I.A- L'élaboration et la conduite de la politique de
défense
La politique de défense d'un État peut être
définie comme :
L'ensemble des grandes options et principes politiques,
stratégiques et militaires qu'il adopte en vue d'assurer sa
défense. La politique de défense précise le concept
stratégique, la doctrine d'emploi des forces, la nature des relations
internationales, notamment sa contribution à des alliances, accords
militaires; les missions des forces armées, les relations entre
l'armée et la nation.111
La politique de défense d'un État découle
de sa doctrine stratégique. Au Cameroun, cette doctrine s'articule
autour de trois axiomes fondamentaux: d'abord la neutralité, qui se
définit en termes de non ingérence dans les affaires
intérieures d'un autre État, de non recours à la force et
de pacifisme; ensuite le non-alignement, qui se conçoit en termes de
refus d'un protectorat quelconque; enfin la diversification des partenaires
stratégiques et la coopération privilégiée avec la
France (accords de défense) et Israël (sécurité
présidentielle et BIR).
La politique de défense du Cameroun est
élaborée par le Président de la République, d'une
part; les organes d'aide à la prise de décision et des organes
à l'échelon gouvernemental et régional, d'autre part. Dans
l'État-président, le président est la clef de voute du
système politique. A cet effet, le constituant du 18 janvier 1996 le
consacre dans l'article 8 alinéas 2 comme le chef suprême des
forces armées. L'article 8 alinéas 3 poursuit : «il veille
à la sécurité intérieure et extérieure de la
République ».112 L'article 9 alinéas 1 et 2 quant
à lui fixe les pouvoirs de crise ou les pouvoirs exceptionnels du
président de la République, notamment la déclaration de
l'État d'urgence ou de l'État d'exception. Il établit ses
prérogatives en cas de péril grave menaçant
l'intégrité du territoire, la vie, l'indépendance ou les
institutions de la République. Ce statut du président est
explicité par la loi du 12 juin 1967:
111 OTAN, Op. cit., 2000.
112 Constitution du 18 janvier 1996 de la République du
Cameroun.
Le président de la République définit
la politique de défense et pourvoie à sa mise en oeuvre... Il est
chef suprême de toutes les forces de défense, il assure la
direction supérieure de maintien de l'ordre et décide de la
préparation et de la conduite générale des
opérations militaires...Il anime et coordonne à l'échelon
national toutes les activités intéressant la
défense.113
Le président définit donc la politique de
défense qui est exécutée par le ministre de la
défense. Ce dernier est du reste ministre délégué
à la présidence, chargé de la défense. Il n'a donc
qu'une délégation d'exécution, ce qui signifie clairement
que le vrai patron de la défense camerounaise est le président de
la République. Le décret de 1959, portant création de
l'armée camerounaise et organisation générale de la
défense, stipulait en son temps que les grandes orientations en
matière de défense et de sécurité étaient
prises en conseil de ministre, présidé par le premier ministre,
chef du gouvernement. La loi du 12 juin 1967 quant à elle a
précisé que le président de la République,
responsable de la politique nationale de défense, est assisté :
« d'un Conseil Supérieur de la défense nationale, d'un
comité technique de défense nationale et dispose d'un
secrétariat permanent à la défense nationale... et d'un
comité de défense ».114 Ces deux textes
ancêtres de la défense nationale consacraient la compétence
de la production de la politique de défense au pouvoir civil. A titre
comparatif, c'est le pouvoir civil, sous le commandement du président de
la République, qui fabrique la politique de défense dans la
plupart des pays dont le Cameroun s'est inspiré pour ses textes. En
France, le président de la République définit la politique
de défense avec la Commission du livre blanc, qui est majoritairement
composée de civils. Aux États-Unis, c'est dans le cadre du
National Council of Security, un organe administratif comprenant le
vice-président, le secrétaire à la défense, le
secrétaire d'État, le conseiller à la
sécurité nationale, les comités départementaux que
le président OBAMA définit la politique de défense des
États-Unis, le Defence White Paper of US, distinct du
Quadriennal Defence Review élaboré par le
Département de la défense.
