Introduction
Ces derniers temps, plusieurs questions se sont
soulevées concernant la sécurité des produits chimiques
conservateurs utilisés en industrie alimentaire. En effet, la
peroxydation des lipides produite au cours des processus de fabrication et de
stockage des aliments sous l'effet des radicaux libres oxygénés
(RLO) conduit à des modifications de goût, d'odeur et de couleur
et parfois constituent un risque pour la santé du consommateur et, par
conséquent à la perte de la qualité et de la
sécurité des aliments (MAU et al., 2004). Les
antioxydants de synthèse sont généralement utilisés
en industrie alimentaire pour retarder l'oxydation des lipides se sont
avérés responsables d'effets indésirables. En effet,
l'hydroxyanisole butylé (BHA) et l'hydroxytoluène butylé
(BHT) sont suspectés avoir des effets négatifs sur la
santé du consommateur (NAMIKI, 1990). D'un autre côté,
l'usage extensif des agents antibactériens chimiques dans la
médication humaine ainsi que dans les élevages animaux conduit
à la sélection de souches bactériennes
résistantes.
Ainsi, les H.E. commencent à avoir beaucoup
d'intérêt comme source potentielle de molécules naturelles
bioactives (BOUHDID et al., 2006).
Les H.E. possèdent de nombreuses activités
biologiques. Selon les travaux de OCHOA (2005); FREEMAN et CAREL
(2006), ces activités sont liées essentiellement
à la composition chimique, aux groupes fonctionnels des composés
majoritaires de ces extraits et à leurs effets synergiques.
Empiriquement reconnue depuis des siècles, la
confirmation scientifique de l'activité antimicrobienne des H.E. est
récente. Elle ne date que du début du siècle dernier avec
les travaux du Dr Gattefossé, le père de l'aromathérapie
en France (PIBIRI, 2005).
Beaucoup d'études ont été
réalisées au sujet de l'activité antimicrobienne des
extraits de plantes et de leurs H.E. (BOUSBIA, 2004) qu'elles soient
citées dans des ouvrages, dans des journaux spécialisés de
microbiologie ou présentées lors de congrès
d'aromathérapie scientifique. Cette activité a été
utilisée dernièrement pour la conservation du patrimoine
bibliographique des musées évitant ainsi l'altération des
ouvrages par des petits animaux nuisibles, et elle est naissante pour traiter
la qualité de l'air dans les bâtiments (PIBIRI, 2005).
On attribue aux extraits de plantes aromatiques et notamment
aux H.E. un certain nombre d'activités biologiques potentielles
susceptibles de trouver des applications en agroalimentaire (ALITONOU et
al., 2005).
1- Activité antibactérienne
Les activités antimicrobiennes des plantes aromatiques
et médicinales sont connues depuis l'antiquité. Toutefois, il
aura fallu attendre le début du XXe siècle pour que les
scientifiques commencent à s'y intéresser. Ces
propriétés sont dues à la fraction d'H.E. contenue dans
les plantes (CAILLET et al., 2007 ; BOUAOUN, 2007).
1.1- Bactéricide et
bactériostase
À la manière des agents chimiques, on distingue
deux sortes d'effets des H.E. sur les microorganismes: une activité
létale (bactéricide et fongicide) (CARSON et RILEY, 1995) et une
inhibition de la croissance (bactériostatique) (FREEMAN et CAREL,
2006).
Au cours d'un travail au laboratoire, DORMAN et DEANS (2000)
ont démontré que l'activité bactéricide des H.E.
vis-à-vis des cellules bactériennes pourrait être
expliquée par une dénaturation des protéines
provoquée par le rôle solvant et déshydratant des
huiles.
Une étude réalisée par COSENTINO et ses
collaborateurs (1999) pour la détermination des Concentrations Minimales
Inhibitrices (CMI) et des Concentrations Minimales Bactéricides (CMB)
pour 4 variétés de Thym (Thymus vulgaris) portant sur 14
souches bactériennes (dont Staphylococcus aureus) ont
montré que dans la majorité des cas, les valeurs des CMI sont
identiques aux CMB. Les mêmes auteurs ont conclu que les H.E.
testées dans cette étude sont bactéricides.
