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Approche géographique de l'appropriation des NTIC par les populations : l'exemple des télécentres et cybercafés dans le quartier Ouagou Niayes à  Dakar

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par Ibrahima Sylla
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2004
  

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INTRODUCTION GENERALE

Les NTIC sont généralement définies comme l'ensemble des satellites, des câbles, des réseaux on-line, des applications télématiques qui permettent le stockage, le traitement et la gestion des données tout en facilitant la circulation des idées et le contact entre les hommes. Elles constituent selon Castells(4) un ensemble convergent des technologies de la micro-électronique, de l'informatique (machines et logiciels), des télécommunications /diffusion et de l'optoélectronique.

C'est en raison de cette interaction de l'électronique et de l'informatique que les applications des NTIC répondent aux besoins des entreprises, de l'Etat, des ménages et des individus. (5)

CONTEXTE ET JUSTIFICATION DU CHOIX DE OUAGOU NIAYES

Au Sénégal, l'introduction des moyens de communication modernes date des années 1850 avec notamment la construction de la première ligne télégraphique reliant la capitale d'alors (Saint Louis) à Gandiole, un important carrefour commercial situé à une quinzaine de km au sud.

Leur expansion a été très rapide comparée à beaucoup de pays africains. Cela s'explique par le rôle et la place du Sénégal dans le dispositif de l'administration coloniale d'une part et par une importante politique qui a eu le mérite de jeter les bases de l'épanouissement des télécommunications dans le pays d'autre part. En effet, en tant que capitale de l'AOF, le Sénégal bénéficiait des installations de télécommunication que le pouvoir colonial mettait en place pour les besoins de contrôle et de gestion de ses territoires. Après l'indépendance du pays, l'Etat hérite des réalisations coloniales en matière de télécommunications. Soucieux de préserver les acquis, il consacre une part importante de ses investissements à la réalisation d'infrastructures de télécommunications. L'Etat procéda aussi à deux grandes réformes : celle de 1983 et celle de 1996 destinées de manière générale à assainir le secteur des télécoms et à faciliter l'accès des outils de communication et principalement le téléphone au plus grand nombre.

La réforme de 1983 avait ainsi pour objectif de renforcer et de moderniser le réseau national des télécommunications. Elle a surtout permis l'éclatement de l'OPT en deux entités distinctes (l'OPCE et la Sonatel) et l'élaboration d'un plan d'urgence destiné à combler le retard du Sénégal en matière de télécommunications.

(4) Castells, 2001, La société en réseau. L'ère de l'information, Paris, Fayard, p.54

(5) Daffé et Dansokho, 2002, p. 45

La réforme de 1996 est marquée par le vote de la loi 96-03 portant Code des télécommunications et la déclaration de politique de développement des télécommunications (1996-2000). Elle a consisté à libéraliser le secteur des télécommunications notamment en ouvrant le capital de la Sonatel au privé et en en confiant la gestion à un partenaire stratégique de renommée internationale (France -Télécom).(6)

.Aujourd'hui, malgré l'existence de l'ART (créée par la loi n°2001-15 du 27 décembre 2001 portant code des télécommunications et chargée d'asseoir le cadre législatif et réglementaire des télécommunications, de veiller à l'exercice d'une concurrence saine et loyale et d'arbitrer les litiges entre les différents acteurs de la téléphonie et des services Internet) et de l'UNETTS (mise sur pied en 2000 par les exploitants de télécentres et téléservices pour défendre leurs intérêts, développer les NTIC dans le pays et appuyer le processus de réglementation du secteur), le paysage des télécommunications au Sénégal est marqué par le monopole de la Sonatel. Opérateur historique, la Sonatel (devenue à partir de 1997 une société privée dont la majorité des actions (42,33%) est détenue par France Télécom) a été créée en octobre 1985 avec pour objectifs de promouvoir le développement des télécommunications en facilitant l'accès et l'usage du téléphone à la population et de créer des richesses.

C'est du reste pour répondre au besoin de faciliter l'accès du téléphone au plus grand nombre que la Sonatel autorisa en 1992 l'ouverture des premiers télécentres dans le pays.

En 1996 la Sonatel permettait aussi au pays de se connecter à l'Internet (dont les points d'accès sont appelés cybercafés) notamment grâce à un accord qu'elle a signé avec MCI (7), une société américaine de télécommunications [ ...] qui fournit une gamme de services de téléphonie, de transmission de données et de lignes privées. (8)

Les télécentres et cybercafés constituent actuellement d'importantes activités de services qui, non seulement rendent effective la communication entre les populations, mais aussi permettent à celles-ci d'avoir de l'emploi et de se créer des richesses. C'est justement ce qui légitime l'engouement populaire pour ces genres d'activités. C'est aussi ce qui explique que ces infrastructures de télécommunication se retrouvent aujourd'hui dans pratiquement tout le territoire national. Ouagou Niayes, petite cité péri-centrale de la ville de Dakar, scindée en trois secteurs ou unités de formes irrégulières et de tailles variées (0.N.1, 0.N.2 et 0.N.3), n'est point épargné par ce phénomène massif.

(6) Daffé et Dansokho, 2002, p. 58

(7) Anais Lafitte, 2001, p. 1.

(8) http://www.geneve.ch/

Le choix de ce quartier est motivé par des considérations d'ordre purement pratique. En terme de concentration des installations des nouvelles technologies, les densités les plus importantes sont enregistrées au sein des quartiers riches, surtout pour ce qui est des cybercafés. La raison en est que c'est généralement dans ces lieux que sont tassés les milieux fortunés, les milieux universitaires(9) et les centres d'affaire. Or, sous ce rapport, la capitale sénégalaise, qui est la mieux servie, nous paraît plus indiquée pour accueillir cette étude.

