INSTITUT DE HAUTES ETUDES INTERNATIONALES ET DU
DEVELOPPEMENT
LE CONTRÔLE DES TRANSFERTS DES ARMES
LEGERES
ET DE PETIT CALIBRE EN AFRIQUE DE L'OUEST
MEMOIRE
Présenté en vue de l'obtention du
diplôme de
Master en études du développement
(MDev)
par
Salamane YAMEOGO
(Burkina Faso)
Genève
2009
DEDICACE
Je dédie ce Mémoire aux millions de victimes
des Armes Légères et de
Petit Calibre à travers le monde.
REMERCIEMENTS
A mon Directeur de Mémoire, Professeur Keith KRAUSE
pour son engagement à m'encadrer, ses conseils, ses encouragements et sa
patience;
A mon Juré, Dr. Glenn McDonald pour son soutien, ses
corrections et ses remarques qui ont permis à l'édification de ce
Mémoire;
Aux Professeurs de l'Institut des Hautes Etudes
Internationales et du Développement (IHEID) qui ont contribute à
ma formation;
A ma maman et à mes frères et soeurs pour leur
soutien incommensurable;
A Estelle KOFFI pour son aide précieuse;
A Aboubakar OUEDRAOGO et Aboubacar DAKUYO pour leurs conseils
et leur disponibilité;
A toute la Communauté Burkinabè à
Genève;
Aux members des l'Eglises Evangélique de Plains Palais
et Worship House International;
A toutes les personnes qui de près ou de loin ont
contribué à l'aboutissement du présent Mémoire.
SIGLES ET ABREVIATIONS
ALPC : Armes Légères et de
Petit Calibre
CICR : Comité International de la
Croix Rouge
MALAO : Mouvement de Lutte contre les
Armes légères en Afrique de l'Ouest
RASALAO : Réseau d'Action sur les
Armes Légères en Afrique de l'Ouest
IANSA : International Action Network on
Small Arms
ONU : Organisation des Nations Unies
CEDEAO : Communauté Economique
des Etats de l'Afrique de l'Ouest
ECOWAS : Economic Community Of West
African States
SADC : Southern African Development
Community
PNUD : Programme des Nations Unies pour
le Développement
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : LE SYSTÈME OUEST-AFRICAIN DE
CONTRÔLE
DE TRANSFERT DES
ALPC
SECTION II : LES MENACES DE LA CIRCULATION
INCONTRÔLEE
DES ALPC
SECTION II : LE CADRE NORMATIF ET
INSTITUTIONNEL
CHAPITRE II : L'EVALUATION DU SYSTÈME
OUEST-AFRICAIN
DE CONTRÔLE DE
TRANSFERT DES ALPC
SECTION I : L'EVALUATION SOUS L'ANGLE DE LA
COHERENCE
ET DE LA
PERTINENCE
SECTION II : L'ÉVALUATION SOUS
L'ANGLE TRIPARTITE DE
L'EFFICACITÉ,
L'EFFECTIVITÉ ET DE L'EFFICIENCE
CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES
LIMITES DU SYSTÈME
OUEST- AFRICAIN DE
CONTRÔLE DE TRANSFERT DES ALPC
SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME
OUEST-AFRICAIN DE
CONTRÔLE DE
TRANSFERTS DES ALPC
SECTION II : LES STRATEGIES POUR UN MEILLEUR
CONTRÔLE DES
ALPC
CONCLUSION GENERALE
INTRODUCTION GENERALE
La problématique des Armes Légères et de
Petit Calibre (ALPC) a accédé véritablement au rang de
paradigme depuis les années 90 avec l'apparition du concept de
« micro-désarmement » (Nations Unies 1995,
60-65) qui s'est mué en « désarmement
concret » (Small Arms Servey 2002, 282). Ces termes font
référence à une gamme de mesures : la
maîtrise des armements, en particulier les ALPC, les mesures de
confiance, la démobilisation et la réinsertion des
ex-combattants, le déminage, la reconversion (...),
l'élimination, la limitation de la fabrication, de l'achat et du
transfert, la collecte et la destruction de ces armes en situation
post-conflit. En effet, alors que la fin de la guerre froide a quelque peu
favorisé une diminution de la prépondérance des armes de
destruction massive, l'accentuation des conflits intra-étatiques d'un
type nouveau (Boutros Ghali 1995), et en général de la
privatisation de la violence (Badie 1999) a accru l'importance des ALPC comme
enjeu de sécurité internationale. L'existence de stocks d'ALPC de
grande ampleur et peu contrôlés, leur abondance en circulation et
la facilité à les dissimuler, les transporter, les utiliser et
les entretenir permettent aux acteurs non étatiques d'y avoir
accès et d'en faire leurs instruments de prédilection. Cependant,
en dépit, de l'utilisation légitime de ces armes pour la
sécurité et la défense nationales et/individuelles, et
l'acquisition ou la rétention de ces armes lorsque les gouvernements ne
