Section 1 : Le texte constitutionnel et le
principe de continuité des services
publics
La présente section se penchera sur un
dépouillement pur et simple du texte de la constitution pour mettre en
relief ses articles traitant de la continuité des services publics. Pour
une raison méthodologique la section sera divisée en deux,
respectivement les articles ayant un rapport avec la continuité des
services publics en période normale, et ceux dont l'application est
inhérente aux périodes exceptionnelles. L'expression
période exceptionnelle n'est pas utilisée dans ce cadre pour
désigner l'état d'exception faisant l'objet de l'article 35, elle
est employée pour désigner toutes les périodes de la vie
politique et constitutionnelle ayant vocation insolite ou furtive qui se
démarquent du cours normal.
Sous- section 1 : Le principe de la continuité en
période exceptionnelle
Cette catégorie de dispositions juridiques
constitutionnelles traite elle aussi de façon directe ou indirecte de la
continuité des services publics, mais elle a la particularité de
s'efforcer de préserver ladite continuité dans des conditions
extrêmes ou exceptionnelles. Dans cette optique intervient l'article 18
de la constitution ; qui pose l'obligation pour tous les citoyens de
supporter solidairement les calamités nationales. Sans doute, le
constituant a tenu de manière délibérée
d'écrire les termes de cet article couverts d'équivoques. En
effet, les calamités signifient les catastrophes ou les
désastres, se sont des termes génériques qui pourraient
couvrir plusieurs sortes de catastrophes, voire les catastrophes de toute
nature, et cela dans le but d'élargir la portée de l'article 18.
L'obligation pour les citoyens de supporter les calamités nationales
suppose également la revitalisation des services publics, qui en
périodes exceptionnelles subissent des altérations subtiles, donc
la couverture des charges supplémentaires viserait également de
garantir la marche et la continuité des services publics.
Nous citons également l'article 35 qui stipule de
l'état d'exception, c'est un article fameux qui a fait coulé
beaucoup d'ancre. Concernant son rapport à la continuité des
services publics, il est important à cet égard pour deux points,
le premier réside dans l'expression : « (...) le
retour au fonctionnement des institutions constitutionnelles et des affaires de
l'Etat... », les affaires de l'Etat ne sont pas uniquement les
institutions constitutionnelles mais aussi toutes les activités de la
vie publique, ce qui laisse entendre également les prestations de
services publics. Deuxièmement, la non dissolution du parlement
stipulée dans le deuxième alinéa de l'article 35 impose le
maintien d'une partie des compétences parlementaires même dans les
périodes d'exception, c'est le droit de regard sur l'activité
gouvernementale dont dépend la quasi-totalité des organes de
l'Etat fournissant des prestations de service public ; ce droit de regard
permettrait aux parlementaires de souligner tout dysfonctionnement et toute
discontinuité desdits services.
De sa part l'article 49 qui stipule de l'état de
siège qui se traduit dans les faits par la substitution des
autorités militaires aux autorités civiles dans tout le
territoire national ou seulement dans une partie de celui-ci. L'état de
siège est déclarée par Dahir pour un délai qui ne
peut dépasser trente jours, toute prorogation de ce délai doit
faire l'objet d'une loi, c'est ainsi que sont tissés en substance les
termes de l'article 49. La proclamation de l'état de siège
à pour vocation de porter atteinte à la bonne marche des services
publics, pour ce, le constituant a imposé ce délai. Il semble
animé par le souci de préserver la continuité des services
publics dont les autorités militaires compétentes en
période d'état de siège ne pourraient garantir.
L'article 50, octroie au gouvernement, si l'année
budgétaire arrive à sa fin et la loi de finances n'est pas encore
votée ou dans le cas où cette loi est soumise au Conseil
constitutionnel risquant de dépasser le délai, la
possibilité d'ouvrir par décret : « les
crédits nécessaires à la marche des services publics, et
à l'exercice de leur mission ... ». Ainsi l'Etat continuera de
percevoir les recettes, qui sont une condition sine quo non au
financement des services publics afin de garantir leur continuité.