A l'intérieur de Dakar également plusieurs zones pourraient nous servir de cadre d'investigation. La recherche pourrait, par exemple, porter sur un espace habité par des populations de situation sociale aisée ou, à l'opposé, dans un milieu aux populations démunies. Mais dans le premier comme dans le second cas, il pourrait se poser un problème de pertinence, les unes n'éprouvant aucune difficulté d'accès (surtout d'ordre financier) aux nouvelles technologies ; les autres n'étant pas intéressées par les innovations technologiques parce que tout simplement devant faire face à des préoccupations autrement plus accablantes.

Par ailleurs, l'appropriation des NTIC étant en général subordonnée à des facteurs tels que le niveau des revenus, le degré d'instruction, l'accessibilité physique de l'infrastructure... qui en font des objets de luxe réservés à une portion réduite de la population, nous avons voulu éluder les questions relatives à la sur-utilisation et la non-utilisation. Le choix de Ouagou Niayes, qui est un quartier d'un niveau socio-économique moyen, abritant diverses classes sociales dont une large proportion de cadres supérieurs, a donc paru opportun. En plus, c'est un espace où les NTIC trouvent une forte expression. Nous y avons, en effet, dénombré 44 télécentres bien implantés et 10 fermés plus 4 cybercafés fonctionnels et 2 fermés(10), soit près de la moitié du nombre total de cybercafés du centre-ville de Dakar, dans le quartier du Plateau, en 2001 : 13 cybercafés selon Anais Laffite (2001, p.1).

Enfin, notre connaissance du quartier ainsi que les relations que nous y avons tissées avec des personnes ressources, comme le Président de l'Union Nationale des Exploitants de Télécentres et Téléservices du Sénégal et quelques membres de cette association pouvant faciliter notre démarche, ont beaucoup influé sur notre choix du site d'étude.

(9) D'après Sambou (2001, p. 40), 30% des usagers de l'Internet ont au moins un diplôme universitaire.

(10) Les télécentres et cybercafés fermés n'ont pas concerné cette étude.

PROBLEMATIQUE

La communication(11) joue un rôle primordial dans la vie en société. Elle permet non seulement la mise en relation des membres d'une même communauté, mais favorise également le contact entre plusieurs groupes. Elle mobilise, pour être effective, tout un ensemble de voies (mers, routes, canaux, etc.) et de moyens (navires, véhicules, avions, etc.) qui permettent la mise en contact et la jonction des populations. Cette forme de communication est dite matérielle. Elle a pendant longtemps pris le dessus sur la communication immatérielle ou télécommunications. En effet, cette dernière forme de communication trouve son expression la plus récente et la plus éloquente dans le «rapprochement spatial » visant à abolir les distances et à relier les quatre coins du monde par le biais des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). On parle ainsi de «village planétaire ».

L'appropriation des NTIC par les populations est une démarche d'intégration d'une grande complexité par laquelle ces populations parviennent à faire leurs ces nouveaux outils et à les adapter à leurs besoins. Elle vise une bonne communication (en réduisant fortement les contraintes matérielles de celle-ci), sans pour autant négliger la recherche de l'information. En effet, l'administration publique, le secteur privé, les entreprises ainsi que les branches dont les activités sont tournées vers l'extérieur comme les institutions financières et les transports ont besoin d'accéder à l'information utile soit pour promouvoir la bonne gouvernance, soit pour permettre une grande flexibilité dans l'organisation du travail ou enfin pour permettre une meilleure visibilité et la compétitivité de leurs produits.

Par ailleurs, les populations démunies ont également besoin d'un accès à moindre coût aux informations qui leur sont vitales à savoir les prix de vente des biens qu'elles produisent, leurs droits civiques, l'accès aux soins de santé, l'éducation, la formation et les qualifications susceptibles d'améliorer leur sort. Les NTIC peuvent leur faciliter cet accès.

L'étude de l'appropriation permet donc de saisir la multiplicité des usages et des usagers. Elle fait clairement apparaître la construction sociale de l'usage, notamment à travers les significations qu'il revêt pour l'utilisateur. Ainsi, la question du statut de l'objet revient à appréhender ce qu'il représente pour son ou ses utilisateurs, la façon dont il s'inscrit dans un

(11) « , a

L communication désigne toutes actions d'échanges de données, d'informations, d'idées, de voies ou de

connaissances », Ramata Thioune, Khamathe Sène, 2001, p 15.

environnement spécifique et parmi d'importantes pratiques préexistantes, et cela, dans le contexte de la vie quotidienne qui demeure inséparable des tendances sociales de fond participant à la construction des modes de vie.

Partout dans le monde, les NTIC sont en pleine expansion et leur appropriation par les populations s'est toujours révélée d'un grand bénéfice pour celles-ci. Le Sénégal n'est guère épargné par ce phénomène. Dans notre pays, la littérature bien savante et plus ou moins abondante sur les NTIC fait également apparaître un consensus quant au fait que ces technologies, utilisées de façon judicieuse, peuvent aider à sortir des difficultés économiques et sociales, en soutenant par exemple la création de richesses. C'est sans doute pour cette raison que les NTIC ont fait l'objet de progrès rapides qui contrastent farouchement avec l'évolution très lente du pouvoir d'achat du sénégalais et avec l'inertie des habitudes de consommation des usagers d'une part, et d'une appropriation effective par presque tous les segments de la population d'autre part.

