Section II : L'acquisition de la nationalité par
naturalisation
La naturalisation se définit comme étant
l'acquisition volontaire d'une nationalité156.
Comme on a pu le constater, se sont les politiques nationales
de naturalisations qui témoignent de l'attitude de chaque pays envers
les étrangers installés sur son territoire.
An sein même des pays d'immigration et en particulier ceux
d'Europe occidentale, on distingue deux types de pays :
pays faisant une large place au droit du sang (Allemagne
Fédérale, Espagne, ...).
Pays faisant une large place au droit do sol, il s'agit, bien
entendu des anciens pays d'immigration comme c'est le cas de la France, la
Grande Bretagne et les Pays Bas...
Au Maghreb comme en France, la naturalisation est
accordée par l'autorité administrative, d'une manière
discrétionnaire, aux individus qui l'ont sollicitée en
remplissant certaines conditions, sauf que ces dernières ne sont,
évidemment, pas les mêmes pour les législations que nous
sommes entrain d'étudier, et en plus de cela, et si nous revenons
à la pratique, notre pouvoir exécutif, à savoir le
ministère de la justice, n'est pas aussi «serviable » que son
homologue français, vu le caractère fermé de notre
code.
Le traitement de la question de la naturalisation n'est pas
aussi compliqué que celui de la nationalité par le bienfait de la
loi, que nous venons d'achever, et qui comporte pour chacun des cas
(français et marocains) plusieurs cas de figures.
Toutefois, l'analyse de la naturalisation est beaucoup plus
simple, ce qui va nous amener à l'étudier tout d'abord :
156 Op.cit : lexique de termes juridiques.
> selon la législation marocaine (A),
> et ensuite selon la législation française
(B).
II. A. La naturalisation en droit
maghrébin
Bien que les mécanismes d'attribution de la
nationalité en générale des trois pays du Maghreb sont
calqués du modèle français, les trois pays du Maghreb, en
pratique ne sont pas aussi accueillant envers la naturalisation des
étrangers établis sur leurs territoires, et c'est normal, vu que
la conjoncture démographique et économique maghrébine
n'est pas identique à celle des pays du Nord.
Dans les trois pays du Maghreb, plusieurs milliers de
personnes arrivent chaque années sur les marchés de travail
marocain, algérien ou tunisien, et que ces pays sont incapables de les
absorber tous, et c'est donc pour cette raison qu'ils sont resté
méfiants à l'égard de la naturalisation.
Au Maroc à titre d'exemple,
200.000157 personnes arrivent chaque
année sur le marché de travail, et on prévoit
21.000.000158 d'actifs marocains en 2010
dans un marché de l'emploi qui n'en absorbe plus. A cette datte,
l'Europe manquera de main d'oeuvre et son économie en tremble
déjà.
Les codes tunisien et algérien consacrent des dispositions
relatives à la naturalisation par décret, alors que le code
marocain prévoit la naturalisation par dahir.
Certaines conditions d'obtention de la nationalité par
naturalisation sont les unes communes aux trois codes, les autres sont
particulières à certains d'entre
eux159.
Les conditions communes sont au nombre de quatre :
1- avoir sa résidence depuis 5 ans sur le territoire ;
2- être majeur ;
3- être en bon état de la santé physique et
mentale ;
157 EL JAMRI (Abdelhamid), « Le Maroc a tout
à gagner », in LA GAZETTE DU MAROC, n° 422,
du lundi 30 mai au 5 juin 2005, pp 31- 32.
158 CHAFIK (Rachid), « Travailleurs
marocains, l'Europe en veut ! », in LAGAZETTE DU
MAROC, n° 422, du lundi 30 mai au 5 juin 2005, pp 31.
159 Op.cit, Monde Arabe, N°21 (1967).
4- être de bonne vie et moeurs et n'avoir jamais fait
l'objet d'aucune condamnation infamante (Algérie) ; pour crime ou
à une peine restrictive de liberté.
A ces conditions, les codes marocain et tunisien ajoutent la
justification d'une connaissance suffisante de la langue arabe.
En outre les codes marocains et algériens convergent dans
le fait qu'ils exigent la justification de moyens d'existence suffisants.
Au Maroc à titre d'exemple, la naturalisation est
prévue par les articles 11 à 14 du code, elle peut être
accordée par décret (droit commun) ou par dahir (régime de
faveur) ; elle est particulièrement susceptible à mettre fin
à l'apatridie, «mais cette incidence, selon la
doctrine160, paraît, en l'état de la pratique
gouvernementale actuelle, purement théorique ».
