Master II: Théorie et pratique des Droits de l'Homme.
Stage professionnel au sein du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda.
M émoire de stage
Lutte contre l'impunité et effectivité
des droits des accusés: le doux chant de sirène du
TPIR.
« La Défense s'exerce parfois, comme le veut la
formule, sans frontière. A ussi, nous devons nous assurer qu'elle ne
s'exerce pas sans conscience. Et en toute connaissance de cause.
»
Tiphaine Dickson, avocate au barreau du Québec et au
TPIR.
Résumé du Mémoire.
Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a
été créé en 1994 par une Résolution du
Conseil de sécurité des Nations--Unies, à la suite du plus
foudroyant génocide de l'Histoire du XXème siècle. Depuis
lors, il s'attèle à rendre des jugements en vue de sanctionner
les principaux responsables du génocide et de violations graves du droit
international humanitaire. Beaucoup d'espoirs ont été
portés dans cette instance internationale créée quelques
mois après la fin du génocide: symbole de lutte contre
l'impunité, tribune pour la quête de la vérité et
remède pour une réconciliation des peuples et un retour à
la paix.
Seize ans plus tard ce symbole de lutte contre
l'impunité peut--il sonner comme un exemple? Cette tribune a--t--elle
permis la quête d'une vérité équilibrée et
apaisante? Tels sont les éléments garantissant une
réconciliation profonde du peuple Rwandais et l' effe ctivité
d'une paix souhaitée. La réponse n'est pas évidente. Elle
est assombrie par une réalité dérangeante
hypothéquant l'exemplarité de ce Tribunal Pénal
International ad hoc, dès lors qu'il s'agit de s'intéresser aux
accusés et aux droits fondamentaux. C'est pourquoi en ce contexte de fin
de mandat du TPIR, il est bon de se demander si il est possible de combattre
l'impunité tout en préservant les droits des accusés?
L'é quilibre de ces deux notions: lutte contre
l'impunité et droits des accusés est la garantie d'une
réconciliation du peuple rwandais et du rayonnement salutaire d'une
justice saine et équitable. Les plateaux égaux de la balance de
justice sont gages de paix et de réconciliation des peuples. Perdre cet
équilibre entre la lutte contre l'impunité et
l'effectivité des droits des accusés, c'est faire
défaillir le rayonnement d'une justice internationale.
Sommaire du Mémoire
I. Lutte contre l'impunité au sein du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda
A) Une lutte contre l'impunité textuelle : la
face émergée de l'iceberg.
B) La pratique de cette institution internationale : la
face immergée de l'iceberg.
II . Une lutte contre l'impunité mettant en
péril les droits des accusés.
A) Une volonté textuelle affirmée assurant
la protection des droits fondamentaux des accusés.
B) Un constat de violations assombrissant ce principe
d'équité du TPIR.
· Accusé: Personne à qui
l'on impute une infraction pénale.
· Acte d'accusation: Document accusant
formellement une ou plusieurs personnes d'avoir commis un crime ou une
série de crimes.
· Conseil de Sécurité des Nations
Unies: Organe exécutif de l'Organisation des Nations Unies dont
la mission, selon la charte des Nations Unies, est la sécurité
internationale. (article 24 de la charte des Nations unies.
Le Conseil de sécurité est composé de
quinze membres, dont cinq membres permanents : Royaume--Uni, France,
États--Unis, Russie et Chine. Ils disposent d'un droit de veto.
· Conventions de Genève: Les
quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs protocole s additionnels
de 1977 et 2005 constituent la pierre angulaire du droit humanitaire
international, dont les règles sont faites pour limiter les
conséquences de la guerre en offrant protection aux civils et à
ceux qui ne sont pas impliqués dans le conflit (comme les combattants
blessés et mis hors de combat). Conventions applicables aux conflits
internationaux et nationaux.
· Détention préventive: La
détention préventive est une mesure de détention
provisoire visant à emprisonner jusqu'à la fin du procès
un accusé.
· Droits fondamentaux: l'ensemble des
droits subjectifs primordiaux pour l'individu, assurés dans un
État de droit et une démocratie.
· Droit international humanitaire:
Ensemble des lois cherchant à protéger les civils et les
non combattants en temps de conflit civil ou international. Communément
appelé «droit de la guerre» - en latin «jus in
bello» - et largement décrit dans les Conventions de
Genève
· Droit de la Défense: Concept
en vertu duquel les personnes assujetties à des poursuites judiciaires,
et notamment celles accusées de crimes, doivent voir leurs droits
respectés à tout moment, de l'arrestation au jugement en passant
par le procès, et doivent jouir pleinement des bénéfices
conférés par ces droits - par exemple, les droits de la
défense sont violés lorsqu'un accusé se voit refuser
l'accès à un avocat. C'est ce que l'on appelle le «droit
à un procès équitable» en droit international.
· Effectivité: Principe de droit
international suivant lequel une situation n'est opposable aux tiers que si
elle présente un degré suffisant de réalité.
· Juridictions « gacaca » :
juridiction nationale Rwandaise, chargés de juger
les auteurs de génocide et de violations graves du droit
international humanitaire.
· Impartialité:
L'impartialité est l'absence de parti pris. Elle est
généralement associée à la neutralité,
l'équité, l'objectivité, la notion de justice.
· Indépendance:
L'indépendance, pour un pays, une organisation politique ou une
branche du gouvernement, est l'acquisition de sa totale souveraineté
politique, par opposition au fait d'être régenté par une
autorité suzeraine ou coloniale.
· Présomption d'innocence:
Concept juridique selon lequel tout accusé est
réputé innocent tant que sa culpabilité n'a pas
été prouvée hors de tout doute raisonnable à
l'issue du procès et de l'appel.
· Principe du non bis in idem: est un
principe classique de la procédure pénale, déjà
connu du droit romain, d'après lequel nul ne peut être poursuivi
ou puni pénalement à raison des mêmes faits. Cette
expression désigne donc l'autorité de chose jugée au
pénal sur le pénal qui interdit toute nouvelle poursuite contre
la même personne pour les mêmes faits. Cette règle
répond avant tout à un souci de protection individuelle de la
personne poursuivie.
· Procès équitable:
Procès qui doit respecter les règles de
procédures imposées par l'article 6 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme, lequel a le souci de donner des
garanties à la personne poursuivie.
· Règlement de procédure et de
preuve: Règles régissant les procédures et
l'admissibilité des preuves dans la procédure judiciaire.
· Requête: Demande
adressée au tribunal afin que celui--ci se prononce sur un point
précis, par exemple sur la question de savoir si certains
éléments de preuve, notamment des aveux, seront admis au
procès, ou si, en raison d'erreurs, un nouveau procès doit avoir
lieu.
· Responsabilité pénale
individuelle : Concept selon lequel ce sont des individus et non des
organisations ou des entités abstraites qui commettent des crimes et en
sont tenus responsables.
· Statut: Texte fondateur
établissant et régissant la juridiction, l'organisation et le
fonctionnement de tribunaux tels que la CPI.
· Tribunal Pénal International pour le
Rwanda: créé pour juger les personnes
présumées responsables d'actes de génocide et d'autres
violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire
du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels
actes ou violations du droit international commis sur le territoire d'Etats
voisins entre le 1er Janvier et le 31 décembre 1994.
· Tribunal Pénal international pour
l'Ex-Yougoslavie: a été institué le 25 mai 1993
par la résolution 827 du Conseil de Sécurité des Nations
Unies, afin de poursuivre et de juger les présumés responsables
de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de
l'ex--Yougoslavie depuis le 1er j anvi er 1991 c'est--à--dire durant les
guerres en Croatie, en Bosnie--Herzégovine et au Kosovo,
conformément aux dispositions de ses statuts.
Table des sigles.
CED H : Cour Européenne des Droits de
l'Homme
ONU : Organisation des Nations Unies
OUA: Organisation de l'Unité Africaine
FAR: Force Armée Rwandaise
PIDCP : Pacte International des droits civils et
politiques.
TPIR: Tribunal Pénal International pour
le Rwanda
TPIY: Tribunal Pénal International pour
l'ex--Yougoslavie
FPR : Front patriotique Rwandais
APR: Armée patriotique Rwandaise
M.X : affaire actuellement en cours au TPIR
M.Y : affaire actuellement en cours au TPIR
En 1959, suite à l'indépendance du Rwanda, des
troubles politiques conduisent des dizaines de milliers de Rwandais d'ethnie
tutsi à s'exiler en Ouganda, afin d'échapper à des tueries
inter--ethniques. En quittant le Rwanda au moment de l'indépendance, les
autorités belges laissent la direction du Rwanda entre les mains des
Tutsis, qui ne représentent que 15% de la population. Mais peu à
peu une élite hutu va se former avec la création en 1959 d'un
parti hutu: le parmehutu, ayant pour finalité de reprendre la
direction du pays. Cette crispation sur la volonté de diriger le pays
est palpable par l'émergence de conflits inter--ethniques en 1959. En
effet de nombreux Tutsis vont faire l'objet de persécutions, de
massacres, et beaucoup de Tutsis menacés vont fuir par milliers en
Ouganda, au Burandi, et au Congo--Kinshasa. Pendant les années 1960, de
nombreuses tentatives de retour au pays par les Tutsis en exil vont être
mises en échec, et auront pour conséquence de nouveaux massacres
à l'encontre des Tutsis restés au Rwanda, par les Hutus,
notamment en 1963.1 Quelques années plus tard en 1972 dans
l'état voisin du Burundi, l'armée burundaise à
majorité tutsi perpétue des massacres à l'encontre des
Hutus burundais. Cette instabilité politique se reflétant au
delà des frontières rwandaises affaiblit davantage le pouvoir du
président rwandais Grégoire Kayibanda. Celui--ci dans un dernier
espoir de retrouver une unité politique va accentuer ses efforts dans
une politique nationale contre les tutsis. Et en 1973 des massacres sont
à nouveau perpétrés, générant une nouvelle
vague d'exil de tutsis.
C' est à ce moment, après des années de
conflits inter--ethniques entre les tutsis et les hutus, que le
président Hutu Habyarimana arrive au pouvoir. Les massacres qui s'en
suivent vont entraîner des mouvements d'émigration,
essentiellement en Ouganda. Rapidement les tutsis sont stigmatisés,
comparés à des « cafards », des « cancrelats»
et ceux qui font le choix de rester au Rwanda font l'objet de nombreuses
persécutions. Ainsi pendant plus de 35 ans, le pouvoir sera
exclusivement entre les mains de la majorité hutu avec à sa
tête le général président Habyarimana. Mais la
rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), constitué
pour l'essentiel de la seconde génération des Rwandais
exilés en Ouganda, ne reste pas inerte devant cette monopolisation du
pouvoir.
1 Entre 8 000 et 12 000 tutsis seront massacrés. Le
journal «le monde» du 4 février 1964 parle de génocide
et la Radio--Vatican parle de «terrible génocide jamais
perpétré depuis celui des Juifs ».
Les Tutsis installés provisoirement en Ouganda,
souhaitent rentrer au pays, mais leur retour est refusé. Le Front
Patriotique Rwandais entraîné et armé, organise un retour
par la force. C'est pourquoi le 1er octobre 1990, la
rébellion tutsi du Front patriotique rwandais lance depuis l'Ouganda une
attaque contre le régime autoritaire du
général--président Habyarimana.
D evant la menace extérieure oppressante et
l'opposition intérieure grandissante, le régime se durcit et
opère des interpellations d'environ dix mille Tutsis du Rwanda et
d'Hutus complices des assaillants, notamment après une tentative
d'attaque sur Kigali dans la nuit du 4 octobre 1990. Ces assaillants vont
constituer par la suite le noyau dur des partis politiques d'opposition. Ceci
marque donc le début du multipartisme ouvert sur fond de guerre civile.
Entre la volonté de consolidation de leurs positions pour les
belligérants, et la volonté tenace par les partis politique
d'entrer au gouvernement, la pressi on poussera Habyarimana à
céder en avril 1992.
D e nombreux massacres de Tutsis en découlent à
Bugesera en mars 1992, à Gisenyi-- Ruhengeri en janvier 1991, à
Gisenyi en décembre 1992, et en janvier 1993. En représailles, le
Front patriotique Rwandais lance une «expédition punitive» en
février 1993 et arrive à Kigali, après avoir commis de
nombreux massacres. C'est dans ce contexte de violence, à travers
notamment la pratique dite « Kubuhoza », que les partis politiques
poursuivent leur implantation dans le pays.2 En août 1993, un
accord de paix est conclu à Arusha entre le gouvernement et le FPR. Afin
de s'assurer de l'application effective de cet accord, l'ONU envoie au Rwanda
un contingent de quelque 2500 hommes: la MINUAR. Or le début de la
mission onusienne va coïncider avec le coup d'État militaire du 21
octobre 1993 au Burundi au cours duquel le président hutu
démocratiquement élu Melchior Ndaye trouve la mort. Cet
événement va être largement exploité par la Radio et
Télévision Libre des Mille collines, qui va par ailleurs diffuser
des chants de guerre proscrits depuis la signature de l'accord de paix.
Parallèlem ent Frodoual Karamira, membre du
comité directeur du plus grand parti d'opposition, le Mouvement
Démocratique Républicain, organise un meeting politique à
Kigali au cours duquel il lance le slogan «hutu power », qui traduit
la
2 Pratique par laquelle les politiciens recrutent de force et
tentent de chasser ou tout au moins déstabiliser les autorités
locales (préfet, maires, conseillers municipaux) qui ne leur sont pas
favorables.
radicalisation ethnique d'une partie des militants des
mouvements politiques. En effet la plupart des formations politiques se
disloquent alors en tendances extrémiste et modérée qui se
disputent la légitimité.
Il va sans dire que cette dislocation au sein des partis
retarde la mise en place du gouvernement et du parlement de transition
prévus par les accords de paix d'août 1993. Le 5 janvier 1994,
Habyarimana prête serment comme président de la République,
mais l'investiture du gouvernement et du parlement n'auront jamais lieu, les
blocages politiques persistant tant du côté du régime que
du Front Patriotique Rwandais (FPR).
Le 21 février marque le début d'une escalade de
violences, aboutissant à l'avènement d'une des pages les plus
sombres et tragique de l'histoire du Rwanda et de la communauté
internationale. En effet le 21 février 1994, le leader charismatique de
l'opposition, le ministre des travaux publics Félicien Gatabazi, est
assassiné devant son domicile à Kigali. Le lendemain, en guise de
représailles, le président du CDR, Martin Bucyana, est
lunché par une foule en colère à Butare (sud), la
région natale de Gatabzi. De nouvelles violences éclatent,
notamment à Kigali et à Cyangugu, le fief de Bucyana.
C' est dans ce contexte de guerre civile, de montée de
l'extrémisme, de propagande anti tutsi dans certains médias, que
survient l'événement tragique du 6 avril 1994 : l'assassinat du
président Habyarimana par le crash de son avion présidentiel.
Dans la nuit du 6 Avril 1994, une phrase transmise sur les
ondes de la radio, sonnera le clairon de 100 jours de terreur: « Abattez
les grands arbres ». Pendant trois mois, la Radio Télévision
Libre des Mille Collines encourage et guide jour après jour le massacre
des Tutsis. Les milices Interhamwe3, l'ensemble des hutus
extrémistes se chargent de massacrer à travers tout le pays les
Tutsis, ainsi que certains Hutus modérés réputés
hostiles à ce projet et considérés comme des
«traîtres ». La population utilise essentiellement des
machettes, des houes et des gourdins cloutés. Des barrières sont
montées sur toutes les routes du Rwanda pour arrêter les fuyards
qui sont massacrés sur place. Face à cette agitation, des
hiérarchies parallèles sont organisées par les
préfets poussant les autorités locales à mettre en place
des massacres de grande
3 Issu du Mouvement Révolutionnaire National pour le
Développement.
ampleur.4 Ainsi par exemple, au prétexte de
mise en sécurité, des Tutsis sont regroupés dans des lieux
publics comme les stades, les bâtiments communaux, les écoles, les
églises. Ils y seront massacrés par des groupes de miliciens,
parfois précédés par les Forces Armées
Rwandaises
Les massacres atteindront des sommets dans l'horreur et la
cruauté. Des femmes enceintes sont éventrées pour tuer les
foetus. Les violences sexuelles sont fréquentes et des tueries ont lieu
au sein de familles mixtes. Horreur et cruauté caractérisent la
rapi dité et de l'ampleur du génocide: en trois mois, un million
de personnes sont tuées selon les autorités rwandaises, 800 000
selon l'ONU et l'OUA.
Dans cet événement tragique, il est à
regretter l'inaction de la communauté internationale. D'ailleurs cette
démission a été martelée par le
général canadien Roméo Dallaire, commandant la
MINUAR5. L'inaction de la communauté internationale a
principalement pris appui sur l'existence de la guerre civile, prétexte
permettant de détourner l'attention sur la réalité du
génocide existant. La reconnaissance de l'existence d'un génocide
par la communauté internationale interviendra bien trop tardivement,
empêchant alors d'appliquer la convention internationale pour la
prévention et la répression du génocide, et de faire ainsi
cesser ces massacres.6
C ep endant dès lors que l'information d'un tel
événement est relayée à l'échelle d'un
continent puis du monde, cela ne devient plus l'apanage d'un peuple, du peuple
rwandais, ni de puissances politiques. Il s'agit bien d'atrocités
humaines qui peuvent être perceptibles par chaque être humain,
citoyen du monde. Il n'y a alors plus de barrières, ni de
différences culturelles, l'évidence est universelle,
l'inacceptable est criant. Et face à cette force humaine amenant
à une conscience mondiale, l'inaction est impossible. C'est pourquoi
à défaut d'avoir pu agir à temps, le temps des remords
laisse place à une volonté tenace d'être présent
pour tenter de soulager une conscience secouée.
4 Alison Des Forges, Aucun témoin ne doit survivre, le
génocide au Rwanda, Editions Karthala, 1999, p 261--306.
5 Force de l'Organisation des Nations--Unies destinée
à soutenir les accords d'Arusha.
6 LANOTTE Olivier, La France au Rwanda (1990--1994) : entre
abstention impossible et engagement ambivalents, P.I.E. Peter Lang, Centre
d'Étude des crises et des conflits internationaux, 2007, p 512-- 529.
Ainsi, le 8 Novembre 1994, moins de quatre mois après
la fin du génocide et des massacres qui ont coûté la vie
à environ un million de Rwandais en moins de cent jours, le Conseil de
sécurité des Nations Unies sur la base du chapitre 7 de la Charte
des Nations Unies, crée par une résolution7 le
Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), dont le siège
est fixé à Arusha en Tanzanie. Le TPIR reçoit alors comme
mandat de « juger les personnes présumées responsables
d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le
territoire d'Etats voisins entre le 1 er Janvier et le 31
décembre 1994 »8. La compétence du TPIR est
donc restreinte dans le temps à la différence de celle du TPIY,
dont la juridiction n'a pas de date limite.
C e tribunal s'inscrit donc dans ce mouvement de justice
transitionnelle qui inaugure un avant et un après le crime. Cette
justice transitionnelle propose un mythe au sens de Paul Ricoeur,
«elle identifie d'abord le mal, puis invite les institutions
judiciaires ou extrajudiciaires à mettre en récit la
tragédie survenue, avant de proposer sa résolution. C'est ce
parcours qui aboutit à la reconnaissance publique du crime, et, si
possible de l'aveu du criminel, lequel porte la promesse d'une
métamorphose de la société, et, partant, réanime le
vieux rêve d'une rédemption face aux forces des
Ténèbres ». 9
C' est ainsi que le Conseil de sécurité
précise notamment que les poursuites ainsi entamées
«contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi
qu'au rétablissement et au maintien de la paix» et contribueraient
aussi à «faire cesser « les crimes «et à en
réparer dûment les effets. ». Il souligne «qu'une
coopération internationale est nécessaire pour renforcer les
tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais» et décide «que
tous les Etats apporteront leur pleine coopération au Tribunal
international et à ses organes, (...) y compris l'obligation faite aux
Etats de donner suite aux demandes d'assistance ou aux ordonnances
émanant d'une Chambre de première instance. »10
7 Annexe 2, Résolution du Conseil de
Sécurité de l'ONU portant création du TPIR.
8 Annexe 3, Statut du TPIR annexé à la
résolution 955 du Conseil de Sécurité portant
création du Tribunal.
9 Pierre HAZAN, Juger la guerre, juger l'Histoire, PUF,
2007, p 80--110
1 0 Annexe 1 : Résolution 955 du Conseil de
sécurité portant création du TPIR.
Ainsi, l'action du tribunal dépasse la dimension
strictement judiciaire de la poursuite des auteurs du génocide. En effet
les objectifs édictés par la résolution de l'ONU,
réconciliation nationale, maintien de la paix, lutte contre
l'impunité, appui aux tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais
démontrent bien une volonté internationale d'apporter une
réponse pénale et symbolique forte au troisième
génocide du vingtième siècle. Mais il est à relever
que pour beaucoup de Rwandais, la réalité des motivatio ns
concernant la création de ce Tribunal international est toute autre: la
mauvaise conscience internationale. La véracité de cette
réalité ne peut qu'être appuyée par cette tragique
défaillance d'intervention de la communauté internationale dans
le génocide de 1994. De plus, son intervention à posteriori par
la création de ce Tribunal International, pour sanctionner le crime une
fois celui--ci commis, trouve un paradoxe: une ambition de
réconciliation nationale, mais pourtant limitée dans le temps et
l'espace.11 La réconciliation d'un peuple peut--elle se
planifier à travers un temps déterminé? Le droit
international se vit au présent, la réconciliation d'un peuple ne
peut être une donnée pouvant faire l'objet d'une prévision
temporelle: « le temps n'a aucune vertu productrice, et rien ne se fait
par le temps, quoique tout se fasse dans le temps »12
D epuis 1994, le TPIR a évolué au regard des
moyens de son existence. Avec plus de 800 employés, et un budget pour
l'année 2008--2009 qui dépasse les 267.356.200 dollars
13. Il s'est développé en une institution
conséquente sur le plan matériel et humain, capable
théoriquement de mener à bien les missions qui lui sont
conférées. Pour cela il est composé de trois chambres de
première instance, de trois juges chacune et d'une chambre d'appel avec
cinq juges.
En poursuivant les individus considérés comme
les principaux responsables du génocide rwandais, le TPIR a joué
un rôle important dans la délivrance d'une certaine justice aux
victimes et aux survivants du génocide. Depuis le début du
premier procès, le TPIR a émis, à compter du
1er Janvier 2010, quarante--neuf jugements concernant quarante
accusés, dont neuf ont été jugés conjointement avec
un ou plusieurs autres co--accusés. Trente--trois accusés ont
été reconnus coupables, et sept ont été
acquittés des
1 1 Annexe 3 : Statut du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda.
1 2 GROTIUS Hugo, le droit de la guerre et de la paix,
Elibron Classics series, 2006 livre II, chap..IV, I, p.210
1 3
http://fr.hirondellenews.com/content/view/6276/26/
crimes retenus contre eux. Depuis la délivrance de son
premier jugement dans le cas Procureur contre Akayesu du 2 septembre
1998, le TPIR a évolué pour devenir un tribunal ad hoc ayant une
empreinte notable sur le développement de la jurisprudence pénale
internationale.
L'acti on du Tribunal Pénal International pour le
Rwanda s'inscrit alors dans un processus de lutte contre l'impunité,
s'articulant autour de trois objectifs: sanctionner les responsables,
satisfaire le droit qu'ont les victimes de savoir et d'obtenir
réparation, p erm ettre aux autorités de remplir leur mandat en
tant que puissance publique garante de l'ordre publique. Cette lutte contre
l'impunité face aux événements du génocide de 1994
met en scène des acteurs de taille : les victimes, le TPIR, mais aussi
les Etats, dont la volonté politique est fondamentale.
La lutte contre l'impunité dans le cadre du TPIR
poursuit un objectif louable: la réconciliation des peuples, de la
nation, condition première pour le maintien de la paix. Or la
réconciliation des peuples, le rétablissement de la paix sont des
notions empreintes de politique, de social, mais difficilement de juridique.
Ainsi allier la lutte contre l'impunité à cet objectif de
réconciliation des peuples, c'est introduire une dimension politique et
historique dans un processus juridique international, qui devrait se concentrer
sur la notion de culpabilité, en dehors de toute autre
considération, afin d'oeuvrer avec objectivité et
impartialité dans le jugement des présumés
génocidaires du Rwanda. Comme le dit si bien David Piaccoco, «
L'histoire et la Justice ne peuvent s'écrire à la fois, avec
le même crayon, sans distordre l'un ou l'autre; Le TPIR , plutôt
que d'écrire l'Histoire et d'agir à titre de pacificateur,
devrait être un forum de justice utilisé pour déterminer la
culpabilité ».
Bien entendu la justice pénale internationale a une
finalité répressive, cependant elle a peut--être tout
autant un but préventif, dissuasif, voire « pédagogique
». 14 En effet face aux crimes de guerre, crimes contre
l'humanité, la réparation pour les victimes est difficilement
atteignable, la sanction ne peut paraître que disproportionnée
face à l'horreur des faits vécus. Mais il reste alors la
recherche de la Vérité, l'établissement des faits en
réaction au révisionnisme, le devoir de justice à
l'égard des victimes. Cependant
1 4 Sous la direction d'Hervé ASCENSIO, Emmanuel DECAUX et
Alain PELLET, Droit international pénal, Cedin Paris X,
Éditions A. DEDONE, 2000, p 1--15
l'action et les jugements du Tribunal Pénal
International depuis sa création laissent entrevoir une justice à
deux vitesses, mettant en lumière une recherche partiale de la
vérité, de l'établissement des faits concernant les
événements d'avril-juin 1994. Or la création du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda ne doit pas véhiculer cette
idée d'être une institution judiciaire internationale au service
d'une partie au conflit, où encore sous l'emprise de
considérations hautement politiques contraignant celle--ci à ne
pas faire éclore une vérité historique, attendue du peuple
rwandais. Le TPIR se doit d'être une institution judiciaire agissant dans
un souci d'équité, de neutralité et d'indép endance
afin de servir au mieux sa mission première : juger les principaux
génocidaires. Ceci pourrait poser par la suite les balises d'un
processus de réconciliation des peuples, et de la Paix. C'est pourquoi
les juges de la chambre d'appel ont souligné l'importance de la
confiance publique. C'est sur elle que repose l'édifice judiciaire:
« Quand elle est trahie, il se lézarde. Elle est le ressort du
respect et du sentiment de protection que la justice inspire. Si le ressort
casse, elle en devient son fossoyeur. ». Et d'aj outer que la
confiance publique recherchée n'est pas celle de la communauté
internationale, mais bien avant tout la confiance publique du peuple
Rwandais.
L'action du Tribunal Pénal International est
encadrée par un arsenal législatif et juridique de grande
ampleur. En effet l'essence de son existence trouve sa source dans la
réalité de violations des droits de l'homme à grande
échelle, et notamment de la perpétration d'un génocide
Rwandais. Depuis la convention sur la prévention et la répression
du génocide de 1948, il est clairement établit que tous actes
commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie , un groupe
national, ethnique, racial ou religieux constituent une violation des droits
fondamentaux reconnus par l'ensemble de la communauté internationale.
15 De ce fait, les événements d'Avril - Mai 1994
1 5 Article 2 de la Convention de prévention et
de répression de génocide du 9 décembre 1948:
Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un
quelconque des actes ci--après, commis dans l'intention de
détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou
mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre
groupe.
constituait bien un génocide.16 L'action du
Tribunal Pénal International pour le Rwanda s'inscrit bien sur cette
base: juger les présumés responsables du génocide rwandais
et auteurs graves de violations du droit international
humanitaire.17
D e cette mission première découle celle de
rechercher la vérité pour l'intérêt d'une justice
équitable, seul fondement solide de la réconciliation du peuple
rwandais. Et comme dans tout procès pénal ou autre, la clé
de voûte d'une «bonne justice» néce ssaire pour une
acceptation du plus grand nombre, doit s'articuler autour de la notion
d'équité. Équité pour l'accusation, mais aussi
équité pour la défense. Le respect des droits fondamentaux
aussi bien pour l'accusé, que pour la victime est un pilier essentiel.
Car comme le décrit si bien Jean--Marie Biju--Duval «
Défendre le droit d'un accusé à bénéficier
d'un procès équitable, c'est se battre pour une justice
internationale qui ne puisse être, dès demain, la risée de
ses détracteurs ». Pour ce faire, dans le statut du TPIR, il
existe un certain nombre de dispositions pour assurer le fonctionnement,
l'organisation d'un tel procès. Ce sont des dispositions qui offrent des
garanties d'équité aussi bien pour l'Accusation que pour la
Défense. Et il est donc à rappeler, que l'accusé dispose
des droits et des garanties fondamentaux reconnus non seulement à
travers le statut du TPIR, mais également à la lumière
d'une mappemonde de textes internationaux assurant la protection de ces droits
fondamentaux. OEuvrer en ce sens lors d'un procès devant une instance
internationale, c'est atteindre avec rigueur et finesse la mission de juger les
présumés responsables du génocide, en ayant pour horizon
effectif l'aboutissement d'une réconciliation nationale.
Dans ce contexte de fin de mandat du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda, il est bon de s'intéresser plus
particulièrement à l'articulation de la lutte contre
l'impunité avec le droit des accusés. En effet l'objectif louable
de lutte contre l'impunité au sein du TPIR s'insère--il dans un
processus purement juridique, ou est--il parasité par des dimensions
politiques, venant mettre en danger l'effectivité des droits de la
défense? Sanctionner les responsables, pour une instance internationale
tel que le TPIR doit être guidé par des considérations
purement juridiques et objectives, et non par des considérations
politiques, sociales, qui satisferaient une volonté extérieure au
processus de justice du TPIR. La création d'une instance internationale
pour juger de
1 6 N° ICTR--96--4--T, le Procureur contre Jean--Paul
AKAYESU, 2 septembre 1998. 1 7Annexe 3, « Statut du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda », p.1.
telle s infractions est justement guidée par ce souci
d'impartialité et d'objectivité permettant d'axer toutes les
actions sur cette notion de responsabilité et de culpabilité.
