ABSTRACT
Various Integrated Soil Fertility Management (ISFM)
related technological packages, are developed and proposed to farmers to
preserve their soils and at the same time increase their yields. Unfortunately,
many technological options do not take into account farmers's realities. PLAR
appears as an approach, which places more emphasis these realities. The
implementation of PLAR-ISFM was made easier at Seve-Kpota through the use of
QUEFTS model. After adaptation to the conditions of the village of
Sévé-Kpota, the model was used to evaluate the fertility of
soils, in order to detect nutrients's deficiencies and make fertilizer
recommendations for maize.
A socioeconomic study (supported by a survey) was also
undertaken in the village to know and understand the practices and realities of
farmers.
Discussions with farmers have shown there are 3 types of
soils in the village (black and red soils are plinthic acrisols and white
soils; the f irst being the most fertile). A split plot design was established
on the three types of soils (8 replications per each type); NPK 15-15-15 and
urea which were fertilizers available in the region were used under test of
three fertilizer rates : the actual recommendation 150 kg NPK + 50 kg urea
(T3), 100 kg urea + 50 kg NPK (T4) and 150 kg of urea (T5).
From socio-economic study revealed that : maize-cassava
association constitutes the most popular practice in the village; few farmers
use fertilizers and cover crops; most of farmers don't store the products in
the village warehouse.
The results of the trials reported in term of profitability
reveal that T3 is adapted to red soils because it produces highest
income whereas on black and white soils, T4 is most optimal.
Moreover farmers have reckoned that best yields are obtained on black.
As for QUEFTS, it presents farmers with the best advantages
by buying only NPK if they don't have enough money to pay 4 bags of 50 kg of
fertilizer. If however, they can buy 4 bags or even more, they are advised them
to include TSP in fertilizers on all types of soil.
This study shows the need to adapt the fertilizer's rates to
specific condition of soils and involve farmers in research.
INTRODUCTION
La destruction des sols et la diminution de leur
productivité prennent des proportions alarmantes partout dans le monde.
Dans les pays tropicaux et subtropicaux, on assiste à la
dégradation irréversible de surfaces de plus en plus importantes,
faisant disparaître des terres agricoles. Actuellement, 0,3 à 0,5%
des surfaces agricoles utilisées sont perdues annuellement en raison de
leur exploitation agricole (Steiner, 1996). De plus, des résultats de
simulations sur la dégradation des terres ont prédit un
pourcentage de terres dégradées qui passerait de 14,7% en 1995
à 42,6% en 2035 avec près de 16% de terres fortement
dégradées contre 1,6% en 1995 (Brabant et al., 1996). La forte
croissance démographique des pays situés dans les zones
tropicales, de même que l'intensification de l'exploitation des sols
qu'elle entraîne, constitue l'une des causes principales de cette
dégradation. Sa progression, en entraînant la diminution de la
productivité des terres et l'augmentation des charges pour maintenir le
niveau de production, menace l'approvisionnement alimentaire de la population
humaine mondiale (Steiner, 1996).
La Région Maritime du Togo, où le maïs
occupe une part importante dans le régime alimentaire quotidien des
populations, n'échappe malheureusement pas à ce
phénomène. Dans cette zone, cette dégradation a
entraîné rapidement la chute des rendements de maïs (0,8 t
ha-1 contre 1,3 t ha-1 pour le reste du pays ;
Agboh-Noaméshie, 2002).
Pour améliorer la productivité des terres,
diverses doses d'engrais ont été proposées. Ces doses ne
tiennent, malheureusement, pas compte de la spécificité des sols
des différentes régions voire des localités voisines. Or
apporter des doses d'engrais non appropriées aux sols et aux besoins des
cultures constitue une perte d'éléments nutritifs et un
gaspillage de devises et peut même conduire à une pollution de
l'environnement (Struif-Bontkes, 2002). De surcroît, le prix des engrais
est assez élevé (coût aggravé par la
dévaluation du FCFA1 ; Sokpoh, 1997) ; les paysans se
trouvent parfois dans l'impossibilité de respecter les doses
recommandées.
C'est dans ce contexte que les services de vulgarisation
agricole ont proposé sous culture de maïs, diverses doses
d'engrais pour tout le territoire togolais ;
parmi celles-ci, la dose de 150 kg de NPK 15-15-15 et 50 kg
d'urée pour les sols ferrugineux de la zone sud-ouest de la
région maritime. Cela a entraîné des pratiques paysannes
très diverses : apport de doses insuffisantes, apport unique de NPK ou
d'urée,...Ce fut un échec car les populations ne furent pas
associées à l'étude et leurs préoccupations
n'étaient pas prises en compte.
Ainsi, la tendance actuelle est d'accroître la
participation des paysans, non seulement dans la mise en oeuvre physique des
essais mais aussi dans l'identification des besoins de la recherche et dans la
conception et l'évaluation des programmes (Werner, 1996) puisqu'il est
clair que la participation active des paysans est indispensable pour le
développement de systèmes d'utilisation durable des sols ; la
recherche d'approches nouvelles s'est fortement orientée vers le
développement de méthodes insistant sur la
nécessité d'une interaction étroite entre les trois
systèmes de savoir notamment la recherche, la vulgarisation et la
pratique (Steiner, 1996).
L'approche « Apprentissage Participatif et
Recherche-Action » (APRA) préconise une interaction entre ces trois
systèmes et stimule la recherche paysanne en valorisant leurs
connaissances spécifiques. Cette approche, qui apparaît ainsi
être indiquée pour promouvoir l'adoption des technologies de
gestion intégrée de la fertilité des sols, sera
utilisée pour développer des recommandations de doses d'engrais
en tenant compte des expériences, des observations et des critiques
paysannes.
Par ailleurs, dans le but d'optimiser les apports d'engrais et
de rentabiliser les doses apportées, de raccourcir le temps de recherche
et de rendre durable cette exploitation des terres, des outils d'aide à
la décision (modèles) sont couplées à la mise en
oeuvre de cet apprentissage participatif.
Dans le cas de notre étude, le modèle
QUantitative Evaluation of Fertility of Tropicals Soils (QUEFTS) est
utilisé pour évaluer la fertilité des sols.
Notre étude a pour but de développer avec la
participation des paysans des recommandations de doses d'engrais
spécifiques aux sols du village de SévéKpota2
pour permettre leur utilisation optimale.
2 la carte présentant la zone d'étude
est en annexe 10
Le présent document comporte trois parties :
· La revue bibliographique consacrée à la
présentation de l'approche APRA utilisée pour la gestion
intégrée de la fertilité des sols et à celles du
modèle QUEFTS ;
· La section «matériel et méthodes»
décrit le cadre physique de l'étude et présente la
méthodologie et le matériel utilisés pour cette
étude ;
· et enfin la présentation des résultats
obtenus suivis de leur interprétation et de leur discussion.
I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 1.1 Le maïs
Le maïs (Zea mays L.) appartient
à la famille des Poaceae tout comme le mil, le sorgho et la canne
à sucre. Il constitue la seule espèce cultivée du genre
Zea (Dossa, 1991). On connaît cependant plusieurs variétés
de maïs qui se distinguent les unes des autres par certaines
caractéristiques notamment la précocité, la couleur du
grain, la texture du grain, ... (FAO, 1993).
Le maïs serait originaire de l'Amérique Centrale
notamment du Mexique d'où il s'est propagé vers le Nord jusqu'au
Canada et vers le Sud jusqu'en Argentine. Dans les langues indiennes
d'Amérique, maïs signifie littéralement « ce qui
maintient en vie » ; en effet le maïs occupe une bonne part des
rations alimentaires de nos populations. Après le blé et le riz,
c'est la céréale la plus répandue dans le monde (FAO,
1993).
Le maïs préfère un sol profond, bien
meuble, bien drainé, sablo-limoneux, riche en éléments
fertilisants et ayant un pH de 6-7 (Westphal et al., 1985 ). Il est très
sensible à la fertilité du sol et répond bien aux apports
d'engrais.
Au Togo la production de maïs représentait en 1999
un peu moins de 1% de la production totale de l'Afrique (qui réalise
elle-même 6% de la production mondiale) (Dzotsi, 2002). Dans la
Région Maritime, le maïs est la culture vivrière de base et
tout facteur affectant sa production affecte aussi directement ou indirectement
la subsistance des populations rurales.
Le maïs représente l'aliment de base pour nos
populations tant en zones rurales qu'urbaines. Aussi, la principale source de
revenu des paysans reste essentiellement le maïs qui contribue pour
près de 25 à 52% au revenu monétaire des paysans de la
région (MAEP, 1998).
1.1.1 Les besoins en eau du maïs
Le maïs est une plante exigeante en eau surtout à
certaines périodes-clés de sa croissance ; il absorbe des
quantités considérables pour la constitution de ses tissus. Ces
besoins sont surtout importants au moment de la floraison et
immédiatement après (Agate, 1999). Un déficit en eau
ressenti par la culture durant la pollinisation et la formation des grains
cause des pertes sévères de
rendement, surtout lorsque le sol est peu profond. Selon
Dzotsi (2002) qui cite la FAO, les besoins en eau du maïs varient entre
500 et 800 mm par saison de culture. Rouanet (1991) estime, quant à lui
que 500 mm d'eau bien répartis suffisent pour un maïs de 90 jours
en zone guinéenne.
1.1.2 Le rôle des éléments nutritifs
chez maïs
1.1.2.1 Les macro-éléments
Ce sont principalement l'azote, le phosphore et le potassium. Ils
interviennent à différents niveaux de croissance de la plante.
a. L'azote (N)
L'azote sert à la formation de la chlorophylle,
à la production photosynthétique des hydrates de carbone et
à la synthèse des protéines en se combinant au
métabolisme des hydrates de carbone pour donner des acides aminés
dont la polymérisation donne des protéines (FAO, 1980) ; moteur
de la croissance végétale et aliment de base de la plante, il est
déterminant pour l'obtention de bons rendements.
Le maïs préfère la forme nitrique. Cette
forme est dissoute dans la solution du sol et est très mobile. Les
risques de pertes étant grands, il faut alors l'apporter aux dates les
plus rapprochées de la période d'utilisation (montaison et
floraison). Selon Arnon (1975), durant la période d'initiation florale,
toute faim d'azote peut se traduire par une réduction sensible du nombre
de rangées de grains dans l'épi, conduisant ainsi à un
faible rendement
Selon Rouanet (1991), les besoins du maïs en azote sont
assez élevés. Les exportations d'azote par les parties
aériennes de la plante s'élèvent à 105 kg pour une
production de grains de 5 t ha-1 (les 2/3 sont exportés par
les graines). Pour Steiner (1996), ces exportations des grains sont plus
élevées et tournent autour de 100 kg pour la même
quantité de grains produits.
Les symptômes de carence en N sont les suivants :
plantes malingres et rabougries ; feuilles réduites et vert-pâle
ou jaunâtres : les vieilles feuilles sont les premières à
subir ce symptôme. Si la carence se prolonge et s'avère
particulièrement grave, elle peut entraîner la mort de ces
feuilles. La chlorose se manifeste chez les feuilles les plus
âgées et elle commence par les pointes et elle
est suivie de nécrose ; dessèchement et mort
prématurée des feuilles plus basses ; rendements faibles dus
à l'appauvrissement des épis en grain.
Par contre, une trop forte dose d`azote entraîne des
retards de maturation, une végétation trop luxuriante par rapport
à la production de graine et le phénomène de verse chez
les céréales (Clerc et al, 1982).
Les concentrations en azote3 varient entre 4,8 et
11,4 g kg-1 dans la paille et 6,7 et 26,7 g kg-1 dans les
grains (van Duivenbooden, 1996 ; Fofana et al., 2002).
Bien que l'importance des engrais azotés ait
été bien établie, leur utilisation reste très
limitée en Afrique de l'Ouest à cause du coût
élevé de l'azote, l'inefficacité du système de
distribution, les politiques agricoles inadéquates, le faible taux de
recouvrement des engrais azotés et d'autres facteurs
socio-économiques (Bationo, 1994).
b. Le phosphore (P)
Le phosphore joue un rôle moteur dans le
phénomène de la photosynthèse par le transfert
d'énergie à l'intérieur des tissus cellulaires. Il prend
également une part importante dans le métabolisme des substances
azotées dans la plante. Elément de qualité, il est
considéré comme un facteur de croissance qui favorise
particulièrement le développement racinaire
(élément important de la nutrition des plantes) (Sautier et al.,
1989). Le phosphore sert également à la composition des
chromosomes ARN et ADN (Tel, 1981).
Les exigences du maïs en phosphore sont moins importantes
que celles en azote ; les exportations de P par les parties aériennes de
la plante ont été estimées par Rouanet (1991) à 50
kg pour une production de grains de 5 t ha-1 (les 3/5 dues aux
graines ; Steiner -1996- évalue les exportations des grains seuls
à 75 kg).
Les symptômes de carence en phosphore sont variés
: croissance ralentie, plante rabougrie; feuilles vert-sombre et
violacées ou cuivrées au bout ou sur les bords ou, feuilles
rigides avec tâches rouges sur les plus âgées ; maturation
lente, les plantes restent vertes ; fruits malformés ou grains peu
remplies.
Les concentrations en phosphore varient entre 0,2 et 1,4 g
kg-1 dans la paille et 1,6 et 8,1 g kg-1 dans les grains
(van Duivenbooden, 1996 ; Fofana et al., 2002).
3 Voir les concentrations du maïs en N, P et K en
annexe 9.
c. Le potassium (K)
Il est considéré comme un élément
d'équilibre, de santé et de qualité. Le potassium
intervient dans la synthèse des protéines, des hydrates de
carbone et de la chlorophylle, dans le transfert et dans la conservation des
hydrates de carbone (Tel, 1989) et comme régulateur dans l'assimilation
chlorophyllienne. Le potassium améliore le régime hydrique de la
plante et accroît sa tolérance à la sécheresse, au
gel et à la salinité. Il lui donne plus de rigidité pour
lutter contre la verse et accroît la résistance de la plante aux
maladies cryptogamiques (Sautier et al., 1989 et Gros, 1979).
Les besoins du maïs en potassium sont aussi
élevés mais plus modérés que ceux en azote ; les
exportations de K par les parties aériennes de la plante ont
été évaluées par Rouanet (1991) à 75 kg pour
une production de grains de 5t.ha-1. Par contre Steiner (1996)
estime que les quantités de potassium prises par les grains avoisinent
les 125 kg ha-1.
Les symptômes de carence en K commencent par les
feuilles les plus âgées et se manifestent par une chlorose suivie
d'une nécrose sale de bord. La turgescence de la feuille est
réduite, le taux de respiration et de transpiration
s'élève, la résistance de la plante à la
sécheresse est réduite de même que la résistance au
froid car le K économise l'eau et réduit aussi le point de
congélation de la plante.
Les concentrations en potassium varient entre 7,8 et 21,6 g
kg-1 dans la paille et 3,1 et 11,3 g kg-1 dans les grains
(van Duivenbooden, 1996 ; Fofana et al., 2002).
d. Taux de recouvrement apparent des engrais
azotés, phosphatés et potassiques
Le taux de recouvrement mesure le rapport entre la
quantité d'éléments nutritifs prélevés par
la culture et celle apportée par les éléments
fertilisants. Il détermine la fraction de la quantité totale des
engrais apportés réellement absorbée par les cultures. Les
taux de recouvrement des engrais varient en fonction des sols et des modes de
gestion de ces sols.
Une revue de littérature sur l'utilisation des engrais
a permis d'évaluer le taux de recouvrement de l'azote à 0,35 et
celui du phosphore à 0,15 (Breman et Sissoko, 1998). Par
expérience, le taux de recouvrement du potassium est identique à
celui de l'azote. Les essais de l'IFDC, eux, situent les taux de recouvrement
de N et K à 50% et celui de P à 10% dans les régions
tropicales (van Reuler, 1997).
Fofana et al. (2002) ont réalisé à partir
de 1999 des essais à Sévé-Kpota pour mesurer
l'efficacité des engrais azotés et phosphatés après
l'amélioration du sol par le mucuna. Ces essais nous ont permis de
déterminer pour ce village des taux de recouvrement pour l'azote compris
entre 1 et 49%. Ces taux sont inférieurs à 38% en ce qui concerne
le phosphore.
Tableau 1.1 : Taux de recouvrement de l'azote et du phosphore
à Sévé-Kpota
Type de parcelle
|
Apport de fertilisants
|
|
1999
|
|
|
|
2000
|
|
|
Absorptions totales (Grains + paille) en kg
ha-1
|
Taux de recouvrement
|
Absorptions totales (Grains + paille) en kg
ha-1
|
Taux de recouvrement
|
N
|
P
|
N
|
P
|
N
|
P
|
N
|
P
|
|
N0P0
|
65,33
|
13,08
|
-
|
-
|
58,82
|
16,67
|
-
|
-
|
Avec
|
N50P0
|
65,37
|
14,58
|
0,1%
|
-
|
83,17
|
22,61
|
49%
|
-
|
jachère courte de
|
N100P0 N0P20
|
78,82 63,99
|
15,49
19,61
|
13% -
|
- -
|
90,26 59,13
|
22,69 19,58
|
31% -
|
-
|
mucuna
|
N50P20
|
77,94
|
20,49
|
28%
|
4%
|
72,89
|
25,83
|
28%
|
31%
|
|
N100P20
|
98,99
|
20,40
|
35%
|
4%
|
82,01
|
27,13
|
46%
|
38%
|
|
N0P0
|
66,90
|
11,96
|
-
|
-
|
71,37
|
15,92
|
-
|
-
|
Sans
|
N50P0
|
73,69
|
12,58
|
14%
|
-
|
88,56
|
19,57
|
34%
|
-
|
jachère courte de
|
N100P0 N0P20
|
81,90 79,12
|
14,25 22,78
|
15% -
|
- -
|
100,09 64,95
|
21,26 19,27
|
29% -
|
- -
|
mucuna
|
N50P20
|
102,03
|
27,90
|
46%
|
26%
|
81,96
|
22,01
|
34%
|
14%
|
|
N100P20
|
81,52
|
21,53
|
2%
|
6%
|
79,60
|
22,95
|
29%
|
18%
|
Source : Fofana et al. (2002)
1.1.2.2 Le rôle des éléments
secondaires
Le magnésium (Mg) est le constituant central de la
chlorophylle. Il participe aussi à des réactions enzymatiques
liées au transfert d'énergie.
Le soufre (S) est le constituant essentiel des porteurs
intervenant dans la formation de la chlorophylle
Le calcium (Ca) est indispensable pour la croissance des racines
et en tant que constituant des matériaux de la membrane cellulaires
L'importance des macro-éléments (N, P, et K), ne
doit pas nous amener à sous- estimer les autres éléments
secondaires qui interviennent en moindre quantité, certes, mais qui
jouent un rôle déterminant quant à la qualité du
produit Il est donc important de tenir compte aussi de ces
éléments dans l'alimentation minérale des plantes. Par
conséquent, l'idéal serait de réaliser une étude
analytique du sol avant de procéder à la mise en place de toute
culture, afin de déterminer le niveau de sa fertilité.
1.2 Les sols
1.2.1 Définition
Le sol, en agriculture, est la couche la plus superficielle de
l'écorce terrestre qui s'est transformée lentement par la
dégradation sous l'action des agents atmosphériques, de la
végétation et de l'homme et qui peut produire des plantes utiles
à l'être humain. Le sol est donc le site de la production agricole
et de la production économique. Le sol est une ressource non
renouvelable qui une fois détruit, l'est définitivement.
1.2.2 Les sols de la zone d'étude
Les sols de la zone d'étude (Sévé-Kpota)
sont de type ferrugineux tropicaux sur gneiss et granito-gneiss (Lamouroux,
1969). Les sols tropicaux se distinguent par leur stabilité et leur
capacité à supporter les nombreuses interventions humaines ; ils
ont subi une évolution plus longue et une altération plus
intensive que les sols des pays tempérés. Les sols ferrugineux
tropicaux se caractérisent par une altération poussée avec
une perte de bases entraînées en profondeur. D'après Worou
(1998), les sols ferrugineux, à eux seuls, représentent plus de
50% des sols du Togo.
Dans cette zone, de nombreuses subdivisions de la sous-classe
des sols ferrugineux tropicaux peuvent être observées. Cette
subdivision en groupes est basée sur le lessivage des argiles. On y
trouve particulièrement les sous-groupes lessivés à
concrétions et lessivés indurés qui représentent
à eux seuls près de 70% de l'ensemble des sols ferrugineux
tropicaux.
présence de concrétions ferrugineuses au sein du
profil. Selon les cas, les concrétions peuvent être
observées à l'intérieur des profils ou dans les horizons
de surface.
