Section 3 : Le risque de dépendance et
d'irréversibilité
La dépendance au prestataire, la concentration du
marché de prestation, la capacité de réorganisation et le
coût de réintégration de l'entreprise qui externalise sont
les raisons principales de l'irréversibilité du contrat
d'externalisation. Dans l'environnement instable actuel (évolution
technologique et réglementaire), la présence d'une clause de
réversibilité n'est pas suffisante pour couvrir le risque. Elle
doit être accompagnée par des audits, benchmarking d'une
manière régulière. Et le comité de pilotage doit
garder le contrôle des évolutions de la fonction d'audit interne.
Aussi faudra-t-il maintenir une bonne connaissance technique de cette fonction
et exiger du prestataire une recherche constante d'amélioration de sa
compétitivité.
La création d'un lien de dépendance
irréversible est fréquemment l'inquiétude majeure de
l'entreprise qui externalise. Naturellement, ce risque ne peut
réellement s'apprécier au moment de la signature du contrat car
les conflits entre clients et prestataires ne surgissent qu'après un
certain temps. Le développement de l'externalisation s'accompagne de
l'opportunisme post-contractuel : le hold-up. En effet, ni l'ensemble des
circonstances ni les comportements futurs ne sont prévisibles. Aucun
contrat n'est complet. Dans le cas d'une prestation spécifique, le
risque d'apparition d'une forte dépendance et de comportements
opportunistes du prestataire est élevé.
D'après les études du cabinet Ernst and Young,
le risque de dépendance est le frein le plus important dans
l'externalisation. Il est la conséquence de la perte de savoir-faire, de
contrôle ou de maîtrise de la fonction.
· Je dois faire ce qu'exige le prestataire
· Je ne peux pas changer le prestataire
· Je ne peux contrôler l'activité
externalisée mais je peux toujours changer le prestataire
· Je perds mes ressources en les transférant
à un prestataire
Risque de perte de savoir-faire
Risque de hold-up
Risque de dépendance
Risque de perte de contrôle
Temps
Degré de dépendance
Externalisation
En ce qui concerne la fonction d'audit interne, il faut
ajouter aussi l'insécurité et la confidentialité des
informations. La dépendance peut entraîner des risques de
sous-performance voire d'irréversibilité. Nous proposons le
schéma suivant permettant de comprendre son évolution :
Figure 6 : Évolution du risque de
dépendance
Parmi les raisons les plus importantes de dépendance
au prestataire et d'irréversibilité d'un contrat
d'externalisation, nous essaierons de donner une définition aux plus
significatives.
Nous pouvons citer entre autres:
- Concentration du marché des prestataires
- perte d'informations et de savoir-faire
- perte de contrôle de l'activité
v Concentration du marché des
prestataires
L'externalisation implique des risques liés à
la concentration du marché des prestataires. En effet, certaines grandes
entreprises affichent la volonté de contracter avec des prestataires
d'envergure internationale et susceptibles de les accompagner dans le
développement de leurs activités. Ceci les conduits à
faire appel à un tout petit nombre de prestataires. En fait, deux
facteurs principaux concourent à expliquer le faible nombre de
prestataires : la relative nouveauté du phénomène
d'externalisation, et la nécessité de reprendre souvent des
actifs coûteux.
Moins les prestataires d'externalisation sont nombreux, plus
l'entreprise externalisatrice est dans une position délicate. En effet,
il lui faudra alors obligatoirement composer avec son prestataire
attitré, même si elle est peu satisfaite de ses performances.
Cette concentration de l'offre expose les entreprises aux risques de
banalisation des prestations offertes et de mauvaises réponses à
la spécificité des besoins. Une situation de cartellisation
pourrait alors survenir, et elle pourrait éventuellement empêcher
la transition vers un autre prestataire.
v Perte d'informations et de
savoir-faire
La question de la perte du savoir-faire est cruciale pour les
entreprises externalisatrices. Le transfert d'équipements
spécifiques et surtout d'une grande partie du personnel vers le
prestataire implique une perte de compétences individuelles et
organisationnelles. Le risque associé est que cette perte de
compétences revête un caractère irréparable.
