CHAPITRE IV-
ACTEURS, ACTIONS ET DÉVELOPPEMENT LOCAL DANS LES
SECTIONS COMMUNALES DE 3ème THIOTTE ET DE 2ème BOIS
D'ORMES
Ce chapitre du mémoire est consacré à la
présentation de la situation générale de
développement territorial de la zone étudiée. Dans un
premier temps, l'accent est mis sur la présentation de tous les acteurs
majeurs qui ont influencé ou qui sont impliqués à ce
processus de développement. Dans un deuxième temps, il s'agit de
présenter la Coordination des Organisations pour le Développement
de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB), considérée comme un
acteur important dans la mise en place du processus de développement
local. En troisième lieu, il est question de décrire deux types
d'activités économiques prises en charge par les organisations
paysannes au niveau des Sections Communales de 3ème Thiotte
et de 2ème Bois d'Ormes.
Pour y arriver, les données utilisées
proviennent d'entretiens documentaires et exploratoires. Avant même de
venir en Belgique pour les études, il a fallu collecter des
données de manière descriptive auprès des acteurs locaux
actifs et engagés au développement endogène. Aussi, la
littérature grise a été explorée via des rapports
d'activités préparés par des acteurs de
développement local dans la zone.
4.1- PRINCIPAUX ACTEURS ACTIFS OU ENGAGÉS AU
PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL
Les informations obtenues par les entretiens ont permis de
catégoriser les acteurs en deux groupes : l'acteur public et l'acteur
privé. L'acteur public est particulièrement
représenté par les élus des Collectivités
Territoriales. L'acteur privé est surtout représenté par
des groupes organisés de la société civile.
4.1.1- Présentation et participation des acteurs
publics
Les élus locaux dont le Conseil d'Administration de la
Section Communale (CASEC) et l'Assemblée de la Section Communale (ASEC)
constituent des acteurs publics très impliqués dans le processus
de développement local des Sections Communales de 3ème Thiotte et
de 2ème Bois d'Ormes. Les bureaux des services
déconcentrés de l'État représentent aussi des
actifs qui apportent faiblement leur contribution. L'implication du Conseil
Municipal est tout aussi effective au niveau communal. D'après les
informations obtenues auprès de ces élus locaux, leur
intégration effective au processus de développement local dans
leur collectivité a débuté avec le Projet
National de Développement Communautaire Participatif et le Programme de
Développement Local. Cette nouvelle approche de développement en
Haïti a commencé vers les années 2004-2005. Depuis cette
période, le Conseil d'Administration de la Section Communale (CASEC),
l'Assemblée de la Section Communale (ASEC) et le Conseil Municipal ont
eu la possibilité de participer à tous les programmes ou projets
de développement au profit de leur communauté respective.
En effet, l'ASEC et le CASEC de la 3ème
Section Communale Thiotte et celle de 2ème Bois d'Ormes ont
coopéré à toutes les étapes de préparation
des plans de développement de ces unités territoriales
administratives d'Haïti. Chacune de ces Sections Communales, dispose d'un
Plan de Développement de Section Communale (PDSC), élaboré
à partir de 2005 dans le cadre du Programme de Développement
Local initié par l'État central. Le PDSC élaboré
constitue un outil de développement stratégique territorial,
incluant les besoins de toutes les localités qui forment la Section
Communale. Par contre, le Projet National de Développement Communautaire
Participatif repose ses stratégies sur l'identification des projets
progressivement dans chaque localité avec l'implication de tous les
secteurs locaux. Dans les deux cas, le CASEC et l'ASEC parlent de leur
implication de manière formelle et participative dans l'identification,
la priorisation, l'exécution et le suivi-évaluation des projets.
Ils ont témoigné de leur possibilité de rechercher la
complémentarité entre ces deux programmes financés par
l'État central. En outre, ces deux programmes ont favorisé la
création des structures pérennes de développement qui
pourraient être considérées comme des actifs pour la
réussite du développement local.
D'une part, chacune des Sections Communales
bénéficie d'un Comité de Développement
présidé par le premier représentant (le président)
du Conseil d'Administration de la Section33 y inclut les deux autres
membres, de 3 membres de l'ASEC et d'autres personnalités de la
Société civile. Initié par le Programme de Development
Local, ce comité est composé de 15 personnes : 40 % d'élus
locaux, 20 % de représentants d'organisations paysannes, 20 % des
représentants des religieux et 20 % des notables de la zone. D'autre
part, un conseil de gestion se forme à travers le Projet National de
Développement Communautaire Participatif. Appelé, Conseil de
Projet National de Développement Communautaire Participatif (COPRODEP),
il est chargé de gérer les activités dudit projet et se
forme au niveau communal selon les informations fournies par ses membres. Il
est formé de 9
personnes dont environ 67 % de représentants
d'organisations paysannes et d'environ 33 % d'élus locaux dont 2 membres
du CASEC par Section Communale et d'un membre du Conseil
Municipal34. Ces deux programmes encouragent à environ 33 %
la participation des femmes au comité de gestion des projets.
Pendant la réalisation des expériences
professionnelles en 2007 et 2008, j'ai apporté ma contribution au
renforcement du Comité de Développement de la
3ème Section Communale de Bois d'Ormes. En ma qualité
d'exécutant d'un projet d'élevage de poulets au profit de 600
familles dont les plus pauvres, j'ai été exigé par
l'État haïtien de planifier les activités avec le
Comité de Développement de ladite section, de l'intégrer
au suivi-évaluation du projet et de lui fournir des rapports
d'avancement des activités. Ce projet est issu du processus de
diagnostic participatif réalisé avec les acteurs locaux et est
inclus dans le Plan de Développement de cette Section Communale comme le
problème prioritaire à résoudre.