Les sols ferrugineux lessivés indurés
s'observent sur les mêmes positions topographiques que les ferrugineux
à concrétions. Les profils présentent les mêmes
morphologies dans les horizons supérieurs.
Dans ce vaste ensemble de sols ferrugineux lessivés, il
peut exister des variations locales où on observe des sols peu
évolués comme les sols d'apport colluvial. Ces sols
présentent un volume de sol plus important que les sols ferrugineux
précédemment cités car les formations indurées se
situent le plus souvent à des profondeurs importantes (souvent plus de 2
mètres ; Lévêque, 1979).
Le sol est détruit peu à peu par cause des
multiples dégradations qu'il subit.
1.2.3 La dégradation des sols
La dégradation, selon Brabant et al. (1996), est un
processus résultant de certaines activités humaines et qui
perturbe une, plusieurs ou toutes les fonctions essentielles du sol. Elle est
la diminution de la capacité d'une terre à atteindre un certain
rendement pour un type de sol (Douglas cité par Steiner, 1996) ; en
d'autres termes, cette dégradation des terres s'accompagne d'une
diminution de la productivité des terres ; Elle se présente sous
plusieurs formes : épuisement des éléments nutritifs,
perte des matières organiques et érosion du sol.
Au cours des 50 dernières années, 20% des terres
agricoles ont été dégradés de manière
irréversible (Steiner, 1996) ; 64% des terres agricoles
exploitées en Afrique subsaharienne sont considérés comme
faiblement productives (Steiner, 1996).
Au Togo, cette dégradation est plus ressentie au sud
dans la région maritime (au sud-est sur les terres de barres).
L'évolution de l'état de dégradation des terres
estimée sur une période de 45 ans est de 3 % par an si 1960 est
prise comme année de référence (Brabant et al.,
1996).
La restitution au sol de la matière organique et des
éléments nutritifs perdus grâce à l'utilisation des
fumures, particulièrement des engrais minéraux, permet de freiner
cette dégradation et, concomitamment, d'augmenter la productivité
des terres.
1.2.3.1 Le rôle de la matière organique dans
le sol
La matière organique du sol est l'ensemble des
substances carbonées provenant des débris végétaux,
des déjections et des cadavres d'animaux ainsi que des apports
méthodiques de l'agriculteur -épandage de fumier, incorporation
d'engrais organiques, etc (Lawson, 1993).
a. Effet sur les propriétés physiques du
sol
La teneur en MO du sol affecte les propriétés
hydrodynamiques, soit indirectement à travers l'effet sur sa structure
soit directement à travers la capacité de rétention d'eau
des substances humiques qui peuvent théoriquement retenir 15 fois leur
poids d'eau (FAO, 1995). La matière organique joue un rôle
très important dans la stabilisation de la structure du sol et son
fonctionnement : elle améliore leur structure ; elle les protège
contre la battance, l'érosion et le lessivage ; par sa teinte noire,
elle conserve la chaleur du sol.
b. Effet sur les propriétés chimiques du
sol
La matière organique est une réserve
d'éléments nutritifs pour les plantes. Par sa réaction
acide, elle entraîne la solubilisation des minéraux par
complexation. Dans les sols tropicaux, la MO fournit la grande partie de
l'azote et du soufre et 50% du phosphore prélevé par les cultures
non fertilisées. On remarque aussi des effets régulateurs de
croissance produits dans les sols par la matière organique dont les
effets antibiotiques contre certaines maladies bactériennes (IFA,
1992).
c. Effet sur les propriétés biologiques du
sol
La matière organique stimule l'activité
biologique du sol. Elle est le support et l'aliment des êtres vivants du
sol qui participent d'une manière très active à la
nutrition des plantes (Lawson, 1993). Elle peut libérer des activateurs
de croissance qui favorisent la nutrition des plantes et leur résistance
au parasitisme et maladies.
d. Effet de la MO sur le rendement des cultures et la
qualité des récoltes
Selon Pichot (1985), sur sols ferralitiques à
Madagascar, la matière organique (MO) a une influence
bénéfique sur la fertilité, les propriétés
biologiques, chimiques et physiques du sol contribuant ainsi à une
production efficace des cultures et à la conservation des sols.
D'après Agboh (1991), la restitution de la paille a un effet positif sur
le rendement en grain de maïs mais pas moins important que celui du
compost (voir Figure I.1.)
|
4 3.5 3 2.5 2 1.5
|
|
|
paille enlevée paille restituée compost
|
1991 1992 1993
années
Figure 1.1 : Rendement en grains de maïs à
Davié (Agbo' 1994)
Sur sols ferrugineux au Burkina-Faso avec 10 t ha-1
de fumier, des rendements en grain de maïs de l'ordre de 2,5 t
ha-1 sont obtenus alors que le témoin sans fumier donne
à peine 1,5 t ha-1 pour les mêmes traitements (Kekeh,
1999).
De plus, les travaux de Tamélokpo et al. (2002), sur
les sols ferrallitiques de 1998 à 2001, montrent que l'apport de
matière organique au sol par l'utilisation du mucuna (système
cultural rotation maïs-mucuna-engrais) permet d'obtenir des gains de
rendements (de plus de 2 t ha-1) par rapport aux témoins qui
ne comporte pas de mucuna (voir tableau I.5.)
Tableau 1.2 : Rendements et gains dus à l'utilisation des
options technologiques
Options de gestion de la fertilité du sol
|
Rende- ment (t ha-1)
|
Gain par rapport Gain rapport
aux PP1 (t ha-1)
aux PP2 (t ha-1)
|
Pratique paysanne (PP1)
|
0,8
|
-
|
-
|
Pratique paysanne + Engrais (PP2)
|
1,8
|
-
|
-
|
Maïs Mucuna Continu
|
1,9
|
1,1
|
0,1
|
Maïs Mucuna Continu + Engrais
|
3,8
|
3,0
|
2,0
|
Rotation Maïs Mucuna
|
2,7
|
1,9
|
0,9
|
Rotation Maïs Mucuna + Engrais
|
4,2
|
3,4
|
2,4
|
Rotation Maïs Manioc
|
2,6
|
1,8
|
0,8
|
Rotation Maïs Manioc + Engrais
|
4,1
|
3,3
|
2,3
|
CV = 24.5 PPDS 5% = 0.8
Source : Tamélokpo et al. (2002)
On sait désormais qu'un apport régulier et
notable de MO (résidus végétaux, fumier), combiné
à des applications chimiques, permet de développer des
systèmes de production intensifiés et durables (Breman et
Sissoko, 1998).
1.2.3.2 Le rôle des engrais chimiques dans le
sol
D'après Tel (1981) l'absorption des
éléments nutritifs du sol par les cultures ne peut
s'opérer indéfiniment. Il faut rendre au sol ce qu'il a perdu par
l'apport d'engrais organiques ou inorganiques ; les quantités
apportées correspondant aux quantités absorbées par les
plantes et celles perdues par lessivage, érosion ou fixation (par
dénitrification dans le cas de l'azote). Les carences en
éléments nutritifs affectent la croissance des
végétaux et réduiront leurs rendements agricoles
Selon Pieri (1989) et Stoorvogel et Smaling (1990),
près de 100 millions d'hectares de savane auraient perdu au cours des
trente dernières années, 700 kg ha-1 de N, 100 kg
ha-1 de P et 450 kg ha-1 de K. L'utilisation des engrais
organiques et minéraux devient donc une impérative pour
accroître la production agricole. Agbo (1994) va plus loin en affirmant
que l'augmentation de rendement n'est possible que si les
éléments minéraux exportés du sol sont
régulièrement remplacés). Selon Sokpoh (1997), l'usage des
engrais constitue l'une des approches de conservation des sols dans nos pays
où le problème de la dégradation et de la rareté
des terres cultivables se pose de plus en plus avec
acuité ; ce manque relatif de terres cultivables, ne
permettant plus la pratique de l'agriculture extensive, exige que nos
agriculteurs optent pour l'intensification.
Les engrais chimiques ont pour rôle essentiel d'apporter
les éléments nutritifs aux plantes. Ils sont
appréciés pour leur effet rapide et leur facilité
d'emploi. On connaît cependant certaines limites à leur
utilisation : selon Kekeh (1999) qui cite Tandon, l'efficacité des
engrais se révèle souvent inférieure aux attentes
escomptées. Pour les cultures en milieu tropical, les pertes d'azote
peuvent atteindre 50% ; en riziculture irriguée elles sont rarement
inférieures à 30% (Wopereis et al. 1999).
En situations plus défavorables telles que les fortes
pluviométries, les périodes sèches prolongées, les
sols érodés ou pauvres en matière organique, les engrais
contribuent à accentuer l'effet de la sécheresse et donc
entraînent une baisse du potentiel de production. De plus selon Kekeh
(1999), l'utilisation continue et exclusive d'engrais chimiques de type NPK
entraîne l'acidification du sol, son appauvrissement en
oligo-éléments et à moyen terme, la diminution de la
production. Ainsi leur utilisation doit être couplée à des
amendements et particulièrement organiques (apport de matière
organique) pour une agriculture durable. En effet, les travaux de Lamboni
(2000) sur les terres de barre dans le sud du Togo montrent que la
fertilisation azotée et phosphatée du maïs présente
une grande efficacité agronomique sur les parcelles
améliorées avec du mucuna (riches en MO) que sur celles non
améliorées soumises à des cultures continues de maïs
(pauvres en MO). Il a été aussi démontré qu'une
utilisation efficace des engrais dépend du niveau de fertilité du
sol et que les sols dégradés peuvent être
régénérés par des applications de MO et/ou par
l'amélioration de sa qualité. Pour les sols encore suffisamment
fertiles, cette fertilité peut être maintenue par une gestion de
la MO.
Dans les pays de l'Afrique sub-saharienne, les sols sont
exploités sans ou avec très peu d'apport d'engrais organiques et
minéraux. C'est pourquoi certains auteurs comme Bationo (1994),
caractérisent l'agriculture africaine de minière « en ce
sens qu'elle prélève du sol, chaque année, plus
d'éléments nutritifs qu'elle n'en retourne au sol » ;
c'est l'une des causes de dégradations des sols.
1.3 La fertilité du sol et notion de
GIFS
1.3.1 Définition de la fertilité du
sol
La fertilité du sol a été définie et
redéfinie par de nombreux auteurs.
Adjétey-Bahun (1991) la définit comme l'aptitude
des sols à fournir (en quantité optimale et au moment opportun)
aux plantes cultivées tous les facteurs nécessaires à leur
croissance et à leur production. Autrement dit, elle est la combinaison
de toutes les propriétés physiques, chimiques et biologiques des
sols qui conditionnent la croissance des plantes, en général, et
des cultures en particulier.
La fertilité du sol est habituellement vue en tant
qu'équivalent de la capacité du sol à fournir des
nutriments aux plantes. En un sens plus étroit, la fertilité du
sol traite seulement des aspects nutritifs du sol, et plus souvent seulement
des macro-éléments, habituellement l'azote et le phosphore et
parfois le potassium. Wopereis et Maatman (2002) parlent plutôt du «
capital d'éléments nutritifs » qui se définit comme
les stocks d'azote, de phosphore et d'autres éléments essentiels
du sol qui deviennent disponibles aux plantes pendant une période de 5
à 10 ans.
Selon Agboh (1994), la fertilité du sol est l'aptitude
d'un sol à produire des récoltes en fonction de ses
qualités intrinsèques et des techniques culturales
utilisées. Il identifie deux types de fertilités : la
fertilité actuelle qui est l'aptitude à produire dans des
conditions actuelles de culture ; elle se mesure sur le rendement obtenu. La
fertilité potentielle, par contre, est cette aptitude à produire
dans les conditions optimales de nutrition (par suite de l'activité
humaine sur les facteurs modifiables de la fertilité). Elle mesure le
rendement maximum.
La couleur du sol est un important facteur pour
déterminer le niveau de fertilité d'un sol. La couleur des sols
vient le plus souvent des oxydes de fer ou de la matière organique qui
recouvrent les surfaces de particules du sol. Les sols riches en MO sont de
couleur brune à noire. Les sols noirs sont, en
général plus fertiles que les sols qui ont une couleur moins
foncée, à cause d'un taux de MO plus élevé (Defoer
et al., 2002).
1.3.2 La gestion intégrée de la
fertilité du sol (GIFS)
La GIFS est une notion assez complexe et plusieurs
définitions sont proposées pour définir ce concept
Dans un sens plus large, la gestion intégrée de
fertilité du sol (GIFS) se réfère à la meilleure
utilisation des stocks d'éléments nutritifs du sol, des
amendements localement disponibles et des engrais minéraux dans le but
d'augmenter la productivité des terres tout en maintenant (voire en
augmentant) la fertilité du sol (Wopereis et Maatman, 2002).
La FAO (2000) parle plutôt de Integrated Soil
Nutrients Management (ISNM) ou Gestion Intégrée des
Nutriments du Sol, un terme voisin de la GIFS et propose une définition
qui semble beaucoup plus vaste. ISNM est défini dans un sens holistique
beaucoup plus large du concept de « gestion conservatoire des
terres» ; il embrasse le sol, les aliments, l'eau, les
récoltes et les procédés de gestion de la
végétation adaptés à un système particulier
d'emblavage et d'exploitation des terres, entrepris dans le but
d'améliorer la fertilité du sol et d'augmenter leur
productivité. L'ISNM vise à optimiser l'état du sol, en ce
qui concerne ses propriétés physiques, chimiques, biologiques et
hydrologiques, afin d'augmenter sa productivité tout en réduisant
au mieux la dégradation des terres.
Selon Janssen (1993), la gestion intégrée de la
fertilité des sols comprend l'emploi combiné des engrais
minéraux et organiques de façon à appliquer les nutriments
nécessaires et à maintenir la MO du sol. Ceci relève du
fait que ces deux formes d`engrais ne sont pas concurrentes mais
complémentaires.
La GIFS est une stratégie regroupant un certain nombre
d'options technologiques :
· l'amendement du sol à travers
l'amélioration du taux de matière organique (engrais vert,
agroforesterie, résidus de récolte, ...) ; du capital du
phosphore (phosphates naturels, engrais phosphatés solubles) et/ou du pH
du sol (dolomies, gypse, ...)
· les méthodes d'élévation de la
fertilité des sols à des niveaux de production agricole plus
intensive à travers une combinaison optimale des fertilisations
organiques et minérales ;
· les méthodes complémentaires pour
améliorer la productivité des terres, de la main-d'oeuvre et du
capital investi (méthodes de conservation des eaux et des sols,
variétés améliorées, traction animale, ...)
Bien que beaucoup de technologies en nos jours en
matière de GIFS aient, cependant, été
développées dans la zone semi-aride de l'Afrique de l'Ouest, y
compris au Togo, très peu de paysans les utilisent. C'est pourquoi
certains chercheurs comme Werner (1996) ont suggéré qu'à
l'avenir, l'accent soit mis sur la recherche en milieu réel, avec la
participation des paysans. L'une des approches de recherche en milieu paysan
est l'apprentissage participatif recherche-action.
1.4 L'apprentissage Participatif et
Recherche-Action
(APRA)
De nombreux projets d'utilisation durables des sols ont
échoué pour à cause de l'approche sectorielle de ces
projets, du manque d'intégration dans les structures existantes, d'une
durée opérationnelle assez courte, du manque de technologies
disponibles et principalement à cause du manque de participation des
groupes-cibles (Steiner, 1996). Selon ce même auteur, le transfert de
technologies que l'on encourageait autrefois et qui consistait à
développer des solutions au niveau de la recherche, puis à les
diffuser au travers de systèmes de vulgarisation s'est
révélé inadéquat
Vers la fin des années 70, plus d'attention a
été prêtée aux contraintes paysannes et à la
complexité des réalités rurales (Struif-Bontkes et
Wopereis, 2003 ; Werner, 1996). La recherche d'approches nouvelles s'est
fortement orientée vers le développement de méthodes et
insiste sur la nécessité d'une interaction étroite entre
les trois systèmes de savoir (recherche, vulgarisation, pratique).
Ainsi, Les recherches en station ont été remplacées par
les recherches in situ et les fermiers sont devenus des partenaires au lieu
d'être simplement des récepteurs passifs d'information. Il s'agit
de l'approche participative.
Ce développement, quoique louable, faisait
malheureusement face à des problèmes, pour tenir compte des
variabilités paysannes : les solutions qui fonctionnent dans une
situation particulière peuvent ne pas fonctionner dans une autre
(Struif-Bontkes et Wopereis, 2003). En d'autres termes, il n'existe pas de
solutions passe-partout ; les technologies développées dans le
cadre de certains
projets ne peuvent être que partiellement
généralisées et transférées à des
situations particulières. Ce que l'on souhaite, ce sont des solutions
spécifiques à des situations particulières ; le
développement de telles solutions nécessite une connaissance
précise des conditions locales (Steiner, 1996).
Dans de telles conditions, les approches traditionnelles de
recherche ne conviennent plus, et doivent, par conséquent être
remplacée par une capacité d'analyse et de compréhension
des situations pour offrir des options alternatives afin de résoudre un
problème. C'est dans ce contexte que l'approche « Apprentissage
Participatif et Recherche-Action » constitue une approche de solution pour
une utilisation durable des sols.
L'Apprentissage Participatif et Recherche-Action est
basé sur l'établissement d'un dialogue permanent entre les
populations et les agents techniques, sur le respect mutuel et le principe de
partenariat ainsi que sur la reconnaissance du savoir-faire local. Il est une
approche d'éducation paysanne axée sur la formation des adultes
en groupe, exploitant les expériences des paysans-membres de ce
groupe.
L'APRA met un accent particulier « sur la
valorisation des connaissances et savoirs des populations locales et leur
combinaison avec la connaissance scientifique moderne » (Gueye et
Freudenberger, 1991). Selon Steiner (1996) qui cite Habarurema, les
paysans possèdent une très bonne connaissance de leurs sols et
utilisent leur propre classification. Celle-ci s'appuie sur des critères
tels que la structure, la couleur du sol, les capacités de drainage et
de rétention en d'eau et l'aptitude pour certaines cultures, pour n'en
citer que quelques-unes. La connaissance de la classification locale
des sols facilite la discussion avec les paysans et avec le personnel local de
vulgarisation.
Ces populations ont développé diverses techniques
d'amélioration de la fertilité du sol.
Le curriculum APRA dure toute la saison et les
activités suivent les stades de développement de la culture et
les pratiques culturales. Les paysans analysent eux-mêmes leurs
pratiques, découvrent les problèmes et cherchent des solutions.
Au lieu de diffuser ou de transférer des technologies issues des
services de recherche/vulgarisation, les animateurs/facilitateurs aident les
paysans à découvrir eux-mêmes des solutions et ainsi
à augmenter leur capacité de « bons » gestionnaires de
leurs cultures.
APRA ne cherche pas les meilleures solutions du point de vue
scientifique, mais celles qui sont pratiques, applicables et adaptées
à des situations spécifiques. (Defoer et al., 2002).
En Côte d'Ivoire, cette approche a été
utilisé pour la Gestion Intégrée de la Riziculture en
Afrique sub-saharienne (APRA-GIR) et y a donné des résultats
satisfaisants par une exploitation optimale et durable des rizières et
une maîtrise des eaux d'irrigation.
L'approche APRA a pour objectifs :
· de développer la capacité paysanne
d'observation et d'analyse de sa gestion des cultures afin d'identifier les
contraintes majeures et de tester, d'adapter, d'innover des possibilités
d'amélioration pour une gestion intégrée de la
fertilité des sols ;
· de faciliter l'apprentissage pour mieux prendre des
décisions raisonnées ; décisions qui aboutiront à
une GIFS afin de rendre les sols plus productifs et ce, de façon
durable.
