Analyse de la jurisprudence rendue en matière de procédures collectives d'apurement du passif par tribunal régional hors classe de Dakar depuis 2000( Télécharger le fichier original )par Abdou Yade SARR Cheikh Anta DIOP de DAKAR - Master I en droit des affaires 2009 |
PREMIERE PARTIE :ANALYSE DES DECISIONS RENDUES EN MATIERE DE REGLEMENT PREVENTIF
L'entreprise peut bénéficier de l'assistance judiciaire pour la prévention de ses difficultés, si elle n'arrive pas à la faire avec l'alerte ou toutes les autres procédures internes prévues à cet effet. Cette assistance judiciaire ou plus précisément la prévention judiciaire des difficultés est connue sous le nom de la procédure de règlement préventif. Cette technique de prévention judicaire des difficultés requiert rationnellement des règles de formes et de fond pour que le juge puisse statuer. Le juge du tribunal régional hors classe de Dakar n'a pas manqué de statuer dans ce sens. Ainsi cette jurisprudence requiert t elle une analyse. Celle-ci se passe nécessairement par une appréciation des conditions d'ouverture de la procédure de règlement préventif, (CHAPITRE I) avant de s'interroger sur l'option du juge (CHAPITRE II) CHAPITRE I : L'APPRECIATION DES CONDITIONS D'OUVERTURE DANS LES DECISIONS RENDUES PAR LE TRHCD EN MATIERE DE REGLEMENT PREVENTIF Come toute procédure judiciaire, le règlement préventif répond à des conditions processuelles c'est-à-dire de forme et à des conditions substantielles c'est-à-dire de fond. Le règlement préventif est une procédure collective ouverte contre un débiteur qui connaît une situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise. Elle est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise et à permettre l'apurement du passif au moyen d'un concordat préventif. La possibilité de déclencher une telle procédure est réservée uniquement au débiteur qui reste à la tête de ses affaires. Pour une meilleure appréhension de ces conditions dans les décisions rendues par le tribunal régional hors classe de Dakar depuis 2000 en matière de règlement préventif, il est préférable de faire d'abord une appréciation des conditions de formes (SECTION I) avant les conditions de fond (SECTION II).
SECTION I : L'appréciation des conditions de forme L'ouverture de la procédure de règlement préventif est liée au respect, par le débiteur d'un minimum de règles de forme. Selon une synthèse des articles 5, 6, et 7 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives, le débiteur doit saisir la juridiction compétente par une requête adressée au président. Cette requête doit être accompagnée d'un dépôt de dossier et celui d'une offre concordataire17(*). A la lecture des décisions rendues par le tribunal régional hors classe de Dakar depuis 2000, on a pu retenir que la procédure de règlement préventif est une procédure graduelle, (PAR I), mais relativement, qu'il y a une certaine maîtrise des conditions de saisine par le débiteur, (PAR II). PARAGRAPHE I : La nature graduelle de la procédure de règlement préventif. La procédure de règlement préventif est une procédure qui se déroule en deux étapes nécessairement. Toutes les décisions rendues par le TRHCD ont fait état de cette nature. Dans les jugements rendus par cette juridiction on a remarqué l'intervention du Président, d'abord (A) et celle du tribunal lui-même, ensuite. (B) A- L'intervention du Président du tribunal Avant même que le tribunal statue sur la demande aux fins de règlement préventif, le juge apporte d'abord l'ordonnance du président qui a suspendue les poursuites individuelles de la part des créanciers du débiteur. C'est ainsi que dans l'affaire Pêcheries Frigorifiques du Sénégal du 06 août 2004 (An.48), le juge a montré l'intervention du Président du tribunal en faisant savoir que « par ordonnance en date du 16 février 2004, monsieur le Président du tribunal de ce siège a ordonné la suspension des poursuites individuelles ». Cette intervention du président est imposée par l'article 5 de l'AU/PC. Selon ce texte « la requête est adressée au président de la juridiction compétente... » Le président constitue la porte incontournable pour déclencher la procédure de règlement préventif. Le TRHCD n'a pas méconnu ce caractère obligatoire de l'intervention du Président du tribunal. Ainsi dans tous les jugements qu'on a pu recenser, le juge cite nommément la requête déposée par le débiteur, la date de ce dépôt avant même qu'il statue sur le fond de l'affaire. C'est ainsi que dans le jugement du 05 mars 2003(an.11), le juge a bien énoncé que « la société Produits de la Mer Elabores dite PROMEL a saisi le président de la juridiction de céans d'une requête en date du 07 mai 2002 aux fins d'un règlement préventif18(*) .» Le président constitue à cet effet un pont entre le débiteur et la juridiction. Cette intervention nécessaire du président n'est pas un voeu dénué d'intérêt du législateur. « Dés le dépôt de la proposition du concordat préventif, celle-ci est transmise sans délai au président de la juridiction compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles et nomme un expert19(*)... » Le rôle du Président est, donc, de rendre une ordonnance de suspension des poursuites individuelles déclenchées par les créanciers du débiteur. En fait cette suspension est l'objectif immédiat et principal du demandeur. La lettre de l'article 8 AU/PC précité ne semble laissé aucune liberté d'appréciation au Président du tribunal. Il doit certes vérifier préalablement que le demandeur entre dans le champ d'application rationae personae, mais il n'a pas semble t- il à se prononcer sur l'état des difficultés de l'entreprise.20(*) Cette interprétation se justifie aisément, car le président rend d'abord une ordonnance de suspention des poursuites individuelles, avant que le tribunal s'interroge sur la situation du débiteur, en nommant un expert pour éclairer celui-ci.21(*) Cette idée a poussé un auteur22(*) à dire que « non seulement le Président ne peut refuser le prononcé de l'ouverture de la procédure en arguant, par exemple de la situation irrémédiablement compromise du demandeur, mais s'il venait, de le faire, sa décision pourra aisément être remise en cause23(*)» Si la saisine est manifestement dilatoire, parce que trop précoce, ou trop tardive, selon la lettre des textes, le Président ne peut refuser le prononcé de la suspension des poursuites individuelles. L'ordonnance de suspension des poursuites individuelles a pour effet , comme l'atteste, le jugement du 22 juillet 2005, affaire DCM(an.67) « la suspension des poursuites individuelles dirigées contre elle ( la société Dakar-Construction-Maintenance dite DCM) tendant au paiement des créances antérieures ou relatives aux voies