Durant la période de 2006 à 2008, les projets de
développement financés par l'État au niveau de la
3ème Section Communale Thiotte et celle de
2ème Bois d'Ormes ont touché les secteurs du social,
de l'économie paysanne et de l'environnement. Les fonds de financement
proviennent de prêts octroyés par la Banque Interaméricaine
de Développement35 (BID) et de la Banque
Mondiale36. D'après des données fournies par des
acteurs locaux rencontrés tels les élus locaux, un
représentant de la Fondation Panaméricaine de
Développement (PADF) et un responsable du FAES, 11 projets sont
déjà exécutés et 6 autres sont en perspectives
d'exécution comme l'indiquent respectivement les Tableaux 2 et 3.
34 Pour chaque commune, les informations ont
été fournies par le CASEC et le Conseil municipal
35 Pour le financement du Programme de
Développement Local
36 Pour le financement du Projet National de
Développement Communautaire Participatif (PRODEP)
Tableau 2 : Présentation des projets
réalisés par l'acteur public de 2006 à 2008 dans les
Sections Communales de 3ème T hiotte et
2ème Bois d'Ormes
#
|
Types
|
Lieux
|
Bénéficiaires directs et
indirects
|
Exécutants
|
Durée
|
1
|
Élevage de poulets
|
S.C. B.O
|
600
|
Consultant
|
1 an
|
2
|
Élevage de caprins
|
S.C. B.O
|
400
|
O.N.G loc.
|
1 an
|
3
|
Caféiculture et construction d'un
centre de traitement café
|
S.C. B.O
|
1 000
|
O.N.G loc.
|
1 an
|
4
|
Réhabilitation d'une école publique
|
S.C. B.O
|
Population rurale
|
O.N.G loc.
|
1 an
|
5
|
Conservation des sols et reforestation
|
S.C. B.O
|
Population rurale
|
3 O.C.B.
|
3 mois
|
6
|
Centre de stockage des grains
|
S.C. B.O
|
300 et pop. rurale
|
2 O.C.B.
|
6 mois
|
7
|
Réhabilitation de routes agricoles
|
S.C. B.O
|
Population rurale
|
5 O.C.B.
|
3 mois
|
8
|
Programme de formation sur gestion de projets
|
S.C. B.O
|
30, CASEC et ASEC
|
Consultant
|
2 semaines
|
9
|
Deux systèmes d'adduction d'eau
potable
|
S.C.T
|
Population rurale
|
4 O.C.B
|
6 mois
|
10
|
Construction d'un centre
professionnel
|
S.C.T
|
Population rurale
|
2 O.C.B
|
6 mois
|
11
|
Construction d'une boutique
d'intrants agricoles
|
S.C.T
|
Population rurale
|
1 O.C.B
|
3 mois
|
Total
|
11 projets
|
|
|
|
|
S.C. B.O : Section Communale Bois d'Ormes
S.C. T : Section communale Thiotte
O.C.B : Organisation communautaire de base
O.N.G loc. : Organisation non gouvernementale
locale
Source : Enquête de l'auteur, 2008
Tableau 3 : Projets en perspectives de réalisation
par l'acteur public dans les Sections Communales de 3ème
Thiotte et 2ème Bois d'Ormes pour 2009 et 2010
# Domaines Lieux Bénéficiaires directs
Exécutants Durée
et indirects
1 2 Centres de stockage et
de commercialisation des grains
2 Magasin de produits
alimentaires
3 3 citernes communautaires
d'eau potable
Total 6 projets
S.C.B.O et 450 et population 4 O.C.B. 6 mois
S.C. T. rurale
S.C. T. Population rurale 2 O.C.B. 6 mois
S.C. T. Population rurale 6 O.C.B. 6 mois
S.C. B.O : Section Communale Bois d'Ormes S.C. T :
Section communale Thiotte
O.C.B : Organisation communautaire de base
Source : Enquête de l'auteur, 2008
À travers ces deux Tableaux, l'exécution des
projets identifiés dans le cadre du Programme de Développement
Local (PDL) est assurée par des consultants individuels ou par des ONG
locales. Les activités dudit programme sont exclusivement
réalisées dans la 2ème Section Communale de Bois d'Ormes.
Le Fonds d'Assistance Économique et Social (FAES) continue de jouer son
rôle dans la coordination, le suivi-évaluation des projets et la
formation des bénéficiaires.
Par ailleurs, ce sont des organisations communautaires
paysannes qui réalisent elles- mêmes l'exécution des
projets dans le cadre du Projet National de Développement Communautaire
Participatif (PROD EP). L 'ONG internationale, la Fondation
Panaméricaine de Développement (PADF) joue le rôle
d'accompagnateur technique des organisations bénéficiaires et
exécutantes des projets. Les activités de ce programme sont plus
concentrées dans la 3ème Section Communale Thiotte.
Les informations présentées au Tableau 2
concernent 6 projets non encore exécutés en 2008, sont fournies
par les responsables de la PADF. Leur phase d'exécution devrait
être réalisée en 2009 et 2010 par des organisations
communautaires paysannes en fonction des stratégies
générales du PRODEP. Le budget maximal agréé par le
FAES pour un projet est d'environ 2 millions de gourdes, tandis que la PADF via
le PRODEP conçoit des microprojets d'environ 700 milles
gourdes37. D'une manière générale, la
durée de la phase d'exécution d'un projet est de 3 mois à
1 an.