Les NTIC sont considérées comme un outil de développement parce qu'elles jouent un rôle essentiel dans l'amélioration de la productivité, de la croissance et de la compétitivité. A titre d'exemple, le secteur des télécommunications contribue pour 6% au produit intérieur brut (PIB) et pour plus de 4 % à la création d'emplois tant dans le secteur formel que dans le secteur informel.(12) En outre, la contribution des télécommunications dans le secteur tertiaire avoisine les 10%, ce qui en fait le secteur le plus dynamique du tertiaire. Les investissements dans le secteur sont estimés à plus de 300 milliards de FCFA et la création d'emplois supérieure à 18.000 emplois durant la période allant de 1998 à 2002. (13)

Elles peuvent aussi être de puissants leviers pour rehausser la qualité mais également l'efficacité des services publics dont l'éducation et la santé.

Toutes ces opportunités semblent possibles grâce au constat selon lequel, outre de réduire les distances, les NTIC minimisent considérablement les contraintes physiques (surtout dans les zones où la topographie entrave la communication) et rendent les informations accessibles.

Par ailleurs, si la question des usages est essentielle dans l'étude des NTIC, celle de l'information l'est tout autant pour démêler la complexe logique des applications. L'information consiste en un (des) message(s) susceptible(s) de permettre des actions ; elle fait donc l'objet de

(12) Batik n° 60, juillet 2004.

(13) http://www.art-telecom-senegal.org/

puissants enjeux stratégiques et devient instrument de pouvoir(14). Elle constitue un puissant facteur de transformation des sociétés humaines. Sa maîtrise est de fait essentielle.

La diffusion de l'information, c'est-à-dire le processus d'expansion du message dans le temps et dans l'espace, pour être opérationnelle, obéit à une série de facteurs tels que l'effet de voisinage, la bonne accessibilité, les codes communs, les réseaux de diffusion, le temps de la propagation. Or, les exemples attestant le bouleversement par les NTIC de beaucoup de ces facteurs qui jusque-là étaient incontournables, peuvent être multipliés à souhait. Cette situation exacerbe les difficultés à saisir les effets territoriaux (échelles) de la communication immatérielle.

Les géographes ne peuvent donc pas rester indifférents à ce débat. En effet, le traitement des rapports que la communication entretient avec les espaces socio-géographiques interpelle la discipline géographique dans ses fondements. Ainsi, grâce à des études de cas, la géographie de l'information et de la communication intervient en devenant un véritable champ d'analyse des contrôles sur les moyens de communication, sur la création de l'information, sur les enjeux et les représentations qui en découlent.(15)

ce Définition conceptuelle

Il est important, afin de jeter les bases de l'étude, de procéder à la définition des quelques concepts autour desquels l'étude sera structurée : le télécentre, le cybercafé, l'Internet

Le télécentre est un lieu où sont mis à la disposition du public divers services de télécommunications dont le principal est le téléphone. Selon la taille du télécentre mais surtout les moyens financiers dont dispose son promoteur qui peut une personne physique, morale ou une association, l'utilisateur peut y trouver, en dehors du téléphone, le fax, le photocopieur, un ou des ordinateurs reliés ou non à Internet (pour la connexion ou le traitement de texte). L'ouverture d'un télécentre est cautionnée par la Sonatel qui en donne l'autorisation à ceux désireux d'exploiter une ou plusieurs lignes téléphoniques.

Quant au cybercafé, il constitue le point d'accès public à Internet. Le cybercafé est un nom composé de « cyber » et de « café ». Il s'agit d'un endroit où en plus de la connexion à Internet, le client peut s'attendre à un service d'une tasse de café moyennant une petite somme d'argent. Mais il faut reconnaître que le concept de cybercafé ne colle guère à la réalité du terrain. Rares sont, effet, les « cybers » qui servent du « café » à leur clientèle. C'est ce qui explique du reste l'apparition des vocables comme « cybercentre », « télécentre communautaire» et

« cyberespace ». De tous ces vocables, « cyberespace » est sans contredit le mieux chargé géographiquement parlant. Mot inventé par William Gibson dans son roman de science-fiction (Le Neuromancien), cyberespace est un espace virtuel où l'on se trouve une fois connecté à Internet.(16) C'est une catégorie concurrente de l'espace qui ne traduit pas forcément la rencontre de deux objets souvent en conflit dans leurs relations : les techniques de communication à distance et l'espace. Selon Eveno(17), le cyberespace n'est pas précisément un espace. Il se caractérise plutôt, à la fois dans sa référence romanesque et dans son déploiement et ses représentations contemporaines, comme un système de relations qui, pour être concevable, a été revêtu de certaines des qualités et des certains des attributs que l'on reconnaît à l'espace : on peut y voyager, aisément s'y perdre, faire des rencontres(...) Ce qui donne du crédit à tous ces actes tient au fait que les faire désormais dans le cyberespace n'est pas sans conséquence dans l'espace lui- même et dans la pratique de l'espace que peuvent avoir les « usagers » du cyberespace.

A la différence des télécentres, il n'est besoin d'autorisation ou agrément pour ouvrir un cybercafé. Il faut uniquement, à toute personne physique ou morale, disposer d'un local et d'un équipement de base à savoir des ordinateurs, une ligne téléphonique, un modem et un abonnement chez un fournisseur d'accès. Le modem est un « modulateur-démodulateur » qui permet de relier les ordinateurs au réseau téléphonique. Il existe sous forme de boîtier externe ou de carte électronique à insérer dans l'ordinateur. L'abonnement chez un fournisseur d'accès (18) permet d'interconnecter le réseau téléphonique à Internet.

