LA DOCTRINE DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES
CONTRATS
Une étude critique
par
Christian Robitaille
Mémoire
présenté au
Professeur Vincent Heuzé
dans le cadre du
Diplôme d'études approfondies
de droit international privé et droit du
commerce international
Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Le jeudi 10 septembre 1998
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE: LA DOCTRINE DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
A) EXPOSÉ DE LA DOCTRINE DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
1.- La thèse d'Adolf Schnitzer
a) Le point de départ de la réflexion de
Schnitzer
b) Exposé et fondements théoriques de la doctrine
de la prestation caractéristique
i) Détermination du contenu essentiel du contrat :
le critère de la prestation caractéristique
ii) Le rattachement fonctionnel du contrat à l'aide de la
notion de prestation caractéristique
2.- Développement ultérieur de la doctrine de la
prestation caractéristique
B) APPRÉCIATION DE LA DOCTRINE DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
1.- La notion de prestation : son sens et son utilité dans
le domaine des conflits de lois en matière de contrats
a) Origine de la prépondérance de la notion de
prestation
b) Contenu de la notion de prestation
c) Utilité de la notion de prestation dans le domaine des
conflits de lois en matière de contrats
d) Précision terminologique
e) Conclusion
2.- Le principe de proximité en droit international
privé des contrats
3.- La recherche du contenu essentiel du contrat
a) Le critère de la nature du contrat
i) Considérations méthodologiques
á) Inutilité du recours aux comparaisons
â) Inaptitude de la méthode
ã) À prémisses erronées, conclusion
erronée
ä) La classification des contrats selon Schnitzer
ii) Conclusion
b) Le critère de la fonction du contrat
i) Appréciation
ii) Conclusion
c) L' apriorisme inavoué de la doctrine de la prestation
caractéristique
d) Conclusion
4.- Le rattachement fonctionnel
a) Le rattachement proposé
b) Justifications
i) Considérations d'ordre objectif
ii) Considérations d'ordre subjectif
c) Appréciation
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE: LA NOTION DE PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
ET LES INTÉRÊTS EN CAUSE
A) PRÉPONDÉRANCE DES INTÉRÊTS
DU DÉBITEUR DE LA PRESTATION CARACTÉRISTIQUE : LES JUSTIFICATIONS
DE RECHANGE FONDÉES
SUR LE CONTENU CARACTÉRISTIQUE DU CONTRAT
1.- La prestation caractéristique : prestation plus
complexe et faisant l'objet d'une réglementation plus intense
a) Les arguments
b) Appréciation
2.- La prestation caractéristique : la prestation qui
comporte le plus de risques
a) Le calcul des risques
i) Coûts antérieurs à la transaction
ii) Les coûts réels et potentiels découlant
de la transaction
b) Implication en droit international privé des
contrats
c) Appréciation
3.- Conclusion
B) PREPONDÉRANCE DES INTÉRÊTS DU DEBITEUR DE
LA PRESTATION CARACTÉRISTIQUE RÉVÉLÉE PAR LES
CIRCONSTANCES ENTOURANT LA CONCLUSION DU CONTRAT
1.- Contribution d'une analyse économique du
droit : la thèse de M. Gunst
a) Exposé
b) Appréciation
2- Contribution d'une analyse sociologique du droit : la
thèse de M. Heuzé
a) Les grandes lignes de la thèse
b) Observations
3.- Conclusion
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
A défaut de choix de loi, le contrat est régi par
la loi du lieu de la résidence habituelle du débiteur de la
prestation caractéristique du contrat.
Telle est, en substance, la solution générale
proposée aujourd'hui par le droit international privé, notamment
dans les pays membres de l'Union européenne, en Suisse et au
Québec, pour résoudre le conflit de lois en matière
d'obligations contractuelles lorsque les cocontractants n'ont pas valablement
désigné la loi applicable à leur contrat1(*).
Le champ d'application de cette « règle » est
controversé. Toutefois, on affirme généralement que cette
solution est relativement simple à mettre en oeuvre, et opportune, dans
le cas de contrats synallagmatiques intervenus entre des parties
résidant habituellement dans des États différents, lorsque
le contrat a pour objet l'échange d'une prestation en nature contre une
prestation pécuniaire, et qu'il n'appelle pas par ailleurs un traitement
particulier en droit international privé, soit du fait de son objet
(immobilier, par exemple), soit en raison de l'appartenance d'une des parties
à une catégorie de personnes jugées dignes d'une
protection particulière (consommateurs et travailleurs, par exemple).
Dans le cadre des développements qui suivent, nous nous
proposons de nous interroger précisément sur l'opportunité
de cette solution au conflit de lois.
Afin de ne pas nous éparpiller dans des
considérations étrangères à l'objet de notre
étude, nous raisonnerons principalement en fonction de
l'hypothèse contractuelle décrite plus haut. Ainsi, nous ne
discuterons pas de la question de savoir quelles conditions doivent être
réunies pour déclencher l'application de la règle de
conflit de lois en matière contractuelle. Nous n'aborderons pas non plus
en détail le problème de l'interaction entre la «
règle » de la loi de la prestation caractéristique et le
principe plus large dans le cadre duquel celle-ci s'inscrit dans les
différents instruments législatifs qui la consacrent, à
savoir le « principe de proximité » suivant lequel
le contrat doit être régi par la loi du pays ou de l'État
avec lequel il présente les liens les plus étroits. Nous
laisserons de côté également tous les contrats dont l'objet
ou la qualité des parties justifie un traitement particulier. En outre,
nous ne nous attarderons pas à l'étude des variations
sur le thème de la « résidence habituelle »2(*). Enfin, nous ne nous occuperons
pas des contrats pour lesquels l'identification de la prestation
caractéristique est généralement considérée
comme impossible (p.ex. les contrats synallagmatiques ayant pour objet un
échange de prestations en nature) ou problématique (p.ex. les
contrats bancaires). Ceci nous permettra de concentrer notre attention sur la
doctrine de la prestation caractéristique là où elle est
censée trouver des conditions optimales.
Mais d'où vient donc cette idée de faire
régir le contrat par la loi du lieu de résidence du
débiteur de la prestation caractéristique? Quelle est l'origine
de cette doctrine? Quels en sont les fondements théoriques, et quelle
valeur peut-on leur accorder? Qu'est-ce que la prestation
caractéristique d'un contrat? Quelle utilité cette notion
peut-elle avoir pour résoudre le conflit de lois? Nous tenterons de
répondre à ces questions dans la première partie de notre
étude (I).
Ensuite, dans quelle mesure la doctrine de la prestation
caractéristique se concilie-t-elle avec les intérêts qui
sont mis en cause par la détermination de la loi applicable au contrat
en droit international privé? C'est ce que nous examinerons dans la
seconde partie de nos développements (II).
PREMIÈRE PARTIE : LA DOCTRINE DE LA
PRESTATION CARACTÉRISTIQUE
L'idée de soumettre un contrat international à une
loi qui soit déterminée en fonction de la prestation
caractéristique du contrat a véritablement pris forme en Suisse
dans les
années 19403(*).
À cette époque, les règles du droit
international privé suisse, parmi d'autres, conduisaient souvent
à faire régir le contrat par une multiplicité de lois
applicables chacune à différents aspects du contrat4(*), ce qui suscitait de vives
critiques de la part de la doctrine5(*), qui estimait qu'il fallait soumettre à une loi
unique l'ensemble des questions relatives à la formation et aux effets
du contrat.
Le besoin d'unifier davantage le statut contractuel se faisait
déjà sentir depuis plusieurs décennies, et il avait
d'ailleurs fait l'objet de travaux menés notamment par l'Institut de
Droit International et la Conférence de La Haye de Droit International
Privé, qui avaient cherché en même temps à raffiner
les solutions aux conflits de lois en matière d'obligations
contractuelles, en élaborant des règles spécifiques pour
différentes catégories de contrats6(*).
Voilà, en peu de mots, le contexte dans lequel est
apparue la doctrine que nous nous proposons d'étudier à
présent, tout d'abord en l'exposant (A), pour pouvoir ensuite
l'apprécier (B).
A) EXPOSÉ DE LA DOCTRINE DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
Si Adolf Schnitzer n'a pas été le premier à
préconiser la recherche de la loi applicable au contrat au moyen de la
notion de prestation caractéristique7(*), il est cependant le premier auteur
à avoir proposé un fondement théorique à ce mode de
résolution du conflit de lois8(*). La thèse de Schnitzer a ensuite
été adoptée par les tribunaux suisses, mais sans que ces
derniers n'aient jamais exposé la moindre analyse relativement au
bien-fondé ou à l'opportunité de la thèse en
question9(*). De plus, si la
notion de prestation caractéristique se retrouve aujourd'hui au coeur de
l'article 4 de la Convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles (« Convention de Rome »), le rapport des
commissaires chargés de l'élaboration de cette
convention10(*) se
contente de réitérer les grandes lignes de la thèse de
Schnitzer, ce qui semble indiquer que la doctrine de la prestation
caractéristique n'a pas fait l'objet d'une réflexion originale de
la part de la Commission qui a élaboré la Convention de
Rome11(*). En tout cas, si
une telle réflexion a effectivement été menée, on
n'en trouve aucune trace. Nous commencerons donc par exposer la thèse de
Schnitzer (1), après quoi nous nous pencherons sur les
développements ultérieurs de la doctrine de la prestation
caractéristique (2).
1.- La thèse d'Adolf Schnitzer
Exposer de manière synthétique la thèse de
Schnitzer au sujet de la prestation caractéristique n'est pas une
tâche aisée, car l'auteur a élaboré sa doctrine par
couches successives, et l'a « prêchée », souvent avec
des variantes, dans de nombreuses publications s'étalant sur près
de quarante ans12(*).
Sans doute la meilleure approche consiste-t-elle à porter
l'essentiel de notre attention sur la version la plus achevée de sa
thèse, et c'est donc ce que nous ferons.
Toutefois, il nous paraît important d'exposer auparavant
les développements que Schnitzer a toujours présentés
comme étant le point de départ de sa réflexion, d'une
part, parce que ces développements initiaux présentent la
particularité de ne pas recourir à la notion de prestation
caractéristique, et d'autre part, parce qu'ils fournissent un
éclairage particulier sur la construction théorique que l'auteur
a cherché à ériger ultérieurement sur ces bases.
a) Le point de départ de la réflexion de
Schnitzer
Schnitzer situe l'origine de sa doctrine de la prestation
caractéristique dans son étude des contrats commerciaux en droit
international privé, publiée en 193813(*).
Tout d'abord, s'agissant de déterminer la loi applicable
à un contrat international, l'auteur estime qu'il faut rechercher
l'ordre juridique avec lequel le contrat présente les liens les plus
étroits. Il se demande toutefois s'il ne serait pas possible de
concrétiser ce principe en ce qui concerne les contrats commerciaux.
Il croit y arriver en exposant l'analyse suivante.
Il affirme que la recherche doit partir de la nature du commerce
même, de l'activité qui se répète toujours14(*). Cette recherche le
mène à la conclusion que le centre de gravité du contrat
se trouve du côté du professionnel, car le contrat s'inscrit dans
le cours ordinaire de l'activité de ce dernier, tandis que pour l'autre
partie, le client, le contrat ne constitue qu'un acte isolé.
L'activité du professionnel requiert une réglementation uniforme.
Par ailleurs, le lieu de l'établissement du professionnel est connu
dès le départ. C'est donc la loi de ce lieu qui doit régir
le contrat. Si le contrat intervient entre deux commerçants, c'est la
loi du vendeur qui est applicable car pour l'autre partie le contrat ne
constitue qu'un acte préparatoire à l'introduction de la
marchandise sur le circuit économique.
Ces développements constituent en quelque sorte la
proto-genèse de la doctrine de la prestation caractéristique. Ce
n'est que six ans plus tard, dans la 2e édition de son manuel
de droit international privé, que Schnitzer entreprend d'apporter un
fondement théorique plus élaboré à son idée
de départ et qu'à cette fin, il introduit notamment la notion de
prestation caractéristique15(*).
b) Exposé et fondements théoriques de la
doctrine de la prestation caractéristique
Schnitzer écrit que pour déterminer les
règles applicables à un contrat, il faut en examiner tout d'abord
la nature. Cet examen doit permettre de déceler le contenu essentiel du
contrat considéré. Cette composante essentielle est ensuite
employée pour relier l'ensemble du contrat avec l'ordre juridique
correspondant à l'endroit où le contrat déploie sa
fonction dans la vie économique et sociale.
La méthode préconisée par Schnitzer se
décompose donc en deux étapes distinctes : la
détermination du contenu essentiel du contrat (i), puis le rattachement
du contrat à un ordre juridique (ii).
i) Détermination du contenu essentiel du
contrat : le critère de la prestation
caractéristique
Schnitzer affirme qu'il faut rechercher « la vraie nature de
la chose, le centre de gravité de l'obligation
[sic] »16(*),
« l'essence du contrat »17(*) afin d'y discerner le facteur de rattachement
idoine.
Il rejette la conclusion et l'exécution du contrat, ainsi
que la nationalité des parties, qui constituent tous des points de
rattachement extérieurs, étrangers à la nature du
contrat18(*).
Il approuve les approches de Savigny, qui préconisait de
rechercher « die Natur des Rechtsverhältnisses », de von Bar,
qui parlait de la « Natur der Sache », et de von Gierke, qui
recherchait « das Schwergewicht des Rechtsverhätltnisses ».
Schnitzer estime en effet que ces objectifs sont opportuns car ils
présentent « l'avantage d'aider à rattacher le rapport de
droit d'après sa raison d'être et non d'après les signes
extérieurs »19(*).
Toutefois, il reproche notamment à ces auteurs de ne pas
avoir poussé leur recherche assez loin, et de s'être
contentés d'un « point de rattachement préconçu une
fois pour toutes »20(*), point de rattachement qu'il estime «
aprioriste ». Par contraste, Schnitzer affirme qu'il faut rechercher un
rattachement qui tienne compte « de la nature du contrat et des
particularités du cas »21(*), afin de « trouver ce qui est
in concreto l'essence du rapport juridique »22(*).
Cette recherche, Schnitzer y procède d'abord en reprenant
les développements exposés dans son étude relative aux
contrats commerciaux. II réitère tout d'abord son opinion que le
contrat commercial constitue le moyen par lequel le commerçant exerce sa
fonction dans la vie économique, ce qui n'est pas le cas de son
client23(*). Puis, il
ajoute une idée qui deviendra fondamentale dans sa doctrine, à
savoir que la prestation du client demeure toujours la même, quel que
soit le type de contrat qu'il conclut : il paie toujours un prix en argent pour
obtenir la prestation du commerçant. Schnitzer en déduit que le
contrat n'est pas caractérisé par la prestation du client, mais
plutôt par celle du professionnel, car ce dernier prend en charge cette
prestation « de par sa fonction dans la vie
économique »24(*).
L'auteur cherche ensuite à systématiser son
analyse. Il estime avoir trouvé la clé qui permet d'extraire
l'essence du contrat : « le critère qui distingue une obligation
[sic] d'une autre nous permet de reconnaître cette essence. Ce
critère est fourni par la prestation qui caractérise
l'opération. »25(*) Ce critère lui fournit l'outil
nécessaire à un traitement des contrats en général.
Pour les contrats unilatéraux, il n'y qu'une partie qui fournit une
prestation et, partant, c'est cette prestation qui caractérise le
contrat26(*). Dans le cas
des contrats synallagmatiques ayant pour objet l'échange d'un bien ou
d'un service contre de l'argent, l'auteur explique que le versement d'une somme
d'argent constitue la rémunération par excellence dans les
contrats modernes et que, par conséquent, elle ne permet pas de rendre
compte de la nature du contrat. En revanche, la prestation en nature en
contrepartie de laquelle le prix en argent est payé permet, quant
à elle, de distinguer le contrat. Par conséquent, en règle
générale, c'est cette prestation qui caractérise le
contrat27(*).
ii) Le rattachement fonctionnel du contrat à
l'aide de la notion de prestation caractéristique
L'élément essentiel du contrat étant
identifié au moyen de la prestation caractéristique, il faut
ensuite rattacher le contrat à un ordre juridique.
Pour ce faire, Schnitzer estime qu'il faut « examiner dans
quelle sphère juridiquement réglée le rapport,
d'après sa fonction, joue un rôle principal, cela pour chaque
catégorie de contrats »28(*) ou encore, qu'il faut procéder à un
« rattachement fonctionnel », i.e. qu'il faut rattacher le contrat
à l'ordre juridique dans lequel il déploie sa fonction
économique ou sociale29(*). Il indique que cette fonction s'exerce au lieu
où la prestation est due (« Schuldort »), et ce
Schuldort se situe habituellement au lieu de l'établissement ou
du domicile de la partie qui fournit la prestation caractéristique du
contrat, car c'est là que « celui qui se charge de la prestation
[caractéristique] exerce sa fonction dans la vie
économique »30(*).
