4.
Les trois temps à prendre en compte lors de l'entrée et le
processus de deuil
4.1 Le temps présent
Le temps présent est celui du choix de l'entrée
au sein de la résidence. L'entrée en résidence et
l'ensemble des modifications qui en découlent menacent l'identité
familiale. Le personnel de la résidence doit faire face à ces
difficultés et à ces crises pour permettre l'adaptation du
sujet.
Le personnel peut occuper différentes
fonctions :
Tout d'abord, une fonction de
proximité qui correspond à l'empathie des
professionnels envers la personne et sa famille pouvant être
assimilée à la préoccupation maternelle, notion
employée par Winnicott (1956) [35]. Les professionnels de la structure
vont « prendre soin » du nouveau résident et tenter
de répondre à ses besoins. Ils mettent donc leur sens en
éveil (liés à leur personnalité mais aussi à
leur fonction professionnelle) pour offrir à la personne
âgée un environnement le plus propice à son
développement au sein de la résidence et donc à son
adaptation.
Ensuite, le personnel assure une fonction de
transitionnalité. Le personnel d'accueil doit être
capable de tolérer la réalité du sujet et la
manière dont il l'a vit. Les professionnels créaient une
« air de transition » entre le domicile de la personne et
la résidence. Lorsque la personne s'installe, elle est peu à peu
amenée à percevoir la réalité du changement. La
désillusion (concept développé par Winnicott) est donc ce
passage du subjectif à l'objectif. Le sujet âgé devient
conscient des phénomènes transitionnels et le fantasme de
l'entrée laisse place à la prise en compte de la
réalité. Nous supposons l'existence de cette zone
d'expérience intermédiaire qui permet au sujet de passer du
fantasme de l'établissement à la relation objectale avec la
structure.
Prenons l'exemple de Mme M., toujours accrochée
à son téléphone portable, de peur que quelqu'un ne
l'appelle et qu'elle ne puisse répondre. Arrivée dans la
résidence depuis quelques mois, nous pouvons faire l'hypothèse de
l'utilisation de ce téléphone comme objet transitionnel, lui
permettant d'éviter l'angoisse de séparation, puisque cet
appareil rappel le lien avec l'extérieur. Cet objet investi permettrait
au cours de la période de désillusion à ce sujet de faire
l'interface entre le domicile et la résidence, comme l'enfant utilise un
objet interface entre lui et sa mère. Il semble également
important de préciser la relation fusionnelle existant entre cette femme
âgée et sa fille unique. Le téléphone
représenterait pour elle le lien qui l'unit à sa fille, seul
moyen de communiquer avec celle-ci. L'objet transitionnel remplirait une
fonction essentielle : celle de défense contre l'angoisse. L'objet
choisi vient pour rassurer la personne, le réconforter dans le deuil de
sa vie passée. Selon Winnicott, il s'agirait d'une protection contre
l'angoisse de type dépressif, soit l'angoisse de perdre l'objet,
c'est-à-dire l'objet maternel. Pour cette résidente, le
téléphone portable lui permettrait donc de lutter contre
l'angoisse de perte de sa fille. « J'avais peur qu'elle ne
m'abandonne » explique-t-elle au cours d'un entretien clinique dans
le cadre du suivi psychologique.
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