d'exécutions ou aux mesures conservatoires à l'égard de tous les créanciers privilégiés ou chirographaires24(*) » Le président ne joue pas, en l'espèce un rôle prépondérant, du moins, au stade de la détermination de la situation économique et financière du débiteur. L'adoption du règlement préventif et l'homologation du concordat préventif relèvent des attributions du tribunal. B- L'intervention du tribunal lui-même C'est avec l'intervention du tribunal que va s'apprécier l'opportunité de la demande et le sort de l'entreprise. Cette intervention selon l'article 14 AU/PC, se fait « dans les huit jours qui suivent le dépôt du rapport de l'expert ». L'intervention du président n'était que pour suspendre les poursuites déclenchées par les créanciers afin de procurer à l'entreprise le temps nécessaire à l'élaboration effective de son concordat, tout en respectant le principe d'égalité entre les créanciers. Le Président joue aussi un rôle d'introduction d'instance de la procédure, car ce n'est pas le débiteur qui saisit directement le tribunal à délibérer sur sa situation économique et financière. C'est cette initiative limitée du débiteur qui a justifié que le juge n'a pas à voir les conditions de saisine de la juridiction elle-même, mais du président. Cette simplicité justifierait peut-être la maitrise par le demandeur des conditions de saisine. PARAGRAPHE II : Des conditions de saisines respectées par le demandeur Une lecture superficielle des décisions du tribunal régional hors classe de Dakar rendues en matière de règlement préventif, permet d'inférer que le demandeur maîtrise les conditions de saisine du président de la juridiction compétente. Pour saisir le président du tribunal hors classe de Dakar, le débiteur doit déposer une requête, faire un dépôt d'un dossier et terminer avec une offre concordataire. Ces conditions de forme sont, toutes, respectées par le débiteur saisissant. Cette idée se justifie par la déclaration par le TRHCD, de toutes les actions du demandeur recevables. Il a pratiquement utilisé la même formule « attendu que l'action a été introduite dans les formes et délais de la loi, ... il échet de la déclarer recevable. » Si on cherche de difficultés dans les conditions de saisine, ce serait peut-être, celle relative à la proposition concordataire, notamment sur la possibilité pour le débiteur de rassembler toutes les pièces à temps. S'agissant du délai de dépôt de l'offre concordataire, le débiteur doit le faire, à peine d'irrecevabilité de sa requête, en même temps que celle-ci, ou au plus tard, dans les trente jours qui suivent le dépôt des documents25(*). Le délai d'un mois peut paraître trop bref pour déposer l'offre concordataire, au regard des questions qui doivent être traitées, par une offre concordataire sérieuse, lorsque celle-ci n'a pas été antérieurement élaborée26(*). Parmi les jugements rendus par le TRHCD en cette matière, un doit retenir notre attention. Il s'agit du jugement du 22 juillet 2005 DCM (an. 67). Dans cette affaire, le juge avait déclaré l'action du débiteur, en l'occurrence la société Dakar-Construction-Maintenance dite DCM, recevable et a ouvert contre elle une procédure collective de liquidation des biens. L'ordonnance de suspension des poursuites individuelles no1617 du 10octobre 2004 qui a admis la DCM S.A. au bénéfice du règlement préventif, a fait l'objet d'une opposition de la part de la société MILLENIUM S.A, aux motifs que celle-ci était irrecevable en ce qu'elle ne s'est pas conformée à L'article 7 AU/PC. Le juge du TRHCD, a débouté la société de son opposition par un jugement du 23 décembre 2005 MILLENIUM S.A c/ DCM (an.72) , en estimant que « la société millenium S.A. n'a pas produit à l'appui de sa demande que l'ordonnance à pieds de requête ordonnant la suspension des poursuites et désignant un expert aux fins de dresser la situation économique et financière de la DCM, or il résulte de ladite ordonnance que celle-ci est fondée sur les dispositions des articles 5 à 9 de l' au/pc et des pièces produites par la requérante, que le juge de la requête aurait surement tiré les conséquences de l' article 7 précité, s'il n'avait pas été respecté, qu'il échet de dire ce moyen non justifié ». Cette décision est déplorable en notre sens, car le juge ne se livre pas à une recherche des choses, mais se limite tout simplement à une présomption de la bonne foi du juge des requêtes. De surcroît, le juge a posé une hypothèse en utilisant le conditionnel passé « aurait sûrement tiré ». Pour que le débiteur puisse entrer dans le champ d'application rationae personae de la procédure du règlement préventif, il faut qu'en plus des conditions de saisine, remplir des conditions substantielles, c'est-à-dire de fond. Ces dernières conditions méritent à cet effet une appréciation dans les décisions du tribunal régional hors classe de Dakar. SECTION II : Appréciation des conditions de fond Pour les conditions de fond, l'acte uniforme, insiste sur la forme juridique du débiteur et sur sa situation économique et financière. L'article 2-1 alinéa 2 AU/PC dispose que « le règlement préventif est applicable à toute personne physique ou morale commerçante et à toute personne morale de droit privé non commerçante, à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé qui, quelle que soit la nature de ses dettes connait une situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise ». A la lecture des décisions rendues par le TRHCD en matière de règlement préventif, le juge exige, comme l'acte uniforme, une situation difficile mais non irrémédiablement compromise (PARAGRAPHE II). C'est à la deuxième condition relative à la forme juridique des débiteurs que certaines interrogations sont permises, car on a constaté une forme uniquement sociétaire des demandeurs. (PARAGRAPHE I) PARAGRAPHE I : La forme sociétaire des demandeurs en règlement préventif Un profane du droit des affaires, plus précisément, des conditions d'ouverture de la procédure de règlement préventif, pourrait, en analysant la jurisprudence du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar en cette matière, tirer la conclusion selon laquelle « le règlement préventif est ouvert aux seules sociétés de capitaux à savoir les sociétés anonymes (S.A.) et les sociétés à responsabilité limitée (S.A.R.L.). Pour toutes les décisions dépouillées en matière de règlement préventif, les débiteurs sont, soit des S.A. (A) soit des S.A.R.L. (B) A- Les sociétés anonymes Pour les sociétés anonymes, on a la Société Produits de la Mer Elabores dite PROMEL qui a fait l'objet du jugement du 05 mars 2003(an.11) ; la société eurafricaine d'industrie S.A. qui a fait l'objet du jugement du 09 janvier 2004(an.28) ; la société