APRA-GIFS est une activité financée dans le
cadre du projet FIDA coordonné par le Programme Intensification
Intégrée (PII) de l'IFDC-Division Afrique4 Il a pour
but de coupler la GIFS à l'approche participative paysanne afin de
rendre les agriculteurs capables de gérer effectivement leurs terres
pour une agriculture durable. Il se base sur une gamme d'outils d'apprentissage
ayant pour but principal d'inciter à échanger les
expériences, à observer, à stimuler la réflexion
des paysans, à analyser, à conceptualiser et à
expérimenter. Les outils d'apprentissage de APRA-GIFS, sont largement
inspirés par les manuels APRA-GIR de Defoer et al. (2002) et Wopereis et
al. (2002). Ce sont le calendrier agricole, la carte de terroir, le transect,
les sessions plénières d'échange, l'observation de
terrain, la synthèse et restitutions d'observations, les parcelles
d'apprentissage, l'expérimentation, la fiche de suivi et
l'évaluation des acquis :
· le calendrier agricole permet aux
paysans d'avoir une vue globale des périodes d'activités
agricoles (semis des différentes cultures, sarclages, apports d'engrais,
...) afin de mieux planifier les bonnes pratiques culturales. Il permet
de comprendre les changements qui s'opèrent tout au long
de l'année (Gueye et Freudenberger, 1991) ;
· la carte du terroir villageois donne
une vision aérienne de l'espace. C'est une représentation des
éléments clés relatifs à la forme, la morphologie,
l'hydrologie, la pédologie, la végétation et l'occupation
du terroir ; elle permet aux paysans d'avoir une vue globale de leur terroir
afin de pouvoir analyser les contraintes et potentialités de celui-ci en
vue des actions d'amélioration. Gueye et Freudenberger (1991) vont plus
loin en disant qu'elle donne une idée sur la perception des populations
de leur environnement et des ressources qui y existent ;
· le transect : C'est une coupe
horizontale de l`espace villageois (Gueye et Freudenberger, 1991). Il consiste
à parcourir de façon longitudinale et transversale le terroir. Le
parcours peut aussi être circulaire ou un peu tortueux. Le groupe faisant
le transect s'arrête à chaque unité identifiée par
les paysans et discute des types de sols et leurs caractéristiques, la
végétation dominante, les cultures, les pratiques,... Il
complète la carte de terroir. Il consiste à prendre comme point
de départ une limite du village ou de la zone étudiée et
de marcher jusqu'à la limite opposée. Il est très
important d'atteindre les limites extrêmes du village car certaines
activités qui s'y déroulent sont souvent ignorées (Gueye
et Freudenberger, 1991) ;
· les sessions plénières
d'échange d'expériences et l'introduction de nouvelles
idées par l'équipe : le premier module se base sur les
connaissances et pratiques paysannes et consiste en un échange
d'expériences entre les paysans ; il permet aux facilitateurs que sont
les chercheurs de mieux saisir les éléments qui ne sont pas
maîtrisées par les paysans et ainsi d'ajuster le contenu du module
pour compléter les connaissances paysannes. Le second module s'inspire
du premier et traite d'un ou de plusieurs idées non
maîtrisées par les paysans et qui nécessitent des
explications des facilitateurs ;
· l'observation de terrain en sous-groupes :
les observations se font aux différents stades de
développement de la culture. Elles concernent les essais, les
problèmes de mauvaises herbes, le comportement de la culture ;
· La synthèse et restitution
d'observations : Après les sorties de terrain, une restitution
est faite au lieu choisi par les paysans pour les rencontres («
Centre
APRA-GIFS ») pour faire des restitutions et
synthèses. Les résultats sont présentés et
analysés. Ceci dans le but de comprendre les causes ou les facteurs qui
sont à la base de ce qu'on voit
· Les parcelles d'apprentissage :
après la synthèse, il est choisi des parcelles pour permettre aux
paysans d'appliquer les nouvelles techniques apprises ;
· l'expérimentation : les
paysans sont encouragés à se décider à tester les
nouvelles idées sous forme d'expérimentation. C'est une
manière de tester de façon systématique un ensemble
d'options, normalement en comparaison avec la technique conventionnelle. Elle
comprend plusieurs aspects notamment : la conceptualisation, la mise en place,
le suivi, les visites d `observations, l'analyse des données et la
restitution des résultats qui se font d'une façon
concertée entre les paysans eux-mêmes et entre l'équipe de
facilitateurs et les paysans. Les expérimentations jouent un rôle
important dans l'adaptation des technologies aux conditions locales ;
· la fiche de suivi : le suivi et
l'évaluation de la mise en place des nouvelles techniques sont
nécessaires pour analyser l'efficacité des techniques GIFS et
d'obtenir des renseignements permettant d'améliorer les techniques et
l'approche APRA-G IFS ;
· L'évaluation des acquis :
à la fin de chaque module une petite évaluation est
faite. Elle comprend l'appréciation de ce qui est
apprécié ou non par les paysans, l'apprentissage
(évaluation des connaissances avant et après le module) et
l'utilité des nouvelles connaissances (les paysans comptent-ils les
appliquer ?) ;
Au cours de la saison où nous avons travaillé, les
modules de APRA-GIFS n'ont pu être systématiquement suivis.
Les connaissances indigènes jouent certes un
rôle important, dans un monde changeant rapidement mais les solutions
empiriques et efficaces du passé peuvent ne pas s'appliquer dans la
situation actuelle ; ce qui fait appel à l'utilisation de la
connaissance scientifique (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003) et tout
particulièrement aux outils d'aide à la décision que sont
les modèles.
1.5 Les modèles
1.5.1 Qu'est qu'un modèle ?
Un modèle, dans le domaine agricole, est un outil qui
intègre les connaissances acquises sur les systèmes agricoles. Il
permet de décrire et de comprendre un système donné. C'est
selon Dzotsi (2002) qui cite plusieurs auteurs (Hétier et al,
O'Callaghan et Struif-Bontkes), une représentation statique ou
dynamique, subjective, simplifiée et sélective de la
réalité faisant intervenir des formules mathématiques pour
définir les relations entre certains éléments. Le
modèle ne peut donc avoir la prétention de représenter
parfaitement la réalité puisqu'il n'est issu que de la
connaissance que son concepteur possède de cette réalité
et du but que celui-ci poursuit
Ils peuvent permettre aussi de fournir rapidement des
solutions de rechange faites sur mesure pour la gestion des cultures et du sol
dans un environnement particulier, ils sont très appropriés pour
être employés dans le développement et la diffusion
participatives des options de GIFS (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003).
Plusieurs modèles d'utilité agricole sont
connus mais il est possible de les regrouper selon plusieurs critères.
Le plus simple des critères permet de distinguer deux grandes
catégories : les modèles dynamiques et les modèles
statiques.
Les modèles dynamiques simulent la
dynamique de croissance, de développement, le rendement des cultures
voire les différents stress environnementaux ayant agit sur ces
cultures. On peut citer le DSSAT (Decision Support System for Agrotechnology
Transfer), APSIM (Agricultural Production Systems Simulator), EPIC-Phase
(Erosion/Productivity Impact Calculator), COTONS,...
Les modèles statiques
définissent l'état d'un système réel à un
moment donné, indépendamment des variations qui peuvent
intervenir dans ce système en fonction du temps. Ils ne tiennent pas
compte de l'influence des facteurs environnementaux (mauvaises herbes, insectes
et autres) sur les rendements de la culture. Nous pouvons citer à part
le modèle QUEFTS que nous avons utilisé, Nu MaSS (Nutrient
Management Support System), NUTMON (Monitoring nutrient flows
and economic performance in tropical farming systems), etc.
1.5.2 L'utilité des modèles
L'utilité des modèles peut être
envisagée sous différents aspects : comme outils de recherche,
d'aide à la décisions ou d'enseignement
1.5.2.1 Les modèles comme outils de
recherche
Les modèles permettent d'identifier les lacunes dans
nos connaissances ; les fausses hypothèses et de fournir de nouveaux
aperçus. Ils permettent aussi de générer et tester des
hypothèses et aider à concevoir les expérimentations, ...
(Ezui, 2001 ; Sinclair et Seligman, 1996). Ainsi, les modèles sont
utilisés dans la recherche fondamentale où ils aident à
faire des prévisions de récolte, des analyses de risques (effets
des dates de semis), à mettre au point des priorités pour la
recherche appliquées, à réduire les coûts de la
recherche empirique et même à mener des expériences
théoriques au cas où les expériences pratiques ne sont pas
faisables.
Les modèles comme SIG (Système d'Information
Géographique) peuvent aussi être utilisés comme outils
d'exploration pour trouver les sites idéaux pour certains types de
recherche après avoir précisé les critères de
sélection. Par exemple comme critères, nous pouvons demander au
modèle de nous trouver les zones ayant une pluviométrie comprise
entre 900 et 1100 mm/an dont les sols sont ferrugineux avec une profondeur
supérieure à 40 cm et où la densité de population
est inférieure à 10 habitants au km2. Ceci requiert,
cependant l'établissement d'une base de données fiable.
Certains modèles peuvent également
détecter des anomalies dans les donnés recueillies, par exemple
quand des rendements élevés sont obtenus sans engrais sur des
sols pauvres (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003).
1.5.2.2 Les modèles comme outils d'aide à
la décision
Selon Matthews et al. (2000), beaucoup de modèles
utilisés dans la recherche sont promus pour leur aptitude à
faciliter les prises de décision : exemples du choix des pratiques de
gestion optimale des terres, aider les paysans à déterminer le
niveau optimal de semis, les doses d'engrais et les protections sanitaires. Ils
peuvent intervenir, d'après Penning de Vries (1990), dans trois types de
décisions définies à l'échelle temporelle : les
décisions opérationnelles
(prises au cours d'une saison de culture), des décisions
tactiques (prises une fois par saison) et les décision
stratégiques (prenant effet sur plusieurs saisons).
Les modèles peuvent également aider :
· à réduire les pertes
d'élément nutritifs par une meilleure évaluation des flux
de nutriments (cas de NUTMON) ;
· à une meilleure utilisation des ressources
disponibles en identifiant par exemple les sources de matières
organiques qui peuvent être facilement compostées ou directement
appliquées comme mulch et source d'approvisionnement en nutriments ;
· à accroître une utilisation plus efficace
des fertilisants. Les modèles comme DSSAT peuvent permettre d'identifier
les périodes idéales pour les apports de fumure en fonction de la
variété cultivée et de la date de semis.
· à faire des analyses de risques et de
bénéfices qui sont très importants pour l'agriculteur. Le
modèle DSSAT permet par exemple de prendre une décision sur les
variétés qui peuvent être semées par le paysan
lorsque celui-ci a pris du retard sur le début de la saison agricole.
· etc.
Cependant, en raison de leurs limites (voir plus loin), les
outils d'aide à la décision doivent être employés
avec précaution et il est important de garder en l'esprit que les outils
d'aide à la décision ne peuvent suppléer l'activité
de prise de décision ; ils constituent juste une aide pour orienter la
prise de décision.
1.5.2.3 Les modèles comme outils
d'enseignement
L'utilisation des modèles est de grande importance
aussi bien pour l'étudiant que pour l'enseignant ; nous ne citerons ici
que quelques exemples de l'utilité des modèles. Les
modèles de simulations peuvent être utilisés pour
étudier le cycle de développement d'une plante (trop long
à suivre pour la durée d'un cours) ou pour contrôler
l'effet des facteurs environnementaux -climats, ravageurs, maladies,
...-(exemple de modèles : COTONS, DSSAT,).
L'utilisation des modèles n'est cependant pas sans
risques. Les modèles présentent certaines limites auxquelles les
scientifiques doivent remédier (Penning de Vries et Rabbinge 1995) :
degré de précision des résultats inconnus, contrôle
de qualité insuffisant par manque de critères devant justifier
cette qualité
et une trop grande simplification des
phénomènes réels. A ces limites, nous pouvons
également ajouter, la rareté des données d'entrée
des modèles, en particulier dans nos pays, la difficulté ou
l'absence de collecte de données pour l'évaluation des
modèles, le manque d'outils informatiques adéquats, le nombre
insuffisant de scientifiques formés en la matière, etc. Aussi un
modèle est-il souvent développé par rapport à des
conditions environnementales spécifiques d'une zone et sa simplification
signifie que ces conditions, qui sont difficilement trouvées dans la
réalité, soient remplies avant que ces résultats ne
puissent être fiables. Nous pouvons enfin citer comme limites le manque
de fiabilité de certaines données (résultats d'essais,
analyses chimiques de sol, analyses végétales,...) et la
pertinence de la structure du modèle (le modèle QUEFTS par
exemple ne tient pas compte de la pluviométrie, de la densité de
semis, de la variété, de l'influence des mauvaises herbes,
...).
1.5.3 L'utilisation des modèles en
Afrique
La notion de modèle en agriculture est encore nouvelle
en Afrique. En 1999, IFDC-Division Afrique dans le cadre du projet
COSTBOX5, a commencé par promouvoir l'utilisation d'un
certain nombre d'outils d'aide à la décision pour la gestion de
la fertilité du sol et des cultures par les petits producteurs de
l'Afrique sub-saharienne. Malgré tous les efforts fournis, l'utilisation
des modèles demeure toujours très faible en Afrique. Plusieurs
raisons sont évoquées pour expliquer la faible expansion de
l'utilisation des modèles en Afrique (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003)
:
· les outils d'aide à la décision ne cadrent
pas suffisamment avec la complexité des exploitations des petits
producteurs en Afrique sub-saharienne ;
· certains de ces outils nécessitent beaucoup de
données qui sont souvent soit indisponibles, soit peu fiables ;
· le manque de connaissances sur leur utilisation ;
· Et enfin, beaucoup d'institutions qui doivent promouvoir
l'utilisation de ces outils se cantonnent sur un outil particulier alors que,
la complexité et la diversité des
5 COSTBOX (A Client-Oriented Systems Toolbox for
Technology Transfer Related to Soil Fertility Improvement and Sustainable
Agriculture in West Africa) est un projet financé par et a
été exécuté en collaboration avec un certain nombre
d'instituts de recherche agronomique et d'universités de la sous-la
région. Il a pris fin en décembre 2002.
exploitations des petits producteurs de l'Afrique
sub-saharienne requièrent, pour une approche plus souple et plus
orientée, une sélection d'un ensemble d'outils d'aide à la
décision à partir desquels on peut choisir un outil ou une
combinaison d'outils qui peut, avec succès, s'attaquer au
problème.
COSTBOX a aussi montré que le problème ne
résidait pas dans la manipulation de l'outil, mais plutôt dans
tous les processus d'identification du problème et de l'outil
approprié, dans la collecte des données et leur application au
modèle afin d'obtenir des résultats pouvant conduire à la
solution au problème posé. De plus de ces raisons, il faut
souligner que peu d'agronomes africains connaissent l'utilisation des
modèles. Il est donc impérieux de promouvoir la formation des
utilisateurs potentiels des modèles (chercheurs, consultants,
éducateurs et formateurs, vulgarisateurs).
1.5.4 Le modèle QUEFTS
1.5.4.1 Présentation de QUEFTS
Le modèle QUEFTS a été mis au point
à la suite d'expérimentations portant sur la culture de maïs
de 1971 à 1983 au Kenya et au Suriname. La version actuelle (version
1.1.) sortie en 1990 est calibrée pour le maïs sous les conditions
agro-écologiques des deux pays sus-mentionnés et fonctionne sous
MS-DOS®. Mais il est possible de l'adapter pour d'autres
cultures (Janssen et al.., 1992) et de le traduire en version Excel
2000 (Struif-Bontkes, 2002)6. Il permet de déterminer
indépendamment du temps, les relations entre certaines
caractéristiques du sol, l'application de l'engrais et le rendement des
cultures. Pour prédire le rendement de la culture, le modèle
évalue la capacité d'approvisionnement en N, P et K du sol et
estime l'absorption de ces éléments. C'est l'un des
modèles qui prennent simultanément en compte l'effet des trois
éléments sus-mentionnés dans la prédiction de
rendement. Il est idéal pour les sols tropicaux (Ezui, 2001). Par son
aptitude à évaluer la fertilité du sol, il est souvent
utilisé dans les recommandations de doses d'engrais à appliquer
(cas des rizières irriguées au Vietnam rapporté par Tran
Thuc, 2003).
6 Struif-Bontkes, 2002 : communication orale
1.5.4.2 Les potentialités de QUEFTS
QUEFTS est une approche d'évaluation de la
fertilité des sols qui, selon EZUI (2001), a plusieurs utilités
:
· estimation de l'approvisionnement potentiel du sol en
azote, phosphore7 et potassium (N, P et K) sur la base des
données relatives à la composition chimique de ce sol.
· estimation de l'absorption actuelle du N, P K par la
culture
· estimation du rendement de la culture à l'aide des
rapports rendement/absorption8
· quantification de la contribution de la fertilisation
(engrais) à l'approvisionnement en azote, en phosphore et en
potassium, à leur absorption et à l'accroissement relatif du
rendement
· l'optimisation des doses d'engrais azotés,
phosphatés et potassiques à apporter. Ceci peut se faire de deux
manières :
· Optimisation nutritionnelle : les doses de N,
P, K les plus équilibrées sont calculées en tenant compte
de l'actuel approvisionnement en N, P, K dans le sol et de l'argent disponible
pour les dépenses pour l'engrais à l'hectare. Cette
procédure augmente l'efficacité de l'absorption puisque
absorption et rendements sont directement liés dans le modèle
;
· Optimisation économique : cette
procédure vise à déterminer les doses d'engrais
azotés, phosphatés et potassiques les plus profitables. Le
même budget est dépensé mais de préférence,
ce sont les engrais moins chers qui sont les plus utilisés.
L'équilibre des nutriments (N, P, K) est modifié par rapport au
cas précédent, mais le profit augmente normalement. C'est une
optimisation qui correspond seulement à des aspects de coût des
engrais et de la valeur du rendement
7 Pour la détermination du phosphore
assimilable, le modèle requiert le P-olsen ; P-Olsen est une
méthode d'extraction de la quantité de phosphores assimilables
présents dans un sol. Elle utilise comme réactif le bicarbonate
de soude 0.5 N
8 Les rapports rendement/absorption font partie
des paramètres du modèle QUEFTS. C'est la valeur de la production
pour 1 kg d'élément absorbé. Sa valeur varie selon que la
quantité de l'élément absorbé est concentrée
(valeur faible), ou diluée dans la culture (valeur
élevée).
Le principe de détermination (prédiction) du
rendement concerne surtout les cinq grands premiers points (cf. figure I.2).
Données de sol
· C-org
·
Engrais apporté
|
|
Taux de recouvrement maximum
|
|
|
(N-total)
· P-Olsen
· (P-total)
· K-éch
·
Approvisionnement de l'engrais en N, P, K
pH
Approvisionnement du sol en N, P, K
Disponibilité en
N, P, K
ou approvisionnement
total
Rapports rendement/absorption
|
|
|
|
Absorption N, P, K
|
|
Production
Figure 1.2 : Principe de détermination du rendement d'une
culture par QUEFTS
1.5.4.3 Les modules de QUEFTS
QUEFTS comporte cinq grands modules qui sont de
véritables programmes séparés et indépendants.
Mais, au cours d'une prédiction, tous sont intégrés
à partir du module principal :
· Le module principal ou fonction principale (Main
module)9 : les prédictions de rendements s'y font
essentiellement
· Le module des paramètres (Edit
Parameters)10 avec 25 niveaux de paramètres : permet de
créer et d'éditer un fichier de paramètres ;
· Le module factoriel (Factorial) :
exécute des opérations similaires à ceux du module
principal ; il ne permet cependant pas une rentrée rapide des
données et ne considère pas non plus la combinaison de plusieurs
traitements ;
· Le module des prix (Edit Prices) : pour
créer, éditer ou retrouver un fichier de prix ;
· le module d'optimisation ou de programmation
linéaire (Optimization) : permet de déterminer les doses
optimales d'engrais pour un certain sol connaissant les prix des engrais et du
produit récolté et sur la base d'un budget donné.
NB : La présentation ci-dessus concerne la
version MS-DOS de QUEFTS. Notre étude s'est servie de cette version
traduite en Excel que nous appellerons QUEFTS EXCEL. Les principes de
prédiction et de calcul sont les mêmes que pour la version MS-DOS.
QUEFTS EXCEL a été choisi à cause de sa manipulation assez
aisée et des possibilités qu'il offre de travailler sous
Windows.
1.5.4.3 Le calibrage, l'évaluation et la
validation du modèle QUEFTS
QUEFTS, a été développé à
la suite d'essais au Kenya en Afrique orientale et au Surinam et en
Amérique du Sud comme écrit plus haut Autrement dit, il a
été élaboré dans des conditions agro
écologiques différentes de celles de notre étude. Pour
qu'il puisse prédire des résultats « conformes »
à ceux des expériences réalisées en milieu
réel, il nécessite un étalonnage ou calibrage
9 Cf. annexe 2, Ecrans 8 à 10
10 Voir annexe 2, Ecrans 3 à 7
destiné à le corriger afin qu'il «
reflète bien la réalité » (Penning de Vries et
Rabbinge, 1995).
· Ce calibrage consiste à
ajuster les valeurs des paramètres aux données pour que les
valeurs de sortie (simplifiées) du modèle correspondent aux
valeurs expérimentales obtenues sur le champ ou au laboratoire. Ceci
implique la mise en place et la conduite des essais en milieu réel pour
la collecte des données indispensables pour faire tourner le
modèle (cultures, climat, analyses de sols, ...) et l'évaluer. Il
faut cependant se méfier de ce processus d'ajustement car il aboutit
à des paramètres qui sont plus liées aux données
réelles actuellement disponibles qu'à celles des observations
futures (Ezui, 2001). C'est pourquoi Aboudrare et al. (1999) proposent
plutôt le terme calage qui consiste à ajuster un petit nombre de
paramètres du modèle de manière à obtenir une
simulation satisfaisante. Le calibrage fait dans des conditions climatiques et
édaphiques bien déterminées n'aura de valeurs
prédictives que localement. Une fois calibré, le modèle
doit être évalué.