2.- Développement ultérieur de la doctrine de
la prestation caractéristique
Presque autant que le nom de Schnitzer, la doctrine de la
prestation caractéristique évoque celui de Frank Vischer. De
fait, ce dernier a pris fermement position en faveur de la doctrine en
question31(*). Il a
surtout insisté sur l'opportunité du rattachement fonctionnel
réalisé par la doctrine de la prestation caractéristique,
qui permet de ranger le rapport de droit dans l'environnement social auquel il
appartient32(*), en tenant
compte à la fois de la structure du rapport et des intérêts
des parties33(*), et en
conciliant les exigences de sécurité juridique et de justice dans
les cas particuliers34(*).
Par ailleurs, il a formulé une critique apparemment fatale
à l'endroit de la notion de Schuldort35(*). Enfin, une bonne
partie de ses travaux relatifs à la doctrine de la prestation
caractéristique ont porté sur les modalités de sa mise en
oeuvre, son application aux différentes catégories de
contrats36(*), et la
détermination de son champ d'application37(*).
D'autres ont trouvé des justifications originales aux
solutions fournies par la doctrine de la prestation caractéristique.
Toutefois, ces développements se situent en parallèle, et non
dans la suite de la doctrine qui retient ici notre attention. Aussi les
aborderons-nous plus loin38(*).
En somme, donc, on retrouve déjà l'essentiel de la
doctrine de la prestation caractéristique dans l'oeuvre de Schnitzer.
B) APPRÉCIATION DE LA DOCTRINE DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
Pour qu'une doctrine soit acceptable, elle doit reposer sur des
fondements solides. Nous devons donc vérifier la validité des
fondements théoriques de la doctrine de la prestation
caractéristique, afin de pouvoir porter un jugement
éclairé sur sa justesse. Étant donné que la
doctrine de la prestation caractéristique se situe dans le prolongement
de la recherche des « liens les plus étroits », nous dirons
quelques mots sur ce principe (2), puis nous examinerons tour à tour les
deux aspects essentiels de la doctrine, telle que décrite ci-haut,
à savoir la recherche du contenu essentiel du contrat (3) et son
rattachement fonctionnel (4). Mais tout d'abord, il importe de cerner la notion
de « prestation » et d'évaluer la pertinence de sa
prépondérance dans le domaine des conflits de lois en
matière de contrats (1).
1.- La notion de prestation : son sens et son utilité
dans le domaine des conflits de lois en matière de contrats
En droit civil, on n'a pas l'habitude de placer la notion de
prestation au coeur des développements relatifs aux contrats. Il est
beaucoup plus courant de parler d'obligations. En droit international
privé, cependant, on constate que l'influence de Schnitzer et la
diffusion de sa doctrine ont eu pour effet de renverser la tendance, de sorte
que de nos jours la notion d'obligation est pratiquement tenue dans l'ombre de
la notion de prestation, qui se retrouve désormais au premier plan de la
discussion relative aux conflits de lois en matière de contrats. Comment
expliquer ce renversement de perspective? Quel est le contenu exact de la
notion de prestation en droit international privé des contrats?
Diffère-t-il de celui qu'on lui attribue en droit privé? Quel
intérêt peut-il y avoir à préférer la
prestation à l'obligation dans notre discipline?
a) Origine de la prépondérance de la notion de
prestation
Malgré un examen attentif de tous les écrits de
Schnitzer auxquels nous avons pu avoir accès, nous n'avons trouvé
aucune explication de la part de cet auteur quant à sa
préférence pour la notion de prestation, au détriment de
l'obligation.
Par ailleurs, à cause de l'insuffisance des ressources
documentaires dont nous disposions, nous n'avons pas été en
mesure de vérifier si la notion de prestation (« Leistung
») a une importance plus grande en droit civil allemand, ce qui pourrait
expliquer la faveur de Schnitzer pour cette notion39(*).
En outre, à notre connaissance, aucun auteur ne s'est
interrogé sur la question.
En conséquence, nous ne sommes pas en mesure de
déterminer les causes de la préférence pour la notion de
prestation dans le domaine des conflits de lois en matière de
contrats.
b) Contenu de la notion de prestation
En droit civil, on considère généralement
que la prestation se définit comme l'objet de l'obligation, ce qui est
dû par le débiteur40(*). Cette prestation consiste à donner, à
faire ou à ne pas faire quelque chose.
À y regarder de plus près, cependant, on a
l'impression que cette définition est restreinte indûment sous
l'influence de l'importance que revêt l'obligation dans la
réflexion du civiliste. En effet, parce que l'objet de l'obligation,
c'est la prestation41(*),
quand vient le temps de définir la prestation, on est porté
à renverser tout simplement la proposition en affirmant que la
prestation, c'est l'objet de l'obligation. Certes, il n'est pas
indifférent, en droit civil, que la prestation ait été ou
non l'objet d'une obligation. Néanmoins, rien n'exige qu'une prestation
soit visée par une obligation pour exister. La prestation peut se
définir simplement comme le fait de donner, de faire ou de ne pas faire,
ou encore cela même qui est donné, est fait ou n'est pas fait.
Il n'apparaît pas que la notion de prestation soit comprise
différemment en droit international privé et, plus
particulièrement, dans la doctrine de la prestation
caractéristique.
c) Utilité de la notion de prestation dans le
domaine des conflits de lois en matière de contrats
Il nous paraît utile de préférer la notion de
prestation à celle d'obligation dans le domaine des conflits de lois en
matière de contrats parce qu'elle permet une appréciation plus
complète et plus constante de l'ensemble des implications patrimoniales
du contrat et ce, à l'abri des conflits de qualifications.
L'obligation est une notion de droit. Dès lors, elle fait
naître le risque d'un conflit de qualification. La notion de prestation,
en elle-même, ne permet pas nécessairement d'éviter un tel
risque. En effet, si une prestation qui consiste à faire ou à ne
pas faire quelque chose appartient exclusivement au monde des faits, on ne peut
pas en dire autant de l'obligation de donner. Celle-ci consiste à
transférer un droit, ce qui est nécessairement un
phénomène juridique.
Pour nos fins, les avantages de la notion de prestation
ressortent surtout lorsqu'on observe la place faite à l'obligation dans
l'organisation des rapports contractuels, et qu'on se rend compte que toute
prestation n'est pas l'objet d'une obligation, sans pour autant être
dénuée d'importance. Nous n'avons trouvé qu'un exemple en
droit civil qui permette d'illustrer notre propos. Il nous paraît
cependant fort pertinent. Il s'agit du contrat réel. Le contrat
réel peut se définir comme celui dont « la validité
est subordonnée à la remise de la chose qui en est l'objet
»42(*). Si
l'utilité de la catégorie des contrats réels est
contestée, cette catégorie de contrats n'en est pas moins de
droit positif43(*). Dans
ces contrats, la remise de la chose qui en est l'objet est certainement une
prestation importante, et pourtant, elle n'est l'objet d'aucune obligation
née de ce contrat. Par conséquent, l'analyse du contrat
réel en termes d'obligations nous amènerait à en
méconnaître un aspect essentiel. Une telle analyse conduirait, par
exemple, à ignorer la remise de la somme d'argent dans le cadre d'un
contrat de prêt d'argent, ce qui nous paraît inopportun. En outre,
le droit comparé révèle, d'une part, que la
catégorie des contrats réels n'existe pas dans tous les ordres
juridiques et que, d'autre part, parmi ceux où elle existe, son contenu
n'est pas invariable44(*).
Il y aurait donc là un conflit de qualification en puissance. En se
rabattant sur la notion de prestation, on arrive à éluder le
problème de qualification et, par ailleurs, on obtient une meilleure vue
d'ensemble des implications patrimoniales du contrat45(*).
d) Précision terminologique
Avec l'importance prise par la notion de prestation
caractéristique dans notre discipline, on a pris l'habitude de parler du
débiteur et du créancier de la prestation
caractéristique. L'emploi de ces expressions peut se justifier par une
ellipse dans la mesure où il s'agit du débiteur ou du
créancier d'une (obligation ayant pour objet la) prestation
caractéristique. Toutefois, s'agissant d'une prestation qui n'est pas
l'objet d'une obligation, il est impropre de parler de débiteur et de
créancier. Par exemple, dans le cas des contrats réels, il n'y a
pas de débiteur et de créancier de la prestation consistant
à remettre la chose qui fait l'objet du contrat (à moins, bien
entendu, que le contrat réel ne soit formé à la suite d'un
avant-contrat). En pareille hypothèse, nous estimons qu'il serait plus
exact de parler de fournisseur et de destinataire de la prestation. Par
conséquent, nous parlerons ci-après de débiteurs et de
créanciers de prestations parce que ces expressions sont
consacrées par l'usage, malgré qu'elles ne nous paraissent pas
toujours exactes.
e) Conclusion
Nous ne savons pas pourquoi la notion de prestation en est venue
à dominer la question de la loi applicable aux obligations
contractuelles, mais nous y voyons tout de même un avantage. La notion de
prestation, si elle n'est pas toujours exempte de toute juridicité, est
néanmoins plus proche de la réalité du rapport
contractuel46(*). De ce
fait, il convient de la préférer ici à la notion
d'obligation, afin de minimiser le risque de conflits de qualification qui se
présente dans la mesure où l'une ou l'autre de ces notions est
appelée ï intégrer le processus de résolution du
conflit de lois en matière de contrats.
Incidemment, comme nous le verrons plus loin, en retenant la
prestation plutôt que l'obligation, on évite d'avoir à
prendre en considération la cause de l'obligation, ce qui s'avère
très commode pour la doctrine de la prestation
caractéristique47(*).
2.- Le principe de proximité en droit international
privé des contrats
En développant sa doctrine de la prestation
caractéristique, Schnitzer affirmait partir du principe qu'un contrat
doit être régi par l'ordre juridique avec lequel il
présente les liens les plus étroits. C'est aussi ce principe qui
domine l'article 4 de la Convention de Rome, quant à la loi applicable
au contrat à défaut de choix48(*). Ce principe, aussi appelé le principe de
proximité, exprime, en matière de conflits de lois, «
l'idée du rattachement d'un rapport de droit à l'ordre juridique
avec lequel il présente les liens les plus étroits
»49(*).
Nous croyons que l'idée est bonne.
En écrivant cela, toutefois, nous n'avons pas le sentiment
de prendre une position très compromettante50(*), car le principe de
proximité nous paraît seulement traduire l'objectif idoine de
toute règle de conflit de lois. Si nous l'approuvons, ce n'est pas parce
qu'il nous paraît fournir une bonne solution, mais plutôt parce
qu'il ne pose pas une mauvaise question51(*).
En effet, le principe de proximité ne semble pas
être en mesure de fournir à lui seul une solution à un
conflit de lois, car il ne peut être appliqué directement à
un ensemble de faits. Pour parler avec MM. Giuliano et Lagarde, la notion de
« liens les plus étroits » est une « notion en soi trop
vague »52(*). Le caractère plus ou moins
étroit d'un lien, ou d'un ensemble de liens, unissant, pour reprendre
les mots de M. Lagarde, un « rapport de droit » et un « ordre
juridique » - qui sont deux constructions de l'esprit, en l'occurrence
deux notions de droit - n'est pas un fait observable dans la nature. II ne peut
s'agir que d'une question de droit. Si ce problème n'est pas toujours
bien perçu, il nous semble pourtant incontournable : comment peut-on
apprécier intelligemment l'« étroitesse »
d'un lien si le droit ne nous indique pas en quoi consiste cette
« étroitesse »? On écrit que la recherche des
liens les plus étroits entre un rapport de droit et un ordre juridique
n'est pas arbitraire : elle constituerait l'exercice d'une discrétion
encadrée, ou guidée, par l'obligation d'apprécier
l'ensemble des points de rattachement qu'une situation présente avec
différents ordres juridiques, pour ensuite procéder à une
évaluation qualitative de l'intensité de ces liens, et
finalement retenir le lien, ou l'ensemble de liens, qui traduit le rapport le
plus étroit53(*).
Si l'on s'arrête là dans nos développements, cependant, on
n'aura fait que reformuler le principe de proximité en d'autres termes.
Cette explication ne nous fournit pas la directive qui nous permette de mesurer
la qualité des liens que l'on étudie54(*). Et, « lorsqu'on ne sait
pas vers quel port on navigue, aucun vent n'est favorable. »
À cet égard, nous partageons donc l'avis de
Schnitzer, qui reprochait à la formule des liens les plus étroits
de ne donner « aucun moyen d'établir quel est le lien le plus
étroit avec un pays déterminé »55(*).
C'est notamment afin de combler cette lacune que Schnitzer
propose sa doctrine de la prestation caractéristique, qu'il
présente comme l'étalon de mesure de l'intensité des lien
dans le cadre du principe de proximité en matière de conflits de
lois relatifs aux contrats. La Convention de Rome emploie elle aussi la notion
de prestation caractéristique dans un énoncé qui se veut
un affinement du principe « des liens les plus étroits
»56(*).
II convient donc de vérifier si la doctrine de la
prestation caractéristique constitue une méthode acceptable de
concrétisation du principe de proximité.
3.- La recherche du contenu essentiel du contrat
La doctrine de la prestation caractéristique
prétend être fondée sur l'essence, la nature, ainsi que la
fonction, du contrat. Non pas sur le contrat pris au sens large, car une telle
démarche, nous dit-on, serait trop imprécise pour pouvoir fournir
des éléments de solution satisfaisants, mais plutôt sur la
nature et la fonction de chaque catégorie de contrat.
Le point de départ consisterait donc à rechercher,
pour une catégorie de contrat, l'ensemble des caractères et des
propriétés qui le définissent, ainsi que sa fonction.
Une telle recherche, à laquelle Schnitzer prétend
se livrer, est censée être menée « de
l'intérieur », afin de déterminer les qualités
intrinsèques, l'ensemble des caractères constitutifs et
invariables de chaque contrat, ainsi que la fonction qu'il déploie dans
la vie économique et sociale.
Afin de déterminer le facteur de rattachement idoine,
Schnitzer emploie donc deux critères, qu'il fait coïncider. L'un
est ontologique et l'autre, fonctionnel57(*).
a) Le critère de la nature du contrat (le
critère ontologique)58(*)
Schnitzer développe un critère formel de
détermination de la nature du contrat, centré sur
l'identification de la prestation caractéristique, i.e. la prestation
« qui constitue un élément distinctif reconnaissable
»59(*) de chaque
catégorie de contrat.
La détermination de cette prestation
caractéristique s'effectue au moyen de la comparaison de
différentes catégories de contrats.
Une fois la comparaison faite, Schnitzer affirme que
l'élément distinctif reconnaissable dégagé de la
comparaison, la prestation caractéristique d'une catégorie de
contrat, en constitue l'essence.
i) Considérations
méthodologiques
La méthode suivie par Schnitzer nous parait
critiquable, parce qu'inutile á) et inapte â) à atteindre
l'objectif annoncé, et la conclusion à laquelle son application
l'amène, erronée ã). Au surplus, Schnitzer classe les
contrats d'une manière qui nous fait douter de la
crédibilité de sa démarche ä).
Tout d'abord, comparer deux choses, ou deux catégories de
contrats, nous paraît non seulement inutile pour en découvrir la
nature, mais également inapte à la révéler.
á) Inutilité du recours aux
comparaisons
La comparaison de catégories de contrats devrait
nécessairement impliquer l'étude préalable de la nature
des contrats relevant des différentes catégories, ceci afin d'en
identifier les éléments constitutifs qui serviront ensuite de
termes à une comparaison. A défaut d'une telle recherche
préalable, le processus de comparaison sera fatalement encombré
et obscurci par une foule d'éléments superflus. Or, si l'on
identifie les éléments constitutifs des différents types
de contrats, on en découvre déjà la nature et l'essence.
Le but est donc atteint. Pourquoi faudrait-il alors poursuivre notre travail en
procédant à la comparaison des différents types de
contrats? Ce serait parfaitement inutile.
Nous ajouterons que le processus de comparaison est non seulement
inutile, mais aussi inapte à rendre compte de la nature des types de
contrats.
â) Inaptitude de la méthode
Quels renseignements peuvent ressortir de la comparaison de deux
ou plusieurs types de contrat? La démarche nous révélera,
d'une part, les éléments communs aux différents contrats
et, d'autre part, les éléments qui les distinguent.
Ceci ne nous renseigne en rien sur la nature et l'essence des
termes de la comparaison. Le fait qu'un élément s'avère
distinctif au terme d'une comparaison n'en fait pas un élément
essentiel, et inversement, car le caractère distinctif d'un
élément n'est pas inhérent à celui-ci. En
vérité, il est tributaire des termes choisis pour procéder
à la comparaison. Selon les termes qui sont retenus, un
élément pourra s'avérer caractéristique ou pas. Or,
les notions d'essence, de nature, nous semble-t-il, s'accommodent fort mal
d'une telle relativité. En outre, si un être comporte une
particularité qui ne se retrouve dans aucun des autres termes de
comparaisons offerts par l'ordre de référence ou, plus
concrètement, si un contrat donné présente une
particularité qui ne se retrouve dans aucun autre contrat connu de
l'ordre juridique auquel on se réfère, cet état de chose
n'est qu'accidentel au regard de la nature, de l'essence du contrat
étudié : « ce n'est pas de sa faute, ni grâce à
lui ». Tout ce qu'on peut en déduire, c'est qu'une des composantes
du contrat ne se retrouve dans aucun autre contrat, point à la ligne.
L'exercice ne permet en aucun cas de confirmer ou d'infirmer l'existence
d'autres composantes essentielles du contrat étudié.