parviennent pas à garantir la sécurité physique de leurs
citoyens (Arms Servey 2001, 1), la prolifération des ALPC pose des
problèmes quasi insolubles pour la sécurité des
États et est une menace permanente pour les populations (Small Arms
Servey 2001, 215). Pis, estimées aujourd'hui à 875 millions dans
le monde dont 650 millions détenues par les civils, soit
approximativement 75% du total connu (Small Arms Servey 2007, 39), la
propagation et l'usage des ALPC causent au moins 500.000 victimes chaque
année et au moins 1000 victimes par jour au plan mondial (Beullac et
Krempel 2006, 4). En Afrique de l'Ouest, on estime à huit (8) millions
d'ALPC en circulation (Lorthois 2007, 254). Lesquelles armes auraient
causé au moins trois (3) millions de victimes (Bouko 2006). Somme toute,
la circulation incontrôlée et l'emploi abusif des ALPC constituent
une matrice de multiples menaces : violence armée, guerre et
insécurité internationales, insécurité humaine,
sous développement économique, pillage des ressources naturelles,
violation des droits humains et du droit humanitaire, prolongement du
terrorisme (Beullac et Krempel 2006, Ibid.). Par ailleurs, le volet du
contrôle des transferts des ALPC sur lequel va porter la présente
étude relative à l'Afrique de l'ouest est important. Mais avant,
que renferment les termes de contrôle, de transferts et d'ALPC ?
S'agissant du contrôle, il convient d'emblée de la distinguer du
concept de désarmement. Même si ces deux termes sont parfois
employés de façon interchangeable, ils indiquent des visions de
politique internationale distincte. Dans son ouvrage « Control of the
arms race » (1961), Hedley Bull définit le désarmement
comme une réduction ou une abolition des armements (Bull 1961).
Lesquelles réduction ou abolition pouvant s'opérer de diverses
façons : unilatérale ou multilatérale,
générale ou locale, complète ou partielle,
contrôlée ou incontrôlée. Le contrôle des
armes implique une restriction à l'échelle internationale de la
politique d'armement, que ce soit dans le respect du niveau des armements, leur
caractère, leur déploiement ou leur usage. John Spanier et Joseph
Nogee, dans leur étude « The politics of disarmament
» (1962), donnent d'autres définitions : le désarmement
se réfère à l'abolition complète ou la destruction
partielle des ressources de guerre humaines et matérielles, tandis que
le contrôle des armes s'applique aux restrictions à imposer
à l'utilisation des armes nucléaires (Spanier et Nogee 1962). La
restriction de ces deux auteurs sur les armes nucléaires est assez
stricte en ce sens que le contrôle des armes existait avant la
création du nucléaire en témoigne l'évolution de la
question. Aussi, les deux concepts de contrôle et de désarmement
ont-ils pour corollaire le fait qu'ils proposent des visions différentes
des causes de la guerre. Selon la théorie du désarmement, les
armements sont la cause de la guerre. L'objectif final du désarmement
est l'abolition complète des armes et donc, la transformation, d'une
certaine façon, des relations internationales. La théorie du
contrôle des armes reconnaît que les armements peuvent jouer un
rôle dans le renforcement des tensions entre factions
belligérantes, mais elle identifie plutôt les tensions politiques
entre adversaires comme étant la cause majeure du conflit. Les armes
peuvent être une source de stabilité et de sécurité
si elles sont gérées de manière adéquate (Baylis
and Cohen 2002, 184-186). Concernant le transfert, c'est une redistribution de
la possession d'ALPC, que ce soit de facto ou de jure, d'un acteur à un
autre. Ce qui suppose au moins deux acteurs principaux : l'initiateur et
le bénéficiaire (Small Arms Servey 2002, 111). On distingue
différents types de transferts : légal, illicite,
autorisé, non autorisé, intentionnel et non intentionnel (Small
Arms Servey 2002, Ibid.). Généralement, le transfert d'arme peut
être décomposé en trois étapes: D'abord,
l'étape pré-licence : prévoyant des formalités sur
papier jusqu'à l'octroi de la licence d'import/export, basée
principalement sur des considérations politiques et commerciales.