· L'évaluation consiste à
comparer les valeurs des observations avec celles de la simulation. Du Toit et
al. (2001) puis Kiniry et Jones (1986) rappellent que le test ultime
d'un modèle est la précision avec laquelle il décrit un
système réel d'où la nécessité de comparer
les prédictions du modèle avec les mesures réelles ; elles
doivent avoir les mêmes tendances.
· La validation est la phase ultime de
généralisation du modèle ; il est le test du modèle
dont on veut faire un usage plus général dans des conditions
environnementales différentes de celles ayant servi à le
calibrer. il consiste à
établir les lois de variation des paramètres en fonction du type
de sol et du climat. D'après Coulibaly et al. (1995), elle consiste en
une comparaison entre le modèle et la réalité
perçue par une série de résultats expérimentaux.
Mais le plus souvent, la conformité des résultats simulés
est rare après validation. C'est pourquoi, certains auteurs comme
Thornton (1991) et Konikow et Bredehoeft (1992) se rejoignent en
considérant que le modèle parfait ne sera jamais construit et que
la validation d'un modèle sur une grande échelle n'est pas
évidente. Autrement dit, un modèle peut se révéler
valider au Sud du Togo, par exemple, et ne pas l'être au Nord. C'est pour
ces raisons que dans les jargons de la modélisation, le terme validation
est de plus en plus soustrait.
La détermination des doses d'engrais pour les
différents sols de Sévé-Kpota, la formulation de
recommandation qui implique le calibrage du modèle et son
évaluation nécessitent des essais. Ces essais ainsi que la
connaissance du milieu d'essai (c'est-à-dire le terroir villageois)
requièrent une méthodologie de travail et l'utilisation de
certains matériels qui seront présentés dans le chapitre
suivant
II. MATERIEL ET METHODES 2.1 Cadre géographique de
l'étude
Ce travail a été conduit à
Sévé-Kpota, un village situé au nord-ouest de la
Région Maritime du Togo, à 3,5km de la Nationale No5
à l'est de Kévé. Selon un recensement effectué en
2002 la population de Sévé-Kpota compterait 365 habitants dont
47% d'hommes. La principale activité économique est
l'agriculture. Les activités agricoles concernent les cultures de
maïs, de manioc (en association avec le maïs ou en culture pure),
l'arachide, le niébé11 et le maraîchage avec la
tomate et le piment. L'élevage est une activité secondaire mais
non négligeable dans le village. On y élève des volailles
et des chèvres et peu de moutons. On trouve dans le village 2
poulaillers et 2 porcheries « modernes ». Les femmes font, en plus
des travaux champêtres, du commerce issu de l'extraction d'huile de palme
et du gari.
Le village de Sévé-Kpota appartient à la
zone des sols ferrugineux tropicaux lessivés à concrétions
sur socle granito-gneissique. Les sols rencontrés sont relativement
fertiles avec un niveau de dégradation faible (Brabant et al.,
1996). Le taux de matière organique est autour de 1,5-1,8%. Il
existe cependant une certaine variabilité locale dans les sols en ce qui
concerne la profondeur. D'après Dzotsi (2002), les sols profonds se
rencontrent au nord du village, la profondeur du sol atteint 80 cm tandis que
plus au sud, elle est limitée à 40 cm (voir en annexe 8, les
résultats des études de profils de sols).
Sévé-Kpota, tout comme la Région Maritime
du Togo, connaît un régime pluviométrique bimodal dans
lequel la première saison pluvieuse, la plus grande, va de mars à
juillet ; elle est suivie d'une petite saison sèche qui s'arrête
en septembre; la deuxième saison pluvieuse, plus courte,
s'établit à partir de la mi- septembre et fait place à une
seconde saison sèche (plus grande) entre novembre et février.
Sévé-Kpota à l'instar de la région sud du Togo,
connaît des aléas climatiques perturbant le rythme des saisons. En
2001, Sévé-Kpota a enregistré environ 960 mm de pluies.
Par contre en 2002, elle s'est nettement améliorée avec 1058 mm
d'eau enregistré (voir figure II.1).
11 niébé : cowpea en anglais,
terme utilisé en Afrique pour désigner Vigna
ungiculata
250
33
200
150
100
50
0
Mois
Année 2001 Année 2002 Moyenne
Figure 11.1 : Evolution de la pluviométrie à
Sévé Kpota (2001-2002)
2.2 Le matériel
2.2.1 La culture
Le matériel végétal est constitué
essentiellement par le maïs. Le choix de la variété
à semer a été laissé aux paysans. Mais globalement
4 variétés ont été utilisées :
n AB1112 : variété
précoce, cycle de 90-95 jours, résistante à la verse,
tolérante à la rouille, au streak viruse et à la
sécheresse ; rendement moyen de 3 t/ha, rendement maximum de 4,5 t
ha-1.
n Ikénné :
Variété précoce, cycle végétatif
(semi-maturité) de 90 jours ; bonne résistance à la verse
; bonne résistance au virus de la striure ; rendement moyen au Togo :
2,5 t ha-1 ; rendement maximal : 5 t ha-1 (Lamboni,
2000).
n TZEComp413 :
variété précoce; Rendement potentiel très
élevé 5,1 à 7,4 t ha-1 ; résistant
à Puccina polysora (rouille des céréales),
Bipolaris maydis (blight), Curvularia et au
streak viruse.
n Variété locale utilisée
dans le milieu : cycle de 90 jours, rendement moyen de 2-3 t ha-1,
sensible au streak viruse.
12 AB11 : Fiches caractéristiques des
variétés de maïs de l'ITRA
13 TZEComp4 : caractéristiques extraites de :
description of varieties de International Institute of Tropical
Agriculture IITA-
2.2.2 Les engrais minéraux
Deux types d'engrais ont été utilisés pour
les essais :
· l'urée dosant 46% de N
· le NPK 15-15-15 dosant 15% de N, 15% de P2O5
(soit 6,5% de P) et 15% de K2O (soit 12,5% de K).
2.2.3 Le petit matériel technique
Pour la collecte de données socio-économiques
sur le village et la réalisations de la carte, le matériel
suivant a été utilisé : papiers Krafts, marqueurs de
différentes couleurs, colle, punaises, ruban adhésif (scotch) et
tableaux d'affichage.
2.3. Les méthodes
2.3.1 L'étude
socio-économique
La partie socio-économique de notre étude
devait se faire avant le début des essais pour une connaissance
préalable du milieu. Mais en raison des contraintes d'ordre temporel
liées à la coïncidence du début du projet APRA-GIFS
avec le début de la saison agricole, ces études ont
été faites à partir de la fin de la saison.
2.3.1.1 La collecte de données de base et
l'interview semi-structurée
Ce sont deux outils complémentaires. Les
données de base concernent les informations sur le foncier, les
tendances d'évolution, etc. De même, l'interview
semi-structurée (ISS) vise à connaître les objectifs, les
intérêts et contraintes de chaque groupe socio-professionnel par
rapport aux problèmes fonciers, aux problèmes de gestion de la
fertilité du sol, etc. Tous ces deux outils consistent à poser
des questions lors d'une séance plénière.
En ce qui concerne l'ISS, à la place des questions
formelles et préétablies, on utilise un guide qui
répertorie les axes essentiels sur lesquels portera l'interview. Au fur
et à mesure que certains axes sont couverts, le guide est revu. Une fois
qu'un point particulier est en train d'être discuté avec les
personnes interviewées, les réponses fournies soulèvent
chaque fois d'autres questions qu'il faudra poser pour approfondir la
compréhension du sujet (Gueye et Freudenberger, 1991).
Normalement, l'interview devait se faire (lors de notre
étude) au sein de chacune des classes socio-professionnelles
précitées afin de permettre à chacune de pouvoir
s`exprimer librement. Mais à causes des impératives liées
à l'indisponibilité des villageois, l'ISS (tout comme la collecte
de données de base) s'est faite en séance plénière
avec 35 villageois (15 femmes et 20 hommes).
Photo 1 : Déroulement de l'Interview
semi-structurée à Sévé-Kpota
2.3.1.2 La carte du terroir
Après les préliminaires (salutations d'usage)
et l'explication des objectifs du travail, l'équipe de `chercheurs'
invite les villageois à se grouper par classes sociales dans le but de
permettre à chacune d'elle de donner sa vision du terroir villageois. On
a généralement trois classes : les hommes, les femmes et les
jeunes. Mais lors de notre étude, seuls les deux premiers groupes ont
été formés. Les groupes sont séparés les uns
des autres lors de la réalisation de la carte.
Le travail proprement dit au niveau des différents
groupes commence par une ébauche de la carte sur le sol pour contourner
la réticence des paysans à tenir un crayon et à dessiner
sur du papier. Le facilitateur demande aux membres du groupe de désigner
un ou deux dessinateurs qui ne feront que traduire en illustration les
idées de tout le groupe. Les points de repère sont
représentés : les quatre points cardinaux sont d'abord
symbolisés par le lever et le coucher du soleil puis les limites de leur
terroir sont dessinées. La carte est ensuite complétée en
commençant par les éléments les plus remarquables tels que
les routes, les cours d'eau, les marchés, la place publique, la maison
du chef, etc. La légende peut être écrite en langue locale
comme en français.
Le chercheur veille à l'utilisation correcte des
couleurs et symboles et note la signification de chacun d'eux pour un rappel
éventuel.
Photo 2 : Ebauche de la carte de terroir sur le sol par les
hommes
Par contre il leur est plus facile de reproduire la carte
déjà réalisée au sol sur du papier
Photo 3a: Reproduction de la carte sur papier par les hommes
Photo 3b: Reproduction de la carte sur papier par les femmes
Photo 3: Reproduction des cartes sur papier Kraft
Après la finition de la carte par chacun des groupes,
l'étape qui suit consiste à faire une synthèse,
c'est-à-dire à mettre en commun les deux cartes (puisqu'il n'en
existe qu'une seule au niveau du terroir). Cette synthèse a donc pour
but d'harmoniser les points de vue de tous les groupes et permet de corriger
les insuffisances observées sur chacune des cartes (les femmes
dessineront par exemple le moulin et le marché alors que les hommes ne
le prendront peut-être pas en compte ; de même, ces derniers
placeront sur leur carte les distilleries de boisson locale qui ne se
retrouveraient certainement pas sur la carte des
femmes) ; la carte la plus détaillée est
retenue. Enfin, un comité de 4 personnes (2 hommes et 2 femmes) est
érigé pour l'établissement de la carte finale (carte
retenue complétée avec les données qui se retrouvent
essentiellement sur celle qui n'a pas été retenue).
Photo 4a : Présentation de la carte du Photo 4b :
Présentation de la carte du
groupe des hommes groupe des femmes
Photo 4 : Présentation des cartes dessinées
2.3.1.3 Les transects
Les objectifs des transects sont les suivants :
compléter la carte du terroir, découvrir la diversité
biophysique, l'utilisation de l'espace et vérifier si les informations
données par les paysans (sur la carte ou autres) sont exactes.
L'équipe pluridisciplinaire qui conduit les groupes de
prospection (groupe mixte avec les représentants des différentes
couches socioprofessionnelles) comportait deux agronomes, un
agro-pédologue et un agro-économiste assistés de deux
élèves-ingénieurs agronomes.
Au cours du transect, chacun avait une tache précise :
le pédologue étudiait le profil des sols à chaque
unité avec une tarière ; les agronomes prenaient les
coordonnées des points et posaient des questions
d'éclaircissement aidés de l'agro-économiste ; les deux
élèves-ingénieurs dessinaient la végétation
et notaient toutes les informations ; un paysan représentait le profil
du paysage, un autre mesurait la distance parcourue en comptant le nombre de
pas effectués entre 2 unités (points d'arrêt) et les autres
répondaient aux questions (voir photos 5).
Photo 5a Photo 5b
Photos 5 : Parcours du transect ouest-est
Les parcours des transects sont déterminés
à partir de la carte et choisis de manière que sur chaque
parcours, au moins deux types de sols soit traversés. Au cours des
transects, l'intérêt est porté sur les différents
types de sols, la végétation, les cultures, les problèmes,
les grandes tendances d'évolution (érosion, déforestation,
...). A l'issue de la prospection le groupe fait le dessin du transect
exécuté de manière lisible sur du papier kraft. Les
dessins seront faits par les villageois avec le concours des animateurs.
Un membre du groupe présente le dessin du transect aux
autres villageois pendant la séance plénière (photo 6).
Photo 6 : Représentation sur papier kraft du parcours
d'un transect
On procède après aux questions pour peaufiner
le dessin du groupe et l'accent est mis sur les zones, les problèmes,
les tendances, les sols, la végétation, les cultures, la
topographie du terrain, etc.
2.3.1.4 Le questionnaire d'enquête
Toutes les informations collectées lors de l'ISS ont
servi à la confection d'un questionnaire d'enquête pour une
analyse plus approfondie des informations recueillies. L'échantillon
avait une taille de 38 et comptait 20 femmes et 18 hommes dont les âges
étaient compris entre 20 et 76 ans.
2.3.2 Les essais en milieu paysan
2.3.2.1 Le dispositif expérimental
Le dispositif expérimental s'inspire largement des
classifications que les paysans font de leurs sols et des recommandations
proposées par QUEFTS.
~ La classification participative des sols
Les paysans ont affirmé qu'il existait des
différences importantes entre les sols du village et que la couleur est
un important facteur de détermination de la fertilité de leurs
sols. Ils distinguent trois types de sols dans leur terroir : les sols
rouges, les sols noirs et les sols blancs. Ces sols
sont généralement classés selon la couleur des horizons et
correspondent aux sous-groupes suivants dans la classification française
CPCS (1967) :
· Sols rouges : sols ferrugineux lessivés
à concrétions de couleur brun sombre à brun
rougeâtre (état humide, 7,5YR 3/2 à 2,5YR 3/4) ;
· Sols noirs : sols ferrugineux lessivés
indurés et peu profond. de couleur brun- très sombre (état
humide 1 0YR 2/2 ) ;
· Sols blancs : sols peu évolués
d'apport colluvial de couleur brun - brun sombre à brun -jaunâtre
(état humide, 10YR 4/3 à 10YR 4/4).
NB : Pour la simplicité des noms de chacun des
types de sols susmentionnés, nous adopterons les appellations paysannes
des sols rouges, noirs et blancs respectivement pour les sols ferrugineux
fortement lessivés à concrétions, les sols ferrugineux
lessivés indurés et les sols peu évolués d'apport
colluvial.
|
|
Selon leur observation générale, le niveau de
fertilité décroît des sols noirs aux sols
blancs en passant par les rouges. Leurs
caractéristiques sont consignées dans le tableau II.1.
Tableau 11.1 : Caractéristiques des sols de
Sévé-kpota
Types de sol
|
Rouge
|
|
Noir
|
Blanc
|
teneurs
|
min
|
max
|
min
|
max
|
min
|
max
|
MO (g kg-1)
|
11,2
|
19,3
|
14,2
|
26,5
|
9,8
|
22,6
|
N (g kg-1)
|
1,1
|
1,7
|
1,05
|
2
|
1
|
1,4
|
P total (mg kg-1)
|
200
|
314
|
245
|
1666
|
160
|
281
|
P assimilable14 (mg kg-1)
|
2,6
|
7,5
|
3,6
|
21,66
|
3,36
|
6,59
|
K échangeable (mmol kg-1)
|
1,8
|
6,1
|
1,6
|
13,8
|
0,5
|
4,1
|
pH-eau
|
6,6
|
7
|
6,9
|
7
|
6,7
|
7
|
|
L'identification des pratiques paysannes
Plusieurs pratiques de gestion de fertilité de sols sont
observées chez les producteurs du village en fonction du niveau de
fertilité des champs :
· application de 150 kg de NPK 15-15-15, 15 jours
après le semis et 50 kg d'urée à 45 jours après le
semis;
· aucun apport de NPK après une bonne pousse de
mucuna en petite saison ;
· dose (inconnue et) unique de NPK si la plante
présente une bonne croissance ;
· dose (inconnue et) unique d'urée à 45 jours
après le semis, si le champ est fertile,...
En se basant sur ces différentes pratiques paysannes
et après avoir exploré les options d'optimisation des effets des
éléments apportées par les engrais grâce au
modèle QUEFTS (voir Tableau II.2), les traitements dans le dispositif
expérimental ont été élaborés.
14 Passimilable= P-Bray : c'est une méthode
d'extraction de la quantité de phosphore assimilable contenu dans un
sol. Son réactif est : NH4F à 0.03 N et HCl à 0.025 N.
Elle est moins utilisée que la méthode Olsen
mais sa valeur est habituellement de même ordre de grandeur que cette
dernière ou jusqu'à 30% environ supérieure celle-ci.
Cependant les propriétés du sol comme le pH et la présence
d'oxydes et de carbonates peuvent affecter cette relation (Ezui, 2002).
Tableau 11.2 : Récapitulation des résultats du
test d'optimisation15
Paysans
|
|
Fraction (%) à investir sur
|
|
N
|
P
|
K
|
MOUDOR Amah
|
rouge
|
100
|
0
|
0
|
APEDO Kofi
|
blanc
|
100
|
0
|
0
|
ATIVON Komi
|
rouge
|
100
|
0
|
0
|
WITTA Kokou
|
noir
|
100
|
0
|
0
|
ATTIKEY Eya
|
noir
|
95
|
5
|
0
|
|
Interprétation du tableau II.2 :
Le test d'optimisation nutritionnelle consiste à
déterminer les doses d'azote, de phosphore et de potassium les plus
équilibrées en tenant compte de l'actuel approvisionnement en N,
P, K dans le sol et de l'argent disponible pour les dépenses d'engrais
à l'hectare.
Le modèle QUEFTS nous indique que les sols de
Sévé-Kpota ne sont pas déficients en P et en K; si l'on a
une certaine somme d'argent à investir dans l'acquisition des engrais,
il est préférable de mettre la totalité (100%) de cette
somme dans l'achat ses engrais azotés, dans les 4 premiers cas et dans
le dernier cas, 95 % sur les engrais azotés et seulement 5% sur les
engrais phosphatés.
La description du dispositif
expérimental
Le dispositif expérimental est en blocs
aléatoires complets avec parcelles divisées (Split
Plot). Chaque type de sol (rouge, noir et blanc) constitue une
parcelle principale et comporte 8 répétitions (soit 8 blocs) ; ce
qui fait au total 24 blocs.
Chaque bloc comporte 5 parcelles secondaires (sous-parcelles)
soit 5 traitements dont la répartition se fait de façon
aléatoire.
L'unité expérimentale a une superficie moyenne
de 48 m2 (excepté quelques rare cas où cette valeur a
varié à cause de contraintes foncières). L'essai comporte
donc deux facteurs :
· Le type de sols constituant le facteur secondaire
comporte 3 niveaux ;
· La dose d'engrais constitue le facteur principal et
comporte 5 niveaux.
15 Voir dans annexe 4, les résultats
détaillés de l'optimisation
Terroir du village
BLOC 2 Sols noirs
42
BLOC 1
Sols rouges Sous-parcelle
(unité expérimentale)
BLOC 3
Sols blancs
Parcelle principale
Figure 11.2 : Schéma explicatif du dispositif
expérimental
Tableau 11.3: Récapitulation des différents
traitements et des différentes doses
Traite-
Dose de fumure (par hectare)
ments Type Apport 1 Apport 2
T1 pratique
paysanne
|
les paysans qui appliquent les engrais le font selon leurs
pratiques (voir tableau II.4.)
|
T2 Témoin sans engrais
150 kg NPK 15-15-15 50 kg d'urée
d'engrais) 44,5 u N + 9,75 u P + 18,8 u K
Dose vulgarisée (4 sacs
T3
Dose en essai 50 kg NPK 15-15-15 + 50 kg d'urée 50 kg
d'urée
T4 (3 sacs
d'engrais) 53,5 u N + 3,25 u P + 6,25 u K
75 kg d'urée 75 kg d'urée
Dose en essai
T5 (3 sacs
d'engrais) 69 u N
NB : Lorsque les paysans ne font pas d'apport
d'engrais, la pratique paysanne est identique au témoin.
u N, u P et u K sont respectivement les unités
fertilisantes d'azote, de phosphore et de potassium.