Et pourtant, Schnitzer prétend précisément
que cet exercice de comparaison lui indique la nature du contrat. Comment
expliquer cette prétention? Elle s'explique par une série de
prémisses erronées.
ã) À prémisses erronées,
conclusion erronée
La conclusion de Schnitzer repose sur des prémisses
erronées, qui en conditionnent fatalement la justesse.
Si l'auteur parle beaucoup de la « nature » de «
l'essence », des « qualités intrinsèques » du
contrat, à notre grand étonnement, il ne procède jamais
à l'analyse juridique isolée d'un type de contrat. En fait,
lorsqu'il prétend rechercher l'essence d'un type de contrat, il
concentre ses développements sur la comparaison de catégories de
contrats. On constate toutefois que l'auteur se livre implicitement, au
préalable, à l'identification des éléments
essentiels des contrats qu'il étudie, ressentant sans doute la
nécessité, que nous avons soulignée, de ne pas encombrer
ses comparaisons d'éléments superflus60(*).
Par la suite, la déviation de la recherche vers le
processus de comparaison s'explique par l'opinion de l'auteur suivant laquelle
« le critère qui distingue une obligation [sic] d'une autre nous
permet de reconnaître cette essence [du contrat] ». Nous croyons
avoir
démontré qu'une telle affirmation est
fausse61(*)62(*).
Un exemple devrait suffire à s'en convaincre.
Si l'on compare le contrat de vente avec le contrat de bail, le
premier ne se distingue pas du second par l'obligation de verser une somme
d'argent qui incombe à l'acheteur, puisque le locataire assume une
obligation semblable. Par contre, on peut distinguer la vente du bail par
l'aliénation d'une chose, réalisée par le vendeur,
prestation qui ne se retrouve pas dans le bail, aux termes duquel le bailleur
confère seulement la jouissance paisible d'une chose.
Si l'on compare ensuite la vente à la donation, les deux
contrats ont pour objet le transfert de la propriété d'une chose.
Cet élément ne les distingue donc pas. Par contre, la vente fait
naître pour l'acheteur l'obligation de payer un prix, obligation qu'on ne
retrouve pas à la charge du donataire dans la donation. C'est donc cette
obligation (celle de l'acheteur de payer un prix) qui distingue la vente de la
donation.
Dans ces deux comparaisons, nous avons eu recours au même
contrat de vente, auquel nous avons attribué la même nature, la
même essence. Pourtant, dans un cas, c'est la prestation du vendeur qui
ressort comme étant caractéristique et dans l'autre, c'est
plutôt la prestation de l'acheteur. C'est bien la preuve que le
caractère distinctif d'une prestation est étranger à
l'essence du contrat. Il s'agit d'un critère éminemment
relatif.
L'on s'aperçoit aussi que, pour mener la comparaison, nous
avons isolé au préalable les éléments essentiels
des contrats à comparer. Pour nous, et pour la plupart des civilistes,
il est de l'essence du contrat de vente qu'il ait pour objet le transfert de
propriété d'une chose, que le vendeur s'engage à
délivrer à l'acheteur, moyennant un prix que ce dernier s'engage
à payer. Nous sommes donc en désaccord avec Schnitzer, notamment
en ce que nous considérons que l'obligation de payer un prix constitue
un élément essentiel du contrat de vente. Et nous croyons avoir
raison. En effet, qu'est-ce qu'un contrat de vente ayant pour objet le
transfert de propriété d'une chose sans contrepartie? Au yeux du
droit, ce n'est rien. Ce n'est même pas une donation, car pour cela, il
faudrait encore y ajouter l'animus donandi de l'aliénateur.
Incidemment, il est intéressant de constater que si l'on
avait retenu l'obligation plutôt que la prestation pour mener l'analyse -
ce qui n'eût pas été totalement farfelu -, le jeu des
comparaisons aurait abouti à un match nul, du fait de la prise en
considération de la cause de l'obligation. En effet, puisque le droit
permet qu'une obligation produise ses effets à condition qu'elle ait une
cause licite (art. 1108 et 1131 C.c.), et que nous devons raisonner en fonction
des situations normales, nous devrions comparer les obligations avec leur
cause. Dans les contrats synallagmatiques commutatifs, par exemple, la cause de
l'obligation d'une partie réside dans l'obligation de l'autre63(*). Ainsi, en comparant, par
exemple, les obligations principales plutôt que les prestations
principales des contrats de vente et de louage, l'on s'apercevrait certes que
les obligations du vendeur et du locuteur permettent de distinguer les deux
contrats (pour le vendeur : obligation de transférer le droit de
propriété de la chose et de livrer celle-ci à l'acheteur
en considération du versement d'une somme d'argent (le prix); pour le
bailleur : obligation de fournir la jouissance paisible de la chose en
considération du versement d'une somme d'argent (le loyer)); cependant,
on s'apercevrait également que les obligations de l'acheteur et du
locataire sont tout aussi aptes à distinguer le contrat de vente et le
contrat de louage (pour l'acheteur : versement d'une somme d'argent en
considération de l'acquisition de la propriété et de la
prise de possession de la chose; pour le locataire : versement d'une somme
d'argent en considération de l'obtention de là jouissance
paisible de la chose)!...
Par ailleurs, nous voyons un autre illogisme dans les
développements de Schnitzer en ce qu'ils impliquent plus
généralement que l'essence d'un contrat se réduit à
un seul élément. L'essence du contrat de vente, selon lui, c'est
le transfert de propriété consenti par le vendeur. Or, il nous
paraît impossible de définir l'essence d'une chose par un seul
élément, car alors, de deux choses l'une : ou bien on pose que
A=A, tautologie qui ne nous avance guère; ou bien on pose que A=B,
auquel cas, on affirme que A et B sont des termes équivalents, et donc
interchangeables, et en pareille hypothèse, la rigueur nous commanderait
d'affiner notre discours en cessant de désigner B par le terme « A
», pour ne plus retenir que le terme « B » afin désigner
l'objet dont on parle. Ainsi, si l'essence de la vente est constituée
d'un transfert de propriété, alors on peut poser que contrat de
vente = contrat ayant pour objet un transfert de propriété. Il
semblerait même opportun d'arrêter de parler de contrat de vente,
pour ne plus retenir que l'expression « contrat translatif de
propriété ». On voit tout de suite, cependant, que cette
description est bien insuffisante pour définir le contrat de vente.
ä) La classification des contrats selon
Schnitzer
Schnitzer affirme vouloir raffiner les solutions aux conflits de
lois en fonction des particularités de chaque catégorie de
contrat, qu'il identifie au moyen de la comparaison de ces différentes
catégories. Cependant, l'auteur manque de rigueur et de constance dans
le choix des catégories de contrats qu'il retient pour effectuer ses
comparaisons.
Il manque de rigueur lorsqu'il compare des catégories
relevant de différents ordres de classification, juxtaposant, par
exemple, des contrats nommés, soit le contrat de transport, le contrat
de travail et le contrat d'assurance, avec des catégorie plus large,
soit les contrats ayant pour objet un transfert de propriété et
les contrats ayant pour objet de conférer l'usage d'une chose64(*).
Ensuite, il manque de constance en ce qu'il classe un même
contrat dans des catégories différentes aux fins de comparaisons
différentes. Ainsi, le contrat de vente est constitué en
catégorie afin d'en faire ressortir le caractère distinctif de la
prestation du vendeur (le transfert de propriété)65(*). Plus loin, au sein même
de la catégorie des contrats de vente, une autre classification est
opérée : lorsque Schnitzer se penche sur le contrat de brocante,
par lequel « une marchandise est vendue, mais l'acheteur a le choix
de payer la marchandise ou de la retourner », ce n'est plus le transfert
de propriété qui est caractéristique de cette forme
particulière de contrat de vente, mais plutôt l'option dont
bénéficie l'acheteur66(*). On trouve un autre exemple de telles variances
lorsque Schnitzer étudie le prêt. On ne s'étonne
guère de ce qu'il affirme que le prêteur fournit la prestation
caractéristique67(*). Toutefois, au sein même de la catégorie
du contrat de prêt, une distinction supplémentaire est
opérée : lorsque le prêt vise à fournir un
crédit foncier, tout à coup, « le critère de la
transaction est le besoin de crédit »68(*). Avec un argument pareil, on
pourrait renverser toute la doctrine de la prestation caractéristique de
bout en bout.
Sans parler des circonstances où il abandonne la
recherche de l'élément caractéristique au sein du contrat
pour des contrats qui s'y prêteraient pourtant aisément, comme
c'est le cas pour le contrat de travail69(*).
Tout ceci donne l'impression que le jeu des comparaisons est
manipulé en fonction du résultat souhaité, ce qui jette un
doute sur la crédibilité de la démarche.
ii) Conclusion
Ce qui est désigné comme étant la prestation
caractéristique du contrat ne s'identifie pas à son essence. S'il
se trouve que la prestation caractéristique est un des
éléments essentiels du contrat, c'est seulement parce qu'elle est
choisie parmi ceux-ci70(*). Toutefois, la réduction de l'essence d'un
contrat à un seul élément est contredite par le droit
positif71(*)72(*), et constitue par ailleurs un
illogisme.
Plus particulièrement, en ce qui a trait au contrat
synallagmatique, selon l'article 1102 du Code civil : « Le contrat est
synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s'obligent
réciproquement les uns envers les autres ». Le contrat
synallagmatique bipartite comporte deux éléments essentiels, soit
les deux engagements réciproques des parties. L'élimination d'un
de ces deux éléments essentiels transforme le contrat
bilatéral en contrat unilatéral - encore faut-il pour cela
trouver à l'engagement pris aux termes du contrat une nouvelle cause -,
ce qui n'est pas tout à fait la même chose, convenons-en.
D'ailleurs, Savigny avait bien vu le problème, et c'est pour cette
raison qu'il se résignait à l'application de lois
différentes lorsque les obligations nées du contrat devaient
s'exécuter en des lieux différents73(*). Tout au plus pourrait-on
parler de la prestation « la plus caractéristique »74(*), ou « la moins
banale ».
Dès lors, chercher à identifier parmi les
éléments essentiels celui qui est « plus essentiel »
que les autres, rechercher la « vraie nature » du rapport de droit
(par opposition- à sa « fausse nature »??? nous aurait-on
bernés tout ce temps?) ne constitue plus une démarche objective.
Il s'agit plutôt d'un jugement de valeur, car l'essence ne connaît
pas de degrés.
Sans doute avons-nous trop sollicité la logique,
cependant, car Schnitzer lui-même admet que son appréciation
comporte une part de subjectivité :
« Certes, il faut toujours rechercher la prestation
caractéristique et la fonction du rapport en cause, et cela demande une
appréciation des faits. [... ] Cette trace de subjectivité est
inévitable, mais dans notre matière elle est d'importance
mineure, si le jugement est basé sur un examen consciencieux des faits
économiques et sociaux qu'il faut régler par le rapport de droit.
»75(*)
Ainsi, ce qui serait déterminant dans la doctrine de la
prestation caractéristique, ce serait l'appréciation des «
faits économiques et sociaux qu'il faut régler », ce qui
semble renvoyer au critère « fonctionnel »
développé par Schnitzer. Il convient donc à présent
d'examiner les arguments qu'il présente au soutien de ce
critère.
b) Le critère de la fonction du contrat
Selon la doctrine de la prestation caractéristique, le
choix du facteur de rattachement qu'elle propose est également
dicté par la fonction économique du contrat. En effet, la
prestation caractéristique correspondrait à la fonction
économique essentielle du contrat qui, selon Schnitzer, a pour objet
fondamental la fourniture de biens en vue de la satisfaction de
besoins76(*)..
i) Appréciation
En ce qui concerne les contrats synallagmatiques, une telle
affirmation laisse songeur77(*). Lorsque Schnitzer pose que le contrat
synallagmatique comporte une seule prestation économiquement
essentielle, et qu'il n'y a qu'un seul des cocontractants, soit le
débiteur de cette prestation, qui exerce une fonction économique
en exécutant ce contrat, l'auteur nie le fondement même du libre
marché qui caractérise l'économie des
sociétés occidentales. En effet, l'économie de
marché est fondée sur la rencontre de l'offre et de la demande,
d'où découle la réalisation d'un échange. Cet
échange n'intervient que lorsque chaque partie trouve un
intérêt suffisant dans ce qu'elle reçoit de l'autre, en
contrepartie de ce qu'elle lui cède. Dès lors, on ne saurait
prétendre que, de l'offre et de la demande, l'une est « plus
économiquement essentielle » que 1'autre78(*).
Et rien ne sert d'insister sur ce que l'argent ne constituerait
qu'un « moyen » pour se procurer un bien ou un service, lequel serait
plus essentiel79(*). On ne
peut supposer que le destinataire de la prestation en argent veut obtenir cet
argent dans l'unique but de se procurer à son tour des biens et des
services. Il peut tout aussi bien désirer cet argent en vue de le
thésauriser. Inversement, d'ailleurs, on ne peut supposer que le
destinataire d'une prestation en nature la recherche en vue de satisfaire un
besoin : par exemple, une personne peut très bien acheter des
immeubles dans l'unique but de faire un investissement spéculatif. Du
reste, dire que les contrats ont pour objet la fourniture de biens et de
services en vue de la satisfaction de besoins traduit une conception,
exagérément étroite du commerce international, quand on
sait que, de nos jours, les transactions internationales ayant pour objet des
biens ou des services ne comptent que pour environ un pour cent de la valeur
totale des échanges internationaux, le reste étant composé
de transactions financières.
ii) Conclusion
Contrairement à ce qu'affirme la doctrine de la prestation
caractéristique, d'un point de vue économique, l'essence d'un
contrat synallagmatique consiste en un échange de valeurs, et les
prestations des deux parties sont tout aussi essentielles, et ce peu importe
leur nature. Partant, en exécutant sa prestation aux termes d'un contrat
bilatéral, chacune des deux parties remplit une fonction
économique tout aussi essentielle.
c) L' apriorisme inavoué de la doctrine de la
prestation caractéristique
Schnitzer reprochait à ses prédécesseurs
d'avoir formulé une règle de rattachement a priori pour
tous les contrats, affirmant qu'il fallait rechercher un rattachement qui
tienne compte de la nature du contrat et des particularités du cas, afin
de « trouver ce qui est in concreto l'essence du rapport
juridique »80(*). Force est de constater,
toutefois, que sa doctrine est doublement apriorique.
Premièrement, il affirme qu'il faut rechercher ce qui est
in concreto l'essence du rapport juridique. Prise au mot, cette
directive obligerait à renoncer à formuler une
règle, car elle ne pourrait être appliquée qu'au cas par
cas, en appréciant a posteriori chaque situation
concrète. Apparemment, toutefois, Schnitzer ne demande pas à
être pris au mot car, quelques lignes plus loin, il entreprend de
formuler une règle en fonction de la nature et des particularités
de chaque catégorie de contrat. Il ne préconise donc pas
une véritable analyse in concreto, mais plutôt l'examen
de modèles contractuels abstraits qui ne peut aboutir qu'à une
solution abstraite, donc aprioriste81(*). En somme, il préconise un
apriorisme un peu plus raffiné.
Deuxièmement, si l'on attribue au mot « concret
» la connotation particulière que lui donne Schnitzer, on devrait
logiquement s'attendre à ce qu'il procède à l'étude
détaillée de chaque catégorie de contrat, quitte à
en tirer ensuite une règle unique si ces analyses successives le
justifient82(*).
Cependant, là non plus, Schnitzer ne procède pas à
l'analyse« concrète » qu'il annonce. En fait, il inverse
complètement la démarche, en posant une règle
générale pour tous les contrats. Cette règle
générale est l'aboutissement de conclusions à
l'emporte-pièce, fondées sur des prémisses
générales qui ne résultent pas de l'étude de la
nature et de l'essence particulières des différentes
catégories de contrats. Elle est donc singulièrement
aprioriste.
d) Conclusion
En somme, les arguments décrits plus haut faisant
appel, d'une part, à la nature et, d'autre part, à la fonction du
contrat ne démontrent pas qu'un contrat synallagmatique comporte
une prestation prépondérante qui peut être retenue comme
seul facteur de rattachement.
Cela dit, rien n'empêche que le rattachement auquel
conduit la doctrine de la prestation caractéristique se
révèle opportun. Nous examinerons donc à présent le
deuxième volet de cette doctrine, à savoir le « rattachement
fonctionnel ».
4.- Le rattachement fonctionnel
a) Le rattachement proposé
Dans l'hypothèse qui nous intéresse - un contrat
synallagmatique ayant pour objet l'échange d'une prestation en nature
contre une prestation pécuniaire -, la doctrine de la prestation
caractéristique conduit à appliquer au contrat la loi du lieu de
résidence habituelle de la partie qui fournit la prestation en
nature.
