1 - 2 - Les conséquences d'une distribution spatiale
compacte
Malgré leur importance numérique et leur
déploiement spatial serré, les télécentres ne
participent pas sinon de façon négligeable à la
structuration de l'espace. En effet, ils se surimposent toujours à un
espace déjà défini, peuplé et organisé. Leur
impact sur l'espace se limite principalement à la polarisation des
individus et à la constitution de petits groupes de discussion
formés par affinité ou par intérêt : les
télécentres ne sont pas seulement des lieux de
téléphonie mais aussi des espaces de vie, des lieux à
palabres où se crée et/ou se diffuse l'information.
Le déploiement spatial compact des
télécentres influe cependant fortement sur leurs
activités. Il entraîne par exemple une sérieuse guerre des
prix entre les télécentres très rapprochés et
favorise une baisse de leur niveau de rentabilité.
Photo n° 1 : la rue Lassana
à Ouagou Niayes
Photo : Sylla, 2004.
Cette rue passante, séparant Ouagou Niayes 1 et le
quartier populaire d'Usine Bene Tally, est l'une des rues les plus mieux
pourvues en télécentres de tout Ouagou Niayes.
1 - 2 - 1 - La guerre des prix
Entre 1992 et 1994, des règles précises ont
été établies par la Sonatel pour réglementer
l'installation des télécentres en instaurant notamment le respect
d'une distance entre deux télécentres, un peu à l'image de
ce qui existe pour l'ouverture des pharmacies.(30) Cependant, du
fait que le chiffre d'affaires d'une ligne principale
téléphonique installée dans un télécentre
représente quatre fois le chiffre d'affaires d'une ligne principale
ordinaire(31), la Sonatel a libéralisé l'ouverture des
télécentres depuis 1995. A partir de cette date, commença
une nouvelle « ère » dans l'évolution de ces espaces de
communication marquée par une forte augmentation de leur nombre.
La prolifération des télécentres a eu
comme corollaire la saturation du marché qui a provoqué à
son tour une intense guerre des prix entre télécentres
désormais côte à côte. La guerre des prix a
entraîné la chute de ceux-ci. Ainsi de 100 francs CFA à
l'ouverture des premiers télécentres en 1992, le prix de
l'unité d'appel se vend aujourd'hui à 60 francs dans certains
télécentres. Cette situation combinée à la faillite
et la fermeture des télécentres qu'elle occasionne avait
poussé la Sonatel à suspendre en juillet 2001 tout
agrément d'ouverture de télécentre pendant une
durée de six mois(32).
Toutefois, la guerre des prix n'entraîne pas de conflit
de quelle que nature qu'il soit entre les gérants qui entretiennent du
reste de bonnes relations amicales ou professionnelles. Les conflits opposent
plutôt d'une part les gérants aux clients avec 83,9% des
réponses reçues (pour des motifs liés à la boite
vocale (33), à la rapidité du compteur et aux
crédits) et d'autre part les propriétaires à la Sonatel
avec 12,9% des réponses (pour des raisons relatives au fait que cette
société ne délivre pas les factures à temps tandis
que les dates d'échéance sont rapprochées).
Les réactions des propriétaires et
gérants face à la guerre des prix sont multiples. Certains sont
résignés et se disent impuissants devant cette situation qu'ils
qualifient d'ailleurs de normale. D'autres par contre incriminent la
responsabilité individuelle de la Sonatel et se regroupent dans des
associations telle que l'UNETTS afin d'opposer une résistance à
cette société qu'ils jugent parti prenante.
Créée en 2000, l'UNETTS a pour but de
défendre, au sein d'une entité nationale unique et
démocratique, les intérêts des exploitants de
télécentres, de téléservices et cybercentres
d'affaires
(30) Sagna, 2000, p. 41.
(31) Zongo, Gaston, « Essai d'analyse de la faiblesse de la
télédensité et de la productivité du secteur
africain des télécommunications », communication
présentée à Genève, ITU/BDT, 19-21 mars 1996,
Cité par Sagna, 2000, p. 41.
(32) Batik n° 24, juillet 2001.
(33) Les gens ne peuvent pas comprendre de devoir payer sans
avoir communiqué.
du pays et d'accompagner le processus de réglementation du
secteur des télécommunications. Ses objectifs sont entre autres
:
- la création d'un statut de prestataire de service des
différents exploitants ;
- la création d'une caisse de consignation des cautions
versées par les gérants à la Sonatel qui leur permettra de
profiter des intérêts bancaires générés ;
- la baisse du prix d'achat de l'unité pour les
exploitants qui sont des prestataires de service ;
- l'application d'un prix de vente unique à 100 francs
CFA par l'Etat via l'ART, un prix que tous les exploitants devront respecter
sous peine d'être pénalisé pour la sauvegarde de l'emploi
menacé ;
- la définition d'une fourchette de prix unique pour
tous les cybercentres ;
- la mise sur pied de sections/UNETTS dans chaque quartier
unissant tous les exploitants;
- la redynamisation de toutes les associations
régionales, départementales et rurales d'exploitants de
télécentres/téléservices.
Au regard de ses objectifs, cette association cerne l'essentiel
des préoccupations des exploitants même s'il faut déplorer
une quasi-absence de référents aux intérêts des
usagers.
Cependant, l'UNETTS doit relever beaucoup de défis dont
le plus sérieux est sans doute la sensibilisation des 30 000
gérants qui exploitent les 17 000 lignes de téléphone dans
les télécentres éparpillés dans tout le pays. Cette
sensibilisation fait pour l'instant défaut, l'union est mal connue des
propriétaires et gérants. En effet, sur les 31
propriétaires et gérants interrogés, seuls 11, soit 35,5%,
ont déclaré connaître leur association. Les deux tiers
d'entre eux, soit 64,5% ignorent l'existence de cette entité.
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