L'Internet ou le Net (réseau en anglais) est un acronyme pour Intercommunication Network. Internet est un signal perceptible à travers n'importe quelle prise téléphonique. C'est pourquoi avec une ligne de télécentre ou une ligne à domicile, il est possible de se connecter à Internet.

C'est grâce à un mélange unique de stratégie militaire, de vaste coopération scientifique, d'initiatives technologiques et d'innovations contre-culturelles qu'Internet a pu être créé et développé au cours des trente dernières années du XXe siècle. A son origine, on trouve les travaux

(16) http://www.bonweb.com

(17) Emmanuel Eveno, 2004, «Le paradigme territorial de la société de l'information », Netcom vol. 18, n°1-2, p. 90

(18) Il permet aux particuliers qui ont un ordinateur de se connecter à Internet. Il y a aujourd'hui plus d'une trentaine de fournisseurs d'accès répartis en quatre catégories : les fournisseurs du secteur privé, les structures de recherche et d'enseignement, l'administration, les ONG. Ils fournissent l'accès au grand public à des tarifs variés. (Voir annexes)

de l'un des organismes les plus innovateurs du monde : l'Agence pour les projets de recherche avancée du département américain de la Défense (l'ARPA). (19)

Internet est né d'une question complexe : comment fédérer tous les ordinateurs du monde et tous les réseaux de télécommunications ? Et d'une réponse à la fois simple et géniale : en leur faisant parler une langue commune (il s'agit de l'IP : Internet Protocole), dans laquelle les messages seraient découpés en paquets d'informations, chaque paquet pouvant trouver des routes indépendantes pour aller d'un point à un autre, empruntant un réseau de multiples réseaux, un système sans cerveau ni centre nerveux identifiable (20).

L'Internet est donc un réseau fédérateur de réseaux. C'est à la fois une infrastructure de communication, un ensemble de services, un système interactif, un réseau d'échanges de données et l'information à l'échelle planétaire auquel font recours des millions d'individus conscients de ses innombrables ressources. Internet est en somme multiple et offre autant de possibilités qu'il y a d'individus différents sur la planète.

ce Objectifs de l'étude

Il est question, dans cette étude, de comprendre les logiques de l'appropriation des NTIC par les populations de Ouagou Niayes et de saisir les comportements de celles-ci vis-à-vis de ces nouveaux outils de communication. Les activités de service tels que les télécentres et les cybercafés nous serviront d'exemples.

Le principal objectif poursuivi est de définir, à travers l'étude de l'appropriation, les processus d'insertion des NTIC dans l'espace du quartier ainsi que leurs impacts sur les activités économiques et la vie sociale des populations.

Pour ce qui est des objectifs spécifiques, il s'agit surtout :

- d'identifier les différents acteurs des NTIC dans le quartier Ouagou Niayes (les utilisateurs, les propriétaires et les gérants de télécentres et cybercafés) et ce qui fonde leur particularité ;

- d'analyser les usages qu'ils font de ces technologies ;

- d'identifier les budgets qu'ils consacrent potentiellement à l'utilisation de ces outils de communication sociale et commerciale;

(19) Manuels Castells, 2001, La Société en réseaux. L'ère de l'information, Paris, Fayard, p. 73.

(20) Dominique Hoeltgen, 1995, Internet pour Tous, Paris, Les Editions du Téléphone, p. 22.

- de savoir si les familles d'origine des usagers constituent un ensemble homogène

présentant les mêmes caractéristiques susceptibles de constituer de facteurs d'exclusion ;

- d'analyser les obstacles qui se posent à l'accès et l'utilisation de ces instruments de communication ;

- d'appréhender les conséquences de l'appropriation de ces technologies par les populations.

Voici donc autant de pistes de réflexion qu'il convient d'explorer, car beaucoup d'enjeux sous-tendent le questionnement. En plus, même si beaucoup considèrent l'apparition et le développement des NTIC dans notre pays comme un phénomène intrinsèquement positif, il n'en demeure pas moins que celles-ci peuvent, selon des cas variables, être des sources de marginalisation ou d'exclusion. En outre, plusieurs considérations, à la fois économiques, politiques, géographiques, et socio-religieuses semblent motiver les applications des NTIC et la spatialité de celles-ci. L'exploration de toutes ces pistes permettra éventuellement d'appréhender le rôle des ces nouvelles technologies dans la vie de relation des groupes sociaux.

ce Les hypothèses de base

Cette étude s'est organisée autour de deux hypothèses. Ces hypothèses sont les suivantes :

· si les populations se sont appropriées à outrance les NTIC, c'est plus pour pallier le déficit et les difficultés de la communication matérielle que pour rechercher des informations.

· à cause des coûts élevés des infrastructures des nouvelles technologies, l'appropriation de ces outils de communication n'est effective qu'après satisfaction des besoins essentiels tels que la subsistance, la santé, le logement, entre autres.

APPROCHE METHODOLOGIQUE

La méthodologie suivie est basée sur trois grandes étapes qui sont : - la recherche documentaire ;

- le travail de terrain ;

- le traitement et l'analyse des données.

1 - La recherche documentaire

Elle a constitué la première étape de notre démarche. La recherche documentaire avait pour objectif de collecter le plus d'informations possibles sur la géographie de l'information de l'information et de la communication de manière générale et sur les télécentres et les cybercafés de manière particulière.

