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L'enseignement au Congo - Brazzaville : entre crise identitaire et refondation socio-culturelle

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par Claude-Ernest KIAMBA
Université Catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Doctorat 2009
  

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1.3. L'émergence de nouveaux réseaux de co-gestion des politiques de l'enseignement

Avant l'indépendance, le système éducatif congolais comprenait l'enseignement public et l'enseignement privé. Mais, avec l'adoption de la loi 32-65 du 12 décembre 1965 sur la nationalisation de l'enseignement, l'école avait été placé sous le contrôle du Parti et de l'État, réduisant ainsi la participation du secteur privé à la formation des cadres. L'État devenait le seul acteur décisionnel et ses gestionnaires furent considérés comme étant des techniciens qui travaillaient d'autant mieux qu'ils étaient coupés des citoyens. Trois décennies après, l'État était incapable de résoudre les problèmes qui minent l'enseignement : le problème d'adaptabilité de l'enseignement aux réalités culturelles locales, l'augmentation des effectifs scolaires, la baisse du niveau des élèves, l'insuffisante qualification des enseignants, la dégradation des infrastructures et l'affaiblissement des financements, voire l'inadéquation entre les programmes et les contenus des enseignements aux réalités congolaises. D'où la nécessité de décentraliser ce secteur en insistant sur le partage7(*) du pouvoir décisionnel avec les partenaires sociaux8(*) et la revalorisation du patrimoine national. La responsabilisation des acteurs sociaux implique une flexibilité au niveau des programmes. Ce qui justifie la mise en place de nouveaux cadres éducatifs adaptés aux cultures locales, donc généralisables avec les moyens propres au pays, et pertinents par rapport aux réponses à donner aux exigences de la société, variables selon son évolution. Le corollaire de cette responsabilisation est la tendance à la différenciation des modèles de développement de l'éducation en rupture avec le dirigisme étatique prôné par le P.C.T. La revalorisation du partenariat public-privé assure l'autonomisation des citoyens et permet d'accroître les performances du système éducatif en termes d'accès, d'équité, de qualité et de pertinence. La décision de dénationaliser9(*) l'enseignement constituait la preuve de l'essoufflement de l'État.

Les statistiques de la Direction des Études et de la Planification Scolaire et Universitaire (DEPSU) de 1997 chiffrent le nombre de structures d'enseignement privé au Congo à 39510(*). L'église catholique, par exemple, avait pu récupérer ses écoles même si la signature de l'accord avec l'État ne s'était faite qu'à partir du 5 janvier 2000. Pour 2000-2001, la Commission Épiscopale pour l'Éducation Catholique indique : « Le diocèse de Pointe-Noire a crée 5 écoles, celui de Nkayi 3, celui de Kinkala s'est vu redonner 2 écoles ; le diocèse de Brazzaville a retrouvé 4 écoles et en a crée 33, le diocèse d'Owando a retrouvé 10 écoles et en a crée 3 ; le diocèse de Ouesso a crée 1 école, la Préfecture Apostolique de Likouala a crée 2 écoles »11(*). Ce désengagement progressif de l'État du secteur de l'éducation s'était accompagné d'un «nouvel engagement des citoyens»12(*) pour reprendre John Clayton Thomas. Car tous ceux qui oeuvraient dans la clandestinité par crainte des représailles du P.C.T travaillaient, désormais, à la gestion de l'enseignement dans l'intérêt de tous13(*). Mais cette association, si elle n'est pas bien préparée, constitue une menace pour la démocratie : « Malgré les résultats patents obtenus par les groupes de citoyens dans certains secteurs de l'action publique, un ensemble croissant de données vient confirmer l'idée selon laquelle une participation du public automatique, sans limites et irréfléchie peut entraîner de dangereux dysfonctionnements dans les rouages politiques et administratifs »14(*).

Il faut noter que la réforme de l'enseignement privé avait suscité d'autres problèmes, dont le non respect de la législation15(*) en vigueur. Certains établissements sont logés dans des maisons de fortune16(*) et le coût élevé des droits scolaires est tel que les enfants des familles pauvres n'ont pas facilement accès à ces structures. Le manque de statistiques fiables ne permet pas aussi de maîtriser la situation de l'enseignement privé au Congo. Il y a eu une sorte d'«anarchie organisée », car certaines écoles privées appartiennent soit aux hommes d'affaires bénéficiant de la complicité de certains dirigeants, soit à ces derniers.