T3
T4
T5
Photo 7: Explication des différents
traitements par un paysan Photo 8: Explication des apports de
fumure minérale
(T3 à T5)
2.3.2.2 La gestion des parcelles
a. Le semis
Le semis a été effectué entre le 21 et
le 23 avril 2002. Le schéma de semis était de 0,40 m x 0,80 m
(même au niveau de la pratique paysanne) à raison de 2 plants par
poquets ; ce qui correspond à une densité moyenne de 62500 pieds
par hectare.
b. Les travaux d'entretien
Les travaux d'entretien se résument essentiellement aux
apports d'engrais et aux sarclages :
· deux sarclages ont été effectués au
gré des paysans : le premier entre le 2 et le 6 mai et le second est
intervenu entre le 22 mai et le 04 juin 2002.
· il n'y a pas eu de fumure de fond ; une fumure
d'entretien (apport 1, tableau II.2) a été apportée 15
jours après le semis et une autre fumure d'appoint 45 jours après
le semis (apport 2). L'apport se fait en poquet à moins de 10 cm du
plant. Cinq paysans ont apporté des fumures aux doses
récapitulées dans le tableau II.3.
Tableau 11.4 : Apports de fumures selon les pratiques
paysannes
Nom de paysan
|
Type de terre
|
Apport 1 (kg ha-1 NPK 15-15-15)
|
Apport 2 (kg ha-1 Urée)
|
ATIVON Komi
|
Rouge
|
46
|
37
|
AGBENOZAN Edoh
|
Rouge
|
169
|
71
|
DOUHO Akossiwa
|
Rouge
|
105
|
0
|
WITTA Kokou
|
Noir
|
171
|
110
|
ATTIKEY Eya
|
Noir
|
152
|
84
|
c. Les observations sur les parcelles
Des visites fréquentes sur les parcelles ont
été effectuées tout au long du cycle de
développement de la culture et jusqu'à la récolte,
souvent, accompagnés des paysans, ont été
effectuées pour les mesures de hauteur, le comptage des fleurs
mâles et femelles et l'observation du comportement des plants des
différents traitements.
Photo 9a Photo 9b
Photo 9: Observations en groupe mixte
d. La récolte
Sur chaque parcelle, on récolte 8 lignes sur 4 m (si
les lignes sont orientées suivant la longueur) ou 4 lignes sur 8 m (si
les lignes sont dans le sens de la largeur) en laissant les deux premiers
poquets et les lignes de bordures. Cela donne une superficie utile de 25,6
m2 ; les épis sont déspathés sur pieds et les
pailles sont coupées et pesées. Les épis sont
comptés puis égrenés et le poids des grains
mesurés.
Après la récolte, une restitution participative
des résultats a été organisée ; A cette
restitution, ont assisté les facilitateurs de l'IFDC et de l'ICAT et une
trentaine de paysans.
Les objectifs de cette restitution étaient de tester le
niveau de compréhension des essais par les paysans, de présenter
les résultats et d'amener les paysans à choisir les meilleurs
traitements et enfin de les aider à tirer des conclusions.
Photo 10a Photo 10b
Photo 10 : Restitution en fin de saison
e. Les paramètres mesurés
· Le calcul des rendements en grain
a été fait à 12% d'humidité pour pouvoir
comparer les résultats avec ceux fournis par QUEFTS (Janssen et al.,
1992). La formule utilisée est la suivante :
100 - H1 10000
R2 (H2) = R1 x
100 - H2 S x 1000
x
Où :
R1 = Production sur la superficie
récoltée (kg)
R2 = rendement au taux d'humidité H2 (t
ha-1)
H1 = taux d'humidité à la
récolte (%)
H2 = taux d'humidité auquel le rendement
va être calculé (ici à 12%) S = superficie
récoltée (m2)
Les rendements de la paille sont calculés
à 0% d'humidité.
· Le calcul des données de la parcelle
manquante
Au cours de l'essai, un paysan (Douho Akossiwa), sur les sols
rouges, a clandestinement fait un apport de NPK sur le témoin ;
les données de cette sous-parcelle ont été
jugées manquantes et estimées à partir de la
méthode de Yate (Nénonéné, 2003)16.
· Le prélèvement
d'échantillons de sol a été réalisé
avant le début des essais ; il a consisté à
prélever des échantillons à une profondeur de 0-20 cm en
cinq points du champ : un point au milieu des diagonales du rectangle que
constitue la parcelle et deux points sur chacune des diagonales et de part et
d'autre de ce milieu. Ces cinq échantillons sont mélangés
ensuite pour en faire un échantillon composite qui a été
séchés à l'air libre jusqu'à stabilisation de son
poids.
Les analyses chimiques de ces échantillons ont
été effectuées dans les laboratoires de l'Institut
Togolais de Recherche Agronomique (ITRA).
· Le prélèvement
d'échantillons végétaux
Il a concerné la paille (tige, feuilles, spathes) et
les grains. Son objectif est de déterminer la teneur en
éléments nutritifs principalement N, P et K exportés par
les différentes parties sus-mentionnées de la culture. Ainsi
trois plants sur chaque parcelle ont été prélevés
de même qu'une certaine quantité de grains après
pesées. Ces échantillons ont été
séchés à l'étuve à 62oC
jusqu'à stabilisation de leurs poids puis broyés,
conditionnées pour analyses à l'ITRA.
· Le calcul de l'efficacité agronomique (EA)
:
L'efficacité agronomique mesure l'augmentation
supplémentaire du rendement en grain (en kg) imputable à
l'utilisation d'une unité supplémentaire (kg)
d'élément fertilisant sur un hectare.
EA = [Rendement avec engrais - Rendement sans engrais]
(en kg ha-1)
Dose appliquée de l'élément
fertilisant (en kg ha-1)
|
|
16 Nénonéné, A. 2002.
Biométricien, ESA-UL, Communication orale
~ Le calcul de l'indice de récolte (IR)
:
L'indice de récolte mesure le rapport entre le rendement
en grains et la biomasse totale produite.
IR =
Poids des grains + poids de la paille
|
|
~ Le calcul des exportations :
où Exp = Quantité de N, de P ou
de K contenue dans les grains ou dans la paille (kg ha-1)
RS = Rendements secs en kg ha-1
(à 0% d'humidité)
T= Teneur en N ou en P ou en K de la paille ou
des grains. 2.3.2.3 L'analyse statistique des
résultats
Elle a été faite avec le logiciel MSTATc. Le
test de DUNCAN au seuil de 5% nous a permis de discriminer les rendements. Les
résultats pratiques paysannes, du fait de la variabilité qui
existe dans les traitements seront analysés séparément
2.3.2.4 L'analyse économique
Le ratio valeur coût (RVC) a été notre outil
principal. Il est le revenu procuré par l'utilisation des engrais
rapporté au coût de cet intrant :
Prix du maïs (F.kg-1)*[Rendement avec
engrais - Rendement RVC = sans engrais] (en kg ha-1)
Deux ratios ont été calculés : le
premier à la récolte, lorsque le prix du kilogramme de maïs
est bas (65 F) et le second à la période de soudure, lorsque le
prix du maïs est élevé (entre 160 et 200 F). Nous
considérerons, pour le second ratio, le prix minimum qui est de 160 F
afin d'être sûr que le paysan pourra vendre son maïs à
ce prix.
Le coût des engrais est calculé en
considérant le prix de vente fixés par la Direction de
l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche (7750 F le sac de 50 kg aussi
bien pour le NPK 15-15-15 que l'urée) et en y ajoutant 250 F de frais de
transport des engrais du point d'achat jusqu'au village.
2.3.3 L'adaptation de QUEFTS
Le modèle QUEFTS (QUantitative Evaluation of
Fertility of Tropicals Soils) est a été utilisé parce
qu'il requiert un nombre relativement restreint de données pour
évaluer la fertilité des sols. Il tient compte de l'influence des
trois principaux éléments N, P et K déterminant les
rendements des cultures en milieux tropicaux ; il permet également de
choisir les doses d'engrais à appliquer après avoir
déterminé jusqu'à quel point le sol peut satisfaire aux
besoins de celles-ci avant d'entreprendre toute expérimentation.
Le modèle a été développé
dans des conditions agro-écologiques bien définies ; par
conséquent, il ne peut répondre spontanément aux attentes
de l'utilisateur ; Il convient alors de l'adapter avant son utilisation.
2.3.3.1 Le calibrage de QUEFTS
Le calibrage de QUEFTS a été fait avec les
résultats des essais de COSTBOX de l'année 2001. Il a
été fait par tâtonnement et nous avons adopté la
même méthodologie que EZUI (2001) lors de l'adaptation du
modèle QUEFTS pour la prédiction des rendements de l'arachide
dans les conditions agro-écologiques de Tsagba (Notsè) au sud du
Togo.
Les étapes du calibrage sont les suivantes :
· Ajustement des taux de recouvrement de N, P et
K ;
Les taux de recouvrements sont calculés d'après la
formule suivante :
[Exp (traitement avec engrais) - Exp (traitement sans
engrais)] TR = (en kg ha-1)
· Ajustement des rapports
rendement/absorption du modèle puis comparaison des
paramètres d'absorption du modèle avec ceux observés.
Comme le rapport rendement/absorption est proportionnel au
rendement, ils ont tous deux le même sens de variation. Ainsi :
· toute diminution de rapport pour un
élément donné (N par exemple), est suivie d'une baisse de
rendement de la culture. Au même moment, l'absorption de cet
élément (N) augmente tandis que l'absorption des autres
éléments (P et K par exemple) diminue aussi, à cause de la
diminution du rendement,
· par contre, toute augmentation de rapport
rendement/absorption pour un élément donné (N par
exemple), implique un accroissement du rendement, entraînant une
augmentation de l'absorption des autres éléments (P et K par
exemple) alors que cette absorption diminue pour l'élément dont
le rapport est augmenté ;
Le rapport rendement/absorption (Rr/a) est
calculé comme suit :
Rendement grains (kg ha-1)
Rr/a (N, P ou K) =
Absorption de N ou de P ou de K - Qm
avec
Absorption (N, P ou K) = Rendement grains x t1 + Poids
paille x t2
où t1 représente le taux de N, P
ou K dans les grains (en %)
t2 représente le taux de N, P ou K dans
la paille (en %)
Qm représente la quantité
minimale de N, P ou K qui doit être absorbée par la plante pour
amorcer la croissance végétative et pouvoir produire suffisamment
de graines (Qm est égal à 5 pour le N, 0.4 pour le P et 2 pour le
K).
· enfin comparaison des rendements
prédits à ceux observés (les premiers
doivent être supérieurs aux seconds puisque le modèle ne
tient pas compte des effets des facteurs tels que le climat,
l'approvisionnement en eau, les maladies, la variété).
Dans le processus de calibrage, les paramètres qui
déterminent l'approvisionnement en N, P et K (SN, SP et SK) ont
été estimés de la façon suivante :
SN = 0,25 x (pH - 3) x 68 x N total
SN= approvisionnement du sol en N (kg ha-1)
N total= taux de N dans les 20 premiers centimètres de la
couche supérieure du sol
SP = 0,028 x P total + P-assimilable
SP= approvisionnement du sol en P (kg ha-1)
P-total= taux de P-total dans les 20 premiers centimètres
de la couche supérieure du sol ;
P assimilable= taux de P-assimilable (mg kg-1)
dans les 20 premiers centimètres de la couche supérieure du sol
(dans notre cas, P-assimilable = P-Bray au lieu de P-olsen)
SK= (400 x K échangeable) / (2 + 0,9 x
C-org)
SK = approvisionnement du sol en K (kg ha-1) ;
K échangeable = taux de K-échangeable dans les 20
premiers centimètres de la couche supérieure du sol (mmol kg
-1 ha-1) ;
C-org= taux de C dans la couche supérieure de 20 cm (g
kg-1)
2.3.3.2 l'évaluation et la validation du
modèle
Elles ont consisté à tester QUEFTS «
calibré » sur les données collectées au cours de la
première saison 2002. A cet effet, deux méthodes seront
utilisées (à l'instar de Ezui, 2002) :
~ L'évaluation des tendances de
prédiction
Ce sont des graphes représentant le sens de variation
des rendements simulés par rapports aux rendements observés. Des
tendances de prédiction semblables aux tendances observées,
indiquent une logique de prédiction acceptable pour le modèle.
· la méthode de l'intervalle de
précision acceptable de Mitchell et Sheehy (1997)
: Cette méthode utilise les déviations (différence entre
valeurs prédites et valeurs observées) reproduites par rapport
aux valeurs des observations ; et elle spécifie deux critères
pour l'adéquation du modèle : un intervalle de précision
acceptable, et la proportion de points qui figureront dans cet intervalle.
Comme intervalle de précision acceptable, Alagarswamy et al. (2000)
proposent de choisir l'écart-type (ET) ou " déviation standard "
de l'ensemble des observations pour un objet donné. La formule
utilisée dans notre cas est la suivante :
Avec : Xi = rendement réel en kg
ha-1 du paysan Xm = rendement moyen en kg
ha-1
N = nombre total d'observations chez les
paysans. Après les calculs, ETréel (ETr) =
0,91 t ha-1
Mitchell (1997) suggère que le modèle est
idéal pour des prédictions lorsque 95% des couples de points se
retrouvent dans l'intervalle [-Etr, +Etr]. Toutefois une
proportion de 83% est jugée acceptable par Alagarswamy et al. (2000).
Dans notre cas, compte tenu des variabilités surtout
dans les propriétés du sol, variabilités dues à la
dispersion des parcelles en différents points du village, seuls les
traitements 2 à 5 ont été pris en compte dans
l'évaluation-validation (les traitements 1 -pratiques paysannes- ont
reçu des doses de fumures assez variables d'un paysan à l'autre).
Cela correspondait à 96 simulations pour le même nombre
d'observations (96 correspond au produit des 24 producteurs par 4
traitements).
2.3.3.3 Les formulations de recommandations par le
modèle
Des recommandations ont été
développées en tenant compte du niveau de fertilité
spécifique à chaque type de sol et du pouvoir d'achat du paysan ;
autrement dit : `quels types d'engrais le paysan doit acheter s'il n'a la
capacité d'acheter que 1, 2, 3 ou 4 sacs ?'.
Pour tourner le modèle, les données d'analyse
de sols de trois paysans ont été sélectionnées ;
paysans dont les rendements simulés sont compris dans l'intervalle de
Mitchell avec des évolutions de tendances prédites et
observés assez identiques (ce sont notamment Agbénozan Edoh,
Attikey Eya et Djoka Ama respectivement sur sols rouge, noir et
blanc).
Le modèle calcule le revenu supplémentaire
dû à l'utilisation des engrais à partir de la formule
suivante :
Revenu supplémentaire =
|
[Prix maïs x (Rendement avec engrais -
rendements sans engrais)] - Prix des engrais
|
|
Le prix du maïs est supposé à 65
F.kg-1, prix de vente à la récolte.
Cette méthodologie adoptée et ces matériels
utilisés nous ont conduits à l'obtention de résultats qui
seront présentés et discutés dans le chapitre suivant.
III. RESU LTATS ET DISCUSSION
3.1 Les ressources naturelles et leurs
utilisations
Les informations présentées ci dessous ont
été collectées lors de l'interview semistructurée
(ISS). Celles-ci ont été vérifiées par une
enquête dont le questionnaire est présenté en annexe 7.
3.1.1 La terre
L'ancêtre des habitants du village de
Sévé-Kpota, Togbui Akpakli, s'était
installé dans la zone en quête de nouvelles terres ; le marquage
des arbres sur une certaine étendue vierge était synonyme
d'appropriation de celle-ci. Ses descendants ont naturellement
hérité des terres qu'il avait occupées à son
arrivée. Ils peuplent les trois quartiers du village à savoir :
Sévé Kopéhoho, Sévé Kpota
(Sévé) et Sévé Lomnava. Actuellement à
Sévé-Kpota, le problème de manque de terre dû
à la pression démographique existe comme partout ailleurs mais il
ne se pose pas avec insistance et on voit ainsi apparaître
différents modes d'accès à la terre
3.1.1.1 Les modes d'accès à la
terre
On accède à la terre de plusieurs manières
: héritage, achat, location ou gage.
· L'héritage constitue la première
forme et se fait uniquement de père en fils (plus de 70% des hommes
exploitent des terres héritées). Les femmes (traditionnellement)
n'héritent pas des terres de leurs pères mais peuvent toutefois
les exploiter jusqu'à la fin de leur vie (35% des femmes travaillent sur
les terres de leurs familles et seulement 15% ont acheté leurs propres
terres). Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer cet
état de fait : d'abord certains estiment qu'il s'agit d'une institution
des aïeux et qui ne doit en aucun cas subir de changement ; ensuite les
femmes ne doivent pas posséder de terres pour éviter la perte des
biens de la famille paternelle au profit d'autres familles.
Cette forme de partage des terres est de plus en plus sujette
à contestation de la part des femmes qui estiment qu'elles participent
aux dépenses relatives aux obsèques de leurs ascendants
défunts autant que les hommes et qu'elles devraient avoir part à
l'héritage au même titre que les hommes. Elles estiment aussi
qu'étant descendantes d'un même père, elles doivent avoir
les mêmes
droits que leurs frères. Enfin, les femmes estiment
qu'elles sont de plus en plus nombreuses à être chefs de famille
(à la suite de divorce par exemple) ; elles nécessitent, par
conséquent, des terres pour subvenir à leurs besoins et
éventuellement à ceux de leurs enfants. En effet, l'enquête
confirme que 60% des femmes affirment qu'elles n'ont pas suffisamment de terres
pour leurs besoins de cultures ; au contraire, 67% des hommes affirment avoir
suffisamment de terres pour leurs besoins de culture.
· On peut aussi accéder à la terre par
achat
La vente des terres a commencé vers les années
1960 à cause des difficultés financières engendrées
par une monétarisation de la société et autres
(décès, funérailles, maladies, besoins en biens
d'équipement, ...) où tout peut se vendre et s'acheter.
La terre est vendue prioritairement aux membres de la famille
dans un souci de conservation des acquis familiaux, la terre étant
considérée comme leur bien le plus précieux. En l'absence
de preneurs parmi ceux-ci, elle peut alors être vendue aux autochtones ou
aux allochtones.
· On peut aussi avoir accès à la terre par
location soit contre payement en espèce et dans ce cas, la durée
du contrat est précisée, soit par partage de récolte avec
le propriétaire selon des proportions précisées au
départ ; dans ce dernier cas, la durée d'utilisation n'est pas
précisée (exemple, Démè : un
métayer exploite la terre et en retour, il doit donner le tiers de la
récolte au propriétaire ; 18% des enquêtés
pratiquent cette forme de location). Il est nécessaire de
préciser qu'autrefois, le partage de récolte n'avait pas lieu ;
toutefois celui à qui était confiée la terre avait
seulement le devoir de participer aux obsèques de celui qui lui a
cédé ses terres, en guise de reconnaissance. A
Sévé-Kpota, très peu de paysans travaillent sur les terres
louées (6% d'hommes et 15 % de femmes) ;
· Awoba ou le gage de terre est la pratique la
plus répandue dans le village et ce, depuis le temps des aïeux ;
contre remise d'une certaine somme, un propriétaire terrien met en gage
tout ou partie de ses terres. Aussi longtemps que l'emprunteur d'argent ne
remettra pas la somme qui lui a été remise, la terre restera aux
mains du prêteur d'argent (seulement 5% de paysans travaillent sur des
terres en gage). Par le passé, seuls les autochtones avaient droit au
gage mais maintenant, les étrangers peuvent aussi en
bénéficier.
Les terres cultivables ne manquent pas encore, même si
elles deviennent rares (à cause de l'augmentation de la population) ;
ainsi tous les habitants du village disposent d'au moins un lopin de terre.
L'enquête nous révèle également que plus de 60% des
paysans cultivent sur leurs propres terres. Aussi tout habitant du village,
éprouvant le désir de cultiver, peut-il trouver des terres
à exploiter. Les terres seront données prioritairement aux hommes
car selon les villageois, ce sont ces derniers qui en ont le plus besoin. Si
toutefois, elle est donnée à une femme, c'est avec l'accord de
son mari ou si elle n'en a pas, c'est en présence d'un témoin,
parent de celle-ci, afin d'éviter les éventuels problèmes
qui pourraient survenir (querelles avec le mari, mésentente avec le
propriétaire si celle-ci exploitait les noix produites par les palmiers
qui auront poussé alors que ce n'était pas prévu par le
contrat, ...).
La superficie minimale nécessaire à un homme
pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille est de 10
à 15 carrés17 (0,5 à 0,75 ha). Par contre, pour
les femmes, elle n'est que de 4 à 6 carrés (0,2 à 0,3 ha).