Cette tradition s'inscrit dans le cadre des pays
démocratiques où le pouvoir militaire est séparé et
soumis au pouvoir civil. Or en Afrique en général, on ne peut
dire qu'il y a une séparation étanche entre l'armée et le
pouvoir politique. Au contraire, les armées africaines sont au coeur de
la fabrication et de la production du pouvoir politique. Si dans certains pays
comme la Lybie ou la Mauritanie ou encore le Congo Brazzaville, cela
apparaît de façon évidente, étant donné que
les chefs d'État des ces pays sont des officiers arrivés au
pouvoir
113 Loi n° 67 /LF/9 du 12 juin 1967 portant organisation
générale de la défense.
114 Article 7 et 8 de la loi n° 67 /LF/9 du 12 juin 1967.
par putsch ; au Cameroun, l'immixtion de l'armée dans
le champ politique s'est effectuée de façon insidieuse depuis
l'épisode crisogénique de 1984. C'est la politique de
l'échange ; du don contre don. C'est dans ce sens qu'il faut
interpréter le « cadeau » fait aux forces armées par le
président BIYA en leur confiant l'élaboration de la politique de
défense.
Figure3 : Schéma simplifié des
acteurs intervenants dans l'élaboration de la politique de
défense
ETAT-MAJOR PARTICULIER
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
MINISTERE DE LA DEFENSE
CONSEIL NATIONAL DE SECURITE
SECRETARIAT D'ETAT A LA DEFENSE
DELEGATION GENERALE A LA SURETE
NATIONALE
Source : Hans De Marie HEUNGOUP NGANGTCHO
I.B- La préséance de la
sécurité présidentielle et le travestissement
préto-présidentiel de la politique de défense et de
sécurité nationale
Le travestissement s'exprime ici en termes de construction
hégémonique et de monopole présidentiel dans le champ de
la défense et de la sécurité. Il commence avec le
décret le décret n° 83/539 du 5 novembre 1983, qui
créé l'état-major particulier du président de la
République. Celui-ci a pour mission de « tenir le président
de la République au courant de toutes les affaires militaires. Toutes
ces prérogatives lui confèrent les pleins pouvoirs sur le plan de
la défense ».115 Ce décret nomme également
trois généraux : James TATAW, WANGALI, NGANSO SUNDJI.
L'opportunité de ce décret est à mettre en relation avec
la crise politique liée à la querelle de succession entre les
deux présidents. La crise politique permet le renforcement des
mécanismes présidentiels en matière de modalités de
défense. Ce travestissement a comme effet induit : la
prééminence de la sécurité du président.
L'obsession du coup d'état et l'obsession
sécuritaire du président de la République du Cameroun
constituent les leitmotive de la préséance de la
sécurité présidentielle. Cette préséance se
caractérise par la prévalence de la sécurité
présidentielle, le surinvestissement de la sécurité
présidentielle et la spectacularisation des dispositifs de protection du
président.
S'agissant de la prévalence accordée à la
sécurité du président de la République du Cameroun,
elle est incontestable. Cette incontestabilité est elle-même
liée à l'incontestabilité de la prééminence
présidentielle au sein de l'État-président. Comme nous le
faisait remarquer un enquêté, « depuis le coup d'état
manqué d'avril 1984, le président ne pense plus qu'à sa
sécurité »116. La prévalence est
marquée par la monopolisation des appareils de sécurité et
de défense aux fins de la sécurité du président. De
façon immédiate, la sécurité présidentielle
est assurée par la Direction de la Sécurité
Présidentielle et la Garde Présidentielle. Mais de facto, la
Sécurité Militaire (SEMIL), la Direction de la Recherche
Extérieure (DRE), le Secrétariat d'État à la
Défense, la DGSN contribuent à la sécurité du
président. Dans le collectif bureaucratico-présidentiel, le
président de la République est le coeur du système, et la
transition néopatrimoniale est la meilleure chance pour le
système de se perpétuer. De ce fait, un assassinat contre la
personne du président perturberait l'équilibre des forces et des
tensions. La sécurité présidentielle ne concerne pas que
le président, elle concerne également les membres de la famille
présidentielle et les édifices présidentiels. La
sécurité présidentielle se caractérise en outre
part son « ethnomorphisme ». Le Colonel AMOUGOU Emmanuel a
115 Article 3 du décret n° 83/539 du 5 novembre 1983
portant création d'un État-major particulier du président
de la République.
