3.2. Modèles
prédictifs
3-2-1- Théorie de la
partition à l'équilibre
Les lipides représentent le compartiment de stockage
préférentiel des HAPs au sein des organismes aquatiques
(Barron et al., 1990). D'un point de vue chimique ce compartiment
tissulaire représente un pool de COT largement distribué et
directement accessible aux molécules hydrophobes. La quantité de
pyrène bioaccumulé en milieu aquatique peut donc être
normalisée par la teneur en lipides des tissus animaux. Cette
opération présente l'avantage de lier d'une manière
directe les fractions de pyrène associées au COT des organismes
aquatiques et celles associées au COT de la matrice sédimentaire,
chacune d'entre-elles étant en relation avec la fraction dissoute en
phase aqueuse (figure 4). La fraction associée au COT
du sédiment restant en général faiblement biodisponible,
la théorie de la partition à l'équilibre proposée
par Di Toro et al. en 1991 assimile l'exposition des organismes aux
composés hydrophobes présents dans les eaux interstitielles
à une exposition directe en phase aqueuse. Ce concept aboutit à
une simplification extrême des phénomènes thermodynamiques
qui régissent la partition des molécules au sein des
écosystèmes aquatiques et suppose que la toxicité des
composés hydrophobes présents dans les sédiments est
uniquement due à la fraction dissoute dans les eaux interstitielles.
L'étroite relation qui unit alors la fraction dissoute et la fraction
associée aux lipides organiques permet de prédire la
quantité de composés hydrophobes bioaccumulée par les
organismes en fonction de leur teneur en lipides et de la teneur des eaux
interstitielles du sédiment en contaminant.
Une importante revue publiée par Di Toro et
al. (1991) présente un vaste échantillon de données
relatives à l'application de la théorie de la partition à
l'équilibre (basées sur des hydrocarbures
halogénés). Elle conclut que l'utilisation de ce modèle
permet de réduire d'un facteur 2 à 3 les variations de la
biodisponibilité, évaluée par toxicité, de
composés hydrophobes présents dans des sédiments
aquatiques. Cette approche de la toxicité de composés hydrophobes
associés à des sédiments a été
utilisée par l'USEPA pour définir les Critères de
Qualité des Sédiments vis-à-vis d'une liste importante
d'HAPs et de pesticides. La mise en oeuvre de tests de toxicité sur ces
molécules impliquant diverses espèces
d'invertébrés, a, dans de nombreux cas, confirmé
l'utilité de cette approche (Ankley et al., 1996a).
Bien que l'équilibre de partition puisse se
révéler un outil particulièrement utile dans la
prédiction des niveaux de bioaccumulation et de toxicité de
composés hydrophobes spécifiques, il perd une grande partie de
son pouvoir prédictif lorsqu'il est confronté à
différents contaminants dans des conditions expérimentales
similaires. De même, malgré la normalisation par le taux de
lipides, les prédictions obtenues varient de manière importante
avec les espèces animales (Bierman, 1990). Les principales limites de ce
concept résident en deux points importants qui sont à la base de
sa formulation : l'existence d'un état d'équilibre parfait
au sein du système et la définition du compartiment lipidique
comme principal déterminant dans la bioaccumulation des composés
hydrophobes. Dans les écosystèmes aquatiques, l'existence d'un
état d'équilibre aussi parfait est fortement remise en question
car l'influence seule ou synergique de nombreux facteurs annexes peut modifier
quantitativement les flux de contaminants entre les compartiments biotiques et
abiotiques. Le principal facteur abiotique négligé par
l'équilibre de partition est l'influence des substances colloïdales
dissoutes en phase aqueuse sur la biodisponibilité et la bioaccumulation
des composés hydrophobes au sein des sédiments. Les variations
spatio-temporelles de la qualité des sédiments et des eaux
interstitielles, la taille des particules sédimentaires,
l'hétérogénéité des stocks de carbone
organique ainsi que la teneur globale du sédiment en contaminants
n'entrent pas dans l'explication de cet équilibre. La
biodisponibilité des contaminants adsorbés sur les particules
sédimentaires est négligée alors qu'elle peut se
révéler déterminante dans la contamination des organismes
lorsque la fraction de xénobiotique présente dans les eaux
interstitielles est faible (Ankley et al., 1989). Lee (1990) insiste
sur le fait que les organismes aquatiques ne sont pas uniquement
« des acteurs statiques dont les niveaux d'interaction avec le milieu
extérieur se limitent seulement à des échanges
régis par des équilibres thermodynamiques ». En effet,
certaines habitudes écologiques telles que la bioturbation, l'ingestion
ou la filtration de particules peuvent modifier significativement la
biodisponibilité et la toxicité des xénobiotiques en
milieu aquatique. Ces facteurs ainsi que les variations
intraspécifiques et interspécifiques des stocks de lipides
animaux sont exclus de la théorie de la partition à
l'équilibre. Ces omissions peuvent être à l'origine
d'erreurs de prédictions qui ont été observées dans
certaines études sur l'utilisation de l'équilibre de partition
dans l'évaluation de la toxicité d'HAPs en phase
sédimentaire (Suedel et al., 1993 ; Hoke et al.,
1995 ; Driscoll and Landrum, 1997).
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