D'autre part, certaines études ont été
réalisées par BILLERBECK (2000) dans le but d'illustrer les
dommages provoqués par certaines H.E. sur des cibles bactériennes
à travers des images de haute résolution en utilisant la
microscopie électronique.
1.2- Huiles essentielles et bactéries
résistantes aux antibiotiques
Face au problème soulevé depuis plusieurs
années par la résistance des bactéries aux antibiotiques,
la seule alternative fiable à l'usage des antibiotiques semble
être celle des H.E. Connue de façon empirique depuis des
siècles, leur efficacité anti-infectieuse a été
scientifiquement démontrée "in vitro" et "in
vivo" (CAREL, 2006).
De nombreux chercheurs de l'université de Manchester
(Royaume-Uni) ont montré que ces produits sont actifs contre des germes
pathogènes résistants aux antibiotiques tels que S.
aureus résistant à la méthicilline (MRSA),
Streptococcus pneumoniae résistant à la
pénicilline, Enterococcus faecium résistant à la
vancomycine, Candida albicans résistant à l'azolé
et Herpes simplex résistant à l'acyclovir. Ceci est
dû au mécanisme original des H.E. (AVERTIT, 2004; BOUAOUN et
al., 2007). Selon INOUYE et ABE (2007), l'efficacité des
antibiotiques dépend de la dose et du temps de contact. Des
expérimentations sur des animaux de laboratoire a permet de savoir que
l'efficacité des antibiotiques reste toujours limitée. Les H.E.,
contrairement aux antibiotiques, sont constituées de si nombreuses
molécules que les bactéries ne peuvent y résister en
mutant (ENRICO et al., 2004).
1.3- Mécanismes d'action des huiles essentielles
sur les bactéries
Les mécanismes d'action des H.E. et leur
sélectivité envers certaines bactéries restent
jusqu'à présent mal élucidés (HAMMER et al.,
1999; DORMAN et al., 2000; BAGAMBOULA et al., 2004).
Selon ces auteurs, cette sélectivité est le résultat de la
composition variée des fractions actives des huiles, qui
présentent souvent des actions synergiques. Il semble que le
mécanisme d'action de ces huiles est lié essentiellement à
la structure de la paroi et à la perméabilité membranaire
des bactéries à Gram+ et
Gram-.
RAYOUR (2003) a examiné le mécanisme d'action
des H.E. des Clous de girofle et d'origan (Origanum vulgare)
simultanément avec ceux de deux de leurs composants, le thymol et
l'eugénol, sur des bactéries: E. coli et Bacillus
subtilis et qui ont été utilisées
respectivement comme modèles de bactérie
Gram+ et Gram-. Les deux H.E. tout comme
leurs deux composants ont été capables d'induire une lyse
cellulaire. Cette action a été démontrée par la
libération de substances absorbantes à 260 nm. Cette
libération de substances associée à la rapide
mortalité bactérienne pourrait être la conséquence
de lésions sur les enveloppes induites par les agents
antibactériens. L'utilisation d'un microscope électronique a
permis de montrer que les H.E. attaquaient en même temps les membranes et
les parois cellulaires.
Les travaux de BURT (2004) ont montré qu'une H.E.
active exercera son pouvoir antimicrobien par son interférence avec la
bicouche lipidique de la cellule cible grâce à sa
propriété hydrophobe, ce qui entraîne une perturbation de
la perméabilité et perte des constituants de la cellule. En plus,
cette réaction varie en fonction de la nature de la bicouche lipidique,
ce qui explique la résistance des bactéries
Gram- (MAHMOUD et al., 2004). En outre, DABBAH et ses
collaborateurs (1970) ont mis en évidence la grande sensibilité
des bactéries Gram+ par rapport aux
Gram- et aux champignons. Dans la même démarche
d'étude, GORDON et ses collaborateurs (1973) et MAHMOUD et ses
collaborateurs (2004) ont suggéré que l'effet antimicrobien
qu'exercent les H.E. pourrait être expliqué par la destruction de
certains systèmes enzymatiques incluant ceux qui participent dans la
production d'énergie cellulaire et la production des composés
structuraux. MAHMOUD et ses collaborateurs (2004), GUESMI et BOUDABOUS (2006)
quant à eux, ont avancé l'hypothèse d'inactivation et
destruction du matériel génétique et, enfin CAILLET et ses
collaborateurs (2007) ont signalé que les H.E. empêchent la
multiplication des bactéries, leur sporulation et la synthèse de
leurs toxines.