On trouve essentiellement deux justifications à cette
solution.
b) Justifications
i) Considérations d'ordre
objectif
On affirme que ce rattachement conduit opportunément
à faire régir le contrat par la loi de l'ordre juridique au sein
duquel le contrat, et le débiteur de la prestation non
pécuniaire, déploient leur fonction dans la vie économique
et sociale83(*).
ii) Considérations d'ordre
subjectif
D'autres considérations ne sont pas absentes des
réflexions de Schnitzer. En fait, il écrit dès le
départ que l'activité du commerçant doit faire l'objet
d'une réglementation uniforme84(*), et il réitère cette
idée à maintes reprises. On pourrait arguer que cette idée
s'explique tout simplement parla volonté de rattacher le contrat
à son milieu socio-économique et de permettre la standardisation
des activités du commerçant, réalisant ainsi une meilleure
allocation des ressources, dans le meilleur intérêt de tous.
Toutefois, sans nier que Schnitzer ait pu penser en ces termes, celui-ci
cherche aussi par là à satisfaire les intérêts du
débiteur de la prestation caractéristique, comme le
révèlent clairement ses commentaires au sujet de la convention du
15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère
international d'objets mobiliers corporels. II critique vertement l'article 3
paragraphe 2 de cette convention qui conduit parfois à faire
régir le contrat par la loi de l'acheteur, en expliquant que les
vendeurs « n'ont nullement envie de se soumettre à la loi souvent
inconnue et imparfaite d'un pays parfois lointain »85(*). Ce commentaire montre bien
que Schnitzer se préoccupe des intérêts, des attentes des
parties, dans la résolution du conflit de lois86(*).
c) Appréciation
On a fait remarquer, à juste titre, que l'idée de
rattacher le contrat à son milieu socioéconomique ne reposait sur
aucune démonstration scientifique sérieuse87(*). En l'état actuel des
développements doctrinaux, en supposant, pour les fins de la discussion,
qu'un contrat ait un milieu socio-économique naturel88(*), on peut s'interroger sur
l'utilité de ce rattachement : quel avantage pourrait-il y avoir
à soumettre le contrat à l'ordre juridique dans lequel il
déploie sa « fonction socio-économique »? Qui y trouve
son compte? Quels intérêts justifieraient ce rattachement? Tel que
le critère est présenté, nous ne pouvons y
déceler que les intérêts de la société et de
l'économie correspondant à l'ordre juridique auquel on veut
rattacher le contrat. Ce seraient donc les intérêts de la
population d'un État, ou peut-être ceux de cet État. Or, il
a été démontré de façon convaincante que les
intérêts des tiers ne peuvent être pris en compte pour
résoudre le conflit de lois en matière de contrats, et que ceux
de l'État ne peuvent intervenir utilement pour trancher le conflit de
lois qu'en ce qui concerne certaines catégories de contrats, qui ne nous
intéressent pas ici89(*). Par conséquent, ce critère du
rattachement à l'environnement socio-économique du contrat doit
être rejeté.
En revanche, la prise en compte des intérêts des
parties nous paraît beaucoup plus justifiable90(*). Toutefois, si Schnitzer,
à l'instar de Savigny, se souciait des attentes des parties, il est
surprenant de constater que la prise en compte des intérêts du
créancier de la prestation caractéristique dans la
résolution du conflit de lois est à peu près absente des
développements de Schnitzer91(*), et l'auteur ne semblait pas prêt à leur
réserver quelque place que ce soit, car pour toutes les
catégories de contrats visées par sa règle
générale, il ne prévoyait aucune exception92(*).
Or, s'il se peut que le débiteur de la prestation
caractéristique ne soit « aucunement disposé » à
voir le contrat régi par la « loi souvent peu connue et peu
développée d'un pays exotique », il se peut fort bien que
son cocontractant se retrouve dans une disposition analogue.
Pourquoi la doctrine de la prestation caractéristique n'en
tient-elle pas compte?
Nous n'arrivons pas à nous défaire de l'impression
que cela s'explique par le fait que Schnitzer a construit toute sa
théorie en vue de justifier une solution qui lui paraissait opportune :
appliquer une seule loi à l'ensemble du contrat et assurer
l'uniformité de la réglementation des contrats par lesquels une
entreprise réalise son objet93(*). Souvenons-nous que c'est là le point de
départ de sa réflexion et que, à ce stade, son analyse ne
portait pas sur la nature, l'essence ou la fonction du contrat commercial, mais
plutôt sur le contexte dans lequel il intervient : le contrat
commercial constitue le moyen habituel d'exercice de l'activité d'une
entreprise commerciale. Il serait souhaitable que tous ces contrats, que
l'entreprise conclut à répétition, soient soumis à
la même loi Ce faisant, toutefois, on met systématiquement le
risque de la loi applicable à la charge des clients. Comment le
justifie-t-on? On indique que les contrats ne constituent que des actes
isolés pour les clients. Pourtant, le fait qu'un client ne conclue qu'un
seul contrat avec l'entreprise commerciale considérée n'exclut
pas qu'il puisse être intéressé par la question de la loi
applicable à ce contrat. Pour contrer cette objection, la doctrine de la
prestation caractéristique n'offre que ses arguments relatifs à
la nature, l'essence et la fonction du contrat. Mais puisque ces arguments,
comme nous l'avons démontré, sont mal fondés, la doctrine
de la prestation caractéristique reste sans réponse valable face
à la question de savoir pourquoi on ne doit jamais tenir compte des
intérêts du créancier de la prestation
caractéristique quant à la loi applicable au contrat.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Pour qu'une doctrine soit acceptable, elle doit reposer sur des
fondements solides, avonsnous dit. Que peut-on retenir des fondements
théoriques de la doctrine de la prestation caractéristique
élaborée par Adolph Schnitzer? Peu de choses, semble-t-il.
S'il nous paraît opportun de rechercher une directive qui
permette de concrétiser le principe de proximité dans le domaine
des conflits de lois en matière contractuelle, l'analyse de la nature et
de la fonction du contrat synallagmatique mène à une impasse, car
elle ne permet pas d'identifier au sein du contrat un facteur de rattachement
unique. D'ailleurs, on a souligné avec raison qu'il y aurait quelque
chose de curieux à ce que deux analyses, l'une portant sur la nature et
l'autre, sur la fonction, convergent systématiquement et
définitivement, étant donné que la nature ne s'identifie
pas à la fonction, et que la nature est immuable tandis que la fonction
tend à évoluer94(*).
Le rattachement du contrat à son milieu
socio-économique, à supposer qu'il soit concevable, nous
paraît devoir être rejeté, parce qu'il ne pourrait se
justifier autrement que par la prise en compte d'intérêts qui
doivent au contraire être écartés de la recherche de la loi
applicable dans les cas qui nous intéressent.
En revanche, la prise en compte des intérêts des
parties semble tout à fait opportune. Nous estimons, à l'instar
de Schnitzer, qu'une entreprise a intérêt à ce que les
contrats qu'elle conclut soient régis par la loi de sa résidence
habituelle.
Cependant, dans la logique de la doctrine de la prestation
caractéristique, seuls les intérêts du débiteur de
cette prestation sont dignes de considération ou, en tout cas, sont
systématiquement préférés aux intérêts
de son cocontractant, sans que Schnitzer ne réussisse à nous
convaincre du bien-fondé d'une telle préférence de
principe.
Cela dit, peut-être d'autres auteurs ont-ils réussi
là où Schnitzer avait échoué. Ce n'est pas
impossible, car certains ont présenté des arguments
différents à l'appui de la solution préconisée par
la doctrine de la prestation caractéristique. Ces arguments reposent sur
l'analyse des intérêts de toutes les parties au contrat. Nous
vérifierons donc si ces « justifications de rechange » sont
aptes à sauver la doctrine qui retient ici notre attention.
DEUXIÈME PARTIE: LA NOTION DE PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE
ET LES INTÉRÊTS EN CAUSE
Afin de déterminer la loi applicable au contrat
à défaut de choix, il a été démontré
de manière convaincante qu'en règle générale seuls
les intérêts des parties peuvent être utilement pris en
compte95(*).
Il est à noter que le principe de proximité ne
semble pas s'opposer à la recherche d'une solution en fonction des
intérêts des parties. En effet, comme l'explique M. Lagarde, le
principe de proximité a pour objectif, notamment, « le respect de
l'attente légitime des parties »96(*). Or, il serait tout à fait paradoxal de
rechercher la satisfaction de l'attente légitime des parties tout en
s'interdisant d'en tenir compte.
M. Heuzé a bien montré que les
intérêts d'une partie quant à la loi applicable ne peuvent
être pris en considération que dans l'hypothèse où
cette partie a entretenu la conviction qu'un droit donné, dont elle
connaissait la teneur, devait s'appliquer au contrat, et que cette croyance a
exercé une influence sur son consentement. Et l'on peut raisonnablement
supposer qu'une telle croyance sera très généralement
relative au droit du domicile de l'intéressé97(*).
Dans cette perspective, l'hypothèse la plus
intéressante est celle où les parties ont effectivement entretenu
des croyances divergentes quant à la loi applicable au contrat, et toute
la difficulté consiste alors à faire la juste part de choses
entre les intérêts divergents des parties quant à la loi
applicable. Pour trancher ce conflit, M. Heuzé centre son analyse sur
les circonstances entourant la conclusion du contrat, après avoir conclu
qu'il n'est « pas possible de raisonner ici à partir d'une
définition abstraite du modèle contractuel »98(*).
Pourtant, en ce qui concerne plus particulièrement les
contrats synallagmatiques ayant pour objet l'échange d'une prestation en
nature contre une prestation pécuniaire, plusieurs ont implicitement
adopté la position contraire, en affirmant que l'analyse abstraite de
ces contrats révélait la prépondérance des
intérêts du débiteur de la prestation
caractéristique.
A) PRÉPONDÉRANCE DES
INTÉRÊTS DU DÉBITEUR DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE : LES JUSTIFICATIONS DE RECHANGE FONDÉES
SUR LE CONTENU CARACTÉRISTIQUE DU CONTRAT
Deux arguments, qui se recoupent en partie, et qui se basent sur
le contenu caractéristique du contrat, ont été
avancés pour justifier le rattachement de principe du contrat à
la loi de la résidence habituelle du débiteur de la prestation
caractéristique. Le premier se fonde sur la complexité de la
prestation caractéristique et l'intensité de la
réglementation dont elle fait l'objet (1), tandis que le deuxième
argument repose sur l'idée que la prestation caractéristique
comporte plus de risques que sa contrepartie (2).
1.- La prestation caractéristique : prestation plus
complexe et faisant l'objet d'une réglementation plus intense
a) Les arguments
Plusieurs se sont portés à la défense de la
doctrine de la prestation caractéristique en faisant valoir que le
débiteur de cette prestation est généralement la partie la
plus active aux termes du contrat; sa prestation, généralement
plus complexe que celle de son contractant, fait l'objet une
réglementation plus intense. La prestation du créancier de la
prestation caractéristique consiste à payer un prix. Son
obligation reste essentiellement la même, peu importe la loi applicable.
Par contraste, la réglementation plus élaborée qui vise la
prestation caractéristique est susceptible de varier davantage d'un
ordre juridique à l'autre. L'on en déduit que le risque de
l'application au contrat d'une loi étrangère concerne de
manière prépondérante le débiteur de la prestation
caractéristique. Il importe donc de soumettre le contrat à la loi
qui est la plus familière à ce contractant, soit la loi du lieu
de sa résidence habituelle99(*).
b) Appréciation
Ces explications ont été critiquées, et avec
raison100(*).
Tout d'abord, ces développements ne sont acceptables que
si l'on présuppose que les obligations corrélatives nées
du contrat synallagmatique peuvent être appréciées
isolément aux fins de répartir les risques découlant du
conflit de lois. Or, c'est impossible, car les règles relatives à
une obligation intéressent le débiteur tout autant que le
créancier101(*),
les obligations du premier étant les droits du second, et inversement.
La réglementation de la prestation caractéristique ne se borne
pas à imposer des obligations à son débiteur : du coup,
elle fixe aussi les droits du créancier.
Et si l'on apprécie plutôt l'intensité de la
réglementation en termes de droits, on doit nécessairement
conclure que, si la prestation caractéristique est plus complexe et fait
l'objet d'une réglementation plus intense, les droits contractuels du
créancier de la prestation caractéristique sont susceptibles de
varier davantage que ceux de son cocontractant, selon la loi applicable au
contrat. Les droits du débiteur de la prestation caractéristique
sont relativement protégés contre les risques découlant de
la diversité des ordres juridiques. Par conséquent, dans cette
perspective, le créancier de la prestation caractéristique est
davantage intéressé par le conflit de loi II conviendrait donc
d'appliquer au contrat la loi de la résidence habituelle du
créancier de la prestation caractéristique, puisque c'est cette
loi qui lui est vraisemblablement la plus familière.
Ainsi, on s'aperçoit qu'en évaluant les deux
côtés de la médaille, i.e. en analysant
l'intensité de la réglementation des prestations
corrélatives des parties en termes de droits et d'obligations,
les intérêts des cocontractants quant à la loi applicable
s'équivalent et se neutralisent. Puisque nous ne connaissons pas de
principe général du droit qui commande de favoriser les
intérêts du débiteur au détriment de ceux de son
créancier, nous devons conclure qu'une solution du conflit de lois qui
vise à assurer au débiteur de la prestation
caractéristique une meilleure certitude quant à l'étendue
de ses obligations est susceptible de causer un désavantage
proportionnel à son cocontractant sans raison valable.
En outre, on peut dire que si la prestation
caractéristique est plus complexe, cette complexité est prise en
compte dans le prix que le créancier accepte de payer pour
l'obtenir102(*). Par
hypothèse, il y a équivalence des termes de l'échange qui
est l'objet du contrat synallagmatique. Ce n'est pas un hasard si, par exemple,
un vendeur se voit imposer des obligations plus contraignantes qu'un donataire:
c'est parce qu'on estime que l'acheteur a le droit « d'en avoir pour son
argent ». Raison de plus pour ne pas favoriser les intérêts
du débiteur de la prestation caractéristique au détriment
des intérêts de son cocontractant.
Par ailleurs, le lien entre le critère de
l'intensité de la réglementation et la doctrine de la prestation
caractéristique est loin d'être évident103(*). En effet, si le premier
justifie qu'on applique la loi du vendeur au contrat de vente, par exemple,
alors la notion de prestation caractéristique n'est plus d'aucune
utilité.
Du reste, si on voulait étendre ce critère de
l'intensité de la réglementation à d'autres
catégories de contrats, il faudrait s'assurer auparavant de son
exactitude en procédant à une recherche approfondie, non
seulement en droit interne, mais aussi en droit comparé, pour chaque
catégorie de contrat, chose qui n'a pas encore été faite,
et qui paraît relever de l'utopie.
Le critère de l'intensité de la
réglementation peut être rapproché de l'idée de
favoriser le
débiteur de la prestation caractéristique à
cause de sa position plus risquée.
2.- La prestation caractéristique : la prestation
qui comporte le plus de risques
On pourrait être tenté de favoriser
le débiteur de la prestation caractéristique au plan du droit
international privé en raison de la position plus risquée qu'il
assume au titre du contrat, sur le plan économique. Cette notion de
risque pourrait être élucidée par l'analyse des coûts
réels que le débiteur de la p104(*)restation caractéristique assume avant la
transaction, combinés aux coûts réels et potentiels
occasionnés par le contrat.
a) Le calcul des risques
i) Coûts antérieurs à la
transaction
On pourrait dire que la prestation caractéristique, par
rapport à sa contrepartie, requiert généralement un
investissement plus important en ressources de toutes sortes. Par exemple,
avant qu'un fabricant de téléphones portatifs ne réussisse
à vendre son produit, il aura d'abord dû le fabriquer, ce qui aura
exigé de rassembler et d'exploiter efficacement des ressources autrement
plus importantes que les quelques centaines de francs que la vente du
téléphone peut lui rapporter. Avant qu'un avocat ne soit en
mesure de représenter un client dans le cadre d'une action sur compte,
toutes les ressources qu'il aura dû investir, ne serait-ce qu'aux fins de
sa formation, dépassent largement en valeur les honoraires qu'il peut
escompter en contrepartie de cette prestation de services relativement simple.
Avant qu'un bailleur immobilier ne puisse louer ses locaux, il aura d'abord
dû acquérir l'immeuble, dont la valeur est sans doute plus
élevée que les loyers qu'il peut espérer obtenir au titre
d'un bail.
Dans les exemples qui précèdent, on voit que, au
jour de la conclusion du contrat, le débiteur de la prestation
caractéristique a déjà engagé des ressources
nettement plus importantes que son cocontractant.
A ces coûts nécessairement engagés
antérieurement à la transaction s'ajoutent les coûts
réels et potentiels découlant de la transaction.
ii) Les coûts réels et potentiels
découlant de la transaction
La loi oblige les parties à fournir les prestations
qu'elles ont promises aux termes du contrat. Les obligations doivent être
exécutées, et elles doivent l'être
correctement.
Le créancier de la prestation caractéristique
s'oblige, par hypothèse, à verser une somme d'argent106105(*). Ce prix est
généralement déterminé. Il est accepté par
son débiteur parce que celui-ci estime qu'il correspond, ou est
inférieur, à la valeur de la prestation qu'il doit obtenir en
retour. Le pire qui puisse lui arriver aux termes du contrat, c'est qu'on
l'oblige à payer le prix, majoré d'intérêts. Ce
cocontractant sait donc avec précision à quoi il s'engage, et la
valeur maximale de sa responsabilité contractuelle ne peut guère
dépasser la valeur qu'il a accordée à la prestation qu'il
recherchait au moment de contracter.
