2. 3. Évolution de la pauvreté au Cameroun
pendant et après les PAS
Nous aborderons la pauvreté ici à travers sa
relation avec les paramètres que sont la croissance et
l'inégalité. Il s'agira d'abord de les prendre
séparément, puis de les analyser ensemble de manière
à ressortir leurs contributions respectives à la
pauvreté.
2.3. 1. Croissance et pauvreté au Cameroun
Entre 1985 et 1989, le Cameroun a subi les effets des chocs
extérieurs majeurs, et a vu sa performance économique
s'effondrer. Ce qui a engendré un bouleversement de la structure
sociale, non seulement sur le plan régional, mais aussi en termes des
réactions de la population pour y faire face. Les conclusions du rapport
du PNUD (1998) sur le Développement Humain au Cameroun, dont le
thème central porte sur la pauvreté, révèlent qu'au
milieu des années 80, une pauvreté de grande ampleur et de
dimension multiple s'est installée dans l'ensemble du pays et dans
toutes les couches socioprofessionnelles. Au regard de la pauvreté
monétaire, le rapport note que 50,5 % de la population était
considérée comme pauvre en 1996, contre 40 % en 1984. Face
à une pauvreté généralisée, la
préoccupation est celle de la coordination entre croissance et lutte
contre la pauvreté.
Cependant comme le révèle le tableau 2 et la
figure 2, le taux de croissance du PIB réel est passée à
5% en 1995/1996, oscillant autour de cette valeur tout au long de la seconde
moitié des années 90 au point d'atteindre en 2000/2001 le taux de
5,2%.
Tableau 2 : L'évolution du taux de
croissance du PIB réel au Cameroun depuis la seconde moitié des
années 90
Année
|
1994-1995
|
1995-1996
|
1996-1997
|
1997-1998
|
1998-1999
|
1999-2000
|
2000-2001
|
Croissance du PIB (%)
|
3,3
|
5,0
|
5,1
|
5,0
|
4,4
|
4,2
|
5,2
|
Source : DSRP (1998) et World Table (Banque
Mondiale 2002).
Figure 2 : L'évolution du taux de
croissance du PIB réel au Cameroun depuis la seconde moitié des
années 90
6
5
4
3
2
1
0
1994-
|
1995-
|
1996-
|
1997-
|
1998-
|
1999-
|
2000-
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Source : Construit par l'auteur à partir
des données du tableau 2.
Dans ces conditions de croissance modérée, sur
la base des résultats de deux enquêtes ECAM I et II (tableau 3 et
figure 3), le taux de pauvreté a régressé d'environ 13
points sur les 5 ans, passant de 53,3 à 40,2% de la population. Au cours
de la même année, l'écart entre le revenu moyen des pauvres
et la ligne de pauvreté s'est aussi amélioré, passant de
19,1% en 1996 à 14,1% en 2001(tableau 3 et figure 4). Ceci implique
qu'en 1996 il fallait transférer en moyenne un revenu
supplémentaire de 35.429 francs CFA à un individu pauvre pour le
sortir de la pauvreté contre 26.154 francs CFA en 2001 (INS, 2002).
Tableau 3 : Evolution du taux de pauvreté
(%)
|
1996
|
2001
|
Variation en %
|
Incidence (P0)
|
Rural
|
59,6
|
49,9
|
-9,7
|
Urbain
|
41,4
|
22,1
|
-19,3
|
Total
|
53,3
|
40,2
|
-13,1
|
Profondeur (P1)
|
Rural
|
21,5
|
18,3
|
-3,2
|
Urbain
|
14,7
|
6,3
|
-8,2
|
Total
|
19,1
|
14,1
|
-5,0
|
Source : DSCN, rapport ECAM I et II.