Dans une autre étude qui a été
réalisée par FREEMAN et CAREL (2006), l'H.E. d'arbre à
thé (Leptospermum citratum) a provoqué des fuites d'ions
potassium (K+) au niveau des membranes cellulaires d'E. coli et S.
aureus. Cette fuite de K+ est la toute première preuve de
l'existence de lésions irréversibles au niveau de la membrane de
la bactérie. Le thymol, le carvacrol, des composants actifs d'H.E.,
rendent perméable la membrane des bactéries, un effet
précurseur de leur mort. Les H.E. ont donc bien des
propriétés bactéricides.
D'après CAILLET et ses collaborateurs (2007), l'action
antimicrobienne des H.E. se déroule en trois phases:
- Attaque de la paroi bactérienne par l'H.E., provoquant
une augmentation de la perméabilité puis la perte des
constituants cellulaire;
- acidification de l'intérieur de la cellule, bloquant la
production de l'énergie cellulaire et la synthèse des composants
de structure;
- destruction du matériel génétique,
conduisant à la mort de la bactérie.
1.4- Résistance des bactéries
Gram- à certaines huiles essentielles
Chez les bactéries à Gram+, le peptidoglycane est
très épais et associé à des protéines
pariétales exposées et à des structures polyosidiques
(acides lipoteichoïques, acides
teichoïques...). Par contre chez les bactéries
à Gram-, le peptidoglycane est très fin et
associé à une enveloppe externe complexe définissant un
espace périplasmique. Cette membrane externe est une bicouche lipidique
asymétrique hydrophobe constituée de phospholipides, de
protéines (porines...) et lipopolysaccharides (LPS). L'espace
périplasmique est rempli d'enzymes qui dégradent les substances
complexes pour qu'ils puissent traverser la membrane cytoplasmique, et
inactivent les produits chimiques toxiques (antibiotiques, métaux
lourds...) (BERCHE, 2003).
La résistance des bactéries à Gram- aux
glycopeptides et aux macrolides est due à l'incapacité de ces
molécules de franchir la membrane externe (BERCHE, 2003).
Fig. 11: Structure de la paroi bactérienne Gram+
(d'après LAVIGNE, 2007).
Fig. 12: Structure de la paroi bactérienne Gram-
(d'après LAVIGNE, 2007).
2- Activité antifongique
FREEMAN et CAREL (2006), ont signalé que les groupes
moléculaires avec les plus puissantes actions antibactériennes
sont également des antifongiques efficaces, mais ils doivent être
utilisés sur de plus longues périodes. Expérimentalement,
les H.E. des plantes aromatiques et médicinales ont fait preuve de leur
efficacité antifongique parfois même supérieure à
celle des agents antifongiques commerciaux.
Une étude a porté sur les effets antifongiques
de l' H.E. de thym (RASOOLI et al., 2006), et plus
particulièrement sur les conséquences de cette huile sur
l'ultrastructure du champignon Aspergillus niger. Elle a tout d'abord
permis de déterminer grâce à la microscopie
électronique, que lorsque A. niger était exposé
à l'H.E., celle-ci provoquait des dommages irréversibles sur la
membrane cellulaire ainsi que sur les organites du champignon (BARRAL et
al., 2007). Alors qu'elles inhibent la germination des spores,
l'élongation du mycélium, la sporulation et la production de
toxines chez les moisissures (CAILLET et LACROIX, 2007).