La situation est toute autre pour le débiteur de la
prestation caractéristique. En effet, la fourniture de biens ou la
prestation de services étant plus complexe, elles offrent beaucoup plus
de place à l'erreur, au comportement fautif et donc, à
l'obligation de réparer les dommages qui en découlent. Reprenons
les exemples précédents. Si l'on s'aperçoit que les
micro-ondes émises par un téléphone portatif causent le
cancer, ou si le téléphone explose spontanément entre les
mains de son utilisateur, le fabricant, ou son revendeur, risquent fort
d'engager leur responsabilité bien au-delà de la valeur du prix
qu'ils auront touché pour la vente du téléphone. De
même, l'avocat qui, par inadvertance, laisse s'écouler la
prescription de l'action sur compte pourrait bien être obligé de
payer à son client la valeur de la créance à recouvrer,
même si son recouvrement réalisé selon les règles de
l'art aurait procuré à l'avocat des honoraires sensiblement
inférieurs à la valeur de la créance. Le bailleur dont
l'immeuble serait détruit par un incendie causé par un
système défectueux d'alimentation en électricité ou
en gaz, pourrait être tenu responsable de dommages dépassant
largement la valeur des loyers qu'il retirait de la location.
Ces exemples montrent que l'exécution du contrat peut
s'avérer beaucoup plus risquée pour le débiteur de la
prestation caractéristique que pour son cocontractant.
Quelle conclusion pourrait-on en tirer pour le droit
international privé des contrats?
b) Implication en droit international privé des
contrats
Si, à la lumière de ce qui précède,
on pouvait conclure que le contrat synallagmatique entraîne des
coûts et des risques beaucoup plus élevés pour le
débiteur de la prestation caractéristique que pour son
cocontractant, on pourrait être tenté de favoriser le premier.
Celui-ci étant le plus lourdement engagé dans la relation
contractuelle, tant par ce qu'il apporte au contrat que par ce que le contrat
est susceptible de lui coûter, il aurait un intérêt plus
grand à connaître l'étendue exacte de ses droits et
obligations contractuels. La règle de conflit de lois pourrait favoriser
cet intérêt en désignant la loi de la résidence
habituelle du débiteur de la prestation caractéristique, car
c'est très généralement la seule loi que celui-ci aura eue
à l'esprit, pour peu qu'il ait contracté en considération
de règles de droit matériel particulières.
c) Appréciation
Cette analyse recoupe en partie celle menée en termes
d'intensité de la réglementation et, dans cette mesure, elle
encourt les mêmes critiques. Cela étant, elle s'en démarque
aussi à certains égards, ce qui lui mérite des critiques
distinctes.
En ce qui concerne tout d'abord ce que nous avons appelé
les coûts antérieurs à la transaction, ils ne se
présentent pas de la même façon dans tous les contrats. Par
exemple, si les coûts liés à la conception et la
fabrication d'un téléphone portatif sont évidemment plus
élevés que son prix de vente, cette disproportion ne s'observe
que dans le cas de la vente effectuée par le fabricant. Le
détaillant de téléphones portatifs, pour sa part,
n'engage pas nécessairement des dépenses sensiblement plus
élevées que son client pour pouvoir réaliser la
transaction. S'agissant, d'autre part, de prestation de services, les
coûts que leur prestataire engage pour être en mesure de les
fournir sont souvent proportionnels à leur degré de
complexité. Si, par exemple, un avocat doit nécessairement
étudier le droit pendant quelques années avant de pouvoir offrir
ses services professionnels, d'autres types de prestation de services n'exigent
pas toujours un investissement préalable particulièrement
important.
Quant à ce que nous avons appelé les coûts
réels et potentiels découlant de la transaction, ils sont
tributaires de la réglementation applicable au contrat; leur importance
dépend des obligations imposées au débiteur de la
prestation caractéristique par la loi applicable à la situation.
Par conséquent, si l'on voulait appliquer ce critère, on serait
pris dans un cercle vicieux : quelle loi consulter pour mesurer
l'étendue des obligations contractuelles du débiteur de la
prestation caractéristique, alors qu'on n'a pas encore
déterminé la loi applicable au contrat? À moins, bien
sûr, qu'une titanesque étude de droit comparé ne nous
indique de manière générale et invariable, pour chaque
catégorie de contrat, l'identité de la partie qui assume le plus
de risques en raison du contrat, ce qui relève, encore une fois, de
l'utopie.
En outre, même en faisant abstraction de la
diversité des ordres juridiques, il faut bien admettre que l'exercice de
la liberté contractuelle peut influer considérablement sur les
coûts réels et potentiels découlant d'un contrat. Tout
d'abord, au sein même du contrat, les parties peuvent, par des
stipulations, étendre ou restreindre leurs obligations, limiter, exclure
ou rajouter des garanties. Ensuite, contrats d'assurance et
sûretés de toutes sortes peuvent être mis en orbite autour
du contrat principal et modifier de manière importante le rapport des
risques assumés par les parties. En vérité, même
pour une catégorie de contrat donnée, les variations possibles de
la charge des risques économiques liés au contrat nous parait
trop importante pour que l'on puisse raisonnablement tirer des conclusions
générales à ce sujet.
Un exemple devrait suffire à s'en convaincre.
Selon le Tribunal fédéral suisse, le contrat de
prêt doit être régi, en principe, par la loi du
prêteur : « s'agissant de prêts, les gros emprunts
exceptés, le lien le plus étroit existe en règle
générale avec le pays où le prêteur est
domicilié, car c'est sa prestation qui caractérise le contrat et
c'est sa position qui est la plus menacée. »106(*) On retrouve ici
l'idée que le contrat devrait être régi par la loi de la
partie dont la situation contractuelle est la plus risquée. L'exemple
vaut la peine qu'on s'y attarde.
Dans l'hypothèse d'un contrat de prêt d'argent,
à première vue, il semble bien que ce soit le prêteur qui
prenne le plus de risques. En effet, il confie une somme d'argent à
l'emprunteur sans contrepartie immédiate, en escomptant que l'emprunteur
tiendra sa promesse de rendre la somme au moment convenu, avec les
intérêts stipulés. Au moment de la conclusion du contrat,
l'emprunteur ne donne rien d'autre que sa parole.
Cependant, il est loisible pour le prêteur de ne consentir
le prêt qu'à condition qu'on lui fournisse des garanties
suffisantes, et c'est souvent ainsi que les choses se passent. Si une banque
prête 100 000 francs à une entreprise et que, en garantie du
remboursement de cette somme, l'entreprise lui consent une hypothèque de
premier rang sur un immeuble qui vaut 1 000 000 francs, et souscrit une
assurance tout risques sur cet immeuble au bénéfice de la banque,
peut-on sérieusement prétendre que la banque prend des risques?
S'il subsiste encore quelque doute de ce côté, le banquier
avisé aura naturellement pris soin d'exiger au préalable un
cautionnement de la part des dirigeants de l'entreprise ... de leurs conjoints
... de leurs enfants... En vérité, en pareil cas, on a
plutôt l'impression que c'est l'emprunteur qui assume le plus de risques.
En effet, afin de disposer, au moment venu, de la somme nécessaire pour
rembourser la banque en capital et intérêts, l'emprunteur devra
faire fructifier le montant du prêt, il devra le « jouer », en
quelque sorte, ce qui comporte toujours des risques, y compris lorsque l'on
mise principalement sur soi-même (!).
Cet exemple nous porte à croire qu'une analyse des
catégories de contrats en termes de prépondérance des
risques économiques est réfractaire à toute
systématisation. La marge de manoeuvre que la loi laisse aux parties
dans l'aménagement de leurs rapports contractuels leur permet de
répartir des manières les plus diverses les risques
économiques découlant du contrat. Pour un type de contrat
donné, la charge des risques peut peser sur l'une ou l'autre des
parties, en fonction de divers facteurs, tels le rapport de forces au moment de
la négociation du contrat et la solvabilité des parties par la
suite. Et l'analyse est d'autant plus compliquée que l'on ne peut
examiner un contrat isolément, en faisant abstraction des contrats
accessoires qui gravitent autour de lui, car ces contrats accessoires font
partie intégrante de l'équation contractuelle.
Bref, si nous avions d'abord été séduit par
l'idée de faire assumer le risque de la loi applicable par la partie qui
est la moins lourdement engagée dans la relation contractuelle, tout
bien considéré, un tel critère ne peut pas être
érigé en formule abstraite. II ne pourrait être
appliqué qu'au cas par cas, au terme d'un examen portant sur l'ensemble
des circonstances de chaque situation concrète. Et même là,
dans bien des cas, il serait fort possible qu'on n'arrive pas à
déterminer avec certitude laquelle des deux parties assume le plus de
risques en vertu du contrat. À ce prix-là, le jeu n'en vaut pas
la chandelle. Il est préférable de rejeter ce critère, y
compris pour les contrats de prêt, et pour les mêmes raisons, sauf
le respect que nous devons au Tribunal fédéral suisse.
3.- Conclusion
À supposer que la prestation en nature soit
généralement plus complexe que sa contrepartie pécuniaire
et fasse l'objet d'une réglementation plus intense, il n'en
résulte pas pour autant que l'on doive favoriser les
intérêts de l'une ou l'autre des parties aux fins de
déterminer la loi applicable à un contrat synallagmatique.
Par ailleurs, s'il se peut que la prestation
caractéristique comporte souvent un risque économique plus grand
que sa contrepartie, ce qui pourrait justifier une faveur pour le
débiteur de la prestation caractéristique, ce n'est certainement
pas toujours le cas. Par conséquent, ce critère ne peut pas
être retenu sans nuances. En outre, puisqu'il est à peu
près impossible d'identifier dans l'abstrait les situations pour
lesquelles le critère est vérifié, il ne peut être
retenu pour formuler une règle quelconque.
Ainsi, ceux qui ont pris le relais de Schnitzer dans la
défense de la doctrine de la prestation caractéristique ont
été incapables jusqu'à présent de présenter
des arguments valables au soutien d'une solution au conflit de lois qui soit
fondée sur la nature ou le contenu caractéristique du contrat. On
ne trouve à ce jour aucune justification au rattachement du contrat
« de l'intérieur ». Nous serions tenté de conclure,
avec M. Lagarde, que la méthode de localisation du rapport de
droit « à partir de la `nature' du rapport de droit a montré
avec le temps ses limites »107(*).
Dès lors, il ne reste plus qu'à « sortir
» du contrat pour diriger notre attention sur le contexte, les
circonstances dans lequel il se présente. Ce faisant, peut-être y
trouverons nous matière à justifier la doctrine de la prestation
caractéristique. Ce n'est pas impensable, puisque cette doctrine trouve
justement son origine dans l'analyse du contexte du contrat108(*).B)
PREPONDÉRANCE DES INTÉRÊTS DU DEBITEUR DE LA PRESTATION
CARACTÉRISTIQUE RÉVÉLÉE PAR LES CIRCONSTANCES
ENTOURANT LA CONCLUSION DU CONTRAT
On trouve dans la doctrine contemporaine des
développements relatifs à la question de la loi applicable au
contrat qui font appel à la notion de prestation caractéristique,
mais qui, contrairement à la doctrine qui lui doit don nom, fondent
leurs conclusions sur une analyse des circonstances entourant la conclusion du
contrat plutôt que sur sa nature, son essence ou sa fonction. En ce sens,
la thèse de Dirk Gunst prétend trouver une certaine justification
à la doctrine de la prestation caractéristique en recourant
à des éléments d'analyse économique du
droit109(*). Quant
à la thèse dé M. Heuzé, elle préconise un
système de solution qui recourt à la notion de prestation
caractéristique, mais qui se fonde plutôt sur des
considérations d'ordre sociologique"110(*). Ces deux thèses sont d'autant plus
pertinentes au regard de la doctrine de la prestation caractéristique
que celle-ci est prétendument justifiée par la
réalité socio-économique du contrat. Nous les examinerons
donc tour à tour afin, d'une part, d'en apprécier la
solidité et, d'autre part, d'en évaluer la compatibilité
avec la doctrine de la prestation caractéristique.
1.- Contribution d'une analyse économique du
droit : la thèse de M. Gunst
a) Exposé
Après avoir conclu à l'insuffisance des arguments
avancés à ce jour pour justifier le rattachement du contrat
à la loi du lieu de la résidence habituelle du débiteur de
la prestation caractéristique111(*). M. Gunst se tourne vers. l'analyse
économique du droit en vue d'y trouver de nouveaux
éléments de solution à la question de la loi applicable au
contrat à défaut de choix.
Il pose tout d'abord que la règle de rattachement objectif
en droit des contrats internationaux doit partir de l'idée que le droit
international privé doit réaliser une répartition
adéquate des charges et des risques qui découlent de
l'internationalité du contrat112(*).
.
Pour M. Gunst, l'internationalité du contrat fait
naître essentiellement le risque qu'une partie, obligée de se
renseigner sur la teneur du droit applicable au contrat en cours
d'exécution, encoure des frais plus élevés du fait que son
enquête porte sur un droit étranger plutôt que le droit en
vigueur au lieu de sa résidence habituelle (« Informationsrisiko
»)113(*).
Selon cette analyse, chaque partie a naturellement
intérêt à ce que le conflit de loi relatif au contrat soit
tranché en faveur de la loi de sa résidence habituelle.
Ceci amène l'auteur à conclure, à titre
préliminaire, qu'il faut faire prévaloir les
intérêts de la partie qui serait susceptible d'encourir des
coûts sensiblement plus élevés que l'autre partie, du fait
de l'application au contrat d'un droit qui lui est étranger114(*).
Procédant ensuite à l'analyse économique du
droit des contrats, Gunst explique que les règles supplétives ont
pour fonction de parachever la complétude du contrat, qui reste toujours
lacunaire à cause des coûts beaucoup trop élevés
qu'entraînerait la conclusion du contrat si les parties devaient stipuler
sur tous les aspects imaginables de leur entente. Cette complétion du
contrat doit être guidée par l'intérêt
général, et donc tendre à une affectation optimale des
ressources. Il s'ensuit que lorsque les parties n'ont pas stipulé sur un
risque donné, la règle supplétive doit le mettre à
la charge de la partie qui est en mesure de l'assumer au moindre
coût115(*).
Après avoir examiné les différentes
théories relatives à la répartition des risques en droit
matériel des contrats, M. Gunst transpose son analyse en droit
international privé. Il observe que, tout comme en droit interne,
l'autonomie de la volonté permet aux parties de stipuler librement afin
de maîtriser un risque de la manière qui leur convient le mieux,
en l'occurrence le risque de la loi applicable. Ce n'est qu'à
défaut de choix que la règle de rattachement objective entre
enjeu, comme règle supplétive. Celle-ci devrait donc être
élaborée en fonction des considérations décrites
plus haut. Ceci permet à M. Gunst de formuler une règle de
conflit pour le rattachement objectif des contrats : le risque de l'application
d'une loi qui lui est étrangère est assumé par la partie
contractante qui est en meilleure position pour maîtriser ce risque du
fait de sa planification; le droit de l'autre partie est applicable en
principe116(*).
Il tente ensuite de concilier sa formule de répartition
des risques avec le rattachement fonctionnel.
Il note que l'internationalité d'un rapport
économique découle en règle générale du fait
qu'au moins un des participants « se place », soit en position
d'offre, soit en position de demande, sur un marché
étranger »117(*). Il estime que ce critère du lien ou du
rapport au marché (« Marktbezug, Marktbezogenheit ») devrait
conditionner la répartition du risque de la loi applicable118(*). En effet,
lorsqu'une partie se place sur un marché étranger, elle se place
par le fait même dans une sphère juridique
étrangère. Ce faisant, elle en calcule les risques
afférents et, notamment, le risque que le contrat qu'elle conclut soit
soumis à l'environnement juridique de son cocontractant. Du moins, elle
est mieux à même de prévoir ce risque et de prendre les
mesures adéquates pour le maîtriser. En revanche, celui qui offre
ou demande une prestation sur « son » marché n'a aucune raison
de prévoir l'application d'un droit autre que le sien. Le principe de la
répartition des risques se précise donc davantage : en
règle générale, la partie qui se place sur un
marché qui lui est étranger est mieux placée pour
planifier son activité en fonction du risque d'application d'une loi
étrangère qui découle de son comportement119(*).
Revenant au droit positif, M. Gunst affirme que les règles
de conflits de lois actuelles, lorsqu'elles désignent la loi d'un
établissement secondaire du débiteur de la prestation
caractéristique, proposent en vérité un rattachement
fonctionnel déterminé par le critère du Marktbezug,
que la doctrine de la prestation caractéristique est cependant
impuissante à expliquer120(*). Cette doctrine, en effet, mènerait toujours
à la loi du principal établissement du débiteur
de la prestation caractéristique. Les développements de M. Gunst,
en revanche, fourniraient finalement une justification valable à ce
rattachement subsidiaire.
Par ailleurs, M. Gunst est d'avis que les règles
actuelles, grâce surtout au correctif qu'elles apportent pour tenir
compte du Marktbezug, offrent généralement une solution
adéquate au conflit de lois relatif aux contrats synallagmatiques
comportant l'échange d'une prestation pécuniaire contre une
prestation en nature. Pour cela, toutefois, il importe de n'utiliser la notion
de prestation caractéristique que pour distinguer la prestation
pécuniaire de la prestation en nature, et de traiter à part la
question du rattachement, à l'aide du critère du
Marktbezug121(*).