Ceci est difficilement possible pour des instances nationales, dont le recul
nécessaire pour juger de la responsabilité la culpabilité
d'un accusé peut être insuffisant de par le joug historique,
culturel et social pesant sur leurs actions. Lutter contre l'impunité ne
ressort pas d'une conception objective. La perception et l'action de lutte
contre l'impunité seront différentes selon le parti pris. La
lutte contre l'impunité s'exercera en fonction des orientations voulues
de celui qui détient le pouvoir de son exercice. Dans le contexte du
génocide du Rwanda et du Tribunal Pénal International, les
acteurs au service de cette lutte contre l'impunité sont divers. C'est
pourquoi son action mêlera forcément des considérations
subjectives, cherchant à satisfaire des intérêts
différents selon qu'ils sont défendus par la communauté
internationale, par le gouvernement rwandais, ou par les ONG. Cette
différence d'intérêts peut entacher l'action
première du TPIR d'être une instance pénale internationale
impartiale, objective, chargée de juger les présumés
responsables de violations graves du droit international humanitaire. Le TPIR,
représentant une instance créée par la communauté
internationale au travers du Conseil de Sécurité des Nations
Unies, ne possède pas une liberté d'action aisée.
Ainsi dans sa lutte contre l'impunité, l'action du TPIR
est de déterminer en premier lieu qui sont ces présumés
responsables: seulement des extrémistes hutus, ou peut--on
également s'interroger sur la nécessité d'inculper des
tutsis ayant eux aussi violés des normes du droit international
humanitaire pendant la période du génocide. L'inculpation de
présumés responsables de violations de droit international
humanitaire chez les hutus, comme chez les tutsis, doit -elle relever de
considérations politiques entachant alors l'accomplissement de ce
principe impartial de culpabilité? Nul doute qu'il ne s'agit pas pour la
communauté internationale au travers du TPIR de sanctionner pour
sanctionner, cependant on peut s'interroger sur les travers de cette course
à l'impunité. S'agit--il de satisfaire la conscience d'une
communauté internationale, d'un gouvernement rwandais qui est
représenté par les vaincus à savoir les Tutsis, ou tout
simplement d'agir dans un souci de rendre une justice juste et équitable
indépendamment des intérêts des parties. Dès lors
qu'il s'agit d'être dans un schéma choisi ou subi de satisfaction
de l'une des parties, il est clair que le processus judiciaire peut perdre de
son impartialité, notamment au niveau de l'effectivité des droits
des accusés. C'est pourquoi il est bon de se demander si au sein du
Tribunal Pénal
International pour le Rwanda, il est possible de combattre
l'impunité tout en préservant les droits des accusés?
Le champ d'étude sera effectué, au regard de
l'analyse d'un travail de trois mois au sein d'une équipe de
Défense du Tribunal Pénal International pour le Rwanda,
composée d'un conseil principal français, d'un co--conseil
canadien, d'une assistante juridique, et de trois stagiaires. Équipe
oeuvrant pour la défense de M. Callixte Nzabonimana, ancien ministre
rwandais de la jeunesse et des sports du gouvernement par intérim de
1994, dont le procès a commencé le 9 novembre 2009 devant le TPIR
et est toujours actuellement en cours. Son acte d'accusation modifié en
octobre 2008 fait état de cinq chefs d'accusations: Génocide,
entente en vue de commettre le génocide, incitation directe et publique
à commettre le génocide, extermination constitutive de crime
contre l'Humanité, assassinat constitutif de crime contre
l'Humanité.18
D ans un premier temps, nous soulignerons le contraste
existant entre la lutte contre l'impunité telle que revendiquée
par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda et son application
concrète dans la pratique (I). Ceci au travers de l'étude de
certains de ses jugements faisant état de jurisprudences,
délivrant le message d'une lutte contre l'impunité effective. (A)
Mais la face cachée de l'iceberg au travers de l'application par les
instances du TPIR offre un bilan plus mitigé (B).
D ans une seconde partie nous démontrerons, que cette
lutte contre l'impunité menée par le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda conduit à mettre en péril
l'effectivité des droits des accusés (II). Ceci malgré une
volonté textuelle affirmée, assurant les droits des
accusés (A), mais dont l'application au sein du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda laisse entrevoir une pratique assombrissant ce
principe d'équité du Tribunal Pénal International du
Rwanda (B).
1 8 N° ICTR--98--44D--PT, Le procureur contre Callixte
NZABONIMANA, acte d'accusation modifié, 4 octobre 2008.
I . Lutte contre l'impunité au sein du TPIR : un
contraste dérangeant.
Ce contraste de l'effectivité de la lutte contre
l'impunité sera étudié à travers la présence
d'une lutte contre l'impunité textuelle, délivrant un message
d'effectivité à la communauté internationale, mais
représentant la face émergée de l'iceberg (A) Mais dont la
face cachée de l'iceberg au travers de la pratique des instances du TPIR
offre un bilan plus mitigé (B).
A. Une lutte contre l'impunité textuelle : la
face émergée de l'iceberg.
1. Lutte contre l'impunité menée par le TPIR:
une exemplarité en péril.
L'Article 1 du statut du Tribunal Pénal International
pour le Rwanda dispose que « le Tribunal Pénal International
pour le Rwanda est habilité à juger les personnes
présumées responsables de violations graves du droit
international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens
rwandais présumés responsables de telles violations commises sur
le territoire d'Etats voisins entre le 1 er janvier et le 31
décembre 1994, conformément aux dispositions du présent
statut ». Il s'agit donc pour le TPIR d'agir dans la poursuite et le
jugement de présumés responsables de violations graves du droit
international humanitaire, en ayant un cadre d'action délimité
à la fois dans le temps, mais aussi dans l'espace.
Lutter contre l'impunité, c'est en réalité
poursuivre trois objectifs bien définis:
· En premier lieu, il s'agit de sanctionner les
responsables, ici les auteurs de violations graves du droit international
humanitaire de janvier à décembre 1994.
· Ensuite il s'agit de satisfaire le droit qu'ont les
victimes de savoir et d'obtenir réparation.
· Et enfin c'est permettre aux autorités de remplir
leur mandat en tant que puissance publique garante de l'ordre public.
C es trois objectifs déterminent le cadre dans lequel
les acteurs du tribunal doivent exercer leurs missions. De plus, la lutte
contre l'impunité s'insère dans une dynamique
certaine de pouvoir agir pour une réconciliation
nationale et un rétablissement et maintien de la paix19.
La notion d'impunité recouvre d'une part
l'impunité juridique, puis l'impunité de fait, et enfin
l'impunité qui se traduit par l'application d'une peine non
proportionnelle à la gravité de l'infraction. L'impunité
juridique existe au travers de moyens juridiques d'adoption des mesures
d'amnistie, de clémence, de pardon ou encore de tout autre mesure qui
peut emp êcher d'enquêter et de poursuivre les auteurs d'un
crime.20L'impunité de fait s'illustre dès lors qu'une
enquête n'est pas conduite pour déterminer les faits, quand on nie
ou on couvre les faits ou les auteurs. Mais également lorsque les
instances habilitées ne poursuivent pas les responsables des actes
illégaux, à condition que cette attitude résulte d'une
intention délibérée, de mobiles politiques ou de
l'intimidation.21Et enfin l'impunité du fait de la non
proportionnalité de la peine à la gravité d'un crime
La jurisprudence du TPIR est une preuve incontestable de sa
contribution à la lutte contre l'impunité. Se rapporter à
l'ensemble des jugements rendus depuis sa création permet de relever un
certain nombre d'éléments attestant les avancées de la
justice pénale internationale.
À ce titre, il est bon de relever l'affaire AKAYESU,
premier jugement sur le Génocide, à l'encontre d'une
autorité locale investie par le pouvoir central et donnant ainsi
à l'entreprise criminelle la dimension d'une politique
gouvernementale. Cet arrêt
1 9 Résolution du conseil de sécurité,
portant création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda:
« Convaincu que, dans les circonstances particulières
qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes
présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres
violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre
cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale
ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix » Annexe en
référence
20 NKURAYIJA, J.M.V., La répression du génocide
rwandais face à la Convention du 9 décembre 1948 pour la
prévention et la répression du crime de génocide,
mémoire, UNR, Butare, octobre 2004; p.71,
2 1 La Commission nationale consultative des droits de
l'homme et la commission internationale des juristes, rencontres
internationales sur l'impunité des auteurs des violations graves des
droits de l'homme, du 2 au 5 novembre 1992, ABRAX, Paris, 1992; p . 1 9 3 .
constitue la première pierre de l'édifice que
représente la lutte contre l'impunité, concernant plus
précisément les violences sexuelles.
AKAYES U, ancien maire de la commune de Taba, est
accusé d'avoir autorisé des policiers et d'autres individus sous
ses ordres à violer et torturer des femmes, pour la plupart Tutsis, qui
lui avaient demandé protection. Il faut savoir qu'au départ le
tribunal n'avait pas porté à l'encontre d'Akayesu des accusations
de crimes de violences sexuelles. Cependant au cours des témoignages
produits au procès, il a été rapporté le rôle
déterminant joué par Akayesu dans la perpétration de ces
viols. Avec l'appui d'un rapport publié en 1996 par l'organisme Human
Rights Watch22, la Coalition pour les droits des femmes en situation
de conflit a présenté au TPIR un mémoire d'amicus
curiae dans lequel elle demandait au Tribunal de porter des accusations de
viol et d'autres crimes de violences sexuelles à l'encontre d'Akayesu.
Ainsi en 1997, le procureur va modifier son acte d'accusation pour y ajouter
des chefs d'accusation de violences sexuelles. Ceci démontre clairement
la volonté de sanctionner les responsables de crimes de violence
sexuelle dans le cadre de la qualification de génocide comme mesure
visant à entraver les naissances au sein du groupe Tutsi.
Traditionnellement, devant le TPIR, les crimes de violences
sexuelles sont poursuivis au titre de crimes contre l'humanité sous la
qualification de viols23, et au titre de violation grave de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole Additionnel
II sous la qualification «d'atteintes à la dignité de la
personne notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la
contrainte à la prostitution et tout attentat à la
pudeur.24 Mais les poursuites existent également parfois sous
la qualification «d'autres actes inhumains» en
référence à l'article 3 1.i) du Statut, ou encore
«tortures» comme crimes contre l'humanité, ou comme actes
constituant une violation grave de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et au Protocole additionnel II (article 4.1 a du statut).
Mais dans l'affaire AKAYESU, la chambre est allée plus
loin en déclarant que le viol constitue en l'espèce un crime de
génocide. En effet dans le jugement il est indiqué
2 2 Rapport Human Right Watch, «Shattered Lives
», 1996.
2 3 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda. 2 4 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le
Rwanda.
que «la violence sexuelle faisait partie
intégrante du processus de destruction particulièrement
dirigé contre les femmes tutsies et ayant contribué de
manière spécifique à leur anéantissement et
à celui du groupe tutsi considéré comme tel
»25 . C ette violence sexuelle telle qu'infligée dans
l'affaire AKAYESU en particulier, constituait une étape dans ce
processus de destruction du groupe tutsi en tant que tel, rappelant ici l'une
des conditions d'existence d'un génocide. Il est notable qu'au travers
de ce jugement, le message véhiculé par le TPIR n'est pas
d'être une institution archaïque mais bien au contraire
ancrée dans son temps, évolutive, capable d'entendre et
d'intégrer de nouvelles incriminations. C'est de cette façon que
le TPIR sert au mieux sa mission de sanctionner les présumés
responsables de génocide et de violations graves du droit international
humanitaire en ouvrant le champ des poursuites à celui non encore
pleinement affirmé dans un cadre de justice pénale
internationale.
L'effectivité de cette lutte contre l'impunité
et d'ouverture plus large du champ des poursuites se retrouve dans l'affaire
Jean KAMBANDA,26 où c'est la première fois qu'un chef
de gouvernement a été arrêté, jugé et
condamné pour crimes graves par un tribunal pénal international.
Il s'agit donc d'une grande avancée au sein de la justice pénale
internationale, impulsée par l'action du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda.
Ce jugement poursuit assurément un double objectif
dont le premier est de condamner un présumé responsable de
violations graves du droit international humanitaire, et le second
d'étayer un pilier solide et dissuasif, essentiel au sein de la justice
internationale : pouvoir condamner des responsables politiques.
En effet, à partir de cet arrêt, il est
incontestable que des dirigeants politiques pourraient être contraints de
répondre de leurs actes devant la justice pénale internationale.
Cette impulsion nécessaire et attendue sera reprise par la suite au sein
des différentes juridictions internationales. Ainsi la jurisprudence du
TPIR au travers de ce jugement, a été invoquée devant la
chambre des Lords dans l'affaire PINOCHET,
2 5 N° ICTR--96--4--T, le Procureur contre Jean--Paul
AKAYESU, 2 septembre 1998. 2 6 N° ICTR--97--23--S, Le Procureur c.
Jean KAMBANDA, 19 Octobre 2000.
concernant sa demande d'extradition, ou encore pour
l'inculpation et le transfert à La Haye de l'ancien dirigeant serbe
Slobodan MILOSEVIC.
C ep endant cette affaire suscite déjà une
remarque méritant une attention particulière afin de signaler
modestement la première épine de cette lutte contre
l'impunité exemplaire. En effet Jean Kambanda est également le
premier repenti de l'histoire de la justice internationale puisque l'ancien
Premier ministre a plaidé coupable de génocide. Coopérant
avec le procureur, l'accusé avait alors décidé de
témoigner à charge dans d'autres procès. Par la suite, il
a donc été reconnu coupable le 1er mai 1998 sur la
base de ses aveux, et sera condamné à la peine maximale, à
savoir la prison à vie. Mais suite à sa condamnation, Jean
Kambanda revient sur son aveu de culpabilité. En réalité,
il expliquera avoir adopté une stratégie d'aveu pensant obtenir
une réduction de peine, mais constatant l'échec de sa
stratégie par sa condamnation, il s'est rétracté.
La chambre d'appel rejettera sa demande et confirmera le
jugement et la sentence rendus en 1998. Il ne s'agit pas de rentrer dans des
considérations purement subjectives conduisant incidemment à
prendre position dans un sens ou dans l'autre. Mais il semble judicieux de
faire part d'interrogations et de remarques afin de saisir avec
objectivité le cadre dans lequel cette poursuite et ce jugement se sont
opérés. Ceci dans cette volonté de ne pas être
obnubilé par une sollicitude aveugle à l'égard d'une lutte
contre l'impunité se voulant exemplaire conduisant inexorablement
à une lutte contre l'impunité violant les principes du droit. Et
l'on peut se demander si les contours de l'aveu de J. Kambanda ne disqualifient
pas la juridiction pénale internationale. En tout cas pour certains
analystes, les aveux de celui--ci révèlent la vraie nature du
TPIR.27
Tout d'abord l'arrestation et la détention de Jean
Kambanda posent une première interrogation, dès lors que l'on
sait que celui--ci a été amené à Arusha et
isolé avec le canadien Pierre Duclos, policier canadien accusé
à plusieurs reprises devant les juridictions de son pays pour les faits
de «conditionnement» du même genre que ceux subis par
l'ex--Premier Ministre. Un doute est permis sur l'impartialité de cet
interrogatoire et sur la bonne conduite de celui--ci, d'autant que c'est dans
un lieu non
2 7 NGIRABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,Editions Sources du Nil, collection le droit
à la parole, 2006, (pp 482--485).
offi ci el que Kambanda consignera un document le 29 Avril 1998
sans qu'il ait bénéficié d'un conseil juridique
remplissant les conditions d'indépendance et
d'impartialité.28
D e plus, dans son livre, Augustin Ngirabatware, expose une
analyse du document d'aveu de culpabilité de J.Kambanda, et il
relève de nombreuses incohérences et affirmations fausses,
permettant de douter de la véracité des propos de J.
Kambanda.29De même que son analyse fait entrevoir une
séparation difficile entre la responsab ilité individuelle et la
responsabilité collective. Ce mélange perceptible des types de
responsabilité jette un doute sur le respect des droits de la
défense. Et de ce fait, il est permis de considérer que les
propos d'Augustin Ngirabatware reflètent une réalité
certaine, à savoir que c'est bien dans cet esprit que les procès
sont conduits et les sentences prononcées à Arusha:
«pour respecter le principe de la responsabilité individuelle
des anciens membres du gouvernement et faire semblant de dire le droit
pénal, le procureur cherche à individualiser les crimes tout en
restant dans l'esprit de l'accord en question ».30
Sa condamnation a été diversement accueillie,
l'accord entre l'ancien Premier ministre et le bureau du procureur resté
secret dans une enveloppe a été décrié par les
milieux de ceux qui sont généralement accusés d'être
les responsables du «Génocide des Tutsis ». Par contre, dans
les milieux du FPR, le gouvernement de Kigali, le Conseil de
Sécurité des Nations--Unies et certaines organisations de
Défense des Droits de l'Homme, la satisfaction était
présente. Satisfaction d'autant plus grande, décrite ainsi par
Augustin Ngirabatware, que «le programme d'anéantissement de
tout le leadership hutu suivait son cours comme prévu et que
l'accréditation de leurs thèses sur les événements
du Rwanda devenait totale au sein de la communauté internationale et
qu'ainsi donc le fruit du marché passé entre l'accusation et le
coupable, auxyeux de l'actuel
2 8 KAMBANDA Jean, « Lettre de J. Kambanda au greffier du
TPIR» avec pour objet «Commission de Me Olivier Michael, La Haye, le
11 septembre 1998.
2 9 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,ibid., p 4 84--4 88) .
3 0 30 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,Op.cit., p
4 8 8
pouvoir de Kigali et de ses sponsors, les absolvait
entièrement d'une responsabilité quelconque dans le
génocide de 1994 ».31
M ême si ce jugement reste une grande première
en droit pénal international, son impact reste assombri par le contexte
flou dans lequel s'est opérée cette condamnation, qui pousse
à soulever les difficultés et pièges d'une lutte contre
l'impunité qui se veut trop exemplaire et rapide, bafouant les garanties
essentielles d'un procès équitable.
Le jugement rendu le 3 décembre 2003 dans l'Affaire
«des médias du génocide» a lui aussi laissé des
empreintes dans la jurisprudence internationale. Il s'agit au travers de la
condamnation de Ferdinand NAHIMANA, Hassan NGEZE et Jean--Bosco BARAYAGWIZA de
s'intéresser au rôle des journalistes lors du génocide
rwandais de 1994. En l'espèce la chambre va préciser que les
journalistes au lieu d'utiliser les médias pour promouvoir les droits de
l'homme, les ont utilisés pour attaquer et détruire les droits
humains les plus élémentaires.32
Le TPIR est également le créateur de
décisions jurisprudentielles nouvelles, faisant ainsi de la lutte contre
l'impunité un éventail crédible dans la conduite des
poursuites. Ainsi c'est également par la jurisprudence du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda qu'une première est
réalisé au sein de la justice pénale internationale:
l'inculpati on, l'arrestation et le jugement d'une femme. En effet l'ancienne
ministre de la famille et de la promotion féminine, Pauline
NYIRAMASUHUKO a été poursuivie pour génocide et viol en
tant que crime contre l'humanité.33Et enfin, le TPIR est
également la première juridiction internationale à avoir
appréhendé un artiste, en l'occurrence le
3 1 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,Op.cit., p 485--490
3 2 N° ICTR--99--52--T, Le procureur contre Ferdinand
NAHIMANA, Jean--Bosco BARAYAGWIZA, Hassan NGEZE, 3 décembre 2003.
3 3 N° ICTR--97--21--I, Le Procureur contre Pauline
NYIRAMASUHUJO, acte d'accusation amendé selon le décision de la
Chambre de Première Instance II du 10 Aout 1999.
musi ci en Simon BIKINDI, sur la base du message
véhiculé par ses chansons pendant le génocide. 34
Cependant il s'agit là d'un regard primaire et s'en
satisfaire, c'est omettre la face cachée de l'iceberg. En effet la lutte
contre l'impunité à travers ses exemples de jugements ne peut
être saluée à l'unanimité et doit faire l'objet de
pondérations. Sinon c' est prendre le risque d'occulter une
réalité dérangeante au sein d'une institution
internationale, en fragilisant le souhait second mais non moins important
qu'est la réconciliation nationale. Lutter contre l'impunité,
c'est sanctionner les responsables de violations graves du droit international
humanitaire. Or il est acquis que lors des événements de 1994, un
génocide a été perpétré à l'encontre
des Tutsis, et il est donc attendu que le TPIR inculpe et condamne les
génocidaires. Il est clair au vu de l'exposé de certains
jugements que c'est bien cette mission que le TPIR remplit avec audace et
innovation. Cependant ce n'est pas tomber dans le révisionnisme, ni la
négation que de soulever les faits réels permettant de dire qu'il
y a également eu la perpétration de violations graves du droit
international humanitaire par les Tutsis (FPR) à l'encontre de la
population Hutu.35 Et il est légitime de se questionner sur
les raisons de l'absence de poursuite, d'inquiétude, de jugement
à l'encontre de ces responsables identifiés. Est--il alors
possible d'oeuvrer avec détermination dans une lutte contre
l'impunité ayant pour ligne de mire la réconciliation des
peuples, si le devoir de justice n'est rempli qu'à l'égard d'un
groupe ethnique : les Tutsis?
La création des Tribunaux Pénaux Internationaux
représente le credo de la lutte contre l'impunité, puisque leur
rôle consiste avant tout à juger les individus accusés de
violations graves du droit international humanitaire. Cependant à la fin
de leurs mandats respectifs, les tribunaux pénaux internationaux
n'auront jugé qu'une centaine d'individus à peine, autrement dit
une fraction minimes des personnes impliquées dans les crimes commis
Cette réalité de la justice internationale confrontée,
selon les termes du juge Goldstone, aux «enquêtes criminelles les
plus importantes jamais engagées dans l'Histoire -- le nombre de
suspects potentiels est considérable, les témoins se
3 4N ° ICTR--01--72--T, Le Procureur contre Simon BIKINDI,
2 décembre 2008.
3 5 D E S FORGES Alison, pour Human Rights Watch,
Fédération Internationale des ligues des droits de
l'Homme,Aucun témoin ne doit survivre, Op.cit., p 805--850.
comptent par dizaines de milliers et les victimes par
millions» -- apporte une dimension politique toute nouvelle à la
lutte contre l'impunité.
Et l'ensemble des arrêts étudiés ainsi
que ce constat réel d'impunité de certains acteurs du
génocide rwandais, démontre l'existence d'un choix, d'un parti
pris de la part du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. La
notion de choix implique nécessairement une subjectivité qui ne
peut, ni ne doit, être attendue dans le cadre d'une justice
internationale, au risque de conduire celle--ci dans une spirale dangereuse.
Danger appréhendé en ces termes par Luc Côté :
«ainsi sur la scène internationale, la lutte contre
l'impunité devient-elle sélective et sera désormais
confrontée à des choix difficiles aux dimensions politiques
incontournables, notamment par rapport au processus de paix dont la justice
internationale est parfois l'instrument ».36 Le choix de
ne pas surplomber avec un recul nécessaire le poids des actes,
l'objectivité des faits perpétrés, mais de s'asseoir
à même un plateau, condu it inexorablement à faire pencher
la balance d'un côté et perdre ainsi de vue la signification
première d'une justice impartiale et indépendante.
C e manque d'impartialité et d'indépendance
empêche d'agir dans l'optique d'une Justice saine et du droit. L'objectif
initial de lutte contre l'impunité est perverti et aboutit
malheureusement à une lutte pour l'impunité d'un groupe
ethnique.
M ais n'était--ce pas une tâche d'autant plus
périlleuse pour le Tribunal Pénal international pour le Rwanda,
de lutter contre l'impunité dès lors que sa création et le
mandat qui lui a été dévolue, était d'oeuvrer
à travers la justice rendue , pour une réconciliation des peuples
? Les objectifs de justice et de paix peuvent--ils être portés par
une même institution internationale?
3 6C ôté Luc, Justice Internationale et
lutte contre l'impunité: dix ans de Tribunaux Pénaux
Internationaux, dans «Faire la paix: concepts et pratiques de la
consolidation de la paix », Presses de l'Université Laval,
Québec, 2005, p.87--114.
2. Mariage difficile entre lutte contre l'impunité
et l'objectif de réconciliation des peuples.
L'exemplarité de façade de la lutte contre
l'impunité se retrouve atténuée dès lors qu'il
s'agit de s'intéresser au contexte de création de l'instance
internationale qui mène cette lutte. Le TPIR est une création du
Conseil de Sécurité, à l'égard duquel il a
l'obligation d'adresser un rapport annuel et d'en recevoir des instructions. De
même que les juges du Tribunal élus par l'Assemblée
générale, sont présélectionnés par le
Conseil de Sécurité,37 avec le droit de veto pour les
cinq membres permanents. L'action du TPIR est d'autant plus difficile qu'il a
été crée par le Conseil de Sécurité de l'ONU
sur demande de la partie victorieuse de la guerre d'agression, le gouvernement
du FPR et parce que plusieurs dispositions de la résolution font jouer
à ce dernier un rôle important dans le fonctionnement et dans les
affaires judiciaires. Ainsi Paul Tavernier estime que la procédure de
création des tribunaux pénaux internationaux n'a pas
été neutre et de ce fait, risque «de favoriser
l'impunité de certains hauts responsables et de constituer un obstacle
à l'efficacité des tribunaux ».38Or il est
attendu du TPIR qu'il identifie tous les criminels, quelles que soient leurs
fonctions ou leur appartenance ethnique, afin qu'ils répondent de leurs
actes, chacun individuellement. Ainsi le TPIR pourra prétendre agir dans
le sens d'une véritable réconciliation nationale, du
rétablissement et du maintien de la paix au Rwanda.
L'obj ectif de réconciliation pour être
pleinement atteint suppose entre autre chose, la fin des hostilités, un
règlement durable du conflit, la reconnaissance des crimes
passés, le respect des droits de l'homme comprenant donc la jouissance
des libertés fondamentales, le droit à la justice. Il convient de
noter donc dès à présent, l'importance de cette
reconnaissance des crimes passés dans son ensemble et non à
l'égard d'une seule des parties des événements de 1994. En
effet le Conseil de Sécurité n'a pas fait mention dans le
préambule de la résolution de qui était responsable de ces
actes de génocide et de ces violations du droit international
humanitaire. Cette tâche relève du mandataire à savoir le
TPIR au travers de ses actes d'accusations. Parler de réconciliation
nationale, c'est également s'intéresser aux différents
acteurs agissant
3 7 Annexe 3, Statut du TPIR article 12, paragraphe 3.
3 8 P. Tavernier, L'expérience des Tribunaux ad hoc,
Revue internationale de la Croix--Rouge, 31 décembre 1997, no 828,
p 647--663.
pour la réalisation de celle--ci. Il s'agit des
représentants de l'État Rwandais, des forces militaires et
politiques mais également de la population civile. Et par cette
multiplicité d'acteurs, il n'est pas étonnant de devoir faire
part à des exigences propres à chacun de ses acteurs, qui
divergent, s'entrechoquent.
C'est dans ce contexte, que le Tribunal Pénal
International doit agir, dans cette lutte contre l'impunité, avec pour
dilemme omniprésent de concilier avec justesse la construction de la
paix et le respect de la justice. Pour ce faire, cette instance internationale
dispose de principes reconnus par l'ensemble de la communauté
internationale, à savoir l'indépendance et l'impartialité.
Face à l'action des différents tribunaux pénaux
internationaux et leurs études, ces deux objectifs paraissent
inconciliables pour certains. D'où des interrogations justifiées
au sein des juristes de la communauté internationale: que peut bien
signifier «réconciliation », comment un tribunal peut--il y
arriver? Ne s'agit--il pas d'un objectif politique plutôt que
juridique?
L' établis sement du TPIR n'est--il pas le
résultat de tractations politiques devant le Conseil de
Sécurité des Nations--Unies, menées suite à des
échecs politiques, diplomatiques et militaires retentissants ? 39
La recherche inexorable de la justice constitue un obstacle
à la paix, dès lors qu'un processus de réconciliation est
fragilisé, par le fait qu'il soit mis en place par le rôle
politique d'anciens chefs de guerre criminels tel que l'actuel Président
de la république Rwandais, Paul Kagamé. Puisque cette recherche
de la justice se verrait mise à mal par l'intérêt des
vainqueurs gouvernant habilement le Rwanda. Cependant pour la
Fédération Internationale des Droits de l'Homme, il ne saurait y
avoir de véritable paix sans justice et «fermer les yeux sur
l'impératif de la justice uniquement pour parvenir à un accord,
hypothèquerait ce dernier ».40 Il est
démontré à travers de nombreuses tentatives de
réconciliation, qu'aucune paix durable n'a pu s'établir sans
l'intervention indép endante du judiciaire.
3 9 Silence sur un attentat, le scandale du
génocide Rwandais, groupe d'experts internationaux, sous la
direction de Charles ONANA, éditions Duboiris, Avril 2003, p 8 3 -- 1 0
0
4 0« Pratiques constitutionnelles et politiques en
Afrique: dynamiques récentes» Conférence de
l'Organisation Internationale de la Francophonie--Bénin,, Cotonou,
29--30 s eptembre, 1er octobre 2005;.