Figure 3 : Evolution de l'incidence de la
pauvreté au Cameroun (P0)
60
50
40
30
20
10
0
-10
-20
Rural Urbain
Total
Milieu de résidence
1996 2001 Variation en %
Années et variation de (P0)
Source : Construit par l'auteur à partir
du tableau 3
Figure 4 : Evolution de la profondeur de la
pauvreté au Cameroun (P1)
25 20 15
10
Milieu de
résidence 5
0
-5
-10
|
|
|
|
|
Rural Urbain Total
|
|
|
1996 2001 Variation en %
Années et variation de (P1)
Source : Construit par l'auteur à partir
du tableau 3.
L'analyse de l'évolution de l'incidence de la
pauvreté ne peut à elle seule, permettre d'apprécier
correctement les progrès réalisés en matière de
réduction de la pauvreté. Elle doit être
complétée par une analyse de l'évolution des
inégalités dans la distribution des revenus pour disposer d'une
vue complète de la dynamique de la pauvreté monétaire.
2.3. 2. Inégalité et pauvreté au
Cameroun
Au niveau national, les trois indicateurs
d'inégalité utilisés, à savoir le coefficient de
variation, l'indice de GINI et le rapport du cinquième au premier
quintile de revenus Q5/Q11, indiquent que les
inégalités se sont maintenues et parfois accrues entre 1996 et
2001. Comme le révèle le tableau 4 et la figure 5, le coefficient
de variation est passé de 1,043 en 1996 à 1,054 en 2001; ce qui
correspond à une hausse de 0,011 point de pourcentage. Ainsi, la
dépense par unité de consommation qui est l'indicateur de revenu
est plus dispersée au sein de la population en 2001 qu'en 1996. En
d'autres termes, il existe en matière de revenus, plus de
disparités entre les individus en 2001 qu'en 1996.
Cette situation est confirmée par l'indice de GINI qui
montre qu'en 2001, la distribution des Revenus s'est un peu plus
éloignée d'une répartition égalitaire qu'en 1996.
En passant de 0,406 en 1996 à 0,408 en 2001, l'indice de GINI
révèle que les inégalités se maintiennent au lieu
de se résorber.
De même que l'inégalité globale au sein de
toute la population, celle entre les groupes extrêmes (en terme de
pauvreté) s'est accrue. En 1996, la consommation des 20% de la
population les plus riches représentait en moyenne 7,6 fois celle des
20% les plus pauvres. En 2001, ce rapport est de 8,3 fois, ce qui montre que
les écarts se sont accrus entre les deux groupes au détriment des
pauvres. La croissance économique aurait donc davantage profité
aux plus riches.
1 Le rapport du cinquième quintile sur le
premier Q5/Q1 : c'est le rapport de la moyenne des revenus des 20 % de la
population les plus riches et de la moyenne des revenus des 20 % des individus
les plus pauvres.
Tableau 4 : Evolution des inégalités
de revenus dans les milieux de résidence et dans les régions du
Cameroun
|
1996
|
2001
|
coefficient de variation
|
l'indice de GINI
|
rapport Q5/Q1
|
coefficient de variation
|
l'indice de GINI
|
rapport Q5/Q1
|
Urbain
|
1,112
|
0,449
|
9,1
|
1,072
|
0,406
|
8,5
|
Rural
|
0,786
|
0,345
|
5,8
|
0,801
|
0,369
|
6,8
|
Yaoundé
|
1,307
|
0,487
|
7,5
|
1,202
|
0,433
|
6,8
|
Douala
|
1,082
|
0,485
|
4,8
|
1,082
|
0,410
|
6,5
|
Autres villes
|
1,009
|
0,397
|
6,5
|
0,879
|
0,378
|
7,2
|
Rural forêt
|
0,588
|
0,287
|
5,8
|
0,839
|
0,377
|
5,7
|
Rural plateau
|
0,775
|
0,346
|
7,5
|
0,875
|
0,398
|
8,1
|
Rural savane
|
0,789
|
0,354
|
8,4
|
0,696
|
0,330
|
9
|
Ensemble
|
1,043
|
0,406
|
7,6
|
1,054
|
0,408
|
8,3
|
Source: ECAM I; ECAM II; INS
Figure 5 : Evolution des inégalités
dans les milieux de résidence au Cameroun
10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0
Urbain Rural Ensemble
coefficient de variation
l'indice de GINI rapport Q5/Q1
coefficient de variation
l'indice de GINI rapport Q5/Q1
2001
1996