Selon l'article 11 du code, relatif aux conditions de la
naturalisation : « sous réserve des exceptions prévues
à l'article 12, l'étranger qui en formule la demande ne peut
être naturalisée que s'il remplit les conditions suivantes :
1°- avoir sa résidence au Maroc au moment de la
signature de l'acte de naturalisation ;
2°- justifier d'une résidence habituelle et
réguliere au Maroc pendant les cinq années
précédent le dépôt de la demande ;
3°- être majeur ;
4°- être sain de corps et d'esprit ;
5°- être de bonne vie et moeurs et n'avoir fait
l'objet ni de condamnation pour crime, ni de condamnation à une peine
restrictive de liberté pour un délit infamant, non effacé
dans l'un et l'autre cas par la réhabilitation ;
6°- justifier d'une connaissance suffisante de la langue
arabe,
160 (BLANC (François- Paul), et LOURDE.A, « Apatridie
et droit marocain », in le droit et les immigrés,...
7°- justifier de moyens d'existence suffisants. ».
L'intéressé doit en outre adresser une demande
de naturalisation au ministère de la justice accompagnée de
titres justificatifs. La demande peut être acceptée ou
rejetée apres la vérification des conditions annoncées
dans l'article 11 et un contrôle d'opportunité. Si la demande est
acceptée, un décret de naturalisation est publié au B.O.
En cas de rejet, celui-ci n'a pas à être motivé.
Toutefois, l'article 12 relatif aux dérogations
prévoit les cas de la naturalisation de faveur. En effet, ce texte
affirme que l'étranger dont l'infirmité a été
contractée au service ou dans l'intérêt du Maroc, peut
être naturalisé, ainsi que l'étranger qui a rendu un
service exceptionnel au Maroc ou dont la naturalisation présente un
intérêt pour ce pays.
L'étranger devenu marocain, ainsi que tous les
étrangers qui ont acquis la nationalité marocaine, jouissent
à partir du jour de cette acquisition de tous les droits reconnus aux
citoyens marocains. Cependant, le naturalisé et lui seul, est soumis
pendant un délai de 5 ans à certaines incapacités,
à moins qu'il n'en ait été épargné par une
décision prise dans les mêmes formes que celles qui lui ont
accordé la naturalisation.
D'après les statistiques disponibles aupres du
ministère de la justice, les étrangers qui ont acquis la
nationalité marocaine depuis la publication du code de la
nationalité marocaine en 1958 jusqu'à 1992 s'élève
à 1141 dont la majorité a comme nationalité d'origine la
nationalité algérienne, les tunisiens arrivent en deuxième
position, suivis des français qui arrivent en troisième
position161.
161ZOUGARHI (Ahmed), « Les dispositions du droit
international privé dans le législation marocaine, tome I : La
nationalité », Dar TOUBKAL, Casablanca, 1992, page 67, ouvrage
publié en langue arabe, traduction personnelle.
II .B. La naturalisation en droit
français
Au regard du code de la nationalité française de
la nationalité française de l'aprèsguerre aux textes
répressifs récents, l'idée sous -jacente était
qu'il fallait être assimilé pour être naturalisé. Le
gouvernement pouvait, par exemple, refuser d'accorder cette nationalité
si l'on ne parlait pas correctement la langue française. On trouve
également dans les textes des références aux moeurs et
coutumes qui doivent être
acceptés162.
En droit français, la naturalisation est un mode
d'acquisition par décret. Contrairement à la déclaration,
elle ne constitue pas un droit, mais est soumise à la décision
discrétionnaire de l'autorité publique, qui peut la refuser
même si les conditions exigées par la loi sont
réunies163 .
La politique législative, qui en commande les
conditions et les effets, a connu de nombreux amendements depuis qu'est
réglementée ce mode d'acquisition de la nationalité
française. Elle témoigne de la difficulté de concilier
deux impératifs contradictoires : celui de faciliter l'insertion dans la
communauté française des étrangers assimilés qui le
souhaitent et celui de ne pas la permettre à des personnes
indésirables ou dont l'assimilation n'est pas suffisante.
A ce propos, le rapport de Martine AUBRY concernant
l'intégration des immigrés propose d'assouplir les
critères d'appréciation de l'insertion des demandeurs. Ainsi,
pour les chômeurs l'ensemble de la situation familiale et personnelle
pourra être prise en compte164.