Dakar-Construction- Maintenance dite DCM qui a fait l'objet du jugement du 22 juillet 2005(an. 67) ; B- Les sociétés à responsabilité limitée Pour les sociétés à responsabilité limitée, on a la société MBAYANG S.A.R.L. qui a fait l'objet du jugement du 11 juin 2004(an. 39) ; les Sociétés Pêcheries Frigorifiques du Sénégal qui a fait l`objet du jugement du06 août 2004(an.47) ; la société SOLOTECH S.A.R.L qui a fait l'objet de la décision du 14 janvier 2005(an.54). Cette réduction de la condition relative à la situation juridique du débiteur aux seules sociétés de capitaux n'est pas aucunement reprochable au juge. Ce dernier n'a pas le pouvoir de refuser, par exemple à une personne physique le règlement préventif, si elle remplit toutes les conditions requises, aux motifs qu'elle n'est pas une société. La condition relative à la forme juridique du débiteur n'est pas à sous estimer, mais la condition relative à la situation économique et financière semble plus importante plus le juge du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, car ce dernier exige une situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise pour l'admission au règlement préventif à un demandeur. PARAGRAPHE II : L'exigence par le juge d'une situation économique difficile mais non irrémédiablement compromise C'est par un jugement du 22 juillet 2005 DCM (an.67), que le juge du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a exprimé cette exigence. Dans cette affaire le débiteur, la société Dakar-Construction-Maintenance, a par requête en date du 20 septembre 2004, saisi le TRHCD d'une demande de règlement préventif, en sollicitant la suspension des poursuites individuelles dirigées contre elle. Par ordonnance en date du 10 octobre 2004, le président du tribunal de céans a ordonné l'ouverture d'une procédure de règlement préventif de la DCM avec la suspension des poursuites individuelles. Pour refuser d'admettre la DCM au règlement préventif, le juge a dit « qu'il importe de rappeler que le règlement préventif, tel qu'il est prévu et organisé par les articles 5 et suivants de l' acte uniforme relatif aux procédure collectives d'apurement du passif, s'analyse en une procédure d'alerte permettant par l'effet de la suspension des poursuites individuelles tendant au recouvrement des créances contre elle, à une société d'anticiper et de prévenir la survenance d'une situation de cessation des paiements ; Qu'il s'en infère aisément qu'une telle faveur ne peut être reconnue qu'aux entreprises traversant des difficultés financières certes, mais qui présentent de réelles aptitudes de redressement par l'effet d'une gestion maitrisée, ce qui exclut toute entreprise en cessation des paiements. » Cette option du juge n'est que la traduction de l'article 2-1 alinéa 2 de l'AU/PC qui dispose que « le règlement préventif est applicable à un débiteur qui connait une situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise. » Cette situation, en tant que condition de fond de la procédure doit être définie par le juge, (A) mais sa détermination est faite grâce à un rôle très important de l'expert. (B) A- La définition de la situation par le juge Avant de pouvoir rendre une décision admettant ou refusant d'admettre le demandeur au bénéfice du règlement préventif, le juge cherche obligatoirement la situation économique et financière de l'entreprise. Pourquoi cette exigence ? Parce que la connaissance de cette situation est un préalable pour savoir si le débiteur est dans le champ d'application de la procédure de règlement préventif. Dans deux décisions rendues par TRHCD en matière de règlement préventif, le juge essaie de définir cette situation économique et financière. Pour le juge, il y a situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise, d'une part, lorsque « l'entreprise traverse des difficultés financières certes, mais qui présente de réelles aptitudes de redressement par l'effet d'une gestion maitrisée » (jugement du 22 juillet 2005 DCM), et d'autre part, lorsque « l'entreprise connait des difficultés économique et financière difficile mais dont elle peut tirer à court terme » (jugement du 09 janvier 2004 Sociétés Eurafricaines d'industries). Si on fait une comparaison entre ces deux décisions, on constatera sans se tromper, que dans la première, le juge fait référence à une difficulté financière, tandis que dans la seconde décision, il s'agit d'une difficulté économique. La situation financière difficile non irrémédiablement compromise est une notion juridico-économique, qui correspond au constat de la non-cessation des paiements et à celui du maintien des chances de redressement. Elle est la conséquence en général, de mauvais résultats d'exploitation se traduisant par un ``endettement lourd, des fonds propres très faibles, un fonds de roulement détérioré, une politique d'investissement mal contrôlée, le financement d'immobilisations par des fonds à court terme...''. A la différence de la cessation des paiements, il n'existe pas encore de manifestations dangereuses telles que l'arrêt matériel des paiements, des protêts, et le crédit est encore conservé par l'entreprise auprès de ses banques et de ses fournisseurs. Cette situation de fait, encore plus insaisissable que la cessation des paiements, n'est définie que négativement par rapport à elle ; l'entreprise se trouve ainsi menacée à court terme du point de vue financier. Telle est la conception de la situation financière difficile qui correspond aux voeux du législateur africain des procédures collectives. Il s'agit là d'une exigence essentielle, qui constitue la clef de voûte de la procédure de règlement préventif : il ne saurait y avoir un essai de redressement sérieux, si la situation de l'entreprise est, à ce point, dégradée qu'elle ne peut raisonnablement envisager son sauvetage en obtenant un délai relativement bref27(*). La diversité des difficultés que peut constater le juge, doit donc lui obliger à définir d'abord la notion de « difficulté ». Malheureusement, le juge n'a pas eu l'occasion de la faire. C'est dans ce sens que DELEBECQUE et GERMAIN ont exhorté en ces termes qu'« il sera sans doute utile que les tribunaux précisent cette notion de difficultés »28(*) A défaut d'être précisé par le juge, on peut emprunter la fameuse définition d'Yves GUYON. Pour ce dernier, l'entreprise est en difficulté « lorsqu'elle n'est pas en mesure de couvrir ses besoins par un financement approprié » La deuxième notion composante de la situation économique et financière est la « situation non irrémédiablement compromise » Quand est ce qu'il y a situation irrémédiablement compromise ? Pour SAWADOGO, « l'impossibilité de faire face ne se confond pas avec la situation