M1 Information -
Communication Université des Sciences Sociales - Toulouse 1
& Université Paul Sabatier - Toulouse 3
Buzz Marketing : le rôle des
leaders d'opinion
Mémoire de recherche présenté par Gauvain
Bourgeois Sous la direction de Laurent Morillon Mai 2009
REMERCIEMENTS
Mes premiers remerciements vont sans doute aucun vers Laurent
Morillon, mon directeur de mémoire, pour son aide précieuse en
tous points, sa patience et sa faculté à me remotiver dans les
périodes de doutes et de difficultés.
Je remercie également Jean-Charles Espy de m'avoir
conseillé des ouvrages qui m'ont été essentiels dans la
réalisation de ce mémoire de recherche, et pour m'avoir
éclairé sur le buzz marketing lors de ses cours.
Enfin, je tiens également à remercier, mes amis,
ma famille et ma fiancée Laure, qui ont su m'apporter un soutien
précieux, et qui ont su me supporter pendant ces longs mois de
travail.
INTRODUCTION
"Il y a trop de publicité dans la rue,
à la télévision, dans les journaux..."
Un avis partagé par 70 % des jeunes de moins de 30 ans.
Pire, cette saturation dépasse le seul cadre de la publicité et
touche la consommation, puisque 48 % d'entre eux estiment que consommer mieux
équivaut à consommer moins. C'est ce que révèle en
introduction une étude Ipsos réalisée pour le compte du
portail Internet Lycos. Conduite auprès d'un échantillon de 2029
personnes âgées de 15 à 30 ans en octobre 2005,
l'étude "Jeunes Attitudes" démontre par les statistiques la
pertinence des stratégies de marketing viral auprès de cette
cible.
La publicité, et plus généralement les
approches médias traditionnelles, ont atteint leurs limites
auprès de la jeune génération. Parmi les moyens de
découvrir ou s'informer sur des produits et marques, il faut noter la
bonne position du canal Internet : 45 % des jeunes interrogés sont
sensibles aux publicités en ligne, 43 % aux sites de marques ou sites
événementiels, 33 % aux forums et 29 % aux blogs.
La palme d'or en matière de la confiance revient au
bouche à oreille : pour 45 % des sondés, l'information produits
transmise par ce vecteur est digne de confiance. Même son de cloche
concernant la décision d'achat : 42 % des jeunes de moins de 30 ans se
déclarent influencés par les conseils de leurs proches et amis
pour tout acte d'achat. En agrégeant l'ensemble des réponses aux
questions précédentes, Ipsos calcule ainsi un ratio
influence/exposition qui s'établit à 89 pour le bouche à
oreille, contre 25 pour la publicité sur supports médias.
Il est facile de constater que, de nos jours, les
consommateurs sont beaucoup moins sensibles à la publicité et
à la communication de marque par les moyens traditionnels. Afin de
garantir un maintien de leurs produits (et de leurs ventes) auprès des
consommateurs cible, les entreprises ont dû trouver un nouveau moyen
mercatique pour influencer le public et faire vendre.
Introduction
Parmi ces nouvelles techniques aussi diverses que
créatives, on trouve le buzz marketing. Marketing du
bouche-à-oreille, celui-ci vise à entretenir le "bruit" (dans
sens positif de masse de discours et d'échange d'informations, non pas
dans le sens de bruit perturbateur de message) autour d'un produit afin
d'attirer l'attention d'un maximum de personnes. Ce
buzz autour du produit devra être positif afin
de transmettre le message et de sensibiliser les consommateurs aux
qualités du produit et inciter un maximum d'entre eux à
l'acheter, à devenir à leur tour l'un des vecteurs du message,
afin qu'il le partage avec un maximum de ses proches qui le transmettront
à leur tour, renouvelant le processus.
Une étape-clé dans le processus de transmission
du message dans le buzz marketing est le leader d'opinion. Pour résumer,
un leader d'opinion est une personne qui a "la capacité à donner
des informations sur un sujet et le fait d'être sollicité par son
entourage sur ce sujet". On note donc une double dimension du leader : la
dimension informative, et la dimension "sociale", puisque son entourage proche
sollicite le leader d'opinion : ce n'est pas lui qui va vers les autres, mais
sa famille, ses amis, sa "tribu" qui lui demandent son avis.