M. Gunst trouve inadéquate, cependant, la solution fournie
par l'article 4 paragraphe 2 de la Convention de Rome lorsqu'une prestation
caractéristique peut être identifiée au sein du contrat,
mais que l'application de la loi du lieu de l'établissement principal ou
secondaire du débiteur de la prestation caractéristique ne
traduit pas un rattachement fonctionnel, i.e. n'exprime pas le
Marktbezug tel qu'il l'entend. Tel est le cas, estime-t-il, lorsqu'une
entreprise se place sur un marché par l'entremise d'agents ou de
représentants, plutôt qu'en y ouvrant une succursale. En pareille
hypothèse, toutefois, M. Gunst est d'avis que, pour les contrats conclus
par ces agents ou représentants, la présomption de la prestation
caractéristique devrait être repoussée au profit d'un
rattachement dicté par le Marktbezug122(*).
b) Appréciation
Nous sommes d'accord avec l'idée que la règle de
conflit relative à la loi applicable au contrat à défaut
de choix devrait réaliser entre les parties une répartition
adéquate des risques découlant de l'internationalité du
contrat. En effet, s'agissant d'une question sur laquelle les parties n'ont pas
stipulé alors qu'elles avaient la liberté de le faire - question
qui, par hypothèse, intéresse les parties au premier chef -, la
règle qui intervient à défaut de choix devrait normalement
combler le silence des parties en tranchant la question de la manière la
plus juste, compte tenu des intérêts respectifs des parties, en
autant que faire ce peut.
Par contre, la conception que M. Gunst se fait du « risque
de la loi » nous paraît trop étroite. En effet, l'auteur
aurait dû envisager à ce chapitre le risque qu'une partie voit ses
attentes trompées par la règle de conflit de loi, lorsqu'elle
aura entretenu à tort la conviction que la loi de sa résidence
habituelle, dont elle connaît la teneur, s'appliquerait au contrat, et
que cette croyance aura influencé son consentement123(*). À bien y penser, ce
risque paraît autrement plus important que celui envisagé par M.
Gunst.
Quoiqu'il en soit, nous trouvons tout à fait opportune la
solution qu'il propose, et qui consiste à faire assumer le risque de la
loi applicable par la partie qui « se place » sur un marché
étranger pour elle. On pourrait croire que, de là, M. Gunst nous
proposerait un système semblable à celui préconisé
par M. Heuzé, pour qui « [les contrats spéciaux] doivent
être régis par la loi du lieu de résidence de celle des
parties qui n'a pas pris l'initiative de leur conclusion. »124(*). Et pourtant, il n'en est
rien.
En effet, M. Gunst s'accroche à la formule de la
prestation caractéristique, telle qu'elle se présente en droit
positif. Les exemples qu'il donne pour justifier une telle prise de position
nous en révèlent la cause. En effet, il se base sur des exemples
de contrats synallagmatiques dans lesquels il cantonne invariablement le
débiteur de la prestation caractéristique dans un rôle
purement passif par rapport à son client, de sorte que ce soit toujours
le client qui apparaisse comme « s'étant placé » sur le
marché de son cocontractant, au lieu de l'établissement principal
ou secondaire de celui-ci125(*). Dans les exemples qu'il présente pour
justifier les règles actuelles, M. Gunst n'envisage jamais de
scénarios dans lesquels une entreprise choisit une politique de mise en
marché internationale un tant soit peu dynamique, qui emploie des
représentants ou de la publicité à l'étranger. Dans
l'esprit de M. Gunst, tout se passe comme si les « fournisseurs de
prestations caractéristiques » se contentaient de placer une
enseigne à la porte de leur établissement, principal ou
secondaire, puis de s'asseoir à leur bureau en attendant que l'on cogne
à la porte ou que le téléphone sonne. C'est cette vision
étriquée des relations pré-contractuelles qui permet
à M. Gunst de concilier sa thèse avec le rattachement
préconisé par la doctrine de la prestation caractéristique
pour les contrats synallagmatiques en général126(*).
Au vu des développements ultérieurs, cependant, on
s'aperçoit bien que M. Gunst reste fidèle à sa
thèse. En effet, lorsque le rattachement à la loi de la
résidence habituelle du débiteur de la prestation
caractéristique ne traduit pas le rattachement auquel conduit son
critère du Marktbezug, c'est ce dernier qu'il fait
prévaloir, notamment lorsqu'une entreprise conclut un contrat sur un
marché étranger par l'entremise de représentants ou
d'agents qu'elle y a postés pour assurer la mise en marché de ses
produits ou services127(*).
Peut-être M. Gunst n'y a-t-il pas songé, mais il
nous semble que son critère du Marktbezug ne devrait pas se
limiter aux seules hypothèses où une entreprise se place sur un
marché étranger au moyen d'une succursale ou de
représentants ou agents. Le critère devrait logiquement
s'étendre aux cas où une entreprise conclut un contrat avec une
personne résidant habituellement dans un autre pays après l'y
avoir invité à contracter, que ce soit à titre personnel
(p. ex. en lui envoyant un catalogue qu'elle n'avait pas commandé) ou
impersonnel (p. ex. au moyen d'une publicité faite dans ce pays et
visant spécifiquement son marché), même si l'entreprise ne
dispose d'aucun établissement ou représentant sur place. En
effet, dans toutes ces hypothèses, il nous semble que l'entreprise prend
l'initiative de se placer sur le marché de son cocontractant potentiel
et que, de ce fait, elle est mieux placée que son cocontractant pour
envisager la possibilité de l'application d'une loi
étrangère au contrat.
En somme, le contenu des analyses de M. Gunst nous paraît
moins critiquable que la façon qu'il a de les présenter. Il nous
paraît clair que, pour lui, le lien avec le marché sur lequel les
cocontractants se sont placés (le Marktbezug) constitue
l'élément déterminant de la situation contractuelle aux
fins de la désignation de la loi applicable. Ce critère nous
parait tout à fait opportun. Cependant, nous ne comprenons pas pourquoi,
dans ces circonstances, il cherche à démontrer que le
rattachement suggéré par le droit positif est
généralement satisfaisant. La notion de prestation
caractéristique n'est d'aucune utilité dans le système
qu'il préconise. À notre avis, il aurait donc dû aller au
bout de sa pensée et se débarrasser tout simplement de la notion
de prestation caractéristique, pour ne retenir que le critère du
Marktbezug.
2- Contribution d'une analyse sociologique du droit :
la thèse de M. Heuzé
a) Les grandes lignes de la thèse
Selon M. Heuzé, la règle de conflit doit
protéger, dans la mesure du possible, les attentes légitimes des
parties quant à la loi applicable au contrat128(*).
Les intérêts d'une partie quant à la loi
applicable ne peuvent être pris en compte que dans l'hypothèse
où cette partie a entretenu la conviction qu'un droit donné, dont
elle connaissait la teneur, devait s'appliquer au contrat, et que cette
croyance a exercé une influence sur son consentement. Et l'on peut
raisonnablement supposer qu'une telle croyance sera très
généralement relative au droit du domicile de
l'intéressé129(*).
Les légitimes attentes des parties peuvent être
déterminées en fonction des « réalités
sociologiques »130(*). Puisqu'il n'est « pas possible de
raisonner utilement ici à partir d'une définition abstraite du
modèle contractuel », « il faut, au contraire examiner
comment, en pratique, la question se présente aux
parties »131(*).
L'auteur examine donc les différents scénarios
selon lesquels la question de la loi applicable au contrat se présente
aux parties, suivant les circonstances entourant la conclusion du contrat. Il
en déduit que les contrats dont l'objet n'exige pas un traitement
particulier « doivent être régis par la loi du lieu de
résidence de celle des parties qui n'a pas pris l'initiative de leur
conclusion ».132(*)
M. Heuzé, examine ensuite de plus près la notion
d'initiative, et cherche à parer à l'éventualité
que la partie ayant pris l'initiative du contrat ne puisse être
identifiée, ce qui l'amène à formuler la règle
suivante : « la loi normalement compétente est celle de la
résidence du débiteur de la prestation caractéristique au
jour de la convention. Par exception, le droit compétent sera celui du
lieu du domicile du créancier, lorsqu'il sera établi par celui-ci
qu'il n'aura pas pris l'initiative du contrat. »133(*)
b) Observations
Il est difficile d'apprécier l'utilité et
l'opportunité de l'incorporation de la notion de prestation
caractéristique dans le système proposé par M.
Heuzé, pour la bonne et simple raison que l'auteur, dont le reste de la
thèse démontre pourtant amplement qu'il est disposé
à ne rien tenir pour acquis, attitude qui nous parant fort louable dans
toute démarche scientifique, ne définit nulle part la notion
de prestation caractéristique. Faute de pouvoir
bénéficier des explications de l'auteur, il serait hasardeux de
notre part de tenter de reconstruire sa conception de la « prestation
caractéristique » par une interprétation de ses analyses. De
toute façon, nous ne nous sentons pas le droit de lire entre les lignes
des écrits des honnêtes gens.
Chose certaine, même si on ne sait pas exactement ce que M.
Heuzé entend par « prestation caractéristique », sa
thèse se démarque nettement de la doctrine de la prestation
caractéristique au moins à deux égards :
premièrement, son analyse ne porte pas sur la nature, l'essence ou la
fonction du contrat, mais se concentre sur les circonstances entourant la
conclusion du contrat; deuxièmement, dans le système
théorique qu'il propose, la prestation caractéristique, dans
l'absolu, est reléguée à un plan secondaire, à
l'ombre du critère déterminant de l'initiative. Ces
différences nous paraissent trop importantes pour ne pas conclure que,
si le système de M. Heuzé incorpore la notion de prestation
caractéristique, il a peu de choses à voir avec la doctrine du
même nom.
3.- Conclusion
MM. Heuzé et Gunst estiment tout deux que le contenu du
contrat n'est pas apte à servir de point de départ pour trouver
une solution au conflit de lois. II faut plutôt se pencher sur le
contexte dans lequel le contrat intervient, sur les circonstances entourant sa
conclusion. Et l'on note avec intérêt que l'analyse
économique de M. Gunst et l'analyse sociologique de M. Heuzé
convergent vers un même principe : le contrat doit être régi
par la loi de la partie qui n'en pas pris l'initiative. Nous approuvons tout
à fait ce principe, qui offre au surplus l'avantage de s'identifier au
gros bon sens que l'homme de la rue exprimerait par l'adage : «
À Rome, on fait comme les Romains. »
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
Le rattachement du rapport de droit en fonction de sa nature a
vraiment montré ses limites. Même une analyse
débarrassée de considérations étrangères, et
centrée sur les intérêts de droit international
privé des parties, n'arrive pas à faire ressortir un facteur de
rattachement unique ou prépondérant de l'intérieur du
contrat, que ce soit en fonction de la complexité des prestations ou des
risques qui leur sont liées.
Il est seulement possible de trouver une solution
générale en sortant du contrat, pour examiner comment, en
pratique, la question de la loi applicable se présente aux parties. Cet
examen amène à penser, pour diverses raisons, que la partie qui
prend l'initiative du contrat doit assumer le risque de la loi
applicable134(*).
On pourrait se demander comment il se fait que la doctrine de la
prestation caractéristique soit partie d'une analyse semblable du
contexte dans lequel le contrat intervient, pour dévier ensuite vers une
analyse du contrat en lui-même. Schnitzer aurait peut-être
gagné à se rappeler cette phrase attribuée à
Talleyrand : « Défiez-vous des premiers mouvements, parce qu'ils
sont bons. »
En vérité, la doctrine de la prestation
caractéristique ne reste jamais indifférente au contexte du
contrat. Si elle aboutit systématiquement à faire régir le
contrat par la loi du lieu de résidence habituelle du débiteur de
la prestation caractéristique, c'est, semble-t-il, parce qu'elle se
fonde sur une conception étriquée des relations commerciales
internationales, suivant laquelle le débiteur de la prestation
caractéristique est cantonné dans un rôle purement passif.
Schnitzer, en effet, parle toujours du client « qui s'adresse » au
professionnel. Il n'envisage jamais l'hypothèse inverse dans ses
développements généraux. Selon un des rapporteurs de la
Convention de Rome, c'est cette même vision étriquée qui
explique la formulation de son article 4, paragraphe 2. En effet, M. Lagarde
écrit :
« Dans la Convention de Rome, la justification de la
compétence de la loi du débiteur de la prestation
caractéristique (par ex. le vendeur) repose, en effet sur
l'hypothèse que ce débiteur a été sollicité
par l'autre partie qui a pris en quelque sorte le risque du commerce
international en s'adressant à un contractant établi à
l'étranger, lequel peut légitimement penser que sa propre loi
régira le contrat. Il en est tout différemment lorsque
l'initiative du contrat est venue de ce débiteur, qui est allé
démarcher un client dunss l'Etat de sa résidence
habituelle. »135(*)
Dès lors, on peut s'interroger sur l'utilité de la
notion de prestation caractéristique dans la résolution des
conflits des lois en matière de contrats. Peut-être
conserve-t-elle une utilité résiduelle dans un système
comme celui proposé par M. Heuzé. Mais pour que l'on puisse en
juger, il faudrait d'abord que cet auteur nous livre sa conception de la
prestation caractéristique.
CONCLUSION
ou De l'utilité de pétrir de la boue
en vue d'en faire de l'or
Certains ont comparé la recherche de la loi applicable au
contrat à défaut de choix à la recherche de la pierre
philosophale136(*),
insinuant par là que le juriste qui cherche une solution à ce
problème, à l'instar de l'alchimiste qui tente de réaliser
le grand oeuvre ou même, plus modestement, l'oeuvre au noir (ce qui
serait déjà pas mal), s'agite en pure perte à la poursuite
d'une chimère.
Cependant, il est remarquable de constater que ceux-là
mêmes qui critiquent le plus n'ont rien de mieux à
proposer137(*). Le
contraire eût été surprenant, puisqu'ils ont posé
d'entrée de jeu que le problème était insoluble.
Dès lors, ils n'ont d'autre choix que de se rabattre sur leur argument
ultime, l'ironie, ce qui nous rappelle une caricature illustrant un
Marché aux idées à l'entrée duquel on
avait accroché un panneau sur lequel on pouvait lire : « Nous
sommes en rupture de stock pour tous nos produits, sauf l'ironie. »
Par ailleurs, nous trouvons les commentaires de ces critiques
particulièrement méprisants à l'endroit des alchimistes.
À notre connaissance, ceux-ci, il est vrai, n'ont jamais réussi
à faire de l'or en pétrissant de la boue. Cependant, si leur
quête était utopique, elle leur a tout de même permis de
faire en cours de route des découvertes importantes qui ont
contribué a jeter les bases de la chimie moderne138(*) En ce qui concerne le
problème de la loi applicable au contrat à défaut de
choix, la solution parfaite, la règle idéale, tout comme la
pierre philosophale, n'est évidemment pas de ce monde. La parfaite
justice n'est qu'un idéal vers lequel doit tendre le droit. Cela dit, le
droit doit tendre à cet idéal, et ça ne se fait
pas tout seul. Il faut y mettre, entre autres, un certain effort
intellectuel.
Pour cette raison, quoique nous soyons très critique
à l'endroit de la doctrine de la prestation caractéristique
élaborée par Schnitzer, nous devons reconnaître à
cet auteur le mérite de s'être creusé la tête afin de
trouver une solution au problème qui retient ici notre attention.
L'idée de départ de Schnitzer était bonne de
chercher à résoudre le conflit de lois en examinant le contexte
dans lequel le problème se pose généralement.
Malheureusement, son analyse a déraillé par la suite, lorsqu'il
s'est enlisé dans l'élaboration d'une argumentation peu
convaincante fondée sur la nature, l'essence et la fonction du contrat,
sans trop qu'on sache pourquoi.
En tout cas, il avait bien vu que la question de la loi
applicable au contrat intéressait les cocontractants. En
vérité, il semble que seuls leurs intérêts puissent
être retenus pour trancher la question.
Seulement, le contrat synallagmatique est bipolaire par nature,
et ses deux pôles sont équipollents par définition. Il est
vain de tenter d'y trouver un seul élément
prépondérant afin de déterminer la loi qui doit le
régir. Une analyse de l'échange économique que vise
à réaliser le contrat synallagmatique aboutit à la
même conclusion.
On n'a donc d'autre choix que d'examiner le contrat
synallagmatique de l'extérieur, en se demandant comment la question de
la loi applicable au contrat se présente en pratique. Ce faisant, une
solution se dégage : la partie qui prend l'initiative du contrat devrait
assumer le risque de l'application de la loi du lieu de résidence de son
contractant.
Quel rôle peut jouer la prestation caractéristique
dans tout ça? Nous ne saurions le dire, car nous ne savons plus du tout
ce que peut être la prestation caractéristique d'un
contrat synallagmatique.
« À l'aube, armés d'une ardente patience, nous
entrerons aux splendides villes. »
Arthur Rimbaud
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* 1 Cf. :
Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations
contractuelles, art. 4; Loi fédérale suisse du 18
décembre 1987 sur le droit international privé, art. 117;
Code civil du Québec, art. 3111, 3112 et 3113.