désespérée sans issue ou irrémédiablement compromise29(*) » Mais d'une manière générale, l'on peut estimer que « la cessation des paiements, même lorsqu'elle ne recouvre pas une véritable insolvabilité, correspond à une situation qu'est presque irrémédiablement compromise30(*) ». La situation irrémédiablement compromise ne saurait être assimilée à un état de cessation des paiements, comme l'exigeait autrefois les tribunaux français.31(*) En somme pour être plus précis, le législateur OHADA devait prendre une définition comme à l'instar du législateur français, concernant le règlement amiable. Cette procédure est applicable à « toute entreprise commerciale ou artisanale qui sans être en cessation des paiements, éprouve une difficulté juridique, économique ou financière ou des besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l'entreprise »32(*). Dans certaines décisions, le juge utilise les termes de situation économique et financière difficile. Le jugement du 05 mars 2003 en est une parfaite illustration. Dans cette affaire, le tribunal a dit qu'il « résulte du rapport de l'expert et des déclarations même de son dirigeant que la société PROMEL traverse une situation économique et financière difficile ; Qu'elle ne peut, au vu des pièces de la procédure, faire face à son passif exigible par son actif immédiatement disponible ; Qu'il échet de la déclarer en état de cessation des paiements » Dans un autre affaire, le juge a constaté une difficulté de l'entreprise mais n'a pas conclut à la déclaration d'un état de cessation des paiements du débiteur. Il s'agit du jugement du 09 janvier 2004 par lequel, le tribunal a décidé qu' « il n'est pas néanmoins contesté que celle-ci (la société eurafricaine d'industrie) connaît, au vu du rapport d'expert, une situation économique et financière difficile, mais dont elle peut se tirer à court ou à moins terme » On peut dire que le juge ne fait que constater une situation établie par l'expert. Cet état de fait existe dans toutes les décisions du tribunal statuant en matière de règlement préventif. Une telle allégation permet d'inférer qu'il y a un rôle important de cet homme de l'art. B- Le rôle important accordé à l'expert Cette importance découle d'une analyse superficielle des décisions rendues par le TRHCD en matière de règlement préventif. Le Président du TRHCD ne rend aucune ordonnance de suspension des poursuites individuelles sans nommer en même temps un expert. Encore le tribunal ne décide t-il du sort de l'entreprise sans se baser sur le rapport établi par l'homme de l'art. Cette nécessité a été exprimé par l'article 8-1 AU/PC qui dispose que « par la décision qui prononce la suspension des poursuites individuelles, la juridiction compétente désigne un expert pour lui faire un rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise » De ce fait pour exercer sa mission, il peut « nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication par les commissaires aux comptes, les comptables, les représentants du personnel, les administrations publiques, les organes de sécurité sociale, les établissements bancaires, ainsi que les services chargés de centraliser les incidents de paiement et les risques bancaires, des renseignements de nature à leur donner une exacte information »33(*) Comme le dit Roussel-Galle, « l'expert est le garant du bon déroulement de la procédure ». Même si, le débiteur n'est pas dessaisi par la décision d'ouverture de la procédure, le président doit obligatoirement, dans cette même décision, nommer un expert dont les pouvoirs et prérogatives sont considérables. L'expert commis doit déposer, sauf prorogation, son rapport dans un délai de deux après sa désignation. Dans les huit jours de ce dépôt, le président saisit la juridiction. Lorsque cette dernière est saisie, elle a trois options : le rejet de la demande pour saisine prématurée, l'admission au règlement préventif ou l'ouverture d'office d'une procédure collective de redressement ou de liquidation des biens34(*). Il s'agit de voir maintenant qu'en est t-il du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar. CHAPITRE II : L'OPTION DU JUGE DU TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR L'article 15 AU/PC est conçu comme instituant une compétence liée du juge. Ce dernier saisi d'une demande en règlement préventif : - Si elle constate la cessation des paiements, prononce d'office et à tout moment, le redressement judiciaire ou la liquidation des biens ; - Lorsque la situation du débiteur le justifie, elle rend une décision de règlement préventif ; - Si la situation du débiteur ne relève d'aucune procédure collective ou si elle rejette le concordat préventif, annule la décision de suspension des poursuites individuelles. C'est d'ailleurs ce qui ressort de la jurisprudence du tribunal régional hors classe de Dakar. Si nous faisons une analyse des décisions rendues par le TRHCD, on déduira que le juge de cette juridiction n'a opté que les deux premières hypothèses des trois prévues par l'AU/PC. Aucun des jugements qu'on a pu recenser, ne fait état de la troisième hypothèse35(*). En somme, le juge prend, soit une décision admettant le demandeur au règlement préventif (SECTION I), soit, une décision refusant d'accorder le débiteur, le bénéfice de cette procédure (SECTION II). SECTION I : La décision d'admission au règlement préventif Le juge du TRHCD ne rend un jugement admettant le débiteur au règlement préventif, que si le débiteur a une chance réelle de redressement (PARAGRAPHE I), et que le concordat est homologué (PARAGRAPHE II). PARAGRAPHE I : L'exigence d'une chance réelle de redressement Dés lors que la chance réelle de redressement est une des conditions d'admission du règlement préventif, une définition (A) et une détermination de cette situation semble nécessaire pour le juge (B). A- Quand est ce qu'il y a chance réelle de redressement ? La réponse a été apportée par le juge du TRHCD dans le jugement du 09 janvier 2004 Société Eurafricaine d'Industries précité. Dans ce jugement le juge a estimé que, « l'entreprise a une chance réelle de redressement car son activité est viable eu égard aux perspectives qui s'offre à elle notamment : - La plupart des clients continuent à faire confiance à son savoir faire technique et à la qualité de son personnel ; - Des contrats sont en cours d'exécution pour un montant de 774.199.126 frs - D'autres sont en cours de négociation dont un confirmé avec une société « LAVALIN » pour un montant de 6.566.393.000 frs sans compter les créances détenues sur les clients solvables pour un montant de 413.618.221 frs et enfin des actifs bien plus importants que le passif auquel elle fait actuellement face » . Pour le juge, il y a donc chance réelle de redressement lorsque « l'entreprise dispose de fonds lui permettant de faire face à son actif, de la confiance de ces clients quant à son expertise et lorsque le débiteur a des contrats en cours d'exécution ou des contrats en cours de négociation. » Autrement dit, lorsque l'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements et dispose d'actif, peu importe leur origine, pouvant assurer la continuité de l'activité de celle-ci. Une entreprise qui a des difficultés mais qui est dans l'attente d'un règlement important ou d'un contrat significatif peut valablement considérer qu'elle a des chances de redressement. Aussi la perspective de vente d'un actif important (usine, terrain, filiale) avec des négociations sérieusement engagées et proches d'aboutir, peut justifier une situation redressable. 