C'est cette personne clé du buzz marketing qui a retenu
mon attention. En effet, si l'on trouve beaucoup de livres, méthodes,
conseils, recettes miracles et autres conférences visant à la
meilleure utilisation possible des leaders d'opinion en terme de marketing et
de rentabilité des opérations, peu d'études se concentrent
sur le rôle du leader d'opinion au sein du processus de communication.
Est-il, tout d'abord, réellement une personne-clé ? Sert-il
uniquement de prescripteur auprès du consommateur ? Le leader d'opinion
va t-il s'exprimer et donner ses opinions au public, ou le public prendra t-il
l'initiative d'aller demander son avis à l'influent ? Les leaders
d'opinions ont-il encore un intérêt après l'acte d'achat
?
Ce sont à ces multiples questions auxquelles va tenter
de répondre ce mémoire, à travers trois grandes parties.
Tout d'abord, il convient d'aborder la publicité et les méthodes
de marketing traditionnel et les raisons qui ont entraîné leur
lent déclin au cours des deux dernières décennies, et
d'introduire les méthodes qu'ont développées les experts
en marketing pour pallier à cette baisse d'influence de la
publicité. Vient ensuite l'exposition de la problématique, les
questions qui se sont posées afin d'aboutir à cette
problématique, ainsi que la méthodologie utilisées pour y
répondre au mieux. Enfin, dans une troisième et
dernière partie se trouve l'analyse des documents qui
constituent le corpus de ce mémoire, et les conclusions que l'on peut
en forger afin d'apporter une réponse à la
problématique.
I. L'ETAT DE LA QUESTION
1. LE NOUVEAU CONSOMMATEUR OU LA CRISE DU MARKETING
TRADITIONNEL
L'état de la question
Le marketing peut-être défini comme le
"processus du management qui permet aux entreprises et
organisations d'identifier leurs clientèles, actuelle et potentielle, de
communiquer avec elles pour cerner leurs besoins et influencer leurs
désirs et motivations au niveau local, régional, national ou
international afin de formuler et adapter leurs produits en vue d'optimiser la
satisfaction client et maximiser leurs objectifs
organisationnels"1
Du point de vue du commerçant, le consommateur
idéal est celui qui cède à la tentation : celui des
années 50 et 60, et dans une moindre mesure, de la décennie
suivante. Il réagit aux propositions d'achat comme par réflexe et
semble désireux de trouver sa place dans le processus de la
consommation, d'y exprimer son pouvoir d'achat, de s'affirmer en tant que
consommateur.
Depuis les années 50, plusieurs écoles
d'analyses comportementales, de psychologie et psychosociologie se sont
créées et développées, avec pour but l'étude
du consommateur. La plupart des courants de pensées de ces écoles
tendent vers un constat : une plus grande autonomie du consommateur, une sorte
de progression vers la maturité économique. On peut
découper cette accession à la maturité en trois mouvements
: l'apprentissage, l'affirmation, et la
maîtrise2.
Au cours de l'apprentissage (de l'après-seconde guerre
à mai 1968), les ménages donnent la priorité à
l'équipement de leur foyer en achetant les biens familiaux qui
assureront un certain confort et standing au ménage. Cet
équipement sera considéré comme un signe de l'ascension
sociale de la famille.
Dans la seconde période, à partir de 1968, on
assiste à une remise en question globale des valeurs traditionnelles.
Sur le plan de la consommation, l'affirmation prend le pas. Le
1 Seth Godin, Permission Marketing,
Maxima Laurent du Mesnil, Paris, 2005
2 Bernard Boutboul, Le
consommator
consommateur tente de satisfaire en priorité ses
besoins personnels, et les distingue des besoins de la famille. Le consommateur
s'individualise, il se considère comme un individu à part
entière, non plus comme un ménage ou une famille.
Durant ces deux périodes, le consommateur est
facilement identifiable et définissable. Il forme une cible
extrêmement précise et prévisible, se livrant sans
contestation au jeu de la séduction de la publicité des marques.
C'est un agent économique passif. Durant ces années de
croissance, les ménages n'ont pas de craintes envers l'avenir. La
consommation est un moyen de valorisation sociale, la priorité est de se
valoriser socialement par l'acte d'achat.