Source : Construit par l'auteur à partir
du tableau 4
Selon le milieu de résidence, la situation des zones
urbaines se caractérise par une légère amélioration
des inégalités, traduite par le comportement des trois
indicateurs utilisés. En effet, on enregistre une réduction des
inégalités, quel que soit l'indicateur utilisé. En zones
rurales, les résultats sont moins favorables qu'en milieu urbain; la
hausse du coefficient de variation, de l'indice de GINI et du rapport
Q5/Q1 dans ce dernier milieu est caractéristique de
l'accentuation des inégalités. Néanmoins, les
inégalités y demeurent moins importantes en terme d'ampleur par
rapport au milieu urbain. Bien que le rattrapage en terme de niveau
d'inégalités entre les deux milieux ne soit pas encore
réalisé, il est socialement dangereux de ne rien faire pour
arrêter le phénomène d'accroissement des
inégalités dans le monde rural qui a par ailleurs les revenus les
plus bas.
Figure 6 : Evolution des inégalités
dans les régions au Cameroun
2001
1996
coefficient de variation
l'indice de GINI
rapport Q5/Q1
coefficient de variation
l'indice de GINI
rapport Q5/Q1
Yaoundé Douala
Autres villes Rural forêt Rural plateau Rural savane
Ensemble
Source : Construit par l'auteur à partir
du tableau 4.
A l'intérieur du milieu urbain, selon le tableau 4 et
la figure 6, la «palme d'or» du recul des inégalités
revient à la ville de Douala. Cette région enregistre une baisse
de l'indice de GINI de 15%. La distribution des revenus à Douala en 2001
se rapproche donc d'une répartition égalitaire par rapport
à celle de 1996, même si les inégalités demeurent
assez importantes par rapport aux autres régions. Dans cette ville
également, l'inégalité entre les groupes extrêmes
des plus pauvres et des plus aisés (Q5/Q1) diminue très
sensiblement, par rapport à la ville de Yaoundé où la
baisse de cet indicateur est moins importante. Cette différence entre
Douala et Yaoundé en ce qui concerne l'évolution des
inégalités, traduirait les fortes disparités de revenus
à Douala dans le secteur privé et une certaine
homogénéité des revenus à Yaoundé dont la
bonne frange de revenus issue de la fonction publique présente
très peu de variation ces dernières années.
En termes de niveau et non plus d'évolution, les
inégalités demeurent plus importantes à Yaoundé
qu'à Douala ; l'indice de GINI y est de 0,43 3 en 2001. Toujours en
2001, la consommation moyenne des 20% de la population la plus aisée de
Yaoundé représente 6,8 fois celle de la tranche des 20% les plus
pauvres contre 6,5 fois pour la ville de Douala.
Le milieu rural pour sa part présente une plus grande
hétérogénéité que le milieu urbain. La
hausse des inégalités est enregistrée en région
rurale Hauts plateaux et en région
rurale Forêt. Cette dernière enregistre des
hausses records pour tous les indicateurs (43% pour le coefficient de
variation, 31% pour l'indice de GINI et 35% pour le rapport des quintiles). En
1996, la région rurale Forêt était celle où la
distribution des revenus était la plus proche d'une répartition
égalitaire (indice de GINI le plus bas). En 2001, la répartition
des revenus y est aussi inégalitaire que dans les villes du Cameroun
autres que Yaoundé et Douala, et devient même plus
inégalitaire que la région rurale Savane. En plus de la
région rurale Forêt, une autre région qui s'illustre en
milieu rural est la région rurale Savane ; c'est la seule région
dans ce milieu à enregistrer une baisse des inégalités
(baisse de l'indice de GINI de 6,8%). La bonne tenue des campagnes
cotonnières entre 1996 et 2001, et le fait que la région dispose
en général de bas revenus seraient responsables de cette
évolution.
