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Le BIR et la GP dans la politique de défense et de sécurité du Cameroun. Socioanalyse du rôle présidentiel, des concepts stratégiques et d'emploi des forces

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par Hans de Marie HEUNGOUP
Université catholique d'Afrique centrale - Master en gouvernance et politiques publiques 2011
  

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CONCLUSION PARTIELLE

Cette partie a répondu à la question de savoir quelle est la place du BIR et de la GP dans la politique de défense et de sécurité du Cameroun et, précisément dans la configuration sécuritaire présidentielle. Elle a mobilisé le concept préto-présidentiel comme cadre paradigmatique d'élaboration de la politique de défense officieuse. Le recadrage présidentiel du BIR et de la GP est présenté en deux chapitres : d'une part, la place du BIR et de la GP dans la configuration sécuritaire présidentielle ; d'autre part, le BIR et la GP, histoire d'une fragilité de la défense et sécurité du territoire.

Il apparait qu'autant la GP constitue exclusivement une force pétro-présidentielle, autant le BIR en plus d'être pétro-présidentiel mène également avec succès des missions de défense et de sécurisation du triangle national. Toutes deux sont les meilleures unités d'élite du Cameroun. Elles sont les mieux formées, les mieux équipées, les mieux traitées et sont directement liées à la personne du président de la République. Ce qui ne manque, d'ailleurs, pas de susciter des clivages au sein de l'armée entre les forces régulières et les forces spéciales. Ce qui est plus à craindre, c'est la concurrence et les conflits entre le BIR et la GP, tous deux en concurrence pour le monopole du champ militaire camerounaise. La socioanalyse du rapport BIR et GP donne à penser un hégémon (la GP) qui voit son prestige et son influence relativisée et amoindrie par le nouvel arrivant le BIR.

Ce qui apparaît ensuite, c'est qu'au plan de la prospective, l'exclusion des forces régulières entrainera la routinisation du BIR. Quand à la GP, son aura est lié à la pérennité du pouvoir en place. Si jamais le prince venait à s'éteindre, la GP, perdrait tout de suite de son crédit, du fait de sa fidélité ethno-politique au président actuel. Ce fut le cas, en 1984, lorsque la GR fut dissoute. Le décret avait déjà été pris avant même la tentative de coup d'état. Dans un système néopatrimonial, chaque président amène sa garde prétorienne qui, très souvent, a une coloration ethnique.

Enfin, ce que l'on peut retenir de cette partie, c'est la dimension prospective de la stratégie de défense et de sécurité du Cameroun. Cet essai de prospective a permis d'élaborer plusieurs types de scénarios. Ils concernent la probabilité d'une tension entre le Cameroun et deux pays de la CEEAC. Dans le premier cas, l'éventualité d'une reprise du conflit militaire à BAKASSI entre le Cameroun et le Nigéria est moyenne; dans le second cas, l'éventualité d'une tension militaire entre Malabo et Yaoundé est quasi inexistante.

CONCLUS1ON GENERALE

Cette étude a porté sur « le BIR et la GP dans la politique de défense et de sécurité du Cameroun. Socioanalyse du rôle présidentiel, des concepts stratégique et d'emploi des forces ». Le BIR et la GP constituent l'« alpha » et l'« oméga » de la politique de défense et de sécurité du Cameroun. Ils se déploient comme les forces de prou de l'action perpétuitaire et hégémonique du pouvoir présidentiel. Notre hypothèse de départ était qu'il existe au sein de la PDSC une contradiction entre le concept stratégique et l'emploi des forces de défense, notamment, du BIR et de la GP. Cette contradiction s'inscrit dans la transmutation du système étatique du Cameroun sous le deuxième régime qui se caractérise par la présidentialisation de la PDSC. Dans ce contexte, le président n'est plus garant de l'ordre public et de la défense du territoire; il est l'ordre public et la défense du territoire. Notre hypothèse a été vérifiée. Il y a bien une présidentialisation de la défense et de la sécurité du territoire ; laquelle présidentialisation a pu être observée à partir de l'étude des textes, de la vie politique camerounaise et des propos des vingt-cinq personnes ressources que nous avons interviewées.

Cette étude s'est démarquée de celles existantes parce qu'elle a mobilisé la sociologie politique des forces armées du Cameroun et l'étude sociostratégique de la politique de défense et de sécurité. Au terme, de ce travail, quatre lois générales peuvent être dégagées. Elles permettent de donner un « sens »172 à la politique de défense et de sécurité du Cameroun. Ces lois peuvent s'énoncer de façon suivante : la politique de défense et de sécurité du Cameroun est essentiellement fille du système politique camerounais (1) ; l'alliance entre l'armée et le pouvoir présidentiel structure et fabrique le champ politique camerounais (2) ; le recadrage préto-présidentiel du BIR et de la GP est la confirmation de la présidence de la République comme « centre de force » du système politique camerounais (3) ; le BIR et la GP constituent à la fois un atout et une limite majeur pour la défense et la sécurité du territoire national (4).