Contrairement à ces mouvances passées, à
partir des années 90, le consommateur entre dans la période de
maîtrise. Le consommateur se comporte en expert, visant avant tout la
satisfaction d'exigences de plus en plus poussées. A partir de cette
période, l'acte d'achat est un acte délibéré et
réfléchi, et non plus le fruit d'une simple impulsion. Le
consommateur reste maître de la situation, il veut faire des affaires,
acheter au meilleur prix, trouver un équilibre entre l'argent
dépensé et le bénéfice qu'il en retire. Il n'est
plus victime de la séduction de marque. Il comparera les prix, demandera
des renseignements sur les divers aspects du produit, afin d'acheter en
connaissance de cause. Ce nouveau consommateur est plus actif, soucieux de ses
dépenses, et se déplace sur une très large gamme de
l'offre pour trouver ce qui lui convient.
Ce consommateur bouleverse les grilles d'identifications
traditionnelles des cibles. Auparavant, il s'agissait simplement de croiser
certains critères tels que l'âge, le sexe, la catégorie
socioprofessionnelle, le revenu. Quelques approches complémentaires,
notamment par la notion de styles de vie3
permettaient de créer un produit en totale adéquation avec
l'identité sociale du consommateur.
De nos jours, cette identité sociale ne suffit plus
à définir le consommateur, et encore moins à
prédire son comportement. Les motivations et valeurs personnelles ont
pris en partie le pas sur une image sociale valorisante. Il ne cherche plus
à avoir pour paraître, mais pour être en accord avec
lui-même.
3 B. Cathelat, Les styles de vie des
français, 1978-1998
L'état de la question
Selon Boutboul dans son ouvrage Le Consommator,
le consommateur d'aujourd'hui ne se contente plus d'acheter les
articles les plus farfelus pour se valoriser à travers d'un
"achatfrime". Selon l'auteur, la guerre du Golfe a été un
déclencheur, le consommateur exprime son désir de contrôler
sa consommation, et cesse d'acheter comme il le faisait auparavant : sans tenir
compte de ses critères propres.
Le consommateur moderne est de plus en plus informé et
averti. D'une certaine façon, on pourrait dire que c'est lui qui a
désormais le pouvoir. En effet, le consommateur se transforme en
véritable expert, capable de choisir le meilleur produit en fonction de
ses besoins personnels. Que ce soit en matière de
téléphonie mobile, d'automobile ou du choix d'un restaurant, le
consommateur compare, calcule, évalue les avantages et les risques...en
bref, il ne se laisse plus avoir par le mirage de la publicité
traditionnelle.
Le consommateur des années 90
Il gère C'est un Il est
Argent
|
Zappeur
|
Plus exigeant
|
+
|
=
|
Temps Caméléon Plus expert
Plaisir Plus infidèle
L'évolution conjointe du consommateur et des
innovations dans les technologies de l'information et de la communication ont
engendré un nouvel individu consumériste, un nouvel individu
pouvant être qualifié de consommateur communiquant. On assiste
à un véritable changement de paradigme en termes
communicationnels, en passant du "Medium
is message" (le medium est le
message) de Mc Luhan4, selon lequel le moyen de transmission du
message avait une position dominante par rapport à ce même
message, au nouveau "People is message"5
(les gens sont le message), qui insiste sur la mise en avant du consommateur
moderne et actuel, étant tour à tour réceptacle et
transmetteur du message.
De nos jours, la publicité est également
présentée comme un dispositif dictatorial, totalitaire, une
machine qui transforme l'individu en consommateur-mouton, qui ne se pose pas de
question et qui fait tout ce que les images lui ordonnent de faire. Les anciens
publicitaires sont autant de contestataires aujourd'hui, à l'instar de
Frédéric Beigbeder, qui dénonce la publicité
à travers son livre 99F :
"Les dictateurs d'autrefois craignaient la
liberté d'expression, censuraient la contestation, enfermaient les
écrivains, brûlaient les livres controversés. (...) Pour
réduire l'humanité en esclavage, la publicité a choisi le
profil bas, la souplesse, la persuasion. Nous vivons dans le premier
système de domination de l'homme contre lequel même la
liberté est impuissante. Au contraire, il mise tout sur la
liberté, c'est sa plus grande trouvaille."
4 Marshall Mc Luhan, Pour comprendre les
médias : les prolongements technologiques de l'homme, Le
Seuil, Paris, 1977
5 Karim Stambouli et Eric Briones, Buzz
Marketing : Les stratégies du bouche-à-oreille,
Editions d'Organisation, Paris, 2007
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