La notion d'indépendance et d'impartialité
prend une valeur supplémentaire dans ce contexte. Une institution ne
saurait se prétendre judiciaire sans qu'elle ne soit
indépendante. Il est du devoir d'une instance internationale d'agir en
respectant ces principes, et de ne pas agir pour l'une ou l'autre version d'un
conflit. Or une impunité, même partielle, hypothèque tout
effort de réconciliation. C'est donc peine perdue d'espérer le
règlement durable du conflit Rwandais en laissant impunies les graves
violations des droits de l'Homme infligées à l'encontre de la
population Hutu lors du génocide. Ainsi de quelle réconciliation
peut--on bien parler lorsque des membres d'un seul groupe ethnique sont
maintenus en détention, lorsque les crimes avérés des
victorieux sont mis sous silence, et lorsque le pouvoir décide des
témoins, des accusés et exerce des pressions significatives sur
le procureur.41Enfin quelle volonté de réconciliation
peut faire l'impasse sur l'attentat commis le 6 avril 1994 contre l'avion
présidentiel rwandais?
La lutte contre l'impunité telle que menée par
le TPIR, et notamment en ne poursuivant qu'un seul groupe ethnique jette un
discrédit sur la motivation réelle de sa création. Car il
ressort que la création de cette institution fut guidée non pas
par la volonté de mettre sur pied une instance habilitée à
rendre justice, mais plutôt d'une naissance dans un climat
d'opportunité politique diverses. De même que cette mission de
réconciliation des peuples se retrouve mise en doute par le sentiment
d'avoir une instance pénale internationale oeuvrant pour une justice des
vainqueurs et violant par la même sa neutralité et son
impartialité. En effet il est perceptible au travers des
différents jugements que le TPIR n'est pas attaché à
procéder à un examen objectif de tous les aspects du conflit
rwandais, mais bien plutôt d'aspects qui servent les
intérêts des vainqueurs et du gouvernement de Paul Kagame. Certes
l'institution proclame son voeu que plus jamais ne se reproduisent des
massacres comme ceux du génocide Rwandais, mais « peut-on y
arriver sans que la vérité, toute la vérité, et
rien que la vérité soit dite ? » 42
4 1 Carla Del Ponte a été limogée de son
poste de Procureur du TPIR suites aux insistantes pressions du gouvernement
rwandais, et grâce à l'appui des gouvernements américain et
britannique, «Carla Del Ponte craint que Kigali n'exploite sa mise
à l'écart du TPIR », Agence France--Presse, 9 Aout
2003.
4 2 De l'invisible attentat aux faux experts: le combat des
avocats de la défense au Tribunal Pénal International pour le
Rwanda, Tiphaine Dickson «Silence sur un attentat,
Qui dit réconciliation dit forcément
vérité comme préalable. Or la vérité dans le
cadre du génocide rwandais est un idéal. Dans la
réalité des faits, ce qui est réellement attendu du TPIR
c'est l'existence d'un doute raisonnable concernant la culpabilité d'une
personne. C'est l'histoire même du génocide qui s'écrit au
fil des procès qui se déroulent à Arusha, et pour
comprendre le comportement criminel d'un accusé, l'étude du
contexte dans lequel il s'insère est un passage obligé. C'est
pourquoi lorsqu'il est attendu d'une institution internationale qu'elle soit
fédératrice, qu'elle contribue au processus de
rétablissement et de maintien de la paix, dans un pays composé de
différents groupes ethniques, elle ne doit pas chercher à
occulter une vérité qui prend corps au fur et à mesure des
procès, au risque de contrarier un gouvernement en place. C'est toute
cette subtilité qui ressort des propos de Tiphaine Dickson, «
la répétition, ad infinitum, du récit aimable et
convenable quant au «génocide des tutsis »franchise exclusive?
discrédite et subvertit toute notion de justice. Le fait d'occulter
toute la vérité n'honore en rien les victimes innocentes des
massacres: les hommes, les femmes, les enfants, et les vieillards, qu'ils
soient tutsi, hutu, twa ou congolais. Ils avaient tous le droit de vivre dans
un pays en paix. Et leur mémoire est trahie lorsque la justice refuse de
lever le voile sur les causes d'une guerre qui aura fini par les faucher, sans
procès. ».43
La certitude d'un génocide à l'encontre de la
population tutsi lors des événements de 1994 est un fait
irréfutable. Mais il est à rappeler que d'importantes tueries
à caractère systématique ont eu lieu entre avril et
septembre 1994 au fur et à mesure de l'avancée du FPR sur tous
les fronts44. Il y a donc eu plusieurs sites de massacres des
populations civiles exécutées par le FPR au cours de l'assaut
final d'avril--juillet 1994 et durant les mois qui ont suivi la victoire du FPR
sur les FAR en juillet 1994. 45 L' extermination des Hutus rwandais par le
régime FPR s'est notamment illustré dans la
le scandale du génocide Rwandais » groupe
d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, éditions
Duboiris, Avril 2003, p90--107.
4 3 De l'invisible attentat aux faux experts: le combat des
avocats de la défense au Tribunal Pénal International pour le
Rwanda, Tiphaine Dickson «Silence sur un attentat, le scandale du
génocide Rwandais» groupe d'experts internationaux, sous la
direction de Charles ONANA, ibid., p83-- 100
44 Cf.infra, La pratique du Tribunal Pénal International
pour le Rwanda : la face immergée de l'iceberg, p35--38
4 5 REYNTIENS Filip, Le Rwanda, les violations des droits de
l'homme par le FPR/APR, Plaidoyer pour une enquête approfondie,
Anvers, juin 1995.
destruction des camps de réfugiés hutu à
l'Est du Zaïre et les massacres de leurs occupants.46
L'espérance d'une action pour l'effectivité
d'une réconciliation nationale, ne peut avoir lieu dans ce contexte. En
effet « C'est en identifiant tous les criminels que le TPIR cassera
cette culture de l'impunité qui a toujours attisé la spirale de
la violence au Rwanda en particulier et dans la région des Grands Lacs
d'Afrique en général .»47Or aujourd'hui
« cette réconciliation est hypothéquée par des
poursuites sélectives et discriminatoires » 48. Le malaise est
d'autant plus perceptible que le 13 décembre 2000, dans une
conférence de presse à Arusha, Carla Del Ponte annonce
publiquement que des dossiers d'enquêtes sont constitués contre
les membres du FPR. Elle a demandé une coopération des
autorités rwandaises pour mener à bien ces poursuites. Mais cette
timide initiative de Carla Del Ponte de lancer des poursuites contre des
membres du FPR va lui valoir son éviction du TPIR. Ainsi il est
constant, depuis 16 ans, que seuls les Hutus aient fait l'objet de poursuites
parmi les cas connus du procureur. Les crimes graves pesant sur les Tutsis
membres du FPR ne semblent pas être à l'ordre du jour.
Engager des poursuites à l'encontre des tutsis membres
du FPR ayant commis des violations graves du droit international humanitaire
oblige le Tribunal Pénal International pour le Rwanda à revenir
sur le fil officiel de l'histoire du génocide Rwandais. Fil
fragilisé par une autre vérité, pointant une
réalité dérangeante autant pour l e gouvernement Rwandais
que pour la communauté internationale. La lutte contre l'impunité
ne peut s'accommoder de poursuites sélectives, au risque de contrarier
un équilibre politique arrangeant aux yeux de la communauté
internationale. Car dans ce cas, le citoyen du monde doit savoir que la lutte
contre l'impunité telle celle menée par le TPIR ne s'inscrit pas
dans un cadre de réconciliation des peuples, mais bien de
réconciliation partielle ou partiale d'un peuple. Ceci va à
l'encontre des principes de base attendus dans le cadre d'une justice
pénale internationale. Ainsi le TPIR s'enlise dans une tâche qui
n'est pas la sienne: écrire une histoire politiquement correcte,
alors
4 6 Lettre, KAREMERA Edouard, La vérité
d'abord, la justice ensuite, Janvier 2005, p 2--4
4 7 Jean--Pierre Edouard Komayombi, document, Rwanda,
jusqu'où va le calvaire d'un peuple, Avril 1996.
48 Lettre KAREMERA Edouard, ibid, p 17--18
que « L'histoire et la Justice ne peuvent s'écrire
à la fois, avec le même crayon, sans distordre l'un ou l'autre
» comme le pointe David Paciocco49
Or cette discordance se retrouve dans la pratique du TPIR, et
celle--ci se retrouve immergé car politiquement et juridiquement non
avouable.
49 Professeur à l'Université d'Ottawa, Canada.
B. La pratique du TPIR: la face immergée de
l'iceberg.
1. Une justice à deux vitesses entachant
l'effectivité de la mission du TPIR
La mission dévolue au TPIR à travers son statut
est de «poursuivre et de juger toutes les personnes
présumées responsables des crimes contre l'humanité et
autres violations du droit international humanitaire commis au Rwanda entre le
1er janvier et le 31 décembre 1994 ». L'article du
statut est suffisamment clair sur les personnes justiciables devant le
Tribunal. Aucun groupe ethnique n'est personnellement visé, et ceci est
rappelé dans la lettre du 1er octobre 1994, adressée
par le secrétaire général de l'ONU au Conseil de
Sécurité en s'appuyant sur les conclusions du Rapporteur
Spécial de la Commission des Droits de l'homme pour le Rwanda. Il est
explicitement indiqué que les personnes appartenant «à l'une
ou l'autre partie» du conflit armé ont perpétré des
crimes contre l'humanité.50De même que dans le rapport
du Secrétaire général de l'ONU servant de base à la
création du TPIR, il est précisé que l'institution aura
pour mission de juger avec impartialité et objectivité les
responsables des crimes commis par «les deux côtés en conflit
». En effet, de nombreux rapports accusent l'armée patriotique
Rwandaise (APR) de crimes de guerre, de crimes contre la paix et
l'humanité lors des évènements de 1994 au
Rwanda.51 Ainsi il était logique de s'attendre à ce
que le TPIR traduise en justice tous les présumés responsables
d'actes de génocide, de crimes contre l'humanité et des crimes de
guerre perpétrés par les deux parties en conflit au Rwanda,
durant la période couverte par la mandat du TPIR.
M ais alors, pourquoi pour certains le TPIR apparaît
comme un tribunal au service du régime du FPR installé au pouvoir
par la force des armes en 1994? S'agit -il là de remarques acerbes sans
fondement objectif, nourries de frustration à l'encontre de
5 0 Rapport préliminaire S/1994/1125 et S/1994/1405,
Commission Impartiale des Experts des Nations Unies sur le génocide
Rwandais de 1994; Boutros Boutros--Ghali et al., The United Nations and Rwanda,
1933--1996, New--york, July 1996
5 1 Rapports Human Right Watch, Amnesty international, le centre
International des Droits de la personne et du Développement
démocratique.
cette institution internationale, ou d'une
réalité bien connue? Pour tenter d'y apporter un
éclaircissement, il suffit de regarder les jugements rendus par le TPIR
lui--même, et de constater que chaque procureur du TPIR depuis sa
création, s'est contenté uniquement de poursuivre une seule
partie au conflit, à savoir les Hutus. Ainsi à première
vue, on peut penser qu'il n'y a eu des violations du droit international
humanitaire avérées que par les Hutus à l'encontre des
Tutsis. Malheureusement c'est occulter une partie de l'histoire, qui a toute
son importance, dans cette oeuvre de réconciliation des peuples.
En effet, il résulte de l'étude de l'ensemble
de l'action du TPIR, qu'aucun acte d'accusation n'a été
dressé à l'encontre de certains membres du FPR, et pourtant des
enquêtes, des rapports d'experts ont mis à jour depuis 16 ans,
l'existence de violations graves du FPR à l'encontre de Hutus lors des
événements de 1994. Il ne s'agit pas ici de tomber dans le
piège d'une discussion délicate concernant l'existence ou non
«d'un double génocide », mais de s'arrêter à des
faits concrets qui sans forcément atteindre la qualification de
génocide, constituent juridiquement des violations graves du droit
international humanitaire, tombant sous la compétence du mandat du TPIR.
Autrement dit la mission du TPIR se doit de se maintenir au service d'une
volonté non pas «de banalis er ou de neutraliser un crime par un
autre, mais d'affirmer une exigence de justice ». 52
Le FPR tuera des milliers de civils pendant les combats et
leur progression à travers la plupart des régions du Rwanda, mais
également durant l'établissement de leur contrôle sur
l'ensemble du pays. Au cours des affrontements, des personnes qui ne
participaient pas aux combats furent tuées ou blessées par le FPR
ou par les forces gouvernementales rwandaises, dans des attaques à
l'arme lourde ou lors d'échanges de tirs légers.
53Ainsi de nombreux civils furent tués par balles dans la
capitale, ainsi qu'à Byumbe et à Gitarama.54Bien
entendu, s'intéresser à l'existence de possibles exactions de la
part du FPR est une tâche ardue s'agissant d'un contexte de guerre civile
et de
5 2 « Cette interprétation de double
génocide n'est pas issue d'une volonté de banaliser ou de
neutraliser un crime par un autre, mais d'affirmer une exigence de justice
», Romy Brauman.
5 3 Filip Reyntjens et Serge Desouter, Rwanda. Les
violations des droits de l'homme par le FPR/APR. Plaidoyer pour une
enquête approfondie, Working papers Anvers, 1995.
5 4 Lettre de Joseph Matata au procureur général de
la Cour Pénal International, Bruxelles, 23 Février 2009.
conflit armé interne. Ce contexte permettait aux
dirigeants du FPR de déclarer que les miliciens seraient traités
comme des combattants, position conforme aux conventions internationales.
D'où les propos du commandant Wilson Rutayisire, porte--parole du FPR :
« Nous tuons les Interhamwes que nous rencontrons et nous allons
continuer à le faire ». Ce comportement sera d'ailleurs
cautionné par Paul Kagame en mai 1994: « les m iliciens
armés sur la ligne de front sont une cible légitime
».
Dans un certain nombre d'endroits, les soldats du FPR n'ont
pas pris la peine de faire la distinction entre les miliciens armés
potentiellement dangereux et les civils. Alison Des Forges s'attache à
relever cette violation du jus in bello, dans le chapitre 17 de son livre
«Aucun témoin ne doit survivre ». 55Ainsi, il est
indiqué:
· à Rutongo, au nord de Kigali, des soldats du FPR
auraient fait le tour des maisons pour assassiner des habitants qui
n'étaient pas armés.
· À Murambi dans la préfecture de Byumba, ils
tuèrent 78 personnes, dont 46 enfants entre le 13 et le 15 avril
1994.
· Lors de la prise par le FPR du complexe de
l'église de Kabgayi, où des milliers de Tutsi étaient
rassemblés dans des camps, des soldats du FPR tuèrent des civils
hutus et abandonnèrent certains des corps, les bras attachés,
dans les bois attenants à l'église.
L'ens emble des constatations du travail d'Alison Des Forges
repose sur des témoignages, des rapports d'Human Rights Watch/ FIDH. Ils
méritent d'être étudiés et mis en confrontation au
sein du TPIR, avec la même considération que celle accordée
aux témoignages et rapports faisant état du génocide des
Tutsis et de violations graves perpétrées à l'encontre de
la population tutsi.
En effet, il s'agit bien de violations au sens entendu par
l'article 5à/51 des conventions de Genève. De même, une
annexe à la lettre du 1er octobre 1994 de l'ancien
Secrétaire général de l'ONU, Boutros B. Ghali,
adressée au conseil de sécurité, détaille les faits
reprochés aux Hutus, mais également les paragraphes 79 à
83 détaillent les faits reprochés au FPR. Pareillement le rapport
de Robert Gersony, expert de nationalité
5 5 Des Forges Alison, pour Human Rights Watch,
Fédération Internationale des ligues des droits de
l'Homme,Aucun témoin ne doit survivre, Op.cit., p 817--840
américaine mandaté par le Haut Commissariat des
Nations Unies pour les Réfugiés, estime que le FPR avait
tué 25 000 à 45 000 personnes. D'autres rapports d'Amnesty
International sur les crimes contre l'humanité commis par l'APR en
avril--juillet 199456confirment ces diverses données.
C es exactions dans leur ensemble constituent
indéniablement des massacres systématiques et
généralisés perpétrés par l'APR
57. Ils peuvent être connus facilement du parquet du TPIR,
puisque les actes retenus dans la courte énumération ci--dessus
rentrent dans son mandat. C'est pourquoi la réflexion de Charles
Nderyehe est juste : « L'égalité devant la loi, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse, est le fondement même d'une
saine justice. Or force est de constater malheureusement que ce principe
essentiel a été superbement ignoré par le TPIR
».58 Cette impasse ne peut contribuer à faire
éclore la vérité sur le drame rwandais ni à
favoriser une base de réconciliation entre les Rwandais.
Alors que le Tribunal Pénal International pour
l'ex--Yougoslavie (TPIY) essaie de juger les deux parties au conflit, le TPIR
assure l'impunité aux membres du régime FPR malgré les
crimes avérés dont ils se sont rendus coupables depuis 1990 sur
le territoire rwandais. Ce constat illustre une différence d'approche
entre les deux Tribunaux Pénaux Internationaux face aux
événements pour lesquels ils sont mandatés.
La réalité d'une justice à deux vitesses
est révélée par une action du TPIR souvent divergente par
rapport à l'action et aux jugements du TPY. Or ce sont deux institutions
également créées pour promouvoir et harmoniser le droit
international pénal. Il est donc attendu qu'il y est une similitude dans
les lignes directrices. Or l'inégalité d'action apparaît au
vu du taux de condamnations à l'emprisonnement à vie, beaucoup
plus
5 6 Amnesty International, Rwanda, Reports of Killings and
abductions, by the Rwandese patriotic Army, April -August 1994, octobre
1994.
5 7 L'Armée Patriotique Rwandaise (APR): faction
armée et clandestine du Front patriotique Rwandais (FPR) de juillet 1994
à juin 2002. Depuis juin 2002 ce sont les Forces rwandaises de
défense (FRD).
5 8 Les raisons objectives de la faillite du TPIR dans la
réconciliation des Rwandais », Conférence
internationale sur le TPIR, la Haye du 14 au 15 Novembre 2009.
élevé au TPIR qu'au TPY.59
L'emprisonnement à vie semble être la règle au TPIR alors
qu'elle demeure l'exception au sein du TPIY. Une étude comparative
menée par les détenus du TPIR appuie ce constat.60
Les modifications régulières et intempestives
d'actes d'accusations incomplets, violent l'article 47 (c) du règlement
de procédure et de preuve,61 et conduit de ce fait à
des retards excessifs dans la conduite des procès contrariant ainsi
l'effectivité de l'article 20 4.(c) du statut du TPIR62. Or
devant le TPIY les actes d'accusation sont généralement conformes
à l'article 47 (c), et les retards excessifs dans les jugements y sont
pratiquement rares. En effet devant le TPIY, sur 60 cas examinés, 4
accusés seulement ont attendu plus de 5 ans avant d'être
jugés. En revanche devant le TPIR, sur 25 cas examinés, 12
accusés ont attendu plus de 5 ans.63
D e même alors que le principe du double degré
de juridiction semble prendre corps et sens au sein du TPIY, il n'en est pas de
même au sein du TPIR. Contrairement au TPIY, la chambre d'appel du TPIR
ne fait que confirmer les jugements rendus par les Chambres de première
instance. Les rares cas de modifications par la Chambre d'Appel des peines
infligées par les Chambres de première instance du TPIR se sont
toujours faits en défaveur des accusés.64 Par contre
au TPIY, la Chambre d'Appel a souvent modifié les peines en faveur des
accusés jusqu'à prononcer des acquittements contre des personnes
condamnées en première instance. La liberté
d'appréciation des juges semble être plus aisée au sein du
TPIY.
Enfin sur le plan de la libération anticipée,
des condamnés du TPIY ont bénéficié de cette mesure
alors qu'au TPIR cela n'est jamais arrivé. Un exemple peut être
cité : une
5 9 Sur 22 sentences prononcées au TPIR jusqu'en 2005,
12 sont des emprisonnements à vie(soit 54, 5 % des cas), tandis que sur
58 sentences prononcées jusqu'en 2005 au TPIY, 1 peine d'emprisonnement
à vie (soit 1, 7% )
6 0 «Mémorandum, une justice international
discriminatoire et à deux vitesses », Les Détenus du
Tribunal Pénal International pour le Rwanda, 31 octobre 2005.
6 1 Annexe 4, Règlement de Procédure et de
Preuve.
6 2 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda.
6 3 «Mémorandum, une justice international
discriminatoire et à deux vitesses », Les D étenus du
Tribunal Pénal International pour le Rwanda, 31 octobre 2005.
64 N°ICTR--97--20--A, Le procureur contre Laurent
Semanza, 20 mai 2005 : peine porté de 25 ans à 35 ans; et
N°ICTR--98--44A--T, le procureur contre Juvénal Kajelijeli, 1
Décembre 2003
requête introduite par le pasteur Elizaphan
Ntakirutimana, condamné à 10 ans d'emprisonnement ,alors
âgé de 80 ans et ayant effectué 9 ans en prison. Aucune
suite favorable n'a été donnée. Sur quels fondements
juridiques peut--on expliquer cette différenciation d'action entre le
TPIR et le TPIY? Il n'y en a aucune de tenable. Cette discrimination entre
détenus du TPIY et du TPIR est encore plus frappante quand on sait que
les rares personnes acquittées par le TPIR sont maintenues en prison
bien des anné es après leur acquittement, comme ce fut le cas
pour André NTAGERURA, et Emmanuel BAGAMBIKI. 65
En mettant en place ces deux tribunaux ad hoc dotés
d'instruments juridiques quasi identiques et d'une Chambre d'Appel unique, le
législateur avait entre autres l'intenti on d'assurer l'harmonisation et
l'équilibre entre les deux tribunaux et de promouvoir le droit
international. Or dans ce contexte de fin de mandat du TPIR, le constat est
amer. La pleine réalisation de sa mission de juger les
présumés responsables du génocide et des violations graves
du droit international humanitaire est en demi teinte, devant son refus de
poursuivre les membres du FPR ayant commis des exactions à l'encontre de
la population Hutu. De plus la discrimination existante entre le traitement des
accusés du TPIR et du TPIY, quand bien même ce sont deux instances
judiciaires créées par une résolution du Conseil de
Sécurité de l'ONU et ayant la même mission, renforce cette
méfiance envers l'institution du TPIR. Comment le TPIR peut--il
véhiculer un message de réconciliation des peuples au travers de
son action, si l'essence même de sa création est bafouée,
à savoir l'égalité. Cependant, le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda est une institution judiciaire devant rendre
justice avant tout. L'étude de cette institution fait rapidement
comprendre que malgré une volonté de rendre une justice juste et
équitable de par les membres qui la composent, cette tâche
s'avère d'une extrême complexité dès lors que des
intérêts politiques viennent peser dangereusement sur la balance,
symbole de justice.
6 5 N° ICTR--99--46--T, Le procureur contre André
NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE, 25 Février 2004
2. Une proximité alarmante entre le TPIR et le
pouvoir politique de Kigali.
Le contexte de création du TPIR peut permettre
d'expliquer ce poids du politique au sein de celui--ci. La résolution
portant création du TPIR émane du Conseil de
Sécurité, organe politique auquel il est légalement
soumis. En effet le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a
l'obligation de lui adresser un rapport annuel, et d'en recevoir des «
ordres ». De plus, les juges du Tribunal malgré le fait qu'ils
soient élus par l'Assemblée Générale sont
présélectionnés par le Conseil de sécurité,
avec notamment le droit de véto pour les cinq membres permanents. Ceci
découle de la lecture de l'article 12, paragraphe 3 du statut du TPIR.
De même différents organes de l'Organisation des Nations Unies,
comme son Secrétaire général, interviennent dans la
nomination du procureur du TPIR et des différents postes du Tribunal. Le
cadrage de ce tribunal est donc empreint d'une note politique
particulièrement présente à tous les échelons de
son fonctionnement. Cependant il serait illusoire de penser qu'une instance
internationale, représentant la communauté internationale dans
son ensemble puisse fonctionner sans une once de politique. Le TPIR est le
fruit de la création d'États, apportant leur contribution dans la
construction d'une justice internationale mais en gardant l'empreinte de leurs
intérêts respectifs. Il existe une donnée juridique qui
permet de faire face à une influence politique trop oppressante,
à savoir l'impartialité. Or celle--ci est également
douteuse. En effet la mission du TPIR est d'identifier tous les criminels,
quelles que soient leurs fonctions, ou leur appartenance ethnique, afin qu'ils
répondent de leurs actes individuellement selon le principe de la
responsabilité pénale individuelle,. Or son action et son
désir de répression ne semblent s'attacher qu'à la
poursuite des génocidaires Hutus. Quand bien même des preuves, des
enquêtes ont bel et bien démontré que la poursuite de
tutsis pour violations graves du droit international humanitaire était
de la compétence du Tribunal.
Cependant il faut savoir distinguer l'action de l'organe
judiciaire et celle des membres qui la composent, professionnels du Droit,
doués d'une indépendance et d'une impartialité
réelles. Mais parfois l'ampleur des responsabilités et la
grandeur de l'institution elle--même peuvent impressionner et faire
reculer les plus téméraires d'entre eux. L'exemple de la gestion
du dossier de l'attentat contre l'avion du président Juvénal
Habyarimana en est un exemple.
Le 6 avril 1994, vers 20 heures 30, un attentat contre
l'avion du président provoque le décès de celui--ci, du
président burundais et de leurs suites. Dès le lendemain de cet
attentat, les massacres à grande échelle ont commencé,
constituant le début du génocide Rwandais. Malheureusement
aujourd'hui, aucun élément ne semble être disponible sur
cet attentat et ses auteurs. Ce silence n'est qu'officiel, car officieusement
des enquêtes, des rapports ont été réalisés
sur cet événement. L'importance de cet évènement a
été mit en lumière par le rapporteur spécial des
Nations--Unies, René DEGNI SEGUI et la Commission d'experts mise en
place en vertu de la Résolution 935 de 1994. Celui--ci indiquait: «
l'accident survenu le 6 Avril 1994 et qui a coûté la vie au
président de la République Rwandaise, Juvénal Habyarimana,
semble bien être la cause immédiate des événements
douloureux et dramatiques que connaît actuellement ce pays», et
d'ajouter que « l'attaque contre l'avion du président doit
être examinée par le rapporter spécial, dans la mesure
où il peut y avoir des liens entre ceux qui l'ont commandité et
les responsables des massacres ». Les différents rapports de
l'ONU à ce sujet précisent clairement que cet
événement est l'élément déclencheur du drame
rwandais, « l'étincelle qui a embrasé ce pays en 1994
». Le conseil de Sécurité de l'ONU se fonde sur ces
éléments pour adopter la résolution portant
création du TPIR.66 Se pose alors la question de savoir
quelle est l'attitude du TPIR face à cet événement,
déclencheur du génocide, pour lequel il a compétence?
Le TPIR sait et mesure l'importance de cet
événement dans le déclenchement du génocide
Rwandais, que ce soit au travers des actes d'accusations élaborés
contre les personnes poursuivies, dont le parquet réaffirme le
caractère déterminant, ou encore des témoignages d'experts
lors de jugements, qui ont une position identique à celles des
spécialistes de l'ONU. Cette concordance poussait même le
procureur Carla Del Ponte à avoir ces propos : « s'il
s'avérait que c'est le FPR qui a abattu l'avion, l'histoire du
génocide devra être réécrite. Bien que cette
situation n'atténue en rien la responsabilité des
extrémistes Hutus dans la mort de centaines de milliers de personnes,
elle ferait apparaître le FPR sous un jour nouveau. Le FPR a
été jusque là considéré en Occident comme
victime et comme celui qui a mis fin au génocide.
»67 La profondeur de ces mots traduit toute la
6 6 Silence sur un attentat, le scandale du génocide
Rwandais, groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles
ONANA, op.cit., p73--82
6 7 Carla Del Ponte, interview au journal Aktuelt 17
mars 2000.
complexité et l'enjeu de cet événement,
à savoir l'impact que pourrait avoir la détermination des auteurs
de l'attentat sur les charges qui pèsent sur les accusés, et plus
particulièrement sur la question de « planification de
génocide ».
C ette conscience de l'importance de cet
événement et le silence entourant sa vérité est
visible dans la place accordée au non aux différents rapports et
enquêtes. Un ancien enquêteur du bureau du procureur, Monsieur
Hourigan, a rédigé en 1997 un rapport68 concluant que
des militaires du FPR ont participé à la planification et
à l'exécution de cet attentat, et que ces trois militaires se
sont ouverts à eux, et ont donné des élément
précis sur la manière dont les choses se seraient passées.
Ce rapport a par la suite été communiqué à l'ancien
procureur du TPIR, Madame Louise Arbour. Dans un premier temps, elle appuyait
ce rapport, pour rapidement conclure que cet événement ne
relevait pas de la compétence du TPIR, et ne devait dont pas faire
l'objet d'une enquête. Le 7 Février 1997, Me Tiphaine
Dickson, avocate dans le procès Rutaganda, plaide devant le TPIR une
requête visant à ordonner au procureur de rendre publics tous les
éléments de preuve qu'il détenait concernant l'attentat du
6 avril 1994, et l'Accusation de répondre : « Notre
responsabilité n'est pas de mener une enquête sur
l'écrasement de l'avion, ce n'est pas notre tâche ». En
décembre 1999, le procureur Carla Del Ponte ajoutait: « Si le
tribunal ne s'en occupe pas, c'est parce qu'il n'y a pas de juridiction en la
matière. Il est bien vrai que c'est l'épisode qui a tout
déclenché ». Or le tribunal dispose d'une
compétence temporaire (incluant l'attentat du président
HABYARIMANA) et matérielle (compétence du tribunal pour tout ce
qui attrait à la préparation du génocide) lui permettant
de poursuivre les auteurs de cet attentat.