Le gain notoire en terme de recul de l'incidence de la
pauvreté indique bien que celle- ci est sensible à la croissance
et aux politiques d'accompagnement mises en oeuvre par le gouvernement.
Toutefois, la persistance d'un niveau élevé
d'inégalités indique aussi qu'il y a un manque à gagner en
terme d'impact des politiques sur la pauvreté. Les politiques et
stratégies à mettre en oeuvre, dans le cadre de la
réduction de la pauvreté devront de ce fait viser non seulement,
l'intensification de la croissance afin de relever les revenus moyens, mais
aussi assurer une meilleure distribution des fruits de la croissance.
2.3. 3. Croissance, redistribution et pauvreté au
Cameroun
Dans un contexte où la pauvreté a une forte
ampleur et où la lutte pour sa réduction est au coeur des
politiques de développement, il faut se poser la question de savoir dans
quelle mesure la croissance et éventuellement la redistribution sont
profitables aux plus pauvres. Il s'agit en outre de chiffrer leur contribution
en terme de réduction de la pauvreté. L'approche
méthodologique utilisée pour décomposer la modification de
la pauvreté entre effets croissance et redistribution est celle
proposée par Datt et Ravallion (1992). L'analyse prend en compte
l'incidence, l'intensité et la sévérité de la
pauvreté. Les résultats obtenus montrent que le recul de la
pauvreté, quel que soit l'indicateur examiné, est beaucoup plus
imputable à la croissance qu'à la redistribution des revenus. La
redistribution n'a contribué ni à la baisse de l'intensité
ni à celle de la sévérité. Ceci présagerait
d'une aggravation des inégalités chez les pauvres.
Comme on peut le voir à partir du tableau 5 et de la
figure 7, l'ampleur du recul de l'incidence de la pauvreté en milieu
urbain est le double de celui obtenu en milieu rural. La
baisse en milieu urbain est le résultat de la
conjugaison à parts égales des effets de croissance et de
redistribution. Par contre, la diminution de l'incidence enregistrée en
milieu rural est totalement imputable à la croissance économique.
Les effets de redistribution dans ce milieu perturbent l'impulsion
donnée au niveau de vie par la croissance. La différence qui
apparaît entre les deux milieux de résidence s'explique par la
répartition des revenus. Ceux ci sont nettement plus disparates en
milieu urbain qu'en zone rurale. En 2001, le coefficient de variation des
revenus en milieu urbain est de 1,07 alors qu'il est de 0,80 en milieu rural et
ces niveaux n'ont pas changé significativement depuis 1996.
Tableau 5 : Décomposition de
l'évolution des indicateurs de pauvreté entre 1996 et 2001 en
(%)
|
Variation totale
|
Effets de croissance
|
Effets de redistribution
|
Résidus
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
Urbain
|
-19,3
|
-8,3
|
-4,3
|
-9
|
-4,7
|
-2,5
|
-8,4
|
-4,7
|
-2,5
|
-1,8
|
1
|
0,8
|
Rural
|
-9,8
|
-3,1
|
-0,8
|
-13,3
|
-6,6
|
-3,8
|
1,7
|
3,4
|
3,1
|
1,9
|
0,1
|
-0,2
|
Cameroun
|
-13,1
|
-4,9
|
-2
|
-11,8
|
-5,9
|
-3,3
|
-1,8
|
0,6
|
1,2
|
0,6
|
0,4
|
0,2
|
P0 : incidence de la pauvreté P1 :
intensité de la pauvreté P2 : sévérité de la
pauvreté
|
Sources: ECAM I; ECAM II; INS
Figure 7 : Evolution des indicateurs de
pauvreté selon le milieu de résidence entre 1996 et 2001
(%)
80,00% 60,00% 40,00% 20,00%
0,00%
variation en %
-20,00% -40,00% -60,00% -80,00%
-100,00%
P0
P1
P2 P0
P1
P2
P0 P1
P2
Variation totale Effets de croissance
Effets de redistribution
Cameroun Rural Urbain
Source : Construit par l'auteur à partir
du tableau 5.
