La question de la capacité de l'aide à
promouvoir la croissance et la réduction de la pauvreté dans les
pays en développement est au coeur des réflexions de la
communauté internationale. A la fin de la précédente
décennie dominait la thèse selon laquelle l'efficacité de
l'aide dépendait essentiellement de la qualité des institutions
et de la politique économique des pays aidés, elle-même
supposée sans grande relation avec l'aide reçue. De nos jours
plusieurs recherches scientifiques ont montré que l'efficacité de
l'aide dépend aussi de la vulnérabilité des pays aux chocs
extérieurs ou les sorties de guerres.
Puisque les déterminants de l'efficacité
de l'aide au développement sont multiples, il est normal que les
donneurs fondent l'allocation géographique de leur aide sur des
critères variés. De plus, leur aide peut légitimement
répondre à des objectifs qui ne sont pas seulement la croissance
des pays aidés, ni même la réduction de la pauvreté.
Ça peut-être l'encouragement de la démocratie ou du
respect des droits de l'homme, la prévention des conflits armés,
la protection de l'environnement, ou encore l'expression de solidarités
particulières du fait d'une proximité géographique (qui
fait du développement des pays considérés un enjeu
stratégique pour les donneurs), des liens historiques tissés par
un passé colonial ou le partage d'une même langue. La prise en
compte de ces liens est d'autant plus justifiée qu'en
général ils facilitent le dialogue entre donneurs et receveurs,
contribuant ainsi à l'efficacité de l'aide.
En ce qui concerne la politique de
coopération internationale de la France pour le développement du
secteur éducatif au Mali, l'analyse conduit qu'elle se contente
simplement d'accompagner l'Etat central dans son action. Cela se
caractérise par une totale centralisation des appuis financiers, un
soutien aux renforcements de capacités au niveau du Gouvernement et une
relation avec les acteurs ONG et société civile
quasi-inexistantes, qui contribuent au budget du secteur.
La concentration de l'aide française dans le
secteur de l'éducation conclu dans le DCP appelle un effort financier
accru sous peine de ne plus être qu'un bailleur de fonds de
deuxième rang par rapport non seulement à la Banque mondiale mais
aussi à d'autres partenaires bilatéraux (en particulier
canadiens, néerlandais et américains) jusqu'alors peu
présents mais qui mobilisent désormais, dans ce pays, des
financements de plus en plus importants. La France peut contribuer
également, dans le cadre du FED, à l'identification des
programmes européens d'appui à la lutte contre la pauvreté
au Mali en veillant à une prise en compte des questions
éducatives, et ceux parallèlement aux concours budgétaires
globaux en appui aux stratégies de réduction de la
pauvreté de l'UE.
A côté de l'accroissement
nécessaire des crédits destinés à
l'éducation, la stratégie et la mise en oeuvre de l'aide
française dans l'éducation se cherche toujours, naviguant entre
traditions d'intervention projet, directives venant d'en haut pour une
intervention dans la promotion voire la défense du français et
contexte d'une aide au développement en mutation.
En effet l'analyse a permis d'atteindre les
objectifs fixés de la recherche à savoir comprendre l'aide
publique au développement de la France au Mali, son évolution et
son efficacité dans le secteur éducatif. Les hypothèses
ont été vérifiées dans la deuxième partie
à travers le financement de quelques projets de développement du
secteur par la France et l'augmentation du taux de scolarisation de 71% en
2005/2006 à 80,3% en 2007/2008 ce qui promet d'atteindre les Objectifs
du millénaire pour le développement.
Les critères et les cadres pour aboutir
à une amélioration de la qualité de l'aide existe mais
semble faire craindre à la France de devenir un PTF comme un autre.
L'idée d'une exception française n'est en soi pas mauvaise
à condition qu'elle soit tournée vers le progrès et non le
conservatisme.
Enfin nous sommes tout à fait conscient des
limites de notre contribution à l'étude de ce sensible et vaste
thème : Etude de l'aide publique de la France au Mali : cas de
l'éducation.
En effet nous espérons à travers
cette étude avoir modestement éclairé les lecteurs sur ce
sujet important, surtout du point de vue des réalités de l'aide
publique au développement et celle de la France. Il ne faut pas voir un
rejet total de ce qui a été produit et de ce qui se
déroule actuellement. Il ne faut pas non plus considérer que les
autres font mieux que la France. Il faut juste y voir une recherche qui a
essayé de mettre en lumière certaines initiatives
intéressantes dont la France devrait s'inspirer, parfois sur le fond,
parfois sur la forme.
Les recommandations :
Puisque la notion d'efficacité renvoie à la
capacité d'atteindre les objectifs poursuivis, et de faire à
moindre coût, la première exigence pour améliorer
l'efficacité de l'aide française est de mieux appréhender
son coût budgétaire et de s'entendre sur les objectifs de l'aide.
C'est un vaste chantier, puisque les objectifs sont multiples et rarement
explicités, et les coûts, c'est-à-dire l'implication du
contribuable, ne sont pas transparents, tant sont nombreux les centres de
décisions et les points d'application de l'aide. C'est aussi un chantier
qui dépasse le seul cadre français, tant au niveau des
motivations de l'aide, qui impliquent certaines formes de coordination
internationale, que les statistiques de l'aide, dont la collecte et la
transmission sont confiées au Comité d'Aide au
Développement de l'OCDE. De la réflexion sur les motifs de l'aide
et de l'analyse des critiques de l'aide française qui nous ont paru
pertinentes, nous tirons ensuite certaines recommandations concrètes
pour l'aide française. Celles-ci peuvent être mises en oeuvre sans
réforme radicale de l'APD française, mais supposent des
changements importants, dans la pratique de l'aide, tant dans le domaine de son
allocation géographique, de ses modalités, de ses domaines
d'application et du rôle des acteurs, en particulier l'AFD.
-- Une clarification des statistiques de l'aide
française :
La première condition pour une plus grande
efficacité de l'aide au développement de la France serait
évidemment d'avoir une vue synthétique de ses différentes
formes et du coût budgétaire de chacune d'elles.
-- Une clarification des objectifs de l'aide
française, justifiant un partage entre aide multilatérale et
bilatérale :
L'APD poursuit d'abord très clairement un objectif
éthique d'équité et de solidarité, qui conduit
à penser l'aide comme l'amorce d'une politique sociale mondiale visant
à promouvoir une distribution plus équitable des revenus, pour le
présent et pour l'avenir en aidant au développement des pays les
plus pauvres.
-- Une conditionnalité de performance pour
l'aide budgétaire :
Dans les pays dont la gouvernance serait jugée
satisfaisante, la France devait accroître la part de son aide
budgétaire, domaine où elle est en retrait par rapport au
Royaume-Uni. Elle devrait simultanément renoncer à affecter ses
dons à des dépenses publiques spécifiques et abandonner sa
conditionnalité traditionnelle, fondée sur des mesures de
politique économique.
-- Le maintien de l'aide projet et l'extension des
projets d'intégration régionale, en particulier dans les pays de
faible gouvernance :
La France ne doit pas renoncer à l'aide projet parce
qu'elle est porteuse d'un transfert de connaissance irremplaçable, et
devrait démarrer prépondérante dans les pays de haute
gouvernance. Deux points sont importants, que le contrat passé avec le
destinataire de l'aide soit parfaitement explicite, ce qui implique là
aussi une obligation de suivi et de résultats,et que la gestion des
projets évite toute action qui nuise au renforcement des institutions
nationales comme de court-circuiter l'administration locale.
-- Un accroissement des flux d'aide à
destination des pays en développement :
Pour que les différentes recommandations
présentes aient jusqu'ici une véritable portée, il
faudrait sans doute modifier l'importance relative des domaines d'application
de l'aide ainsi que le cadre institutionnel de l'Agence Française de
Développement.
-- Libertés et contraintes de l'aide au
développement :
L'action de l'AFD, devrait s'inscrire dans le cadre d'un
contrat d'objectifs passés avec la puissance publique qui fixerait les
grandes options et objectifs stratégiques de l'aide au
développement et définirait les grandes zones
géographiques dans lesquelles ces objectifs sont poursuivis.
Simultanément l'AFD devrait avoir la liberté de choisir le volume
et les modalités de ses interventions pays par pays. Cette solution
aurait l'avantage, en reconnaissant que l'aide de la France est une composante
indissociable de sa politique étrangère comme nous l'avons
précédemment souligné, de dissocier la gestion de l'aide
pays par pays et sa mise en oeuvre au jour le jour du cadrage politique et
stratégique de l'effort d'aide. Autrement dit, la tutelle exercée
par l'exécutif gouvernemental devrait être renforcée au
niveau de la stratégie globale, mais disparaître dans la gestion
quotidienne de l'aide.