Carla Del Ponte rappelait également qu'en 1998 le juge
français Jean--Louis Bruguière a ouvert une enquête
relative à l'attentat contre l'avion. Et celui--ci, après avoir
interrogé de nombreux témoins dans divers pays, avait recueilli
assez de preuves pour justifier un mandat d'arrêt international à
l'encontre de l'actuel Président Paul Kagame. Son enquête
concluait à la responsabilité des extrémistes hutus dans
l'attentat perpétré en Avril
68 Mémorandum interne, rédigé par Michael
Hourigan alors enquêteur auprès du Bureau des services de
contrôle interne des Nations--Unies, 1 er Aout 1997..
1 994 contre l'avion du président Habyarimana. Cette
enquête fut diversement accueillie et troubla par la suite, les relations
diplomatiques entre le Rwanda et la France. 69
L' es sentiel ici, est de comprendre qu'il existe encore
aujourd'hui, suffisamment d'éléments à la disposition du
TPIR, pour que celui--ci enclenche une procédure judiciaire, afin de
connaître les circonstances exactes de cet événement
déclencheur du génocide, et poursuivre ainsi ces instigateurs.
C ette incohérence juridique démontre bien la
partialité et la dépendance des actions du TPIR dépassant
un cadre purement juridique. En 2000, face à ce silence, à cette
attitude d'aveuglement de la part du TPIR, des voix se sont
élevées contre ces manoeuvres diplomatiques. Le procureur est
amené à faire part de son intention d'inculper des membres du FPR
pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis entre
le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Mais dans un rapport
officiel présenté le 24 juillet 2002 auprès du Conseil de
Sécurité de l'ONU, le procureur en chef Carla Del Ponte indique
que le gouvernement rwandais bloquait les procès du TPIR à Arusha
puisque le parquet s'était enfin résolu à inculper des
responsables du FPR au pouvoir à Kigali. En effet, dès son
intention de poursuivre des membres du FPR, le régime du
Président Paul Kagame exerçait des pressions telles qu'en 2003
avec l'appui des USA il obtient l'éviction pure et simple de Carla Del
Ponte comme Procureur du TPIR et son remplacement par le gambien Hassan Bubacar
Jallow dont la position est sans doute plus conforme à celle attendue
par le gouvernement de Kigali.
Cette immixtion du politique et plus particulièrement
du gouvernement Rwandais est chose courante au sein du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda. Cette proximité est telle qu'elle met en
péril la nécessaire indépendance et impartialité du
Tribunal. En effet suite au propos de Carla Del Ponte concernant son intention
de poursuivre des tutsis pour violations graves du droit international
humanitaire, le gouvernement rwandais a rendu pratiquement impossible le
déplacement des témoins convoqués à Arusha pour
témoigner. Ceci constitue d'ailleurs une violation flagrante des droits
de la défense et de la coopération exigée des états
signataires de la résolution
69 Annexe 5, L'enquête du juge Bruguière n'est pas
un vulgaire « Pétard mouillé ».
p ortant création du TPIR. Cette immixtion politique
entrave des garanties judiciaires, mais le TPIR ne peut pourtant pas la
dénoncer. Ce qu'une instance internationale indépendante et
impartiale, aurait fait sans aucune difficulté. Il est donc
compréhensible que le TPIR soit davantage à la recherche d'une
confiance auprès du gouvernement de Kigali, plutôt qu'à la
recherche d'une vérité et d'une justice dérangeante pour
ce gouvernement. Plus encore, un accusé, J.B . Barayagwiza a
été libéré le 3 novembre 1999 par la Chambre
d'Appel du TPIR. En réaction, le gouvernement de Kigali suspendait sa
coopération, précisant que sa reprise ne serait possible que si
le tribunal s'engageait à revenir sur la décision concernant
Barayagwiza70. Pareillement le gouvernement Rwandais a refusé
d'octroyer le visa d'entrée au Rwanda à Mme Carla Del Ponte.
71 Afin d'assurer un fonctionnement tant bien que mal des
poursuites, le procureur et la Chambre d'Appel furent obligés de
s'exécuter. Une requête en révision de la décision
d'élargissement fut déposée le 19 novembre 1999, et
l'audience eut lieu le 22 Février 2000.
Le gouvernement rwandais marque son emprise sur l'audience
par cette menace: « si les juges ne revenaient pas sur leur
décision, le tribunal cesserait de fonctionner ».72
Jean--Bosco Barayagwiza fut maintenu en prison.
Le choix entre le droit et la justice d'un côté
et la politique de l'autre est clairement opéré par la Chambre
d'Appel, à savoir celui de renforcer les relations de coopération
avec le TPIR, après qu'elles se soient distendues suite à
l'affaire Barayagwiza.
Le gouvernement de Kigali a publié en novembre 2002 un
communiqué d'une teneur agressive à l'encontre du procureur en
chef du TPIR Carla Del Ponte, à la suite de sa rencontre à La
Haye avec un groupe de leaders de l'opposition rwandaise en exil.
Enfin il est à retenir qu'un siège a
été octroyé à un représentant du
gouvernement Rwandais afin d'assurer les relations entre Kigali et le TPIR.
Ceci n'est en rien une
7 0 Communiqué du Gouvernement rwandais diffusé
par Radio Rwanda le 6 novembre 1999
7 1 NGIRABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice, op.cit.p 48 0 -- 5 0 0
7 2 Transcription de l'audience du 22 février 2000 ,
de l'affaire N° ICTR--99--52--T, Le procureur contre Ferdinand NAHIMANA,
Jean--Bosco BARAYAGWIZA, Hassan NGEZE, 3 décembre 2003.
émanation juridique mais bien diplomatique et non
prévue par le statut du TPIR. Or, le TPIR n'est ni une entité
étatique, ni une organisation inter--étatique, mais bien une
entité judiciaire, qui n'a nul besoin d'accepter un représentant
officiel d'un pays, qui plus est celui du Rwanda, partie au conflit.
Procéder ainsi, c'est bafouer l'une des garanties essentielles d'un
procès équitable: montrer une collusion avec l'une des parties au
conflit, une partialité rendue publique, sans état d'âme.
Augustin Ngirabatware peut souligner que la représentation émane
d'un gouvernement dirigé par une équipe dont certains membres
sont justiciables devant la juridiction internationale. La crainte des avocats
de la Défense quant à l'équité des procès et
la sécurité des détenus est amplement légitime
devant cette volonté du représentant rwandais occupant une
fonction au TPIR « d'opérer à l'intérieur du Tribunal
».
D ans ce climat, nous pouvons comprendre la crainte des
détenus, des conseils de Défense, mais aussi des
défenseurs des droits de l'homme devant des propos tenus par
différents procureurs du TPIR, donnant leur soutien et accord à
la volonté du gouvernement rwandais de voir se tenir des audiences au
Rwanda.
Il suffira ici de rappeler les motivations diverses qui ont
conduit à installer le siège du TPIR à Arusha en Tanzanie.
Il était notamment défendu la volonté de préserver
l'indépendance et la neutralité du tribunal et de ses juges et
d'assurer la sécurité des magistrats, celle des accusés et
de leurs Conseils. La conduite des procès au Rwanda accroîtrait
encore davantage cette immixtion du politique dans la tenue des affaires
judiciaires. Le gouvernement rwandais a accentué sa volonté
d'ingérence en réclamant notamment d'être autorisé
à participer au choix des enquêteurs de la Défense. Ce qui
fut refusé par le greffier du TPIR.
C ette crainte est justifiée au regard de la pratique
de la justice Rwandaise actuellement en vigueur concernant le génocide
Rwandais. Tout d'abord plusieurs milliers de personnes sont actuellement
emprisonnées dans les prisons du Rwanda, dans des conditions
déplorables. De nombreux rapports d'organisations non gouvernementales
font état de violations de standards attendus concernant les conditions
de détention de détenus. D'après le témoignage d'un
co--conseil d'une équipe de défense, s'étant rendu sur
place, il y existe des personnes détenues depuis plus de 15 ans sans
aucun dossier, subissant des conditions de vie déplorable
générées par une surpopulation carcérale
dérais onnable . Cet état de fait s'appuie sur
une procédure juridique particulièrement dangereuse et bafouant
le principe de la présomption d'innocence.
En effet pour être libéré, le FPR exige des
détenus de se déclarer coupables. Les innocents refusant ce
procédé d'auto culpabilisation se trouvent alors
pénalisés.
Face à l'ampleur de la tâche devant le nombre
croissant d'arrestations et de détenus, le gouvernement de Kigali a mis
en place les tribunaux GACACA. La terminologie de ces GACACA n'est qu'une
façade, protégeant la réalité du but poursuivi par
l'instauration de ces tribunaux. Les propos de Kenneth ne pouvant être
lus ainsi: « Les tribunaux Gacaca sont devenus un des outils de
répression...que le gouvernement rwandais a établi au niveau
communautaire pour juger les auteurs présumés du
génocide... Comme beaucoup de Rwandais s'en sont rendus compte,
être en désaccord avec le gouvernement ou faire des
déclarations impopulaires peut facilement être qualifié
d'idéologie du génocide, punissable par des peines allant de 10
à 25 ans. Cela laisse peu d'espace politique pour la dissidence.
»73 De l'avis de nombreux experts, ces tribunaux sont bien
au deçà des standards internationaux des droits de l'Homme.
74 Dès lors qu'à la lecture de la loi instaurant les
GACACA, il est à comprendre que la loi autorise les juridictions Gacaca
à connaître des accusations de crimes de guerre, crimes contre
l'humanité, et de génocide, à l'exception de ceux commis
par les membres du FPR et de son armée. Actuellement seuls sont
jugés les membres de la communauté hutu suspectés
d'implication dans le crime de génocide envers les Tutsis. Dans ce
contexte, les propos de Charles Ndereyehe lors d'une conférence
internationale sur le TPIR, à La Haye le 15 novembre 2009 prennent tout
leur sens : « Comme il fallait s'y attendre, les juridictions Gacaca n'ont
pas été mises en place pour désengorger les prisons, mais
pour servir d'épurateur au régime du FPR».
L'ensemble des défenseurs des droits de l'homme et
leurs associations, les ONG, des membres du TPIR sont fermement
opposés en ce contexte de fin de mandat du TPIR au transfert
d'affaires du TPIR aux juridictions rwandaises, suspectées par leur
manque
7 3 Kenneth Roth, La puissance de l'horreur au Rwanda, Los
Angeles Times, 11 Avril 2009 74 Amnesty International, Rwanda: Genocide
suspects must not be transferred until fair trial conditions met, 2
novembre 2007.
d'indép endance et d'impartialité. Opposition
d'autant plus vivace, que ce transfert est également
décrié par des associations locales rwandaises75
Il est patent que l'action de la justice internationale, au
travers du TPIR est entravée par une pression politique de la part du
gouvernement rwandais, ne laissant pas les juges et procureurs maîtres de
leurs actions. Le souci d'une justice saine et équitable se trouve
entravé par ce refus de mettre à jour une version des faits
pouvant mettre en branle la stature politique actuelle du Président en
exercice au Rwanda. Dès le processus de création du TPIR, le
politique occupe une place centrale. Il s'agit de préserver une version
officielle du génocide rwandais afin de ne pas brusquer les
intérêts de chaque État, partie au processus de
réconciliation du peuple rwandais, pour ainsi mettre dans l'ombre
d'éventuelles négligences (fautes?) dans la gestion du drame
rwandais, quand il était encore possible d'y mettre un frein.
C ependant comme l'énonce Bernard Lugan: « La
véritable histoire du génocide du Rwanda s'écrit devant le
TPIR lors des longs procès qui s'y déroulent. Jour après
jour, c'est une tout autre vision du drame qui apparaît, avec une totale
remise en cause des postulats énoncés il y a une décennie.
Et pourtant, l'acte d'accusation demeure figé sur ces certitudes
anciennes ( ...).Les accusés subissent donc une procédure violant
leurs droits, puisqu'ils sont poursuivis selon un acte d'accusation
obsolète ». 76Or, il est attendu d'une justice
internationale souhaitant oeuvrer pour la réconciliation des peuples,
d'être attentive et évolutive face aux événements
qu'elle doit juger. Son impartialité, et son indépendance face
à des intérêts politiques ou non d'une des parties aux
conflits, est gage de son exemplarité et de sa confiance. Le doute
profitant à l'accusation en matière pénale, le doute
raisonnable sur l'histoire du génocide telle qu'elle est
véhiculée par l'actuel gouvernement rwandais, doit pousser le
TPIR a s'émanciper du joug politique afin de retrouver toute sa stature
et sa crédibilité dans un contexte de fin de mandat de
celui--ci.
La politique répressive unilatérale
actuellement poursuivie par le TPIR , avec cette chape de plomb d'un
gouvernement rwandais oppressant, conduit le Tribunal à mettre en
péril les garanties essentielles d'un procès équitable,
auquel tout accusé,
7 5 Annexe 6, Rapport Réseau International pour la
promotion et la Défense des Droits de l'Homme au Rwanda,
7 6 LUGAN Bernard, Rwanda, Contre enquête sur le
génocide, Editions Privat, 2007, p255
même du pire crime peut prétendre. Cette
attitude conduit ainsi à discréditer sa mission première
de juger les présumés responsables de génocide et
violations graves du droit international humanitaire et d'oeuvrer ainsi
à la réconciliation des peuples et au maintien de la paix.
II . Une lutte contre l'impunité mettant en
péril les droits des accusés.
Ce contraste d'une lutte contre l'impunité apparente
d'une part, et immergée d'autre part entraîne
inéluctablement des conséquences sur les droits des
accusés, malgré une volonté textuelle affirmée
assurant la protection de leurs droits fondamentaux (A). Mais le constat de
leur application au sein de cette institution internationale assombrit le
principe d'équité attendu dans toute juridiction internationale.
(B)
A. Une volonté textuelle affirmée
assurant la protection des droits fondamentaux du droit des accusés.
1. Au niveau international: une mappemonde
protectrice.
Une juridiction internationale est une juridiction
créée par un accord entre États (par exemple l'Accord de
Londres, le Statut de la Cour Pénale Internationale) ou par un acte
dérivé d'une organisation internationale. C'est ainsi qu'en ce
qui concerne plus précisément le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda, il découle de la création d'une
résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
L'arti cle 14 du Pacte International relatif aux droits
civils et politiques(PIDCP) du 16 Décembre 1996, reconnaît
à toute personne le «droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal compétent,
indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera
soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil ». Il découle de cet article
que la protection des droits de la défense repose tant sur les garanties
procédurales spécifiques au droit pénal que sur les
attributs essentiels de la fonction juridictionnelle. Cet article pose le
principe de garanties juridictionnelles réelles, à savoir des
garanties qui assurent à l'accusé qu'il est jugé par un
tribunal légalement constitué et en application des règles
de droit. Ce souci de l'effectivité de ces différentes garanties
par les acteurs de la justice internationale est visible, notamment à
travers le travail d'analyse, d'étude, de questionnement ressortant dans
les différentes décisions jurisprudentielles des tribunaux
pénaux internationaux.
Ainsi dans l'affaire Dusko Tadic, la Chambre d'appel a
vérifié la qualification du TPIY, comme un «tribunal
établi par la loi ». Pour cela, son raisonnement est de
considérer que le tribunal international est «établi par la
loi» dès lors que ses règles de composition et de
procédure garantissent les droits de la défense. C'est ainsi
qu'au travers de ce raisonnement, les droits de la défense de la
personne individuelle, jugée par un tribunal formé par la
communauté internationale, constituent «la clef de voûte du
système, en conciliant les attributs du droit « international»
et « pénal» ».77
Les instruments universels de protection des droits de
l'Homme et notamment le PIDCP doivent être respectés par les
tribunaux internationaux créés sous l'égide des Nations
Unies . C'est pourquoi les garanties procédurales prévues par
l'article 14 des pactes ont été visées tant par le
Secrétaire général que par les tribunaux. Il ne s'agit pas
ici de dresser la liste de l'ensemble des droits de la défense.
Cependant il peut être noté qu'en mati ère d'accusation en
matière pénale au sein du PIDCP, la présomption
d'innocence (article 14 paragraphe 2) est protégée, tout comme le
droit à un double degré de juridiction (article 14 paragraphe
15), le principe de non bis in idem (article 14 paragraphe 7), ainsi que des
garanties procédurales relatives à l'information et à la
défense de l'accusé (article 14 paragraphe 3). Quant à
l'article 15 du même texte, il impose le respect des principes de
légalité des délits et des peines et de non--
rétroactivité de la loi pénale.
Ensuite, la mappemonde protectrice au niveau des sources
internationales trouve également son expression au sein des Conventions
de Genève et leurs Protocoles additionnels. Ce sont des traités
internationaux contenant les règles fixant un cadre dans un contexte de
guerre. L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève constitue
une référence dans la protection des différents droits et
notamment ceux des accusés, en interdisant plus particulièrement
le meurtre, les mutilations, la torture (...) et les procès
inéquitables. Cet article confirme une exigence de procès
équitable, incluant donc le respect des droits des diverses parties au
procès : exigences que 194 États parties, dont le Rwanda et la
Tanzanie doivent respecter.
7 7 « Les droits de la défense », in
H. Ascensio, E. Decaux, A. Pellet (dir.), Droit international pénal,
Pedone, 2000, p. 791
Les droits de la défense sont des droits
proclamés textuellement, cependant face à la rigidité
textuelle, il est permis aux tribunaux pénaux internationaux de pouvoir
agir en adé quati on avec le contexte particulier dans lequel ces droits
s'exercent. Cette adaptabilité est louable et peut permettre une
meilleure effectivité de ces droits. Dans l'affaire Duko Tadic, la
chambre d'appel semble vouloir ainsi éviter une multitude de recours
fondés sur les textes précités de protection des
différents droits, notamment de ceux de la défense. En effet la
chambre d'appel suggère que les tribunaux pénaux internationaux
sont bien tenus de respecter les droits de la défense, tant en
interprétant, voire adaptant la définition de ces garanties
à la lumière du contexte particulier dans lequel ils agissent,
celui de l'ordre international. 78
D e ce fait, il est impératif que le Tribunal
Pénal International pour le Rwanda, inscrit dans un cadre de justice
internationale, intervienne dans une indépendance et une
impartialité exemplaires. Or dans un contexte de joug politique sur
l'institution judicaire, le danger de cette décision de la chambre
d'appel est d'inciter, légitimer certaines interprétations
restrictives des droits fondamentaux et notamment ceux des accusés.
De plus les décisions des tribunaux pénaux
internationaux se réfèrent aux sources universelles mais aussi
régionales par l'utilisation des conventions africaines,
américaines et européennes des droits de l'Homme. S'il est
difficile de définir leur place précise dans la hiérarchie
des instruments juridiques utilisés par les tribunaux pénaux
internationaux, ces conventions représentent un appui non
négligeable dans cette recherche de protection et d'effectivité
des droits des accusés. Ceci peut être illustré dans
l'exemple suivant: si les garanties de l'article 6 de la CEDH ne sont pas
respectés devant le TPIR ou TPIY les États coopérants
pourraient se voir imputer la violation de la Convention Européenne des
Droits de l'Homme.79 De même l'arrêt de la CEDH S.W et
C.R contre Royaume Uni, 22 novembre 1995 , montre bien que le principe de
légalité s'applique non seulement en matière de droit
pénal de fond (incrimination, sanction)
78 IT--94--1--AR72, 2 octobre 1995, paragraphe 42.: Relatif
à l'appel de la défense concernant l'exception
préjudicielle d'incompétence.
79 CEDH, Soering contre Royaume-Uni, 7 juillet 1989,
à propos de l'extradition.
mais aussi en matière procédurale ou de droit
pénal de forme. Ainsi donc le principe de légalité est
garanti par des textes internationaux, régionaux mais aussi à
l'article 18 de la constitution du Rwanda.
C ette protection des droits de la défense est
assurée également à l'article 7 de la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, du 27 Juin 1981, qui contient notamment le
droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une
juridiction impartiale. Enfin l'article 8 de la convention américaine
relative aux droits de l'homme contient l'ensemble des garanties judicaires
auquel un individu peut avoir droit.
D e cette mappemonde textuelle des droits de l'homme, il en
ressort une exigence d'indépendance et d'impartialité, qui est
renforcée par la notion large de « procès équitable
», tel qu'elle ressort clairement de l'article 6 paragraphe 1 de la
Convention Européenne des droits de l'homme. Toute la difficulté
consiste à donner un contenu à ces notions.
L'indépendance du TPIR se mesure au fait qu'il ne peut
être soumis à des ordres ou à des instructions provenant de
l'extérieur de la juridiction. Le tribunal doit pouvoir prendre ses
décisions uniquement sur la base des règles de droit et
conformément à son intime conviction. Or évoluer au sein
d'une équipe de Défense au sein de cette institution
internationale, permet de saisir la difficulté de l'exercice. 80
L'impartialité quand à elle présuppose
l'indépendance mais davantage encore. Définir
l'impartialité comme une absence de préjugé ou de parti
pris est cependant insuffisant car il existe deux façons de
l'apprécier: subjectivement et objectivement. L'impartialité
subjective s'apprécie eu égard aux dispositions personnelles des
magistrats composant le Tribunal mais elle est difficile à
caractériser puisqu'elle impli que de sonder les individus. En revanche
l'impartialité objective se rapporte quant à elle aux apparences.
Ainsi dans l'arrêt de la CEDH du 27 Aout 2002 Didier contre France,
l'impartialité objective consiste à se demander si
«indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains
faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de
ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent
revêtir de l'importance ».
8 0 Cf infra, un constat de violations assombrissant ce principe
d'équité, p 59
La Cour Européenne des droits de l'Homme apporte son
approche concernant le sens que doit revêtir l'impartialité dans
l'arrêt Piersack du 1 er octobre 1982. En effet la Cour
Européenne des Droits de l'Homme va retenir l'impartialité
objectif au regard de « la confian ce que les tribunaux d'une
société démocratique se doivent d'inspirer aux
justiciables ». La juridiction doit donc offrir des garanties
suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.
Ici aussi l'exercice semble périlleux au sein du TPIR, dès lors
qu'il est constaté que seuls des Hutus ont été
jugés et condamnés 81
Pourtant cette mappemonde protectrice des droits de l'Homme,
et soucieuse d'une justice indépendante et impartiale se retrouve au
coeur même des bases textuelles encadrant le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda.
8 1 Cf.supra, «la pratique du TPIR: le face immergée
de l'iceberg, p 35 et s.
2. Au niveau du TPIR : une liberté
d'interprétation.
Le statut du TPIR régissant les procédures
internationales pénales en cours, confèrent une place au droit de
la défense. Ceci est clairement établi à l'article 18
paragraphe 3 relatif aux droits du suspect, et l'article 21 relatif aux droits
des accusés dans le statut du Tribunal Pénal International pour
l'ex Yougoslavie. Concernant le Tribunal Pénal International pour le
Rwanda, il s'agit des articles 17 paragraphe 3 et 20 du statut du TPIR et
article 55 et 67 du statut de la Cour Pénale Internationale. La stricte
réglementation de l'acte d'accusation est prévue aux articles
17.4), 20.4° du statut du TPIR,82 et article 47 B) et C) du
Règlement de procédure et de preuve.83
Le droit de l'accusé est encadré aux articles
17.3 du statut du TPIR concernant le droit d'être défendu, et
l'article 20 du statut du TPIR concernant les droits de l'accusé. Afin
de saisir l'interprétation qui est faite par le TPIR de l'ensemble de
ces droits, il est judicieux d'analyser ces droits à la lumière
de décisions jurisprudentielles. Ainsi dans l'affaire Akayesu,
l'appelant a demandé que son mémoire soit traduit afin de
respecter son droit à être compris par les juges. Sa demande fut
acceptée par la chambre au motif qu'une bonne administration de la
justice et une égalité de traitement des parties l'imposent. Dans
cette affaire, l'accusé a également présenté deux
motifs d'appel concernant le fait d'avoir été privé du
droit d'être défendu par le conseil de son choix et d'avoir
été privé du droit à un conseil compétent.
Ici la Chambre d'appel a retenu «en principe, le droit à
l'assistance gratuite d'un avocat ne confère pas le droit de choisir
celui--ci », et que «en pratique l'accusé indigent a la
possibilité de choisir parmi les avocats figurant sur la liste ».
En revanche concernant le droit à un avocat compétent, la chambre
répond que la compétence de l'avocat est une présomption
qui ne peut être renversée que par la preuve du contraire. Or en
l'espèce, la preuve du contraire n'a pas été
rapportée.
Autre jurisprudence intéressante, concernant
l'application d'un droit à l'égalité des armes entre
l'Accusation et la Défense. Dans l'affaire Kayishema et
Ruzindana84, la
8 2 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda.
8 3 Annexe 4, Règlement de procédure et de preuve
du TPIR.
8 4 N° ICTR_95--1--A, Le procureur contre Clément
KAYISHEMA et Obed RUZINDANA, jugement, 1 Juin 2001.
Défense a demandé des informations sur les
moyens matériels d'enquête dont disposait l'Accusation afin
d'exiger un équilibre avec ceux de la défense sur la base du
principe de l'égalité des armes. Ceci a donc conduit la chambre
à interpréter le sens de l'article 20 du statut du TPIR, et
celle--ci a conclu qu'il s'agissait davantage d'une égalité de
droits, que de moyens entendus comme les méthodes et ressources. En
effet pour la chambre d'appel, l'égalité des armes entre la
Défense et l'Accusation ne signifie pas nécessairement une
égalité matérielle. Cette approche est beaucoup plus
restrictive que celle de la chambre d'appel du TPIY sur cette question, qui
conclut qu'il faut s'assurer que chaque partie doit avoir une chance
raisonnable de défendre ses intérêts, sans être dans
une situation désavantageuse par rapport à l'autre.
85Elle sous--entend que la défense des intérêts
de chacune des parties se fait également à travers des
méthodes et ressources et que l'égalité des armes comprend
donc aussi un aspect matériel. De même que pour le Cour
Européenne des droits de l'homme, l'égalité des armes ne
s'entend pas nécessairement comme une égalité stricte,
mais à tout le moins, qu'il faut éviter que, pour
l'établissement de la preuve, une partie soit dans une situation de
«net désavantage » par rapport à une
autre86
C oncernant l'obligation d'informer le prévenu des
charges qui pèsent contre lui dans les plus brefs délais, qui
constitue une composante du droit à un procès équitable,
la chambre d'appel a été amenée à y répondre
dans l'affaire Barayagwiza87. Puisque sur le fondement du
délai raisonnable de la procédure et de l'absence d'information
prompte de l'accusé, la Chambre d'appel a décidé de la
remise en liberté de l'accusé. Par cette décision, la
chambre d'appel démontre que le TPIR dispose donc d'instruments et de
moyens juridiques lui permettant de mettre fin à la poursuite d'un
accusé en cas de violations graves des droits de l'accusé.
Le droit au procès équitable est prévu
à l'article 19 du statut du TPIR concernant l'ouverture et la conduite
du procès, l'article 21 concernant la protection des victimes et
témoins et l'article 22.2 sur la motivation du jugement et enfin les
articles 24 et 25 du
8 5 N °IT--94 -- 1 -- R, Le procureur contre Dusko
TADIC, jugement du 15 juillet 1999, paragraphe 48.
8 6 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 23 octobre
1993, série A, n° 274, JCP 1994, I, n°3742, note F. Sudre.
8 7 N° ICTR--97--19, Le procureur contre J.
BARAYAGWIZA, 3 novembre 1999.
Statut du TPIR pour l'appel et la
révision88. Ici il est intéressant de relater l'acte
d'appel présenté par Kayishema89, qui s'articule
autour de cinq points, pour soulever l'iniquité de son procès.
Tout d'abord la question de l'indépendance du tribunal, puis
l'égalité des armes, la présomption d'innocence, le
principe du contradictoire, et les délais de communication de
pièces. La chambre d'appel va apporter des précisions sur
l'interprétation qui doit être faite de ces différents
droits, notamment sur la question de l'indépendance du tribunal. Ainsi
elle considère que l'impartialité du juge se base sur un
critère subjectif, l'indépendance du tribunal est basée
quant à elle sur un critère objectif « en tant qu'organe
judiciaire dont la compétence est définie par la
résolution 955 du Conseil de Sécurité, il agit en toute
indépendance par rapport aux organes des Nations Unies ». Ensuite
dans l'affaire Rutaganda90, la chambre de première instance
a, exceptionnellement, autorisé la défense à ajouter trois
nouveaux témoins à sa liste initiale, au motif qu'il en allait de
l'intérêt de la justice.
Enfin, dans l'affaire Kayishema et Ruzindana91,
les juges ont affirmé que «le principe du droit au procès
équitable fait partie du droit international coutumier. Il est
confirmé par plusieurs instruments internationaux, notamment l'article 3
commun aux Conventions de Genève... ». Ou encore dans le jugement
Akeyesu, la chambre de première instance du TPIR faisait
déjà référence aux droits de l'accusé
«tels que reconnus par l'article 14 du Pacte International des Nations
Unies relatif aux droits civils et politiques ». L'illustrati on de la
jurisprudence démontre les sources diverses et variées sur lequel
s'appuie le TPIR pour mettre en pratique la textualité des droits
inscrits dans son statut et dans son règlement de procédures et
de preuves.
C ependant il est à noter que cette place
accordée aux droits de la défense ne constitue qu'un bref passage
au sein du corpus du statut du TPIR et de son règlement de preuves et de
procédures. En effet l'ensemble des autres dispositions est presque
exclusivement consacré aux structures du greffe, des juges et du
procureur, sans aucune prévision de structuration symétrique du
contre--pouvoir de la défense. Car il faut savoir que la Défense
est un organe indépendant, qui ne fait l'objet d'aucune disposition
concernant
8 8 Annexe 3 : Statut du Tribunal Pénal International
pour le Rwanda.
8 9 N° ICTR--95--1--A, Le procureur contre KAYISHEMA et
RUZINDANA, 1 er Juin 2001.
9 0 N° ICTR--96--3--T, Le procureur contre
RUTAGANDA, 6 décembre 1999.
