2.2.2. L'économie camerounaise de 1986 à 1994
: une période de crise
A partir de la fin 1986, le Cameroun est entré dans une
longue phase de crise engendrée par des facteurs externes et internes.
Comme facteurs internes, on peut noter les fortes tensions de
trésoreries dans les caisses de l'Etat et des entreprises dues à
leurs mauvaises gestions. Tandis que comme facteurs externes on peut retenir la
concordance de la baisse des recettes pétrolières, de la chute
des cours des produits agricoles de base et de la dépréciation du
dollar américain, qui ont entraîné une dégradation
considérable des termes de l'échange entre 1986 et 1988. Ainsi
entre 1985 et 1995, le produit intérieur brut a chuté de 6,3 %
par an, avec des taux de croissance négatifs -6,4% en 1987, -13,3% en
1988, -3,4% en 1989, -2,5% en 1990, -5,8% en 1991, -4,0% en 1992, -3% en 1993
(Touna Mama, 2007). La crise économique que le Cameroun traverse se
traduira alors par un déséquilibre des comptes
macro-économiques, et en particulier des finances publiques.
Face à cette situation défavorable, les
autorités se sont engagées dès 1987, dans une politique
d'ajustement appuyée par un programme autonome, sans intervention des
institutions internationales de Bretton Woods. Ce programme visait à
réduire les dépenses de l'Etat et à alléger le
poids du secteur public au sens large. Ces mesures se sont
avérées insuffisantes pour juguler la crise. Le gouvernement en
est donc parvenu à adopter en 1988, un accord de confirmation du FMI et
un crédit d'ajustement structurel de la Banque Mondiale.
Cette politique s'est traduite par la liquidation des
entreprises déficitaires et la privatisation de celles réalisant
des bénéfices. Les dépenses sociales (éducation,
santé) ont été comprimées, les fonctionnaires ont
connu des baisses importantes de leurs salaires (entre 50 % et 60 %)
intervenues en janvier et novembre 1993, etc... (Fambon et al,
2001).
Jusqu'en 1994, le processus d'ajustement pouvait être
considéré comme un échec, notamment en raison des
dérapages importants observés dans l'exécution de certains
critères quantitatifs :
-déclin des exportations provoquant un
fléchissement de la balance courante, -recettes fiscales
collectées en deçà des objectifs,
-stabilisation du solde négatif des avoirs
extérieurs au lieu de son amélioration, -accentuation de la
situation débitrice du gouvernement à l'égard du secteur
monétaire et accumulation des arriérés intérieurs
et extérieurs.
2.2.3. L'économie camerounaise depuis 1994 : une
période de relance économique
Après une décennie de récession qui a
duré de 1985 à 1994, l'économie camerounaise a
retrouvé le chemin de la croissance. Ceci à la faveur de la
dévaluation du FCFA intervenue en janvier 1994 et des autres mesures de
politiques économiques prises par les autorités camerounaises.
La dévaluation du FCFA a entraîné une
hausse des recettes d'exportation qui a eu des répercussions favorables
sur les revenus budgétaires, sur ceux des exportateurs et des
producteurs des matières premières, notamment le café, le
coton et le cacao.
Pour ne pas en rester à un ajustement structurel
limité à la sphère financière avec le
rééquilibrage des comptes macro-économiques, le pays a
redéfini sa stratégie de développement, au coeur de
laquelle se trouve le rôle de l'Etat. Cela s'est traduit par la mise en
place d'un environnement largement libéralisé :
-suppression des barrières non tarifaires,
-désengagement de l'Etat de la plupart des entreprises des
secteurs de production et de commercialisation (privatisation),
-libéralisation des prix (disparition des prix garantis
aux producteurs et des mécanismes de stabilisation), etc.
Depuis 1995/1996, la reprise économique s'affirme avec
des taux de croissance qui se situent autour de 5 % par an, avec notamment 3,3%
en 1994/1995, 5% en 1995/1996, 5,1% en 1996/1997, 5% en 1997/1998 et 4,4% en
1998/1999/2000 (Touna Mama, 2007). L'équilibre des finances publiques
retrouvé a permis d'atteindre les objectifs du premier programme
économique et financier triennal signé avec les institutions de
Bretton Woods et réalisé entre 1997 et 2000.
