2-6-3. Suivi de souches
bactériennes dégradant le pyrène
Les étalements sur milieu gélosé
réalisés à 10, 21 et 28 jours lors de l'essai
plurispécifique n°1 n'ont pas mis en évidence la
présence de consortium bactériens dégradant le
pyrène, autochtones aux sédiments utilisés dans le cadre
de cette étude. Lors de l'essai plurispécifique n°2, les
étalements réalisés à J28 à partir de
suspension bactérienne extraite des sédiments ont permis de
mettre en évidence la présence de souches dégradant le
pyrène dans les microcosmes inoculés. Bien qu'aucune analyse
taxonomique n'ait été réalisée sur les colonies
observées, il est fort probable, au vu des résultats obtenus dans
les mêmes conditions lors de l'essai plurispécifique n°1,
qu'il s'agisse de la souche Mycobacterium 6PY1 inoculée
à J0. Ces résultats qualitatifs ne sont pas
présentés ici, mais les observations réalisées sur
les milieux ensemencés au bout de 3 semaines d'incubation montrent une
forte présence de ces souches dans le sédiment Tourbe
à 28 jours d'essai (nombre de colonies compris entre 10 et 15 pour les
milieux ensemencés à partir de suspensions bactériennes
extraites de ce sédiment). Dans le sédiment Craie, ces
souches présentent plus de difficultés à se
développer (nombre de colonies compris entre 0 et 5).
3- Bioaccumulation du pyrène par les
organismes
Les résultats relatifs à la bioaccumulation du
pyrène concernent uniquement ceux obtenus dans le cadre de l'essai
monospécifique avec exposition contrôlée des organismes,
certains dosages ainsi que l'exploitation des résultats relatifs aux
essais plurispécifiques étant en cours.
3.1. Teneurs en pyrène des eaux
surnageantes
Les mesures de teneurs en pyrène relatives aux
compartiments abiotiques des systèmes mis en place dans cet essai
concernent uniquement l'eau surnageantes des systèmes sacrifiés
en début d'essai (J0) soit 4 jours après leur mise en eau.
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Figure 19 : Teneurs mesurées en
pyrène des eaux surnageantes pour différentes teneurs nominales
du sédiment (données à J0)
Les teneurs induites par le dopage à 1 et 10 ppm sont
également proches et comprises entre 25 et 30 ug/L. Les teneurs
observées à J0 pour un dopage nominal à 50, 100 et 200 ppm
sont proches et comprises entre 60 et 70 ug/L.(figure 19) A
partir de 50 ppm, la teneur en pyrène des eaux surnageantes atteint un
plateau de saturation. Ces teneurs sont très supérieures à
celles mesurées dans le cadre des essais monospécifiques de la
phase I, globalement comprises entre 0,1 et 0,7 ug/L pour des sédiments
dopés à 20, 100 et 200 ppm de pyrène.
3.2. Survie des organismes durant les expositions
contrôlées
De J-4 à J-3 et de J-3 à J0, l'exposition de 24
à 72 h de jeunes daphnies aux sédiments contaminés n'a pas
entraîné de mortalité significative (survie toujours 80%).
Il en est de même pour les daphnies exposées 24 h de J2 à
J3. En revanche, à J0, si sur 24 h on ne note pas d'effet significatif
sur la survie, l'exposition des daphnies pendant 48 h au-dessus des
sédiments ou dans les eaux surnageantes récupérées
à J0 et filtrées à 0.8 um entraîne des
mortalités marquées et croissantes avec la concentration
(figure 20). Ainsi, sur 48 h on obtient une mortalité
de 50% à 100 ppm pour le sédiment. Les daphnies exposées
aux eaux surnageantes seules sont également affectées puisque les
mortalités varient entre 20 et 60%. Si l'on confronte ces
résultats de mortalité aux teneurs mesurées dans ces
mêmes eaux on montre que 50% de mortalité est obtenu autour de 70
ug/L. Il est intéressant de noter que cette valeur est identique
à la CE50-48 h à 1500 lux de 74 ug/L trouvée dans la
première partie du programme (Godde, 2001). L'absence d'effets sur 24 h
est logique puisque la CE50-24 h du pyrène est de 105 ug/L sous un
éclairage de 2500 lux (Godde, 2001).
3.3. Mesures de bioaccumulation
Le pyrène accumulé par D. magna est
décelable à partir de 10 mg/kg de sédiment, plus rarement
à 1 mg/kg. La figure 21 synthétise les
résultats de bioaccumulation par les daphnies exposées dans les
systèmes, donc exposées au pyrène du sédiment, au
pyrène dissous dans la phase d'eau surnageante, et au pyrène
particulaire de cette même phase. Dans l'ensemble on observe les plus
fortes doses bioaccumulées aux plus fortes teneurs en pyrène du
sédiment, mais les résultats sont rarement significativement
différents entre 50, 100 et 200 mg/kg, alors que les doses
bioaccumulées sont significativement inférieures pour 10 mg/kg.
Sur 2 semaines la capacité de bioaccumulation évolue assez peu,
on note des valeurs inférieures pour J2, qui pourraient être dues
à la taille particulièrement petite des daphnies utilisées
ce jour-là. Il n'est pas impossible que cette
capacité diminue pour 10 mg/kg, alors qu'elle se maintient globalement
aux concentrations les plus fortes, ce qui pourrait traduire, pour ces
traitements, un équilibre atteint pour le pyrène dans le
système, tout au moins entre l'eau surnageante et le sédiment.
Lorsque les daphnies sont exposées aux seules eaux surnageantes
après récupération de celles-ci, la bioaccumulation est
moindre par rapport à celles exposées aux sédiments
(figure 21), mais il convient de remarquer que ces eaux
surnageantes ont été filtrées. Un essai comparatif entre
eaux filtrées et eaux non filtrées réalisé sur 24
heures entre J17 et J18 indique une moindre accumulation dans les eaux
filtrées (figure 22). L'absence de différences
significatives de bioaccumulation entre 50, 100 et 200 mg/kg pourrait bien
être liée au fait que les teneurs en pyrène de l'eau
surnageante présentent rapidement un palier à partir de 50 mg/kg,
comme le montrent les mesures réalisées à J0
(figure 19). L'écart systématique entre les
valeurs de bioaccumulation obtenues à 10 ppm et celles obtenues à
50, 100 et 200 ppm, souvent groupées, semble corroboré par ces
résultats d'analyse, et semble confirmer que l'exposition des daphnies
se fait en majeure partie via l'eau surnageante. Dans ces conditions
il est logique de calculer un facteur de bioconcentration à partir des
doses mesurées dans les daphnies et des valeurs obtenues sur les eaux
surnageantes (figure 23). Si l'on met de côté les
résultats à 1 ppm, teneur à laquelle le protocole de
dosage du pyrène chez de jeunes D. magna ne semble pas
adapté, on obtient un log BCF moyen de 4.29 #177; 0.093 sur la base des
poids secs ou encore un log BCF moyen de 3.29 #177; 0.093 sur la base des poids
frais ce qui correspond à un BCF (poids frais) moyen de 1986 #177; 445
L/g
Discussion
1. Stabilité physico-chimique et biologique des
systèmes
Les différents traitements de type témoins (en
ne considérant que l'absence de pyrène) mis en place au cours des
bioessais réalisés dans ce travail de recherche mettent en
évidence une conservation des grandes caractéristiques
distinctives (teneur en eau, teneur en matière organique,
granulométrie, pH) des sédiments utilisés. Ces
résultats sont néanmoins différents de ceux obtenus lors
de la caractérisation initiale des sédiments (annexe
1). Les analyses physico-chimiques plus fines qui ont
été réalisées parallèlement montrent un
comportement, parfois hétérogène dans le temps, de
certains caractères des sédiments. Les teneurs en COT
relevées dans les eaux interstitielles entre 0 et 28 jours d'essai
montrent une stabilité relativement bonne de ce paramètre dans le
sédiment Craie. Sa faible teneur en matière organique et
son caractère anoxique réduisent certainement les processus de
fermentation susceptibles de modifier le comportement du COT dans ce
sédiment. Dans le sédiment Tourbe, les teneurs en COT
des eaux interstitielles se sont montrées plus variables dans la
durée des bioessais et entre les essais réalisés. Un
certain nombre d'incertitudes subsistent quant à la stabilité
dans le temps et dans le cadre de leur mode de conservation (4°C,
obscurité) de matrices aussi chargées que les eaux
interstitielles extraites du sédiment Tourbe, celle-ci n'ayant
pas été suivi. La nécessité de pooler les
sédiments de différents microcosmes pour récupérer
suffisamment d'eau interstitielle n'a pas permis d'apprécier la
variabilité de ce paramètre entre différents
réplicats d'un même traitement. Les résultats obtenus ne
permettent donc pas de juger de la significativité des
différences observées entre les teneurs en COT des eaux
interstitielles provenant des sédiment contaminés et non
contaminés. Néanmoins, les teneurs observées dans le
sédiment Tourbe sont restées constamment
supérieures à celles observées dans le sédiment
Craie. Dans le cas des eaux surnageantes, l'influence du type de
sédiment utilisé sur la teneur en COT de la colonne d'eau a
été décelé dans 75% des analyses.