Ensuite, l'étape de transfert physique : l'exportation,
l'expédition effective via des points de transit éventuels,
l'importation des armes, toute la chaîne d'envoi étant
basée sur le transport et les contrôles douaniers. Enfin,
l'étape d'utilisation (finale) : l'usage des armes en accord avec les
conditions d'utilisation finale d'origine qui incluent également le
« re-transfert » ou la destruction (Berkol 2007). Quant au concept
d'ALPC, il est diversement défini. Toutefois, les définitions
onusiennes et ouest africaines paraissent convenir ici eu égard à
leurs caractères extensifs et convergents. Pour les deux organisations
(ONU et CEDEAO), les armes de petit calibre sont des armes destinées
à l'usage individuel. Elles comprennent entre autres les revolvers et
pistolets à chargement automatique, les fusils et les carabines, les
mitraillettes, les fusils d'assaut et des mitrailleuses légères
(Small Arms Servey 2002, 10 et Ecowas 2006, 9). Les armes
légères sont les armes destinées à l'usage de
plusieurs personnes travaillant en équipe. Elles comprennent entre
autres les mitrailleuses lourdes, les lance-grenades portables, amovibles et
sur affût, les canons antiaériens portatifs, les canons antichars
portatifs, les fusils sans recul, les lance-missiles et lance-roquettes
antichars portatifs, les lance-missiles antiaériens portatifs et les
mortiers de calibre inférieur à 100 millimètres (Small
Arms Servey 2002, 10 et Ecowas 2006, 8).
En tout état de cause, la question du transfert des
armes, englobant certainement les ALPC est cruciale. Elle a connu une
évolution dès le XVIIIè siècle jusqu'à nos
jours. Cette question a aussi fait et continue de faire l'objet de
controverses au sein de la doctrine et des acteurs internationaux. Enfin,
depuis la chute du mur de Berlin, l'aspect spécifique du contrôle
de transfert des ALPC demeure indispensable. S'agissant de l'évolution
de la question, il convient de noter que déjà au XVIIIe
siècle, la question de la limitation des armements a été
une préoccupation sur le plan international : les propositions non
acceptées du prince Kaunitz de l'Autriche à la Prusse entre 1766
et 1767 et des déclarations Franco-britanniques du 27 octobre 1787
(Chappuis 1975, 17-20). Au XIXe siècle, ce sont : le Traité
Rush-Bagot en août 1816 entre les Etats Unis d'Amérique (USA) et
la Grande-Bretagne; les Traités de paix entre le Pérou et la
Bolivie en août et novembre 1831 et les Conférences de paix
de la Haye de 1898 et de 1907. Au XXe siècle, on retient entre autres le
Traité général de paix et d'amitié approuvé
par la Conférence des Etats d'Amérique Centrale du 7
février 1923 (Chappuis 1975, 56). Il en va aussi de la Convention de
Genève sur le contrôle international des armes, munitions et
matériels de guerre du 17 juin 1925 adoptée dans le cadre de la
Société des Nations. Une Convention qui fut long feu (Collet
1989, 13). Sur le plan sous régional, (Afrique de l'Ouest), le besoin de
contrôler les armes a été plus ou moins exprimé
à travers divers instruments avant 1998: les Traités de
Défense et Accords Militaires et d'Assistance avec les ex-puissances
colonisatrices (Barry 1997), le Protocole de Non-agression signé
à Lagos le 22 avril 1978 (Ecowas 1978) et le Protocole d'Assistance
Mutuelle en matière de défense signé à Freetown le
29 mai 1981 (Ecowas 1981). Sur le plan interne des Etats, on a par exemple, les
actes du Congrès américain tels que : le
« Neutraly Act » du 31 Août 1935 (Collet
1989, 30) et les célèbres clauses « Cash and
Carry » suivi de la Loi Prêt Bail « Lend and
lease Act » (Collet 1989, 18-19). Quant aux controverses, elles
concernent notamment les transferts des armes au profit des groupes non
étatiques comme les factions rebelles dans la mesure où l'article
51 de la Charte des Nations Unies garantie le commerce des armes entre les
acteurs étatiques. Relativement au cas des insurgés, le
débat est constant. Selon la doctrine traditionnelle, il est licite
d'apporter un soutien militaire telle que la vente d'ALPC à un Etat en
conflit armé. A contrario, il est illicite de transférer des
armes aux groupes insurgés car l'Etat est la seule personnalité
internationalement reconnue. Un second courant considère qu'il est aussi
bien illicite de fournir des armes aux groupes rebelles, qu'à l'Etat.