En fonction des informations obtenues auprès de la
population enquêtée, les activités de développement
économique et productif induisent une amélioration de revenus des
bénéficiaires directs. Les projets à caractères
sociaux sont exécutés au profit de toute la communauté
locale qui en tire beaucoup de bénéfices. L'unique projet
environnemental déjà réalisé contribue à la
protection contre l'érosion d'environ 75 ha de terres dans la zone et 15
milles arbres fruitiers et forestiers ont été plantés.
De plus, grâce aux séances de formation fournies
pendant l'exécution des projets, les élus de la
collectivité, les membres d'organisations communautaires paysannes ont
mentionné l'amélioration de leur niveau de connaissances,
particulièrement dans la gestion de projet et le renforcement
organisationnel. Les organisations communautaires paysannes
bénéficiaires des activités du PRODEP profitent au mieux
des séminaires de formation fournies en raison de leur rôle
d'exécutant des projets. Ces deux programmes incitent progressivement
la
population à mieux s'organiser pour participer au
développement durable de leur communauté. Mise à part,
un programme de formation intensive de 60 heures réalisé au
profit des membres du Comité de Développement de la Section
Communale, tous les acteurs cités
précédemment ont bénéficié
d'au moins 15 heures de formation sur des thèmes spécifiques
à
chaque projet réalisé.
Pour les bénéficiaires directs, les élus
locaux et les responsables des deux programmes rencontrés,
l'exécution des projets de développement a permis la valorisation
des matériels locaux et des petits jobs temporaires sont crées au
profit de la population locale. L'utilisation des matériaux locaux est
surtout réalisée dans le cadre des projets
d'élevage38 et de conservation des sols. La main-d'oeuvre
paysanne est quasi-totalement utilisée pour la réalisation de
tous les projets sociaux.
Globalement, ces représentants du pouvoir central (CASEC
et ASEC) jouent leur rôle dans le processus de développement local
en raison de leur implication obligatoire à
n'importe quels types de projets de développement dans
leur collectivité. Ils participent aux prises de décision
communautaire. Il s'agit d'un grand effort réalisé par
l'État central pour
intégrer ces représentants du pouvoir
décentralisé aux activités de développement local.
Leur forme de participation identifiée est de type interactive
(Jules Pretty et al., s. d.) car ils participent à la fois dans la mise
en place des activités c'est-à-dire depuis l'identification des
problèmes, leur priorisation, l'exécution et le
suivi-évaluation des projets (UNESCO, 1982 ; A. Dumas, 1983). Pour
l'exécution des activités, la main-d'oeuvre locale est prise en
compte et les ressources locales sont très valorisées. Cette
initiative de valorisation de ressources locales dans le processus de
développement local est signalée par les auteurs comme B.
Pecqueur (2000), G. Logié (2001) et A. Dumas (1983). Après la
phase d'exécution des projets, les élus locaux devraient
être capables de poursuivre les activités de développement
local grâce aux séances de formation reçues. La
participation populaire est utilisée comme un PRyen, ce qKi aKgPente
l'efficacitfi des piRAets ifialisfis (B. Gueye, 1999 in A. Jones, 2006).
Certains projets productifs et économiques réalisés
contribuent à une rentabilité économique et
d'autres projets sociaux prennent en compte une certaine dimension de la
viabilité écologique de la zone (B. Pecqueur, 2000).
Cependant, cette présentation a permis de
révéler les gros défis qui se présentent face aux
représentants du pouvoir central décentralisé pour
garantir leur autonomie. Leurs plus
38 Dans la construction d'abris pour les animaux
d'élevage
grandes infirmités sont jointes au manque de ressources
techniques et financières pour réaliser leur propre projet. Ils
demeurent dépendre des sources de financement extérieur comme l'a
soulevé P. Prévost (2003). La part du budget national qui leur
devrait être attribué tarde encore à venir. L'État
ne garantit pas suffisamment, la formation globale des élus locaux qui
pourra leur permettre d'être plus efficace dans l'accomplissement de
leurs fonctions. Les études de diagnostic participatif
réalisées à partir de l'année 2005 par le Fonds
d'Assistance Économique et Social (FAES) ont identifié de graves
problèmes à tous les niveaux de la vie sociale et
économique de la population. Le secteur éducatif et de la
santé souffrent de la carence des ressources techniques et
financières pour répondre correctement aux besoins de la
population. Les appuis du Ministère de l'Agriculture aux secteurs de
l'agriculture et de l'élevage restent inadéquats par rapport aux
besoins des habitants. Cette situation contribue à un déficit de
participation populaire comme dans UNESCO (1982). D'autres études
réalisées par des auteurs tels (A. Coq, 2006 ; V. Lamothe, 2007 ;
F. Dorvilier, 2007 & Y. Sainsiné, 2007), ont déjà
soulevé l'insuffisance de certains services de base disponible partout
en milieu rural. Il est vrai que les projets sont identifiés par la
population locale, la dimension culturelle du développement n'est pas
suffisamment prise en compte.
Pour conclure, des observations personnelles
réalisées permettent d'annoncer que les montants (14 000- 40 000
euros) requis pour un projet demeurent insuffisants. Quoique les
activités issues des deux programmes de développement local de
l'État central prennent en compte tous les coins des Sections
Communales, les projets réalisés sont trop fractionnés.