* 2 L'article 4, paragraphe 2,
de la Convention de Rome, par exemple, renvoie, selon les circonstances,
à la « résidence habituelle », à «
l'administration centrale », au « principal établissement
» ou à « l'établissement [secondaire] ». Pour les
fins de notre exposé, nous emploierons l'expression «
résidence habituelle » pour désigner indistinctement tous
ces points de rattachements.
* 3 Infra, I A).
* 4 En effet, chaque obligation
était régie par la loi du lieu de son exécution. En cas de
pluralité de lieux d'exécution, on appliquait donc des lois
différentes aux différentes obligations nées d'un
même contrat (ce qu'on a appelé la « petite coupure
» ou « kleine Spaltung »). Par ailleurs, les effets du contrat
étaient distingués de sa formation, laquelle était
régie par la loi du lieu de conclusion du contrat (la « grande
coupure » ou « große Spaltung »).
* 5 Cf. SCHNITZER, A.,
« Les contrats en droit international privé suisse »,
RCADI, 1968, t. 123, p. 543 aux pp. 552-557.
* 6 Cf. :
BATIFFOL, H., Les conflits de lois en matière de contrats,
Paris, Sirey, 1938; NADELMANN, K. H., « Choice of Law
Resolved by Rules or Presumptions with an Escape Clause », (1985) 33
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charakteristische Leistung, Zur funktionnellen Anknüpfung im International
Vertragsrecht Deutschlands, der Schweiz und der Europäischen Gemeinschaft,
Constanz, Hartung-Gorre Vorlag, 1994., aux pp. 56-60.
* 7 L'idée avait
déjà été évoquée par certains de ses
prédécesseurs : HOMBERGER, A., Die obligatorischen Vertrage
im internationalen Privatrecht nach der Praxis des schweizerischen
Bundesgerichts, Berne, 1925, aux pp. 10 et suiv. et à la p. 48;
OSER, H.L. et W. SCHÖNENBERGER, Kommentar zum schweizerischen
Zivilgesetzbuch, Das Obligationenrecht, Allgemeine Einleitung, Zurich,
1929.
* 8 Cf. SCHN1TZER,
A. : Handbuch des internationalen Privatrechts, 1re
éd., Zurich/Leipzig 1937; 2e éd. en 2 vol.
édités à Bâle, 1944; 3e éd., 1950;
4e éd., 1957-58 (ci-après « Handbuch »,
en référence à la 4e éd.);
Handbuch des internationalen Handels, Wechsel- und Checkrechts,
Zurich/Leipzig, 1938; « Die Parteiautonomie im internen und
internationalen Recht », Revue suisse de Jurisprudence
35 (1938-39), pp. 305-311, 323-329; « Vertragsfreiheit und Rechtswahl
», Revue de jurisprudence suisse 49 (1953), pp. 285-293; «
Rechtsanwendung auf Verträge », in Festschrift Hans Lewald,
Bâle, 1953, pp. 383-392; « La loi applicable aux contrats
», RCDIP, 1955, no 3, pp. 459-484 (ci-après
« RCDIP, 1955 »); « Die funktionnelle Anknüpfung
im internationalen Vertragsrecht », in Mélanges en l'honneur de
Wilhelm Schönenberger, Fribourg, 1968, aux pp. 387-404; « Les
contrats internationaux en droit international privé suisse
», R.C.A.D.I., 1968, t. 123, p. 543 (ci-après « Les
contrats »); « Die Zuordnung der Verträge im internationalen
Privatrecht », Rabels Z 1969, pp. 17-29; « Realismus als
Rechtsprinzip », in Zeitschrift für Rechtsvergleichung,
Wien, 1977, pp. 257-270; « Betrachtungen zur Gegenwart und
Zukunft des internationalen Privatrechts », Rabels Z 1974, pp.
317-343; « Die Einordnung der internationalen Sachverhalte in das
Rechtssystem » in Internationales Recht un Wirtschaflsordnung,
Festschrift far F. A Mann, Munich, 1977, pp. 289-305.
* 9 Cf. P.M. PATOCCHI,
« Characteristic Performance: A New Myth in the Conflict of Laws? Some
Comments on a Recent Concept in the Swiss and European Private International
Law of Contract » in Études de droit international en l'honneur
de Pierre Lalive, Bâle/Francfort-sur-le-Main, 1993 pp. 113-139,
à la p. 122.
* 10 GIULLANO, M. et P.
LAGARDE, « Rapport relatif à la Convention C.E.E. sur la loi
applicable aux obligations contractuelles », JOCE, 1980,
no 282 (ci-après le « Rapport
Giuliano/Lagarde »).
* 11 Le Rapport
Giuliano/Lagarde cite une monographie de Frank Vischer ainsi qu'une
décision française et une décision néerlandaise
(note 38, p. 20). Néanmoins, le lien de filiation entre le commentaire
contenu dans le rapport au sujet de l'article 4, paragraphe 2, de la Convention
de Rome et l'oeuvre de Schnitzer est évident. En vérité,
plusieurs passages du rapport ressemblent de manière
déconcertante aux écrits de Schnitzer (comp. le Rapport
Giuliano/Lagarde, p. 20-21, para. 3, et SCHNITZER, « Les
contrats internationaux en droit international privé suisse »,
RCADI,1968, t. 123, p. 543, aux pp. 562-563 et 578-579).
Il semble que l'on doive attribuer, à titre principal, le
commentaire sous l'article 4, paragraphe 2, à Giuliano. En
effet, le commentaire reprend verbatim un passage de son cours : GIULIANO, M.,
« La loi applicable au contrat : problèmes choisis »,
RCADI, 1977, t. 158, p. 187, aux pp. 237-239.
* 12 Voir les ouvrages et
articles cités à la note 2.
* 13 SCHNITZER, A.,
Handbuch des internationalen Handels, Wechsel- und Checkrechts,
Zurich/Leipzig, 1938, aux pp. 203-209.
* 14 II faut déterminer,
pour chaque rapport de droit particulier, « was wesentlich ist, was immer
wieder der Regelung bedarf und was andererseits für einen Beteiligten nur
gelegentliche Situation ist, so daß es für ihn genereller Regelung
nicht bedarf » (ibid, p. 204).
* 15 SCHNITZER, A.,
Handbuch des internationalen Privatrechts, 2e
éd., Bâle, 1944, t. I, pp. 38 et suiv., t. II, pp. 513 et
suiv.
* 16 Les contrats, p. 562.
* 17 Ibid., pp.
578-579.
* 18 Ibid., pp.
547-551.
* 19 RCDIP, 1955, p.
479.
* 20 Ibid., p. 476.
* 21 Id.
* 22 Ibid., p. 479.
* 23 Id.
* 24 Id.
* 25 Id.
* 26 Les contrats, p. 562.
* 27 Ibid., pp.
562-563.
* 28 Ibid., p. 564.
* 29 Ibid., p.
578-581.
* 30 RCDIP, 1955, p.
479. On a reproché à la notion de Schuldort d'être
peu connue et de risquer de créer de la confusion avec la notion de lieu
d'exécution (cf. VISCHER, F., Internationales Vertragsrecht,
Berne, 1962, pp. 112-113). La notion n'a généralement pas
été retenue. Pour cette raison, nous la mentionnons ici
pour n'y plus revenir.
* 31 Cf. VISCHER, F.,
« Methodologische Fragen bei der objektiven Anknüpfung im
internationalen Vertragsrecht », (1957) XIV Annuaire suisse de
droit international, p. 43; Internationales Vertragsrecht, Berne,
1962, pp. 89-144.
* 32 Ibid., loc.
cit., p. 47, et op. cit., p. 109.
* 33 Ibid., op.
cit., p. 109.
* 34 Id.
* 35 Supra, note
24.
* 36 Internationales
Vertragsrecht, p. 114-129.
* 37 Ibid., pp.
129-144.
* 38 Infra, II A)
* 39 On sait que Schnitzer est
né en Allemagne, où il y a étudié, puis
travaillé, jusqu'à l'âge de 44 ans, et qu'il s'est ensuite
établi en Suisse, où il a poursuivi ses travaux juridiques
principalement en langue allemande (cf. la notice biographique dans Les
contrats). Par conséquent, si le droit allemand des obligations accorde
une plus grande importance à la notion de prestation, on comprendrait,
d'une part, pourquoi Schnitzer préfère la prestation à
l'obligation et, d'autre part, pourquoi il a trouvé cette
préférence assez naturelle pour ne pas ressentir le besoin de la
justifier.
* 40 Le Vocabulaire
juridique définit la prestation comme « l'objet de
l'obligation en général qui peut, selon le contexte,
désigner soit, dans sa matérialité, la chose due, par ex.
la somme prêtée (prestation en argent), le logement assuré
ou le meuble vendu (prestation en nature), soit l'activité attendue du
débiteur relativement à cette chose, par ex. le versement de
l'argent, la fourniture du logement, la livraison du meuble, la
réalisation d'un ouvrage. »
* 41 Articles 1100 et 1126 du
Code civil (français).
* 42 GHESTIN, J., Les
obligations : La formation du contrat, dans Traité de droit
civil, sous la direction de J. Ghestin, Paris, L.G.D.J., 3e
éd., 1993, no 447, p. 413. En droit civil
français, constituent des contrats réels le prêt à
usage (art. 1875 C.c.), le prêt de consommation (art. 1892), le
dépôt (art. 1919), le gage (art. 2071) et le don manuel.
* 43 Ibid.,
nos 448-452, pp. 413-420.
* 44 Ibid.,
no 452, p. 420.
* 45 On pourrait aussi se
demander si la prestation qui consiste à donner quelque chose, i.e.
à transférer un droit, est véritablement l'objet
d'une obligation lorsque le transfert s'opère solo consensu. En
effet, en pareil cas l'obligation n'existe « qu'en théorie et le
temps d'un éclair » (CARBONNIER, Droit civil, t. 4, vol.
4, Les obligations, P.U.F., 1988, p. 27.)
* 46 On retrouvait une
préoccupation semblable notamment en droit international privé
anglais, avant l'entrée en vigueur de la Convention de Rome, qui
cherchait à relier la « transaction » plutôt
que le contrat : « the connection had to be with the substance of the
contractual obligation and what had to be done under the contract rather than
with the technical form of the contract itself », NORTH, P.M. (sous la
dir. de), Cheshire & Norths Private International Law, 11e
éd., Londres, Butterworths, 1987, p. 464).
* 47 Infra, p. 23.
* 48 À l'époque
où Schnitzer a développé sa doctrine, la jurisprudence
suisse parlait du « lien territorial le plus étroit
». Schnitzer considérait que l'on devait supprimer l'adjectif
« territorial » parce qu'il fallait rechercher non pas un lien
purement matériel, mais plutôt un lien intellectuel entre le
rapport de droit et l'ordre juridique auquel on doit le soumettre (Les
contrats, p. 572-573; dans le même sens : VISCHER, « Methodologische
Fragen bei der objektiven Anknüpfung im internationalen Vertragsrecht
», Ann. suisse de dr. Mt., 1957, pp. 43-68, à la page 47).
Depuis, en droit suisse, la formule a été modifiée :
l'article 117 de la loi fédérale suisse sur le droit
international privé, à l'instar de l'article 4 paragraphes 1 et 5
de la Convention de Rome, parle de « loi du pays avec lequel le contrat
présente les liens les plus étroits ». À notre avis,
cette formule n'empêche pas de concevoir le rattachement en termes de
liens intellectuels. En effet, on doit rattacher le contrat à un «
pays », ce qui comprend son territoire (lien matériel) mais aussi
son ordre juridique (lien intellectuel) (en ce sens, voir: SCHWANDER, I.,
« Internationales Vertragsschuldrecht - Direkte Zustündigkeit and
objektive Anknüpfung », dans Beitrage zum neuen IPR des Sachen-,
Schuld- and Gesellschaftsrechts : Festschrift ftir Prof. Rudolf Moser,
Schulthess, Zurich, 1988, p. 79, aux pages 79-80). Aussi la divergence
entre les versions française et anglaise de l'article 4, d'une part, qui
parlent respectivement de la « loi du pays » et de « law of the
çountry », et la version allemande, d'autre part, qui parle de
« Recht des Staates », nous paraît-elle sans
conséquence. On observe, par ailleurs, que la question a aussi retenu
l'attention de nos amis les Anglais, dont les tribunaux, antérieurement
à l'entrée en vigueur de la Convention de Rome, cherchaient
à rattacher le contrat tantôt à un pays, tantôt
à un système de droit. Cependant, il n'y aurait pas lieu de s'en
inquiéter : « in practice the distinction between the connection
with a country rather than a system of law will make no difference, provided
that the search is not for purely geographical or physical factors, and there
is nothing in the Giuliano/Lagarde Report (whose authors were plainly
aware of the distinction) to suggest that the relevant connection is a physical
rather than a legal connection. » (COLLINS, L. (sous la dir. de),
Dicey & Morris on the Conflict of Laws, 13e éd.,
t. 2, Londres, Sweet & Maxwell, 1993, p. 1300.)
* 49 P. LAGARDE, « Le
principe de proximité en droit international privé »,
RCADI, 1986, t. 196, p. 9, à la page 25. Si ce n'est que nous
prenons parti en faveur de la règle de conflit bilatérale pour
résoudre le conflit de lois.
* 50 Si ce n'est que nous
prenons parti en faveur de la règle de conflit bilatérale pour
résoudre le conflit de lois.
* 51 À tout prendre,
tant qu'à adopter une formule vague, peut-être eût-il
été préférable d'en retenir une
concrète plutôt que métaphorique, comme celle du projet de
Code civil du Québec de 1977, qui, pour désigner la loi
applicable au contrat, faisait tout simplement référence à
la loi qui, « compte tenu des circonstances, a le meilleur titre pour le
régir. » (Office de révision du Code civil, Rapport sur
le Code civil du Québec, vol 1, Projet de Code civil,
Québec, 1978, p. 600, 601). (On a finalement
préféré la formule des liens les plus étroits
(cf. C.c.Q., art. 3112 et 3113)).
* 52 Rapport Giuliano/Lagarde,
p. 21.
* 53 Roberto BARATTA, Il
collegamento più stretto nel diritto internazionale privato dei
contratti, Milan, Giuffrè, 1991, p. 64-66, 181-182, 187-190 et
249.
* 54 Nous trouvons tout
à fait fascinant que M. Baratta, qui défend le principe de
proximité avec vigueur, ne s'interroge nulle part sur ce qui fait
l'intensité d'un lien entre un contrat et un ordre juridique.
* 55 Les contrats, p. 572-573.
Dans le même sens : VISCHER, loc. cit., pp. 51-52.
* 56 Selon le rapport
Giuliano/Lagarde, en effet, « l'article 4 paragraphe 2 [de la
Convention de Rome] concrétise et objective la notion en soi trop vague
de `liens les plus étroits' ».
* 57 Nous décomposons
ainsi les développements de Schnitzer pour les fins de notre analyse.
Dans ses écrits, cependant, l'auteur ne semble pas toujours distinguer
très nettement les notions de « nature », « d'essence
» et de « fonction ».
* 58 Nature et essence ne sont
pas synonymes. Tout d'abord, s'agissant de la nature, on peut l'entendre comme
ce qui définit une chose, soit en fait soit en Droit,
ou encore comme ce qui est normalement attaché à un acte
juridique et répond à son caractère ordinaire
(Vocabulaire juridique, vo « nature »).
Dans cette dernière acception, la nature se distingue de l'essence, qui
se définit, dans le langage juridique, comme « ce qui est
inhérent à un acte et dont dépend nécessairement
soit son existence [...] soit son caractère spécifique
[...]» (ibid., vo. « essence »). Puisque Schnitzer
semble assimiler la nature à l'essence, la logique voudrait
nécessairement qu'il s'agisse de ce qui définit un contrat en
Droit. II semble que ce soit plutôt le cas. En effet, parler de
contrats, de catégories de contrats, n'aurait pas de sens s'il
s'agissait de la nature réelle des situations. Par
conséquent, nous entendons ci-après essence et nature comme la
nature juridique.
* 59 Dictionnaire
Robert, vo « caractéristique
».
* 60 En effet, pour les
contrats synallagmatiques auxquels il consacre ses développements
généraux, il retient toujours les prestations principales que les
cocontractants s'engagent à fournir.
* 61 Infra, I B) 3 a)
i) â).
* 62 Paradoxalement, pour
Schnitzer, en un premier temps, ce qui est commun à toutes les
catégories de contrats doit être écarté, tandis
qu'en un deuxième temps, ce qui est commun à tous les contrats au
sein d'une même catégorie doit être retenu : « Wir
knüpfen an die für die Obligation charakteristische Leistung an. Sie
unterscheidet die Kategorie von jeder anderen. Umgekehrt ist sie als typische
Leistung für diese Kategorie bei jedem Einzelfall der Kategorie gegeben.
» (Schnitzer, Handbuch, t. II, p. 644).
* 63 Cass.
1ère civ., 25 mai 1988, Bull. civ., I, no
149, p. 102; GHESTIN, op. cit., no 813, p. 818 et
no 856, p. 856.
* 64 Les contrats, p. 563.
