à l'issue de l'achèvement des travaux de bâtiments neufs ou de parties nouvelles de bâtiment soumis à permis de construire, les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 111-9 peuvent être également constatées par les agents commissionnés à cet effet et assermentés, prévus par le présent article, au vu d'une attestation établie par un contrôleur technique mentionné à l'article L. 111-23, une personne répondant aux conditions de l'article L. 271-6 ou un architecte au sens de l'article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture. 368(*) ». Force est de constater, à la lecture de ce dernier alinéa de l'article L 152- 1 du CCH, l'importance finalement théorique aujourd'hui de l'attestation de fin de travaux qui, nonobstant le fait qu'elle conditionne la constitution de l'infraction, peut néanmoins en pratique, à cause d'une lacune textuelle369(*) en ce qui concerne la question de la probité de la personne qui l'établit, se trouver toute relativisée. 212. La possibilité de voir prononcer l'arrêt des travaux- En ce qui concerne les conséquences de la constatation de l'infraction pénale, l'article L 152-2 du CCH prévoit qu'une interruption des travaux peut être ordonnée « soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire ou du fonctionnaire compétent soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L'autorité judiciaire statue après avoir entendu le bénéficiaire des travaux ou l'avoir dûment convoqué à comparaître dans les quarante-huit heures. La décision judiciaire est exécutoire sur minute et nonobstant toute voie de recours. » Le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux et copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. La main levée de l'interruption des travaux peut être décidée à tout moment par le juge et en tout état de cause, elle est prononcée en cas de non lieu ou relaxe370(*). 213. Les peines- Les peines encourues pour la méconnaissance des dispositions des articles L 111-9, L 111-10, L 111-10-1 et L 111-10-4 du CCH sont une amende de 45 000 Euros et en cas de récidive, la possibilité de se voir prononcer une peine d'emprisonnement de six mois371(*), avec la peine complémentaire, pour les personnes physiques, d'affichage ou de diffusion, par la presse écrite ou par tout moyen de communication audiovisuelle, de la décision prononcée 372(*). Par ailleurs, le fait de continuer les travaux malgré interdiction fait encourir une amende de 45 000 euros et un emprisonnement de trois mois, ou l'une de ces deux peines seulement373(*). Enfin, il est prévu que l'action publique soit éteinte, de façon classique, par le décès du prévenu ou par l'amnistie, mais que cette extinction ne fasse pas obstacle, en cas de condamnation intervenue avant la survenance de ces faits, à ce qu'une décision de mise en conformité des lieux, de démolition des ouvrages ou de réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur intervienne, sur le fondement des dispositions de l'article L 152-5 du CCH. Cette solution est logique, car dans ce cas, il ne s'agirait pas d'une nouvelle décision, mais de l'aboutissement de la condamnation prononcée avant la survenance de la cause d'extinction, à condition bien sûr que lors de cette survenance, la condamnation soit devenue définitive. 214. La sanction relative à l'absence de production du DPE- Par ailleurs, certains auteurs soulignent à juste titre la difficulté tenant au fait qu'aucune sanction civile légale ne soit prévue en cas de non respect de l'obligation de production du diagnostic de performance énergétique aux tiers, ce malgré une obligation d'information édictée par la Loi dans le cas de la vente et de la location. Ils en concluent que l'absence de production du DPE constituerait une faute du vendeur ou du propriétaire et comme le texte de la Loi Grenelle II ne prévoit rien à ce sujet, ces auteurs terminent par le fait qu'il faut se tourner vers le droit commun de la responsabilité civile pour toute demande de réparation374(*). Ce raisonnement semble valable, notamment en faisant le parallèle avec la sanction pénale relative à l'absence de production du DPE sur demande des autorités. En effet, le nouvel article L 111-10-1 du CCH prévoit désormais que « le préfet, le maire de la commune d'implantation des bâtiments et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement peuvent demander communication des études et diagnostics visés aux articles L. 111-9, L. 111-10 et L. 111-10-4 » et il est prévu par ce texte qu'à défaut de communication de ces études et diagnostics dans le mois suivant la demande, le débiteur de cette obligation est passible des poursuites et sanctions prévues par les articles L. 152-1 à L. 152-10. On peut regretter que le régime juridique du diagnostic de performance énergétique n'ait pas été clarifié, par exemple, en ce qui concerne les ouvrages nouveaux, par une intégration dans les attestations de respect de la réglementation thermique. On sait qu'à ce titre, l'article L 111-9-1 du CCH a renvoyé au Décret du 18 mai 2011375(*) le soin de définir les conditions dans lesquelles, à l'issue de l'achèvement des travaux, le maître d'ouvrage fournit à l'autorité qui a délivré le permis de construire l'attestation selon laquelle la réglementation thermique a été prise en compte, ainsi que les modalités d'établissement de cette attestation376(*). Parallèlement, comment peut on envisager de