2-2-2-2- Facteurs
biotiques
La pénétration des HAPs dans les organismes
aquatiques implique que ces composés puissent traverser diverses
membranes biologiques, ce qui exclut la présence de complexes avec la
matière organique en suspension ou dissoute. La faible
réactivité des HAPs à des variations physicochimiques du
milieu environnant place les habitudes écologiques et les
caractéristiques biologiques des organismes aquatiques au premier rang
des facteurs influant sur la bioaccumulation de ces composés. Le mode
d'activité trophique des organismes influence de manière
prépondérante le niveau de bioaccumulation des HAPs et le
transfert de ces composés au sein des chaînes trophiques. Pour les
organismes benthiques dont l'activité trophique inclut l'ingestion de
particules sédimentaires, l'absorption et le trajet de la matière
organique issue des sédiments le long du tractus alimentaire
représentent la principale voie de bioaccumulation de composés
hydrophobes (Landrum et Scavia, 1983 ). La dose accumulée
observée dans ce cas est directement corrélée avec le
niveau de contamination du sédiment. Les autres voies sont alors
additives (Jarvinen et Tyo, 1978). La quantité de nourriture
carbonée disponible au sein du sédiment influence à la
fois la biodisponibilité et la bioaccumulation des HAPs. Lake (1990) a
montré que le volume de particules sédimentaires
ingérées par Arenicola marina et Lumbriculus
variegatus est inversement proportionnel à la quantité de
matière organique contenue dans le sédiment. Dans un
sédiment possédant un faible taux de matière organique, la
forte biodisponibilité des HAPs est amenée à un niveau
supérieur par l'ingestion d'un volume important de particules
sédimentaires, ce qui a pour conséquence d'augmenter le volume de
la fraction absorbable des HAPs le long du tractus alimentaire. Les HAPs d'un
poids moléculaire inférieur à 700 et présentant une
hydrophobicité moyenne seront préférentiellement
absorbés à ce niveau (Bates et al., 1993) ce qui
correspond au cas du pyrène. La dose accumulée par des organismes
filtreurs est quant à elle indépendante du niveau de
contamination des sédiments (Kaag, 1998). Ces organismes vont
principalement bioaccumuler les polluants hydrophobes par le biais de la
filtration d'éléments carbonés dissous ou en suspension en
phase aqueuse. A ce niveau, le facteur de bioconcentration est influencé
à la fois par la quantité de matière organique
présente en suspension mais également par le temps de contact
entre les HAPs dissous en phase aqueuse et les éléments
carbonés susceptibles d'être prélevés par les
organismes.
Les téguments représentant une barrière
difficilement franchissable, les organes respiratoires (branchies pour la
plupart des organismes aquatiques) représentent un site d'absorption
préférentiel pour les HAPs dissous en phase aqueuse (Connell,
1988). La contribution des organes respiratoires à la bioaccumulation
est dans ce cas très importante. Comme les organes digestifs, ces
organes possèdent des caractéristiques qui vont favoriser
l'absorption et la diffusion des contaminants présents en phase
aqueuse : une ventilation importante, une large surface d'absorption, une
faible distance de diffusion entre la phase aqueuse et le sang, un débit
sanguin important (Hayton et Barron, 1990). La diffusion de polluants
hydrophobes à travers les épithéliums est
généralement réduite à cause de l'épaisseur
des structures tissulaires et ne semble réellement influente que pour
des organismes de petite taille (Saarikoski et al., 1986).
La distribution tissulaire des contaminants hydrophobes
dépend principalement de trois phénomènes
physiologiques : la fixation et la partition au sein des différents
fluides tissulaires, le débit sanguin caractéristique des
organismes et des tissus biologiques, la traversée des membranes
biologiques (Hawker et Connell, 1986). Généralement, les HAPs
vont traverser les tissus en diffusant à travers les cellules,
entraînant par la même occasion une modification de
l'intégrité des membranes cellulaires. Cette diffusion se fait
par paliers, chaque membrane biologique agissant différemment sur
l'élimination et la bioaccumulation des composés. A ce niveau,
la diffusion des molécules peut être réduite par
l'encombrement stérique due à leur taille. Opperhuizen et
al. (1985) ont suggéré que la structure des membranes
phospholipidiques pourrait réduire la diffusion des composés
hydrophobes à longue chaîne ou présentant une large section
moléculaire. Les molécules présentes dans le volume
sanguin constituent la fraction de contaminants bioaccumulables sensu
stricto. Cette fraction présente un volume réduit par
rapport à la fraction biodisponible dans le milieu car des
mécanismes d'élimination présystémiques vont
entraîner l'excrétion d'une partie des molécules avant leur
entrée dans la circulation sanguine (Barron,1989). L'excrétion
des HAPs par les organismes aquatiques fait intervenir trois modes
d'élimination :
- une excrétion passive via la diffusion des
contaminants du milieu intérieur des organismes vers le milieu aqueux
environnant
- une excrétion active via les
fécès
- une élimination active qui passe par l'activation des
systèmes de détoxification
Dans ce système d'élimination, la diffusion
passive des contaminants ne va entrer en compte que d'une manière
très limitée. La présence, dans les tissus biologiques, de
ligands à forte affinité pour les composés apolaires
restreint ce phénomène et ne permet qu'une diffusion très
limité des HAPs vers le milieu extérieur. Au sein des organismes,
les sites permettant ce type d'élimination sont associés à
une faible distance de diffusion : ce sont principalement les organes
respiratoires et les épithéliums du tractus alimentaire. En
toxicologie aquatique, la fixation au niveau du pool lipidique des organismes
est considérée comme le principal facteur de bioaccumulation de
contaminants hydrophobes (Barron et al., 1990). Les lipides
constituent un compartiment de stockage important pour les HAPs car ils sont
largement distribués au sein des tissus et présentent une forte
affinité pour les composés apolaires. Les variations
quantitatives interspécifiques de ce pool de lipides expliquent
partiellement les différences du niveau de bioaccumulation des HAPs
entre différents organismes (Khan et al., 1978). La
quantité de lipides corporels d'un organisme peut varier d'un facteur
dix suivant l'espèce considérée (Rainbow et White,
1990). Pour un même organisme, ce paramètre peut subir
d'importantes variations saisonnières, liées notamment au cycle
biologique.
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