9 1 N° ICTR--95--1--A, Le procureur contre KAYISHEMA et
RUZINDANA, 1 er Juin 2001.
son fonctionnement, ses structures, son budget au sein du
statut du TPIR. Un déséquilibre organique, renforcé par
deux possibilités de sanctions «abus de procédure », ou
« entrave à la procédure» ou «actes contraires
à l'intérêt de la justice », largement utilisé
par les juges au cours des procès. D'autant plus que ces
possibilités de sanction sont laissés à
l'appréciation arbitraire du juge et échappent pour l'essentiel
au contrôle d'une juridiction d'appel. Ainsi lors de la tenue des
procès, cette possibilité de sanctions ouverte aux juges et
l'utilisation qu'ils en ont fait, est incompatible avec le droit absolu pour
une défense d'user de tous les moyens de fait et de droit dès
lors qu'ils ne sont pas déloyaux et respectant la morale. Dans la
pratique cette possibilité de sanction est utilisée en
dépassant les limites de sa création. Sa pratique s'apparente
à un moyen d'évincer le droit absolu de la défense de
soulever et soutenir librement toutes contestation de fait et de droit.
Le statut du TPIR assure entre autres des garanties
fondamentales tels que la légalité du tribunal, les droits de la
défense ou encore la règle de non bis in idem. C oncernant la
légalité du tribunal, il est intéressant de faire un lien
avec la décision du TPIY dans l'affaire Tadic, afin de savoir si le TPIY
était un tribunal établi par la loi au sens de l'article 6--1 de
la CEDH et 14--1 du PIDCP. Pour répondre à cette question, la
chambre d'appel s'est penchée sur le critère organique, en
énonçant que l'expression « établi par la loi»
pouvait viser, en droit international, la création d'un tribunal par un
organe non parlementaire mais «doté du pouvoir de prendre des
décisions contraignantes ». Tel était le cas du Conseil de
sécurité de l'ONU dont la résolution portant
création du TPIR, constitue une mesure contribuant au
rétablissement et au maintien de la paix au Rwanda. Un autre appui de la
chambre d'appel réside dans un critère fonctionnel où les
juges énoncent que pour être un «tribunal établi par
la loi », la j uri diction doit « offrir toutes les garanties
d'équité, de justice et d'impartialité, en toute
conformité avec les instruments internationalement reconnus relatifs aux
droits de l'homme ». La chambre d'appel concluait alors que ces garanties
sont assurées devant le TPIY.
Un raisonnement par analogie serait la voix la plus facile
concernant le TPIR, d'autant plus qu'à la lecture du statut du TPIR et
de son règlement de procédure et de preuve, cela semble
être le cas. Mais une toute autre lecture peut contrecarrer une telle
pensée. En effet c'est au regard de leur effectivité que ces
droits font difficulté. Certains des
droits de la défense peuvent effectivement entrer au
conflit, du point de vue de la communication des pièces (avec le droit
des témoins), garder l'anonymat (avec les intérêts d'un
Etat à ne pas divulguer certains secrets). Étant entendu que
devant les tribunaux pénaux internationaux, le système est
fortement accusatoire, il est à craindre un déséquilibre
entre l'accusation et la défense, la première disposant de moyens
particulièrement plus importants.
S'agissant de la répression des crimes internationaux,
les garanties de protection de la Défense paraissent plus
aisément réalisables devant des juridictions constituées
dans l'ordre International que par celles des États concernés par
l'infraction. Le risque pour les tribunaux internes est d'avoir de
sérieuses difficultés à remplir la condition
d'impartialité. En effet « dès lors que les autorités
étatiques sont dans de nombreux cas impliqués dans le conflit,
les juridictions ordinaires se trouvent dans l'impossibilité soit
d'assurer la répression, soit de garantir effectivement les droits de la
défense; de fait leur indépendance semble également
compromise, du moins tant que le conflit n'est pas effectivement
résorbé ». Or à la lumière des
développements précédents, une grande interrogation peut
être soulevée concernant le TPIR. Certes, celui--ci, n'est pas le
fruit direct d'une création étatique impliquée dans le
conflit mais bien d'une instance internationale, à savoir le Conseil de
sécurité de l'ONU, non partie au génocide Rwandais de
1994. Seulement au vu de certains éléments l'indépendance
de cette institution n'est pas avérée et semble être sous
le joug politique du gouvernement rwandais qui manie avec subtilité les
rênes de cette institution judiciaire. De ce fait l'impossibilité
de garantir effectivement les droits de la défense peut être
craint au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
Aucune spécificité du droit international
pénal et de la procédure internationale pénale ne dispense
les États et les organes des Nations Unies de respecter ce que l'on
appelle communément « les droits de la défense »
lorsqu'ils décident de créer une juridiction. Le Conseil de
sécurité dans les résolutions 808 (1993) et 955 (1994)
pose clairement que la traduction en justice des responsables des crimes en
ex--Yougoslavie et au Rwanda s'impose comme un moyen de restauration et de
maintien de la paix. Par cette mappemonde protectrice, il est à
comprendre l'importance que l'institution se doit de présenter les
caractères essentiels de la justice et de protection des droits
fondamentaux. En d'autres termes, créer un processus
juridictionnel, sanctionnant la responsabilité des individus, suppose
les droits de la défense. Sinon les décisions prises suivent le
schéma d'une décision administrative, où les droits de la
Défense n'ont que très peu de place. Dès lors la logique
protectrice des droits fondamentaux va nécessairement contenir la
logique répressive du droit pénal international.
Cette force textuelle de protection des droits,
appuyée de jurisprudences diverses, agit comme un trompe l'oeil au
regard d'une pratique mettant en doute l'effectivité de ces droits
venant d'une mappemonde protectrice et évolutive, désireuse de
protéger toujours plus les droits fondamentaux des droits de l'homme. La
volonté de l'organe judiciaire qu'est le TPIR d'agir avec
équité est perceptible au travers de jugements rendus, de
décisions relatives à certaines requêtes. Mais cette
volonté se débat dans les sables mouvants de politisation
oppressante fragilisant les bases de sa construction.
B) Un constat de violations assombrissant ce principe
d'équité du TPIR.
1. Garanties du procès équitable
bafouées.
D'emblée il est intéressant de constater une
réalité textuelle démontrant de manière objective
l'existence d'une certaine logique de condamnation de la part du TPIR. En effet
à la lecture des textes réglementant le statut et le
fonctionnement du TPIR, il n'existe aucune disposition portant sur
l'acquittement, pas plus que de dispositions pouvant porter sur l'indemnisation
de la détention préventive en cas d'acquittement. Ceci
démontre clairement la logique répressive du TPIR faisant ainsi
de l'ombre à ce principe premier et essentiel qu'est la
présomption d'innocence. Cette réalité est
accentuée par le recours systématique à la
détention provisoire.92
Ensuite il est judicieux de s'attarder sur l'examen de l'acte
d'accusation en tant que matrice des faits et des incriminations qui doivent
être prouvés par le ministère public. C'est une
pièce maitresse, car c'est l'instrument de saisine du tribunal. Il qui
doit en tant que tel décrire les faits reprochés à
l'accusé de façon claire et exhaustive et indiquer les textes
d'incriminations violés, de même que les qualifications
légales applicables en l'espèce. La stricte réglementation
de l'acte d'accusation est prévue à la fois dans le statut du
TPIR (article 14 et 20.4), mais aussi dans son règlement de preuve et de
procédure (articles 47 B et C).93 Après l'acceptation
de l'acte d'accusation, le suspect acquiert le statut d'un accusé. Son
importance étant capitale dans la conduite d'une procédure de
jugement, l'acte d'accusation se doit légitimement de suivre les
garanties et contribuer à la pleine réalisation des droits de la
défense.
O r dans de nombreuses affaires, et notamment celle de C.
Nzabonimana, l'acte d'accusation énonce de nombreuses
imprécisions, alors même que celui--ci doit être un gage de
clarté et d'extrêmes précisions. Tel que l'emploi de
l'expression « ou avec d'autres» ayant compromis l'incrimination
d'entente en vue de commettre le génocide,
9 2 N° ICTR--98--44C--T, le Procureur contre
André RWAMAKUBA, Décision relative à la requête
de la Défense en juste réparation, 31 janvier 2007.
9 3 Annexe 4, Règlement de Procédure et de Preuve
du TPIR.
p erm ettant plus facilement d'ajouter ou de substituer
n'importe quel autre individu.94 D e même qu'un recours au
style impersonnel, alors même que ce sont les faits, et donc la
désignation d'un sujet agissant qui permettent d'établir la
responsabilité pénale individuelle, clairement définie
dans l'article 6 du statut du TPIR.
Enfin cette garantie d'une préparation sérieuse
et préalable dans la conduite de la Défense est sans cesse mise
en difficulté par des actes d'accusation variables tombant au gré
des pluies, souvent sans raison apparente ni valable. Ce fut notamment le cas
dans l'affaire de M.X, ou l'acte d'accusation initial fut modifié
à deux reprises. Mais aussi dans une affaire Y, ou un premier acte
d'accusation fut dressé en septembre 2001, suivi d'une modification,
intervenant près de 5 ans plus tard, soit en octobre 2006. Il s'agissait
d'une modification nullement anodine et sans conséquence mais bien au
contraire elle portait sur des éléments substantiels du premier
acte d'accusation, juste un mois avant le début du procès
(novembre 2006). Cela peut encore être l'introduction de nouveaux
éléments à charge visant des faits matériels qui ne
figuraient pas dans l'Acte d'accusation initial, ou encore la suppression de
faits matériels pourtant présent dans le document initial. Devant
des incriminations aussi graves comment peut--on préparer avec
équité une défense digne de ce nom, lorsque la base des
poursuites est mouvante? Est--ce respecter le droit de l'accusé à
être informé, dans le plus court délai, dans une langue
qu'il comprend et de façon détaillée, de la nature et des
motifs de l'accusation portée contre lui ? Est--ce également
respecter son droit de disposer du temps et des facilités
nécessaires à la préparation de sa défense en vertu
de l'article 20(4)a) et b) du Statut? Clairement non.
De plus, alors qu`en matière pénale, le fardeau
de la preuve incombe au Procureur, au Tribunal Pénal International pour
le Rwanda, les rôles sont souvent inversés et c'est à
l'accusé que l'on demande de prouver qu'il est innocent. Au lieu de
profiter au prévenu, le doute profite ainsi à l'accusateur. Cet
inversement de la charge de la preuve pourrait ne pas soulever de
difficulté plus profonde en matière des droits de la
défense, si les preuves rassemblées par la Défense
étaient par la suite prises en considération à leur juste
valeur. Cependant dans la pratique du TPIR, même lorsque l'accusé
parvient à
9 4J EAN--PIERRE FOFÉ DJOFIA MALEWA, La question
de la preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda: Le
cas Cyangugu, points de vue concrets, Edition L'Harmattan, 2006, ISBN:
2--7475--9361--4, p141--150.
démontrer son innocence, ses preuves ne sont pas
prises en compte dans le jugement. Parfois même la Chambre
n'hésite pas à dénaturer les faits ou à inventer
elle--même des faits qui n'ont jamais existé, ni
avérés, pour condamner. Ce fut le cas dans l'affaire de Ferdinand
Nahimana et Emmanuel Ndindabahizi, ou le premier fut condamné en
première instance en tant que Directeur de la TTLM alors qu'il avait
fourni la preuve qu'il ne le fut jamais. 95
Au sein de l'affaire en cours de Calixte Nzabonimana, il existe
une autre atteinte au droit à un procès équitable.
C allixte Nzabonimana est actuellement détenu par le
Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Suivant l'acte d'accusation
actuellement en vigueur, il est accusé de cinq chefs d'accusation
(génocide, entente en vue de commettre le génocide, incitation
directe et publique à commettre un génocide, extermination
constitutive de crime contre l'humanité et assassinat constitutif de
crime contre l'humanité). Plusieurs des infractions reprochées
à Callixte Nzabonimana se déroulent pendant la période du
7 au 11 avril 1994. Or Calixte Nzabonimana se défend contre ces
accusations en invoquant notamment une défense d'alibi, puisqu'il
était, pendant cette période, réfugié à
l'ambassade de France à Kigali au Rwanda. Les informations et documents
permettant de confirmer son alibi pour cette période sont détenus
par la France. L'importance de ces documents est saisissable dès lors
qu'ils supportent sa défense d'alibi. Ainsi le TPIR a enjoint la France
à plusieurs reprises de fournir à Nzabonimana les informations
qu'il recherchait. Malgré les demandes répétées du
TPIR, les informations et la possibilité de les utiliser n'ont jamais
été données à Callixte Nzabonimana. Ce refus
conduisait la chamb re du TPIR chargée de juger Callixte Nzabonimana
à demander au Président du Tribunal de dénoncer la France
au Conseil de Sécurité, dans une décision du 4 mars 2010.
Suite à cette décision, la France, après plus d'un an, a
partiellement mis en oeuvre les ordonnances répétées
à son égard, en communiquant des télégrammes
incomplets et une liste de documents, sans par ailleurs mettre en place des
mesures qui permettraient aux conseils de C.Nzabonimana de rencontrer ces
personnes pouvant attester ou non de sa présence à l'Ambassade de
France à Kigali lors des événements de 1994. Par cette
9 5 N° ICTR--99--52--T, Le Procureur contre Ferdinant
Nahumana, Jean--Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze, 3 décembre 2003,
paragraphe 559 et 567.
conduite la France a compromis le droit de Callixte
Nzabonimana à un procès juste et équitable, en particulier
en le privant des facilités nécessaires à sa
défense et en l'empêchant d'obtenir la comparution de
témoins d'alibi cruciaux.
C' est ainsi que le refus de coopérer de la France
viole l'article 6 paragraphe 1, et 6 paragraphe 3(b) et (d) de la Convention
européenne des droits de l'homme garantissant à tout
accusé le droit à un procès équitable. En effet
Calixte Nzabonimana est victime d'un manquement de la France à ses
engagements de coopération et d'assistance, découlant de sa
signature du Tribunal Pénal International pour le Rwanda et
également comme membre du Conseil de Sécurité de l'ONU. Or
il a été souligné dans l'arrêt Salduz contre la
Turquie que c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un
procès équitable doit être assuré au plus haut
degré possible par les sociétés démocratiques.
D'ailleurs l'article 6 de la CEDH impose à l'état une obligation
positive.96Ainsi l'essence des garanties juridiques prévus
à l'article 6 de la CEDH est non seulement d'offrir à un individu
la possibilité de se défendre contre les accusations auxquelles
il fait face, mais de s'assurer que le droit à cette défense soit
effectif. Mais dans cette affaire, la conduite de la France fait en sorte que
Callixte Nzabonimana est incapable de se défendre effectivement contre
les infractions reprochées. C'est pourquoi fin Avril, une requête
à été introduite par l'équipe de Défense de
M. Callixte Nzabonimana auprès de la Cour Europé enne des droits
de l'Homme, relativement à ce manquement de coopération et
d'assistance de l'état Français.
O utre le droit à l'égalité des armes et
des moyens, les droits de la défense supposent également que
l'accusé ait le droit d'interroger les témoins à charge et
d'obtenir la convocation et l'interrogatoire des témoins de la
défense dans les mêmes conditions que les témoins à
charge. Les droits de la défense commandent d'accorder une occasion
adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge
ou à décharge et d'en interroger l'auteur.97 Or en
l'espèce l'absence de toute confrontation, du fait de la
délivrance d'information incomplète par l'État
français sur les témoins présents prive en partie Callixte
Nzabonimana du droit à un procès équitable. La France ne
peut se retrancher derrière un quelconque intérêt
légitime pour refuser de communiquer avec
9 6 Cour Européenne des Droits de l'Homme, Artico
contre Italie, 13 mai 1980
9 7 Cour Européenne des Droits de l'Homme, Saïdi
contre France, 22 septembre 1993.
précision les données essentielles permettant la
mise en lumière d'un élément de preuve déterminant
dans la défense de Callixte Nzabonimana.
Par cette attitude la France contrevient également
à l'article 28 du statut du TPIR98 qui instaure cette
obligation de coopération et d'assistance de la part des États
signataires de la résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU. Il faut donc prendre en compte le fait que les juridictions
internationales pénales et donc le TPIR ne peuvent fonctionner qu'avec
la coopération des États. Si les garanties de l'article 6 ne sont
pas respectées devant le TPIR, il peut être attendu que les
États coopérants se voient imputer la violation de la Convention
à la lecture de nombreux arrêts de la CEDH tel que Soering contre
Royaume--Uni, du 7 juillet 1989.
Ensuite concernant l'article 20 du statut du TPIR
énonçant que «toute personne contre laquelle une accusation
est portée en vertu du présent Statut a droit d'être
jugée sans retard excessif », certaines irrégularités
peuvent être relevées au sein du TPIR. Un exemple pour illustrer
ce propos: dans l'affaire X, l'accusé a été
arrêté en juillet 2001, mis en détention en septembre 2001,
et son procès n'a commencé qu'en novembre 2006, soit après
soixante quatre mois de détention provisoire.
A ce propos, une remarque peut être formulée sur la
question de la détention provisoire au niveau du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda.
Le règlement de procédure et de preuve encadre
les conditions d'une détention préventive en son article 64
99. L'incarcération du prévenu pendant la durée
de l'instruction et du procès est un procédé qui est
reconnu dans l'ensemble des système s p énaux. Cependant les
textes internationaux confèrent généralement un
caractère exceptionnel à la détention préventive,
puisqu'au regard de la présomption d'innocence, la règle doit
être la liberté. Cette règle est présente dans les
textes internationaux à vocation universelle comme dans les textes plus
régionaux. Ainsi le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques dispose en ces termes que «la détention de personnes qui
attendent de passer en jugement ne doit pas être la règle (...)
». Cette
9 8 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda 9 9 Annexe 4, Règlement de procédures et de preuves.
disposition se trouve appuyée par la Convention
Européenne des Droits de l'Homme qui reconnaît à toute
personne le droit à la liberté. 100 La
détention préventive est donc l'exception, et ce postulat est
d'autant plus visible dans les conditions qui encadrent le recours à
cette détention préventive. En effet elle ne doit être
ordonnée que si la loi l'autorise et s'il existe des motifs raisonnables
de penser que les intéressés sont impliqués dans les
infractions dont il est fait état, et si on peut craindre qu'ils ne
prennent la fuite, ne commettent d'autres infractions graves ou n'obstruent
gravement le cours normal de la justice si on les laisse en liberté.
101 Or suite à l'étude de l'ensemble des cas
portés devant le TPIR depuis sa création, il en ressort que non
seulement l'esprit et la lettre du Statut du Règlement de
procédure et de preuve du TPIR font de la détention le
régime de droit, et de la liberté le régime d'exception.
Mais également par C `est une pratique bien réelle du TPIR depuis
sa création: chaque accusé y ayant été
présenté a fait l'objet d'une détention préventive
d'une durée pouvant parfois poser des diffi cultés au regard de
la garantie des droits de l'accusé, et notamment de l'article 20 du
statut du TPIR.
Le débat sur la définition des termes
«juger dans un délai raisonnable », ou encore «sans
retard excessif» existe autant devant les juridictions nationales,
qu'internationales. Présentement dans notre exemple, il est plus avenant
de s'interroger sur l'existence d'une définition « interne»
aux tribunaux Internationaux. Puisque l' organi sati on et l'ampleur d'un
procès à l'échelle internationale, et d'une tout autre
nature, qu'un procès au niveau national et régional. Ainsi dans
l'affaire Bizimungu102, la Chamb re d'appel avait estimé que
pour déterminer si le temps passé constituait un délai
raisonnable ou excessif, il fallait considérer:
la durée du délai écoulé,
la complexité des procédures,
1 0 0 Convention Européenne des Droits de l'Homme »,
article 5 paragraphe 1
1 0 1 Huitième Congrès des Nations Unies
pour la prévention du crime et le traitement des délinquants,
La Havane, 27 août --7 septembre 1990 : rapport établi par le
Secrétariat, chap. I. sect. C, résolution 17, par. 2.
1 0 2 N° ICTR-99-50-T Le Procureur contre
Casimir Bizimungu et al, Decision on Prosper Mugiraneza's Interlocutory
Appeal from Trial Chamber II Decision of 2 October 2003 Denying the Motion to
Dismiss the Indictment Demand Speedy Trial and for Appropriate Relief, 27
février 2004, p.3.
· le comportement des parties tout au long de la
procédure,
· le comportement des autorités pertinentes
· le préjudice subi par l'accusé.
La pratique et la réalité des faits de notre
affaire concernant ces conditions vont permettre de saisir cette
problématique de l'effectivité de l'article 20 du statut du
TPIR.
Relativement à la durée du délai
écoulé dans l' affaire M. X, la détention
préventive de soixante quatre mois peut soulever de légitimes
questions quant à s outenir que ce délai d'attente de l'ouverture
d'un procès se tiendrait dans un délai raisonnable. Ensuite,
l'affaire M. X, n'est pas des plus complexes, puisqu'il s'agit d'un
accusé qui est poursuivi en tant que défendeur unique, qui
n'était ni une autorité politique ni une autorité
militaire. S'agissant du comportement des parties, il est intéressant de
constater dans cette affaire que le retard excessif de ce procès peut
être légitimement imputé au Procureur. Il a usé de
son jeu de «gain de temps» pour son enquête par la
multiplication des modifications de son acte d'accusation, qui plus est sur des
éléments substantiels, entraînant ainsi des retards dans la
procédure. De plus le comportement des organes du tribunal a
également contribué à porter préjudice à
l'accusé. En effet, à la suite d'une requête du Procureur
en modification de l'acte d'accusation datant de novembre 2005, il a fallu
attendre presque une année entière pour que la Chambre rende sa
décision. Elle ne sera rendue qu'en septembre 2006, soit un mois avant
le début du procès, privant ainsi celui--ci, de son droit de
disposer du temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense en vertu de l'article 20(4)b) du
Statut.103 Enfin en ce qui concerne précisément le
préjudice subi, il est évident: la modification substantielle de
l'acte d'accusation, plus de cinq ans après l'arrestation de
l'accusé, entrave gravement ses droits à disposer du temps et des
facilités nécessaires à la préparation de sa
défense. M. X n'a pas disposé des cinq années de
détention préventive pour préparer une défense aux
nouvelles charges.
C ette affaire n'est pas une exception dans la tenue des
procès et de l'application concrète des droits des accusés
au sein du TPIR. C'est une constatation déplorable qui p eut être
relevée de manière plus ou moins flagrante dans de nombreux
autres procès.
1 0 3 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International
pour le Rwanda.
Pour conclure sur cette question de l'effectivité de
ce droit à être jugé dans un délai raisonnable,
n'est--il pas scandaleux d'avoir des procès commencés en 2002
(Affaire Militaire I), 2004 (Affaire Militaire II) , et toujours actuellement
en cours en 2010 ? Huit années de procès, ajoutées
à des années de détention préventive ne
violent--t--ils pas le droit d'être jugé dans un «
délai raisonnable », assuré par l'article 20 du statut du
TPIR?
Il ne s'agit pas ici de dresser un pamphlet sur l'action du
Tribunal Pénal International, mais bien de rendre compte de violations
évidentes et connues de certains droits des accusés. Dans un tel
contexte, devant des faits aussi lourds, d'une cruauté terrifiante et
d'une proportion sans précédent, il n'est pas aisé de
dénoncer de telles situations. Cependant cette dénonciation
s'appuie sur une volonté de promouvoir une justice équitable et
saine à l'échelle internationale, soutenu par une visée
d'exemplarité. La logique protectrice des droits fondamentaux va
nécessairement pouvoir «contenir» la logique répressive
du droit pénal, et plus particulièrement de la justice
internationale.104 L'enjeu est de mettre en balance un désir
de répression légitime avec l'effectivité de garanties
procédurales. Ceci s'avère être une tâche ardue dans
la pratique des juridictions nationales et plus particulièrement du
TPIR.
1 04 Les droits fondamentaux: inventaire et
théorie générale, Edition Université Saint--
Joseph, Centre d'études des droits du monde arabe, Renée KOERING
JOULIN, Droits fondamentaux et droit pénal international, Novembre
2003.
2. Équilibre difficile entre désir de
répression et garanties procédurales.
Il est certain que le désir de répression
devient néfaste dès lors qu'il s'évertue à passer
outre la recherche de garanties procédurales optimales. Or au travers de
la pratique du TPIR, ce désir de répression agit comme un raz de
marée, sur le fétu de paille des garanties procédurales
attachées au droit des accusés.
Dans le contexte particulier de la tragédie rwandaise,
des doutes persistent sur la valeur des témoignages sollicités
alors que le témoignage est un élément central dans la
conduite des procès. C'est d'autant plus vrai que la procédure
appliquée devant le TPIR est en partie inspirée de la
procédure accusatoire anglo--saxonne dans laquelle le témoignage
est un élément de preuve capital. Le premier doute qui peut
être relevé concerne la valeur des témoignages de
l'accusation. En effet lors de l'étude du parcours des témoins de
l'accusation, il est souvent relevé que ceux--ci ont été
sélectionnés et préparés par les associations des
victimes du génocide,105 tel que IBUKA, et AVEGA. Or ces
associations sont des émanations du gouvernement de Kigali. Ensuite,
dans l'affaire de M.Y, deux témoins qui étaient initialement
cités comme des témoins à charge, ont ensuite contacter
les avocats de la défense, afin d'être entendus comme
témoins à décharge. Ces deux témoignages ont alors
permis de mettre en lumière une pratique judiciaire douteuse, à
savoir l'existence de fabrication de faux témoignages et intimidations
des témoins à décharge. De même dans une autre
affaire106, des témoins prisonniers de la défense ont
fait part au Tribunal de leur regrettable expérience lorsqu'ils ont
décidé de venir à Arusha témoigner à
décharge pour Aloys Simba. Ils ont subi toute sorte d'humiliations, de
brimades, de traitements dégradants et inhumains tout en ayant
essuyé des mises en garde de la part de hauts responsables du TPIR.
Beaucoup font également l'objet de pressions et de menaces de mort de la
part de hautes personnalités du régime en place à
Kigali.
D e plus, les détenus politiques poursuivis et
condamnés au Rwanda sous le régime de la loi interne constituent
inévitablement pour le gouvernement Rwandais une
1 0 5 N GI RABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice, Op.cit., p 460 1 0 6 SADIKOU AYO ALAO,
Conférence des Avocats près le TPIR, les décisions du
TPIR peuvent-elles permettre la réconciliation des rwandais ?, La
Haye 14, 15 novembre 2009
mine de témoins de complaisance recrutés sur la
promesse de remises de peines ou de meilleures conditions de détention.
Bien entendu la véracité de leurs propos peut être mise en
doute mais il est un principe fondamentalement reconnu dans toutes les j uri
dictions et dans toute relation humaine: celui de la présomption de
bonne foi et de vérité dans toute parole. Ainsi même si un
doute peut exister, doit--on pour autant rester de marbre devant cette
répétition de situations au sein des affaires portées
devant le TPIR. Des requêtes à ce sujet ont d'ailleurs
été portées par les conseils de la Défense
relativement à cette question. 107Mais plus encore, ces
considérations subjectives peuvent être appuyées par un
procédé de «plaider coupable », institué par la
loi organique du 30 Aout 1996 au Rwanda. Pour être recevable au titre
d'aveu, la déclaration du prévenu doit contenir une description
détaillée de l'infraction (date, endroit, témoins,
victimes, biens endommagés), ainsi que des renseignements relatifs aux
co--auteurs et complices (article 53). Cette loi conditionne la
recevabilité de l'aveu sur son caractère complet, motivé,
et s'il comporte dénonciation d'un tiers. Est--ce une pratique attendue
dans le cadre d'une justice équitable? Il est plus facile de passer
outre ce type de pratique, car ne pas y passer outre, c'est mettre à
néant la plupart des jugements rendus, et c'est surtout affecter la
crédibilité, le travail du TPIR, pas seulement à
l'échelle régionale mais bien devant la communauté
internationale et ses supports financiers et politiques à l'aube de
l'achèvement de son mandat. Effrayant bilan.
Le drame rwandais est une réalité
indéniable. Ses auteurs doivent être poursuivis et
réprimés de manière stricte et circonscrite aux vrais
planificateurs d'une telle entreprise, de quelque bord qu'ils puissent
être. Mais la nécessité pour les uns d'utiliser l'arsenal
du TPIR pour parachever la quête du pouvoir politique a conduit le TPIR
à encourager un véritable détournement de
procédure, notamment en matière de témoignage. Parfois on
peut regretter une rupture de l'égalité des armes, lorsque par
exemple dans un procès, quarante sept allégations sont
relevées mais seulement une trentaine de témoins
autorisés. En effet, la rupture de l'égalité se comprend
dans le fait qu'il est déjà difficile pour un témoin de
retranscrire près de quinze après les faits sa perception des
événements, et qu'en plus pour répondre à une ligne
de défense efficace,
1 0 7 N° ICTR 98--41--T, Le procureur contre
Théoneste Bagosora et consorts,Décision relative à
la requête portant sur l'allégation d'intimidation de
témoins, 28 décembre 2004.
les témoins sont alors choisis pour témoigner
sur plusieurs allégations. La crédibilité et la vigueur de
ces témoignages peuvent en être émoussées de ce
simple fait. Le schéma idéal dans une défense est de
pouvoir présenter un témoin pour une allégation. Inutile
d'ajouter que les moyens allégués et le temps alloués
à l'Accusation pour ces enquêtes sont en
déséquilibre avec ceux accordés à la
défense. En effet, dans certains dossiers, le Procureur a disposé
d'une durée de 8 ans pour réunir ses preuves et les
présenter, alors que le contexte d'achèvement du mandat du TPIR
conduit à donner à la défense de pourvoir à sa
réplique en moins de 3 ans.