Or les hommes disposent de superficies de terres exploitables comprises entre 9
et 400 carrés (avec une moyenne de 60 carrés) alors que les
femmes disposent de superficies comprises entre 3 et 36 carrés avec une
moyenne de 15 carrés. Une meilleure exploitation des terres
combinée à des techniques de GIFS permettrait donc à tout
habitant de ce village de couvrir ses besoins alimentaires.
Les difficultés que les femmes ont pour accéder
aux terres font que la majorité d'entre elles travaillent sur des terres
dont les superficies sont comprises entre 8 et 12 carrés.
Dans les conditions normales, lorsqu'une terre est
exploitée pendant 5 ans, elle doit être délaissée
car elle se trouve rapidement envahie par les palmiers qui s'y sont
développés sans qu'on ait cherché à les enlever. En
effet, selon les villageois, les palmiers sont une source de richesse comme le
cacaoyer (les noix produites pouvant être utilisées pour la sauce
ou pour la fabrication d'huile ; par ailleurs, si les noix sont produites sur
une terre confiée à une femme pour exploitation, celle-ci peut
les récolter sans attirer les protestations du propriétaire).
17 A Sévé-Kpota, il faut 18
carrés (cas de la mesure appelée agotieve, ancienne
mesure des ancêtres) à 20 carrés (mesure actuellement
utilisée) pour obtenir 1ha ; 12 brasses carrées ou
``bras» carrés correspondent à un « carré »
; un bras ou une brasse fait 1,86 à 2 m.
Ces palmiers peuvent également être
installés par un exploitant à qui un propriétaire a
confié ses terres. Dans ce cas, il y a soit partage équitable des
pieds de palmiers entre le propriétaire et l'exploitant, soit partage
des produits de récolte et dans ce cas, les proportions sont d'un tiers
pour le premier et les deux-tiers restants pour le second. Cette forme de
partage associe aussi bien les autochtones que les étrangers. C'est un
mode de faire-valoir indirect
3.1.1.2 La classification des sols
Les paysans classent leurs terres en fonction des couleurs et
font une distinction entre les terres de savanes (Dzogbenyigban) et
les terres de forêts (Avenyigban). Leur classification repose
principalement sur la couleur des horizons de profondeur. Les
Avenyigban sont plus fertiles et peuvent toutes sortes de cultures
alors que les Dzogbenyigan sont consacrés spécifiquement
aux palmiers, au manioc et à l'arachide. Les sols
rouges18 et noirs19 sont en grande
majorité des Avenyigban alors que les sols
blancs20 sont des Dzogbenyigban ; les sols
rouges, qui sont les plus abondants, sont plus recherchés que
les sols noirs. Les sols blancs sont par contre les moins
recherchés. Paradoxalement, tous les trois types de terres valent le
même prix lorsqu'elles sont vendues. Les sols blancs sont,
cependant, ceux qui sont le plus aisément donnés pour
exploitation.
3.1.1.3 Les pratiques de restauration des
sols
Lorsque les terres deviennent pauvres, la restauration de
leur fertilité devient impérieuse. Les paysans se basent sur
certains critères pour déterminer l'appauvrissement de leurs
terres : la faible productivité des terres, l'aspect des cultures
(rabougrissement, jaunissement,...), le ruissellement survenant en cas de
pluies (sol compacté), la croissance difficile des mauvaises herbes et
la présence de certaines adventices notamment Imperata
cylindrica, et Sporobolus pyramidalis (motogbe en langue
locale).
D'après la classification française CPCS (1967)
:
18 Sols noirs : sols ferrugineux tropicaux
lessivés indurés ; couleur brun-très sombre (état
humide
1 0YR 2/2 )
19 Sols rouges : sols ferrugineux tropicaux
lessivés à concrétions ; couleur brun sombre à brun
rougeâtre (état humide, 7,5YR 3/2 à 2,5YR 3 /4)
20 Sols blancs : sols peu évolués
d'apport colluvial ; couleur brun - brun sombre à brun -jaunâtre
(état humide, 10YR 4/3 à 10YR 4/4).
La jachère constitue la principale pratique pour
restaurer la fertilité des sols dans le village. Elle varie de 1
à 10 ans. Elle est pratiquée par 37% de paysans.
Les plantes améliorantes comme le mucuna
introduit dans le cadre du projet PODV, le leucaena, introduit depuis
1985 par une ONG dans le milieu, sont utilisés pour restaurer les sols.
Une plante adventice nommée `'tsakpoe» 21 (Mucuna sp.)
est aussi connue comme plante de couverture. Cependant, l'utilisation de
ces plantes améliorantes n'est pas très répandue pour
plusieurs raisons :
· perte de la petite saison due à la culture du
mucuna et anomalies climatiques;
· prolifération rapide et exagérée du
leucaena qui devient difficile à éliminer et
dont les racines empêchent le labour (seulement 3% ont eu à
l'utiliser) ;
· méconnaissance des plantes améliorantes
(par 11% des paysans).
Il faut néanmoins signaler que seuls les anciens
membres du grenier villageois connaissent l'utilisation du mucuna, ce qui fait
que seulement 21% des paysans ont déclaré utiliser le mucuna pour
améliorer la fertilité de leur sol (en réalité,
dans certains champs, le mucuna n'est semé qu'en certains points du
champ).
Comme alternatives aux difficultés d'utilisation des
plantes améliorantes, certains paysans ont déclaré qu'ils
font un assolement et une rotation « mucuna - cultures vivrières
» : ils divisent leur champ en deux et ils cultivent le mucuna sur une
moitié du champ alors que l'autre moitié est consacrée aux
cultures et l'année suivante, ils changent de place au mucuna.
Il est aussi important de signaler les diverses autres pratiques
paysannes en matière d'amélioration de la fertilité de
leurs terres :
· 21% des paysans utilisent le manioc pour
améliorer la fertilité de leurs sols car, selon eux, il permet
d'ameublir le sol et de le retourner tout comme le labour profond ;
· 24% utilisent le niébé et/ou l'arachide
avec restitution des résidus de récolte au sol.
· 18%, apportent du fumier ou des déjections
d'animaux à leurs sols (les élevages étant encore
traditionnels et peu importants, il est clair que ce ne sont que très
faibles quantités de fumiers qui sont épandues)
21 Tsakpoe : nom vernaculaire utilisé
pour désigner une plante adventice du genre mucuna
D'autres contraintes à l'amélioration de la
fertilité de leurs sols sont aussi signalées par les paysans
notamment :
· le manque de moyens financiers pour l'achat des
engrais (évoqué par 50%), des semences de mucuna
principalement ; ils souhaiteraient à cet effet bénéficier
de lignes de crédits pour l'achat des intrants quitte à
rembourser à la vente des produits de récolte.
· l'insuffisance de terres (évoqué par
34%) pour pouvoir installer les plantes améliorantes ; à ce
niveau, un travail intense propagande doit être fourni pour faire
comprendre aux paysans qu'ils ont plus à gagner en utilisant des plantes
améliorantes notamment le mucuna qui permet à la fois de
lutter contre les adventices comme le chiendent, d'améliorer la
fertilité des sols et la production.
· La crainte de la « jalousie » ou convoitise
(citée par 14% des enquêtés) constitue une autre contrainte
à l'amélioration de la fertilité des sols ; cette jalousie
qui peut entraîner le retrait des terres louées par leur
propriétaire lorsque celui-ci verra la productivité de ses terres
augmenter à cause de l'utilisation des techniques
d'amélioration.
Il ressort de ceci que les paysans travaillant sur les terres
louées n'accepteraient en aucun cas d'utiliser des plantes fertilisantes
pour améliorer la fertilité des terres qu'ils exploitent au
risque de se les faire retirer à n'importe quel moment (ils sont
cependant plus disposés à utiliser des engrais sur les terres
louées car leurs effets sont « immédiats »).
Les résultats des travaux de Steiner (1996) ont
prouvé que les droits fonciers en vigueur dans nos pays contribuent
à la dégradation des ressources en raison de
l'insécurité foncière, de réglementations
étatiques non adaptées et de la perte de la perte
d'autorité des institutions traditionnelles.
Il devient donc impérieux de sensibiliser les
villageois sur l'utilité d'établir des contrats auprès
d'une autorité. Il convient également, pour aller dans le
même sens que cet auteur, de faire en sorte que les personnes
concernées soient informées précisément de
manières à pouvoir revendiquer leurs droits.
La sécurité foncière permettra aux
paysans d'investir dans les mesures de protection des sols à long
terme pour éviter une dégradation des terres car
les agriculteurs n'investiront dans la conservation des terres que s'ils ont
la garantie
foncière sur leurs zones d'exploitation, selon une
étude de CRDI rapporté par l'ENDA22.
3.1.1.4 L'utilisation des engrais et des semences
améliorées
Les engrais sont connus des villageois mais leur utilisation
est peu rentrée dans les habitudes paysannes. Un sondage rapide
effectué sur les paysans présents lors de l'ISS nous a permis de
constater que seuls 4 hommes sur 11 et 3 femmes sur le même effectif (ce
qui donne un pourcentage d'environ 27-36 %) utilisent des engrais. Plus tard
les résultats de l'enquête nous ont confirmés que seulement
32% des paysans utilisent des engrais, en quantité très faible et
principalement pour les cultures maraîchères (tomate et
piment).
Les principales raisons de la non-utilisation des engrais est
leur coût élevé (18% des paysans) et le manque d'argent
(11%).
Les seuls engrais connus sont NPK 15-15-15 et Urée.
Ils sont utilisés sur des cultures telles que le maïs, la tomate et
le piment Les engrais sont disponibles dans un village voisin (Assahoun)
auprès de l'Institut de Conseils et d'Appuis Techniques (ICAT). Les
engrais vendus par l'ICAT sont fournis par la Direction Générale
de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche (DGAEP) et sont aux prix
subventionnés de 7750 F le sac de 50 kg de NPK 15-15-15 ou d'urée
(à ces frais s'ajoutent 250 F de frais de transport jusqu'au village que
les paysans n'oublient pas d'incorporer au coût des engrais).
Par contre, à Kévé chez un importateur
privé (CALLITOGO), les engrais sont disponibles aux prix (non
subventionnés bien entendu) de 12000 F pour le sac de NPK, 10000 F pour
l'urée et 13000 F pour le NPKSB.
Les paysans (7%) se sont plaints du manque d'engrais sur le
marché ; ils ont déclaré que les stocks de NPK (qui sont
généralement en faible quantité) s'épuisent
rapidement dans les réserves de la Direction Générale de
l'agriculture représentée par l'ICAT et ils sont parfois
obligés d'utiliser l'urée seule pour leurs cultures
(principalement pour les cultures maraîchères).
Quant aux semences améliorées, 47% des paysans
en utilisent pour les cultures comme le maïs surtout, la tomate et le
piment. Ce taux est très intéressant
puisqu'il surpasse la moyenne nationale qui était
passée de 42% avant la dévaluation du FCFA à 34% (Sokpoh,
1997). Ces variétés sont utilisées pour leur
précocité surtout et leurs fortes productivités.
En ce qui concerne le maïs, en particulier, beaucoup de
paysans n'utilisent pas de variétés améliorées
à cause de leurs mauvaises qualités organoleptiques et aptitudes
à la conservation. Les variétés connues dans le village
sont Ikénné, AB1 1, TZEComp4 et TZEEY-SRBC5. Les paysannes
manifestent une préférence pour la V2. La plupart des paysans
utilisant les semences améliorées les réutilisent plus de
deux saisons (et parfois, jusqu'à disparition des
caractéristiques de la variété)23. Un travail
de sensibilisation devra donc être effectué pour montrer
l'importance d'acheter après chaque saison de nouvelles semences.
Expériences paysannes : A la
restitution des résultats, les paysans ont constaté que les
variétés améliorées notamment AB1 1,
Ikénné et TZEComp4 ont donné de meilleurs rendements que
leur variété locale. Cependant, lors de nos discussions, ils ont
montré une préférence pour la TZEComp4 en raison de sa
précocité. Ils ont également tiré la conclusion que
les variétés améliorées répondent mieux aux
apports d'engrais que leur variété locale (voir annexe 3, tableau
A3.4) qui est par ailleurs très sensible au virus de la striure du
maïs.
3.1.2 Les autres ressources du terroir
Le ruisseau Towu est une autre richesse du terroir ; son
bas-fond est exploité pour le maraîchage. Ce bas-fond fut
utilisé, il y a une dizaine d'années, comme rizière mais
les mauvaises aptitudes des sols blancs (voir plus loin) ont
entraîné, faute de systèmes d'irrigation adéquats,
l'abandon de cette culture.
Sévé-Kpota possède aussi des savanes
boisées ou « forêts » ; les paysans se rendent compte
qu'ils doivent réagir devant la disparition de leurs « forêts
» et se proposent de faire un reboisement avec du teck, des
eucalyptus et du Cassia siamea. La collecte de ces
données vient en complément à la carte du terroir et aux
transects qui sont présentés dans les rubriques qui suivent :
23 Au cours de nos visites dans le village, nous
avons constaté qu'un paysan a commencé par vendre comme semences,
les produits de récolte de la variété TZEComp4 qu'il a
obtenue lors des essais de COSTBOX en 2001
Figure 111.1 : Carte du terroir
Vers Kévé
vers
vers
vers
Figure 111.2 : Transect dans la direction nord-sud
64
La carte de terroir est la carte de synthèse
réalisée à la fois par les hommes et les femmes.
Cette carte nous présente le terroir de
Sévé-Kpota avec ses villages limitrophes (Zoukpénou,
Howuivé, Kouvé, Vakpo et Amakè) et trois zones
d'habitation correspondant aux trois grands quartiers sus-mentionnés
(Seve-Lomnava, SeveKopehoho et
Sévé-Kpota). Telle que
représentée, la carte nous indique que la plus grande proportion
de terres exploitables est constituée surtout par des sols
rouges ; ils sont suivis par les sols blancs. Seules trois
zones de faible étendue sont indiquées, par les paysans, comme
fortement dégradées. La présence de bas-fonds est synonyme
d'une possibilité de riziculture avec l'installation de systèmes
d'irrigation adéquats (il y a une dizaine d'années ces bas-fonds
furent utilisés dans le cadre du projet AGRI-PROMO pour le
développement de la riziculture dans la région ; malheureusement,
le manque de systèmes d'irrigation n'a pu permettre l'installation
définitive de cette culture).
Les terres de Sévé-Kpota se trouvent sur une
zone anciennement forestière comme l'indique le nom du village
(étymologiquement Seve signifie forêt d'antilopes).
Les paysans ont également pris le soin de signaler sur
la carte la présence du magasin de stockage de produits agricoles
construit dans le cadre du projet PODV. Mais il est constaté que
très peu de paysans (34%) y stockent leurs produits en vue d'une
spéculation sur leurs prix. La majorité (68%)
préfère conserver le maïs non-égrenés dans les
greniers traditionnels en utilisant la chaleur dégagée par les
feux de cuisine pour chasser les ravageurs de récolte ; seulement 13%
conservent dans leur maison le maïs égrené et traité
au sofagrain24.
Dans ces conditions, la majorité des paysans ne peut
ni tirer un grand revenu de la vente de ses produits ni rembourser les
crédits qui lui sont octroyés ; soit parce la grande partie de la
récolte serait détruite à cause d'une mauvaise
conservation (Smith25, 2001), soit parce que celle-ci sera vendue
très tôt à bas prix alors le prix du kilogramme de grains
de maïs ne sera pas encore passé de 65 F (à la
récolte) à 160-200 F (à la soudure).
24 Sofagrain : pesticide constitué de 1,5% Pirimiphos
méthyl et de 0,05% Deltaméthrine
25 Smith, H.S. : notes de cours de conservation
traditionnelle des produits agricoles
Une sensibilisation doit donc être menée pour
montrer l'opportunité d'utiliser les produits phytosanitaires pour la
conservation des produits de récolte (car rien ne sert de produire si on
ne peut conserver pour pouvoir spéculer sur les prix de vente des
produits).
Par ailleurs, un encadrement plus accru des services
agricoles pour le renforcement et l'organisation du grenier villageois (qui ne
compte plus qu'une dizaine de membres) permettrait une facilitation des
démarches auprès des institutions de micro-finances pour
l'obtention de crédits agricoles destinés à l'achat
d'intrants puisque selon les résultats des études d'André
(1990), le crédit est un puissant moyen de promotion des engrais. Mais
il est impérieux, d'adopter au préalable de nouvelles
stratégies pour baisser les forts taux de non-recouvrement des
crédits octroyés qui ont découragé, les organismes
de crédits, selon Sokpoh (1997). Les travaux de Steiner (1996) ont aussi
prouvé que les mesures qui facilitent l'accès aux crédits
sont souvent très utiles, en particulier lorsque les
bénéficiaires sont des femmes ou des ménages/exploitations
économiquement faibles mais il précise qu'il ne doit s'agir que
d'aides de départ, comme la prise en charge des coûts
d'investissement ou la « soudure » entre le moment de
l'investissement et celui ou intervient l'amélioration des revenus.
A ces conditions, la GIFS serait promue ; elle aboutirait
à une utilisation durable des terres et à la rentabilisation de
l'agriculture pour les petits producteurs de ce village.
Les transects, quant à eux, ont été
effectués dans les directions ouest-est et nord- sud. Ils nous ont
permis de découvrir les principales zones du village, les types de sols,
les tendances d'évolution, la végétation ainsi que les
principales cultures.
Le premier transect, dans la direction nord-sud du village
sur une distance de 1699 m (soit 2930 pas effectués), nous a permis de
traverser 4 zones notamment Dodzramé, Démékopé,
Sévékpota et Amakègblé. Sur ce parcours, nous avons
également traversé les sols rouges et noirs
séparés par une zone de transition.
Le second, effectué dans la direction ouest-est du
village de Sévé-Kpota sur une distance de 1699 m (2644 pas
comptés), nous a permis de traverser les zones dénommées
Lomnava, Seve, Demekopé, Kotoka,
Kopehoho et Awoudome ainsi que les sols rouges et
blancs et, comme dans le cas précédent, une zone de
transition entre ces deux types de sols.
Une petite variabilité a été
notée sur les sols rouges : une partie comporte des
concrétions alors que l'autre n'en comporte pas. Le principal
problème lié à la présence de ces
concrétions est la forte sensibilité des cultures au stress
hydrique, surtout lorsqu'il y a eu application d'engrais minéraux.
Les sols blancs, eux, ne sont pas de bonnes terres
agricoles; ils sont souvent sujets aux inondations; en effet, ils restent
gorgés d'eau pendant la grande saison pluvieuse et ce, durant 3 ou 4
mois et lorsque l'eau se retire enfin, le sol se craquelle, ce qui rend le
développement de toute culture, et particulièrement de la
riziculture difficile. Pour y rendre possible cette riziculture, les villageois
proposent l'aménagement d'une retenue d'eau et de canaux d'irrigation
afin d'assurer un approvisionnement hydrique régulier à la
culture.
Les sols noirs, par contre, sont des terres riches ;
leur seul défaut est qu'ils sont peu profonds.
Le parcours du transect nous a révélé
que même si les cultures occupent une bonne partie des terres, il existe
aussi des jachères. Cela confirme le fait que le manque de terres n'est
pas encore un véritable problème dans le village.
La présence de grands arbres tels que Ceiba
pentendra, et Adansonia digitata, Acacia auriculiformis (Racosperma
auriculiformis), Eucalyptus sp et beaucoup de Cassia siamea
(Seana siamea) est la preuve que nous sommes dans une zone anciennement
forestière.
Les principales cultures observées sont le manioc et
le palmier à huile. Le maïs est très peu
représenté (le transect ayant été
réalisé pendant la petite saison pluvieuse où le maïs
qui est cultivé principalement pendant la grande saison a
cédé la place sur la plupart des champs au manioc avec lequel il
était en association). Quelques nouveaux champs de la deuxième
saison ont toutefois été observés.
L'association maïs-manioc est pratiquée par 92%
des enquêtés qui ont évoqué les raisons suivantes
pour expliquer ce système cultural :
· Le manioc est nécessité comme aliment : il
est très important dans le régime alimentaire des populations de
ce village ;
· le manque de terre : l'association maïs-manioc
permet d'occuper au maximum le peu d'espace dont disposent certains paysans
;
· la réduction des sarclages : le sarclage du
manioc est effectué en même temps que celui du maïs ;
· l'amélioration des qualités physiques du
sol : le manioc permet de retourner le sol et de l'ameublir lorsque ses
tubercules sont récoltés ;
Il est aussi important de signaler que 24% des paysans
sèment le niébé ou l'arachide, non seulement dans le but
d'utiliser les produits de récolte mais aussi dans celui
d'améliorer le sol.
