La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs( Télécharger le fichier original )par Florence COUTURIER- LARIVE Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010 |
3- Des diagnostics de performance énergétique169. Notion- Depuis quelques décennies, on assiste à une évolution de la finalité des diagnostics immobiliers, initialement motivés par des considérations de santé, de sécurité et d'information, pour aujourd'hui répondre à des considérations environnementales288(*). La notion de diagnostic de performance énergétique (DPE) des bâtiments est issue de la Directive européenne n° 2002/91 du 16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments, dans la considération du protocole de Kyoto. La transposition de la Directive concernant ce diagnostic s'est effectuée par la Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 dite de simplification du droit, modifiée par l'Ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction289(*), à nouveau modifiée par le Décret n°2006-1147 du 14 septembre 2006290(*) et enfin, par la Loi du 12 juillet 2010. 170. Définition- Le diagnostic de performance énergétique doit être établi au moment de la construction d'un bâtiment ou d'une extension de bâtiment. L'article L 134-1 du CCH le définit comme le document dont doit se munir le maître d'ouvrage et comprenant « la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence ». Ce diagnostic de performance énergétique devra être accompagné de recommandations destinées à améliorer cette performance. Il est destiné à l'information des consommateurs, afin que ces derniers puissent comparer et évaluer la performance énergétique du bâtiment, à l'instar de ce que l'on trouve déjà à l'heure actuelle concernant les produits électroménagers, ainsi que les véhicules, par classement alphabétique décroissant sur une échelle de A à G. 171. Etablissement- Il est prévu, de manière assez imprécise, que ce diagnostic sera établi par « une personne présentant des garanties de compétence et disposant d'une organisation et de moyens appropriés »291(*), ce qui laisse encore planer un flou sur les garanties de sérieux, d'impartialité et de compétence des nouveaux prétendants au marché de l'expertise énergétique, bien que cet article précise que cette personne « ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à elle, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements pour lesquels il lui est demandé d'établir l'un des documents mentionnés au premier alinéa »292(*) et qu'en tout état de cause, elle se doit de souscrire une assurance permettant de couvrir son éventuelle responsabilité en raison de ses interventions293(*). La Loi précise en outre que le maître d'ouvrage doit faire établir ce diagnostic lors de la construction d'un bâtiment ou d'une extension de bâtiment et devra le remettre au propriétaire au plus tard à la réception de l'immeuble294(*). Etant précisé que, d'une part, à partir du 1er janvier 2013, les émissions de gaz à effet de serre de ce bâtiment y seront indiquées, estimées suivant une méthode de calcul adaptée aux bâtiments neufs et tenant compte des différents usages des énergies295(*) et qu'enfin, d'autre part, un diagnostic de performance énergétique devra être réalisé pour les bâtiments équipés d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement dans un délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2012, les bâtiments à usage principal d'habitation en copropriété de cinquante lots ou plus, équipés de ces mêmes installations et dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001, étant exemptés de cette obligation, laquelle se trouve remplacée par un simple audit énergétique296(*). 172. Durée de validité- Par ailleurs, le Décret n° 2011-413 du 13 avril 2011 relatif à la durée de validité du diagnostic de performance énergétique297(*), qui entre immédiatement en vigueur, fixe à dix ans la durée de validité du diagnostic de performance énergétique des bâtiments et modifie à cette occasion en ce sens les articles R 134-4-2 et R 271-5 du CCH et abroge l'article R 134-4-3. Cependant, le mystère du point de départ de ce délai reste entier : commencera t-il à courir dès son établissement, auquel cas, se pose la question de lui donner une date certaine ou commencera t-il à courir à compter au plus tard, de la réception ? La logique et le souci de simplification voudraient que ce délai décennal suive le régime de celui de la garantie légale des constructeurs et ne commence à courir qu'à compter de la réception de l'immeuble en ce qui concerne les immeubles neufs. En cas de vente ou de location d'un immeuble bâti, attendu que l'article R 134-5-2 du CCH impose que le diagnostic de performance énergétique apparaisse dès l'annonce de mise en vente ou en location, on ne voit pas comment le délai pourrait commencer à courir à partir d'un point de départ autre que la date certaine du document. On imagine qu'un simple visa d'une autorité administrative pourrait faire foi, en attendant qu'un texte réglementaire précise peut être ce point. 173. Information des tiers : modalités et effets juridiques- En ce qui concerne l'information des tiers, la Directive européenne du 19 mai 2010 préconisait déjà d'orienter l'information des acheteurs et des locataires sur la consommation d'énergie, l'amélioration énergétique, l'incidence réelle des systèmes de chauffage et de refroidissement, la consommation en énergie primaire et sur l'émission de dioxyde de carbone des bâtiments mis sur le marché de la vente et de la location298(*). A l'instar des autres dossiers de diagnostics techniques existant actuellement (plomb, amiante, termites...), en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, le diagnostic de performance énergétique est annexé à la promesse de vente ou à défaut, à l'acte authentique, voire au cahier des charges en cas de vente publique. Il est intéressant de préciser que d'une part, en l'absence de ce diagnostic en annexe lors de la signature de l'acte authentique de vente, l'acheteur ne peut se prévaloir à ce titre de la