116 Entretien avec un officier de police le 18 mai 2011.
été nommé par décret n°
2011/055 du 11 mars 2011 Chef d'État-major Particulier du
Président de la République. Le Colonel ETOUNDI NSOE Raymond
Thomas a été nommé par décret n° 2011/057 du
11 mars 2011 Commandant de la Garde Présidentielle. Tous les deux sont
de l'ethnie présidentielle. Le nouveau commandant du BIR, le Ministre de
la défense et le chef d'État-major des armées sont de
l'ethnie présidentielle. Seul le General de Brigade Yvo DESCANCIO,
Directeur de la sécurité présidentielle n'est pas
ressortissant du même groupe ethno-régional que le
président. Toutefois, cette exception est relative, lorsqu'on sait le
rôle qu'il a joué dans la protection du président pendant
la tentative d'avril 1984. Alors capitaine en 1984, il avait assuré avec
une équipe de six éléments de la DSP la protection du
bunker présidentiel pendant 36 heures. Et surtout, il a passé
toute sa carrière militaire, dès sa sortie de formation, à
la DSP. Il a certes été affecté une fois, mais il ne fit
pas six mois et revint à son bercail, la sécurité
présidentielle. Sa présence à ce poste relève de la
gratification pour son fidéisme au président Paul BIYA. Par
ailleurs, le recensement ethnique des éléments qui composent la
GP et la DSP laisse apercevoir une forte communauté du groupe
ethno-régional présidentiel. C'est à ce titre que l'on
peut parler d'ethnomorphisme de la sécurité
présidentielle. Cet ethnomorphisme est « normal » dans le
système politique camerounais. La construction du charisme
présidentiel depuis juin 1983 s'appuyait déjà sur la
dimension ethnique. Lorsque Luc SINDJOUN parle du président de la
République qui a les mains liées; ce qu'il évoque, c'est
la pesanteur de son clan ethnique. Au-delà de la rhétorique sur
l'unité nationale et l'équilibre régional, la production
ethnique du « eux » et de « nous » fait partie de la
psychologie de la protection du président. De plus, cette situation est
amplifiée par l'illégitimité du président.
En ce qui concerne le surinvestissement de la
sécurité présidentielle, il se présente en termes
de troupes et de budget. Le budget de la sécurité du
président n'est pas connu. Il est donc difficile d'y pérorer.
Sauf que des témoignages des personnalités telles Pierre ELA ou
Sadou DAOUDOU, Samuel EBOUA, ayant travaillé très
étroitement dans ce domaine sont unanimes sur le surinvestissement
financier dans la protection du président de la République. Ce
surinvestissement concerne également les effectifs de la garde
présidentielle. En France, 3200 Garde républicains travaillent en
tout au service de la sécurité présidentielle. Aux
ÉtatsUnis, ce sont 3200 agents spéciaux de l'United States
Secrets Service (USSS) qui travaillent pour la sécurité
présidentielle. Dans ce dernier cas, la sécurité
présidentielle concerne également celle des candidats à la
présidence, 120 jours avant le début des élections
présidentielles; celle des anciens présidents, jusqu'à dix
ans après leur fin de mandat. Au
Cameroun, la GP a 2000 effectifs. Ces effectifs sont certes
moins nombreux que ceux des pays précités, mais il faut se
rappeler qu'aux États-Unis, 3200 personnes travaillent pour la
sécurité présidentielle sur une armée de plus d'un
million de combattants. Au Cameroun, ce sont 2 000 Gpistes pour une
armée de 40 000 hommes, y compris la gendarmerie. Si l'on ajoute les
effectifs de la DSP, estimés à 150, on atteint le ratio de 6% des
effectifs des forces armées. Surtout, cette protection est restreinte
à la personne du président, sa famille et les logements
présidentiels ; alors qu'elle est plus élargie aux
États-Unis et en France, dont le Cameroun tire l'essentiel de son
organisation militaire. En outre, les soldats de la GP sont les mieux
formés et les mieux équipés, du moins en logistique et
matériel de guerre terrestre.