* 7 Dans l'article Des vertus du volontarisme politique, N'doye pense que la volonté d'associer les populations à la gestion de l'enseignement se justifie par ceci que « Dans plusieurs des pays faiblement scolarisés d'Afrique, les gouvernements ont de plus en plus conscience de la nécessité de cette alliance avec la société civile (...) Les partenariats se bâtissent par le dialogue à toutes les étapes du processus : définition, formulation, planification, mise en oeuvre et évaluation. Ils supposent que l'État adopte des stratégies participatives concrétisées par la mise en place d'instruments paritaires de concertation et d'action commune (...) Les organisations de parents et d'enseignants, les communautés, les organisations non gouvernementales et le secteur privé représentent des partenaires privilégiés » (Cf. « Au Sud, les enjeux de l'éducation pour tous », in Le Monde Diplomatique, décembre 2000, [Supplément], I.

* 8 « Le développement de l'éducation a entraîné des problèmes nouveaux que l'État seul ne peut plus résoudre. L'éducation est aussi bien un droit humain fondamental et inaliénable qu'un vecteur de développement. C'est pourquoi il est du devoir des gouvernements d'assurer l'éducation pour tous. Mais la charge financière que cela implique dépasse aujourd'hui la capacité des pouvoirs publics qui tendent à développer un partage des coûts avec les populations et la communauté éducative. Au Congo, les associations des Parents d'Élèves (A.P.E), les Organisations Non Gouvernementales du secteur de l'éducation jouent un rôle important dans la résolution des différents problèmes qui se posent au système éducatif. L'action la plus déterminante de ces différents organismes est l'apport financier des A.P.E dans la construction des infrastructures scolaires et le fonctionnement des établissements scolaires » (Cf. Ministère de l'Enseignement primaire, secondaire et supérieur chargé de la recherche scientifique, Le développement de l'éducation, Brazzaville, 2001, p.16).

* 9 La loi n°008-90 du 6 septembre 1990 précitée avait aussi permis la dépolitisation de l'enseignement. L'article 3 de cette loi stipule : « L'enseignement est dispensé par les Établissements publics et par les Établissements privés ». L'Enseignement privé vient compléter l'Enseignement public. Mais, il avait fallu attendre le décret 96-221 du 13 mai 1996 pour que l'exercice de cet enseignement soit réglementé. Ainsi, bien que de manière encore timide, la problématique de la privatisation de l'enseignement figurait déjà parmi les principaux problèmes sur lesquels portaient les débats au colloque - bilan de 1988. Le point n°7 traité lors de ces assises le démontre bien.

* 10 Cf. PNUD, Rapport national sur le développement humain. Guerres, et après?, Brazzaville, 2002, p.22.

* 11 « Congo-Brazza : L'Église et l'éducation », in http://infocatho.cef.fr/fichiers_html/Archives/2001, p.2.

* 12 Cf. Action publique et participation des citoyens. Pour une gestion démocratique et revitalisée, Paris, Nouveaux Horizons, 1995, p.1.

* 13 Dans le Rapport sur l'état de l'éducation en Afrique de 1995, Graw dit : « les politiciens ne constituent en réalité qu'un des groupes impliqués dans le processus de transformation de l'éducation et la volonté politique n'est qu'une des conditions probables à un réel changement » (Bureau Régional de l'UNESCO pour l'Éducation en Afrique, Stratégies éducatives pour les années 90 : Orientations et réalisations, septembre, 1995, p.76).

* 14 Cupps (D.-S.), « Emerging problems of citizen participation », in Public Administration Review, 37, 1977, p.478.

* 15 Alors que la durée de la scolarité officielle est de 6 ans, certaines écoles privées ont adopté le modèle français et ramené cette durée à 5 ans. Par souci d'efficacité et des besoins de compétitivité, certains programmes français ont été copiés à la lettre au point d'aboutir à un système éducatif à deux vitesses au Congo.

* 16 Dans le but de faire respecter la réglementation en vigueur en matière de création d'écoles privées et dans le but de corriger des désordres, l'État avait ordonné, en 2004, la fermeture de près de 200 écoles privées ne répondant pas aux normes dans des quartiers de Brazzaville comme Talangai, Mikalou, Mfilou.

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