36(*) Dés fois, le juge n'emploie pas les termes de « chance réelle de redressement », mais les termes d' « activité de l'entreprise viable ». Le juge déduit une chance réelle de redressement dans une proposition concordataire sérieuse. C'est ce qui ressort du jugement du 06 août 2004 Pêcheries Frigorifiques Du Sénégal précité. Dans ce jugement, le tribunal a estimé « qu'il résulte ainsi de toutes ces mesures des chances réelles de redresser l'entreprise ». Parmi ces mesures, existe la proposition concordataire sérieuse faite par la société PFS « car les banques qui constituent les créancier les plus importants ont accepté... de consentir à leur débiteur un différé de 09 mois et le paiement dans un délai de cinq ans ;... Que les autres fournisseurs ou du moins la moitié d'entre eux ayant accepté les délais sollicités par le débiteur... » L'espérance à un futur meilleur peut déterminer le juge à déduire une chance réelle de redressement de l'entreprise. C'est dans ce sens que le juge dans le jugement précité, a déduit une chance réelle de redressement par le fait que « le gouvernement du Sénégal vient de signer avec la commission européenne un accord tendant à assainir et sécuriser le secteur thonier dans lequel évolue les PFS37(*) ». Il reste à voir maintenant comment le juge détermine cette situation. B- La détermination de cette situation par le juge Pour déterminer cette situation, le juge s'appuie sur le rapport déposé par l'expert. Grâce à ce rapport, le juge arrive à constater si l'entreprise est ou n'est pas en difficulté. La recherche d'une difficulté du débiteur est essentielle pour le juge, parce que celle-ci conditionne l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif, qu'il s'agit de la procédure de règlement préventif, du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens. Le degré38(*) de cette difficulté permet au juge de discriminer entre ces trois procédures. Pour ce qui concerne le règlement préventif, pour rendre sa décision le juge va voir si la difficulté reflète un état de cessation des paiements. S'il y a cessation des paiements c'est que le débiteur ne peut pas bénéficier du règlement préventif. En revanche, le débiteur peut espérer à cette faveur s'il est en difficulté mais non en état de cessation des paiements, autrement dit des chances réelles de redressement. C'est ainsi que pour admettre la Société Eurafricaine d'Industries au bénéfice du règlement préventif, le juge a déclaré qu'il « résulte de tout cela que l'actif du débiteur est loin supérieur à son passif exigible, qu'il n'est pas néanmoins contesté que celle-ci connait au vu du rapport une situation économique et financière difficile... Qu'elle n'est pas par conséquent en état de cessation des paiements ; qu'il échet de l'admettre au règlement préventif39(*) » En somme, si les difficultés de l'entreprise n'ont pas encore conduit à la cessation des paiements, elle peut prétendre au bénéfice de la procédure de règlement préventif, mais à la condition que le concordat soit homologué par le juge. PARAGRAPHE II : La nécessité d'un concordat préventif homologué Dans tous les cas où, le juge du TRHCD décide d'admettre le demandeur au bénéfice du règlement préventif, il va nécessairement homologuer le concordat préventif proposé par le débiteur. Cette homologation judiciaire obligatoire, est l'un des éléments qui différencie le concordat préventif prévu par l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif40(*) avec le règlement amiable prévu par le code de commerce41(*) français. Le règlement amiable aboutit à un accord conclu entre le débiteur et ses principaux créanciers. Le tribunal n'est pas appelé à ratifier, contrôler ou homologuer le règlement amiable. Les créanciers acceptent librement de consentir au débiteur des délais de paiements, des remises de dettes ou une autre forme d'aide42(*). En revanche, pour que le concordat préventif proposé par le demandeur produise effet (B) il faut que le juge l'homologue. Mais cette homologation obéit à certaines conditions que le juge est tenu de vérifier (A). A- La vérification des conditions d'homologation Chaque fois que le juge du TRHCD est tenu d'homologuer le concordat préventif, il vérifie si les conditions prévues par l'article 15-2 al 2 sont remplies en l'espèce. Selon l'article susvisé, « la juridiction compétente homologue le concordat préventif si - les conditions de validité du concordat sont réunies ; - aucun motif tiré de l'intérêt général ou de l'ordre public ne paraît de nature à empêcher le concordat ; - le concordat préventif offre des possibilités sérieuses de redressement de l'entreprise, de règlement du passif, et des garanties suffisantes d'exécution ; - les délais consentis n'excédent pas trois ans pour l'ensemble des créanciers et un an pour les créanciers de salaire. » Pour homologuer le concordat préventif proposé par la société eurafricaine d'industrie, le juge a, par un jugement du 09 janvier 2004 précité, estimé que « l'offre concordataire telle que présentée dans le rapport d'expertise paraît viable et offre de sérieuse garanties de redressement... Que le concordat préventif est conforme à l'ordre public et ne compromet nullement la survie des créanciers... Qu'il échet par conséquent d'homologuer le concordat... » C'est dans ce même sens qu'il a statué dans l'affaire Pêcheries Frigorifiques du Sénégal du 06 août 2004 précité en relevant que « s'agissant du concordat, les banques qui constituent les créanciers les plus importants ont accepté ... de consentir à leur débiteur un différé de 09 mois et le paiement dans un délai de cinq mois ; que ce délai excédant celui prescrit par l'art 15 AU/PC, doit être ramené à trois ans... Attendu qu'il importe de relever enfin que les propositions concordataires sont conformes aux exigences de la loi en ce qu'elles ne sont pas contraires à l'ordre public... qu'il échet