Pourtant gérer en interne, la relation avec le prestataire, assurer le
suivi, mettre en place le contrôle de la prestation, et faire
évoluer le contrat requièrent de conserver les compétences
nécessaires pour pleinement tirer un bénéfice de
l'externalisation.
A long terme, l'externalisation fait courir des risques
importants de savoir-faire. Elle implique la perte d'informations et de
connaissances opérationnelles au niveau de l'activité
externalisée. En effet, une organisation focalisée sur quelques
compétences centrales peut être très efficiente à
court terme mais inadaptée sur le long terme si elle a abandonné
des compétences critiques pour le futur. Elle sera donc
particulièrement vulnérable aux changements qui pourraient
survenir dans son environnement.
v Perte de contrôle de
l'activité
Les questions de la confidentialité et de la
sécurité des informations sont donc des points sensibles à
surveiller. Plus globalement, le risque de perte de contrôle de
l'activité est souvent jugé important, en particulier pour ce qui
concerne le suivi de la réalisation dans le temps de la prestation, mais
aussi le contrôle des prix et de la qualité de la prestation.
L'entreprise cliente doit ainsi développer une compétence
spécifique de maîtrise d'ouvrage des fonctions sensibles
externalisées. Cela suppose le maintien d'une bonne technicité en
matière d'audit interne, et le développement d'outils de
contrôle appropriés (définition des rôles, suivi des
responsabilités respectives, évaluation du service rendu,
définition et repérage des dérives, tableaux de bord de
contrôle...).
En plus des risques majeurs aux quels s'expose l'entreprise
lors de l'externalisation, nous pouvons aussi ajouter ceux liés au
prestataire lui-même :
- sous-performance du prestataire
- Défaillance du prestataire...
v Sous-performance du prestataire
L'un des risques contractuels de l'externalisation est la
sous performance ou la non performance du prestataire. Ceci correspond à
la situation où le prestataire délivre un service qui ne
correspond pas aux spécifications définies dans le contrat. Dans
ce cas, le client subit une perte, voire un dommage. Cette situation est
perçue comme risquée car le client n'a pas de véritable
contrôle direct sur les moyens engagés par le prestataire. Pour
limiter un tel risque, les clients privilégient, lors de la phase de
sélection du prestataire, l'expérience et la réputation.
Ensuite, ils se dotent généralement de systèmes de suivi
et d'instruments de contrôle (détection des écarts,
incitations pour une amélioration de la performance,
pénalités, etc.). Toutefois, ce serait une erreur de penser que
le risque associé à la performance est entièrement
lié à l'offre. En effet, le comportement du client et son type
d'organisation peuvent avoir un effet direct et décisif sur la
performance du prestataire.
Notons que ce risque expose le client à une perte
potentielle de son avantage concurrentiel.
v Défaillance du prestataire
Ce type de risque est rattaché aux compétences
du prestataire, il peut être décomposé en deux : le
risque économique et financier (de moyen terme), et le risque
technologique (de moyen-long terme).
Le risque économique et financier
soulève la question de la pérennité économique du
prestataire. Certains marchés connaissent des vagues de nouveaux
entrants attirés par une forte croissance, mais ils ne peuvent apporter
les gages ni de l'ancienneté, ni de l'expérience
accumulée. La potentialité d'un tel risque requiert alors une
analyse poussée de la solidité financière du prestataire,
mais aussi de la stabilité de ses équipes comme de la
qualité de son climat social.
Enfin, le risque technologique recouvre
l'incertitude à propos de la capacité du prestataire à
faire les bons choix technologiques pour offrir le service le meilleur, au
meilleur coût.
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