L'action fongicide des H.E. des clous de girofle et d'origan a
été testée sur un modèle de levure
Saccharomyces cerevisiae. La lyse des cellules de levure a
été montrée par la libération de substances
absorbant à 260 nm. Des analyses au microscope électronique ont
montré que la surface des cellules traitées par les H.E. d'origan
et de clous de girofle était significativement endommagée (CHAMI,
2005).
L'huile de la Menthe pouliot (Mentha pulegium) dont
le composé majoritaire est la R (+) pulégone (82%) est
dotée d'un fort pouvoir antifongique contre Pénicillium
et Mucor (BELGHAZI et al., 2002).
Une étude a évalué l'activité
antifongique de l'huile des clous de girofle sur toute une
variété de champignons pathogènes, incluant ceux
responsables d'infections urogénitales (AHMAD et al., 2005).
Selon CHAMI (2006), l'huile des clous de girofle a démontré une
puissante activité antifongique contre des champignons pathogènes
opportunistes tels que Candida albicans, Cryptococcus
neoformans et Aspergillus fumigatus.
2.1- Mode d'action des huiles essentielles sur les
levures
GIORDANI et KALOUSTIAN (2006) ont souligné que les
composés terpéniques des H.E. et plus
précisément leurs groupements fonctionnels tels que les
phénols et les aldéhydes réagissent avec les enzymes
membranaires et dégradent la membrane plasmique entraînant une
fuite du contenu cytoplasmique et donc la mort de la levure (COX, 2000).
2.2- Les principales huiles ayant un pouvoir
antifongique
D'après GIORDANI et KALOUSTIAN (2006), les principales
espèces botaniques productrices d'H.E. dotées d'un pouvoir
inhibiteur de la croissance des levures sont les suivantes:
- Melaleuca alternifolia (arbre à thé)
;
- diverses espèces de Cinnamomum (cannelier);
- Sassafras albidum (sassafras), Laurus nobilis
(laurier-sauce), Aniba rosaeodora; - Artemisia absinthium
(armoise amère ou absinthe);
- nombreuses espèces de Thymus (thym);
- diverses espèces d'Origanum (origan);
- diverses espèces de Pinus (pin);
- diverses espèces de Mentha (menthe);
- Agastache rugosa (Agastache coréenne);
- Juniperus communis (genévrier);
- diverses espèces de Lavandula (lavande);
- Citrus bergamia (bergamotier);
- Salvia fructicosa (sauge).
Les résultats expérimentaux de ces deux derniers
auteurs ont montré que les huiles présentant un fort pouvoir
antifongique, telles que celles de thym et de cannelle, pourraient constituer
une solution alternative intéressante dans les thérapies
antimycosiques.
Le carvacrol et le thymol, deux composés
rencontrés dans la majorité des espèces botaniques
possèdent une activité antifongique contre les mycètes
phytopathogéne (SCHWAMMLE et al., 2001).
3- Activité antivirale
De nombreuses familles de molécules chimiques
rencontrées dans les extraits végétaux ont montré
"in vivo" une activité antivirale et, parmi elles, les
monoterpénols et les monoterpénals (FREEMAN et CAREL, 2006).
Selon les travaux d'INOUYE et ABE, (2007), il existe des H.E. de
plantes exotiques très puissantes qui ont un fort pouvoir antiviral et
qui sont connues pour leur efficacité.
Les H.E. sont sélectivement absorbées et
perturbent les fonctions des membranes biologiques de la cellule, sur la
mitochondrie et autres organites vitales pour tous les organismes hormis les
virus (les H.E. ne sont actives que sur les virus à enveloppe comme
celui de la grippe et du VIH (virus de l'immunodéficience humaine).