1- SYSTEME POLITIQUE ET POLITIQUE DE DEFENSE AU CAMEROUN

La constante générale qui s'est dégagée de l'étude que nous avons menée est qu'il

existe une filiation entre le système politique et la politique de défense ; en ce sens que le
système politique engendre la politique de défense et de sécurité d'un État. Ce constat peut
faire l'objet de généralisation en dehors du triangle national. Selon qu'un État est une

172 ZAKI LAÏDI, Un monde privé de sens, Paris, Fayard, 1994.

dictature ou une démocratie, cela interagit nécessairement sur la politique de défense de ce dernier. Pendant la période NAZI, l'Allemagne avait une politique de défense et de sécurité qui n'a plus rien de comparable avec l'actuelle politique de défense et de sécurité nationale déclinée dans le récent « Livre blanc allemand de la défense et de la sécurité »173. Aujourd'hui, l'Allemagne prône l'intangibilité des frontières, le principe de la non-agression. Ce ne fut pas forcément le cas lorsqu'en 1938, Adolphe HITLER décida d'envahir la Pologne. Le même constat peut être fait pour le Japon, pour l'Italie Mussolinienne, pour l'Espagne Franciste, pour la France de Bonaparte, etc. En Afrique également, cette constante fait office de loi générale. La politique de défense de l'Afrique du sud sous l'Apartheid n'est pas la même qu'aujourd'hui. Pour le Cameroun, on peut dire que l'on assiste à la répétition du scénario sud-africain. Les enjeux dans le contexte qui est le nôtre se posent en termes de domination, de pérennité au pouvoir et d'exclusion d'une majorité des populations (les cadets sociaux) du partage du « gâteau national ». En Afrique du sud, l'armée avait fait alliance avec le pouvoir blanc, qui en fait est la bourgeoisie, pour mater et exclure les catégories noires, qui en fait sont le prolétariat. Au Cameroun, c'est la même situation, à l'exception de la donne raciale. L'armée coloniale au Cameroun avait fait alliance avec le pouvoir politique colonial, puis après la colonisation, l'armée postcoloniale a fait alliance avec le pouvoir politique postcolonial, qui, en fait représente la bourgeoisie dans notre contexte. Les cadets sociaux sont exclus. Dans le système politique actuel, le président de la République représente l'acteur clé de la pérennisation de la formation dirigeante et du collectif bureaucratico-présidentiel. Dans ce contexte, la prééminence présidentielle dans le champ politique déteint nécessairement sur l'armée et sur la politique de défense de ce pays. D'où la prétoprésidentialisation de la politique de défense et de sécurité du Cameroun ; ce qui entraine une contradiction entre le concept stratégique de défense et la doctrine d'emploi des forces de défense, soit un travestissement de la politique de défense et de sécurité.

II- ARMEE, P OUV OIR PRESIDENTIEL ET FABRICATION DE L' ORDRE P OLITIQUE

L'alliance entre l'armée et le pouvoir présidentiel structure et fabrique l'ordre

politique au Cameroun. Dépositaire du monopole de la contrainte légitime et illégitime,
l'armée est la clé de voute du régime autoritaire. Elle permet au pouvoir présidentiel d'assurer
son hégémonie sur le reste de la société, et par là, fabrique l'ordre politique camerounais. La

173 MINDEF République fédérale d'Allemagne, Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, téléchargeable sur le site du MINDEF d'Allemagne.

situation camerounaise est bien particulière, puisque le président de la République exerce désormais son hégémonie et son contrôle même sur l'armée. Nous sommes bien loin d'une armée qui détiendrait les rênes du pouvoir, et dont le président ne serait que le fantoche écran exécutif. Au Cameroun, le président exerce dans les faits un contrôle réel sur l'armée et la politique de défense. Il y a donc symétrie. L'armée contribue à fabriquer l'ordre politique et en retour le pouvoir politique récompense les militaires. Le rapport armée-pouvoir présidentiel est inscrit dans ce pays dans le partenariat gagnant-gagnant.

111- LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE C OMME a CENTRE DE FORCE )) DANS SYSTEME POLITIQUE CAMER OUNAIS

Le recadrage préto-présidentiel du BIR et de la GP a ceci de particulier qu'il confirme la présidence de la République du Cameroun comme centre de force dans le système étatique, et le président de la République comme hégémon en chef du champ politique. Si la téléologie officieuse des FAC s'inscrit dans la reproduction de l'ordre hégémonique bureaucraticoprésidentiel, le contrôle de ces forces par le président repositionne la présidence dans le champ du pouvoir au Cameroun. Le fait que le ministre de la défense ne soit qu'un délégué rattaché à la présidence ; et le fait que les deux unités d'élite les plus entrainées soient directement liées à la présidence, permettent d'appréhender la place de la présidence de la République dans le système étatique. Le présidentialisme ou l'État-président n'est possible au Cameroun que grâce au surpoids de la présidence dans le système étatique, et les pouvoirs qui lui sont conférés dans le champ politique. La centralité de la présidence dépasse largement le cadre du secteur de la défense. L'exemple du BIR et de la GP constitue finalement un cas parmi tant d'autres de la centralité présidentielle dans le système étatique.

1V- LE B1R ET LA GP, ELEMENT DE FRAGILITE DE LA DEFENSE ET DE LA SECURITE DU TERRITOIRE

Le BIR et la GP s'inscrivent nécessairement dans la téléologie des FAC. A ce titre, ils concourent à la reproduction de l'ordre politique. Cette situation qui est patente pour la GP, du point de vue de sa mission officielle et de sa coloration ethnique, l'ait également à un moindre degré pour le BIR, du point de vue de ses recrutements et entrainements, de son rattachement à la présidence et de son association à la sécurisation et à la protection du cortège présidentiel, des édifices et palais présidentiels régionaux. La présence du BIR à MVOMEKA et ces deux dernières années le long des trajets qu'emprunte le président témoigne de ce caractère prétorien. Ce recadrage date pour la GP du 21 mai 1985. La tentative

de putsch de l'ancienne GR a amené le pouvoir actuel à privatiser et à ethniciser sa sécurité. Tandis que le recadrage du BIR date de février 2008. Leur démonstration de force à Douala et à Yaoundé et leur capacité de violence physique et symbolique a permis au pouvoir de mater les émeutes. Depuis lors, le BIR bénéficie des bonnes grâces du prince.

La question qui se pose ici, c'est quel est l'impact de l'action du BIR et de la GP dans le dispositif de défense et de sécurité camerounais ? Inévitablement, la réponse diverge pour le BIR et la GP. La GP comme son nom y fait référence n'est qu'associée à la sécurité du président de la République et de sa famille, et donc son impact ou son efficience dans la sécurité et la défense des « camerounais au quotidien »174 n'existe pas. En revanche, le BIR contribue véritablement à la défense de ce pays ; tant du point de vue de la sécurisation de ses frontières maritimes à BAKASSI et à Limbé, qu'à la lutte contre le grand banditisme dans les régions du Nord, du Littoral et de l'Est. Toutefois, ces forces, qu'il s'agisse du BIR ou de la GP représenteront une fragilité pour la défense du territoire, du fait de leur association à un pouvoir illégitime, dans un contexte où le concept stratégique de défense est la défense populaire. De surcroit, les clivages entre l'armée et la marginalisation en équipement et en entrainement de l'armée régulière réduisent les possibilités d'interopérabilité et d'interarmité. Le BIR et la GP pourraient bien se retrouver seuls à défendre le pays en cas d'agression. En plus, le snobisme qu'affichent ces forces à l'égard des autres ne favorise pas la cohésion interne ; ce qui donne lieu à une cassure au sein de l'armée camerounaise.

Si cet ouvrage venait à clôturer le champ de la réflexion dont elle est potentiellement porteuse, une telle intention, il faudrait l'ordonner à une ambition autre que celle qui est la nôtre. Notre objectif, tout humble, n'était autre que de susciter la réflexion, de semer des inquiétudes nouvelles : l'objectif n'était point de « regarder ce que personne n'a encore regardé, mais de méditer comme personne n'a encore médité sur ce que tout le monde a devant les yeux » (Arthur SCHOPENHAUER). Au demeurant, ce travail nous laisse d'avantage avec les interrogations que des certitudes. Comment penser une armée républicaine au sein d'un régime prétorien ? Faut-il d'emblée conclure à l'impossibilité congénitale de l'État du Cameroun à générer une armée républicaine ? Quelles opportunités de recherche présentent l'armée camerounaise au chercheur en science politique ?

174 PADIOLEAU Jean Gustave, L'État au concret, Paris, P.U.F., 1982.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote