2 - Les gérants de cybercafés, des
célibataires au niveau d'éducation élevé
Le nombre de gérants de cybercafés
interrogés lors des enquêtes est de deux (2). Ils sont tous de
sexe féminin et présentent des caractéristiques
différentes sauf pour ce qui est de leur état matrimonial et de
leur niveau d'instruction, qui retiennent du coup l'attention.
Les gérantes des cybercafés sont en effet
d'ethnies Wolof et Pulaar. Elles sont âgées de 21 et 31 ans et
sont toutes les deux célibataires. Elles sont également d'un
niveau d'éducation supérieur. La plus jeune perçoit moins
de 40 000 francs CFA par mois et la plus âgée entre 40 000 et 80
000 francs mensuellement, du seul fait de la gérance de ces
infrastructures de communication.
Conclusion
Télécentres et cybercafés constituent
aujourd'hui des éléments incontournables dans la grille de
lecture du paysage de Ouagou Niayes et de tout l'espace urbain de Dakar. Leur
omniprésence dans ce quartier est un fait avéré même
si beaucoup d'écarts subsistent encore dans leur déploiement
spatial, les télécentres étant de loin plus
présents que les cybercafés. Ils permettent à un nombre
plus ou moins considérable de personnes d'avoir une activité
rémunératrice et de gagner ainsi leur vie. Cependant, il faut
remarquer qu'au niveau de Ouagou
Niayes, les cybercafés génèrent plus de
profits à leurs acteurs que les télécentres. Des
différences de « revenus » existent également entre les
propriétaires et gérants, les premiers étant plus
avantagés que les seconds aussi bien avec les télécentres
qu'avec les cybercafés. Il faut aussi relever que les
télécentres et cybercafés ne profitent pas uniquement aux
acteurs sus cités. Ils constituent en effet d'importants outils de
communication mis à la disposition des populations qui s'en approprient
pour différents usages.
Encadré Extraits des entretiens avec
le Président de l'UNETTS / août 2004.
Aujourd'hui, au Sénégal, grâce à la
Sonatel, nous sommes parvenus à accroître la production dans le
domaine des télécoms de manière très positive,
contrairement à beaucoup de pays africains. En Afrique, c'est seulement
le Sénégal, l'Afrique du sud et un peu le Maghreb qui constituent
les grands fléaux qui ont vraiment bien travaillé dans le domaine
des télécoms. Le résultat est qu'au niveau des
populations, l'accessibilité et la densité sont très
acceptables même par rapport à certains pays européens. Le
secteur des télécentres par exemple emploie plus de 30 000
personnes, donne à la Sonatel plus de 50 milliards de chiffre d'affaires
par année et à l'Etat plus de 7,5 milliards annuellement. Il
gère aussi un parc de plus de 17 000 lignes de téléphone.
Ce qui constitue un poids économique extrêmement important.
Cependant, il reste beaucoup à faire car même au lendemain de la
libéralisation du secteur, l'Etat n'a pas encore mis sur pied une lettre
de politique sectorielle définissant cette nouvelle procédure de
fonctionnement du secteur. Jusqu'à présent il y a le
monopôle de la Sonatel et même si cette société a
bien travaillé par rapport au cahier des charges qu'elle a signé
avec l'Etat, elle n'a pas encore réalisé la connexion de 1000
villages sur 14 000. Donc, globalement, le secteur des télécoms
se porte bien, les prix sont compétitifs mais techniquement, il reste
beaucoup à faire pour l'accroissement de la densité.
Aujourd'hui, le Sénégal pouvait bien
dépasser ce stade là en matière de télécoms.
Mais il y a beaucoup d'obstacles. Au niveau de l'Etat, par exemple, il y a
absence de réglementation et de politique définie de
manière sectorielle à travers une libéralisation des
télécoms. Il y a l'ART mais elle a des manquements juridiques. Or
pour un pays qui coordonne la commission NTIC au NEPAD et qui doit donner
l'exemple à ses pairs, c'est extrêmement grave. Toutefois, avec la
récente nomination d'un ministre chargé des postes et
télécommunications, un vide vient d'être comblé.
Beaucoup de cybercafés sont des survivants au
Sénégal. D'abord à Dakar, les prix tournent autour de 300
francs CFA pour une heure de navigation même si pour quelques mois
après, le magasin ferme. Mais dans les régions de
l'intérieur, à Tamba par exemple, l'heure de navigation est
passée à 2 000 francs. Le ministre des télécoms dit
l'avoir constaté lui-même. C'est également le même
processus qui se passe à Foundiougne dans la région de Fatick.
Imaginez des gens qui payent 2000 francs pour naviguer sur Internet pendant une
heure ! Est-ce que dans ces conditions on peut dire que les populations ont
accès aux NTIC et qu'on est entrain de réduire la fracture
numérique? Est-ce que dans ces conditions on est entrain d'aider les
populations dans les quartiers à l'accès à l'Internet,
c'est-à-dire au développement de manière
générale dans la Société de l'Information ? Ce
n'est pas possible !
Les télécentres constituent un secteur
extrêmement important dans le domaine des télécoms au
Sénégal. Sans les télécentres, les populations
allaient avoir des problèmes dans leurs communications internes et avec
l'international. Auparavant, les gens passaient dans les bureaux demander des
coups de fil. A la fin du mois, on constatait que le budget
téléphonique de l'Etat augmentait parce que quelqu'un pourvoyait
à un parent, un ami venu lui demander à téléphoner.
Aussi, quand il y avait accident dans un quartier, les gens avaient des
problèmes pour appeler les sapeurs pompiers. Maintenant, il suffit tout
juste de faire quelques pas et de pénétrer dans un
télécentre pour appeler les secours face à un accident, un
incendie, etc. Le ministre de l'intérieur dit lui-même avoir
constaté, avec les télécentres, une nette
amélioration de son travail. Dans beaucoup de secteurs où il y
avait des problèmes, les télécentres ont amené des
solutions.
Ce sont donc les télécentres qui devraient
régler le problème de l'accessibilité des populations aux
télécoms surtout en matière d'Internet, mais ce n'est pas
le cas. Pourtant il y a une effervescence des gérants de
télécentres qui veulent tout de suite passer du
télécentre au cybercafé. Le principal blocage dans le
secteur constitue justement l'absence de réglementation au niveau des
prix. Le gérant ouvre son télécentre, le transforme en
cybercafé en y mettant un dispositif d'investissements très chers
: ordinateurs, fax, etc. Il est face à une population affamée
d'accessibilité aux TIC mais dans 3 ou 4 mois, il sera obligé de
fermer son magasin parce que les prix pratiqués sur le terrain ne lui
permettent pas de continuer à fonctionner. C'est pourquoi, le
Sénégal est très en retard dans le passage du
télécentre au téléservice. L'ART et le
ministère en charge des télécoms devraient étudier
cela et surtout faire des propositions dans ce domaine.
Juridiquement, on ne peut pas poser le problème de la
proximité des télécentres. La Sonatel a eu l'intelligence
de ne pas le faire figurer dans le contrat qu'elle a signé avec les
gérants, refusant ainsi, en tant qu'opérateur, de constater le
désordre infernal qu'il y a dans les agréments des
télécentres. C'est quand le phénomène a pris de
l'ampleur, que la Sonatel a essayé de le freiner notamment en suspendant
les agréments. Ce sont des milliards que la Sonatel a refusé de
prendre pour justement essayer d'assainir le secteur. Malheureusement,
c'était pour quelques temps seulement. On a constaté que ce
n'était pas uniquement à l'opérateur de décider, il
fallait aussi le soutien de l'Etat. Aujourd'hui, le désordre s'amplifie,
les télécentres GSM polluent le marché n'importe comment
avec des appareils non agréés par l'ART. Tout ce qui fait
commerce dans le secteur des télécoms doit être
agréé par l'ART or ces appareils ne le sont pas. Mieux encore,
ces gens n'ont pas de registre de commerce alors qu'il faut en avoir pour faire
ce genre de travail. Le désordre est donc patent, il est même
entrain d`être institutionnalisé. Et nous allons nous battre
contre cela, c'est clair !
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