Nous avons d'abord visité divers centres de documentation dont la bibliothèque du département de Géographie et la bibliothèque centrale de l'Université Cheikh Anta DIOP où nous nous sommes intéressés à tous les documents (ouvrages généraux, ouvrages spéciaux, revues, articles de journaux, mémoires de maîtrise, etc.) traitant des thèmes sus cités.

Nous avons ensuite pris contact avec de nombreux services et organismes impliqués dans la recherche sur les NTIC et s'intéressant surtout à la question des applications de ces technologies. Il s'agit de la Société Nationale de Télécommunications ; de l'Agence pour la Régulation des Télécommunications (ART) ; de l'Observatoire sur les Systèmes d'Information, les Réseaux et les Inforoutes du Sénégal (OSIRIS) ; de l'Union Nationale des Exploitants de Télécentres et Téléservices du Sénégal (UNETTS) ; du Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) ; de la Direction de la Prévision et de la Statistique (DPS), etc.

En examinant la documentation disponible, nous avons constaté qu'un travail considérable a été consacré à la problématique des usages des nouvelles technologies.

Les résultats des multiples recherches montrent pour l'essentiel le rôle des NTIC dans la gestion des affaires de l'Etat, des entreprises (Abdoulaye Ndiaye, 2002 ; Barry, 2002); dans l'enseignement supérieur et le système éducatif sénégalais (Seck,2002 ; Abdourahmane Ndiaye,2002) ; leur diffusion ainsi que leurs rapports avec les politiques poursuivies dans notre

pays.

Les recherches de Sagna (2000) ont servi de base de travail à presque toutes les investigations afférentes aux nouvelles technologies. Son étude retrace l'évolution des NTIC dans notre pays, depuis leur apparition jusqu'à leur stade d'alors, en passant par l'environnement

institutionnel qui a sous-tendu leur épanouissement. Elle présente également les vastes domaines non encore investis en matière des NTIC et qui mériteraient de l'être.

D'autres recherches ont mis l'accent sur l'emploi de ces technologies dans les échéances électorales ainsi que sur leur apport dans le processus démocratique au Sénégal (Paye, 2002).La place de ces outils de communication dans la création des conditions de la bonne gouvernance à travers, par exemple, un appui aux tâches qui exigent la prise, la communication et la mise en oeuvre des décisions complexes, a également fait l'objet d'investigation (Lal Bahvya, Gaumer Gary, Manhica Salamao, 1999).

Cependant, la faible implication des géographes dans ce champ de recherche est un fait notoire. Rares sont, en effet, les études qui intègrent la dimension spatiale des NTIC.

Nous pouvons néanmoins relever les recherches de quelques géographes. Cheikh Guèye, (2002) s'est intéressé à Touba et à la communauté mouride pour tenter de comprendre comment celle-ci s'est appropriée ces technologies et comment elle est parvenue à en faire des instruments de conquête de nouveaux espaces. Tall (2001) s'est investi dans les problématiques relatives à l'utilisation des NTIC par les émigrés sénégalais pour montrer la manière par laquelle ces outils de communication influent sur les formes de relation que les Sénégalais résidant à l'étranger entretiennent avec leurs familles restées au pays. Thiaw (1995) également, dans le cadre de son mémoire de maîtrise, retrace l'histoire des télécommunications au Sénégal, depuis les communications par ondes décamétriques jusqu'à l'utilisation du satellite, en passant par les faisceaux hertziens et les câbles sous-marins.

Mais notre objet d'étude proprement dit -- les télécentres et cybercafés -- a fait l'objet de peu de recherche. Ce sont d'ailleurs pour la plupart des études portant sur l'apparition, l'évolution, les enjeux et les contraintes qui se posent au développement de ces activités de service (Barbier, 1995 ; Zongo, 2000 ; Sambou, 2001). Anais Laffite (2001) s'est aussi investie dans ce domaine. Mais son document est plutôt de caractère méthodologique et a beaucoup éclairé notre démarche sur le terrain.

D'une manière générale, l'envergure ainsi que les objectifs visés par les divers travaux sur les NTIC sont très différents. Notre étude se veut donc novatrice car s'inscrivant dans une étroite logique de continuité des recherches sur les NTIC, dans un cadre urbain plus limité n'ayant jamais fait l'objet d'investigation et qui est susceptible de fournir des aspects jusque là insoupçonnés de la question.

2 - Le travail de terrain

Il a constitué la seconde étape de notre démarche et s'est fait en trois phases essentielles : la confection de questionnaires, l'échantillonnage et les enquêtes. Ces phases ont été précédées d'un dénombrement exhaustif de toutes les infrastructures des nouvelles technologies entrant dans le champ de notre travail d'études et de recherches. Nous avons procédé par observation et en demandant leur emplacement dans le quartier pour pouvoir les consigner sur une carte de la localité.

q La confection de questionnaires

Nous avons confectionné quatre types de questionnaires (voir les annexes) pour interroger les chefs de ménage ; les usagers des télécentres et des cybercafés dans les ménages ; les propriétaires et gérants des télécentres ; les propriétaires et gérants des cybercafés. Les questionnaires ont été conçus sur la base des objectifs du travail et des hypothèses de recherche formulées.

Avant de commencer les enquêtes, un échantillon de 15 questionnaires a été testé aux HLM 5, ce qui a permis de reformuler les questions ambiguës qui se prêtaient à la confusion ou à l'interprétation ainsi que les questions difficiles à répondre.

q L'échantillonnage

Les enquêtes ne pouvant porter sur l'ensemble des ménages que compte Ouagou Niayes, nous avons procédé à un sondage avec l'observation d'une partie représentative des ménages devant faire l'objet de l'enquête.