en conséquence de donner acte aux PFS de leurs propositions et d'homologuer le concordat préventif... » Il faut cependant relever quelques insuffisances du juge du TRHCD concernant la vérification des conditions d'homologation. A la lecture de l'art 15- 2 al.2, on a l'impression que le législateur OHADA a exigé des conditions restrictives et cumulatives. Le TRHCD n'a aucunement vérifié si les conditions de validités du concordat sont réunies. Pourtant, on peut dire que le législateur ohada ne sous-estime pas cette condition car il l'a citée en première place. Même si en l'absence de précision de ces conditions, le juge pourrait se réfère aux dispositions régissant le concordat de redressement judiciaire, ainsi qu'aux conditions de validité de tout contrat.43(*) Par ailleurs, s'agissant de la condition liée à la conformité du concordat à l'ordre public, le juge nous dit que le concordat est conformes à l'ordre public parce que répondant aux exigences de la loi44(*), mais ne donne pas concrètement les justifications de cette conformité. Pour ce qui est de la condition relative aux délais consentis, l'article 15 AU/PC impose une durée qui ne dépasse pas trois ans pour l'ensemble des créanciers et de deux ans pour les créanciers de salaire. Selon la formulation de ce texte, on pourrait en déduire que le juge ne doit pas homologuer un concordat dés lors que les délais accordés par le ou les créanciers dépassent la durée prévu par l'acte uniforme. Le juge joue un rôle important quand il y a dépassement de délais car il peut réduire ceux ci jusqu'à concurrence du délai prévu par le législateur. C'est ce pouvoir qu'il a usé dans l'affaire PFS en décidant que « les banques... ont consenti ... le paiement dans un délai de cinq ans ; que ce délai excédant celui prescrit par l'art 15 AU/PC doit être ramené à trois ans » D'un autre cote, le juge peut imposer un délai aux créanciers non accordant, mais à la condition que cela ne ruine pas l'entreprise du créancier et que si le délai imposé ne dépasse pas deux ans45(*). Le fait que le juge accorde toute cette importance à la vérification des conditions (A) d'homologation prouve que cette dernière produit rationnellement des effets considérables (B). B- Les effets de l'homologation L'homologation du concordat préventif apporte une nouvelle relation entre le débiteur et ses créanciers, et sur la mission de l'expert. Selon l'article 18 AU/PC, « l'homologation du concordat préventif rend celui-ci obligatoire pour tous les créanciers antérieurs à la décision de règlement préventif, que leurs créances soient chirographaires ou garanties par une sûreté dans les conditions et de délais et remise qu'ils ont consentis au débiteur sans préjudice aux dispositions de l'article 15-2 ci-dessus » Les effets ne concernent pas seulement les créanciers mais aussi, selon l'article 16 « la décision de la juridiction compétente homologuant le concordat préventif met fin à la mission de l'expert (...) Toutefois elle peut désigner un syndic et des contrôleurs chargés de surveiller l'exécution du concordat préventif(...) Elle désigne également un juge commissaire. Cette disposition est appliquée par le juge du TRHCD dans ses décisions en matière de règlement préventif. C'est ainsi que dans l'affaire Solotech du 14 janvier 2005 précité, le juge a mis fins à la mission de l'expert en « désignant maître Mame Thierno M'BACKE en qualité de syndic et monsieur Abdou DIONGUE en qualité de juge commissaire. » La nomination de ces organes est faite par le juge dans le cas de la décision d'admission au règlement préventif, ou dans le cas contraire, lors d'un refus d'admission au bénéfice de cette procédure. Cette précision fait présager que le juge du TRHCD prononce dés fois une procédure de redressement ou de liquidation des biens au lieu du prononcé de la procédure de règlement préventif. SECTION II : La décision de refus au bénéfice du règlement préventif.
Le refus par le juge du TRHCD d'admettre le débiteur à la procédure de règlement préventif est lourd de conséquences (PARAGRAPHE II) pour le débiteur, parce que conduisant, soit à une procédure de redressement judiciaire ou, soit à une procédure de liquidation des biens. Ce refus d'admission n'est toutefois autoritaire, car le juge apporte chaque fois les fondements. (PARAGRAPHE I)
PARAGRAPHE I : Les fondements de refus apportés par le juge Une analyse des décisions rendues par le tribunal régional hors classe de Dakar en matière de règlement préventif montre que le juge refuse de prononcer le règlement préventif parce que le demandeur est en état de cessation des paiements(A). L'offre concordataire peut motiver aussi la juridiction à prendre une décision(B). A- La constatation d'un état de cessation des paiements comme fondement de refus Les affaires Promel du 05 mars 2003, Mbayang S.A.R.L. du 11juin 2004, Solotech S.A.R.L. du 14 janvier 2004 et DCM du 22 juillet 2005 ont fait preuve de cette allégation. Dans l'affaire société Promel du 05 mars 2003 précitée, le débiteur avait par acte du 07 mai 2002 déposé une requête au président du TRHCD aux fins de règlement préventif. Celui-ci a ordonné la suspension des poursuites individuelles par ordonnance no 871/2000 du 24 juin 2002 et a commis un expert aux fins de présenter la situation économique et financière de l'entreprise. Suite au dépôt du rapport de l'homme de l'art, le juge a estimé qu'il échet « dés lors de déclarer en état de cessation des paiements la société Promel parce qu'elle ne peut au vu des pièces de la procédure faire face à son passif exigible par son actif immédiatement disponible et qu'il y a lieu d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire46(*). C'est par ce même procédé que le juge a prononcé la liquidation de la société Solotech. Par le jugement du 14 janvier 2004 précité, le tribunal a estimé qu' « est en cessation des paiements le débiteur qui se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible en application de l'article 25 de l'acte uniforme ; qu'en l' espèce, il ressort clairement des conclusions de l'expert, du reste confirmées par la société elle-même, que cette dernière se trouve dans l'impossibilité de faire face à ses échéances Qu'il échet de la déclarer en cessation des paiements... » Le fondement du juge sur l'état de cessation des paiements pour refuser le prononcé du règlement préventif n'est pas une création jurisprudentielle, 47(*)mais une exigence légale. C'est dans ce sens que l'article 15-1 AU/PC dispose que « si elle (la juridiction compétente) constate la cessation des paiements du débiteur, elle prononce d'office et à tout moment, le redressement judiciaire ou la liquidation des biens... » De ce fait la constatation de l'état