CHAPITRE II : SITUATION DU SECTEUR AGRICOLE CAMEROUNAIS
DEPUIS 1960
La politique économique au Cameroun depuis son
indépendance en 1960, a toujours accordé une place
particulière au secteur agricole. Les autorités camerounaises se
sont depuis rendues à l'évidence que la voie du
développement économique passe par le développement de
l'agriculture. Ceci parce que cette activité a toujours
été la principale en milieu rural, milieu qui reste le plus
concerné par le faible niveau des revenus ainsi que la
précarité des conditions de vie. Toute politique
d'amélioration des conditions de vie de la population passe par
l'augmentation de la productivité agricole. Ce secteur a occupé
depuis 1960, plus de 40 % de la population active.
L'élaboration de la politique économique au
Cameroun n'a pas toujours été homogène depuis son
accès à l'indépendance, elle a connu un certain nombre
d'étapes :
· une phase de planification allant de 1960 jusqu'au
milieu des années 1980. Durant cette phase, des plans quinquennaux
étaient exécutés. Au total six plans quinquennaux ont
été mis en oeuvre dont cinq sont arrivés à terme,
le sixième ayant été interrompu par la crise
économique du milieu des années 1980. Cette période de
l'histoire du Cameroun fut marquée par une prépondérance
de l'État dans le déroulement de l'activité
économique ;
· la phase de la libéralisation. Suite à
la crise économique, le gouvernement, conjointement avec le Fond
Monétaire International (FMI) a mis en place les Programmes d'Ajustement
Structurels (PAS). L'État camerounais a du se désengager de
l'activité économique afin de laisser les règles du
marché la réguler. Quelques années après le
début de l'exécution des PAS, l'Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) a prôné le libre échange et l'ouverture des
frontières. Des restrictions quantitatives (RQ) sur certains produits
étrangers ont été levées.
· Dans le prolongement des PAS, le Cameroun a atteint le
point de décision de l'Initiative Pays Pauvre Très
Endettés (IPPTE) en 2000 dont le point d'achèvement a
été atteint en avril 2006. Avec cette initiative, une nouvelle
orientation a été donnée à la politique
économique avec notamment la rédaction en 2003 du Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP).
La politique agricole a logiquement connu des changements
durant ces différentes phases de l'évolution institutionnelle du
Cameroun. D'abord marquée par la forte présence de l'État
en amont et en aval de l'activité agricole durant la phase de
planification, elle a connu un démantèlement de l'activité
étatique avec les PAS et la Nouvelle Politique Agricole (NPA) mise en
place dès 1990.
Il sera présenté dans ce chapitre les
différents traits marquants de la politique agricole au cours de ces
périodes.
2.1
Plans quinquennaux et politique agricole camerounaise
Cinq plans quinquennaux ont été
complètement exécutés au Cameroun depuis 1960. Les
périodes d'exécution de ces plans ont été les
suivantes :
· de 1960 à 1965 : premier plan
quinquennal dont l'objectif était de doubler le PIB par tête
en 20 ans ;
· de 1966 à 1971 : deuxième plan
quinquennal avec un accent sur l'amélioration du niveau de vie de la
population des zones rurales ;
· de 1971 à 1976 : troisième plan
quinquennal dont l'objectif principal était l'accroissement de
la production et de la productivité agricole. À cet effet,
plus de la moitié des investissements avaient été
destinés aux projets agricoles directement productifs;
· de 1976 à 1981 : quatrième plan
quinquennal dont l'objectif majeur était l'accroissement du taux de
croissance du PIB par tête d'au moins 5 %. Durant ce plan, la majeure
partie des investissements a été consacrée à
l'infrastructure rurale, à l'économie rurale et à
l'énergie ;
· le cinquième plan quinquennal a
été mis en oeuvre durant la période allant de 1981
à 1986. Il visait également l'augmentation du revenu réel
par habitant afin de donner un nouveau visage au Cameroun des années
2000. Une place de choix était également accordée au
secteur agricole ;
· Le sixième plan quinquennal a été
un mort né. Son interruption a été provoquée par la
crise économique survenue en 1987 au Cameroun et le début en 1988
de l'exécution des PAS sous l'aide du FMI et la BM.