L'échantillonnage a été réalisé sur la base de quelques données obtenues à la DPS. Il s'agit en fait d'estimations effectuées à partir des 10 DR que comptait Ouagou Niayes lors du dernier recensement général de la population et de l'habitat en décembre 2002.

Elles font état de 10 555 habitants dont 50,5 % d'hommes et 49,5 % de femmes ; de 914 concessions et de 1 650 ménages.

Dans cette étude, la concession désigne un ensemble de constructions d'habitations entourées ou non d'une clôture et désignées ou non par un numéro. Les conditions d'unité sont réalisées par l'existence d'un chef qui exerce son autorité sur la concession. En d'autres termes, il

s'agit de ce que l'on appelle communément «maison » ou «villa ». Une concession peut abriter un nombre variable de ménages.

Nous appelons ménage, un ensemble de personnes unies par des liens de parenté, vivant ou non dans la même concession mais partageant les mêmes repas sous l'autorité d'un chef de ménage.

Nous considérons, enfin, comme chef de ménage celui ou celle qui exerce son autorité et répond pour l'essentiel aux besoins de l'ensemble des membres du ménage.

Les unités d'enquête sont constituées par les ménages. L'échantillon a été tiré au 1/20e de leur effectif global, ce qui nous a donné un nombre de 83 ménages que nous avons ramené à 100. Ces 100 ménages ont été ensuite répartis de façon proportionnelle au total de ménages que renferme chacun des secteurs qui composent le quartier : O.N. 1, O.N. 2 et O.N. 3.

Pour ce qui est des concessions, leur nombre a été prélevé au 1/10e de leur effectif total. Nous avons ainsi obtenu 91 concessions réparties également de la même manière dans les trois unités du quartier. La méthode utilisée pour y parvenir est la règle de 3.

A titre d'exemple, O.N. I renferme 368 concessions sur un effectif total de 914, soit donc 40 % et 681 ménages pour un nombre global de 1650 ménages, soit 41 %. Les effectifs de concessions et de ménages à prendre étant respectivement de 91 et 100, nous avons appliqué la règle de 3 pour obtenir la part de O.N. 1 dans l'échantillon, comme suit :

368 x 91

ce = 37 concessions.

914

681 x 100

r2=, = 41 ménages. 1 650

Ainsi, à O.N. 1, l'enquête a porté sur 41 ménages dans 37 concessions, soit en moyenne 1 à 2 ménages par concession. Le même procédé a été appliqué pour les deux autres secteurs, ce qui a permis de monter le tableau suivant.

Tableau n ° 1 : échantillonnage (ménages et concessions)

Secteurs
du

quartier

Nbre de
ménages

%

Nbre de
concession
s

%

Ménages
dans
l'échantillon

Concessions
dans
l'échantillon

O.N. 1

681

41

368

40

41

37

O.N. 2

559

34

344

38

34

34

O.N. 3

410

25

202

22

25

20

TOTAL

1 650

100

914

100

100

91

En définitive, la répartition des ménages et des concessions dans les trois secteurs du quartier Ouagou Niayes se fait de la manière suivante :

- 41 ménages dans 37 concessions à O.N. 1 ; - 34 ménages dans 34 concessions à O.N. 2 ; - 25 ménages dans 20 concessions à O.N. 3.

Le choix des ménages a été guidé par le hasard. Pour ce qui est des concessions, nous les avons ciblées en utilisant la technique de sondage par grappes. Nous avons déterminé un pas de sondage pour chaque unité du quartier en faisant le rapport nombre de concessions du secteur sur sa part de concessions dans l'échantillon.

Les pas de sondage trouvés sont les suivants : 9 pour O.N.1 ; 10 pour O.N.2 et 8 pour

O.N.3.

De ce fait, pour chaque secteur du quartier, nous avons compté le nombre de concessions correspondant à son pas de sondage et sommes entrés dans la concession portant le numéro suivant. C'est ainsi que dans les trois unités de la localité, nous sommes entrés respectivement dans les 10e, 11 e, et 9e concessions pour enquêter. Nous l'avons fait dans toutes les directions, cela, par souci de représentativité et pour davantage de pertinence des résultats de l'enquête.

La première concession a été choisie de façon aléatoire : nous avons tiré au hasard un numéro dans un lot de dix et avons commencé l'enquête par la concession portant le numéro correspondant sur une carte.

Les enquêtes

Les phénomènes économiques et sociaux résultant d'un grand nombre de causes et touchant à l'humain recouvrent des réalités complexes. L'enquête constitue alors un moyen, un outil pertinent pour mieux comprendre ces phénomènes. Deux types d'enquêtes ont été menés : les enquêtes quantitatives et les entretiens.

> Les enquêtes quantitatives

Ces enquêtes ont été menées entre le 18 juin et le 6 août 2004. Elles ont été réalisées, au moyen de questionnaires, dans les ménages, les télécentres et les cybercafés.

r2- Dans tous les ménages, nous avons exposé les motifs de notre démarche au chef. A ceux qui ont accepté de nous répondre, nous avons administré le questionnaire-ménage qui renferme des questions relatives, de manière générale, aux conditions de vie du ménage à travers le logement, l'eau, l'électricité..., la finalité étant de fournir un instantané de leur degré d'aisance sociale et donc de leur style de vie et d'en établir la corrélation avec la hauteur de l'éventuelle appropriation des nouvelles technologies ;

Nous leur avons également demandé le nombre de personnes, dans leurs ménages, qui fréquente les télécentres et cybercafés du quartier.

En l'absence des chefs de ménage, nous avons utilisé le même procédé avec ceux et celles qui se sont déclarés répondants du chef de leur ménage.