* 65 Ibid., p. 597.
* 66 Ibid., p. 600.
* 67 Ibid., pp.
604-605.
* 68 Ibid., pp.
605-606.
* 69 Ibid., pp.
607-608.
* 70 À cet égard,
le rapport Giuliano/Lagarde est plus prudent, en se bornant à affirmer
que l'article 4 paragraphe 2 permet « de concrétiser le
rattachement du contrat de l'intérieur et non de l'extérieur par
des éléments qui ne sont pas en relation avec l'essence de
l'obligation [sic], tels que la nationalité des contractants ou le lieu
de conclusion. » (p. 20). On ne va pas jusqu'à nous dire que
la prestation caractéristique s'identifie avec l'essence du contrat ou
avec sa « vraie » nature.
* 71 Voir en ce sens : Karl
KREUZER, Das internationale Privatrecht des Warenkaufs in der deutschen
Rechtsprechung, Frankfurt am Main/Berlin, 1964, p. 95; Anne-Catherine
IMHOFF-SCHEIER, Protection du consommateur et contrats internationaux,
Genève, 1981, p. 122.
* 72 M. Foyer affirme que la
« notion de prestation caractéristique n'est pas sans rapport avec
la théorie de la cause du droit français » (FOYER, J.,
« Entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la
loi applicable aux obligations contractuelles », JDI, 1991, 601,
p. 610). Si nous comprenons bien, il réfère à la
théorie de la cause du contrat. Quoi que l'on puisse penser de
l'utilité de cette notion, force est de constater que le droit positif y
accorde nettement moins d'importance qu'à la notion de cause de
l'obligation (cf. GHESTIN, op. cit., no. 813, p. 818-819).
* 73 F. K. von SAVIGNY,
Traité de droit romain, t. 8, trad. Guenoux, Paris,
1851, p. 199 s.
* 74 HAAK, W. E., « Choice
of Law in the Field of Contracts in the EEC » (1975) 22 Nettes
Int. L Rev. 183, 413.
* 75 Les contrats, p.
580-581.
* 76 En
tout cas, s'agissant de contrats commerciaux, il écrit : «
Kriterium des Handels ist wie uns Nationaltikonom sagt, die Bereitstellung
eines Gutes zur Befriedigung eines Bedürfnisses and die Ausübung der
dazu nütigen Nebentütigkeiten, Heranbringung des Guts (Transport),
Lagerung,
Versucherung, usw. » (SCHNITZER, Handbuch, t. I, p.
53).
* 77 Cf. Dirk GUNST,
op. cit., p. 123-126.
* 78 Celui ou celle qui en
douterait n'a qu'à tenter de convaincre son boucher de lui fournir
gratuitement un kilo de filet mignon, en insistant sur ce qu'il y a de vertueux
pour le boucher à remplir sa fonction dans la vie économique et
sociale de son pays en fournissant de la viande à la population. Et si
la discussion dégénère en pugilat, qu'on ne m'en tienne
pas responsable!
* 79 Cf. GUNST,
op. cit., p. 125-156.
* 80 SCHNITZER, RCDIP,
1955, p. 479.
* 81 Sauf quand son
système ne fonctionne pas, comme c'est le cas pour le contrat
d'échange, pour lequel il suggère de revenir à une
recherche véritablement in concreto de chaque cas particulier
(cf. SCHNITZER, Les contrats, p. 603). Certains auteurs affirment d'ailleurs
que lorsque les « trucs » de Schnitzer ne fonctionnent pas dans
l'abstrait, il convient de rechercher in specie ce qui constitue la
prestation principale du contrat (cf. RETTHMANN, Ch. et D. MARTINY,
Internationales Vertragsrecht, 4e éd., Cologne, 1988, para. 74,
p. 96-97 et para. 91, p. 108). Compte tenu des conclusions auxquelles nous
arrivons quant à la nature et la fonction du contrat synallagmatique,
que l'appréciation soit abstraite ou concrète, elle nous
paraît tout aussi condamnable. On a souligné, par ailleurs, que
cette approche véritablement in concreto sollicite la doctrine
de la prestation caractéristique au-delà de ses limites (cf.
Gunst, op. cit., p. 187).
* 82 Cf. PATTOCHI,
loc. cit., pp. 131-132.
* 83 Cf. SCHNITZER,
Les contrats, p. 578-581.
* 84 SCHNIT2ER, Handbuch
des internationalen Handels, Wechsel- und Checkrechts, Zurich/Leipzig,
1938, 203 et s.
* 85 SCHNITZER, Les contrats,
p. 598. A cette version quelque peu édulcorée de son propos, nous
préférons celle qu'il a livrée sur la même question
dans les Mélanges Schonenberger, à la page 393 : «
Solche Firmen [...] werden in keiner Weise geneigt sein, ihre Vertri
ge, die in vielen Lândern geschlossen werden, zersplittert dem Rechte des
Kauflandes zu unterstellen, oft eines exotischen Landen, mit wenig
bekanntem und unentwickeltem Recht. » (nos italiques).
* 86 Vischer, pour sa part,
affirme beaucoup plus clairement la prise en compte des intérêts
des parties aux fins du rattachement fonctionnel (cf. VISCHER, op. cit., p.
109-111).
* 87 H. U. JESSURUN D'OLIVEIRA,
« `Characteristic Performance' in the Draft EEC Obligation Convention
», (1977) 25 Am. J. Comp. Law 303, p. 313; PATTOCHI, loc.
cit., p. 132.
* 88 Certains avouent leur
incapacité à saisir le sens de cette formule (cf. MORSE, C. G.
J., « The EEC Convention on the Law Applicable to Contractual Obligations
», (1982) 2 Yearbook of European Law 123, 131, et DIAMOND, «
Conflict of Laws in the EEC » (1979) 32 Curr. Legal Problems,
155, p. 168-169.
* 89 Cf. Vincent
HEUZÉ, La réglementation française des contrats
internationaux, Etude critique des méthodes, Paris, GLN Joly, 1990,
nos 453-498, p. 213-227, et nos 546-548, p. 244-245.
* 90 Infra, II.
* 91 Sauf, comme nous
l'avons mentionné, en matière de crédit immobilier,
où tout à coup, c'est le besoin de crédit qui
devient le critère déterminant. À notre avis, il ne s'agit
là que d'un tour de passe-passe maladroit qui vise à concilier la
doctrine de la prestation caractéristique avec le besoin de faire
régir le contrat par la lex rei sitae.
* 92 93 II
préconisait, en effet, l'abandon de la formule des liens les plus
étroits, pour ne plus retenir que le critère de la prestation
caractéristique, ce qui, dans son système, aurait aboutit
à un rattachement passablement rigide (SCHNITZER, Les contrats, p.
576-577). En dernier lieu, cependant, il semblerait qu'il ait assoupli sa
position, puisque le « projet de loi de droit international privé
» qu'il publiait en 1980 comportait une clause d'exception (cf. SCHNITZER,
« Gegenentwurf für ein schweizerisches IPRGesetz », Revue
suisse de jurisprudence 1980, p. 309 et s.
* 93 Il est intéressant
de noter qu'un auteur, par ailleurs favorable au rattachement à l'aide
de la prestation caractdristique, écrit : « it must be admitted
that the description for determining the characteristic performance, i. e.
of the essence and the function of the obligation involved, is turgid. It
conceals the real purpose of the exercise which is the search for one place of
performance in order to concentrate the legal relationship there. » (Kurt
LIPSTEIN, « Characteristic Performance - A New Concept in the Conflict of
Laws in Matters of Contract for the EEC », (1981) 3 Northw. J. Int.
Law & Bus. 402, p. 410).
* 94 JESSURUN D'OLIVEIRA,
loc. cit., p. 311-313.
* 95 Cf. HEUZÉ,
op. cit., nos 451 et s., p. 451 et s.
* 96 LAGARDE, « Le
principe de proximité en droit international privé »,
RCADI, 1986, t. 196, p. 9, à la page 29.
* 97 HEUZÉ, op. cit.,
nos. 507-508, p. 230-231.
* 98 Ibid.,
no 509, p. 231.
* 99 Karl KREUZER, op.
cit., p. 97-98; VISCHER, F., « The Antagonism Between Legal Security
and the Search for Justice in the Field of Contracts », RCADI, 1974,
t. 129, 1, p. 63-64; VON HOFFMANN, « General Report on
Contractual Obligations » in European Private International Law of
Obligation (éd. LANDO/VON HOFFMANN et SIEHR); 1975, 1, p. 9;
LIPSTEIN, toc. cit, p. 410-411; JAFFEY, A. J. E., « The
English Proper Law Doctrine and the EEC Convention », 33 (1984) ICLQ,
531, p. 547-548, avec des tempéraments, toutefois (p. 550-551
et 553-554); LANDO, « The EEC Convention on the Law
Applicable to Contractual Obligations », CML Rev., 1987,159, p.
201-203; Ulrike MERSCHFORMANN, Die objektive Bestimmung der
Vertragsstatuts beim internationalen Warenkauf eine studie zu Artikel 28 EGBGB
unter Berticksichtigung der Haager IPR Abkommen von 1955 and 1986,
Baden-Baden, 1991, p. 108-109 et 128-130; VIRGOS
SORIANO, M., « La ley aplicable a los contratos internationales : la
regla de los vinculos mAs esirechos y la presuncién basada en la
prestacién caracteristica del contrato », dans Estudios
juridicos en homenaje al profesorAurelio Menéndez, t. IV, Madrid,
1995, p. 5289, aux p. 53065307. Comp. Gerhard KEGEL,
Internationales Privatrecht, 6e éd., Munich,
1987, p. 428, selon lequel, conformément à son principe
du moindre dérangement (« Prinzip der geringsten Stbnmg »), le
contrat doit être régi par la loi du contractant qui serait le
plus « fortement concerné » par l'application d'un droit
étranger au contrat, ce qui serait le cas du débiteur de la
prestation caractéristique.
* 100 RETTHMANN, Ch et D.
MARTINY, Internationales Vertragsrecht. Das internationales
Privatrecht der Schuldvertrage, 4e éd., Cologne, 1988, no. 73, p.
96: selon ces auteurs, le critère de l'intensité de la
réglementation ne peut pas être pris en compte pour
résoudre une question de droit international privé, parce qu'il
dépend essentiellement de la teneur des règles matérielles
des différentes lois en présence.
* 101 Cf. GUNST,
op. cit., p. 120-121. 1°3 Ibid., p. 121.
* 102 Ibid., p.
121.
* 103
Ibid., p. 121-122.
* 104 Ce critère a
déjà été invoqué par le tribunal
fédéral suisse, pour confirmer l'opportunité du
rattachement du contrat à la loi du lieu de résidence habituelle
du débiteur de la prestation caractéristique (cf. ATF 78 Il 190,
191(10 juin 1952). Voir aussi : VISCHER, Internationales Vertragsrecht,
Berne, 1962, p. 110; et REITHMANN/MARTINY, op. cit., no. 74, p.
96. Un auteur favorable à ce mode rattachement s'étonne
d'ailleurs que le critère du risque ne soit pas évoqué
plus souvent : « Somewhat incongruously, the Federal Tribunal has
very occasionally paid due regard to the distribution of risk. »
(LIPSTEIN, op. cit., p. 407)(nos italiques).
* 105 « Par
hypothèse », parce qu'il n'existe un certain consensus
.quant à l'identification de la prestation
caractéristique au sein d'un contrat synallagmatique que dans le
cas de contrats ayant pour objet l'échange d'une prestation en nature
contre une prestation pécuniaire, la première étant alors
désignée comme la prestation caractéristique.
* 106 Arrêt
Müller, ATF 78 II 190, 191(10 juin 1952).
* 107 LAGARDE, « Le
principe de proximité en droit international privé », 1986,
t. 196, p. 9, à la page 27.
* 108 Supra, I A) 1
a).
* 109 Dirk GUNST, Die
Charakteristische Leistung, Zur funktionnellen Anknüpfung im
Internationalen Vertragsrecht Deutschlands, der Schweiz und der Europaischen
Gemeinschaft, Konstanz,Hartung-Gorre Vorlag, 1994.
* 110 Vincent HEUZÉ, La
réglementation française des contrats internationaux,
Étude critique des méthodes, Paris, GLN Joly, 1990.
* 111
* 112 GUNST, op.
cit., p. 103-126.
* 113 Ibid, p
136-137.
* 114 Ibid., p.
137.
* 115 « Das Interesse
derjenigen Vertragspartei ist hbher zu bewerten und daher ihr Recht anzuwenden,
deren Belastung durch Transaktionskosten (Rechtsermittlungskosten) lin Falle
der Anwendung fremden Rechts ungleich starker wâre als diejenige der
anderen Partei im Falle der Anwendung des ihr fremden Rechts. »
* 116 « Das Risiko der
Anwendung des ihr fremden Rechts tragt die Vertragspartei, die typischerweise
am zuverlassigsten und leichtesten das mit ihrer Planung verbundene Risiko
anfallender Rechtsermittlungskosten besser zu beherrschen in der Lage ist; es
ist daher grundsatzlich das Recht der anderen Partei anzuwenden.
» (ibid., p. 164).
* 117 Ibid., p.
166.
* 118 Ibid., p.
169.
* 119 « Die
grundsâtzliche Risikoverteilung kann deshalb dahin konkretisiert
werden, daB regelmaJiig diejenige
* 120 Ibid., p
170-173.
* 121 Ibid., p.
176-178.
* 122 Ibid., p.
202-208.
* 123 Cf. HEUZÉ,
op. cit., nos 506-508, p. 229-231.
* 124 Ibid., nos
541, p. 242.
* 125 Ainsi, il donne
l'exemple d'un français qui commande des marchandises auprès
d'une entreprise allemande, laquelle livre ensuite les produits au client en
France. La loi allemande s'applique parce que le client s'est placé sur
le marché allemand.
Il reprend ensuite l'hypothèse précédente
avec une variante : cette fois-ci le contrat est conclu entre le client
français et une succursale française de l'entreprise allemande,
et ici la loi française s'applique parce que l'entreprise allemande
s'est placée sur le marché français.
Dans un troisième scénario, il reprend la
dernière hypothèse, mais en remplaçant le client
français par un client espagnol. Dans ce cas-ci, la loi française
s'applique parce que le client espagnol s'est placé sur le marché
français. (p. 178-180).
* 126 Ibid., p. 181
à 186.
* 127 Ibid., p.
202-208.
* 128 HEUZE, op. cit.,
no 502-504, p. 228-229. 130 Ibid, nos.
507-408, p. 230-231. 131 Ibid, no 506, p. 229 132
Ibid., no 509, p. 231. 133 Ibid., no
541, p. 241-242.
* 129 Ibid.,
nos 507-408, p. 230-231.
* 130 Ibid,
no 506, p. 229.
* 131 Ibid.,
no 509, p. 231.
* 132 Ibid.,
no 541, p. 241-242.
* 133 Ibid.,
no 545, p. 244-245.
* 134 II est
intéressant de noter que Schnitzer évoquait aussi le
critère de la partie qui prend l'initiative du contrat. Pour lui,
toutefois, il s'agissait d'une solution de dernier recours, pour
résoudre le problème de la loi applicable au contrat
d'échange parfait. Du reste, l'auteur n'indique pas clairement à
quelle solution devrait conduire ce critère, quoiqu'on ait l'impression
qu'il préconise l'application de la loi de la partie qui a pris
l'initiative du contrat : « Si l'on veut soumettre le contrat
à une loi unique, il ne reste que de tenir compte du rôle
prépondérant de l'une des parties contractantes, par exemple de
celle qui incite cet échange par annonce dans les journaux
spécialisés. » (SCHNTTZER, Les contrats, p. 603); et «
Hier wird man wohl diejenige Partei als die wichtigere ansehen müssen, die
den Tausch angeregt hat, etwa durch Annoncen in einer Zeitung. »
(Schnitzer, Die Zuordnung der Vertrüge im internationales Vertragsrecht
», 33 (1969) RabelsZ 17, p. 25).
* 135 LAGARDE, préface,
p. VIII, dans HEUZÉ, op. cit.; voir aussi LAGARDE, P., «
The European Covention on the Law Applicable to Contractual Obligations »,
(1982) 22 Virginia J. Int. Law, p. 91, à la note 32, p. 97.
* 136 Cf. WENGLER, W., «
L'évolution moderne du droit international privé et la
prévisibilité du droit applicable », RCDIP, 657;
l'argumentation de M. Wengler a été largement
récupérée dans KASSIS, op. cit.
* 137 En guise de conclusion
à la critique qu'il fait des solutions proposée pour
déterminer la loi applicable au contrat à défaut
de choix de loi, M. Kassis nous vante les vertus ... du choix de loi!
N'est-ce pas un peu « hors sujet »?
* 138 À ce sujet, nous
suggérons au lecteur le fabuleux ouvrage, désormais classique, de
Lynn Thorndyke : A History of Magic and Experimental Science During the
First Thirteen Centuries of our Era, New York, Columbia University Press,
(1923-1958, 1947-1964), 8 volumes. Malgré ce que son titre pourrait
laisser entendre, il couvre en fait une période allant jusqu'au
17° siècle inclusivement. On en trouve sans doute une
copie à Paris, à l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes
(IRHT).
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