En ce qui concerne l'intensité de la pauvreté,
elle a reculé au niveau national de près de 5 points, recul
essentiellement dû à la croissance. Le milieu urbain est encore
celui qui a enregistré le plus fort recul (8,3 points). Ceci est
attribuable à parts égales à la croissance
économique et à la réduction des
inégalités.
La sévérité (tableau 5 et de la figure 7)
de la pauvreté quant à elle a également baissé au
niveau national de 2 points. La baisse est faible en milieu rural et
exclusivement imputable à la croissance économique alors qu'elle
est assez forte en milieu urbain et attribuable autant à la croissance
qu'à la baisse des inégalités de revenus. Le résidu
ou élément qu'on ne maîtrise pas, s'interprète comme
la part de la modification qui n'est attribuée ni à l'effet
croissance ni à l'effet redistribution. Le fait qu'il soit nul pour un
indicateur de pauvreté dans un milieu signifie que la totalité de
la modification de cet indicateur dans ce milieu est imputable aux deux
facteurs que sont la croissance et la redistribution. En somme, la croissance
est autant bénéfique au milieu urbain qu'au milieu rural, mais
les fortes inégalités existantes en milieu urbain font jouer
à la redistribution un rôle très important dans la lutte
contre la pauvreté.
Tableau 6 : Variations des indicateurs de la
pauvreté selon les régions
|
Variation totale
|
Effets de croissance
|
Effets de redistribution
|
Résidus
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
Yaoundé
|
-30,7
|
-13,3
|
-6,7
|
-9,7
|
-5,3
|
-3,2
|
-20,2
|
-10
|
-5,3
|
-0,8
|
2
|
1,8
|
Douala
|
-18,8
|
-8,6
|
-4,4
|
-7,9
|
-4,4
|
-2,3
|
-7,5
|
-5,2
|
-3
|
-3,4
|
1
|
0,9
|
Autres villes
|
-10,1
|
-4,2
|
-2,1
|
-8,7
|
-4,2
|
-2,1
|
0,7
|
-0,2
|
-0,1
|
-2
|
0,2
|
0
|
Rural forêt
|
-17,1
|
-5,7
|
-1,5
|
-15
|
-8,2
|
-4,8
|
-6,8
|
1,1
|
2,8
|
4,7
|
1,4
|
0,5
|
Rural plateau
|
-12,2
|
-2,1
|
0,3
|
-14,4
|
-6,9
|
-4
|
-0,8
|
4,2
|
4,4
|
3
|
0,7
|
-0,1
|
Rural savane
|
1,3
|
-1,2
|
-1
|
-10,2
|
-4,7
|
-2,6
|
13,4
|
5,4
|
2,6
|
-1,9
|
-1,9
|
-0,9
|
Cameroun
|
-13,1
|
-4,9
|
-2
|
-11,8
|
-5,9
|
-3,3
|
-1,8
|
0,6
|
1,2
|
0,6
|
0,4
|
0,2
|
P0 : incidence de la pauvreté P1 :
intensité de la pauvreté P2 : sévérité de la
pauvreté
|
Sources: ECAM I; ECAM II; INS
Figure 8: Evolution des indicateurs de
pauvreté selon le milieu les régions entre 1996 et 2001
(%)
60% 40% 20% 0%
-20%
variation en %
-40%
-60% -80% -100%
Cameroun Rural savane Rural plateau Rural forêt Autres
villes Douala Yaoundé
P0 P1 P2
P0 P1 P2
P0 P1 P2
Variation totale
Effets de croissance
Effets de redistribution
Source: Construit par l'auteur à partir
du tableau 6.