La culture de manioc exporte de grandes quantités de
potassium du sol ; les restitutions de résidus de récolte ne
peuvent jamais suffire à compenser les exportations de N, P et K par les
cultures. Les recommandations de dose d'engrais doivent donc tenir compte des
exportations du manioc. Or dans les conditions financières actuelles de
nos populations, il est pratiquement impossible de leur demander d'augmenter
les doses d'engrais à appliquer car les paysans ont déjà
du mal à suivre les recommandations existantes ajouté au fait que
seuls 26% des paysans pensent que les engrais pourront leur permettre
d'exploiter durablement leurs terres.
Le développement de nouvelles technologies à
partir des technologies déjà existantes dans le milieu, notamment
la rotation culturale avec l'arachide ou le niébé serait une
alternative pour éviter la dégradation des terres. Aussi,
l'adoption des options technologiques MMuE26 proposées par
Tamélokpo et al. (2002) constituerait une alternative pour éviter
la dégradation des terres à long terme; ces options
technologiques ont permis d'obtenir des gains de rendement supérieurs
à 2 tonnes comparés aux pratiques paysannes (cf. tableau I.5) sur
les sols ferralitiques.
Néanmoins, il convient de préciser que les
travaux de Fofana et al. (2003) ont prouvé qu'à
Sévé-Kpota, les rendements obtenus sur les parcelles
améliorées avec du mucuna ne sont pas statistiquement
différents de ceux des parcelles non améliorées.
Il serait aussi souhaitable de montrer aux paysans la
nécessité de planter des arbres tels que Gliricidia sepium
Jacq., Cassia siamea Lam. (déjà
répandus dans le village) ou Racosperma auriculiformis (Acacia
auriculiformis) ou des engrais verts comme Cajanus cajan (L.)
Millsp. non seulement dans le but de protéger
26 MMuE= Maïs-Mucuna avec Engrais
leur environnement mais aussi dans celui de conserver les
sols grâce à la biomasse laissée par ces
légumineuses.
Il serait aussi souhaitable que pour les cultures
maraîchères, des appuis-conseils soient apportés par les
services d'encadrement aux paysans de ce village car, selon les enquêtes,
aucun d'eux ne connaît les doses d'engrais à appliquer.
Enfin pour remédier à l'appauvrissement continu
de leurs terres, les villageois voudraient à l'avenir utiliser les
plantes améliorantes comme le mucuna au vu des résultats
satisfaisants obtenus par les paysans qui travaillent dans le village avec
l'IFDC depuis 1999. D'après l'enquête, 68% des paysans sont
convaincus que l'utilisation du mucuna leur permettrait d'éviter la
dégradation de leurs terres et déjà « 21% l'utilisent
dans leur champ ».
Aussi, 84% des paysans interrogés laissent-ils les
résidus de récoltes dans leur champ. Ceci constitue un
résultat louable dans la mesure où, une très grande
fraction des exportations se trouve dans les chaumes (les quatre
cinquièmes du potassium absorbé se retrouvent dans les
résidus ; Deffo et al., 1999). De plus, selon Bationo (1994), le
recyclage des résidus organiques est une condition préalable
nécessaire pour une production durable ; une culture sans recyclage des
résidus de récolte se traduit par une baisse rapide du niveau de
matière organique dans les sols et un lessivage des bases suivi d'une
apparition de toxicité de l'aluminium.
3.4 Analyses des résultats des essais
Les résultats des essais et les tableaux d'analyse de
variance sont présentés en annexe 3. Les rendements
estimés à partir de la méthode de Yate sont les suivants
:
- rendements en grains : 1,42 t
ha-1 - rendements en paille : 2,53
t ha-1
3.4.1 L'influence des sols sur les
rendements
Le tableau III.1 nous présente les résultats du
test de Duncan effectué sur les rendements moyens des trois types de
sols.
Tableau 111.1 : Comparaison des rendements grains et paille et
des IR par type de sol
Type de sols
|
Rendements (t ha- 1)
|
IR27
|
|
|
|
|
Grain Paille
rouge 2,24 b 2,76 b 0,45a
noir 3,29 a 4,13 a 0,45a
blanc 2,28 b 3,74 a 0,37a
La moyenne des rendements en grains sur les sols
noirs se distingue nettement de celle obtenue sur les sols rouges
par leur supériorité. Par contre, la moyenne des rendements
en grains sur sols rouges est statistiquement identique à celle
des sols blancs. Cela confirme en partie la connaissance que les
paysans ont de leurs terres : les sols noirs sont les plus riches au
niveau de ce village.
De même, la moyenne des rendements en paille des sols
noirs se différencie de la moyenne obtenue sur les sols
rouges. Cette fois-ci cependant, les moyennes de rendements des sols
noirs et blancs sont statistiquement identiques.
Les indices de récolte sont statistiquement identiques
: les rendements en paille sont donc statistiquement proportionnels aux
rendements en grains, comme nous le démontre le tableau III.1.
3.4.2 L'influence des traitements sur les
rendements
Les moyennes des rendements des traitements 4 (50 kg NPK et
100 kg d'urée) et 5 (150 kg d'urée) sont statistiquement
identiques même si le traitement 3 semble avoir donné le meilleur
rendement (tableau III.2).
27 IR = Indice de récolte
Tableau 111.2 : Comparaison des rendements en grains et en
paille et des 1R par traitement
Traitement
|
Rendements (t ha-1)
|
IR
|
|
|
|
Grain
|
Paille
|
|
T2
|
2,00 b
|
2,81 c
|
0,42a
|
T3
|
2,96 a
|
4,10 a
|
0,42a
|
T4
|
2,73 a
|
3,70 b
|
0,43a
|
T5
|
2,72 a
|
3,58 b
|
0,43a
|
|
NB : T2, T3, T4 et T5 sont respectivement
les traitements 2, 3, 4, 528
L'analyse des indices de récolte (IR) montre qu'ils
sont également statistiquement identiques ; en d'autres termes
c'est-à-dire que les rendements en paille suivent les mêmes
évolutions que les rendement en grains et ceci au niveau de tous les
traitements.
Il ressort de cette analyse qu'au niveau de ce village, les
paysans qui appliqueront 3 sacs d'urée (T5) ou 2 sacs d'urée et 1
sac de NPK (T4) ou encore 3 sacs NPK et 1 sac d'urée (T3) obtiendront
théoriquement les mêmes rendements.
Ces résultats confirment également les
prédictions de QUEFTS selon lesquelles les sols de
Sévé-Kpota ne sont pas déficients en phosphore et en
potassium. Puisque même sans apport de ces deux éléments au
traitement 5, on obtient des rendements statistiquement identiques à
ceux des traitements ayant reçu des apports de phosphore et
potassium.
Toutefois, l'apport de l'azote seul à la culture de
maïs aboutirait rapidement à l'appauvrissement du sol en ces deux
éléments même s'il y a restitution des résidus de
récolte au sol; ces résidus ne contiennent que de très
faibles quantités d'azote, de phosphore et ne peuvent suffire à
compenser les exportations d'éléments dues aux grains (en
particulier dans le cas du phosphore), qui sont de 5 à 7 fois
supérieures à celles de la paille. Allant dans le même
sens. En effet, les compositions en azote et phosphore de la paille sont
très faibles, comparativement à celle des grains, car à
maturité physiologique, la grande partie de ces deux
éléments migre vers les organes de réserves que sont les
grains (Rouanet, 1991).
3.4.3 Les résultats des essais sur les sols
rouges29
Le tableau III.3 nous révèle que les meilleurs
rendements sont obtenus sur les sols rouges avec le traitement 3 (2,69
t ha-1); ils se distinguent largement des rendements des T4 (2,20 t
ha-1) et T5 (2,32 t ha-1).
L'efficacité agronomique (EA) du T4 se
révèle, cependant être les meilleurs aussi bien pour le
phosphore que pour le potassium. ; ceci veut dire que l'apport de 1 kg de
phosphore ou de potassium sous forme d'engrais contribue beaucoup plus à
la formation de grains que dans le cas du traitement 3. Par contre l'EA de
l'azote baisse en passant du traitement T3 au traitement T4 ; cette même
baisse d'EA est observée en passant de T4 à T5 (tableau
III.3).
La baisse des EA de l'azote au T4 et au T5 sont dues aux
quantités assez élevées de cet élément qui
sont apportées au niveau de ces traitements alors que celles de
phosphore et de potassium ont diminué (au T4) ou sont nulles (au T5).
Les sols rouges se révèlent ainsi
être moins riches en phosphore et en potassium ; cela fait que la
diminution des doses de P et K a entraîné une limitation des
absorptions d'azote.
Tableau 111.3: Rendements en grains et en paille'
EA30 et 1R par traitement sur les sols rouges
Traitements Rendements (t ha-1)IR
EA grains
Grain Paille N P K
T2 1,75 c 2,15 c 0,45a
|
- - -
|
|
T3 2,69 a 3,38 a 0,44a 21,12 96,41 50,13
T4 2,20 b 2,89 ab 0,45a 8,39 138,15 71,84
T5 2,32 b 2,61 bc 0,48a 8,26 - -
La production de paille reste proportionnelle aux rendements
en grains obtenus. Ceci est confirmé par les indices de récolte
qui sont statistiquement identiques.
Ainsi, sur les sols rouges, il se
révèle que les doses de P et K apportées au T3 semble
être idéales pour l'obtention de bonnes efficacités
agronomiques pour l'azote et le potassium
29 Sols rouges : sols ferrugineux lessivés
à concrétions ; couleur brun sombre à brun rougeâtre
(état humide, 7,5YR 3/2 à 2,5YR 3/4)
30 EA = Efficacité Agronomique
Néanmoins, il convient de procéder à une
analyse du RVC pour déterminer la rentabilité de l'investissement
du paysan pour l'acquisition des engrais afin de pouvoir faire des
recommandations.
Expériences paysannes
A la restitution en fin de saison, les paysans ont
observé que le traitement 3 (150 kg NPK + 50 kg urée) est
meilleur au traitement 4 (100 kg urée + 50 kg NPK) qui est
lui-même meilleur au traitement 5 (150 kg urée) mais la
différence entre ces deux derniers n'était pas très
significative. Ils ont tiré la conclusion que pour leurs sols
rouges le traitement 3 est plus adapté.
|
|
3.4.4 Les résultats des essais sur les sols
noirs31
Sur sols noirs, aucune différence
significative n'est notée tant au niveau des rendements en grains qu'au
niveau des rendements en paille, quoique ici, le T5 (3,68 t ha-1)
semble avoir donné le rendement le plus élevé
comparé au T3 (3,45 t ha-1) et au T4 (3,48 t ha-1)
(tableau III.4).
Les rendements en paille sont restés toujours
proportionnels aux rendements en grains puisque les indices de récolte
sont tous statistiquement identiques.
On constate également que les efficacités
agronomiques du T4 sont élevées, non seulement, pour le phosphore
(290,46) et le potassium (151,04) mais aussi pour l'azote (17,64) qui devient
très proche de celle du traitement 3 (20,65). Les mêmes
observations sont faites au niveau de l'EA de l'azote du T5 (16,55).
Les sols noirs sont donc pourvus aussi bien en N
qu'en P et K ; en effet, lorsqu'on augmente les doses d'azote en passant de T3
à T5, les efficacités agronomiques ne baissent que
légèrement comparés au cas des sols rouges.
Au niveau du traitement 4, on remarque une meilleure
utilisation du phosphore et du potassium apportés par les engrais ; les
sols noirs étant plus riches en matière organique, ont
permis une meilleure rétention des éléments
apportés (par le phénomène d'adsorption) d'où une
meilleure EA.
31 Sols noirs : sols ferrugineux lessivés
indurés ; couleur brun-très sombre (état humide 10YR
2/2).
Tableau 111.4 : Rendements en grains et en paille'
EA et 1R par traitement sur les sols noirs
Traitements
|
Rendements ( t ha-1)IR EA
grains
|
|
|
|
Grain Paille N P K
T2 2,53 b 3,37 b 0,44a
|
- - -
|
|
T3 3,45 a 4,54 a 0,44a 20,65 94,26 49,01
T4 3,48 a 4,36 a 0,45a 17,64 290,46 151,04
-
T5 3,68 a 4,23 a 0,47a 16,55 -
La baisse de l'EA de l'azote au T5 serait certainement due
à l'absence de P et K qui a limité l'absorption de l'azote (selon
le principe du facteur limitant de Liebig).
Ainsi, s'il se dégage la conclusion que les sols de
Sévé-Kpota ne sont pas déficients en phosphore et en
potassium, l'apport d'azote seul au sol entraînerait rapidement
l'appauvrissement de celui-ci en P et K à cause des exportations des
cultures ; c'est ce que la FAO qualifie d'« agriculture minière
» (Bationo et al., 1998). Il convient alors d'apporter ces
macro-éléments (N, P et K) au sol par les engrais comme au T3 et
T4. Néanmoins, pour pouvoir discriminer le traitement idéal entre
T3 et T4, il s'avère aussi nécessaire de procéder comme
dans les cas précédents à une analyse économique
avant de tirer des conclusions.
Expériences paysannes
Lors de la restitution, les paysans ont choisi le T4
comme meilleur traitement en faisant intervenir le facteur coût des
engrais. Ils ont aussi remarqué que les variétés AB11 et
Ikénné32 ont donné les meilleurs rendements
comparés à leur variété locale ; cependant, la
première donne des rendements supérieurs à la
seconde.
|
|
3.4.5 Les résultats des essais sur les sols
blancs33
Sur les sols blancs, les rendements de T4 (2,52 t
ha-1) et de T3 (2,75 t ha-1) sont statistiquement
identiques ; ces deux traitements donnent de meilleurs rendements
comparés à T5 (2,16 t ha-1).
La production de paille est demeurée proportionnelle
à la production de grains comme dans les cas des sols rouges et
noirs.
32 Voir dans annexe 3, les rendements par
variété
33 Sols blancs : sols peu évolués
d'apport colluvial ; couleur brun - brun sombre à brun jaunâtre
(état humide, 10YR 4/3 à 10YR 4/4).
Tableau 111.5: Rendements en grains et en paille' EA
et 1R par traitement sur les sols blancs
Traitements
Rendements (t ha-1) IR EA grains
Grain Paille N P K
T2 1,70 b 2,91 b 0,38a -
|
- -
|
|
T3 2,75 a 4,39 a 0,39a 23,48 107,18 55,73
T4 2,52 a 3,85 a 0,40a 15,21 250,46 130,24
T5 2,16 ab 3,83 a 0,34a 6,58
Comparé à T3, le traitement T4 présente une
EA plus élevée pour le phosphore (250,6) et le potassium (130,24)
; mais l'EA de l'azote (15,21) est plus faible.
Contrairement à l'EA de l'azote du traitement 5 sur sols
noirs (16,55), celle des sols blancs est extrêmement
faible (6,58).
Ce résultat peut s'expliquer par le fait que les sols
blancs sont encore plus pauvres en phosphore et en potassium que les
sols rouges. Selon la loi de Liebig ; ces deux éléments
étant limitants, l'azote n'a pu être absorbé en
quantité optimale.
L'apport de phosphore et de potassium s'avère donc
indispensable sur les sols blancs qui se retrouvent donc être
les plus pauvres dans le village.
Expériences paysannes :
Lors de la restitution, les paysans ont encore
désigné les sols blancs comme étant les plus
pauvres ; ils ont également pu noter que le rendement du T3 est meilleur
à celui du T4 ; T5 reste le traitement aux plus faibles rendements. Ils
ont choisi le T4 en faisant une analyse en terme de coût
|
|
Discussions des résultats de l'analyse
statistique
L'analyse statistique des résultats a permis de
vérifier les hypothèses formulées au début des
essais selon lesquelles les doses d'engrais apportées à la
culture de maïs étaient générales et ne tenaient pas
compte des spécificités des sols. L'apport essentiellement
d'azote comme fumure constitue une forme d'agriculture minière et se
révèle dangereux pour la durabilité des exploitations des
petits producteurs. Les indices de récolte observés sont
inférieurs à la valeur de 0,50 proposée par van
Duivenbooden (1996). A ces faibles IR, deux causes peuvent en être
à l'origine :
· un excès d'azote dans la plante : les travaux
de Clerc et al. (1982) montrent, que pour des doses excessives d'azote,
l'indice de récolte baisse car l'azote tend à favoriser plus la
production de paille. Les doses de N appliquées (44,5 kg
ha-1, 53,5 kg ha-1 et 69 kg ha-1
respectivement aux T3, T4 et T5) semblent donc être supérieures
aux besoins de la culture quoique Lamboni (2000) ait trouvé qu'une dose
de 50 kg d'azote soit appropriée pour couvrir les exportations de N par
la culture sur un précédent mucuna (pour 20 kg de phosphore, le
potassium n'étant pas limitant).
· les caractéristiques des variétés
utilisées : les variétés améliorées surtout
AB1 1 et V2 présentent des indices de récolte supérieurs
à 0,50 alors que les variétés locales ont un indice de
récolte inférieur à cette valeur optimale (voir annexe 3,
tableaux A3.1 et A3.2) ; la plupart des paysans ayant semé la
variété locale, la moyenne de tous les IR au niveau de tous les
types de sols se trouve donc inférieure a 0,5. Cela confirme bien le
constat des paysans selon lequel, les variétés
améliorées répondaient mieux aux apports de
fertilisants.
La rentabilité d'une technologie est un facteur
très important dans la décision d'adoption de cette technologie
et les paysans raisonnant eux-mêmes en terme de coût, il nous
s'avère donc nécessaire de procéder à une analyse
économique.
3.4.6 L'analyse économique
Les ratios valeur-coût (RVC) calculés n'ont pris
en en compte que le coût total des l'engrais ; selon les résultats
de l'enquête, les autres coûts d'exploitation et les coût
liés au stockage des produits sont très variables et difficiles
à estimer (coûts du défrichement, des sarclages, de
l'épandage d'engrais, de la récolte, la plupart de ces
activités étant effectuées par la main-d'oeuvre familiale
non-rémunérée).
Il se dégage, cependant des résultats de
l'enquête, que les activités pour lesquelles le paysan de
Sévé-kpota paye souvent la main-d'oeuvre sont le
défrichement (entre 9000 et 24000 F ha-1 suivant
l'état d'enherbement de la surface à défricher) et les
deux sarclages (entre 5400 et 8000 F ha-1 par sarclage). Quelques
fois, l'épandage d'engrais et le semis sont aussi payés en
moyenne à 5000 F ha-1.
Par conséquent, dans le cas de notre étude le
RVC devra donc être suffisamment élevé pour pouvoir tenir
compte du coût de ces facteurs (y compris l'autoconsommation : les
résultats de l'enquête nous révèlent que plus de 75%
des enquêtés auto-consomment une partie importante de leur
récolte).
Un ratio valeur coût (RVC) élevé (revenu
procuré par l'utilisation des engrais rapporté au coût de
cet intrant) incitera les agriculteurs à adopter l'utilisation des
engrais. Selon Sokpoh (1997), la valeur minimale du RVC relatif à
l'utilisation des engrais minéraux en Afrique souvent utilisée
par la FAO comme indicateur de rentabilité est 2. Cette valeur est le
seuil en dessous duquel le revenu brut de l'utilisation de l'engrais n'est plus
suffisant pour couvrir les coûts d'achat de l'engrais et les autres
coûts afférant à son utilisation (Agate, 1999)
Les résultats de cette analyse économique sont
consignés dans le tableau III.6. A partir des résultats du
tableau, on peut dire que :
Tableau 111.6: Calcul du ratio valeur coût (RVC)
0
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
6
|
7
|
8
|
Type Traitede sol ments
|
Rende- ments (t ha-1)
|
Rende- ment addition- nel (t ha-1)
|
Valeur marginale de la production à la
récolte (FCFA)
|
Valeur marginale de la production à la
soudure (FCFA)
|
Coût global des engrais
(x 1000 FCFA)
|
RVC
à la récolte (4)/(6)
|
RVC à la soudure (5)/(6)
|
Rouge
|
T2
T3
T4
T5
|
1,75 2,69 2,20 2,32
|
-
0,94 0,45 0,57
|
- 61100 29185 37050
|
-
150400 71840 91200
|
0
32 24 24
|
-
|
-
|
1,9
|
4,7
|
1,2 1,5
|
3,0 3,8
|
Noir
|
T2
T3
T4
T5
|
2,53 3,45 3,48 3,68
|
-
0,92 0,95 1,15
|
- 59735 61750 74750
|
- 147040 152000 184000
|
0
32 24 24
|
- 1,9 2,6
|
- 4,6 6,3
|
3,1
|
7,7
|
Blanc
|
T2
T3
T4
T5
|
1,70 2,75 2,52 2,16
|
-
1,05 0,82 0,46
|
- 67925 53300 29900
|
- 167200 131200 73600
|
0
32 24 24
|
-
2,1
|
- 5,2
|
2,2
|
5,5
|
1,2
|
3,1
|
n A la récolte, 7 ratios sur 12 sont supérieurs
à 2 ; 5 traitements ne sont donc pas rentables si le produit est vendu
à la récolte :
· Sur les sols rouges : tous les 3 ratios sont
inférieurs à 2 et ne sont pas rentables pour le producteur ;
néanmoins, le ratio du T3 (1,9) paraît plus proche de 2;
· Sur les sols noirs, les ratios de T4 et de T5
sont supérieurs à 2 ; les rendements obtenus sont donc rentables
pour le paysan.