C oncernant les moyens, le Rwanda joue un rôle
important dans l'approvisionnement des témoins. En effet de par son
rapport politique avec le TPIR, il facilite considérablement
l'approvisionnement du Procureur en témoins. Alors que la défense
est obligée de parcourir le monde pour les trouver dans la diaspora,
d'user d'enquêteurs hors pairs pour les retrouver et les convaincre de
venir témoigner, et d'utiliser des moyens nécessaires à
leurs collectes. Bien entendu, le règlement du Tribunal a prévu
que les accusés bénéficieront d'un système
d'assistance juridictionnelle, encore que ce système soumette la prise
en charge des frais des défenseurs à l'accord préalable de
leur programme par le greffe.
Ensuite le désir de répression ensorcelé
de démons se constate dans l'analyse approfondie du travail et de la
(non)rigueur du Procureur dans l'élaboration de l'acte d'accusation. En
effet dans l'affaire de M Y, le désarroi est criant. De nombreux
paragraphes d'allégations constituent son acte d'accusation. Un exemple
portant sur un paragraphe d'allégation conduit à saisir cette
soif de répression entachée de malhonnêteté . Ainsi
une allégation portait sur une accusation d'incitation directe au
génocide par l'accusé, à l'aide d'un mégaphone,
lors d'un déplacement en voiture de celui--ci. Le témoin de
l'accusation, à ce moment--là se trouvait emmitouflé dans
une botte de foin, en hauteur, dans des plantations de caféiers,
à plus de 500 mètres de la route. Il dit avoir pu voir clairement
l'individu se trouvant dans la voiture avec ce haut parleur. Et pour ce
témoin, l'identité de cet individu est l'accusé de cette
affaire. Aucun problème à ce niveau. Le travail des
enquêteurs de l'équipe de défense dans ce dossier a
été, par bon sens, de se rendre sur place, et de procéder
à une reconstitution des faits, à l'aide de matériaux
permettant de retranscrire l'action (mètres, appareil photo,
caméra). À la
suite de cette reconstitution, la conclusion faite par les
enquêteurs est qu'il s'avère impossible, de l'endroit et dans la
position dans laquelle se trouvait le témoin à charge, de pouvoir
identifier l'individu en voiture portant un mégaphone. Cet exemple
illustre clairement le manque de rigueur et de professionnalisme de
l'équipe du Procureur, car il sera conclu que celle--ci ne s'est jamais
rendu sur place, au Rwanda, auprès de cette route, pour confronter les
assertions de leurs témoins avec la réalité du terrain.
Est--il conforme à la loi et aux droits de l'homme que de tels actes
d'accusation portant sur des événements d'une telle
gravité, puissent être réalisés avec autant de
légèreté? Il est dés olant de penser que cette
attitude soit bénéfique pour la défense d'un
accusé, car plus aisé ainsi d'apporter la preuve de sa non
présence sur les lieux d'allégations diverses.
Le désir de répression «à tout
prix» semble justifier la durée des détentions provisoires
et de la durée des procès. En septembre 2008, un détenu
depuis le 23 juillet 1997, assistant depuis plus de sept ans à son
procès devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda,
demande à son avocat de mettre le tribunal devant ses
responsabilités en raison de délais qui jusqu'à
présent n'avaient jamais été égalés. En
effet dans une requête du conseil principal, il est signalé que
les 668 jours d'audiences font de ce procès le «plus long
procès de l'histoire pénale moderne ». La dernière
liste établie par le tribunal indiquait que la durée moyenne des
détentions avant jugement était de huit ans et vingt jours. Ainsi
ce détenu, ayant vécu jusqu'à présent onze ans et
un mois de détention préventive, considère que ce
délai «excède, et de loin, toute conception de procès
équitable tenu dans un délai raisonnable », porté par
les articles 19 et 20 du Statut du TPIR. Cela est conforté par une
analyse comparative avec le TPY: sur quatre affaires presque similaires
à celle de ce détenu, car mettant en scène des co--
accusés sur des faits de génocide et de crimes de guerre, aucune
n'y aura dépassé les trois ans et sept mois de procès. De
même aucun des accusés du TPIR n'a bénéficié
jusqu'à présent d'un seul jour de libération provisoire
contrairement à de nombreuses autorisations accordée par le
TPIY.
La procédure actuellement mise en place au sein du TPIR
sert ce désir de répression faisant de l'ombre aux garanties du
procès équitable. La procédure s'exerçant au TPIR
est celle du common law, autrement dit «procédure accusatoire
». Cette procédure est un système de justice qui s'appuie
principalement sur les compétences,
habiletés des avocats des parties plaignantes et
défenderesses pour défendre leur version des faits. Ces
compétences et habiletés jouent un rôle fondamental afin de
développer la crédibilité de chacun des parties
plaignantes et défenderesse, et ainsi pouvoir convaincre le jury ou le
juge, du bien--fondé de leurs prétentions. Nous pouvons
comprendre dès lors l'impact de ce type de procédure dans le
fonctionnement actuel du TPIR. L'absence d'organe d'instruction
indépendant et impartial rend l'exercice des droits de la défense
plus aléatoire puisqu'il lui incombe de produire, par ses propres
moyens, les preuves qui lui sont favorables.
Les inégalités de temps, de moyens entre
l'accusation et la défense au sein d'une procédure accusatoire,
renforcent pour l'une ou l'autre des parties les violations des garanties
attendues pour un procès équitable, notamment en matière
de temps et de moyens nécessaires pour construire une défense.
Indéniablement si une inégalité d'arme existe entre
l'accusation et la défense, les juges qui ont le rôle de
déterminer la vérité de la cause selon les
éléments de preuve déposés devant la cour
pencheront d'avantage pour un côté de la balance, symbole pourtant
d'une justice équitable et impartiale. Ainsi dans la procédure
accusatoire du TPIR, un doute raisonnable peut émerger concernant le
rôle du juge en charge d'être un arbitre impartial entre les
parties. Face à ce constat, une procédure mi--accusatoire,
mi--inquisitoire trouve toute sa place, d'autant que cette procédure
mixte est en oeuvre au TPIY. Ceci permettrait d'avoir une politique de
répression respectant le principe de l'égalité des armes
avec une instruction à charge et à décharge,
évitant les risques de déséquilibre de moyens, de temps
attribués à l'une ou l'autre des parties.
En effet le 8 et 9 juillet 1998, sous la présidence
d'un juge américain, le règlement de procédures et de
preuves du TPIY fut changé: un juge de la mise en état des
affaires pénales a été institué pour
contrôler l'action du Procureur pendant la phase de recherche des
preuves. Suite aux différentes analyses portant sur l'action du
procureur (cf , II, B, p 60--63 ) nul besoin de rappeler combien il semble
important de contrôler l'action de celui--ci lors de la phase de
recherche des preuves. En effet conformément à l'article 15 du
statut du Tribunal108, le procureur est responsable de l'instruction
des dossiers et de l'exercice des poursuites contre les auteurs d'actes de
génocide et des
1 08 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International
pour le Rwanda.
violations graves du droit international humanitaire. Il agit
en toute indépendance, et compte tenu du nombre important de personnes
susceptibles d'être poursuivies, un choix doit être
opéré quant aux actes commis et aux personnes impliquées.
Ce pouvoir revient au procureur du Tribunal pénal International pour le
Rwanda. Le pouvoir discrétionnaire dont il est question ici
reflète le principe de l'opportunité des poursuites,
présent dans les systèmes accusatoires de common law. Cependant
même si ce principe est largement soutenu sur le plan interne, il
soulève plus de difficultés sur la scène internationale.
Difficulté traduite en ces termes par louise Arbour: «domestic
prosecution is never really seriously called upon to be selective in the
prosecution of serious crimes. In the ICTR, prosecutor has to be highly
selective before committing resources to investigate and prosecute
».109C'est pourquoi, il est attendu que l'exercice de
pouvoir discrétionnaire sur la scène internationale soit
suffisamment encadré et limité pour éviter toute apparence
d'injustice et d'impartialité.
D ans le même temps, il a été
décidé de confier aux magistrats de la juridiction de jugement un
pouvoir de direction pour fixer l'ordre des dépositions, intervenir dans
l'interrogatoire des parties et obliger les parties, dont le Procureur,
à produire leurs preuves.
L'accusatoire et l'inquisitoire sont également
présents dans la procédure suivie devant la Cour Pénale
Internationale. Le procureur doit instruire à charge et à
décharge (article 54 du statut).Une Chambre préliminaire a
été instaurée ayant notamment pour objet d'assurer
l'efficacité et l'intégrité de la procédure et de
protéger en particulier les droits de la défense (article 56--1b
du statut). De plus, il faut relever la création d'un barreau
pénal international, spécialisé et indépendant du
greffe. Ceci devrait renforcer l'exercice des droits de la défense.
Enfin, il faut faire état de procédés
mettant en cause l'impartialité et l'indépendance de la justice
exercée au sein du TPIR. Le désir de répression du TPIR
semble vouloir poursuivre et agir dans le sens d'une relation des faits et de
l'histoire du génocide rwandais de 1994, occultant une version de cet
événement tragique. Récit d'une tragédie qui se
construit authentiquement au fil témoignages des divers procès
1 09 ARBOUR Louise, Progress and challenges in international
criminal justice, Fordham international law journal, Vol. 21, N°2, 1997, p
531.
ayant lieu au sein du TPIR depuis sa création.
Témoignages de la défense, mais aussi parfois de l'accusation,
corroborés d'enquêtes mise de côté110
allant dans un même sens : compléter et affiner une
vérité officielle partielle, portée par le gouvernement
rwandais et non l'ensemble du peuple rwandais. Vérité officielle
cachant une réalité dérangeante: or on pouvait attendre du
TPIR, que l'histoire officieuse du génocide rwandais soit portée
par l'armure solide d'une institution internationale ayant pour mission de
contribuer à la réconciliation des peuples et le
rétablissement de la paix. Cette tension est palpable dans l'exercice de
la fonction de conseil de défense d'un accusé au sein du TPIR.
Dernièrement l'arrestation de Peter Erlinder, avocat au TPIR en est un
exemple criant. Peter Erlinder a été arrêté le 28
mai 2010 par la police rwandaise. Pour justifier cette arrestation le
régime de Kigali l'accuse de nier le génocide dans divers
écrits et déclarations, et d'attenter à la
sécurité nationale.111 Seulement il faut
également ajouter à ce stade, afin de bien saisir le contexte,
qu'il assure également la défense de l'opposante Victoire
Ingabire, et qu'il est également le président de l'association
des avocats de la défense devant le Tribunal Pénal International
pour le Rwanda. La teneur de ses propos est la suivante: sa conviction que le
Front patriotique Rwandais (FPR, ex rébellion dirigée par
l'actuel président Paul Kagamé) est responsable de l'attentat qui
a causé la mort de l'ancien président, Juvénal
Habyarimana, à l'origine du génocide de 1994. De tels propos sont
constitutifs au Rwanda de négationnisme et punis de 25 ans de prison. Le
parallèle avec l'instruction du juge Jean--Louis Bruguière dans
l'enquête sur l'attentat saute aux yeux: cette même
hypothèse argumentée par le contenu de cette enquête a
provoqué la rupture diplomatique entre le Rwanda et la France pendant
trois ans et des relations difficiles avec le TPIR.
S eulement une question se pose : véhiculer le constat
que des violations graves du droit international humanitaire ont
été réalisées par des militants du FPR à
l'encontre de la population Hutu pendant le génocide du Rwanda, est--ce
constitutif d'une quelconque négation du génocide rwandais? La
réponse politique semble être positive, mais il est attendu une
réponse juridique qui est assurément négative. En tout
état de cause, la
1 1 0 Cf.supra, une proximité alarmante entre le TPIR
et le pouvoir politique de Kigali, p41 1 1 1 Annexe 7 « Peter Erlinder
l'homme qui agace Kigali », « le TPIR s'oppose à Kigali dans
l'affaire Erlinder ».
gestio n de l'affaire Peter Erlinder, de ses éventuels
aveux, de sa tentative de suicide, sont à prendre avec une extrême
réserve.
Le manque d'indépendance notoire du TPIR avec la
politique du gouvernement rwandais empêche le TPIR d'effectuer une
répression en accord avec les garanties attendues d'un procès
équitable et l'effectivité des droits fondamentaux, Le
déséquilibre dans les armes de la défense est donc une
nouvelle fois visible. Les recherches de témoins par l'équipe de
défense, ses déplacements sur les lieux du génocide et
donc au Rwanda afin de dresser un axe de défense, achoppent une nouvelle
fois sur des complications inacceptables en matière de justice
internationale. Agir, construire une défense dans un état de
droits en péril, avec des obstructions, des risques d'arrestations pour
négationnisme au simple motif de défendre un accusé de
génocide, ne témoigne pas des garanties procédurales
permettant d'oeuvrer pour une justice juste et équitable. Ainsi dans
l'affaire de Callixte Nzabonimana, l'un des enquêteurs de l'équipe
de défense devant se rendre sur place pour rencontrer un témoin,
fut mis en rétention administrative pendant plus de 48 heures et soumis
à un interrogatoire dès son arrivée sur le territoire
rwandais.
Le fait de réprimer et de prendre des mesures
punitives à l'encontre des comportements contrevenant aux lois doit
être fait dans le respect de cette mappemonde protectrice des droits
fondamentaux. C'est la condition nécessaire pour que cette
répression soit acceptée et exemplaire, et qu'un peuple meurtri
par des événements tragiques puisse vivre dans une
humanité reconquise au travers d'une justice équitable. L'Homme
pourrait ainsi percevoir son reflet dans l'exercice de cette justice
internationale, qui devient alors pleinement actrice d'une
réconciliation des peuples et du rétablissement de la paix.
Conclusion
En 1994, la résolution du Conseil de
sécurité des Nations Unies portant création du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda avait prévu à celui--ci
un mandat de dix ans. Force est de constater que depuis 2004, de multiples
résolutions conduisent à repousser inexorablement la fin de son
mandat à une date ultérieure. La dernière
résolution en date prévoit la fin du mandat du TPIR en 2011.
La stratégie d'achèvement du TPIR prend du
temps: « Le temps qui émousse toutes choses, le temps qui
travaille à l'usure du chagrin comme il travaille à
l'érosion des montagnes, le temps qui favorise le pardon et l'oubli, le
temps qui console, le temps liquidateur et cicatrisateur n'atténue en
rien la colossale hécatombe: au contraire, il ne cesse d'en aviver
l'horreur (...) les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles,
c'est-à- dire ne peuvent pas être prescrits ; le
temps n'a pas de prise sur eux ».112Cette date butoir
repoussée au fil des années ne traduit pas tant une idée
sous jacente que les criminels seront poursuivis jusqu'à la fin des
temps, mais bien la complexité d'exercice du mandat du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda.
Ave c beaucoup d'entrain et de détermination, le TPIR
s'attèle dès 1994 à sa mission première:
sanctionner les principaux responsables du génocide rwandais et de
violations graves du droit international humanitaire. Agissant en écho
avec le Tribunal Pénal International pour l'Ex--Yougoslavie, de
nombreuses décisions jurisprudentielles vont permettre d'étoffer
une matière encore naissante : le droit international pénal.
En effet c'est par certains jugements du TPIR et du TPIY que
des notions théoriques ont pris toute leur dimension et leur profondeur.
Notamment concernant la notion de crime de génocide, en y
intégrant les violences sexuelles, précisant ainsi davantage
l'élément moral de l'infraction de génocide. Les
décisions du TPIR ont également permis d'ouvrir le champ des
poursuites aux responsables politiques, aux médias, aux artistes, et
pour la première fois à l'encontre d'une femme. Ces
décisions sont d'une importance capitale
1 1 2 JANKELEVITCH VLADIMIR, Pardonner? Dans l'horreur et la
dignité, Edition Seuil, 1997.
car porteuse de symboles au sein d'une communauté
internationale. Symbole d'égalité, d' ouverture dans cette lutte
contre l'impunité.
Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda apporte
beaucoup au sein de la Communauté Internationale, sa stature a
rappelé et rappelle encore aujourd'hui combien il est important de
combattre l'impunité des crimes contre l'humanité, et c'est ainsi
qu'il a servi d'appui pour la construction de la Cour Pénale
Internationale: «ces tribuna ux servent de tremplin pour la
création d'une cour permanente: celle-ci présen terait l'avantage
d'être stable et de n'être pas axée sur une région ou
un situation déterminée »113. Le TPIR a
également permit de révéler les failles possibles d'une
juridiction pénale internationale.
Sa mission de sanctionner les principaux responsables du
génocide et de violations graves du droit international humanitaire
devait permettre d'oeuvrer pour une réconciliation des peuples ainsi que
le rétablissement et le maintien de la Paix. Ici le bilan d'action du
TPIR est beaucoup plus mitigé. L'emprise de considérations
politiques (présentes depuis sa création) dans ses actions
conduit à douter de sa probité. Une empris e conduisant le TPIR
à un manque d'impartialité et d'indépendance certaines,
mettant en exergue une impunité de fait. Comment justifier alors
qu'aucune poursuite n'ait été diligentée à
l'encontre de présumés responsables Tutsis de violations graves
de droit international humanitaire, pourtant dénoncés dans de
nombreux rapports d' experts ? Ce constat d'impunité de fait peut--il
alors oeuvrer pour une réconciliation des peuples? Cette
partialité dans le choix des poursuites ne peut mettre en lumière
qu'une vérité de l'histoire du génocide : une
vérité apaisant un peuple rwandais les Tutsis, mais non
l'ensemble du peuple rwandais. Ce n'est pas La Vérité . Le Rwanda
souffre ainsi d'une réconciliation nationale chancelante, comportant
quelques notes d'animosités palpables.
Une lutte contre l'impunité sous la chape de plomb de
considérations politiques parasite l'exercice d'une justice
équitable au sein d'une institution judiciaire internationale, car
dénuée d'impartialité et d'indépendance. Sous le
joug politique du
1 1 3 Président du TPIY, M. Cassese, observations
adressées au comité ad hoc de la Commiission de droit
international pour la création d'une cour criminelle internationale.
gouvernement de Kigali dirigé par les Tutsis,
certaines enquêtes et la tenue de certains procès au TPIR
démontrent une violation aux devoirs de la justice et de la morale.
Cette volonté de lutte contre l'impunité des Hutus «
à tout prix », actuellement mise en place par le TPIR sous
l'influence de considérations politiques (liberté d'action du
procureur entravée, l'empêchant souvent de mener à bien ses
actions pour une justice impartiale) entraîne des violations graves du
droit des accusés. Et ce, malgré une mappemonde protectrice
reconnue par l'ensemble de la communauté internationale et une
réglementati on interne soucieuse de garanties pour les droits des
accusés.
Certes le Tribunal Pénal International pour le Rwanda
dispose d'un arsenal législatif lui permettant d'agir dans le respect
d'une justice équitable et impartiale. Son action l'accentue, notamment
dans les grands jugements qu'il a rendus depuis sa création. Mais le
principe universellement reconnu de séparation des fonctions impose
à ce Tribunal Pénal International pour le Rwanda de pouvoir agir
sans influence extérieure. Le dernier exemple en date, l'arrestation de
l'avocat Peter Erlinder, doit éveiller une prise de conscience
internationale quant à la dérive présente au sein du TPIR,
mettant en péril l'état de droit. l'État de droit
sous--entend que chacun soit soumis au respect du droit, du simple individu
jusqu'à la puissance publique, dans le respect de la hiérarchie
des normes, de la séparations des pouvoirs et des droits fondamentaux.
Or du fait de cette non séparation des pouvoirs entre le pouvoir
juridique et politique, des violations des droits des accusés sont
visibles au sein du TPIR. Ceci conduit inévitablement à douter de
la probité de cette instance, ne pouvant alors porter les fruits d'une
réconciliation des peuples.
M ais une instance internationale de cette envergure ne peut
pas agir sans aucune influence politique. Cependant la vision de
l'éthique politique qu'elle doit prendre en compte ne doit pas
être réduite aux relations internationales, aux seuls rapports de
force, mais bien une vision politique soucieuse de privilégier la
dimension universelle de l'humanité et la nécessaire mise en
commun des richesses. Ceci permet de saisir les propos suivant: « Au
total, l'effectivité des droits économiques, sociaux et culturels
suppose une mise en commun des ressources, car il n'y a ni riches, ni pauvres,
encore moins un Nord, et un Sud. La véritable urgence consiste à
mettre en commun les richesses existantes. Et c'est bien là, la
dimension éthique de l'approche des droits de l'Homme qui doit
régir la coopération internationale. Pour y parvenir, il faut
redonner du sens aux
institutions existantes, qu'il s'agisse des États
actuels, des organisations internationales existantes, ou encore des
institutions ».114
Ainsi la lutte contre l'impunité peut être
exercée tout en préservant les droits des accusés,
dès lors qu'elle n'est pas essentiellement guidée par des
intérêts politiques divers. Il s'agit bien pour le tribunal de
juger de la culpabilité ou non d'un individu, en agissant à la
lumière d'une impartialité objective, garantissant l'exercice
d'une justice saine et équitable. Et nul doute alors que la satisfaction
des victimes et du peuple Rwandais pourra être quelque peu atteinte:
connaître l'histoire de son drame, prémice d'une
réconciliation des peuples profonde et assurée.
M alheureusement, les faits actuels du Rwanda corroborent
l'idée de ce mémoire, à savoir que la lutte contre
l'impunité telle que menée par le TPIR et ses conséquences
notamment sur le plan des droits des accusés, n'ont pas permis d'aboutir
à une réconciliation sereine des peuples. En effet , le 26
Août 2010 un rapport de l'ONU détaille une décennie
(1993--2003) de crimes contre l'humanité commis en République
démocratique du Congo. Elle met en cause Kigali pour des faits qui,
selon les auteurs du rapport, pourraient être qualifiés de
«génocide» à l'encontre des Hutus.115Ceci
devrait enfin interrompre le doux chant de sirène qui couvre la
réalité de l'exercice d'une justice dépendante et partiale
au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. D'ailleurs le
grondement face à constat était relayé de façon
plus vigoureuse depuis quelques années dans les couloirs de la
Défense.
Ainsi quelques recommandations pourraient être
soulevées:
· Développer l'idée d'une police
internationale habilitée à l'arrestation des criminels
recherchés. Evitant ainsi d'être soumis aux manoeuvres politiques
d'État abritant/entravant l'arrestation des criminels recherchés.
Ceci
1 1 4 « L'Éthique de la coopération
internationale et l'effectivité des droits humains », Actes du
colloque international et inter--institutionnel, Université de Bergame,
12--14 mai, 2005, p 200
1 1 5 Annexe 8, Le Rwanda pointé du doigt pour les
massacres en République Démocratique du Congo, le 26 Aout
2010.
permettrait ainsi un gain de temps dans la recherche de ces
criminels, puisqu'une institution serait habilitée à cette
mission.
· Appréhender les présumés
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises
par les Tutsis envers les Hutus, lors du génocide rwandais de 1994 et
entrant dans la compétence rationae temporis du TPI R.
· Prendre en considération les différents
rapports et enquêtes concernant l'assassinat du président
Habyarimana en avril 1994 et enclencher une procédure judiciaire.
· Renforcer le devoir de coopération et d'assistance
internationales des États dans la conduite des affaires au sein du
TPIR.
· Revoir profondément la question du partage des
activités entre les juridictions rwandaises et le TPIR. S'assurer que
les affaires transmises seront jugées par des institutions judiciaires
rwandaises, respectant les principes d'une justice impartiale et
indépendante, respectueuse des droits fondamentaux.
· Privilégier le développement de la
compétence universelle des États dans l'optique de la
stratégie d'achèvement du TPIR.
· Intégrer la Cour Pénale Internationale dans
la stratégie d'achèvement du TPIR.
Annexe 1: Organigramme du TPIR p.
Annexe 2, Résolution 955 portant création du
Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
p. 1 3
S/RES/955 (1994)
8 novembre 1994
RÉSOLUTION 955 (1994)
Adoptée par le Conseil de sécurité
à sa 3453e séance, le 8 novembre 1994
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant toutes ses résolutions
antérieures sur la situation au Rwanda,
Ayant examiné les rapports que le
Secrétaire général lui a présentés
conformément au paragraphe 3 de sa résolution 935 (1994) du 1er
juillet 1994 (S/1994/879 et S/1994/906), et ayant pris acte des rapports du
Rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des droits de l'homme
des Nations Unies
(S/ 1 9 94/ 1 1 5 7, annexe I et annexe II),
Saluant le travail accompli par la Commission
d'experts créée en vertu de sa résolution 935 (1994), en
particulier son rapport préliminaire sur les violations du droit
international humanitaire au Rwanda que le Secrétaire
général lui a transmis dans sa lettre du 1er octobre 1994
(S/1994/1125),
S e déclarant de nouveau gravement alarmé par
les informations selon lesquelles des actes de génocide et d'autres
violations flagrantes, généralisées et
systématiques du droit international humanitaire ont été
commises au Rwanda,
Constatant que cette situation continue de
faire peser une menace sur la paix et la sécurité
internationales,
Résolu à mettre fin à de
tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les personnes
qui en sont responsables soient traduites en justice,
Convaincu que, dans les circonstances
particulières qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les
personnes présumées responsables d'actes de génocide ou
d'autres violations graves du droit international humanitaire permettraient
d'atteindre cet objectif et contribueraient au processus de
réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au
maintien de la paix,
Estimant que la création d'un tribunal
international pour juger les personnes présumées responsables de
tels actes ou violations contribuera à les faire cesser et à en
réparer dûment les effets,
Soulignant qu'une coopération
internationale est nécessaire pour renforcer les tribunaux et l'appareil
judiciaire rwandais, notamment en raison du grand nombre de suspects qui seront
déférés devant ces tribunaux,
Considérant que la Commission
d'experts créée en vertu de la résolution 935 (1994)
devrait continuer à rassembler de toute urgence des informations tendant
à prouver que des violations graves du droit international humanitaire
ont été commises sur le territoire du Rwanda, et qu'elle devrait
présenter son rapport final au Secrétaire général
le 30 novembre 1994 au plus tard,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations
Unies,
1 . Décide par la présente résolution,
comme suite à la demande qu'il a reçue du Gouvernement rwandais
(S/1994/1115), de créer un tribunal international chargé
uniquement de juger les personnes présumées responsables d'actes
de génocide ou d'autres violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le
territoire d'États voisins, entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994, et d'adopter à cette fin le Statut du Tribunal
criminel international pour le Rwanda annexé à la présente
résolution;
2 . Décide que tous les États apporteront leur
pleine coopération au Tribunal international et à ses organes,
conformément à la présente résolution et au Statut
du Tribunal international, et qu'ils prendront toutes mesures
nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application
les dispositions de la présente résolution et du Statut, y
compris l'obligation faite aux États de donner suite aux demandes
d'assistance ou aux ordonnances émanant d'une Chambre de première
instance, conformément à l'article 28 du Statut, et prie les
États de tenir le Secrétaire général informé
des mesures qu'ils prendront;
3 . Considère qu'une notification devrait être
adressée au Gouvernement rwandais avant que des décisions ne
soient prises en vertu des articles 26 et 27 du Statut;
4 . Prie instamment les États ainsi que les
organisations intergouvernementales et non gouvernementales d'apporter au
Tribunal international des contributions sous forme de ressources
financières, d'équipements et de services, y compris des services
d'experts;
5 . Prie le Secrétaire général de mettre
en oeuvre d'urgence la présente résolution et de prendre en
particulier des dispositions pratiques pour que le Tribunal international
puisse fonctionner effectivement le plus tôt possible, notamment de lui
soumettre des recommandations quant aux lieux où le siège du
Tribunal international pourrait être établi, et de lui
présenter des rapports périodiques;
6. Décide qu'il choisira le siège du Tribunal
international en fonction de critères de justice et
d'équité ainsi que d'économie et d'efficacité
administrative, notamment des possibilités d'accès aux
témoins, sous réserve que l'Organisation des Nations Unies et l'
État où le Tribunal aura son siège concluent des
arrangements appropriés qui soient acceptables pour le Conseil de
sécurité, étant entendu que le Tribunal international
pourra se réunir ailleurs quand il le jugera nécessaire pour
l'exercice efficace de ses fonctions; et décide d'établir un
bureau au Rwanda et d'y conduire des procédures, si
cela est possible et approprié, sous réserve de la
conclusion d'arrangements adéquats analogues;
7 . Décide d'envisager d'augmenter le nombre de juges et
de chambres de première instance du Tribunal international si cela
s'avère nécessaire;
8 . Décide de rester activement saisi de la question.
Annexe 3 : Articles Statut du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda.
p. 1 3, 14, 17, 22, 29, 62, 55, 57, 65, 67,
73.
Statut du Tribunal Pénal International pour le
Rwanda.
Créé par le Conseil de sécurité
agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Tribunal
criminel international chargé de juger les personnes
présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres
violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire
du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels
actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins entre le
1er janvier et le 31 décembre 1994 (ci--après
dénommé "Tribunal international pour le Rwanda") exercera ses
fonctions conformément aux dispositions du présent statut.
Article 3 : Crimes contre l'humanité
Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité
à juger les personnes responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont
été commis dans le cadre d'une attaque
généralisée et systématique dirigée contre
une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance
nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse :
a) Assassinat;
b) Extermination;
c) Réduction en esclavage;
d) Expulsion;
e) Emprisonnement;
f) Torture;
g) Viol;
h) Persécutions pour des raisons politiques, raciales et
religieuses;
i) Autres actes inhumains.