garantie des vices cachés (ce qui est logique car l'article L 271-4 du CCH précise que les informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique n'ont qu'une valeur informative) et d'autre part, que le diagnostic de performance énergétique n'est pas requis en cas de vente d'un immeuble à construire299(*). Dans la même optique d'information des tiers, quand l'immeuble est offert à la vente ou à la location, le propriétaire tient le diagnostic de performance énergétique à la disposition de tout candidat acquéreur ou locataire300(*), de même qu'en cas de location, où le diagnostic doit être joint au contrat de bail lors de sa conclusion (à l'exception des contrats de baux ruraux ou saisonniers), sachant que le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du bailleur des informations contenues dans ce diagnostic301(*). Enfin, depuis le 1er janvier 2011, le vendeur ou le bailleur d'un bien immobilier a l'obligation de mentionner le classement du bien au regard de sa performance énergétique dans les petites annonces302(*). 174. Remarque sur la contestation des DPE- Il est important de préciser que le fait que le diagnostic de performance énergétique n'ait qu'une valeur informative et ne soit pas opposable au vendeur par l'acheteur303(*) n'empêche en rien l'acheteur de contester le cas échéant, un diagnostic erroné- sciemment ou non, ou pour le moins, ne correspondant pas à la réalité de la consommation du bâtiment. Ce, sur le fondement d'une action en nullité du contrat, ou en réduction du prix en se fondant sur le dol ou l'erreur sur les qualités substantielles304(*), sachant que l'aboutissement d'une telle action serait liée aux termes du contrat de vente laissant apparaître l'attachement de l'acheteur pour la performance énergétique du bâtiment concerné305(*). Quitte au vendeur à se retourner par la suite contre le diagnostiqueur, dans la mesure où « les personnes réalisant les diagnostics de performance énergétique ont la responsabilité de les établir suivant les règles de l'art » 306(*). 175. Question de la fiabilité des DPE- A ce sujet, une enquête récente du magazine de l'Union Fédérale des Consommateurs, « Que Choisir » met en exergue le problème de la fiabilité des diagnostics de performance énergétique quant à leur élaboration. En effet, il appert de tests réalisés sur quatre maisons individuelles situées dans quatre régions différentes, que "selon le diagnostiqueur, une même maison peut être classée C, D ou E"307(*). Face à ces résultats divergents, « l'UFC-Que Choisir demande aux pouvoirs publics d'adopter sans délai des mesures techniques pour fiabiliser l'exercice et de rendre les DPE opposables entre l'acheteur et le vendeur pour que la responsabilité du diagnostiqueur puisse être engagée en cas de diagnostic erroné 308(*)». En effet, l'importance du diagnostic de performance énergétique s'est vue considérablement accroître avec l'octroi du nouveau prêt à taux zéro, le « PTZ + », lequel est aujourd'hui conditionné à la classe énergétique du bâtiment. Dès lors, il est tentant pour les propriétaires, leurs mandataires éventuels, voire les acquéreurs, de se livrer à des pressions sur les diagnostiqueurs en vue de faire classer les biens dans les meilleures appréciations de performance pour bénéficier du montant maximal du PTZ+309(*). En attendant, pour commencer à anticiper les difficultés à venir en la matière, le Décret n° 2010-1200 du 11 octobre 2010310(*) contraint les diagnostiqueurs immobiliers à renforcer leurs obligations d'information, ainsi que leurs obligations déontologiques, en les obligeant à remettre au propriétaire des documents attestant qu'ils remplissent les conditions réglementaires requises311(*). Ce Décret interdit en outre expressément tout commissionnement et rétribution de ces diagnostiqueurs et aggrave les sanctions pénales prévues en cas de violation des règles déontologiques les concernant.312(*) Force est donc de constater que nous assistons à la naissance d'un nouveau genre de contentieux : celui de l'établissement des diagnostics de performance énergétique. * 288 J-L Bergel, « L'impact de la loi « Grenelle 2 » sur la vie de l'immeuble (vente, bail et copropriété) », RDI 2011 p. 50 * 289 V. Mercier, Op.cit * 290 J-L Bergel, Op.cit * 291 Selon les termes de l'article L. 271-6 du CCH * 292 Concernant les diagnostics de performance énergétique réalisés dans les collectivités publiques, ceux- ci pourront y être réalisé de façon dérogatoire par un agent de ladite collectivité (V. CCH, Art. L. 271-6) * 293 Infra, n° 175 * 294 CCH, Art. L 134- 2 * 295 CCH, Art. L134-2 * 296 CCH, Art. L134-4-1 * 297 JORF n°0092 du 19 avr. 2011 * 298 Directive 2010/31/UE du Parlement Européen et du Conseil du 19 mai 2010 précit. * 299 CCH, Art L. 271-4 à L. 271-6 * 300 CCH, Art L134-3 * 301 CCH, Art L134-3-1 * 302 CCH, Art L134-4-3 * 303 CCH, Article L 271-4 * 304 V. Mercier, « Les apports de la « loi Grenelle II » au droit de la construction » Constr - Urb n° 10, Oct 2010, étude 12 * 305 A ce sujet, v. H. Périnet Marquet « La grenellisation du droit de la construction » dans « Grenelle 2 impact sur les activités économiques » collection Lamy Axe Droit p. 55, n° 49 * 306 Rép. min. n° 108519 : JOAN Q 13 févr. 2007 ; JCP N 2007, n° 10, act. 238, citée par G. Durand-Pasquier, «La performance énergétique des bâtiments . - Des règles de droit entre incitation et contrainte », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 8, 26 Févr. 2010, 1113 * 307 Cité par E. Leysens, « DPE et bilans thermiques : "absence de fiabilité" selon l'UFC-Que choisir », http://www.lemoniteur.fr , actualités du 21 févr. 2011 * 308 Ibid. * 309 V : F. Vergne, « DPE : les propositions de la profession pour gommer les imperfections », www.lemoniteur.fr, actualités du 16 mars 2011 * 310 JORF n°0238 du 13 oct 2010 * 311 V. CCH Art R. 271-1 et R. 271-3 * 312 V. CCH Art R. 271-4 et J-L Bergel, « L'impact de la loi « Grenelle 2 » sur la vie de l'immeuble (vente, bail et copropriété) » RDI 2011 p. 50 |
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