Dans le futur, l'État devrait penser à augmenter le budget de
financement des projets pour favoriser au mieux leur pérennité.
Malgré tout, ils sont suffisamment bien appropriés par la
population locale pour induire un niveau de développement
territorial.
4.1.2- Présentation et participation des acteurs
privés
La société civile, regroupant les
autorités religieuses, les associations professionnelles, les
coopératives et les groupements ou organisations communautaires
paysannes représentent les acteurs privés qui contribuent au
développement des Sections Communales de 3ème Thiotte
et 2ème Bois d'Ormes ; les ONG locales et internationales
représentent aussi d'autres acteurs importants. Hormis les ONG, tous les
autres acteurs regroupent des femmes, d'agriculteurs et des jeunes de la
zone.
Selon des informations obtenues lors de la réalisation
des entretiens, 4-5 autorités religieuses39 et quelques 10
notables par Section Communale ont été des pionniers du processus
de développement communautaire. Leur appui a été surtout
remarquable aux secteurs de l'éducation et de la santé. Durant
les décennies 1970-1990, des démarches ont été
effectuées de leur part et avec le soutien de la population locale, pour
exiger de l'État la disponibilité des services de base au profit
de la population rurale comme l'exige la constitution haïtienne. Pour la
réalisation du Plan de Développement de Section Communale (PDSC),
les informations disponibles dans ce document ont mentionné leur
participation active à toutes les phases d'élaboration (FA ES,
2005)40. Ce groupe d'acteurs font aussi partie des membres du
Comité de Développement de Section Communale (rappel à 40
%). D'une manière générale, ils demeurent des acteurs
utiles quant à leur implication dans toutes les rencontres et/ou les
débats orientés dans le sens du développement de leur
localité. Les entretiens réalisés avec une partie d'entre'
eux ont permis d'identifier que l'indifférence dans l'idéologie
politique constitue le principal handicap à leur unification de
toujours. Leur implication au processus de développement endogène
est vivement encouragée par l'État central comme le recommandent
les grands bailleurs de fonds internationaux tels que la Banque Mondiale, le
FMI et l'UNESCO.
a. ONG locales et internationales
Les ONG locales et internationales font partie d'un groupe
d'acteurs participant au développement local de la zone. Vu
l'incapacité de l'État à soutenir de manière
adéquate ces Collectivités Territoriales financièrement et
économiquement, ce sont elles qui financent en grande partie les
programmes et projets de développement avec un faible appui de la
population locale bénéficiaire. En général, elles
financent les projets de développement à hauteur de 85-90 % ; la
part restante est fournie par la population en ressources locales. Cet
état de fait, renforce leurs liens à la fois avec la population
locale et les élus locaux.
Les interventions de ces institutions se font soit directement
dans le milieu soit sous la demande de la population. Dans le premier cas, les
projets sont amenés de l'extérieur sans que la population ne
participe point à la fixation des objectifs et au processus de leur
décision. Cette participation populaire est de type consultatif
comme indiqué par Jules Pretty et al. (s.
d.) - parfois, elles établissent certaines relations
avec les autorités locales. Dans le second cas, souvent une partie de
la population locale identifie leurs projets sans ou avec les membres de
39 Pasteurs des églises protestantes et des
prêtes de l'église catholique
40 FAES (2005). Rapports de Diagnostic Participatif
des Sections Communales de 3ème Thiotte et de
2ème Bois d'Ormes, commune des Anse-À-Pitres,
Département du Sud-est.
leur association communautaire pour soumettre aux ONG pour le
financement -- ou parfois certaines associations oisives profitent de la
disponibilité des fonds offerts par les ONG pour réaliser des
projets. Ces formes d'organisations disparaissent généralement
après l'exécution des projets, c'est ce que Jules Pretty et al.
(s. d.) ont qualifié de participation fonctionnelle.
Malgré des faiblesses constatées dans le type de
participation populaire et dans les modes d'interventions des ONG, il est
important de souligner leur place au développement des Sections
Communales de 3ème Thiotte et de 2ème Bois
d'Ormes. Des bénéficiaires rencontrés ont affirmé
une certaine amélioration de leurs revenus grâce à ces
activités. Néanmoins, en raison des changements
opérés par l'État pour la réussite du
développement des Collectivités Territoriales depuis en 2005, les
élus locaux disposent le pouvoir de contrôler les actions des ONG.
Les places de ce groupe d'acteurs au développement local en Haïti
ont été déjà signalées à travers les
recherches produites par P. Prévost (2003), A. Coq (2006), V. Lamothe
(2007), F. Dorvilier (2007) et Y. Sainsiné (2007). Il est souhaitable
que des corrections soient initiées en encourageant, entre autres, une
meilleure participation populaire ce qui favoriseraient la durabilité
des projets réalisés. L'État central via les élus
locaux, doit mieux remplir son rôle en obligeant les ONG à
financer des projets qui rentrent dans le Plan de Développement de
Section Communale pré-élaboré.