Il faut remarquer que la situation présentée
ci-dessus n'est pas uniforme dans tous les milieux urbains du pays. Le tableau
6 et la figure 8, montre que Douala et Yaoundé se démarquent
très nettement des autres villes et le cas particulier de Yaoundé
qui enregistre un effet de redistribution de 20 points sur l'incidence de
pauvreté est assez révélateur de l'ampleur de
l'inégale répartition des revenus dans cette ville; de plus, les
effets de redistribution des revenus font diminuer la profondeur de la
pauvreté deux fois plus que ceux de la croissance.
Dans la ville de Douala, la diminution de l'incidence de la
pauvreté, de la profondeur et dans une certaine mesure de la
sévérité de la pauvreté est autant imputable
à la croissance qu'à la redistribution. Les autres villes du pays
se comportent à peu près comme la moyenne dans le milieu rural
à savoir un effet de redistribution quasiment inexistant. Toute la
réduction de la pauvreté est soutenue par la croissance.
De même que le monde urbain, le milieu rural
recèle de très fortes disparités qui méritent
d'être soulignées. Tout d'abord, les performances
enregistrées dans la région rurale Forêt sont assez
intéressantes. L'incidence de la pauvreté y recule de 17 points
et la contribution de la croissance à ce mouvement atteint 15 points, ce
qui est la plus forte contribution enregistrée par rapport à
toutes les zones agro écologiques retenues pour l'étude. De plus,
l'apport de la réduction des inégalités est assez palpable
(près de 7 points). Cette zone présente donc des performances
semblables à celles enregistrées dans le monde urbain bien que se
situant en milieu rural.
Cette ressemblance ne s'étend pas à la
réduction de la profondeur de la pauvreté et encore moins
à la sévérité de la pauvreté. La
redistribution dans la région rurale Forêt aggrave
légèrement la profondeur de la pauvreté, de même que
sa sévérité d'environ 3 points de pourcentage. En somme,
la zone rurale Forêt bénéficie surtout de la croissance que
de la redistribution, du fait sans doute d'un accroissement des
activités des sociétés forestières et du
comportement des prix du cacao. Ce n'est pas le cas de la région rurale
Hauts plateaux qui présente une évolution du type de celle
présentée pour l'ensemble du monde rural. Cette région
enregistre néanmoins une légère augmentation de la
sévérité de la pauvreté (due à la
redistribution) malgré le fait que l'incidence ait fortement
reculé. Le cas de la région rurale Savane est
particulièrement paradoxal. C'est la seule région qui fait
exception à la baisse générale de pauvreté
constatée. L'incidence de la pauvreté y est un peu plus grande en
2001
qu'en 1996. Elle augmente de 1,3 points malgré la forte
contribution de la croissance (10 points de pourcentage) pour la
réduire, cette situation est imputable à une quasi-absence de la
redistribution.
Contrairement à ce que l'on pourrait attendre et
à ce que l'on observe dans tout le reste du pays, la redistribution des
revenus dans cette partie du pays s'effectue fortement au profit des non
pauvres. S'il n'y avait pas eu cette modification de la distribution des
revenus, l'incidence de la pauvreté y aurait reculé de
près de 11 points. Cependant, l'intensité de la pauvreté
dans la région rurale Savane a reculé ; les pauvres y ont en
2001, un niveau de revenus moyens plus proche du seuil de pauvreté qu'en
1996. Ceci est confirmé par une légère baisse de la
sévérité de la pauvreté (indicateur de dispersion
des revenus moyens des pauvres), baisse qui traduit le fait que les pauvres ont
des revenus moyens moins dispersés en 2001 qu'en 1996.
L'équité et l'efficacité sont deux
éléments qui intéressent le décideur en politique
économique, et la décomposition de la pauvreté
monétaire en effet croissance et effet redistribution apparaît
être un assez bon début dans la capture de ces deux
éléments. Seulement, pour une prise en compte plus pertinente de
l'équité et de l'efficacité, il serait intéressant
de les analyser dans le cadre d'une fonction de bien-être social, comme
nous envisageons le faire dans la suite de notre travail.
|
|