Les problèmes de fermentation et de fortes teneurs en
NH4+ rencontrés dans les eaux surnageantes et les
eaux interstitielles de ces systèmes, à l'occasion d'essais
préliminaires (travaux de thèse de Gaëlle Triffault sur
l'impact environnemental des mâchefers d'incinération d'ordures
ménagères) basés sur un ratio eau/sédiment de 1/6,
avaient motivé la mise en place d'un essai préliminaire en
microcosmes témoin afin d'évaluer l'impact de la quantité
de nourriture apporté, du renouvellement de la colonne d'eau et d'une
diminution du ration eau/sédiment sur la stabilité des
systèmes dans le temps. L'adoption d'un ratio eau/sédiment de
1/20 a ainsi permis de s'affranchir de ces problèmes d'enrichissement
des phases aqueuses qui peuvent perturber la survie et/ou le
développement des organismes. Bien que les analyses permettent d'obtenir
des informations sur la variabilité des teneurs en
éléments suivis pour chaque réplicat, il faut
également rester prudent quant à l'interprétation des
résultats obtenus ici. En effet, les apports en nourriture (riche en
composés azotés) réalisés sur 28 jours ainsi que la
fermentation même modérée de la matière organique
des sédiments laissent penser que cet élément aurait
dû être normalement détectable dans les systèmes. Les
observations et les mesures de teneurs en chlorophylle réalisées
lors des sacrifices n'ont cependant pas mis en évidence de
développement algal signifiant la mise en place d'un état
eutrophe dans les systèmes, ce qui peut corroborer les faibles teneurs
en NH4 observées. Il a même été constaté un
mauvais développement des algues introduites dans certains
systèmes (sédiments Craie et Tourbe
confondus). Les faibles niveaux d'activité enzymatique
leucine-aminopeptidase relevés dans les sédiments pourraient
être liés à une faible teneur des sédiments en
composés azotés, sources potentielles de NH4+
(DEA Cortes, 1999). De manière générale, il semble
que le ratio eau/sédiment de 1/20 adopté dans cette étude
soit relativement bénéfique à la stabilité des
systèmes dans le temps. Le suivi relatif à la température,
au pH, et à la teneur en oxygène des eaux surnageantes n'ont
jamais mis en évidence de conditions défavorables à la
survie des organismes dans les systèmes mis en place. Il en est de
même pour le suivi des éléments en solutions
réalisées sur les eaux surnageantes et les eaux interstitielles
des sédiments
Les microcosmes utilisés dans cette étude,
proposés en tant qu'outils d'évaluation écotoxicologique
par Clément et Cadier (1998), sont basés sur l'utilisation
concomitante de trois invertébrés aquatiques (C. riparius, H.
azteca, D. magna,) désignés pour la sensibilité et la
fiabilité des réponses qu'ils fournissent vis-à-vis de la
présence de contaminants dans des sédiments aquatiques (Ingersoll
et al., 1995) ainsi que deux organismes végétaux ;
un macrophyte (L. minor) et une algue unicellulaire (C.
vulgaris). La survie des invertébrés est satisfaisante
à 10 jours d'essais avec des taux de survie supérieurs à
la valeur acceptable de 80% pour l'ensemble des organismes et pour les deux
sédiments utilisés (tableau 6 ).
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