de cessation de paiement suffit à lui seul pour le juge de prononcer l'une de ces deux procédures susvisées. Mais la proposition concordataire du demandeur influe sur la décision prise par le juge. B- Les fondements liés à l'offre concordataire. L'absence ou la proposition concordataire non sérieuse influe sur la décision du juge. Il faut préciser que ce fondement permet plus au juge, de choisir entre le redressement et la liquidation, que de refuser la demande aux fins du règlement préventif. Ces affaires ci-dessous reproduites confortent très bien cette allégation. Dans l'affaire Solotech SARL du 14 janvier 2005 précitée, le demandeur avait introduit une requête aux fins d'admission au règlement préventif. Pour refuser cette demande, le juge, après avoir constaté la cessation des paiements du demandeur, a déclaré que « la société n'a fait aucune proposition concordataire sérieuse réalisable dans ce délai imparti par la loi, alors surtout que certains créanciers ainsi que l'a relevé l'expert, ont refusé toute remise et tout autre moratoire que dés lors la situation économique et financière désastreuse de celle-ci ne laisse entrevoir aucune perspective de redressement ; Qu'il échet d'ordonner sa liquidation » En revanche, dans le jugement du 09 janvier 2004 précité, affaire Eurafricaines d'Industries, le juge a estimé que « l'offre concordataire telle que présentée dans le rapport d'expertise paraît viable et offre de sérieuses garanties de redressement » Ces deux jugements montrent une proposition concordataire faite par le demandeur, mais il a des cas où le débiteur ne fait aucune proposition concordataire, comme l'illustre le jugement du 22 juillet 2005 DCM précité. Dans cette affaire, la société DCM avait introduit une requête en date du 20 août 2004 aux fins de règlement préventif. Le juge, en l'espèce, a estimé qu' « aucune proposition concordataire n'a été faite au soutien de la requête en dépit des multiples rapports accordés par le tribunal : Qu'il échet, par conséquent, de déclarer la DCM en cessation des paiements et d'ordonner sa liquidation » Le refus par le juge de prononcer, en faveur du débiteur, le règlement préventif est lourd de conséquences. PARAGRAPHE II : Les conséquences du refus d'admission Le juge, lorsqu'il refuse d'admettre le débiteur au règlement préventif, prononce contre lui, soit la procédure collective de redressement judiciaire (A), soit la procédure de liquidation des biens (B). A- L'ouverture d'une procédure de redressement La procédure de redressement judiciaire est la procédure destinée à la sauvegarde de l'entreprise et l'apurement de son passif par le moyen d'un concordat de redressement. Si on suit le raisonnement du juge du TRHCD, on constate que celui-ci, saisi d'une demande aux fins d'admission au règlement préventif, refuse ce bénéfice au débiteur et prononce contre lui une procédure collective de redressement judiciaire, si et seulement si, il constate la cessation des paiements du demandeur et lorsque ce dernier a fait une offre concordataire sérieuse. D'ailleurs ce procédé n'est qu'une application de l'article 33 al.2 AU/PC qui dispose que « elle (la juridiction compétente) prononce le redressement judiciaire s'il lui apparait que le débiteur a proposé un concordat sérieux. » Le concordat sérieux est probablement celui qui, tout en préservant et en favorisant l'assainissement de l'entreprise, assure le paiement des créanciers dans des conditions acceptables. Il doit comporter d'une part des mesures de redressement de l'entreprise et un plan de paiement des créanciers théoriquement satisfait, d'autre part des garanties d'exécution des engagements que contient la proposition concordataire48(*). C'est dans ce sens qu'une société oeuvrant dans le secteur de la pèche et du conditionnement des produits halieutiques a été déclarer en redressement judiciaire par le TRHCD dans un jugement du 11 juin 2004 précité. Dans cette affaire, le débiteur la société Mbayang SARL, a, par acte en date du 16 juin 2004, saisi le TRHCD d'une demande d'une requête aux fins d'admission au règlement préventif. Par ordonnance no263/2004 du 09 février 2004, le président de la juridiction a ordonné la suspension des poursuites individuelles. Le juge a déduit dans la situation économique et financière établie par l'expert que la société Mbayang SARL est « en état de cessation des paiements puisque le cumul du passif constitue le double du chiffre d'affaires ; Qu'il échet par conséquent de prononcer le redressement judiciaire du complexe Mbayang SARL étant entendu que l'exécution du plan concordataire et la réalisation des contrats signés, sont une chance d'apurer son passif (...) » Le juge ne prononce le redressement judiciaire que dans les cas où il y a des perspectives de redressement, des chances réelles de survie. Ces perspectives se mesurent sur la possibilité pour le débiteur de faire une proposition concordataire sérieuse. Si en revanche l'entreprise n'a aucune chance de survie, le juge prononce d'office la procédure collective de liquidation des biens. B- L'ouverture d'une procédure de liquidation des biens La procédure de liquidation des biens est selon l'article 2-3 AU/PC « une procédure qui, a pour objet la réalisation de l'actif du débiteur pour apurer son passif » Le juge du TRHCD opte pour cette procédure lorsqu'il lui apparait que « le débiteur n'a pas proposé un concordat sérieux49(*) » ou lorsqu'il n'a proposé aucun concordat. Deux affaires illustrent parfaitement cette option du juge. La première affaire concerne la société Dakar-Maintenance-Construction dite DCM du 22 juillet 2005 précitée. Cette dernière avait, par requête, saisi le tribunal d'une demande en règlement préventif en sollicitant la suspension des poursuites individuelles dirigées contre elle. Par ordonnance en date du 10 octobre 2004, le président du TRHCD a ordonné l'ouverture d'une procédure de règlement préventif de la DCM avec toutes les conséquences qui s'y rattachent, notamment la suspension des poursuites individuelles dirigées contre elle tendant au paiement des créances antérieures ou relative aux voies d'exécutions ou aux mesures conservatoires à l'égard de tous les créanciers. L'homme de l'art commis par le président a conclu à la liquidation de DCM aux motifs qu'elle poursuit son activité en s'appauvrissant au regard des états financiers présentés et qu'aucune perspective de redressement n'est possible. Au moyen du rapport de l'expert, le juge a reconnu que la société DCM n'est nullement capable de faire face à son passif exigible qui progresse sans cesse et ordonne par voie de conséquence l'ouverture d'une procédure collective de liquidation des biens au motif « qu'aucune proposition