4- Activité antioxydante
L'utilisation des molécules antioxydantes de
synthèse étant actuellement remise en cause en raison des risques
toxicologiques potentiels. Ainsi, de nouvelles sources végétales
d'antioxydants naturels (carvacrol, eugénol, tocophérol,
thymol...) sont recherchées par les industriels (BELHADJ et al.,
2006). DJENANE et ses collaborateurs (2002), ont rapporté que les
viandes traitées avec des antioxydants naturels d'origine
végétale, emballées sous atmosphère modifiée
(en présence de O2, CO2, N2) et postérieurement exposées
dans des vitrines frigorifiques illuminées par des tubes fluorescents
standards ont montré une stabilité chimique et microbiologique
durant une longue période d'exposition par rapport aux viandes non
traitées. Les travaux de HELME et ses collaborateurs (2004) ont
confirmé la nature antioxydante des H.E. extraites d'épices et
d'herbes: thym, carvi, cumin, clou de girofle, romarin, sauge. Selon FARAGF et
ses collaborateurs (1989), le pouvoir antioxydant, déterminé par
oxydation en émulsion aqueuse du p-carotène par l'acide
linoléique, de ces extraits serait par ordre décroissant: carvi
> sauge > cumin > romarin > thym > clou de girofle. Pour ces
extraits naturels, certains travaux (FARAGF et al., 1989; CHEVOLLEAU,
1990) font état de pouvoir antioxydant supérieur à celui
du BHT (butylhydroxytoluène ou E 321). D'après GHEDIRA (2006), la
thymoquinone (composé majoritaire dans l'H.E. de Nigella
sativa) inhibe la lipoperoxydation lipidique non enzymatique dans les
liposomes. La thymoquinone, le carvacrol, le t-anéthole et le
4-terpinéol (composés de cette même huile) exercent un
important effet piégeur des radicaux libres.
Une étude de SCHWAMMLE (2001) a exploré que le
carvacrol est un des composants principaux des H.E. de certaines
Lamiaceae, comme l'origan, thym dont la teneur peut atteindre
jusqu'à 86%. L'activité antioxydante de ces herbes est due au
carvacrol, thymol et autres phénols.
5- Combinaison entre les huiles essentielles
Certaines études ont montré que
l'activité biologique des H.E. est supérieure à celle de
ses composés majoritaires testés séparément. Les
composés purs, le thymol et le carvacrol ont un net effet synergique, ce
qui expliquerait les différentes activités des chémotypes
de Thyms. L'aldéhyde cinnamique est généralement
indifférent aux deux phénols (LAHLOU, 2004).
Les effets antimicrobiens des associations d'H.E., comme pour les
associations d'antibiotiques, sont définis selon quatre interactions
possibles:
- Indifférence: l'activité d'une
H.E. n'est pas affectée par l'autre: (A + B) = effet A ou effet B.
- Addition: l'effet de l'association est
égal à la somme des effets de chaque H.E. étudiée
isolément, à la même concentration que dans l'association:
(A + B) = effet A + effet B.
- Synergie: l'effet est significativement
supérieur à la somme de chaque H.E. étudiée
isolément, à la même concentration: (A + B) > effet A +
effet B.
- Antagonisme: l'association diminue
l'activité de l'une ou l'autre des H.E. Elle est inférieure
à la somme des effets de chaque H.E. prise séparément: (A
+ B) < effet A ou effet B.
Cependant, une étude réalisée par
SKANDAMI et ses collaborateurs (2001) ne corrobore pas les effets de synergie
mentionnés. Une combinaison de concentrations comparables en thymol et
en carvacrol reproduit bien l'inhibition de l'H.E. mais les autres
composés minoritaires ont pour effet de diminuer l'effet des principaux
composés actifs phénolés.
Dans une étude réalisée par PIBIRI
(2005), il a été observé que des associations d'H.E. de
cannelle et de thym sont synergiques vis-à-vis de S. aureus. En
revanche, elles sont indifférentes sur le genre Bacillus; par
contre sur P.aeruginosa et E. coli (Gram-) de telles
associations ne sont pas plus efficaces et sont souvent
indifférentes. En revanche la cannelle testée individuellement
est plus efficace que celle de thym, contrairement aux cas de présence
de bactéries à Gram+.
6- Activité liée à la composition
chimique
De récentes études (CAILLET et LACROIX, 2007)
montrent qu'une H.E. contient souvent de 50 à 100 molécules
différentes et peut à l'extrême en comprendre
jusqu'à 500. Sa composition biochimique n'est par ailleurs jamais
rigoureusement identique. Il est impossible de reproduire en laboratoire cette
complexité présente à l'état naturel. C'est ce qui
explique notamment la grande efficacité des H.E. dans le cadre de la
lutte contre les bactéries, les champignons ou les virus.