Enfin, le travestissement de la sécurité
présidentielle est également caractérisé par la
sécurité-spectacle, notamment le spectacle des sorties
présidentielles. Au-delà du pré-débat sur
l'efficacité ou non des dispositifs de sécurité
présidentielle, vu qu'il n'y a jamais eu de coup d'État au
Cameroun, le barrage et le nettoyage des routes, la disposition des Gpistes
« armés jusqu'aux dents » sur les toits des immeubles et des
habitations, le polissement vestimentaire des forces de l'ordre participent de
l'ostentation et de la sécurité-spectacle. Cette
spectacularisation sécuritaire est une forme de
théâtralisation du pouvoir et de réaffirmation de l'ordre
politique.
II- Les ressources de l'hégémonie
présidentielle dans le champ de la défense et de
la sécurité
Le président de la République est le chef de
l'État et chef suprême des forces armées camerounaises. Ace
titre, il dispose déjà de la primauté dans le champ de la
défense et de la sécurité. Cette primauté se fait
hégémonie par la maîtrise que lui confère sa
position des chances de puissance dans le champ de la défense et de la
sécurité et par le contrôle effectif de l'engagement des
forces armées.
II.A- Le contrôle des chances de puissance dans le
champ sécuritaire et de défense
Le contrôle des chances de puissance constitue la
ressource principale de l'hégémonie présidentielle dans le
champ de la défense et de la sécurité. Il entraîne
la subordination de la personne nommée vis-à-vis de la personne
du président. Cette subordination est plus accrue dans le champ
militaire. C'est un champ très hiérarchisé et les logiques
de domination sont encore plus accentuées qu'au sein du champ civil.
D'après la constitution du 18 janvier 1996, le président de la
République nomme aux emplois civils et militaires. Dans la pratique,
le
président nomme à quasiment tous les empois
militaires. Une étude des 21 textes du 25 juillet 2001 montre que ce
pouvoir nominatif est total et s'exerce jusqu'aux échelons les plus
réduits du Ministère de la défense, de la DGSN, du SED, de
l'État-major général et des États-majors
spécialisés. En effet, ces différents textes
prévoient que président nomme jusqu'aux chargés
d'étude assistant et secrétaires des chargés
d'étude. L'objectif, c'est qu'il n'y ait pas de médiateur dans la
subordination des forces armées au prince. Cette tactique politique est
fort intéressante. Elle permet de fragiliser le pouvoir des officiers
généraux et du MINDEF vis-à-vis des officiers subalternes.
La relation entre le président et l'officier est directe, elle ne passe
pas par la médiation des officiers généraux. En fait, la
puissance du décret présidentiel dans la trajectoire du soldat
fait davantage de lui un subordonné et crée un lien personnel
avec la personne du président de la République qui l'a fait
roitelet. Par le décret, l'armée est associée à la
formation dirigeante et à la « société de Cour
».117
Le système de défense et de
sécurité est organisé de telle enseigne que
l'allégeance se fasse directement à la personne du
président. Cette organisation obéit également à une
logique vieille de l'alliance hégémonique. Toutes les
armées, tous les secteurs militaires, sont surveillés, mis en
concurrence et se contrôlent les uns les autres. Chaque armée
(Terre, Mer, Air) dispose de son service de renseignement. Chacun de ses
services contrôle l'autre. La SEMIL contrôle les trois
armées, mais elle est elle-même surveillée par le
Renseignement Militaire (CRM), que la SEMIL surveille rétroactivement.