L'article 72 stipule de la continuité du
service public législatif en cas de dissolution du parlement ou l'une de
ses deux chambre par le Roi. Le délai pour organiser des
élections ne peut dépasser trois mois, entre temps la fonction
législative est exercée par le Roi, une chose qui garantirait la
continuité de l'activité législative.
Nous regroupons les articles 73, et 77 pour les
étudier ensemble, le premier est relatif à la dissolution d'une
des deux chambres du parlement, il impose la règle selon laquelle aucune
autre motion de censure ne pourrait intervenir à l'encontre d'une
chambre élue après dissolution de sa devancière
qu'après l'écoulement d'un délai d'un an de son
élection. Cela se justifie par la raison de laisser le temps
nécessaire d'un an pour la chambre afin qu'elle met en évidence
son travail. Le deuxième (l'article 77) : «...lorsque le
gouvernement a été censuré par la chambre des conseillers,
aucune motion de censure de la chambre des conseillers n'est recevable pendant
un délai d'un an ». Certes, chacun des deux article traite
d'un organe particulier ; le premier de l'organe législatif, tandis
que le deuxième du gouvernement mais ils poursuivent un
intérêt commun celui de la non perturbation du travail des
institutions constitutionnelles et garantir la continuité de leur
travail et par ricochet la continuité des services publics.
Sous- section 2 : Le principe de la continuité en
période normale
L'article premier dans l'aménagement du texte
constitutionnel qui traite de la continuité des services publics est
l'article 2, qui stipule que la souveraineté appartient à la
nation, qui l'exerce directement par voie de référendum et
indirectement par l'intermédiaire des institutions constitutionnelles.
Par cet article le constituant garantit la constance de l'exercice de la
souveraineté par la nation, et ce via les institutions
constitutionnelles, le présent article renferme dans ses termes
l'assurance de l'exercice continu de la souveraineté. Certes, le dit
article traite de la souveraineté de la nation qui peut paraître
comme une notion abstraite et vide de tout aspect concret, mais cet article
évoque également le fait que ladite souveraineté est
exercée de manière constante à travers les institutions
constitutionnelles. Nous remarquons à cet égard que le texte
constitutionnel donne une importance particulière aux citoyens, dont la
volonté est incarnée par la nation. Si on revient aux termes de
l'article 2 on conclu que l'exercice effectif de la souveraineté revient
à la nation qui le fait directement par référendum, mais
puisque la vie publique nécessite la prise des décisions de
manière continue, la nation élue les institutions
constitutionnelles pour la présenter, et de ce fait il y'a constance et
continuité.
Le deuxième article allant dans le même sens
est l'article 14 stipulant la garantie de l'exercice du droit de grève,
toutefois il laisse à une loi organique le soin d'organiser et de
déterminer les conditions dans lesquelles devrait s'exercer ce doit. Ce
renvoi à cette loi organique, qui d'ailleurs demeure inexistante laisse
entendre que le constituant était animé par le souci de
préserver la continuité des services publics. Cette loi devrait
organiser la jouissance du droit de grève afin que ce dernier ne porte
pas atteinte à la marche continue des services. Concernant le droit de
grève et la continuité des services publics, nous nous limitons
à ces phrases car le traitement de ce sujet fera l'objet d'un chapitre
séparé (chapitre II de la deuxième partie).
De sa part l'article 17 de la constitution, on
décèle que le constituant est propulsé par le même
souci, c'est-à-dire préserver la continuité des services
publics et des institutions de l'Etat. En substance, l'article pose
l'obligation pour tous les citoyens de payer l'impôt, bien sûr en
fonction de leur capacité contributive, cette obligation est
incorporée dans le corps du texte constitutionnel démontre avec
pertinence que le constituant a voulu inscrire cette obligation dans le
sommet de la hiérarchie des normes afin d'assurer pleinement la
couverture des charges de l'Etat et les services publics bien sûr.
L'article suivant n'est autre que le fameux article 19
qui fait objet de statut constitutionnel du souverain, il est stipulé
une expression qui retient notre attention : « (le Roi) garant
de la pérennité et la continuité de
l'Etat... ». Les prestations de services publics demeurent l'oeuvre
des institutions étatiques, ce qui laisse croire que parmi les pouvoirs
et les prérogatives du Roi est de garantir la continuité des
services publics.