Selon BOUAOUN et ses collaborateurs (2007), la plupart des
composés chimiques des H.E. sont dotés de
propriétés antimicrobiennes, mais ce sont les composés
volatils majeurs qui présentent les propriétés
antimicrobiennes les plus importantes, et en particulier les phénols,
les alcools et les aldéhydes (voir tableau II): carvacrol (origan,
sarriette), eugénol (feuille de cannelle de Ceylan, clou de girofle),
linalool (coriandre), cynnamaldéhyde (cannelle de Chine), thymol
(thym).
L'activité des H.E. est souvent réduite à
l'activité de ses composés majoritaires, ou ceux susceptibles
d'être actifs. Évalués séparément sous la
forme de composés synthétiques, ils confirment ou infirment
l'activité de l'H.E. de composition semblable. Il est cependant probable
que les composés minoritaires agissent de manière synergique. De
cette manière, la valeur d'une H.E. tienne à son "totum", c'est
à dire dans l'intégralité de ses composants et non
seulement à ses composés majoritaires (LAHLOU, 2004).
Les phénols sont responsables des altérations
irréversibles au niveau de la membrane bactérienne. Le thymol et
l'eugénol sont responsables de l'activité fongicide (BENNIS
et al., 2004) et bactéricide des H.E. qui en contiennent
(COX et al., 2000). La molécule de thymol a un effet inhibiteur
et létal sur diverses souches, dont E. coli et S.
aureus, sur lesquelles elle provoque des fuites d'ions potassium (K+). En
revanche elle n'est pas active sur P. aeruginosa (WALSH et al.,
2003). Plus les teneurs en phénols sont élevées, plus
les H.E. sont efficaces (COSENTINO et al., 1999).
Tableau II: Bioactivité de quelques principaux
terpènes rencontrés dans les H.E.
(HERNANDEZ et OCHOA, 2005).
Composés aromatiques
|
Formules développées
|
Caractères physicochimiques
|
Teneur de quelques plantes
|
Propriétés
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Exemples
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Densité: 0,98g/ml
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-Thym (T. vulgaris)
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PM: 150,2
|
33%
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|
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-Origan (origanum vulgare) 76%
|
-Stimulantes;
|
|
|
|
|
-Toniques;
|
|
|
|
|
-Antiseptiques;
|
|
|
|
|
-Bactéricides;
|
|
carvacrol
|
|
-Girofle
|
-Fongicides;
|
|
|
|
(S. aromaticum)
|
-Antivirale;
|
|
|
|
82%
|
-Antiparasitaires;
|
Phénols
|
|
|
-Bay St Thomas
|
-Irritantes
|
(P. racemosa) 60%
|
|
|
|
-Poivre (P. dioica)
|
|
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|
Densité: 1.07g/ml PM: 164.2
|
54%
|
|
|
Eugénol
|
|
|
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|
|
Densité: 0.88g/ml
|
-Palmarosa
|
|
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|
PM: 154.3
|
(C. martinii) 75-
|
|
|
|
|
95% (C. helichrysum
|
-Anti-inflammatoire;
|
|
|
|
spp.) 80-90%
|
-Antiseptiques; -Bactéricides;
|
Alcools
|
Géraniol
|
|
-Citronelle
|
-Fongicides; -Antivirale;
|
Terpéniques
|
|
|
(C. winterianus) 12- 18%
|
-Neurotoniques
|
|
|
Densité: 0.86 g/ml
|
-Citronelle
|
|
|
|
PM: 156,3
|
(C. winterianus)
|
|
|
|
|
11-15%
|
|
|
Citroneiol
|
|
|
|
Aldéhydes Terpéniques
|
|
Citronellal
|
|
Densité: 0.89 g/ml PM: 154,30
|
-Citronelle (C. winterianus)
35- 45% -Eucalyptus citronne (E. Citriodora)
90 %
|
-Antifongiques; -Toxicité liée à la
présence du groupe
aldéhyde; -Insecticide.
