CHAPITRE 2 :
LA PAUVRETE ET LE DEVELOPPEMENT AU
BENIN
Sur les cinq dernières années, l'économie du
Bénin a enregistré une évolution favorable. Cependant,
l'impact de cette croissance économique sur la réduction de la
pauvreté reste mitigé. En effet, la faible corrélation
entre l'amélioration du niveau de vie et cette croissance s'explique par
le fait que celle-ci ne correspond pas à un processus de
développement partagé. La majorité des béninois est
employée dans l'agriculture ou les services (le commerce
principalement). Le rythme de la création des emplois n'est pas
suffisamment rapide pour répondre à une offre de main d'oeuvre de
plus en plus forte.
La relation entre croissance économique et
amélioration du bien-être des populations est une question
complexe. Réduire la pauvreté, outre l'amélioration du
pouvoir d'achat, doit consister à l'amélioration des services et
infrastructures sociaux. Le rapport entre le taux de cette croissance et celui
de la réduction de la pauvreté n'est pas proportionnel. Si la
pauvreté monétaire semble être mieux
maîtrisée, ce n'est pas le cas quant à la pauvreté
humaine.
Section 1 : Diagnostic de l'économie
béninoise
De 1998 à 2008, le Bénin a connu un taux de
croissance positif passant de 4% en 1998 à 6,8% en 2008. La moyenne pour
la période est de 3,6%. Cependant, ces performances sont le
résultat de la sous-exploitation des atouts ou de la non prise en compte
de certaines faiblesses de la structure de l'économie. Si ces
données positives n'ont pas permis d'infléchir remarquablement la
pauvreté, n'est ce pas, en gros, la conséquence d'une mauvaise
orientation des fruits ou acquis de la croissance ?
Paragraphe 1 : Atouts et faiblesses structurelles
de l'économie Béninoise
Une bonne stratégie de réduction de la
pauvreté doit s'appuyer prioritairement sur les facteurs de la
pauvreté. Ce sont eux, en effet, qui contribuent à nourrir et
à faire perdurer le phénomène. Les actions doivent
être orientées vers les facteurs et non sur les manifestations.
Ces facteurs sont autant endogènes qu'exogènes. Une bonne
stratégie de réduction de la pauvreté doit prendre en
compte les atouts et les potentialités du pays. N'est ce pas là
une théorie qui trouve sa justification dans l'émergence des
« dragons d'Asie » ?
1. Les atouts
Le Bénin dispose d'atouts certains. C'est un fait qu'il
n'est pas fortement pourvu en ressources minières et
minéralogiques. Mais le pays est reconnu pour sa stabilité
politique. Depuis 1990, la démocratie y fait son petit bonhomme de
chemin. Le pays a une constitution vieille de 19 ans (seulement !) et a
connu trois alternances pacifiques sans retouche de la constitution.
L'appartenance à plusieurs espaces régionaux d'échanges,
de co-développement, de solidarité comme la Communauté
Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union Economique et
Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), le Conseil de l'Entente, la
Communauté des Etats Sahélo-Sahéliens (CEN-SAD) font du
Bénin un pôle d'émergence et de développement dont
la bonne exploitation conditionne l'émergence d'un marché
commun, la construction et la consolidation d'une économie
prospère, le bien-être matériel et social de ses fils.
En 2006, la structure de la population béninoise fait
ressortir un taux d'actifs potentiels (plus de 15ans) de 72% (soit
4 617 290 individus) dont seulement 2 611 585 sont effectivement
utilisés. Ceci montre que la majorité de la population
béninoise est active. Le béninois n'est pas paresseux :
au-delà de 60 ans, deux béninois sur trois sont encore sur le
marché du travail soit comme actif occupé, soit comme demandeur
d'emploi (après avoir accompli une 1ere carrière).
C'est la preuve également que le minimum social n'a pu être
atteint. La population béninoise est l'une des populations à fort
taux d'accroissement naturel (3,25%). Ceci s'explique par une
fécondité encore élevée et une mortalité en
baisse quoique encore élevée contrastée par un taux
relativement élevé de la mortalité des enfants de moins de
5 ans. C'est en partie cela qui induit les parents à se prémunir
contre les décès éventuels de leur descendance en ayant
davantage d'enfants.
Tableau N° 1: Répartition de la
population par tranche d'âges
Tranches
d'âges
|
Effectifs
(en millions)
|
Taux
(en %)
|
0 - 5
|
1,271
|
16,5
|
6 - 11
|
1,448
|
18,8
|
11 et plus
|
4,981
|
64,7
|
Total
|
7,700
|
100
|
Source : Enquête Modulaire
Intégrée des Conditions de Vie
des Ménages (EMICOV), INSAE, 2006
Etant donné que l'importance et la nature des besoins de
santé, d'éducation, de logement, d'emploi sont tributaires de la
structure, du volume et de l'évolution démographique, le
développement du capital humain exige une meilleure maîtrise de la
fécondité. Les difficultés d'accès à
l'éducation de base et à l'alphabétisme, aux soins de
santé primaire et à l'eau potable ont besoin d'être
résolues. Un ménage comportant beaucoup de membres est plus
penché à éprouver des difficultés pour la
satisfaction de ces besoins.
2. Les faiblesses
Quant aux faiblesses structurelles de l'économie, elles
portent sur la rigidité de l'appareil et de la structure de production,
la faiblesse des investissements et la faible diversification des
exportations.
? La rigidité de l'appareil de production part de la
spécialisation de la production à l'archaïsme de l'outil de
travail en passant par l'obsolescence des infrastructures et des
méthodes de production.
L'agriculture béninoise reste essentiellement manuelle et
soumise aux aléas climatiques. Les revenues et la productivité
restent faibles et la force de travail n'est que partiellement
valorisée, ce qui rend très peu compétitive la production
agricole. D'une part, les pratiques d'exploitation minière dans les
zones de cultures, les zones agropastorales, dans les pêcheries et dans
les forêts classées, accentuent la dégradation des
ressources naturelles ; d'autre part, les différents secteurs ne
sont pas imbriqués les uns dans les autres. La chaîne de
production est discontinue, abrupte. Ce qui fait que le pays exporte les
matières soit en leur état brut, soit très peu
transformées. En retour, ces matières reviennent
manufacturées et sont rachetées à prix d'or. Par ailleurs,
le peu d'entreprises industrielles existant utilise de manière
très faible comme intrants les biens produits localement.
? Parlant de la rigidité de la structure de la
production, il suffit d'observer la composition du PIB. Les secteurs primaire
et tertiaire prédominent alors que le secteur secondaire est encore
embryonnaire. Ceci traduit la faiblesse des investissements productifs. Ce
maillon manquant à la chaîne économique est source de
déséquilibre et de dépendance de l'économie.
Tableau N° 2 : Contribution
des secteurs au PIB de 2000 à 2008 (donnée en %)
Secteurs Années
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
Primaire
|
34,5
|
34,5
|
37,4
|
35,6
|
35,9
|
35,9
|
36,0
|
35,0
|
35,7
|
Secondaire
|
14.2
|
14.7
|
15.0
|
15.2
|
14.9
|
14,8
|
14.5
|
14.5
|
14,2
|
Tertiaire
|
37.7
|
37.9
|
38.2
|
39.7
|
39.4
|
39.6
|
39.7
|
40.6
|
45.6
|
Non marchand
|
13,6
|
12,8
|
9,4
|
9,5
|
9,8
|
9,7
|
9,8
|
9,9
|
9,5
|
TOTAL
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
100,0
|
Source : Rapport
d'avancement 2008 de la SCRP 2007-2009, CSPEF, MEF
En effet, le rôle prépondérant du secteur
privé recommande des investissements forts. Une simple comparaison
permet de se mettre à l'évidence de son incidence sur la
croissance d'une part, par la faiblesse de l'épargne et d'autre part,
par les circonstances structurelles qui ne protègent pas vraiment
l'investisseur.
? Enfin, les exportations sont très peu
diversifiées. Outre le coton (entre 40% et 80%), le Bénin exporte
l'huile de palme, les noix de cajou, l'ananas, les écrevisses, les bois
de teck, les amandes et le beurre de karité. Toutefois, aucune de ces
matières, à part le coton, n'est érigée en
filière pour mériter une attention particulière et une
organisation adéquate. Jusqu'en 2007, la Société Nationale
pour la Promotion Agricole (SONAPRA) n'a, en fait, fait que la promotion du
coton alors qu'il y a 2 décennies seulement, le Bénin
était premier producteur de palmier à huile.
Tableau N° 3 : Quelques indicateurs
macroéconomiques du Bénin
Années
Rubriques
|
Période avant DSRP I
|
Période DSRP I
|
1990-1994
|
1995-1999
|
2000-2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
Moyenne
2003-2005
|
PIB par tête d'habitant
(en milliers de FCFA)
|
131
|
228
|
277
|
296
|
298
|
310
|
302
|
Investissement brut*
|
14,4
|
18,2
|
18,9
|
20,3
|
20,7
|
17
|
19,3
|
Encours de la dette*
|
52,8
|
59,4
|
51,8
|
40,3
|
40,3
|
40,3
|
40,3
|
Service de la dette*
|
1,8
|
2,0
|
1,3
|
0,8
|
0,7
|
0,6
|
0,7
|
* en % du PIB
Source : Ministère du Développement, de
l'Economie et des Finances (MDEF).
|
|