La DGSN surveille le territoire, mais est également surveillée
par la DGRE, qu'elle surveille aussi par ailleurs. La DSP ellemême
espionne et surveille les forces. Bref, il s'agit d'un maillage intelligent qui
permet au système de défense et de sécurité de
s'autoréguler, de s'autocontrôler. Il s'agit d'un schéma
établi pour éviter toute alliance contre l'exécutif
présidentiel des différents secteurs de l'armée.
Par ailleurs, l'embourgeoisement des soldats, et
principalement des officiers généraux, participe de la logique
générale de curialisation et de néo-patrimonialisation qui
est déjà effective dans le volet civil du système
étatique. L'embourgeoisement au Cameroun est une marque de la
distinction et de la noblesse d'État. Il paraît donc normal que
les officiers généraux soient rétribués de leur
alliance au collectif bureaucratico-présidentiel. Le gouvernement
perpétuel au Cameroun ou le gouvernement ne varietur concerne
également le gouvernement de l'armée camerounaise. La
longévité de carrière des généraux et
contre-
117 ELIAS Norbert, La civilisation des moeurs, Paris,
Calmann-Lévy, 1991.
amiraux comme SEMENGUE, James TATAW, NGANSO SUNDJI est le
penchant de la longévité politique. Quand bien même ceux-ci
auraient déjà dépassé l'âge légal
d'exercice pour les officiers généraux fixé à 63
ans. Le cas de Pierre SEMENGUE, âgé de 73 ans est
emblématique à cet égard. Ceci ne concerne pas que
l'armée, mais également la police et les services de
renseignement camerounais. La nomination d'un commissaire divisionnaire
retraité à la tête de la DGSN le montre bien. La
reconversion des anciens commissaires divisionnaires à la tête des
ambassades et consulats du Cameroun montre que la logique est de maintenir les
acteurs dans le système. Maintenir les acteurs dans le système
permet de calmer la frustration qu'ils subissent lorsqu'on leur retire la
mangeoire. Parallèlement, cela permet également de les surveiller
et les contrôler, de réduire leur « zone d'incertitude
».118 Un général ou un commissaire divisionnaire
à la retraite, ca peut être dangereux. On reste donc toujours dans
le collectif et le système, même lorsqu'on est en retraite.
II.B- Le contrôle effectif de l'engagement des
instruments de défense et de sécuritéLe
président de la République du Cameroun, en plus de sa
maîtrise des chances de
puissance, exerce un contrôle effectif et direct sur les
forces armées du Cameroun. Ce contrôle est plus prononcé et
encadré textuellement lorsqu'il s'agit des forces spéciales. Il
exerce également un contrôle immédiat sur les appareils de
répression policière.
La politique de défense du Cameroun consacre de plus en
plus une place importante aux forces spéciales. Vu le contexte
néopatrimonial qui entoure la sélection des candidats et la
gestion de leur carrière, les forces spéciales se
présentent comme un atout stratégique majeur pour la
défense du territoire. Les forces spéciales dont il s'agit sont :
le BSA, le BIMA, le BTAP, les FAI, les FMC, le BBR, le BQG, etc. En effet,
d'après le Décret n° 2001-183 du 25 juillet 2001 portant
réorganisation des formations de combat de l'Armée de Terre,
l'engagement, le déplacement et l'exécution des missions du BQG,
du BBR, du BTAP, du BSA sont soumis à l'autorisation préalable du
président de la République. Le président est donc le seul
à valider les missions, l'engagement et le déplacement des forces
spéciales de l'armée de terre, regroupées autour de la
Brigade d'Intervention Rapide (BIR). Le cas spécifique du BIR sera
évoqué en deuxième partie de ce travail. Sur le plan
logistique, le déplacement et l'engagement des régiments
d'artillerie sol-sol et sol-air, de l'infanterie, des blindés et
hélicoptères de combat de l'armée de terre se fait sur
aval du président.
118 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L'acteur et le
système, Paris, 1981.