Parmi les personnes que les chefs de ménage (ou leurs répondants) nous ont citées, nous avons indifféremment choisi une dans chaque ménage pour lui administrer le second questionnaire qui a trait à l'usage et à la pratique du téléphone et de l'Internet. Nous nous sommes intéressés :

- à leur âge, sexe, ethnie, etc., l'objectif étant de tenter une démographie des NTIC dans le quartier Ouagou Niayes ;

-à leur niveau d'instruction pour vérifier l'idée selon laquelle l'utilisation d'Internet serait conditionnée par un bon niveau d'éducation, puisque reposant sur l'usage de l'écrit, sur la maîtrise d'une ou de plusieurs langues et sur celle, aussi minime soit-elle, de l'outil informatique ;

- à leur profession et niveau de revenu pour essayer de déceler la relation entre la profession, le revenu et la dynamique de fréquentation et d'utilisation des NTIC ;

- à l'usage fait de ces technologies, aux difficultés rencontrées ainsi qu'à leurs éventuelles attentes vis-à-vis de la SONATEL et/ou des exploitants des télécentres et cybercafés du quartier.

r2- Dans les télécentres et cybercafés, nous avons utilisé les troisième et quatrième questionnaires destinés aux propriétaires et gérants des lieux. En effet, faute de toujours pouvoir rencontrer les propriétaires, nous avons aussi interrogé les gérants.

Nous nous sommes intéressés, entre autres, au genre, à l'ethnie, à la profession. L'objectif était de savoir si les propriétaires de ces lieux appartiennent à un groupe socio-économique se distinguant par des caractéristiques communes, s'ils sont motivés par le même idéal, s'ils éprouvent et réagissent de la même manière face aux éventuelles difficultés et profitent de façon similaire des potentiels avantages du secteur.

Nous leur avons aussi demandé les motivations de leur implantation dans le quartier, la finalité étant de déterminer un ensemble de facteurs susceptibles de présider à la spatialité des infrastructures des nouvelles technologies dans la localité.

Après les enquêtes, nous avons constaté que 60 ménages seulement parmi les 100 interrogés renferment au moins un membre utilisateur aussi bien des télécentres que des cybercafés, ce qui fait que le questionnaire d'enquête / individus n'a finalement touché que 60 personnes.

Sur les 44 télécentres qui devaient faire l'objet de l'enquête, seuls 31 d'entre eux ont répondu à nos questions, soit 70,5%. Dans ces 31 télécentres, nous avons interrogé 16 propriétaires et 15 gérants. Pour les 13 autres télécentres restant (29,5%), comme par enchantement, le mot d'ordre a été le même : ne répondre sous aucun prétexte. Avec des accusations d'espionnage à l'appui. Toutefois, un fait est digne de considération : les télécentres dont les propriétaires et/ou gérants ont répondu négativement à notre requête présentent en commun la saisissante particularité d'être logés en majorité dans des boutiques et d'appartenir pour la plupart à des étrangers, des guinéens en particulier.

S'agit-il d'une coïncidence fortuite ou détiennent-ils au contraire une information sensible qu'ils n'auraient pas véritablement envie de divulguer ? Cette interrogation n'a malheureusement pas d'éléments de réponse si ce n'est quelques allégations d'autres propriétaires et gérants. Selon eux, ce refus s'explique probablement par deux faits : soit ces gens ne sont pas en règle avec les normes établies par la Sonatel ; soit ils ont passé un marché avec cette Société. Nous avons reçu

ces déclarations avec beaucoup de réserves en raison de la forte concurrence qui marque ce secteur d'activités, bien que la première hypothèse soit facilement vérifiable par simple observation.(21)

Sur les 4 cybercafés qui étaient répertoriés dans le quartier, 3 seulement ont concerné l'enquête, le quatrième ayant fermé ses portes peu de temps avant notre passage. Aucun refus de répondre n'a été relevé de la part des responsables de ces lieux. Mais cela n'empêche pas pour autant d'émettre des doutes quant à la crédibilité de certaines de leurs réponses puisque deux parmi les trois interrogés ont commencé leurs propos par ces mots : « vos questions n'ont rien à voir avec un mémoire de maîtrise de ... géographie.

C'est dire donc que le travail ne s'est pas réalisé sans problème. Nous avons en effet été confrontés à un certain nombre de difficultés dont les plus mordantes sont les suivantes :

· La littérature sur le quartier Ouagou Niayes est maigre. La plupart des rares documents mis à notre disposition traite du vaste ensemble politique dans lequel ce quartier est intégré : la Commune de Biscuiterie dans l'Arrondissement de Grand Dakar. Nous les avons utilisés, mais avec beaucoup de retenue car au sein de cette entité politique, la généralisation de certaines données peut être appauvrissante vue l'hétérogénéité des situations socio-économiques qui y prévalent.

· Dans beaucoup de concessions, des chefs de ménage pas très coopératifs nous ont souvent réservé des traitements incommodes pour ne pas dire mauvais. Leur réticence s'explique probablement par le fait que nous avons été assimilés à des agents de recensement et notre démarche qualifiée de politique alors que depuis plusieurs années, ils sont assaillis avec ces genres d'enquête sans que cela n'améliore leurs conditions de vie.

· A la Sonatel, les agents, très discrets, n'ont été disposés à ne fournir que des adresses de sites Internet et des fiches de renseignement pour l'ouverture de télécentres et de cybercafés. Leur réserve s'explique sûrement par le contexte de libéralisation du secteur des télécommunications qui a coïncidé avec la période de l'enquête.