C'est une exigence du principe de non intervention dans les affaires internes
des Etats. Le dernier courant argue qu'il est licite de fournir des armes non
seulement à l'Etat mais également aux rebelles (Vincineau 1984,
13). Ces controverses existent aujourd'hui surtout au sujet des livraisons des
armes aux acteurs non étatiques. Sous couvert de l'article 51 de la
Charte de Nations Unies sur la légitime défense étatique
et collective et de l'article 2§4 sur l'égalité souveraine
des Etats et la non ingérence dans les affaires intérieurs,
certains Etats considèrent le commerce des armes comme un instrument de
politique étrangère. Par exemple, pour Bill Clinton, «
les transferts d'armes conventionnelles sont un instrument légitime de
la politique étrangère américaine au service des actions
de soutien mené par le gouvernement américain lorsqu'il nous est
impossible d'aider nos amis et alliés contre une agression, de
promouvoir la stabilité régionale, et d'accroître la
coordination entre les forces américaines et les forces alliées
» (Clinton 1998). Selon John Bolton, il n'est pas question que les
ventes d'ALPC soient dirigées uniquement vers les gouvernements ou les
entités qui les représentent en ce sens que refuser de vendre des
armes à un groupe non étatique serait le priver de se
défendre envers un gouvernement génocidaire (Bolton 2001). Ces
idées tirent leur fondement de la théorie du
« National Security Act de 1947 » qui autorise les
opérations clandestines, y compris la fourniture des armes
excédant un (1) million de dollars (Bagayoko-Penone 2003, 592). Pour les
Etats en voie de développement, comme ceux de la CEDEAO, sans
réfuter les dispositions de l'article 51 de la Charte de l'ONU, la
livraison des ALPC à des acteurs non étatiques n'est ni plus ni
moins qu'un soutien à des groupes qui portent atteinte à leur
souveraineté. Interdiction est donc faite de transférer des ALPC
à des entités non étatiques (Ecowas 2006).
Le contrôle de transfert des ALPC est spécifique
aujourd'hui en ce sens qu'il constitue une dimension importante qui a
suscité une attention soutenue de la communauté internationale,
des Organisations sous régionales, des Centres Universitaires de
Recherche ainsi que de diverses Organisations Non Gouvernementales et des
Organisations de la Société Civile (OSC) depuis le début
de l'offensive globale contre leur prolifération. Tous ces acteurs
restent conscients de la nécessité d'un renforcement du
contrôle des échanges des ALPC. Ce raffermissement semble
effectivement essentiel puisque le lien entre le commerce légal et le
marché illicite est désormais majoritairement connu (Small Arms
Servey 2007, 74). Les armes légalement transférées
souffrent régulièrement de détournement vers des
destinataires qui en font un mauvais usage. (Tremblay 2006, 3). La
spécificité du problème de contrôle reste aiguë
pour au moins trois perspectives différentes, toutefois
complémentaires en réalité. Premièrement, la
fabrication et la commercialisation des ALPC entraînent des
conséquences sur le plan du désarmement. Leur contrôle et
leur limitation favoriseraient un climat de paix, de sécurité et
de libération des ressources pour le développement.
Deuxièmement, dans la lutte contre la criminalité
organisée, la réduction des activités illégales et
criminelles liées à la fabrication et au commerce illicites des
ALPC permet de faire reculer la violence armée, la corruption ainsi que
les crises politiques, militaires, économiques et sociales au sein des
Etats et, partant, d'améliorer la capacité des Etats à
faire face aux groupes criminels et terroristes tout en remplissant leurs
fonctions régaliennes. Troisièmement, du point de vue de la
sécurité humaine, la circulation anarchique des ALPC demeure une
réelle menace. Leur contrôle limiterait les atteintes à
cette sécurité (Alfonso De Alba 2002, 58).
Pour ce faire, cette nécessité de contrôle
est au coeur de la mise en oeuvre d'une série d'instruments, qui
comporte au-delà des dispositifs nationaux, un système
international régenté par les Nations Unies, et plusieurs
systèmes régionaux, plus ou moins élaborés. Au
niveau onusien, il s'agit : du Programme d'action de l'ONU sur les ALPC en
juillet 2001 (PoA), du Protocole contre la fabrication et le trafic illicites
d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée entré en vigueur le 3
juillet 2005, de l'Instrument international d'identification et de
traçage rapide et fiable des armes légères et de petit
calibre illicites adopté en 2005 par l'Assemblée
Générale de Nations Unies, de la Déclaration de
Genève sur la violence armée et le développement,
dite « Déclaration de Genève » (DG)
adoptée sous les auspices de la Conférence ministérielle
en juin 2006. A ces mécanismes s'ajoutent les différentes
Conférences dont celles de 2001, 2005 et 2006 afin d'examiner non
seulement l'évolution de la mise en oeuvre du PoA, mais aussi permettre
l'adoption d'un Traité International sur les ALPC. Au niveau des
différentes sous régions, on retient entre autres : la
Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites
d'armes à feu, de munitions et autres matériels connexes en 1997,
la Loi modèle Arabe sur les armes et les munitions en 2002, le
Programme pour prévenir et combattre les trafics illicites d'armes
conventionnelles adopté par l'Union Européenne (UE) en juin 1997,
le Document de l'OSCE sur les ALPC en novembre 2000, le Code de conduite de
l'UE en juin 1998, l'Action Commune de l'UE de Lutte contre l'accumulation
déstabilisatrice et la prolifération des ALPC en décembre
1998, l'Arrangement de Wassenaar entré en vigueur en juillet 1996, le
Protocole de Nairobi en avril 2006 et la Convention CEDEAO relative aux
Armes Légères et de Petit Calibre, leurs Munitions et
autres Matériels connexes en juin 2006 ; laquelle Convention
est le résultat du processus de transformation du Moratoire de la CEDEAO
sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes
légères adopté en 1998 (Berkol 2007, 1). Au niveau CEDEAO,
le contrôle des ALPC a pris une assise à travers la proposition de
Alpha Omar Konaré d'un Moratoire sur la circulation des armes
légères en Afrique de l'Ouest en 1997 (Lodgaard et Ronnfeldt
1998, 17). Cette proposition a reçu un écho favorable. En octobre
1998, la CEDEAO a adopté une Déclaration de Moratoire sur
l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères
et ce, « considérant que la circulation des armes
légères constitue un facteur déstabilisateur pour les
Etats membres de la CEDEAO, et une menace pour la sécurité de nos
peuples » (Poulton et Ag Youssouf 1999, 325). Ces
préoccupations avaient été exprimées aux termes de
l'article 41 alinéa 3 (b) du Traité révisé de la
CEDEAO de 1993 qui autorisent chaque pays à introduire, maintenir ou
appliquer des réductions ou des interdictions concernant
« le contrôle des armes, des munitions, et de tous autres
équipements militaires et matériels de guerre ».