· Sur les sols blancs, seuls les traitements 3 et
4 ne sont pas rentables ;
n A la soudure, tous les traitements quel que soit le type de
sols sont devenus rentables car ils présentent des ratios largement
supérieurs à 2 (ratios compris entre 3 et 7,7) :
Il ressort également de l'analyse économique que
l'utilisation des engrais est rentable pour le paysan quel que soit le type de
sol et la quantité d'engrais appliquée si celui accepte de ne pas
vendre le maïs aussitôt après la récolte. Une partie
importante du maïs récolté étant autoconsommée
(seul le surplus de production est vendu) et moins de 20% des paysans stockant
leurs produits en vue d'une spéculation, le choix des meilleurs
traitements, en terme de rentabilité, doit tenir compte des habitudes
des paysans.
Le tableau III.7 présente donc la synthèse des
résultats de l'analyse économique :
Tableau 111.7 : Traitements à choisir par le paysan
à la suite de l'analyse économique
Type de sol Moment de la vente
Récolte Soudure
Rouge T3 T3, T4, T5
Noir T5 T3, T4, T5
Blanc T4 T3, T4, T5
NB : T3 = 150 kg NPK 15-15-15 + 50 kg
urée ;
T4 = 50 kg NPK 15-15-15 + 100 kg urée ;
T5 = 150 kg urée.
Le concept de durabilité de l'agriculture nous impose
de tenir compte à la fois des résultats de l'analyse
économique et du bilan des éléments au niveau du sol. Il
se dégage donc que le traitement 5 n'est pas à recommander ; nos
recommandations ne tiendront donc compte que des traitements 3 (150 kg NPK
15-15-15 + 50 kg urée) et 4 (50 kg NPK 15-15-15 + 100 kg
urée).
Discussion sur les essais en milieu paysan
L'analyse des pratiques paysannes montre que dans 4 cas sur 5,
les paysans ont appliqué des doses d'engrais supérieures à
la recommandation officielle (tableau III.4). Certes, ils ont obtenu de bons
rendements (environ 3 t ha-1 en moyenne), mais ces doses
appliquées ne peuvent correspondre, en réalité, aux
pratiques paysannes. Il peut s'agir d'un biais dû au fait que ces
quantités ont été appliquées sur de petites
superficies puisque dans la pratique, peu de paysans appliquent une dose
d'engrais supérieure à celle recommandée par les services
d'encadrement agricole (lors de l'enquête, aucun d'eux n'a trouvé
les doses d'engrais recommandées insuffisantes pour leurs sols).
· Sur les sols blancs et noirs, les
doses d'engrais appliquées sur le traitement 4 ont produit un bon effet
et très rentable pour le petit producteur qu'il vende son maïs
juste après la récolte ou à la période de
soudure
· Par contre, sur les sols rouges, seul le
traitement 3 semble être très rémunérateur lorsque
le maïs est vendu juste après la récolte ; à la
soudure le traitement 4 semble devenu rémunérateur mais le
bénéfice obtenu ne sera pas aussi élevé que si le
paysan prenait le risque d'acheter un sac d'engrais de plus (cas des doses du
T3).
· L'utilisation des engrais est très rentable
pour le paysan de Sévé-Kpota s'il accepte de vendre ses produits
à la soudure (RVC proche de 7); il est alors possible de penser que la
pratique de la fertilisation démarrera si le paysan accepte de stocker
ses produits car selon les travaux d'André un RVC de 4 à 5
permettra le démarrage de la fertilisation si les prix des produits
agricoles sont élevés, vu qu'il est impossible de diminuer ceux
des engrais.
Tableau 111.8 : Recommandations de doses d'engrais par types de
sol
Type de sol
|
Traitement à choisir
|
Nombre de sacs de 50 kg
|
Types d'engrais à acheter (en terme de sacs de 50
kg)
|
Rouge
|
T3
|
4
|
3 NPK
|
1 Urée
|
Noir
|
T4
|
3
|
1 NPK + 1 Urée
|
1 Urée
|
Blanc
|
T4
|
3
|
1 NPK + 1 Urée
|
1 Urée
|
Expériences paysannes :
Les conclusions des paysans à la fin de la
restitution étaient identiques à celles du tableau III.8. Elles
étaient les suivantes : application du traitement T3 pour les sols
rouges et T4 pour les sols noirs et
blancs.
|
Les recommandations ont réduit le nombre de sacs
d'engrais à appliquer sous culture de maïs de 4 à 3 sacs sur
certains sols afin de pouvoir les adapter aux bourses des paysans. Nous avons
vu aussi que le paysan qui avait appliqué uniquement l'équivalent
de 105 kg ha-1 de NPK seul, soit 2 sacs (tableau II.4) avait obtenu
un rendement très faible. Si un paysan se retrouvait dans la même
situation et qu'il n'avait pas les moyens d'acheter plus de 2 sacs d'engrais
sur un hectare, quel type d'engrais doit-il acheter pour ne pas perdre son
investissement ? A cette question, nous répondrons grâce au
modèle QUEFTS.
3.5 L'utilisation du modèle QUEFTS pour la
formulation
de recommandation
3.5.1 L'adaptation du modèle
3.5.1.1 Le calibrage
Les approvisionnements en N, P et K dépendent non
seulement des teneurs du sol en nutriments mais aussi des quantités
d'engrais apportées. Les taux de recouvrement obtenus après
calibrage sont les suivants :
Tableau 111.9 : Taux de recouvrement de N' P et K
après calibrage
Taux de recouvrement
|
N
|
P
|
K
|
Valeur après calibrage
|
50%
|
70%
|
50%
|
Les taux de recouvrements obtenus pour l'azote et le potassium
sont proches de ceux mentionnés par la littérature (35 à
49%). Par contre le taux de recouvrement de phosphore obtenu après
calibrage s'écarte excessivement de ceux obtenus par Fofana et al.
(2002) (taux situé entre 1 et 13% à Sévé-kpota) ou
rapportés par Breman et Sissoko (1998) (taux inférieur à
15% en Afrique de l'ouest)
Ce fort taux de recouvrement du P peut entraîner une
surestimation des rendements prédits par QUEFTS sur la base des
absorptions de P car selon les résultats des essais à
Sévé-Kpota il y'a moins de 15% du phosphore apporté par
les engrais qui seront réellement absorbés par la culture (Fofana
et al., 2002).
n Les rapports rendement/absorption obtenus à l'issue du
calibrage sont présentés dans le tableau III.10.
Tableau 111.1 0 : Paramètres rendement/absorption obtenus
après calibrage
Paramètres rendement/absorption N P K
Simulés 47 254 25
Réels 47 252 28
n La comparaison des rendements simulés et réels
donne les résultats présentés dans le tableau III.11.
Tableau 111.1 1 : Comparaison des rendements simulés et
réels au calibrage
Nom du paysan Rendements simulés (t ha-1)
Rendements réels (t ha-1)
MOUDOR ama 3,82 3,80
APEDO koffi 4,11 3,84
ATIVON komi 3,96 3,34
Moyenne 3,96 3,66
n A la suite de ce calibrage, les nouvelles formules de
calcul de rendements par QUEFTS quand les absorptions sont maximales et
minimales respectivement pour le N, P et K sont présentées dans
le tableau III.12.
Tableau 111.1 2 : Formule de calcul des rendements par QUEFTS
après calibrage
Rendements calculés par QUEFTS Eléments
absorbés
Absorption maximale Absorption minimale
N YNA=30 x (UN-5) YND=60 x (UN-5)
P YPA=120 x (UP-0,4) YPD=300 x (UP-0,4)
K YKA=60 x (UK -2) YKD=120 x (UK-2)
YNA, YPA et YKA sont les rendements
calculés pour des absorptions maximales de N, P et K respectivement
YND, YPD et YKD sont les rendements
calculés pour des absorptions minimales de N, P et K respectivement
UN, UP et UK sont les absorptions respectives de
N, P et K 3.5.1.2 L'évaluation-validation
a. L'évaluation des tendances de
prédiction34
Les figures III.4 à III.6 présentent les graphes
d'évaluation des tendances de prédiction des rendements
calculés par le modèle pour quelques paysans sur les trois types
de sols.
Sur tous les sols, les moyennes des rendements prédits
par le modèle QUEFTS suivent les mêmes tendances que celles des
rendements réels obtenus ; ceci veut dire qu'il prend bien en compte le
niveau de fertilité du sol combiné aux apports
d'éléments minéraux apportés par les engrais pour
le calcul des rendements. Les rendements prédits sont supérieurs
aux rendements réels, ce qui est normal car le modèle n'a pas
tenu compte des différents stress qui se sont exercés sur la
culture au cours de son développement.
34 les graphes évaluation des tendances de
prédiction sont présentés en annexe 5
Sols rouges
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
Rendements
r prédits
Rendements observés
2 3 4 5
Traitements
Figure 111.4: Evaluation des tendances de prédictions sur
sols rouges
Sols noirs
2 3
4 5
6000
5000
4000
3000
2000
1000
0
Rendements prédits
Rendements observés
Traitements
Figure 111.5: Evaluation des tendances de prédictions sur
sols noirs
sols blancs
|
3500 3000 2500 2000
|
|
|
|
1500 1000
|
|
Rendements prédits
Rendements observés
|
500
0
|
|
|
2 3 4 5
Traitements
Figure 111.6: Evaluation des tendances de prédictions sur
sols blancs
Le tableau III.1 3 présente la moyenne des rendements
simulés (ou prédits) et des rendements observés ainsi que
les déviations des premières par rapport aux secondes.
Tableau 111.13 : Comparaison des moyennes de rendements
simulés et observés
Rendements (t ha-1)
Type de
rouge noir blanc
sol
mentsTraite- simulés observés
déviation35 simulés observés déviation
Simulés observés déviation
2
|
2,57
|
1,75
|
0,82
|
3,99
|
2,53
|
1,46
|
2,19
|
1,70
|
0,49
|
3
|
3,75
|
2,69
|
1,06
|
5,08
|
3,45
|
1,63
|
3,27
|
2,75
|
0,52
|
4
|
3,14
|
2,20
|
0,94
|
4,68
|
3,48
|
1,2
|
2,71
|
2,52
|
0,19
|
5
|
2,76
|
2,32
|
0,44
|
4,48
|
3,68
|
0,8
|
2,37
|
2,16
|
0,21
|
Les interprétations suivantes peuvent déduites de
ce tableau :
Les déviations sont inférieures à une
tonne sur les sols rouges et blancs. Par contre, sur les sols
noirs, ces déviations sont supérieures et à une
tonne; ceci veut dire que les rendements calculés par le modèle
QUEFTS sont assez élevés par rapport aux rendements réels
obtenus après les essais.
· Sur sols rouges, les rendements prédits
par le modèle ne s'écartent pas trop des rendements
observés (voir figure III.4);
· Sur sols noirs (qui sont les plus riches),
QUEFTS surestime beaucoup les rendements (Figure III.5) ; selon les analyses,
ces sols sont très pourvus en P alors que le modèle QUEFTS ne
donne de bonnes performances que quand les sols sont peu fertiles (Janssen et
al., 1992).
· Sur sols blancs, le modèle QUEFTS
prédit assez bien les rendements ; les tendances d'évolution des
moyennes des rendements prédits sont presque identiques à celles
des moyennes des rendements observés (figure III.6).
· La faiblesse des écarts entre les rendements
réels et les rendements prédits pour les sols blancs
nous laisse suggérer que sur ces sols, la fertilité est le
facteur limitant des rendements alors que pour les autres sols, il y a d'autres
facteurs qui n'ont pas été pris en compte par le
modèle.
35 Déviation= Rendements
prédits (simulés) - Rendements observés
Il se peut aussi que cet écart soit dû à
la variété locale utilisée sur toutes les parcelles sur
sols blancs. Lorsque l'on travaille avec des variétés
locales, il serait plus idéal de diminuer le rendement maximal de la
culture considéré par le modèle dans ses calculs.
b. La méthode de l'intervalle de précision
de Mitchell
Le graphe de validation suivant la méthode de
l'intervalle de précision de Mitchell est obtenu en rapportant
l'ensemble des observations réelles aux différences entre les
rendements prédits et observés (voir figure III.7).
L'intervalle a pour limite supérieure 0,91 t
ha-1 et pour limite inférieure, la valeur opposée
(-0,91 t ha-1).
|
6000 5000 4000 3000 2000 1000
0 -1000 -2000
|
|
|
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000
Réels
Simulés- réels
Figure 111.7: Déviations des rendements simulés
par rapport aux rendements observés
La figure III.7 nous montre que les deux tiers (2/3) des
points (64 sur 96) figurent dans l'intervalle de précision de Mitchell,
soit 67% des points. Malgré ce nombre relativement élevé,
nous sommes encore loin d'atteindre le seuil de 83% proposé par
Alagarswamy et al. (2000).
On constate que le modèle, surestime beaucoup les
rendements prédits même s'il simule assez bien l'évolution
des rendements puisque la plupart des points qui ne figurant pas dans
l'intervalle de précisions se retrouvent au-dessus de celle-ci. Cette
surestimation des rendements peut trouver plusieurs explications :
· QUEFTS ne prend pas en compte l'effet des facteurs
tels que la pluviométrie, la densité de semis, la
variété, l'influence des mauvaises herbes. Selon Janssen et al.
(1992), les meilleures performances de QUEFTS sont attendues lorsque la culture
croît normalement sans effet de facteurs limitants sur un sol assez
profond et bien drainé afin d'éviter tout déficit en eau,
tout excès d'humidité ou encore une mauvaise
pénétration racinaire ; les déficiences en
micro-nutriments ou les maladies peuvent aussi avoir été à
l'origine de la surestimation des rendements. Lors de nos observations sur les
parcelles, nous avions eu à constater que toutes celles qui portaient la
variété locale étaient atteintes de striure à un
degré supérieur à 50%.
· Il se peut aussi qu'un stress hydrique ou la
présence de certains plants autour du champ qui étaient en
compétition avec la culture, soit à l'origine de la faiblesse des
rendements obtenus après les essais (cas des parcelles des paysans
Adjoyi Mamiya et Séméfia Atsou). Un sarclage tardif au niveau des
parcelles et la faible densité des plants sur certaines parcelles
(constatée lors des observations également) pouvaient aussi
induire de mauvais rendements.
· Le fort taux de P-total décelé par les
analyses sur les sols de certains paysans auquel s'ajoute le taux de
recouvrement déjà élevé du P (jusqu'à
1200-1600 ppm sur certains sols noirs contre moins de 300 ppm sur la plupart
des autres sols; voir annexe 1) peut aussi en être une cause, même
si les rendements réels obtenus sur les parcelles présentant ces
taux de phosphore (« hors du commun ») sont assez
élevés. Il est cependant nécessaire de se poser des
questions sur la fiabilité des données d'analyses, une principale
limite à l'utilisation des modèles en Afrique signalée par
StruifBontkes et Wopereis (2003).
· L'échantillon composite analysé pouvait
ne pas être assez homogène ; le sol étant
hétérogène, les prélèvements ayant
formé l'échantillon composite pouvaient avoir été
réalisés en des points du champ où le taux de phosphore
était relativement élevé dans le sol ; Il est alors
indispensable de refaire les prélèvements au niveau de ces champs
et de procéder à de nouvelles analyses destinées à
vérifier les résultats obtenus.
Les sols de Sévé-Kpota, d'après les
analyses et les rendements obtenus, sont assez fertiles ; les meilleures
performances de QUEFTS étant obtenues sur sols peu fertiles, il est
normal que les rendements simulés soient surestimés surtout sur
les sols noirs qui sont assez fertiles.
L'évolution des tendances de prédiction
étant assez correcte sur tous les sols, QUEFTS peut alors être
utilisé pour formuler des recommandations spécifiques pour chaque
type de sol en tenant compte des moyens dont disposent les paysans.
3.5.2 La formulation des recommandations
Le tableau III.14 présente les différentes
options, en termes de nombre de sacs d'engrais et de types d'engrais, que le
paysan peut prendre en fonction des moyens dont il dispose et suivant le type
de sol sur lequel, il travaille afin d'obtenir les maximum de revenu. Il est
supposé que les types d'engrais disponibles pour le paysan sont le NPK
15-15-15, l'urée, le Superphosphate Triple (TSP) et le Sulfate de
Potassium (K2SO4) aux prix respectifs de 8000F pour les 2 premiers et 10000 F
pour les deux derniers ; le modèle a donc choisi les combinaisons de
doses d'engrais permettant d'obtenir le revenu maximal.
Tableau 111.14: Recommandations de doses d'engrais
spécifiques à chaque type de sol
Nombre de sacs pouvant être achetés par
le paysan
|
Types de sol
|
Dose à appliquer (en nombre de sacs de 50 kg
ha-1)
|
Rendements prédits (t ha-1)
|
Revenu additionnel dû à l'utilisation
des engrais à l'ha (x103 FCFA)
|
|
rouge
|
2 urée + 2 TSP
|
4,03
|
80,80
|
4 sacs
|
noir
|
2 urée + 2 TSP
|
5,70
|
58,19
|
|
blanc
|
1 urée + 2 NPK 15-15-15 + 1 TSP
|
3,56
|
49,50
|
|
rouge
|
3 NPK 15-15-15
|
3,32
|
46,71
|
3 sacs
|
noir
|
1 Urée + 2 NPK 15-15-15
|
5,05
|
27,54
|
|
blanc
|
3 NPK 15-15-15
|
3,19
|
35,25
|
|
rouge
|
2 NPK 15-15-15
|
3,00
|
33,45
|
2 sacs
|
noir
|
2 NPK 15-15-15
|
4,78
|
1,83
|
|
blanc
|
2 NPK 15-15-15
|
2,92
|
25,29
|
|
rouge
|
1 NPK 15-15-15
|
2,64
|
18,26
|
1 sac
|
noir
|
1 NPK 15-15-15
|
5,43
|
9,63
|
|
blanc
|
1 NPK 15-15-15
|
2,61
|
13,89
|
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De ce tableau, il ressort que :
· Si le paysan n'a pas les moyens d'acheter plus de 2
sacs d'engrais, il lui est préférable d'acheter uniquement du NPK
quelque soit le type de sol sur lequel il travaille. Néanmoins sur les
sols noirs, il est clair que les revenus supplémentaires
obtenus ne seront pas élevés (1833 F pour un sac d'engrais
acheté et 9630 F pour 2 sacs) ; il serait alors préférable
pour l'agriculteur de ne pas investir dans l'acquisition des engrais.
De telles recommandations sont dues à la
fertilité potentiellement élevée des sols noirs
de Sévé-Kpota comme l'ont prouvé les résultats des
essais. Ceci fait que les rendements prédits par QUEFTS sans
l'utilisation des engrais sont relativement élevés.
· Par contre si le paysan a la possibilité
d'acheter plus de deux sacs d'engrais, afin de tirer le maximum de revenus de
son investissement, le modèle lui conseille d'inclure les engrais
phosphatés notamment le Triple Superphosphate (TSP) dans les engrais
qu'il doit acheter (lorsqu'il a la capacité d'acheter 4 sacs). Les
revenus obtenus sont alors largement plus intéressants (entre 27000 F
sur sols noirs et 81000 F sur sols rouges)
Le modèle ne recommande en aucun cas d'acheter du
K2SO4 ; ce qui confirme les premières prédictions du
modèle selon lesquelles le potassium est moins déficient que le P
dans les sols de Sévé-Kpota.
Cependant, nous remarquons que lorsqu'il s'agit de 3 sacs ou
de 4 sacs, les recommandations que le modèle propose diffèrent
des doses que nous avons choisies pour nos essais (voir rubrique 3.2). Les
doses testées représentants quelques options parmi tant d'autres,
il est alors indispensable de procéder à des essais soustractifs
dont le dispositif expérimental serait basé sur les
recommandations de QUEFTS et en y incluant, bien sûr, les engrais
potassiques là où ils ne sont pas pris en compte. Il convient
dans tous les cas de procéder à de nouveaux essais
destinés à confirmer ou à infirmer les recommandations de
QUEFTS.
Enfin il convient de rappeler que les modèles
constituent de simples outils d'aide à la décision qui ne peuvent
remplacer l'activité de prises de décision et la recherche
fondamentale (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003).
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