La même disposition revient lorsque l'on étudie
le décret portant organisation de l'armée de l'air. En effet,
l'article premier du Décret N° 2002/037 du 04 Février 2002
portant création et organisation des forces de l'armée de l'air
dispose que: « l'engagement et l'exécution des missions des forces
de l'armée de l'air et spécialement des Fusiliers de
l'Armée de l'Air sont soumis à l'autorisation préalable du
président de la République ».119 C'est au sein de
l'armée de l'air que le déplacement et l'engagement de la
logistique est le plus contrôlé par le président. Tout
avion et hélicoptère de combat reçoit avant son
déplacement et son engagement dans une mission, l'autorisation du
président. Son itinéraire est bien précisé. Cette
dernière mention est d'une part liée au fait que l'avion
constitue une ressource stratégique pour l'armée camerounaise, le
pays ne disposant que de vingt aéronefs et trente
hélicoptères. D'autre part, cela s'inscrit également dans
le sillage de la protection du palais présidentiel, étant
donné que la garde présidentielle ne dispose ni d'avion, ni
d'hélicoptère pour neutraliser une éventuelle mutinerie
d'un pilote de l'Armée de l'air.
Du côté de la Marine nationale, la tutelle
présidentielle concerne les FMC et les Palmeurs de combat. Leur
engagement et l'exercice de leur mission est soumis également à
l'accord préalable du président de la République.
D'après le décret N°2002/036 du 04 février 2002,
portant création et organisation des Forces de la Marine Nationale, la
logistique de combat naval, notamment les forces de surface, composées
de Bâtiments et d'Embarcations ; les Forces de Fusiliers Marins et de
Palmeurs de combat ; les éléments de soutien, est directement
contrôlée par le président. L'exécution de leur
mission est soumise à l'autorisation préalable du
président de la République. En plus du contrôle effectif et
direct des fores spéciales des trois armées du Cameroun, le
président de la République exerce un contrôle
immédiat sur les appareils répressifs.
Parler d'appareils répressifs est un abus de langage,
vu que les forces armées sont aussi souvent employées à
des fins répressives. Mais il s'agit ici de s'arrêter sur le
contrôle que le président a de la sureté nationale, de la
gendarmerie nationale et de la police politique. S'agissant de la Sureté
nationale, l'article2 du Décret n° 2002/003 du 4 janvier 2002
portant organisation de la Délégation Générale
à la Sûreté Nationale dispose que : « La
Sûreté nationale est un corps de commandement et d'administration
placé sous l'autorité du
119 Décret N° 2002/037 du 04 Février 2002
portant création et organisation des forces de l'armée de
l'air.
Président de la République qui en est le chef
suprême ».120 L'article 5 du même Décret
poursuit :
La Sûreté nationale relève de
l'autorité directe du Président de la République. Elle
exécute les missions qui lui sont confiées par les
autorités gouvernementales dans le cadre de leurs compétences
respectives, en se conformant aux directives du Président de la
République (...) En matière de défense et en situation
opérationnelle, elle est mise en oeuvre par le Président de la
République et coopère étroitement avec les
ministères chargés de la Défense et de l'Administration
territoriale.121
La profusion de l'évocation du président de la
République et des mentions expresses de l'autorité directe qu'il
exerce sur le DGSN, montre clairement que la mainmise présidentielle sur
les forces nationales de police. Comme nous l'avons souligné pour le
Ministère de la Défense, ici, le responsable de la
sûreté nationale, comme son nom l'indique n'est qu'un
délégué. Ce qui revient à dire que le vrai patron
de la sureté nationale, c'est le président de la
République.
Enfin, le contrôle est immédiat, direct et
effectif en ce qui concerne la DGRE, l'ex CENER. Il suffit de lire les
révélations de Jean FOCHIVE, qui a été directeur de
la DRG, du CND, du CENER, puis de la DGRE pour comprendre le lien direct que le
président entretien avec ses services de renseignement. Il
précise tout de même que ce lien fut moins étroit sous le
régime BIYA que sous celui d'AHIDJO.
120 Décret n° 2002/003 du 4 janvier 2002 portant
organisation de la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale.
121 Ibidem.
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