Ces inquiétudes n'ont pas fléchies en ce sens que plusieurs
textes ont été adoptés : le Code de Conduite le 10
décembre 1999 en appui au Moratoire, le Protocole relatif au
mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des
conflits, de maintien de la paix et de la sécurité à cette
même date, suivi du protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la
bonne gouvernance additionnel à ce mécanisme et de la Convention
CEDEAO de 2006. Cet arsenal de normes, d'institutions et de programmes touche
entre autres domaines le marquage, le traçage, le courtage, la collecte
et le contrôle des transferts des ALPC.
Cependant, malgré l'existence des textes CEDEAO, la
pratique reste déviante des normes. Il y a presqu'un contournement
généralisé des institutions et les programmes ne font que
battre de l'aille. L'Afrique de l'Ouest demeure à ce jour un zone
assaillie par les flots d'ALPC (Florquin et Berman 2006) avec à la
clé toutes les conséquences innombrables. Cette contradiction
saillante entre normes et pratiques force à se poser la question
suivante: Comment expliquer le hiatus entre le système de contrôle
des transferts des ALPC et la réalité sur le terrain en Afrique
de l'Ouest? A cette interrogation, on peut émettre l'hypothèse
selon laquelle, les transferts des ALPC seraient encore régis beaucoup
par les normes nationales que par les normes communautaires. C'est dire que
l'hétérogénéité et l'atomisation
(différents textes suivant les pays, l'imbrication des sphères du
droit privé et public) des textes est un facteur fondamental des limites
des normes et des institutions. A cette hypothèse centrale, il peut se
greffer diverses sous-hypothèses : La faiblesse des
capacités institutionnelles, humaines et financières auquel
s'adjoint le caractère intersectoriel des ALPC rend complexe leur
contrôle. De même, les transferts horizontaux et verticaux des
ALPC, en faveur des Acteurs armés non étatiques phagocytent
l'efficacité du système de contrôle. Il en va de même
de la multiplicité des conflits armés en cours ou en voie de
résolution qui rend difficile le contrôle des ALPC. Enfin, il ne
fait l'ombre d'aucun doute que les actions de lutte sont sacrifiées sur
l'autel des intérêts économiques,
géopolitico-stratégiques des acteurs sous régionaux et
internationaux. Toutefois, si ces différentes hypothèses peuvent
toutes tenir la route, il sera développé dans le présent
travail deux volets : l'hétérogénéité
et l'atomisation normative, la déficience des capacités qui
favoriserait le contournement et le tripatouillage des normes. Par ailleurs,
prenant en compte les multiples menaces que la prolifération
incontrôlée des ALPC fait peser sur les sociétés
ouest-africaines, il n'est pas déraisonnable de tenter d'ébaucher
des solutions. Alors, quelles dispositions efficientes faut-il prendre pour la
réalisation effective du contrôle des transferts des ALPC ?
La réflexion sur « Le contrôle des
transferts des Armes Légères et de Petit Calibre en Afrique de
l'Ouest » est orientée
dans la perspective d'examen de ces questions. Ce sujet est à la fois
universel, d'une actualité permanente et partant, d'une importance
indéniable. L'objectif de ce document est donc de nous faire
prendre place au coeur des préoccupations et
problématiques touchant aux ALPC. Le souci de l'éradication des
ALPC nous incite à plaider pour une réalisation véritable
du système de contrôle. Toutefois, le réalisme nous
amène aussi à reconnaître l'extrême complexité
des problèmes qu'est susceptible de soulever cette préoccupation.
Ces problèmes sont divers et sont de nature aussi bien structurelle que
conjoncturelle.
Au cours de cette étude, la méthode de recherche
documentaire sera privilégiée. S'agissant de la
délimitation, deux aspects sont concernés. Dans le temps,
l'année de l'adoption de la Déclaration du Moratoire (1998) est
le point de départ et ce, jusqu'à aujourd'hui.
Géographiquement, l'Afrique de l'Ouest est la zone d'étude. C'est
une région qui a traversé de nombreux conflits armés et
plusieurs épisodes de violence armée avec une
prolifération insoutenable d'ALPC. Enfin, l'argumentation
s'appuiera d'abord sur l'examen du système de contrôle et le
contexte d'adoption (Chapitre I). Ensuite, son
évaluation (Chapitre II). Ce qui permettra enfin de
mettre en évidence les limites du système auxquelles il sied de
faire quelques propositions (Chapitre III).
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