Article 4 : Violations de l'Article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II
Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité
à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de
commettre des violations graves de l'Article 3 commun aux Conventions de
Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de
guerre, et du Protocole additionnel II auxdites Conventions du 8 juin 1977. Ces
violations comprennent, sans s'y limiter:
a) Les atteintes portées à la vie, à la
santé et au bien--être physique ou mental des personnes, en
particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la
torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles;
b) Les punitions collectives;
c) La prise d'otages;
d) Les actes de terrorisme;
e) Les atteintes à la dignité de la personne,
notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la
contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur;
f) Le pillage;
g) Les condamnations prononcées et les
exécutions effectuées sans un jugement préalable rendu par
un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties
judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés;
h) La menace de commettre les actes
précités.
Article 6 Responsabilité pénale
individuelle
1 . Quiconque a planifié, incité à
commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé
et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un
crime visé aux articles 2 à 4du présent statut est
individuellement responsable dudit crime.
2 . La qualité officielle d'un accusé, soit
comme chef d'État ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne
l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un
motif de diminution de la peine.
3 . Le fait que l'un quelconque des actes visés aux
articles 2 à 4 du présent statut a été commis par
un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa
responsabilité pénale s'il savait ou avait des raisons de savoir
que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou
l'avait fait et que le supérieur n'a pas pris les mesures
nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit
commis ou en punir les auteurs.
4. Le fait qu'un accusé a agi en exécution d'un
ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur ne l'exonère pas de sa
responsabilité pénale mais peut être
considéré comme un motif de diminution de la peine si le Tribunal
international pour le Rwanda l'estime conforme à la justice.
Article 12 Qualifications et élection des
juges
1 . Les juges doivent être des personnes de haute
moralité, impartialité et intégrité
possédant les qualifications requises, dans leurs pays respectifs, pour
être nommés aux plus hautes fonctions judiciaires. Il est
dûment tenu compte, dans la composition globale des Chambres, de
l'expérience des juges en matière de droit pénal et de
droit international, notamment de droit international humanitaire et des droits
de l'homme.
2 . Les juges siégeant à la Chambre d'appel du
Tribunal international chargé de poursuivre les personnes
présumées responsables de violations graves du droit
international humanitaire commises sur le territoire de l'ex--Yougoslavie
depuis 1991 (ci--après dénommé "le Tribunal international
pour l'ex--Yougoslavie") siègent également à la Chambre
d'appel du Tribunal international pour le Rwanda.
3 . Les juges des Chambres de première instance du
Tribunal international pour le Rwanda sont élus par l'Assemblée
générale sur une liste présentée par le Conseil de
sécurité, selon les modalités ci--après
a) Le Secrétaire général invite les
États Membres de l'Organisation des Nations Unies et les États
non membres ayant une mission d'observation permanente au Siège de
l'Organisation à présenter des candidatures;
b) Dans un délai de 30 jours à compter de la
date de l'invitation du Secrétaire général, chaque
État peut présenter la candidature d'au maximum deux personnes
réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci--dessus et
n'ayant pas la même nationalité et dont aucune n'a la même
nationalité que l'un quelconque des juges de la Chambre d'appel;
c) Le Secrétaire général transmet les
candidatures au Conseil de sécurité. Sur la base de ces
candidatures, le Conseil dresse une liste de 12 candidats au minimum et 18
candidats au maximum en tenant dûment compte de la
nécessité d'assurer au Tribunal international pour le Rwanda une
représentation adéquate des principaux systèmes juridiques
du monde;
d) Le Président du Conseil de sécurité
transmet la liste de candidats au Président de l'Assemblée
générale. L'Assemblée élit sur cette liste les six
juges des Chambres de première instance. Sont élus les candidats
qui ont obtenu la majorité absolue des voix des États Membres de
l'Organisation des Nations Unies et des États non membres ayant une
mission d'observation permanente au Siège de l'Organisation. Si deux
candidats de la même nationalité obtiennent la majorité
requise, est élu celui sur lequel se sont portées le plus grand
nombre de voix.
4. Si un siège à l'une des Chambres de
première instance devient vacant, le Secrétaire
général, après avoir consulté les Présidents
du Conseil de sécurité et de l'Assemblée
générale, nomme une personne réunissant les conditions
indiquées au paragraphe 1 ci--dessus pour siéger jusqu'à
l'expiration du mandat de son prédécesseur.
5 . Les juges des Chambres de première instance sont
élus pour un mandat de quatre ans. Leurs conditions d'emploi sont celles
des juges du Tribunal international pour l'ex--Yougoslavie. Ils sont
rééligibles.
Article 14 Règlement du Tribunal
Les juges du Tribunal international pour le Rwanda adopteront,
aux fins de la procédure du Tribunal international pour le Rwanda, le
règlement du Tribunal international pour l'ex-- Yougoslavie
régissant la mise en accusation, les procès en première
instance et les recours, la recevabilité des preuves, la protection des
victimes et des témoins et d'autres questions appropriées, en y
apportant les modifications qu'ils jugeront nécessaires.
Article 15 : Le Procureur
1 . Le Procureur est responsable de l'instruction des dossiers et
de l'exercice de la poursuite
contre les personnes présumées responsables de
violations grave du droit international humanitaire commises sur le territoire
du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de
telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le
1er janvier et le 31 décembre 1994.
2 . Le Procureur, qui est un organe distinct au sein du
Tribunal international pour le Rwanda, agit en toute indépendance. Il ne
sollicite ni ne reçoit d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune
autre source.
3 . Le Procureur du Tribunal international pour l'ex--Yougoslavie
exerce également les
fonctions de procureur du Tribunal international pour le
Rwanda. Il dispose, pour le seconder devant le Tribunal international pour le
Rwanda, de personnel supplémentaire, dont un Procureur adjoint
supplémentaire. Ce personnel est nommé par le Secrétaire
général sur recommandation du Procureur.
Article 17 Information et établissement de
l'acte d'accusation
1 . Le Procureur ouvre une information d'office ou sur la foi
des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des
organes de l'Organisation des Nations Unies, des organisations
intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les
renseignements reçus ou obtenus et décide s'il y a lieu de
poursuivre.
2 . Le Procureur est habilité à interroger les
suspects, les victimes et les témoins, à réunir des
preuves et à procéder sur place à des mesures
d'instruction. Dans l'exécution de ces tâches, le Procureur peut,
selon que de besoin, solliciter le concours des autorités de
l'État concerné.
3 . Tout suspect interrogé a le droit d'être
assisté d'un conseil de son choix, y compris celui de se voir attribuer
d'office un défenseur, sans frais, s'il n'a pas les moyens de le
rémunérer et de bénéficier, si nécessaire,
de services de traduction dans une langue qu'il parle et comprend et à
partir de cette langue.
4. S'il décide qu'au vu des présomptions, il y a
lieu d'engager des poursuites, le Procureur établit un acte d'accusation
dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui
sont reprochés à l'accusé en vertu du statut. L'acte
d'accusation est transmis à un juge de la Chambre de première
instance.
Article 19 Ouverture et conduite du
procès
1 . La Chambre de première instance veille à ce
que le procès soit équitable et rapide et à ce que
l'instance se déroule conformément au règlement de
procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant
pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins
dûment assurée.
2 . Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a
été confirmé est, conformément à une
ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal
international pour le Rwanda, placée en état d'arrestation,
immédiatement informée des chefs d'accusation portés
contre elle et déférée au Tribunal international pour le
Rwanda.
3 . La Chambre de première instance donne lecture de
l'acte d'accusation, s'assure que les droits de l'accusé sont
respectés, confirme que l'accusé a compris le contenu de l'acte
d'accusation et l'invite à faire valoir ses moyens de défense. La
Chambre de première instance fixe alors la date du procès.
4. Les audiences sont publiques à moins que la Chambre de
première instance décide de les tenir à huis clos
conformément à son règlement de procédure et de
preuve.
Article 20
Les droits de l'accusé
1 . Tous sont égaux devant le Tribunal international pour
le Rwanda.
2 . Toute personne contre laquelle des accusations sont
portées a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de
l'article 21 du statut.
3 . Toute personne accusée est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
établie conformément aux dispositions du présent
statut.
4. Toute personne contre laquelle une accusation est
portée en vertu du présent statut a droit, en pleine
égalité, au moins aux garanties suivantes :
a) À être informée, dans le plus court
délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon
détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation
portée contre elle;
b) À disposer du temps et des facilités
nécessaires à la préparation de sa défense et
à communiquer avec le conseil de son choix;
c) À être jugée sans retard excessif;
d) À être présente au procès et
à se défendre elle--même ou à avoir l'assistance
d'un défenseur de son choix; si elle n'a pas de défenseur,
à être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois
que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer
d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le
rémunérer;
e) À interroger ou faire interroger les témoins
à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des
témoins à décharge dans les mêmes conditions que les
témoins à charge;
f) À se faire assister gratuitement d'un
interprète si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue
employée à l'audience;
g) À ne pas être forcée de témoigner
contre elle--même ou de s'avouer coupable. Article 24
Appel
1 . La Chambre d'appel connaît des recours introduits soit
par les personnes condamnées par les Chambres de première
instance, soit par le Procureur, pour les motifs suivants :
a) Erreur sur un point de droit qui invalide la décision;
ou
b) Erreur de fait qui a entraîné un déni de
justice.
2 . La Chambre d'appel peut confirmer, annuler ou réviser
les décisions des Chambres de première instance.
Article 25 Révision
S'il est découvert un fait nouveau qui n'était
pas connu au moment du procès en première instance ou en appel et
qui aurait pu être un élément décisif de la
décision, le condamné ou le Procureur peut saisir le Tribunal
international pour le Rwanda d'une demande en révision de la
sentence.
Article 28 Coopération et entraide
judiciaire
1 . Les États collaborent avec le Tribunal
international pour le Rwanda à la recherche et au jugement des personnes
accusées d'avoir commis des violations graves du droit international
humanitaire.
2 . Les États répondent sans retard à toute
demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une Chambre
de première instance et concernant, sans s'y limiter:
a) L'identification et la recherche des personnes;
b) La réunion des témoignages et la production des
preuves;
c) L'expédition des documents;
d) L'arrestation ou la détention des personnes;
e) Le transfert ou la traduction de l'accusé devant le
Tribunal International pour le Rwanda.
Annexe 4: Extrait du Règlement de procédure
et de preuve du TPIR p. 39-55-61
Chapitre V MISE EN ACCUSATION Section 1: Les
actes d'accusation Article 47: Présentation de l'acte
d'accusation par le Procureur
A) Un acte d'accusation, soumis conformément à la
procédure ci--après, est examiné par un juge
désigné à cet effet conformément à l'Article
28.
B) Si lors de l'enquête, le Procureur est convaincu
qu'il existe des éléments de preuve suffisants qui fournissent
des motifs raisonnables de croire qu'un suspect a commis un crime relevant de
la compétence du Tribunal, le Procureur prépare et envoie au
Greffier un acte d'accusation avec les pièces justificatives, pour qu'il
soit confirmé par un juge.
C) L'acte d'accusation indique le nom du suspect et les
renseignements personnels le concernant, ainsi qu'un exposé concis des
faits de l'affaire et du crime dont le suspect est accusé.
D) Le Greffier transmet l'acte d'accusation et les pièces
jointes au juge désigné, lequel informe le Procureur de la date
prévue pour l'examen de l'acte d'accusation.
E) Le juge chargé de l'examen vérifie chaque
chef d'accusation et tout élément que le Procureur
présenterait à l'appui de celui--ci, afin de décider, en
application de la norme énoncée à l'Article 18 1) du
Statut, si un procès peut être intenté contre le
suspect.
F) Le juge chargé de l'examen peut:
i) Demander au Procureur de présenter des
éléments supplémentaires à l'appui de l'un ou de
tous les chefs d'accusation, ou de prendre toute autre mesure
appropriée;
ii) Confirmer chaque chef d'accusation;
iii) Rejeter chaque chef d'accusation, ou
iv) Surseoir à l'examen afin de permettre au Procureur de
modifier l'acte d'accusation.
G) L'acte d'accusation tel que confirmé par le juge est
conservé par le Greffier qui prépare des copies certifiées
conformes revêtues du sceau du Tribunal. Si l'accusé ne comprend
aucune des langues officielles du Tribunal et si le Greffier sait quelle langue
l'accusé comprend, l'acte d'accusation est également traduit dans
cette langue et une copie de la traduction est jointe à toute copie
certifiée conforme de l'acte d'accusation.
H) Une fois confirmé l'un quelconque ou tous les chefs de
l'acte d'accusation:
i) Le juge peut délivrer un mandat d'arrêt,
conformément au paragraphe A) de l'Article 55, et toute ordonnance
prévue à l'Article 18 du Statut;
ii) Le suspect acquiert le statut d'un accusé.
I) Le rejet d'un chef d'accusation dans un acte d'accusation
n'empêche pas le
Procureur de soumettre ultérieurement un nouvel acte
d'accusation modifié sur la base des faits ayant fondé le chef
d'accusation rejeté, si le nouvel acte d'accusation est appuyé
par des éléments de preuve supplémentaires.
Section 2: Les ordonnances et les mandats Article
64: Détention provisoire
Après son transfert au Tribunal, l'accusé est
détenu dans les locaux mis à disposition par le pays hôte
ou par un autre pays. Le Président peut, à la requête d'une
des parties, demander de revoir les conditions de détention de
l'accusé.
Source :
http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm
Annexe 5 : L'enquête du juge Bruguière n'est
pas un vulgaire « pétard mouillé ».
P. 44
L'ENQUÊTE DU JUGE BRUGUIÈRE N'EST PAS UN
VULGAIRE "PÉTARD MOUILLÉ"
En mai 2009 le colonel (cr) Luc Marchal, ancien adjoint du
général Dallaire chef des soldats de l'ONU (MINUAR)
présents au Rwanda en 1994, fait le point sur la procédure du
juge français Bruguière qui met en cause Paul Kagamé et
son entourage dans la réalisation de l'attentat qui couta la vie en
avril 1994 au président rwandais Habyarimana, au président en
exercice du Burundi et aux membres de l'équipage français qui
pilotaient l'avion présidentiel.
Rappel des faits
L ' enquête du juge français fut initiée
en 1998 suite à une plainte contre X déposée initialement
par la fille d'un des membres de l'équipage du Falcon
présidentiel, plainte à laquelle se sont joints ensuite d'autres
membres des familles. Fin novembre 2006, le juge Bruguière, Premier
vice--président du Tribunal de grande instance de Paris en charge de la
coordination antiterroriste, rend une ordonnance par laquelle il demande que
neuf mandats d'arrêt internationaux soient décernés
à l'encontre de proches collaborateurs de Paul Kagame. En ce qui
concerne le président en exercice du Rwanda, couvert par son
immunité de chef d'Etat, le juge se tourne vers le Secrétaire
Général de l'ONU et préconise que le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR), compétent en la matière,
prenne le relais des poursuites.
L 'instruction couvre donc une période de huit ans. Le
moins que l'on puisse dire est qu'elle fut menée
en dehors de toute précipitation. Les autorités
gouvernementales rwandaises se rendirent parfaitement compte de la
portée réelle de la procédure en cours et réagirent
bien avant que l'ordonnance ne soit rendue. En 2005 elles menacèrent
à différentes reprises la France de poursuites judiciaires pour
complicité de génocide. Effectivement des plaintes furent
déposées en ce sens à Paris, par des rescapés
rwandais, contre l'armée française. Ensuite, en avril 2006, une
commission (dite Mucyo du nom de son président) fut mise sur pied pour
enquêter sur "le rôle de la France avant, pendant et après
le génocide".
Longue de près de 70 pages, l'ordonnance signée
par le juge Bruguière est plutôt inhabituelle en ce sens qu'il
n'était pas tenu de motiver l'émission de mandats d'arrêt
internationaux. Mais ce moment essentiel dans l'instruction du dossier lui
permet de faire une synthèse des investigations conduites avec la
division nationale antiterroriste (DNAT). Sa conclusion est catégorique:
l'implication de Paul Kagame dans l'attentat du 6 avril 1994 est directe.
Les réactions de Kigali vont en sens divers, qualifiant
l'ordonnance d'allégations
totalement infondées, basée sur des ragots et
des rumeurs et reprochant à la justice française d'être
plus motivée politiquement que judiciairement dans cette affaire.
D'autres réactions frisent le surréalisme, certains officiels
affirmant que le président Habyarimana et le général
Nsabimana, le chef d'état--major des forces armées rwandaises,
étaient des cibles légitimes dans le cadre d'un conflit
armé. Oubliant sans doute que le Front patriotique rwandais (FPR) avait
signé des accords de paix et que le président du Burundi et
d'autres officiels des deux pays se trouvaient à bord du Falcon 50. Plus
concrètement le Rwanda rompt également ses relations
diplomatiques avec la France et en mars 2007 deux généraux
rwandais, inculpés par le juge Bruguière, déposent plainte
contre lui devant la justice belge, de même que contre l'Etat belge.
Rappelons encore dans ce contexte deux éléments
majeurs. Le premier est que, fin 2006, le Juge Møse, président
à l'époque du TPIR et président de la Chambre
compétente dans le procès dit "Militaires I", verse dans son
intégralité l'ordonnance du juge Bruguière comme
pièce au dossier des quatre officiers rwandais inculpés dans ce
procès. Le second élément est l'aboutissement, en
février 2008, de l'enquête menée par le juge espagnol
Fernando Andreu Merelles. Cette enquête, initiée suite aux
assassinats de neuf ressortissants espagnols perpétrés au Rwanda
entre 1994 et 2000, se clôture par la délivrance de 40 mandats
d'arrêt internationaux à l'encontre d'officiers de l'Armée
patriotique rwandaise (APR). Dans un arrêt circonstancié de 181
pages, le juge estime que les personnes visées ont commis des actes de
génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et
terrorisme sur ordre du président Kagame. Ce dernier
bénéficie de l'immunité que lui confère sa fonction
et n'est donc pas l'objet d'un mandat d'arrêt. Dans ses conclusions, le
juge accuse le FPR d'avoir mis en place une véritable méthode
criminelle. Il estime que depuis sa prise du pouvoir à Kigali, en
juillet 1994, le parti a créé un véritable règne de
la terreur, non seulement par l'organisation même de son régime
dictatorial, mais surtout par la mise en place de structures parallèles
responsables de crimes odieux commis contre la population civile, tant
nationale qu'étrangère. Le point culminant de cette politique,
poursuit--il, est l'invasion du Congo qui, sous couvert de motif
sécuritaire, devait permettre, entre autres, la réalisation du
pillage de ressources naturelles précieuses, de façon à se
maintenir au pouvoir et exercer une domination géostratégique sur
la région. Le juge relève par ailleurs que les crimes commis en
1994 sont du ressort du TPIR et plus spécifiquement de son procureur, le
Gambien Assan Bubacar Jallow, responsable des poursuites.
Une enquête contestée qui se
réduirait à une peau de chagrin
D ans un article paru dans le quotidien "Le Soir"du 6 avril
dernier et qui n'est pas le premier du genre, la journaliste belge Colette
Braeckman (CB) tente de démontrer que le "dossier Bruguière" se
dégonfle comme une vulgaire baudruche. Que reproche--t--elle
concrètem ent au juge français et à son enquête?
Pré cis ons avant tout que le seul document
porté à la connaissance du commun des mortels est l'ordonnance
datée du 17 novembre 2006. Le dossier répressif proprement dit
n'est accessible qu'aux ayants droit. C'est--à--dire, au stade actuel,
à Madame Rose Kabuye (entendue par la justice française) et ses
avocats. Dès lors nous nous demandons en vertu de quelle
compétence Madame Braeckman aurait eu accès au dossier du juge
Bruguière pour pouvoir le commenter en connaissance de cause?
S oyons clair. Nous n'avons pas la prétention de croire
que nous détenons "la Vérité". Nous entendons cependant
que si nous sommes dans l'erreur on nous le démontre avec des
éléments objectifs et non par des affirmations gratuites, des
demi--vérités, des amalgames et autres subterfuges en vue
d'éluder le débat de fond. Dans un dossier aussi
émotionnel que celui du Rwanda et du Congo (en près de vingt
années la région des Grands Lacs a été
transformée en un immense charnier de plusieurs millions de victimes),
le citoyen est en droit d'être informé avec la plus grande
rigueur. Que le dossier du juge Bruguière, à l'instar de
n'importe quelle oeuvre humaine, comporte le cas échéant
certaines imperfections ou lacunes est dans l'ordre des choses. Mais, de
là à réduire un travail d'investigation de huit
années à un vulgaire pétard mouillé, voire à
mettre en cause la probité du juge et de ses collaborateurs, il y a une
marge à ne pas franchir. En la franchissant, ce que nous estimons
être le cas, on perd toute objectivité et toute
crédibilité.
Troi s éléments significatifs sont
invoqués, parmi d'autres, dans l'article de CB pour justifier la
piètre appréciation qui est la sienne quant à la
consistance du dossier?
· Les principaux témoins à charge se sont
rétractés.
· Un interprète et traducteur rwandais, Fabien
Singaye, qui assistait le juge Bruguière et ses enquêteurs dans
les interrogatoires de témoins était tout sauf neutre.
· L'autorisation faite à Madame Kabuye de
regagner le Rwanda et d'y poursuivre ses activités officielles,
même si le mandat d'arrêt la concernant n'est pas formellement
levé, est symptomatique de la légèreté des charges
retenues contre elle.
Qu'en est-il de ces différentes
assertions?
Quant à la rétractation des principaux
témoins à charge
D eux témoins à charge se sont
rétractés: Abdul Ruzibiza et Emmanuel Ruzigana. Il s'agit, en
effet, de deux témoins importants mais qui sont loin d'être les
seuls à avoir témoigné à propos des mêmes
choses.
Prenons le cas d'Abdul Ruzibiza, le plus connu. Son livre
"Rwanda l'histoire secrète", paru aux éditions du Panama en 2005,
a jeté un fameux pavé dans la mare lors de sa parution. En
synthèse, ce livre met en évidence la responsabilité
directe de Paul Kagame dans l'attentat du 6 avril 1994 et dans l'ampleur des
massacres perpétrés au Rwanda ainsi qu'au Congo--Zaïre.
Pareilles accusations n'avaient cependant à l'époque rien d'un
scoop. Elles avaient déjà été exprimées
à l'encontre de l'homme fort de Kigali bien avant celles de Ruzibiza ou
de Ruzigana. Notamment par Jean--Pierre Mugabe, Aloys Ruyenzi et
Déogratias Mushayidi, pour ne citer que ceux--là.
Il est vrai que dans l'article du journal Le Soir du 6 avril
dernier, CB précise qu'elle avait rencontré à
l'époque Ruzibiza et qu'elle l'avait jugé peu crédible.
Etonnant quand on sait que le livre de Ruzibiza a été
préfacé par deux experts reconnus de la région des Grands
Lacs: Claudine Vidal, directrice de recherches émérite au CNRS et
André Guichaoua, professeur de sociologie à l'université
de Paris 1. Ce n'est quand même pas rien!
C e n'est pas parce que Ruzibiza s'est rétracté
que forcément les 494 pages de son livre
ne sont qu'un salmigondis d'inventions, de mensonges et
d'élucubrations diverses. C'est d'autant moins le cas que pour avoir
vécu certaines des circonstances décrites dans le livre, nous
pouvons attester que les détails fournis les concernant sont tout
à fait corrects. Quoi qu'il en soit, il nous semble un peu court de
déclarer que Ruzibiza n'est qu'un affabulateur et que par
conséquent le dossier du juge Bruguière se dégonfle en
même temps que son principal témoin.
Il est peut--être utile de rappeler à Madame
Braeckman que l'intéressé a aussi été
témoigner au TPIR et que son témoignage, qui reprenait les
principaux thèmes de son livre, a été fait sous serment.
Dans ces conditions, il est étonnant que le procureur du TPIR n'ait pas
jugé utile de rappeler ce témoin pour parjure, alors qu'il a
autorité pour le faire et qu'il a déjà fait usage de cette
prérogative par le passé.
Sur le plan journalistique la démarche aurait
été tout autre si, au lieu de prendre la rétractation de
Ruzibiza au premier degré, une enquête sérieuse avait
été menée pour essayer de déterminer les
véritables raisons pour lesquelles l'intéressé est revenu
sur ses affirmations. N'est--ce pas cela en réalité le travail du
journaliste ?
En conclusion de ce premier point, nous disons que si Ruzibiza
avait été le seul à accuser nommément Paul Kagame
pour son implication directe dans la tragédie rwandaise, il faudrait, en
effet, remettre en question la matérialité de ses affirmations.
Etant donné que ce n'est pas le cas et que bien d'autres témoins
directs disent en substance la même chose, il serait dès lors plus
opportun de rechercher les véritables raisons pour lesquelles Ruzibiza
et Ruzigana sont revenus sur leurs dires. Pareille démarche permettrait,
sans aucun doute, d'appréhender de façon beaucoup plus exacte
l'enjeu réel de cette volte--face.
Quant au rôle controversé de Fabien Singaye
S elon CB "des documents inédits découverts en
Suisse - et dont nous avons pu prendre connaissance en exclusivité -
établissent que le traducteur rwandais qui assista Bruguière dans
l'interrogatoire de ses témoins était tout sauf neutre (...) rien
d'étonnant à ce que des témoins comme Emmanuel Ruzindana
(qui ne parle pas le français) aient déclaré par la suite
n'avoir rien reconnu des propos qu'ils avaient réellement tenus ...".
D e grâce restons sérieux. Peut--on imaginer un
seul instant que le juge Bruguière, avec le pedigree qui est le sien, se
soit laissé intoxiquer comme un vulgaire débutant? Si les
documents inédits évoqués par Madame Braeckman sont de
même nature que le soi-- dis ant "témoin capital de l'assassinat
de Habyarimana" (Le Soir du 6 mai 2006), le seul à affirmer que ce sont
trois missiles sol--air qui ont été tirés sur l'avion
présidentiel, cela ne mérite en aucun cas le détour. Aller
dénicher pareil témoin, il fallait le faire. C'est vraiment
très fort! Alors que tout qui se trouvait à Kigali le soir du 6
avril 1994 vous confirmera que ce sont bien deux missiles et non trois qui ont
pris le Falcon présidentiel pour cible. Consacrer un article d'une page,
à semblable témoignage farfelu, constituait déjà
à l'époque une manière de jeter le doute sur le
sérieux de l'enquête du juge qui ne mentionne que deux
missiles.
Le fait que Fabien Singaye soit le beau--fils de
Félicien Kabuga, accusé d'être l'un des financiers du
génocide, constitue--t--il vraiment l'argument irréfutable de sa
compromission? Tant que l'on y est, pourquoi ne pas affirmer tout simplement
que le juge Bruguière s'est entouré de génocidaires pour
l'assister dans son travail? Pareille
association entre Kabuga et son beau--fils ne trompe
guère de monde. L'amalgame est une technique éculée dont
le but est surtout de camoufler l'indigence de l'argumentation. Si les
documents inédits évoqués sont à ce point probants,
pourquoi ne pas être plus précis quant à leur contenu? Ceci
éviterait à tout le moins de se cantonner dans le vague et le
sous--entendu, si pas la diffamation.
En conclusion de ce second point soulignons que celui qui est
accusé, par Madame Braeckman, d'être un interprète
"engagé" a été requis pour la transcription des bandes
d'enregistrement de la tour de contrôle de Kigali et pour l'audition de
deux témoins. Fabien Singaye n'a été impliqué, ni
de près ni de loin, dans le témoignage de Ruzibiza ou de
Ruzigana. Pas plus, du reste, que dans celui de Emmanuel Ruzindana dont le nom
n'apparaît même pas dans l'ordonnance du juge Bruguière!
Quant au régime de faveur dont bénéficie
Madame Rose Kabuye
N ous avons tout récemment connu en Belgique une crise
gouvernementale provoquée par une simple "suspicion" d'ingérence
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, à moins que
ce ne soit l'inverse. De quelle façon nos amis français
perçoivent--ils la notion de "séparation des pouvoirs" ? En tout
cas, à suivre les déclarations engagées et les salamalecs
répétés de Bernard Kouchner, ministre des Affaires
étrangères, à propos de l'affaire Kabuye, nous avons le
sentiment (que beaucoup partagent) que le bouillant Monsieur K. a pris de
sérieuses latitudes par rapport à ce principe de
séparation des pouvoirs. Bizarrement, son ingérence flagrante est
loin d'avoir suscité de la part des parlementaires français la
même réaction que celle que nous avons connue en Belgique.
Parler d'un "énorme malentendu", en évoquant
l'inculpation de Madame Kabuye, a quelque chose de provoquant à
l'égard du pouvoir judiciaire. C'est aussi plus que choquant pour les
proches des victimes de l'attentat du 6 avril 1994. Même si tout
inculpé reste, jusqu'à preuve du contraire, présumé
innocent des faits qui lui sont reprochés.
Le souci du président de la République
française et de son ministre des Affaires étrangères de
normaliser les relations tumultueuses de la France avec le Rwanda est louable
en soi. Néanmoins nous restons convaincu que tout n'est pas justifiable
au nom de la realpolitik et ce, d'autant moins qu'une normalisation des
relations équivaudrait, de facto, au renvoi dans les oubliettes de
l'histoire de plusieurs millions de victimes immolées sur l'autel du
pouvoir absolu. Non, il y a des limites qui ne peuvent être franchies.
Tout aussi interpellant est cette exhortation lancée
par le président Sarkozy, au début de cette année,
à mettre en oeuvre une nouvelle gestion des ressources et de l'espace
géographique des provinces orientales de la République
Démocratique du Congo. Se prendrait--il pour le Bismarck des Grands
Lacs? Aurait--il vraiment oublié ce que les Français chantaient
jadis la main sur le coeur et le trémolo dans la voix: ils n'auront pas
l'Alsace et la Lorraine...? En vertu de quels critères voudrait--il
faire accepter par les Congolais ce que les Français ont combattu
à l'époque au prix de lourds sacrifices? A quoi est--il donc
prêt pour dérouler le tapis rouge devant les pieds du nouveau
Mwami du Rwanda ? En tout cas, ce dernier doit en ricaner à se
démettre les mâchoires!