La demande de naturalisation des personnes qui résident
en France relève de la compétence de la préfecture de leur
lieu de résidence, pour la constitution du dossier, et du
ministère de l'emploi et de la solidarité pour ce qui concerne la
décision.
162 Op.cit, Jean louis Bianco, page 22.
En France, le total des manifestations de volonté a
été estimé en1998 à 25.549, plus de 85% de ces
manifestations émanent des ressortissants de quatre pays :
Les marocains : 9143, soit un taux de 36% ; Les portugais :
7151ou autrement dit 28% ; Les tunisiens : 3379 ;
Les turcs : 648165
La naturalisation par décision de l'autorité
publique ne peut être accordée qu'à l'étranger
justifiant d'une résidence habituelle166en France pendant les
5 années qui précèdent le dépôt de sa
demande, sauf cas de réduction ou de suppression du stage167
de 5 ans prévus par le code civil.
Quant aux personnes ayant leurs résidences à
l'étranger, ceux- ci peuvent à titre exceptionnel
bénéficier d'une assimilation à une résidence en
France lorsque notamment, elles exercent une activité professionnelle
publique ou privée pour le compte de l'Etat français, pour
l'économie ou la culture française. Le cas échéant,
ces personnes doivent s'adresser au consulat de France territorialement
compétant.
Il s'ensuit donc que la loi française pose des
conditions assez strictes, lesquelles ne permettent cependant pas
d'apprécier exactement la difficulté d'obtenir ce type de
nationalité française. D'une part en effet, ces conditions sont
largement assorties de dispenses ; la naturalisation n'étant jamais de
droit, l'exécutif a la possibilité de mener une politique plus ou
moins ouverte.
Désormais, pour qu'une personne acquiere la
nationalité française, elle sera soumise à une
formalité d'un entretien où elle sera soumise à des
questions du genre :
163 BAUDET- CAILLE (Véronique), «La
nationalité », A.S.H, Paris, 2000, page 8.
164 GUELAMINE (Faiza), « Intervenir auprès des
populations immigrées », DUNOD, Paris, 2000, page 70.
165 Op.cit, André Lebon, pages 48 et 49.
166 La notion de résidence s'entend d'une résidence
fixe présentant un caractère stable et permanent coïncidant
avec le s intérêts matériels et familiaux de
l'intéressé
167 Voir annexe.
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« En France, peut-on obliger une personne à se
marier ? Peut-on manifester une croyance dans un endroit public ? Le vote,
est-il obligatoire ? »
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Le code civil exige que toute personne voulant être
naturalisée ait « une connaissance suffisante selon sa
condition », non seulement du français, mais aussi des droits
et devoirs que confère la nationalité française.
Crée par la loi SARKOZY du 26 novembre 2003, l'examen
civique était facultatif pour tous ceux qui souhaitaient acquérir
la nationalité française.
Dorénavant, chaque demandeur se verra attribuer un
guide des droits et devoirs du citoyen français au moment de retirer le
formulaire de naturalisation à la préfecture. Et dans les mois
qui suivront le renvoi de ce formulaire, il sera convoqué à un
examen linguistique et désormais civique.
Le guide présente « les grands principes et les
valeurs qui fondent la république » et pose aussi bien l'emprunte
du débat sur la laïcité que celui de la liberté
religieuse.
L'acquisition de la nationalité française sera donc
soumise à la réussite de cette épreuve.
Sur ce point, le ministre délégué
à l'intégration Monsieur Nelly OLLIN a annoncé à
l'occasion d'un entretien accordé au JOURNAL DU DIMANCHE «
beaucoup de pays procèdent déjà de la sorte. C'est
dorénavant le cas chez nous ».
Concernant les causes des échecs, le ministre a
ajouté à l'occasion de cette même interview : « De
même qu'une personne qui ne parle pas le français ne pourra
acquérir notre nationalité, une personne qui ne sait pas ce que
c'est que l'égalité entre homme et femme, qui ne comprend pas
l'interdiction de la polygamie ou de l'excision ou encore qui ignore ses
obligations liées au travail ou à l'impôt, ne pourra pas
devenir notre concitoyen » explique le ministre français
délégué à l'intégration.
Aujourd'hui, déjà pour plus de 90.000 demandes
de naturalisations, il y a 20.000 échecs pour ces raisons et pour
d'autres pour des raisons liées à des condamnations
pénales.
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