Le contexte économique de cette période imposait
l'agriculture comme un pilier du développement de l'économie
camerounaise. En effet, l'agriculture exige pour son expansion, relativement
moins de moyens que le secteur industriel par exemple. De plus, le
matériel dont ont besoin les paysans pour pratiquer des activités
agricoles est facilement mobilisable sur place. Ainsi, au lendemain de son
indépendance l'activité agricole possédait pour le
gouvernement camerounais un avantage comparatif sur les autres secteurs dans la
mise en place d'une politique économique de développement. Car
elle restait pratiquée par une grande partie de la population et
l'incidence d'une amélioration de la situation de cette activité
aurait des effets plus marquants sur la population.
Dans chacun de ces plans quinquennaux donc, l'agriculture
ressort comme un des principaux éléments sur lequel devait se
baser le développement économique. Les objectifs de ces plans
seront centrés sur le secteur agricole ainsi que les stratégies
de développement rural. Le deuxième plan quinquennal a même
été baptisé "plan du paysan". Les buts visés ont
été globalement les mêmes durant les quatre premiers plans
quinquennaux. Ils peuvent se résumer par les éléments
suivants :
· l'augmentation de la production agricole tant
vivrière qu'industrielle ;
· l'amélioration de la productivité dans le
secteur agricole ;
· l'amélioration des revenus du monde
rural ;
· le développement des structures de
transformation locale ;
L'analyse de la politique agricole au Cameroun au cours de
cette période de planification se fera en examinant les
différents acteurs du secteur agricole et leurs rôles respectifs,
le mode par lequel s'est opéré le financement de
l'activité agricole ainsi que la politique commerciale, l'accès
aux intrants et le volet formation et recherche.
2.1.1 Les acteurs du secteur
agricole
Plusieurs acteurs aux rôles divers intervenaient dans le
secteur agricole camerounais avant la phase de libéralisation à
savoir l'État, les sociétés de développement, les
missions de développement, les organismes coopératifs, les
organismes financiers.
2.1.1.1 L'État
La politique agricole s'inscrivait dans le plan global de
développement de l'économie camerounaise. Les administrations
sectorielles, dont celles traitant des problèmes agricoles,
préparaient des documents qui étaient consolidés par une
commission nationale de planification qui en assurait la cohérence et
élaborait le plan. Deux départements ministériels
étaient impliqués dans l'élaboration de la politique
agricole :
· un ministère en charge des questions relatives
à la production végétale : le ministère de
l'agriculture ;
· un ministère en charge des questions
liées au développement des productions animales: le
Ministère de l'Élevage, des Pêches et des Industries
Animales.
Durant cette période des plans quinquennaux,
l'État est fortement impliqué dans l'élaboration et la
mise en oeuvre de la politique agricole. Il est présent dans les
différentes phases de l'exécution de celle-ci. Il s'engage dans
les opérations de production, de distribution, de commercialisation, et
la recherche. Son souci était d'assurer l'encadrement gratuit des
agriculteurs de la production à la commercialisation, y compris le
financement. Pour la commercialisation, les prix d'achat aux producteurs pour
certaines productions étaient administrés par l'État.
L'État s'était ainsi constitué maître d'ouvrage et
maître d'oeuvre comme le relève ONDOA (2006). Les destinataires
des différentes mesures de politique agricole en l'occurrence les
agriculteurs avaient une marge de manoeuvre très réduite pour
influencer la conception de la politique. La politique agricole impliquait
beaucoup plus les fonctionnaires que les producteurs. Et même lorsque
l'État mettait en place des coopératives pour accompagner les
paysans, le rôle de ces associations de paysans était d'aider les
fonctionnaires à mieux gérer leurs activités.
Les ministères de l'agriculture et de l'élevage
disposaient de structures déconcentrées qui fournissaient un
encadrement aux paysans : distribution gratuite des intrants, centres de
stockage, centre de conseils et de vulgarisation.
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