Toutefois, d'autres formes de coopération
établissent entre des associations communautaires paysannes,
l'État et des ONG locales et internationales produisent des effets au
niveau local. La description de cette situation fait l'objet des lignes qui
vont suivre.
b. Associations communautaires paysannes
Le regroupement des paysans sous la forme associative
constitue le dernier groupe d'acteurs de développement local des
Sections Communales. Selon des informations fournies par les acteurs de la
société civile et des élus locaux, les premières
tentatives de regroupement des paysans dans ces zones rurales haïtiennes
avaient débutées avec la fin de la dictature, le
07 février 1986. La création d'association fut
ensuite encouragée par la Constitution du 29 mars 1987 qui stipulait
dr difMLg 0lrEERFirtiRn Mt 0M réuniRn ErnE rIP ME à 0ME 7iAE
SRditiquME, économiques, sociales, culturelles ou toutes autres fins
pacifiques est garantie (art. 31). Cette décision est
cohérente aux souhaits faits par B. Husson (2001) « dl? trt r
SRXr obligation de
IrvRriEML d'éP MriM1FM 01rEERFirtiRnE
FRddMFTivME ru nivMrY dRFrd » . Malgré tout, le mouvement
associatif dans cette région a été très
controversé de manière périodique. D'abord
par certains militaires du régime de facto41
de la période 1991-1994, ensuite par l'émergence des
Organisations Populaires (OP) du parti politique dénommé «
Lavalas » surtout pour la période de 2000-2004. Les diverses formes
de bouleversements crées par ces groupes, n'ont pas empêché
au mouvement associatif de connaître sa croissance dans la zone. Le
processus de développement local de ces deux Sections Communales est
passé du contrôle des acteurs individuels à des acteurs
collectifs.
Au mois de mars 1989, a eu lieu le premier regroupement de
diverses associations de base en la Coordination des Paysans de
l'Arrondissement de Belle-Anse (COPAB). « Sa mission était de
porter les principales revendications de la masse paysanne au plus haut niveau
vers les responsables de l'État ». Grâce au dynamisme
développé par les responsables et avec l'appui, la
compréhension, la participation de la population tant assoiffée
du développement pour la communauté, l'organisation a
exécuté de petits projets sociaux et environnementaux dont la
réhabilitation des routes agricoles et la conservation des sols.
L'exécution de ces projets a permis à l'association de
créer un certain nombre d'emplois provisoires au profit de la population
locale. La COPAB a aussi donné son appui au secteur éducatif en
appuyant l'établissement des premières écoles secondaires
publiques conjointement avec les notables de la zone.
Au cours de la courte période 1998-1999, toujours dans
le souci de satisfaire au mieux les revendications paysannes, les responsables
de la COPAB ont eu le soutien des organisations de base et des planteurs de la
zone pour créer à la fois la Fédération des
Organisations des Planteurs de l'Arrondissement de Belle-Anse (FOPLAB) et la
Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de
Belle-Anse (COOPCAB). Pendant les 3 premières années de leur
existence (1998-2001), ces deux unités de regroupement d'organisations
de base de tout l'Arrondissement de Belle-Anse ont reçu le soutien
technique et financier de 3 ONG pour la réalisation des projets
agricoles et environnementaux dont 1 projet agro-écologique et 1 projet
sur le caféiculture. Ces projets ont impliqué un niveau de
participation de la population, entre autres, les bénéficiaires
directs dont les agriculteurs et les caféiculteurs.
Pendant cette même période, le système
dynamique mis en place par ces 2 regroupements de paysans leur a permis de
bénéficier un programme d'intervention dénommé
Programme de Développement Rural Intégré de Belle-Anse
(PDRI/BA). Ce programme a été
41Il s'agit d'un pouvoir militarisé issu
d'un coup d'état opéré contre un président
élu constitutionnellement en 1991 avec beaucoup de répressions
provoquées par un groupe dénommé : Front pour l'Avancement
et le Progrès d'Haïti (FRAPH).
financé par deux ONG internationales : la
Fédération Luthérienne Mondiale (FLM) et Action Aid
pour la période de 2001-2004 et une ONG locale, la Coordination
Régionale des Organisations du Sud-est (CROSE). Il « vise la
contribution à la mise en place dans
eg$
LLRQ3kkIPIQt-1d1-19efill-$Qke-1uQe-1FRRLdiQEURQ-1LéIIRQEle-1dgRLIEQisations
communautaires
mixtes, de femmes et de jeunes participant activement
à la gestion de leurs entreprises économiques et aux prises de
décisions sociopolitiques locales au bénéfice de leur
communauté ». La Fédération des Organisations
des Planteurs de l'Arrondissement de Belle- Anse (FOPLAB) et la
Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de
Belle-Anse (COOPCAB) ont été deux partenaires importants et
utiles pour l'exécution de programme. La première a
été utilisée pour la filière économique du
café et la deuxième pour les aspects socio-économiques.
Ces informations sont obtenues via les bases de données de la
Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement
de Belle-Anse (CODAB).
À la recherche de synergie et en qualité de
nouvelles orientations fournies par les 3 partenaires techniques et financiers
vus plus haut, les trois structures de regroupement d'organisations
présentées précédemment ont paraphé un
protocole de rapprochement qui a permis la création de la structure
actuelle nommée Coordination des Organisations pour le
Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODA B).
4.2- PRÉSENTATION DE LA COORDINATION DES
ORGANISATIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ARRONDISSEMENT DE BELLE-ANSE
(CODAB)
La Coordination des Organisations pour le Développement
de l'Arrondissement de Belle-Anse est un regroupement d'organisations paysannes
qui couvre totalement l'Arrondissement de Belle-Anse, l'une des régions
administratives du Département du Sud-est d'Haïti. Elle
étend ses activités au niveau de 4 Communes : Belle-Anse,
Grand-Gosier, Anses-à-Pitres et Thiotte ; douze Sections Communales y
compris les deux Sections Communales étudiées. Ses
activités couvrent une superficie totale de 765,33 km2 et une
population d'environ 150 000 habitants est touchée (IHSI, 2008). Elle
est reconnue par l'État haïtien depuis 2005 comme une institution
d'utilité privée à caractère social et est
localisée dans la Commune de Thiotte.