Aussi, étant donné ce qui précède,
invoquer, comme le fait CB, le régime de faveur de Madame Kabuye pour
tenter de démontrer que le dossier Bruguière ne serait qu'une
calebass e vide, c'est vraiment prendre les lecteurs pour des
imbéciles. Conclusion
Si autant d'années après l'attentat du 6 avril
1994 les choses n'ont toujours pas repris un cours normal. Si autant
d'années après cet acte terroriste tant de livres et de documents
sont toujours rédigés sur ses conséquences, c'est
qu'objectivement les choses ne sont toujours pas claires. Elles le sont
d'autant moins que certains s'évertuent, envers et contre tout, à
vouloir imposer "leur vision" unilatérale de l'histoire, vision qui ne
résiste, mais alors plus du tout, à l'analyse historique. Force
nous est aussi de constater que ces tenants de la pensée unique exercent
urbi et orbi une véritable dictature intellectuelle en
récupérant avec cynisme les concepts de "révisionnisme" et
de "négationnisme" dont ils accablent tout qui ose contester un tant
soit peu leur version de l'histoire.
Que la presse se contente d'exercer le noble rôle qui
est le sien: informer le public en toute objectivité. Qu'elle
évite, pour d'obscures raisons qui lui sont propres, de vouloir se
substituer à la justice. Cette dernière est parfaitement en
mesure d'assumer ses propres responsabilités.
Prétendre que l'enquête du juge Bruguière
est sur le point d'imploser par manque de consistance, c'est faire peu de cas
d'une autre enquête qui l'a précédée et dont la
conclusion va dans le même sens. En 1997, Michael Hourigan, chef d'une
équipe d'enquêteurs du TPIR travaillant à Kigali, avait
constitué un dossier dont les éléments mettaient l'actuel
régime de Kigali en cause dans l'assassinat des présidents
Habyarimana et Ntaryamira. Cette enquête a bien été
menée à charge et à décharge, puisqu'elle visait
initialement à établir l'implication des extrémistes hutus
dans cet attentat, mais que les éléments recueillis
pointèrent, en réalité, la responsabilité directe
du Front patriotique. Nous savons ce qu'il est advenu du "dossier Hourigan":
rangé de façon péremptoire au fond d'un tiroir par la
procureur du TPIR de l'époque, la canadienne Louise Arbour. Quant
à Michael Hourigan il fut sommé d'arrêter, sine die, ses
investigations et de détruire tous les documents s'y rapportant.
Aussi, ce n'est pas la tentative de dénigrement de
l'enquête du juge Bruguière de la part d 'une certaine presse qui
nous fera changer d'avis sur la nécessité que la procédure
judiciaire suive son cours normal et débouche sur un procès. Seul
le procès permettra un véritable débat par la
confrontation des arguments. Un procès, c'est aussi l'espoir qu'ap
rès autant d'années d'obscurantisme, toute la clarté soit
enfin faite sur l'attentat du 6 avril 1994.
Luc Marchal
Source :
http://www.france--
turquoise.fr/luc--marchal.html
Annexe 6 : Dénonciation de la politisation des
juridictions Gacaca par la violation des droits de la défense au
Rwanda.
p.48
RIPRODHOR Réseau International pour la
Promotion et la Défense des Droits de l'Homme au Rwanda Association Loi
1901
COMPTE :RIP 2000410100713863 N03815 IBAN
3324001100713863339N03815 PARIS
Email :riprodhor@
hotmail.com
DENONCIATION DE LA POLITISATION DES JURIDICTIONS
GACACA PAR LA VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE AU RWANDA
LE RIPRODHOR est indigné par la manière
d'opérer des juridictions Gacaca au Rwanda qui rendent une justice
très partiale et discriminante. Alors que dans le contexte rwandais ces
juridictions devraient servir de base pour la réconciliation nationale,
elles sont inféodées au service du parti-- Etat qui les
manipule.
D epuis leur instauration, ces juridictions dites populaires
ont plus servi la politique délibérée du FPR de laisser
croupir des leaders hutu innocents dans des prisons et de leur faire payer les
dégâts matériels causés par les interahamwe pendant
le génocide de 1994. Bon nombre de juges qui siègent dans ces
juridictions ne sont pas indépendants, car ils reçoivent des
ordres et des directives des décideurs politiques du FPR quand ils
poursuivent les accusés : les condamnations ou acquittement sont
accordés en fonction de l'intérêt que le prévenu
représente pour le FPR.
C es juridictions qui ne respectent ni la présomption
d'innocence, ni le droit de défense, ni le droit à un
procès équitable disposent d'un pouvoir énorme,
jusqu'à prononcer la peine à perpétuité avec
isolation, une sorte de «mort sociale»en lieu et place de la peine
capitale sensée abolie sur papier mais qui existe dans la pratique.
D ans la plupart des cas, les procédures
contradictoires pendant le procès ne sont pas respectées, et
l'autorité de la chose jugée n'est pas prise en
considération. Des personnes qui ont été acquittées
par les juridictions de droit commun et ayant épuisé toutes les
voies de recours se voient condamnées de nouveau par les juridictions
gacaca souvent pour les mêmes faits.
Des irrégularités ont été
constatées dans plusieurs districts du pays où, plusieurs
innocents ont été condamnés sur base de fausses
accusations de divisionnisme et de propagation de l'idéologie
génocidaire par des juges complices de la politique de discrimination
ethnique du parti--Etat.
D e toutes ces irrégularités, les plus
préoccupantes parce que hautement politisées concernent
l'instrumentalisation des génocidaires de grand renom désormais
reconvertis en délateurs professionnels contre toute personne dans le
mire du pouvoir.
D ans l'ex -Préfecture de Cyangugu, le cas qui nous
préoccupe actuellement est l'affaire de Sinzabakwira Straton, ex
Bourgmestre de la Commune Karengera. Ce Monsieur plaide coupable en
connaissance de cause car il a été le boucher de
KARENGERA--NYAKABUYE.
C on damné complaisamment à 20 ans
d'emprisonnement, il a réussi à se racheter en faisant inculper
dans son procès des personnalités innocentes comme Habimana
Théoneste, Nzabaza Tharcisse et Ndikumana Benjamin, qui se sont
vaillamment opposées à son entreprise génocidaire à
Karengera.
Pour se décharger de ses responsabilités, l'ex
Bourgmestre Sinzabakwira Straton a accusé les magistrats
Théoneste Habimana et Ndikumana Benjamin de l'avoir
découragé lorsqu'il voulait stopper les milices Interahamwe qui
se dirigeaient vers la Commune pour y massacrer les Tutsi, alors que c'est
lui--même qui était à la tête de ces milices. Ils lui
auraient conseillé de laisser faire les Interahamwe. Conduisant cette
attaque à partir de la paroisse de Mwezi sur le bureau communal
où s'étaient réfugiés les Tutsi, le Bourgmestre se
serait arrêté près du Bar chez Denys où se
trouvaient le Juge Président et l'IPJ, pour les consulter sur ce qu'il
devait faire de ces Tutsi. Ils lui auraient conseillé de laisser faire
les Interahamwe.
C eci est totalement faux si l'on se rappelle que les
Tribunaux comme tous les autres services publics avaient été
contraints à suspendre leurs activités et que la consultation
d'un avis d'un juge doit se faire sur son lieu de travail et sanctionné
par une ordonnance. Sinzabakwira et ceux qui l'aident à fabriquer ces
fausses accusations voudraient faire croire qu'ils ont tué des Tutsi
dans le cadre d'exécution d'un jugement rendu par le Tribunal de Canton
de Mwezi. A--t--on connaissance des compétences d'un juge de canton pour
lancer ces absurdités ?
Nulle part au monde, on a vu la raison du droit primer sur la
volonté répressive d'un exécutif génocidaire. Le
modus operandi des juges de canton en matière de collaboration avec les
bourgmestres des communes est rigoureusement structuré pour ne permettre
aucune amalgame sur l'étendue du pouvoir dévolu à
chacun.
Quand le bourreau de Karengera, Sinzabakwira Straton, est
incité à s'improviser en inquisiteur du régime, comme il
l'a démontré par ses mensonges dans l'enquête de Mucyo sur
l'implication des militaires français dans le génocide rwandais,
il croit réaliser son intention de se dédouaner de ses horribles
forfaits. D'où la volonté véhémente d'inculper
« les ennemis » du régime, même s'ils se sont
opposés, au risque de leurs vies, aux actes de génocide et
à la violence politique qu'il entreprenait pour endeuiller la Commune de
Karengera et les Communes environnantes.
Les Tribunaux Cacaca sont tellement politisés et
instrumentalisés qu'ils acquittent ou condamnent les prévenus au
gré du dictat du FPR pour s'assurer l'hégémonie du
pouvoir. Plusieurs personnes acquittées par ces mêmes gacaca sont
maintenues arbitrairement en prison si l'Association gouvernementale dite IBUKA
n'autorise pas la libération.
Le dernier jugement rendu par la juridiction d'appel Gacaca de
Gihundwe le 13 janvier 2010 est flagrant.
E n date du 25 septembre 2009, il a été
statué par la juridiction Gacaca de Gihundwe un non lieu sur les
délations que l'ancien Bourgmestre de Karengera a montées contre
Habimana Théoneste , NZABAZA Tharcisse et Ndikumana Benjamin. La
population, certains prisonniers dont Cosme alias Ntare et les rescapés
ont donné assez de preuves à décharge. Aucune victime n'a
interjeté appel contre ces 3 accusés.
Au mois de novembre 2009, la juridiction d'appel gacaca de
GASHONGA a confirmé l'acquittement des 3 coaccusés par
NSINZABAKWIRA Straton. Il a été mis en place une nouvelle
juridiction d'appel de Gihundwe qui a siégé à partir du 4
janvier 10.
Sur pression des militaires dont l'officier supérieur
de Police Nationale RUGWIZANGOGA Révérien qui participaient
à l'audience comme partie civile dans ces dits jugements non
contradictoires, les témoins à décharge furent
intimidés, téléguidés dans leur témoignage
ou arrêtés s'ils ne « coopéraient pas ».
On ne peut pas passer sous silence, la manipulation du
prêtre catholique Ubald qui a pris en charge les frais de
scolarité des enfants de SINZABAKWIRA Straton pour obtenir de lui les
délations en vue de faire condamner les innocents.
Les décisions rendues le 13 janvier ne sont que
politiques et non juridiques. HABIMANA Théoneste qui n'était ni
assigné, ni représenté au procès est
condamné à perpétuité. Nzabaza Tharcisse policier
communal qui avait toujours refusé de calomnier Théoneste
HABIMANA s'est vu attribuer la peine de 19 ans d'emprisonnement.
Le prisonnier Côme alias NTARE dont la peine avait
été réduite parce qu'il avait plaidé coupable, a
été condamné à une peine beaucoup plus lourde pour
avoir témoigné en faveur de HABIMANA Théoneste et pour
avoir dénoncé publiquement le plan monté en prison par
l'Association Ibuka et SINZABAKWIRA Straton pour faire inculper les
innocents.
La commission nationale sur le génocide avait
dépêché ses agents à Gihundwe le lundi 11 janvier 10
pour donner les ordres à cette juridiction sur les manières de
faire la délibération. D'où la manipulation pour faire
épingler ceux dont le régime veut se débarrasser.
Il est de notoriété publique que Monsieur HABIMANA
Théoneste a été gravement menacé par les
interahamwe avant et pendant le génocide.
Le Bourgmestre SINZABAKWIRA Straton l'avait assigné en
résidence surveillée à Karengera en l'accusait
d'héberger « les inyenzi ». Ceci du fait qu'il avait
hébérgé NYILIMBIBI Alphonse alors président de la
LIPRODHOR persécuté par les miliciens. Mr HABIMANA Theoneste a
été toujours accusé d'Icyitso(complice) par le
gouvernement du MRND de par ses prises de position en matière de
défense des droits humains depuis 1991 comme les autres cofondateurs de
la Ligue Rwandaise des Droits Humains (Liprodhor).
Après le départ en exil de SINZABAKWIRA Straton
au Zaire fin juin 1994 HABIMANA Théoneste a pu sortir de son isolement
dans le secteur KARENGERA pour aider au rétablissement de l'ordre dans
la commune Karengera, sous la supervision du Comité de
Sécurité mis en place par le Colonel Bavugamenshi Innocent et le
Major CYIZA Augustin pour l'instant porté disparu. A cet effet, sa
contribution permit d'arrêter des interahamwe qui écumaient encore
la Commune, de mettre fin aux massacres et aux pillages et de restaurer la
paix. Les profondes enquêtes ont été faites à sa
personne par les militaires et services de sécurité du FPR, les
services du gouvernement, les organisations des droits de l'homme tant
nationales qu'internationales et avaient levé leur doute quant à
son éventuelle participation aux actes criminelles en 1994. Ce qui lui
avait permis de continuer sa carrière de juge et d'activiste des droits
humains.
Après la prise du pouvoir par le FPR, il n'a pas
baissé les bras. Il a poursuivi son engagement en défendant les
victimes des violations des droits humains perpétrées par le
régime du FPR. Il s'est directement joint à ses collègues
membres de la LIPRODHOR rescapés des massacres pour relancer les
activités de la ligue. Il fut élu par ses collègues,
membre conseil d'administration, où de 1995 à 2001, il
présidait la commission économique et sociale depuis 1995
à 2001.
Suite à l'aggravation des menaces du gouvernement sur
les membres de la LIPRODHOR, Monsieur HABIMANA Théoneste, a fondé
le Réseau International pour la Promotion et la Défense des
Droits humains au Rwanda, en France, où il faisait ses recherches
à l'Université Lyon 3, pour relayer les activités de la
LIPRODHOR, réduite au silence au Rwanda. Sa condamnation est une mesure
politique de vengeance et de représailles qui n'a rien à faire
avec verdict motivé par les préoccupations de justice.
Etant donné le caractère particulièrement
injuste et partial de cette décision et plusieurs autres qui ne
reflètent que des parodies de justice au Rwanda,le RIPRODHOR recommande
:
1 ) Que les jugements rendus par les juridictions gacaca sur
violation des procédures légales et des principes de droit qui
fondent le procès équitable soient considérés comme
nuls et non avenus.
2 ) Que le jugement rendu par la juridiction d'appel gacaca de
Gihundwe le 13 janvier 2010 selon les injonctions de la commission nationale
sur le génocide soit annulé car la garantie d'indépendance
des juges et le droit de la défense ont été violés.
Car on ne peut pas être partie et juge en même temps.
3) Qu'il y ait une commission internationale indépendante
pour faire une évaluation sur les violations et abus de droits commis
par les juridictions gacaca.
4) Que les bailleurs des fonds qui financent le programme
gacaca prennent conscience du fossé infranchissable que les Gacaca sont
en train d'installer entre les ethnies rwandaises et soient prêts
à en endosser la lourde responsabilité devant l'histoire. Il est
temps de penser que les victimes d'abus d'autorité du FPR ont aussi
droit à être protégés.
Fait à Paris le 20 Janvier 2010
Théobald RUTIHUNZA Président du
RIPRODHOR
Annexe 7 : Peter Erlinder, l'Homme qui agaçe
Kigali Le TPIR s'oppose à Kigali dans l'affaire Erlinder p. 7
5
Peter Erlinder, l'homme qui agace Kigali
Peter Erlinder, professeur de droit et avocat au Tribunal
pénal international pour le Rwanda.
Malgré les pressions américaines, la
justice rwandaise est restée ferme. Lundi 7 juin, le tribunal de Kigali
a rejeté la demande de remise en liberté de l'Américain
Peter Erlinder. Avocat de l'opposante Victoire Ingabire, il est accusé
de négation du génocide et d'atteinte à la
sécurité nationale.
Lorsque Peter Erlinder est arrivé au Rwanda, le mois
dernier, il ne se doutait probablement pas du sort qui lui serait
réservé. Habitué à défendre des
accusés impopulaires, il était venu assister l'opposante Victoire
Ingabire, accusée, entre autres, de négationnisme. Et il avait
ignoré les conseils de ses collègues du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR), qui lui recommandaient de ne pas se
mêler à cette affaire.
Arrêté le 28 mai, celui qui préside
l'Association des avocats de la défense du TPIR -- laquelle regroupe
certains conseils des responsables présumés du génocide --
risque jusqu'à 25 ans de prison pour négation du génocide
et atteinte à la sécurité nationale. En cause: certains
des ses écrits et déclarations.
Irritations de Kigali
C e professeur de droit de l'université
américaine William--Mitchell, dans le Minnesota, avait
déjà sérieusement irrité Paul Kagamé en
contribuant à monter une action en justice contre ce dernier devant un
tribunal de l'Oklahoma, rappelle le New York Times. Il avait également
fait part de sa conviction que le Front patriotique rwandais (FPR,
ex--rébellion dirigée par l'actuel président Paul
Kagamé) était responsable de l'attentat qui avait causé la
mort de l'ancien président, Juvénal Habyarimana, à l'aube
du génocide de 1994. Une allégation qui ne passe pas à
Kigali: c'est cette même hypothèse, un temps suivie par le juge
d'instruction français Jean--Louis Bruguière dans l'enquête
sur l'attentat, qui avait provoqué la rupture diplomatique entre le
Rwanda et la France pendant trois ans.
« Acte de justice»
Peter Erlinder est désormais au centre d'un bras de fer
diplomatique entre le Rwanda et les États--Unis, alliés et
bailleurs de fonds traditionnel de Kigali. Trois jours avant l'interpellation
de l'avocat, l'administration américaine avait critiqué le
gouvernement rwandais, responsable, selon elle, d'une « série
d'actions inquiétantes [...] qui constituent des tentatives de
restreindre la liberté d'expression » à l'approche de la
présidentielle d'août prochain.
Le gouvernement nie pourtant tout caractère politique
à ce dossier. Il s'agit d'un «acte de justice », a
martelé la ministre rwandaise des Affaires étrangères,
Louise Mushikiwabo. «Peut-- être que M. Erlinder pensait que sa
nationalité, sa stature académique, son profil dans les
médias le protégeraient », ajoute--t--elle dans un
communiqué. «Ceux qui nient le génocide - qu'ils soient
riches ou puissants - sont considérés par les Rwandais comme de
grands criminels.»
Mystérieuse «tentative de
suicide»
« Je réalise pour la première fois combien
mes vagues écrits publiés en Amérique étaient
graves et pouvaient correspondre à une négation du
génocide », a déclaré Erlinder devant le tribunal de
Kigali, vendredi.
D eux jours plus tôt, il avait été
retrouvé affaibli dans sa cellule, conséquence d'une
«tentative de suicide », selon la police rwandaise. Une version que
ses proches -- avec qui il dit n'avoir pas pu communiquer depuis son
arrestation -- contestent vivement.
Peter Erlinder a demandé une remise en liberté
sous caution pour pouvoir retourner se soigner dans son pays, promettant de se
plier à toutes ses obligations devant la justice rwandaise. «Je
croyais que ce pays avait progressé démocratiquement. Mais si je
suis détenu et poursuivi, mon procès confirmera ce qu'on en dit
à l'étranger », avait--il déclaré, selon
l'agence américaine Associated Press. Un couplet qui n'a visiblement pas
convaincu le tribunal. Si son appel est à nouveau rejeté, il
attendra son audience, prévue début juillet, au Rwanda, dans sa
cellule de prison.
Source :
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20100608161032/diplomatie--rwanda--
gen o cide--procespeter--erlinder--l--homme--qui--agace--kigali.html
Le TPIR s'oppose à Kigali dans l'affaire
Erlinder
Peter Erlinder, professeur de droit et avocat au Tribunal
pénal international pour le Rwanda.
Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR)
est intervenu dans la polémique au sujet de la détention de Peter
Erlinder, demandant sa "libération immédiate". L'avocat
américain, conseil de l'opposante Victoire Ingabire, est poursuivi pour
négation du génocide.
« Le professeur Erlinder a droit à
l'immunité.» C'est le message qu'a fait parvenir le Tribunal
pénal international (TPIR) pour le Rwanda aux autorités
rwandaises, mardi. Le TPIR, chargé de juger les responsables du
génocide de 1994, prend ainsi la défense de l'avocat
américain, poursuivi pour négationnisme et
incarcéré à Kigali depuis le 28 mai. Kigali nie toute
intervention politique.
Peter Erlinder conseille le major Aloys Ntabakuze,
condamné à perpétuité en première instance
en décembre 2008, et préside l'Association des avocats de la
défense du TPIR.
Alors qu'Erlinder défend aussi l'opposante Victoire
Ingabire, Kigali réfute toute intervention politique dans ces
poursuites. L'interpellation de l'avocat américain a eu lieu quelques
jours après une remarque de la diplomatie des États--Unis,
s'inquiétant « des tentatives de restreindre la liberté
d'expression » à l'approche de la présidentielle
d'août prochain.
C e sont des écrits de Peter Erlinder aux
États--Unis et certaines de ses déclarations qui ont
été placés au centre de l'accusation rwandaise. Mais le
TPIR estime que l'accusation «fait des références
spécifiques à des mots et déclarations du professeur
Erlinder» dans le cadre du procès Ntabakuze. Soulignant que
l'avocat ne peut être poursuivi pour des propos tenus devant un tribunal,
le TPIR demande donc l'application de l'immunité pour Erlinder.
Une action contre Paul Kagamé
Le TPIR n'a donc pas retenu les assurances données par
le procureur général du Rwanda Martin Ngoga, d'après qui
ces références étaient «une erreur» du juge
«qui n'a rien à voir avec la substance du contenu des publications
pour lesquelles Erlinder est poursuivi ». « Nous informerons
prochainement le greffier du TPIR, pour une meilleure compréhension et
pour éviter des conclusions hâtives », a--t--il
ajouté.
Peter Erlinder, professeur de droit de l'université
américaine William--Mitchell, dans le Minnesota, avait, selon le New
York Times, contribué à monter une action en justice contre le
président Paul Kagamé devant un tribunal de l'Oklahoma.
D'après le quotidien américain, il avait également fait
part de sa conviction que le Front patriotique rwandais (FPR,
ex--rébellion dirigée par l'actuel président Paul
Kagamé) était responsable de l'attentat qui avait causé la
mort de l'ancien président, Juvénal Habyarimana, à l'aube
du génocide de 1994.
Source :
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20100616121051/diplomatie--
rwanda--genocide--fprle--tpir--s--oppose--a--kigali--dans--l--affaire--erlinder.html
Annexe 8: Le Rwanda pointé du doigt pour les
massacres en RDC. p. 80
Le Rwanda pointé du doigt pour les massacres en
RDC
La version non définitive d'un rapport de l'ONU
obtenue par le Monde détaille une décennie de crimes
contre l'humanité commis en République démocratique du
Congo. Elle met en cause Kigali pour des faits qui, selon les auteurs du
document, pourraient être qualifiés de
«génocide». Ce pourrait être une
première étape vers la fin de l'impunité. Le
Haut--commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (HCDH) s'apprête
à publier un rapport sur les exactions commises en République
démocratique du Congo entre 1993 et 2003, révèle le
Monde dans son édition de vendredi, qui s'est procuré
une version provisoire du texte. Le document de 600 pages présente les
conclusions d'une enquête inédite, qui évoque le mot
«génocide» et met en cause la responsabilité du Rwanda.
L'ampleur massive des crimes commis en RDC est connue de longue date. Depuis
1998, 5,4 millions de personnes auraient été tuées,
victimes des multiples conflits dont le pays a été le
théâtre, estime l'ONG International Rescue
Committee. Exécutions, viols de masse, pillages sont le lot
quotidien de ces populations, principalement dans l'est du pays, depuis presque
vingt ans. Le rapport que s'est procuré le Monde se penche sur
la pire décennie, entre 1993 et 2003, quand la République du
Congo devient une victime collatérale du génocide qui se
déroule chez son voisin rwandais. En 1994, l'Armée patriotique
rwandaise (APR), menée par Paul Kagamé, reprend le pays.
Craignant des représailles de la part des Tutsi, plus d'un million de
Hutu fuient le Rwanda et se réfugient de l'autre côté de la
frontière, au Zaïre (future RDC), où ils s'entassent dans de
vastes camps de réfugiés. Ces camps sont alors la cible de raids
menés par l'Alliance des forces démocratiques pour la
libération du Congo (AFDL) de Laurent--Désiré Kabila,
futur président du pays. Une rébellion, rappelle le rapport du
HCDH, «dont les troupes, l'armement et la logistique étaient
fournis par le Rwanda».
Kigali aurait tenté d'étouffer le
rapport. Car le document que s'est fourni le Monde met
très clairement en cause le Rwanda, et notamment son président
Paul Kagamé, dans les exactions menées au Kivu, dans l'est de la
RDC. Le rapport, fruit de plusieurs mois d'auditions menées sur place
par les enquêteurs de l'ONU, fournit de nombreux exemples de «crimes
contre l'humanité» et «crimes de guerre». Ainsi, en
décembre 1996, quand des «éléments de
l'AFDL/APR» ont «tué plusieurs centaines de
réfugiés» dans le village de Mutiko. Ou quand les
mêmes ont «tué près de 310 civils, dont un grand
nombre de femmes et d'enfants» dans le village de Kinigi. Peut--on parler
de génocide? Le HCDH ne tranche pas mais évoque la
possibilité d'une telle qualification : «Les attaques
systématiques et généralisées (contre des Hutu)
révèlent plusieurs éléments accablants qui, s'ils
sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être
qualifiés de génocide». L'objectif du rapport est
précisément de servir de base à d'éventuels
procès. Dans cette optique, les noms des personnes impliquées ont
été soigneusement consignés dans une base de
données confidentielle. De quoi faire trembler beaucoup de monde,
parfois haut placé. Le Monde révèle ainsi que
depuis plusieurs semaines, Kigali met tout en ouvre pour étouffer ce
rapport. Paul Kagamé aurait même menacé directement le
secrétaire général des Nations unies, Ban Ki--moon,
d'arrêter la participation du Rwanda aux opérations de maintien de
la paix de l'ONU s'il était publié.
Une menace prise au sérieux, le Rwanda étant
notamment l'un des plus gros contributeurs de la mission établie au
Darfour. Selon le Monde, Ban Ki--moon a déjà
commencé à céder du terrain, en mettant en garde contre
l'utilisation du mot «génocide» dans la version finale du
rapport. Ce qui pourrait expliquer la colère inhabituelle de l'ONU
à la publication de cette version provisoire, dont elle affirme que
certains éléments sont «faux». La version
définitive sera publiée «très rapidement»,
promet--on à New York. Reste à savoir si le terme
«génocide» y figurera.
Source :
http://www.lefigaro.fr/international/2010/08/26/01003--
2 0 1 0 0 8 2 6ARTFI G 0 0 6 0
1--le--rwanda--pointe--du--doigt--pour--les--massacres--en--rd-- congo.php
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http://articles.latimes.com/2009/apr/11/opinion/oe--roth11)
Sites internet:
· TPIR:
http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm
· Agence Hirondelle de Presse basée à Arusha
: http://fr.hirondellenews.com/
Remerciements
Je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui ont
contribué à la réalisation de ce mémoire et de
cette expérience onusienne au sein du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda.
Je remercie Maître Philippe LAROCHELLE, maître de
stage, pour son soutien, sa confiance et son aide pendant les trois mois de
stage sous sa tutelle. Ainsi que pour le partage de sa vision de la justice
internationale, notamment au sein du TPIR.
Je tiens à remercier tout particulièrement Melle
Sophie MAURICE, «Associate Legal Officer» auprès des Chambres,
sans qui cette expérience au sein de l'ONU n'aurait pas
été aussi enrichissante humainement et professionnellement.
Je remercie également l'ensemble de l'Équipe de
défense de M. Callixte Nzabonimana: Maître COURCELLE LABROUSSE
(conseil principal), Maître Phillippe LAROCHELLE (co--conseil), Nathalie
LEBLANC (assistante juridique), Fernand BATARD (Enquêteur),
Célestin KAKANGO (enquêteur), Justin HABINEZA (enquêteur) et
M. Callixte Nzabonimana (accusé), pour leur confiance et leur
soutien.
Rem erciant également Érick SULLIVAN, co--stagiaire
pour le travail d'équipe réalisé avec soin et respect,
ainsi que pour sa présence dans cette aventure humaine.
Je remercie également Madame Claire COURTECUISSE,
directrice du master II « Théorie et pratique des Droits de l'Homme
», et Monsieur Damien SCALIA directeur de mémoire, pour leur
contribution et leur soutien tout au long de l'année dans la
réalisation de ce projet et de ce mémoire.
Et enfin, je remercie mes parents pour leur soutien financier et
moral, ainsi que pour leur relecture de ce travail universitaire.
Table des matières
Introduction 9
I . Lutte contre l'impunité au sein du TPIR: un
contraste dérangeant. 20
A. Une lutte contre l'impunité textuelle : la face
émergée de l'iceberg. 20
1. Lutte contre l'impunité menée par le TPIR :
une exemplarité en péril 20
2. Mariage difficile entre lutte contre l'impunité et
l'objectif de réconciliation des peuples 29
B. La pratique du TPIR: la face immergée de
l'iceberg. 35
1. Une justice à deux vitesses entachant
l'effectivité de la mission du TPIR 35
2. Une proximité alarmante entre le TPIR et le
pouvoir politique de Kigali 41
II. Une lutte contre l'impunité mettant en
péril les droits des accusés. 50
A. Une volonté textuelle affirmée
assurant la protection des droits fondamentaux
du droit des accusés. 50
1. Au niveau international: une mappemonde protectrice
50
2. Au niveau du TPIR : une liberté
d'interprétation 55
B) Un constat de violations assombrissant ce principe
d'équité du TPIR. 61
1. Garanties du procès équitable
bafouées 61
2. Équilibre difficile entre désir de
répression et garanties procédurales 69
Conclusion 77
An n exes 82
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