concordataire n'a été déposé au soutien de la requête en dépit des multiples renvois accordés par le tribunal » Dans cette affaire, le juge a décidé de prononcer la liquidation parce que la société n'a fait aucune proposition concordataire. Dans certains cas la liquidation est justifiée par une offre concordataire qui n'est pas sérieuse ou non réalisable dans le délai imparti par la loi. C'est dans cette perspective qu'est intervenu le jugement du 14 janvier 2005 Solotech précité. Dans cette affaire, la société Solotech S.A.R.L. avait rencontré des difficultés du fait des poursuites constatées de la part de ses créanciers, mais elle a expliqué que cette situation est due par un impayé de 98.000.000 f CFA que lui doit la république de la Guinée Bissau. La Solotech a pu bénéficier de la suspension des poursuites engagées contre elle. A l'appui du rapport déposé par l'expert, le juge a décidé « qu'il ressort clairement des conclusions de l'expert, du restes confirmées par la société elle-même, que cette dernière se trouve dans l'impossibilité de faire face à ses échéances » Le tribunal a conclu que cette « société n'a fait aucune proposition concordataire sérieuse réalisable dans le délai imparti par la loi, alors surtout que certains créanciers ainsi qu' a la relevé l'expert, ont refusé toute remise et tout autre moratoire, que dés lors la situation économique et financière désastreuse de celle-ci ne laisse entrevoir aucune perspective de redressement et qu'il échet d'ordonner sa liquidation » Comme le dit martin, « quels que soient les soins mis à prévenir, contenir et résoudre à l'amiable les difficultés, il faudra encore souvent se résoudre à organiser plus brutalement le destin de l'entreprise quand, imperméable aux thérapeutiques douces et malgré elles, elle aura franchi le seuil clinique de la cessation des paiements. Alors s'imposera le choix entre la médecine (la continuation de son activité sous contrôle), la chirurgie (par amputation partielle ou cession globale) et l'euthanasie (par la liquidation judiciaire de ses actifs) »50(*) C'est dans ce cas que le législateur Ohada prévoit qu'en cas d'échec des mesures préventives précédemment exposées, et lorsque l'entreprise se trouve en état de cessation des paiements, elle est soumise à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens selon qu'elle est viable ou non. L'AU/PCAP a réalisé une refonte totale des procédures collectives conçues autour de l'entreprise en difficulté pour assurer sa survie. Si ce redressement n'est pas possible, la loi prévoit les règles qui permettent de liquider avec le moins de mal possible l'entreprise défaillante, notamment en assurant un paiement équitable des créanciers et en s'efforçant de limiter les conséquences des licenciements. L'assistance accordée par le juge à l'entreprise peut se révéler insuffisante sinon aucun effet pour redresser l'entreprise. Dans cet état de fait, le juge doit intervenir pour traiter les difficultés qui n'ont pas pu être obstruées. C'est l'ouverture des procédures collectives stricto sensu51(*)qualifiées de procédures de sacrifices par GUYON. * 17 - Le dépôt de dossier se fait en même temps que la requête (article 6 AU/PC) - L'offre concordataire doit se faire en même temps que le dépôt de dossier ou au plus tard, dans les trente jours qui suivent celui-ci (Article 7 AU/PC). * 18 - Dans le même sens voir les jugements du 11 juin 2004 MBAYANG SARL (an.39), 06 août 2004 PFS (an.47), 09 aout 2004, 14 janvier 2005 SOLOTECH SARL (an. 54), 22 juillet 2005 DCM (an. 67). * 19 - Article 8 AU/PC. * 20 ROUSSEL-GALLE (P), OHADA et difficultés de l'entreprise : étude critique des conditions et effets de l'ouverture de la procédure de règlement préventif, 2e partie. Revue de jurisprudence commerciale, mars 2001, p62. * 21 ARTICLE 8 AU/PC. * 22 - ROUSSEL-GALLE. * 23 -ROUSSEL-GALLE (P), doctrine précitée. * 24 ARTICLE 9 AU/PC. * 25 ARTICLE 7 AU/PC. * 26 SAWADOGO, droit des entreprises en difficultés, bruyant, Bruxelles, 2002 p63 no71. * 27 Pour plus de développements cf. GUIHE KANTE Pascal, Réflexion sur la notion d'entreprise en difficultés dans l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif OHADA www. Ohada. Com., doctrine. * 28 RIPERT et ROBLOT, Traité De Droit Commercial Tome II, 17 éd. LGDJ p848 no2839. * 29 SAWADOGO, ouvrage précité, p102, no153. * 30 SAWADOGO, ouvrage précité, p103, no114 * 31 Berenger Yves MEUKE, quelques précisions sur la notion de cessation des paiements, www. Ohada.com, ohadata- ohadata D-08-13. * 32 ARTICLE L 621 - 2 Code De Commerce Français. * 33 Article 12-1 alinéa 1 AU/PC. * 34 Article 15 AU/PC. * 35 Le juge du tribunal régional hors classe de Dakar, dans les décisions dépouillées, n'a pas annulée l'ordonnance de suspension des poursuites individuelles pour saisine prématurée ou annulation du concordat préventif. (v. article 15- 3 AU/PC) * 36 Berenga YVES MEUKE, quelques précisions sur la notion de cessation des paiements dans l'Ohada, www.ohada.com,ohadata-d-08-13. * 37 Cette intervention étatique se traduisait par un projet de fusion de cette société avec la SNCDS qui oeuvrait dans le même domaine d'activité. En effet, la restructuration et la fusion avec la SNCDS envisagée dans le cadre de la constitution d'une plateforme thonière n'a pas connu de suite. La société PFS a été déclarée en liquidation des biens par un jugement du 09 janvier 2009 (an. 85) * 38 - Le règlement préventif est ouvert pour le débiteur qui est dans une situation difficile mais non irrémédiablement compromise. Pour le juge sénégalais, lorsque l'entreprise est difficultés mais n'est pas en état de cessation des paiements. - La procédure de redressement est ouverte pour le débiteur qui est en état de cessation des paiements mais qui a des possibilités de redressement. - La procédure de liquidation lorsque le débiteur n'a aucune chance de survie. * 39 Jugement du 09 janvier 2004 précité. * 40 Article 5 à article 24 AU/PC. * 41 Article L611-1 à article 612- 4 code commerce. * 42 Pour plus de développements cf. Yves Guyon, ouvrage précité, p91s. * 43 SAWADOGO, entreprise en difficultés, Bruyant, Bruxelles, 2000 p69 no 79. * 44 Cf. affaire PFS du 06 août 2004 précitée. * 45 Article 15-2 al.3 AU/PC. * 46 Voir. Affaire Mbayang S.A.R.L. du 11 juin 2004 précitée. * 47 Voir aussi l'affaire DCM du 22 juillet 2005 précitée. * 48 SAWADOGO, commentaire sous article 33 de l'AU/PC, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Bruxelles, Bruyant, 2002, p851. * 49 ARTICLE 33 al. 2 in fine AU/PC. * 50 Martin D., le diagnostic d'entreprise : critère de responsabilité judiciaire, Rev. Trim. Dr. Com., 1979, p187, no2. * 51 Ce terme est emprunté chez SAWADOGO, ouv. Préc. p. 79, no87 |
|