Au delà du dynamisme économique, c'est la
relative stabilité des performances au cours des dernières
années (malgré les résultats instables du secteur
pétrolier) qui différencie le Cameroun des pays voisins. En
mettant en relief la structure relativement diversifiée de l'appareil de
production. A court terme, le Cameroun bénéficie aussi des
retombées de la construction de l'oléoduc tchado-camerounais, qui
permettent une bonne tenue des investissements. La croissance du PIB a en
conséquence été relativement forte, aux alentours de 5,3%
en 2000/2001, malgré la désorganisation des filières
d'agriculture d'exportation (cacao et café) et de la forêt (DSRP,
2002). Par ailleurs, après avoir exécuté de manière
satisfaisante le deuxième programme économique et financier
triennal au titre de la FASR, le Cameroun a atteint en octobre 2000 le point de
décision de l'initiative PPTE. Cette performance qui permettra au pays
d'aspirer à la réalisation de l'ensemble des conditions requises
pour accéder au point d'achèvement, et bénéficier
alors d'un allègement substantiel de sa dette extérieure.
La baisse des volumes de pétrole extrait à
partir de 2001/2002, associée a des dysfonctionnements importants de
l'offre d'électricité, aux difficultés des filières
d'exportation traditionnelles et aux problèmes d'ajustement, aux
reformes en cours a entraîné un ralentissement de la croissance en
2001/2002, estimé aux alentours de 4,4% (DSRP, 2002). En 2002,
malgré une activité industrielle plus dynamique du fait d'un
approvisionnement en électricité plus régulier en cours
d'année et la demande restée soutenue, malgré la
détérioration des termes de l'échange, la croissance est
élevée à 4,1%. Au terme de l'année 2003, le taux de
croissance réel du PIB est estimé à 4,2% (DSRP, 2003). En
2004 l'économie est caractérisée par un taux de croissance
en terme réel estimé à 3,6% (révision DSRP
Cameroun, 2005). Un dérapage observé sur la tenue des finances
publiques qui a eu pour conséquence la non atteinte du point
d'achèvement de l'initiative PPTE courant 2004, comme escompté
par le gouvernement.
Le 28 Avril 2006, le Cameroun va atteindre ce fameux point
d'achèvement malgré la faible croissance enregistrée en
2005 et 2006 avec respectivement 2,8% et 4,3%. Avec l'atteinte du point
d'achèvement de l'initiative en faveur des pays pauvres très
endettés, le Cameroun doit pouvoir envisager sérieusement son
décollage économique, pour devenir un pays émergent dans
une quinzaine d'années (Touna Mama, 2007).
Tableau 1 : Evolution de quelques indicateurs de
performances macroéconomique de 1976 à 2001 : croissance
(%)
Période
Secteur
|
1976-1984
|
1985-1993
|
1994-1996
|
1997-2001
|
PIB
|
8,2
|
-0,6
|
3,4
|
4,6
|
Primaire
|
3,0
|
1,4
|
0,8
|
2,2
|
Secondaire
|
20,3
|
-3,2
|
-5,0
|
1,3
|
Tertiaire
|
5,1
|
0,6
|
8,7
|
6,8
|
Consommation
|
6,5
|
0,7
|
2,6
|
2,4
|
Investissement
|
14,5
|
-8,0
|
-0,8
|
7,5
|
Investissement public
|
19,5
|
-10,3
|
5,1
|
4,1
|
Investissement privé
|
13,2
|
-6,7
|
-1,9
|
6,3
|
Source : DSRP du Cameroun (projet 2002)
Figure 1 : Evolution de quelques
indicateurs de performances macroéconomique de 1976 à 2001 :
croissance (%)
25
20
15
10
5
0
1976-1984 1985-1993 1994-1996 1997-2001
-5
-10
-15
PIB
Primaire Secondaire
Tertiaire Consommation Investissement Investissement public
Investissement privé
Périodes d'évolution
Source : Construit par l'auteur à partir
du tableau 1
Les performances macroéconomiques caractéristiques
des années fastes (1970, début 1980), des années de crise
(fin des années 1980, début des années 1990), et des
années de
relance économiques (depuis le début des
années 1990) au Cameroun sont présentées au tableau 1 et
à la figure 1 ci-dessus.
Dans l'ensemble, la reprise économique souhaitée
par la mise en oeuvre des programmes d'ajustement ne se précise
qu'à partir de la période 1997-2001, notamment en ce qui concerne
les secteurs primaire, secondaire, et investissements privés. Quoique la
croissance de la consommation soit restée positive sur la période
considérée, le taux des années 1990 est resté
largement inférieur à ce qu'il fût au cours des
années 1970 et 1980. La croissance du PIB est passée quant
à elle de -0,6% à 4,6%.
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