pouvoir justifier la prise en compte de la réglementation thermique sans qu'un diagnostic thermique ait été effectué ? Il semble donc que l'établissement d'une attestation de respect de la réglementation thermique soit lié à l'existence d'un diagnostic de performance énergétique. Or, on ne peut que regretter que le Décret du 18 mai 2011 n'ait pas intégré le diagnostic de performance énergétique dans les attestations de respect de la norme thermique. Il serait d'ailleurs logique, à défaut pour le Décret du 18 mai 2011 de l'avoir prévu, que l'Arrêté à venir377(*) intègre un diagnostic de performance énergétique dans les éléments d'information que le maître d'ouvrage devra fournir aux personnes chargées de l'établissement de ces attestations. Car, il est justifié que le défaut de production du DPE face à une demande des autorités compétentes soit sanctionné pénalement, au même titre que la constatation sur production de l'attestation de fin de travaux, du non respect de la réglementation thermique378(*). Par contre l'absence de sanction civile relative à l'absence de DPE ou de production de DPE vis à vis des tiers est illogique, alors même que la sanction civile du non respect de la réglementation thermique est l'absence de conformité pour l'ouvrage, source de responsabilité pour le constructeur ou le vendeur. Dès lors, il semblerait plus juridiquement lisible que le régime juridique du DPE suive, déjà en ce qui concerne les bâtiments soumis aux attestations de respect de la réglementation thermique, le même régime que celles-ci. 215. Un renforcement de l'applicabilité des sanctions pénales existantes- Pour conclure, force est de constater que l'applicabilité de la sanction pénale antérieure à 2010, relative au non respect de la réglementation thermique, s'est trouvée renforcée avec la Loi du 12 juillet 2010, laquelle a accru le nombre et la force obligatoire des règles sanctionnables. Cependant, la Doctrine constate parallèlement que « la loi du 12 Juillet 2010 est lacunaire sur le plan des règles de responsabilité : d'où la nécessité de mettre en oeuvre d'autres sanctions que celles existantes, notamment concernant la responsabilité du constructeur et l'assurance de construction. 379(*)» C'est la raison pour laquelle il convient d'évoquer les conséquences que les dispositions de la Loi Grenelle II pourrait avoir sur la responsabilité des constructeurs. * 351 Supra, n° 183 et s. * 352 Infra, n° 297 * 353 Qui est de « charger quelqu'un de faire un ouvrage », V. C Civ, Art. 1787 * 354 F. G. Trebulle, « L'accroissement de la prise en compte du développement durable dans le secteur de la construction », RDI 2008 p. 176 * 355 En part. sur les aspects pénaux de la loi n° 2010-788 du 12 juill 2010 portant engagement national pour l'environnement, V. G. Roujou de Boubee, « De quelques dispositions de la loi dite Grenelle II », RDI 2010 p. 493 * 356 Ajout qui renvoie à l'article L 111-10- 4 du même Code concernant la gestion des déchets de démolition ou de réhabilitation lourde * 357 Supra, n° 183 et s. * 358 Infra, n° 210 et 214 * 359 Au sens de l'Art. 1792-1 du CCiv. * 360 Infra, n°216 et s * 361 Infra, n° 213 * 362 V. CCH Art. L152-5 * 363 V. CCH Art. L 152-7 * 364 N.B : lequel permet un dépassement de Coefficient d'Occupation des Sols dans la limite de 30% pour les bâtiments éco performants, V. C. Urb. Art. L 128-1 * 365Ce texte prévoit que « Le préfet et l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du code de l'urbanisme ou ses délégués, ainsi que les fonctionnaires et les agents commissionnés à cet effet par l'autorité administrative et assermentés peuvent visiter les constructions en cours, procéder aux vérifications qu'ils jugent utiles et se faire communiquer tous documents techniques se rapportant à la réalisation des bâtiments (...). Ce droit de visite et de communication peut aussi être exercé après l'achèvement des travaux pendant trois ans ». * 366 Supra, n°176 et s. * 367 Supra, n° 184 et s * 368 V.CCH, Art. L 152-1, modifié par la Loi n° 2010-788 du 12 juill. 2010 - art. 190 * 369 Supra, n° 167 et 168 et H. Périnet Marquet « La grenellisation du droit de la construction » dans « Grenelle 2 impact sur les activités économiques » collection Lamy Axe Droit p. 55 n° 43 * 370 CCH, Art. L 152-2 al. 4 * 371 CCH, Art. L 152-4 al.1 * 372 « dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal », CCH Art. L 152-4 al. 3 * 373 CCH, Art L 152-3 * 374 V. not. V. Mercier, « Les apports de la « loi Grenelle II » au droit de la construction », Constr - Urba n° 10, Oct. 2010, étude 12 * 375Décret n° 2011-544 du 18 mai 2011, relatif aux attestations de prise en compte de la réglementation thermique et de réalisation d'une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie pour les bâtiments neufs ou les parties nouvelles de bâtiments, JORF n°0117 du 20 mai 2011 * 376 Supra, n° 167 et 168 * 377 Nouvel Art. R. 111-20-4, dernier al., du CCH : « Un arrêté définit les éléments d'information que le maître d'ouvrage doit, en fonction des catégories de bâtiment, fournir aux personnes susvisées afin de permettre l'établissement du document décrit à l'article R. 111-20-3 » * 378 Supra, n° 210 et 211 * 379 H. Périnet-Marquet, « Les règles d'efficacité énergétique de la loi Grenelle II seront-elles respectées ? », JCP Constr - Urba n° 10, Oct 2010, repère 9 |
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