|
Cétones
|
|
Carvone
|
|
Densité: 0,96 g/ml PM: 150,2
|
-Carvi (Carum carvi), 50%
|
-Calmantes;
-Antivirales; -Antifongiques; -Neurotoxiques;
-Antiépileptique.
|
Hydrocarbures aliphatiques, sesquiterpènes
|
Limonène
|
|
Densité: 0,96 g/ml PM: 150,2
|
-Carvi (Carum carvi), 45%
|
-Fongistatique; -Bactériostatique; -Insecticides;
-Nematicide; -Herbicide.
|
7- Les principales techniques de détermination de
l'activité
antimicrobienne des H.E.
La technique de détermination du pouvoir antimicrobien
des H.E. a une grande influence sur les résultats. Les
difficultés pratiques viennent de l'insolubilité des constituants
des H.E. dans l'eau, de leur volatilité, de la
nécessité de les tester à de faibles concentrations et,
des problèmes de standardisation des méthodes (BOUSBIA, 2004).
6.1- Aromatogramme
L'aromatogramme est basée sur une technique
utilisée en bactériologie médicale, appelée
antibiogramme ou méthode par diffusion en milieu gélosé ou
encore méthode des disques. Cette méthode a l'avantage
d'être d'une grande souplesse dans le choix des H.E. testées, de
s'appliquer à un très grand nombre d'espèces
bactériennes, et d'avoir été largement
évaluée
par 50 ans d'utilisation mondiale (FAUCHERE et AVRIL,
2002). Il s'agit d'une méthode en milieu gélosé
à l'agar1 réalisée dans une boîte de
Pétri.
Le contact se fait par l'intermédiaire d'un disque de
papier sur lequel on dispose une quantité donnée d' H.E. (Figure
13).
Fig. 13: Illustration de la méthode
d'aromatogramme (ZAIKI, 1988).
6.2- Technique de microatmosphère
Le protocole des microatmosphères est techniquement
proche de celui des aromatogrammes. Cette méthode en boîte de
Pétri constitue une première approche pour l'étude de
l'activité antimicrobienne des vapeurs de produits volatils (BILLERBECK,
2003).
Selon BOUSBIA (2004), cette méthode consiste à
déposer un disque de papier filtre imprégné d'H.E. au
centre du couvercle d'une boîte de Pétri (figure 14), sans que
l'H.E. entre en contact avec la gélose ensemencée par les
micro-organismes. La boîte est hermétiquement fermée. Il se
produit une évaporation des substances volatiles dans l'enceinte de la
boîte et les cellules sensibles de l'inoculum sont inhibées. La
lecture du test porte donc sur la croissance ou non de l'inoculum se traduisant
par un halot qui sera mesuré par un pied à coulisse.
Cette méthode ne quantifie pas l'activité
antimicrobienne réelle des H.E. elle montre seulement la
sensibilité du microorganisme présent aux constituants volatils
à la température d'incubation (BOUSBIA, 2004).
Fig. 14: Illustration de la méthode de
microatmosphère (BOUSBIA, 2004).
6.3- Technique par contact direct
La technique par contact direct consiste à mettre en
présence l'H.E. et les micro-organismes, puis à observer la
croissance de ces derniers. Le contact peut avoir lieu en milieu
gélosé ou liquide (BOUSBIA, 2004).
Fig. 15: Schéma représentant la technique
de contact direct (MEZAOUR, 2006).
6.4- Méthode de diffusion en puits ou en
cylindre
C'est une méthode qui a été
proposée par Cooper et Woodman en 1946, et reprise par la suite par
Schroder et Messing en 1949, elle assure une diffusion radiale de l'H.E.
à partir d'un puits en donnant une zone d'inhibition claire et
facilement mesurable. La méthode consistait à découper un
trou circulaire vertical dans la gélose et à y verser une
solution d'H.E. de concentration connue. L'H.E. diffuse radialement
créait une zone d'inhibition circulaire à la surface de la
gélose préalablement ensemencée avec la suspension
bactérienne (DORMAN et DEANS, 2000).
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