· Dans les télécentres et les cybercafés, certains propriétaires et gérants nous ont soupçonnés de les espionner pour le compte de la Sonatel ou du fisc. Ainsi, beaucoup d'entre eux n'ont pas répondu à certaines questions prétextant leur caractère quelque peu confidentiel.

(21) Il faut, par exemple, pour ouvrir un télécentre, disposer d'un local de 12 m2 alors que beaucoup de télécentres s'inscrivent en contradiction avec cette norme.

> Les entretiens

Ils ont été réalisés à l'aide d'un guide d'entretien adressé au Président de l'UNETTS. L'objectif des entretiens était de recueillir les impressions de celui-ci sur l'état des télécommunications au Sénégal, les enjeux économiques et sociaux qui s'y rattachent, les facteurs qui bloquent leur avancée et les éventuelles stratégies mises en branle pour y remédier.

La synthèse des réponses obtenues apparaît dans le document sous forme d'encadré. Cette démarche a permis d'appréhender certains aspects fondamentaux du sujet qu'un questionnaire pourrait taire en raison de son caractère formel.

3 - Le traitement et l'analyse des données

Il est organisé autour de trois points :

· Le traitement de l'information collectée par le biais d'entretiens et qui apparaît dans le document sous forme d'encadré ;

· L'exploitation de la recherche documentaire perceptible à travers les citations auxquelles nous avons souvent fait appel dans ce document ;

· Le traitement des données fournies par les enquêtes, au moyen de supports informatiques notamment avec le logiciel SPSS 11.0 et les applications WORD et EXCEL. Les résultats obtenus sont présentés sous forme de tableaux statistiques, de graphiques et de cartes.

L'analyse de toutes les données recueillies a abouti à la rédaction de ce présent document divisé en trois parties :

· La première partie se propose, tout en examinant les caractéristiques du quartier Ouagou Niayes et les traits saillants de ses habitants, d'aménager un cadre général de lecture et d'appréhension des jeux et enjeux soulevés par l'appropriation des NTIC par les individus.

· La deuxième partie traite de manière générale des télécentres et des cybercafés. Il est surtout question de leurs caractéristiques (normes et autres), de leur déploiement spatial qui est l'objet le plus digne d'intérêt pour un géographe, du profil de leurs propriétaires et gérants et des enjeux sociaux, économiques et territoriaux qu'ils créent. Nous nous sommes efforcés d'éviter les incursions dans le champ des descriptions techniciennes du téléphone et de l'Internet, laissant la tâche aux spécialistes de la question dont les éclairages seraient sans doute plus pointus que les nôtres sur ce point. Nous avons également évité de verser dans la futurologie.


· La troisième partie aborde la question des usagers et de leurs usages des télécentres et cybercafés du quartier. C'est en fait une analyse du niveau de pénétration des technologies à Ouagou Niayes, du profil des utilisateurs, des usages qu'ils en font et des contraintes qui se posent à leur appropriation de ces outils de communication.

INTRODUCTION

La région de Dakar, capitale du Sénégal, couvre totalement la presqu'île du Cap-vert située à l'extrême ouest du Sénégal, sur sa façade Atlantique. Sa superficie est de 550 km2, soit 0,3% du territoire national. Malgré sa petite taille, Dakar renferme le plus grand effectif de population de tout le pays. En effet, 22% de la population nationale sont concentrés dans cette région, soit une densité d'environ 4 147 habitants au km2. (22)

La région de Dakar présente à la fois de multiples atouts et de nombreuses contraintes. Parmi les atouts de la région, nous pouvons retenir :

- sa position géographique qui fait d'elle un carrefour entre l'Europe, l'Amérique du sud et l'Afrique et un point stratégique au plan des communications internationales (port, aéroport, télécommunications) ;

- la concentration de la presque totalité des ressources financières, économiques et des services ; - l'existence d'un potentiel intellectuel et technique élevé ;

- l'existence d'infrastructures performantes de rang international et premier centre de décision nationale ;

- un climat agréable et des potentialités touristiques (tourisme balnéaire et d'affaires). Parmi les contraintes de la région de Dakar, nous pouvons noter :

- un taux de croissance de la population très élevé sur un petit espace ;

- un déficit en matière de logement, d'infrastructures et d'équipements collectifs ; - des ordures ménagères, un habitat anarchique, des pollutions diverses ;

- de sévères difficultés de transport et de circulation ;

- des problèmes aigus d'emplois (le taux d'activité de la population n'est que de 42%) ;

- une forte immigration dans un espace réduit (Dakar accueille annuellement environ 120 000 personnes du seul fait des flux migratoires internes ;

Dakar est constituée de nombreux quartiers dont les fonctions sont très différentes : fonctions administrative, industrielle, commerciale, culturelle, résidentielle, chacune de ces fonctions entraînant le développement dans l'espace d'un type de paysage spécifique.

Parmi les espaces résidentiels que comporte la région de Dakar, il y a Ouagou Niayes, un quartier créé au cours des années 1950 et dont les caractéristiques reproduisent de façon fidèle le caractère de l'urbanisation de la capitale. Quelles sont les caractéristiques physiques du quartier

(22) DPS, 2004, Projections de population du Sénégal issues du recensement de 2002, Dakar, p.2.

Ouagou Niayes, son profil démographique, le niveau d'aisance socio-économique de ses habitants ? Voilà les interrogations auxquelles cette partie tente de répondre

Echelle : 1 / 2 000e Source : Atlas du Sénégal. Carte améliorée par Sylla.

Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte améliorée par Sylla.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway