A- Approches de la sécurité
Le débat sur la sécurité en Afrique et au
Cameroun tourne autour de la recherche des causes et des facteurs des conflits
et de l'instabilité politique. Certains expliquent
l'insécurité en Afrique par l'approche géopolitique;
d'autres à partir de l'État postcolonial.
Parmi les courants qui expliquent l'insécurité
en Afrique, l'approche géopolitique est la plus dominante. Cette
approche s'inspire elle-même d'approches complémentaires telles
que le réalisme, l'approche bipolaire et post bipolaire, et le
néomarxisme. D'après cette approche, les conflits en Afrique sont
suscités et attisés par les grandes puissances. Le tenant de
cette approche est : Marc Louis ROPIVIA. Avant 1990, ces conflits
s'inscrivaient dans l'ordre bipolaire. Les conflits étaient
suscités par les deux blocs pour renverser des gouvernements
non-affiliés. Après 1990, le vent de démocratisation et le
déclassement stratégique de l'Afrique va entrainer l'effondrement
des régimes autoritaires. C'est l'époque où il y a eu le
plus de guerre civiles et coups d'État en Afrique. Le versant post
bipolaire de cette approche mentionne le reclassement stratégique de
l'Afrique dans la géopolitique post-11 septembre, non seulement dans le
cadre de la « guerre mondiale contre la terreur », mais aussi en
raison des difficultés d'accès aux hydrocarbures dans le Moyen
Orient, et la découverte des gisements pétroliers
off-shore en Afrique. Enfin, le dernier versant de l'approche
géopolitique analyse la conflictualité en Afrique sous le prisme
du néomarxisme. Pour assurer leurs besoins en ressources naturelles et
minières, les grandes puissances tentent d'installer à la
tête des gouvernements africains des «bureaucrates compradores
»26 qui leur
25 SINDJOUN Luc, L'État ailleurs. Entre
noyau dur et case vide, Paris, Economica, 2002, p. 1.
26 AMIN Samir, Le développement
inégal, paris, 1973.
sont favorables. Dans la pratique, le chef d'État
déposé par la puissance hégémonique sert en retour
les intérêts et la cause de l'hégémon. Lorsque ce
dernier refuse de s'exécuter, il est éjecté par les
grandes puissances. A ce titre, les relations Occident-Afrique, en
général, et la « francafrique »27, en
particulier, s'inscrivent dans une logique de captation et de prédation
des ressources naturelles africaines par le biais des « successions
présidentielles »28. L'analyse « transitologique
» permet de situer la lutte pour le contrôle des ressources
étatiques comme trait saillant de la conflictualité africaine.
Dans le contexte post bipolaire, ces luttes sont entretenues par les «
centres du centre » pour le contrôle des « centres de la
périphérie ».29
Hormis les puissances occidentales, les puissances
émergentes tentent également de s'accaparer une part du «
gâteau africain »: c'est ce que Marc Louis ROPIVIA appelle le «
paradigme de l'impérialisme tropical Gondwanien ».30 Il
s'agit d'un nouvel impérialisme, non plus venu de l'Occident, mais des
puissances émergentes : Brésil, Russie, Inde et Chine. Ces
puissances ont besoin pour le développement de leurs économies et
de leurs armées de ressources énergétiques et
minières dont l'Afrique regorge. L'approche géopolitique est la
plus répandue dans l'explication des facteurs d'insécurité
en Afrique. D'autres approchent plus endogènes abordent les facteurs
internes de l'insécurité en Afrique.
Parmi les « approches endogènes », l'approche
dominante est celle qui situe l'État postcolonial comme facteur
d'insécurité en Afrique. L'État postcolonial serait-il
réellement insécure ? C'est du moins ce que pense TSHIYEMBE
MWAYILA. D'après lui, « les États africains sont le
résultat d'une segmentation arbitraire qui n'a pas tenu compte des
réalités socioculturelles de l'Afrique »31. Les
peuples de la même tribu se trouvent partagés entre deux
États. Dans le même temps, « la réalité
étatique n'est elle-même pas suffisamment sédimentée
dans les esprits des populations »32. Cet état de fait
est à l'origine de nombreux conflits sur le continent. L'État
postcolonial préexistant à la nation, il constitue un facteur
d'insécurité du fait de son héritage
sociogéographique, géographico-culturel et de son hybridation
transnationale avec le crime. De même, l'État postcolonial est
facteur d'insécurité au sens des sécuritaires critiques,
c'est-à-dire qu'il produit de la violence et de
l'insécurité vis-à-vis de sa population; c'est le produit
d'une histoire achevée : la colonisation.
27 VERSCHAVE François Xavier, La
francafrique : le plus long scandale de la république, Paris,
Stock, 1998.
28 SINDJOUN Luc, Op.cit, 1996.
29 AMIN Samir, Op. cit., 1973.
30 ROPIVIA Marc-Louis, « Géopolitique et
géostratégie : l'Afrique noire et l'avènement de
l'impérialisme tropical gondwanien », in Cahiers de
géographie du Québec, Vol 30, n0 79, 1966, pp. 5-19.
31 MWAYILA TSIYEMBE, L'État postcolonial facteur
d'insécurité en Afrique, Dakar, Présence africaine,
1990.
32 Ibidem.
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