La dynamique associative a pris une recrudescence
d'intérêt collectif en Haïti et les acteurs locaux de la zone
de Belle-Anse sont bien concernés. Cette stratégie semble devenir
un vrai moyen utilisé par ces paysans eux-mêmes autour
d'associations pour apporter
certaines améliorations au niveau de quelques services
sociocommunautaires. Cette présentation est faite à partir de 4
principaux points :
(1) la présentation de la mission et des objectifs de la
CODAB pour mieux comprendre son existence ;
(2) la présentation du mode de fonctionnement et les
structures mises en place pour mieux appréhender ses stratégies
d'intervention ;
(3) la présentation du mode de création des
ressources, les stratégies d'acteurs et leurs logiques d'intervention de
l'institution ;
(4) cette dernière partie illustre les secteurs
d'activités prises en charge par l'organisation par une
présentation des projets/programmes de développement
réalisés y compris le niveau de participation des acteurs
bénéficiaires.
4.2.1- Mission et objectifs de la CODAB
Depuis sa création en 2005, la Coordination des
Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse a
eu comme mission « de travailler à l'aboutissement d'une
société unitaire, solidaire, plus juste et plus équitable
dans le respect mutuel et la valorisation de la culture haïtienne au
niveau local ».
Ses objectifs principaux consistent à :
- Construire une organisation représentative et
légitime couvrant tout l'Arrondissement de Belle-Anse ;
- Défendre et protéger les intérêts de
l'Arrondissement de Belle-Anse ;
- Charrier les revendications de la population en vue de la
recherche de solutions allant dans l'intérêt de la majorité
;
- Organiser l'espace de l'Arrondissement et encadrer la
population;
- Participer dans l'effort de reconstruction de l'Arrondissement
de Belle-Anse ;
- Elaborer un plan de développement régional qui
tienne compte de l'intérêt du secteur populaire ;
- Combattre la corruption, l'impunité et l'injustice et
faire promotion de valeurs morales, culturelles et des droits fondamentaux du
peuple Haïtien ;
- Rechercher et apporter la solidarité sur le plan
communal, départemental et national.
4.2.2- Fonctionnement et structure de la
CODAB
La Coordination des Organisations pour le Développement
de l'Arrondissement de Belle-Anse fonctionne comme étant une institution
bien décentralisée. Son fonctionnement s'appui sur un ensemble
d'unités présentes dans toutes les Communes couvertes à la
fois en milieu urbain qu'en milieu rural. Au niveau administratif, sa structure
détient :
V' Un Congrès ou une Assemblée
Générale, le nombre de membres reste à
déterminer, il se réunit tous les 3 ans et ayant pour
tâches de définir les grandes lignes d'orientation de la
coordination ;
V' Un Comité de Coordination, comme le
congrès le nombre de ces membres reste à
déterminer ; il a pour rôle de suivre et de sanctionner le travail
du comité exécutif dans l'intervalle de deux congrès ;
V' Un Comité Exécutif, il est
composé de neuf personnes élues par le congrès pour une
durée de 3 ans et a pour rôle de faire appliquer les grandes
lignes d'orientations définies par le congrès et de
représenter la coordination ;
V' Le secrétariat exécutif, une
branche du comité exécutif et est composé de 3 personnes
travaillant conjointement avec ce comité ;
V' Une Assemblée des
Délégués, composée de 60 personnes, elle
est formée à partir des délégués
mandatés par les organisations membres de la CODAB dans tout
l'Arrondissement. Au besoin, les membres de l'assemblée se
réunissent tous les 6 mois et ils ont comme principales attributions de
s'informer et d'informer les organisations membres à propos des
activités entreprises par la coordination régionale.
En outre, la technique d'appropriation du territoire par la
CODAB consiste à la mise en place d'un ensemble de comités
à tous les niveaux territoriaux (niveau urbain et rural). Il s'agit
d'une coordination par Commune qui regroupe une fédération par
section communale et une plate-forme par ville où sont
réalisées ses activités. Donc, ce sont 4 coordinations
communales, 12 fédérations Sections Communales et 4 plates-formes
villes qui forment la base de son existence. Par ailleurs, les organisations de
base sont membres des Fédérations de Sections Communales ou des
plates-formes ville et la population est liée à ces structures et
non directement à la CODAB. Sa structure générale de
représentation est bâtie à partir de la Figure 3.
Congrès ou Assemblée générale
Comité de coordination
Secrétariat exécutif
|
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Comité exécutif
|
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|
|
Assemblée des délégués
Coordinations communales
Fédérations sections communales
|
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Plates-formes ville
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|
|
Organisations de base
Membres
Figure 3 : Structure de
représentation de la CODAB Source : Enquête de l'auteur,
août 2008
Les membres de la CODAB font partie d'environ 400
organisations communautaires de base et de 3 catégories distinctes. Il
s'agit du Mouvement des Paysans de l'Arrondissement de Belle-Anse (MOPAB)
regroupant diverses catégories d'organisations d'agricultures des deux
sexes, du Mouvement des Femmes de l'Arrondissement de Belle-Anse (MOFAB)
formées uniquement à partir d'organisations de femmes, enfin du
Mouvement des Jeunes de l'Arrondissement de Belle-Anse qui regroupe des jeunes
de 15-25 ans. Cette forme de regroupements de paysans-agriculteurs est en
marche depuis l'existence de la CODAB en 2005, mais les 2 autres mouvements
(femmes et jeunes) n'existent qu'en 2007. Le mouvement des paysans et celui des
femmes représentent de vrais outils utilisés par les habitants
liés aux fédérations de Section Communale pour faire
passer leurs souhaits, mais le mouvement des jeunes n'est pas suffisamment
structuré. Toutefois, le dernier Recensement Général de la
Population et de l'Habitat a considéré la population
haïtienne comme étant jeune avec plus de 50 % âgée de
moins de 21 ans (IHSI, 2003). Cette caractéristique, étant
reflétée la situation générale d'Haïti, ce qui
a permis à l'organisation de porter une certaine considération
vis-à-vis de cette couche de la population.
D'après les déclarations faites par le
comité exécutif de la CODAB et celui des
fédérations de Section Communale, la coordination communale se
forme à partir de l'union de toutes les fédérations des
Sections Communales qui la composent et d'une plate-forme
ville en milieu urbain. Chacune des Communes
étudiées (Thiotte et Anses-à-Pitres) possèdent 2
Sections Communales, leurs coordinations communales comprennent trois
unités de base. Le nombre d'organisations communautaires membres d'une
fédération de Section Communale ou d'une plate-forme ville varie
avec la population de la zone et la quantité de personnes par
organisation communautaire est aussi variable. Environ 100 organisations
communautaires de 30-100 personnes sont membres des 2 fédérations
de Sections Communales étudiées. Le comité exécutif
d'une Fédération de Section Communale est formé de 7-9
personnes dépendamment du nombre d'associations communautaires paysannes
qui s'y trouvent. Les membres dudit comité sont élus
démocratiquement par la population membre faisant partie des
organisations communautaires qui se trouvent dans une Section Communale. La
durée du mandat d'un comité exécutif est de 3 ans et son
1/3 est renouvelé annuellement. La CODAB encourage la participation des
femmes dans le comité exécutif d'une fédération de
Section Communale à hauteur de 30 %.
4.2.3- Ressources, stratégies d'acteurs et
logiques d'intervention de la CODAB
L'existence de la CODAB est reliée à des
stratégies mises en place pour la mobilisation et la création de
biens communautaires dans ses zones d'activités. Ce processus
créatif de ces acteurs locaux s'inscrit dans la logique de F. Debuyst
(2001 : 118) qui conçoit la stratégie d'acteurs comme «
une démarche impliquant la conception et le mode
C11113Zli4IRRÇPCh4Pt.h44R3t.Fh4PFRFElÇéh4PSR3t.PEtteindre
un but ». Cette institution de
développement tient à valoriser les acquis
disponibles au niveau local en appliquant « des stratégies de
types relationnelles » répondant aux attentes des
bénéficiaires tout en impliquant ces derniers dans la conduite de
sa mission.
Les ressources et les stratégies de la CODA B reposent sur
3 grandes filières :
i. La caféiculture
Elle représente la plus importante source de revenus
des habitants de la zone. La CODAB s'engage dans cette filière à
travers la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement
de Belle-Anse (COOPCAB) qui possède un réseau de plusieurs
coopératives localisées dans 3, parmi les 4 communes couvertes
par les activités de la CODAB. Les détails concernant cette
filière économique se présente ultérieurement dans
l'étude.
ii. Le système crédit
L'Association des Banques Communautaires de l'Arrondissement
de Belle-Anse (ABCAB)42 est l'une des filières de la CODAB
qui offre des services particuliers, entre autres, aux organisations qui lui
sont affiliées. Elle est considérée comme l'une des plus
grandes banques communautaires de la zone par la disponibilité de ses
services d'épargne et de crédit à une couche importante de
la population. Composée de 78 Banques Communautaires dans tout
l'Arrondissement, son système de crédit couvre 95 % de femmes et
5 % des hommes. L'ABCAB met des fonds disponibles au profit de chacune de ces
banques communautaires qui sont utilisés pour aider les femmes. Ces
dernières sont bénéficiaires d'un système de
crédit43 pour encourager le petit commerce, l'élevage
et l'agriculture.
En 2008, environ 3 milles personnes des 2 sexes sont
bénéficiaires de ces formes de crédit fournies par cette
banque communautaire. Sous l'initiative de la CODAB, l'ABCAB a mis sur pied
depuis en 2006 un système de « crédit-élevage »
en impliquant 100 éleveurs pour l'achat des petits animaux
d'élevage domestiques (porc et caprins). Un montant de l'ordre de 5000
gourdes est accordé aux éleveurs pour l'achat de petits animaux
au renforcement de leur système d'élevage.