L'article 26 : « le roi promulgue la
loi dans les trente jours qui suivent la transmission au gouvernement de la
loi définitivement adoptée ». Le délai de trente
jours pour que le Roi promulgue la loi à pour objet d'assurer le
fonctionnement normal de l'activité législative, et
éventuellement les services publics en rapport avec la loi à
promulguer. Généralement les lois constituent-elles une
manifestation de l'expression de l'organe législatif pour assurer
l'organisation et l'aménagement d'un secteur donné de la vie en
société, ce qui inclut ipso facto les services
publics.
L'article 45 qui traite de la loi d'habilitation, par
laquelle le parlement octroie au gouvernement la possibilité de
légiférer par décret dans un domaine qui relève du
champ de la loi. Cette pratique est généralement usée dans
les périodes entre les sessions législatives, on
décèle de cet article que le constituant marocain a
instauré un dispositif qui garantit la continuité du service
public législatif. Certes, il peut paraître que l'organe
législatif ne constitue guère un service public, mais nous
démontrerons le contraire ultérieurement (chapitre II,
deuxième partie).
Dans le même sens nous évoquons l'article
47 : « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi appartiennent au domaine réglementaire ». Il
serait impossible que le constituant dresse une liste limitative du domaine
réglementaire, une chose pareille serait l'équivalent de
provoquer dans la vie constitutionnelle, ou au moins de ne pas prévenir
des cas d'incompétence pour le gouvernement et le parlement de
légiférer. En effet, en limitant la liste du domaine
législatif et ne pas faire autant concernant le domaine
réglementaire, c'est-à-dire en laissant la liste de la
compétence réglementaire ouverte le constituant a barré la
route à tout cas de figure ressemblant à celui que nous avons
cité. Somme toute, la continuité de l'activité normative
de l'Etat est assurée par la non limitation de la liste du domaine
réglementaire.
L'article 51 qui stipule en substance que les
modifications que peuvent être apportées par les membres du
parlement à la loi de finances ne peuvent en aucun cas porter sur la
diminution des ressources de l'Etat ni sur l'augmentation de ses charges.
L'objectif ici est de permettre aux institutions de l'Etat y compris bien
sûr les services publics de fonctionner normalement et sans rupture et
menaces de perturbation, qui serait causée par le manque de ressources,
ou augmentation des charges, une chose qui entraînerait
inéluctablement un dysfonctionnement, et donc une menace pour la
continuité des services publics.
L'article 53 impose un délai de 8 jours pour le
Conseil constitutionnel pour proclamer son verdict en matière de
déclassement législatif, ce qui témoigne du souci du
constituant de prévenir la rupture dans la marche normale des
institutions de l'Etat, et des services publics. Un délai plus long ou
un délai sine die aurait comme conséquence de
provoquer la rupture dans la marche des institutions étatique, qui
peuvent êtres prestataire de services publics.
En poursuivant le même objectif, nous regroupons
les articles 54 et 55 pour les étudier ensemble. Le premier mis en place
un dispositif juridique selon lequel entre les sessions législatives,
les propositions et les projets de loi sont envoyés auprès de la
commission parlementaire concernée dont l'exercice se poursuit entre les
sessions dans l'intervalle des sessions, ce qui laisse entendre que cet article
à pour objectif d'assurer la continuité du service public
législatif. Le deuxième (l'article 55) poursuit le même
objet, en l'occurrence garantir la continuité du service public
législatif, et ce par un autre dispositif juridique : le
décret loi qui assure l'activité de l'Etat qui consiste à
légiférer.
L'article 80 relatifs au Conseil constitutionnel. Le
renvoi à une loi organique pour la détermination des
modalités de remplacement des membres empêchés,
démissionnaires ou décédés en cours de leurs
mandats. Ce renvoi poursuit un seul objectif : la continuité de
l'institution du Conseil constitutionnel dans le cas d'empêchement de ses
membre.
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