Les femmes membres d'associations affiliées à la
banque obtiennent leur crédit sous forme d'un système
dénommé « groupe solidaire ». Selon les informations
fournies par certaines femmes rencontrées, cette stratégie les
oblige à s'unir en un groupe de 5 personnes pour avoir accès
à un crédit remboursé au taux de 3 % par mois. La banque
garantie à chaque femme un dépôt mensuel de 1 % du montant
remboursé sur un compte d'épargne et le montant octroyé
à une femme bénéficiaire varie de 3000 à 50 000
gourdes44. Le montant est attribué en fonction d'une
évaluation individuelle sur la capacité d'absorption des
bénéficiaires pour garantir le remboursement. Cependant, au cas
où une femme bénéficiaire dans un groupe ne rembourse plus
son prêt, les autres membres de ce groupe perdent intégralement
leur montant disponible sur le compte d'épargne. Parfois, cette
situation débouche sur des conflits non seulement au sein du groupe
concerné mais aussi au niveau des organisations auxquelles les femmes
sont représentées. Lors de la réalisation des entretiens,
certaines femmes se plaignent de cette situation qui n'est pas toujours
à leur faveur ; c'est
42 Quoique localisée dans la commune de
Thiotte, l'ABCAB dispose ses services au profit de toute la population de
l'Arrondissement de Belle-Anse.
43 Crédit-commerçant,
crédit-éleveur et crédit-agricole
44 Un euro est égal à 50 gourdes
pourquoi, l'ABCAB possède comme perspectives de poursuivre
les prêts totalement de manière individuelle.
Mise à part ce système de crédit qui est
à la portée des femmes, elles se réjouissent de pouvoir
bénéficier des séances de formation sur des thèmes
comme l'équité de genre, les techniques d'animation et de
leadership. Annuellement, 2 à 3 séances de formation sont
organisées en leur faveur sous l'initiative de la CODAB.
iii. La transformation agro-alimentaire
La petite industrie agro-alimentaire est encouragée par
la CODAB à travers des minilaiteries de transformation du lait de vache.
Il s'agit des unités de transformation du lait, mises en place «
pour mieux valoriser la production laitière dans la zone en
encourageant particulièrement l'élevage de bovin, la gestion et
la protection des ressources naturelles ». Avant même
l'existence de la CODAB, une première industrie locale de ce type s'est
déjà mise en place par d'autres regroupements d'organisations
paysannes dans la 3ème Section Communale de Thiotte ; sa
présentation est faite à la partie 4.3.2.
Deux autres mini-laiteries de la CODAB sont en cours de
fonctionnement dans la 6ème Section Communale de Pichon et dans la
localité de Marre-Joffrey, respectivement des communes de Belle-Anse et
de Grand-Gosier. Les lieux d'implantation de ces unités de
transformation du lait de vache se fait en fonction de l'importance
particulière accordée à leurs habitants à pratiquer
l'élevage de bovins laitiers. Elles ont été
référées par un système de diagnostic
d'élevage réalisé par la CODAB avec la population locale
pour étudier la faisabilité et la viabilité des projets
avec une forte participation des femmes à en croire les
déclarations recueillies auprès des responsables du Mouvement des
Femmes. Les travaux de construction de la mini-laiterie localisée dans
la 6ème Section Communale de Pichon sont achevés
depuis la fin de l'année 2008. Sa gestion est attribuée par la
CODAB au Mouvement des Femmes de l'Arrondissement de Belle-Anse (MOFAB), sous
le contrôle particulier de l'Association des Femmes de Pichon.
Avec le financement d'Action Aid, de la
Fédération Luthérienne Mondiale, de l'OXFAM (3 ONG
internationales) et de la Coordination Régionale des Organisations du
Sud-est (1 ONG locale), la CODAB a déjà distribué à
75 femmes une vache de race laitière. L'animal est donné à
titre de dons à chaque bénéficiaire45 qui
s'engage à vendre exclusivement la production laitière à
la laiterie pour son prochain fonctionnement. Selon les
45 Les femmes bénéficiaires s'engagent
aussi à remettre le premier descendant de l'élevage à une
future bénéficiaire
informations recueillies auprès des responsables du
Mouvement des femmes, les premières bénéficiaires du
projet sont choisies suivant des critères définies avec les
organisations féminines et sans aucune influence de la CODAB. Le nombre
de femmes bénéficiaires d'une vache représente 60 % des
premiers bénéficiaires directs de la laiterie.
Ces trois grands pivots d'intervention et des logiques
d'existence de la Coordination des Organisations pour le Développement
de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) permettent la création
d'emplois permanents ou temporaires partout dans la zone. Son appui est
donné au petit commerce, au secteur agricole et à
l'élevage des caprins et surtout de bovins laitiers. L'appui à la
création des mini-laiteries de transformation peut être
qualifié comme la mise en place des PME par la valorisation des
ressources locales.
4.2.4- Projets et/ou programmes accomplis par la CODAB et
participation des acteurs
Depuis environ 4 années d'existence (2005-2009), la
CODAB a toujours priorisé la prise d'initiatives communautaires dans
divers domaines et dans toutes les unités territoriales couvertes.
D'après les informations fournies par les responsables de la CODAB et
les habitants des Sections Communales, présentées au Tableau 4,
les activités de développement concernent les domaines du social,
de l'environnement et de l'économie paysanne.
Tableau 4 : Activités réalisées par
la CODAB dans la 3ème Section Communale Thiotte et la
2ème Section Communale Bois d'Ormes de 2005 à
2008
# Types Lieux Bénéficiaires
Exécutants
directs et indirects
1 7 Projets de réhabilitation de S.C.B.O
(4) et Population rurale ONG, CODAB,
routes agricoles S.C.T (3) F.S.C et O.C.B
2 2 Constructions d'écoles S.C.T 600
écoliers et ONG, CODAB et
communautaires population rurale O.C.B
3 8 Projets de conservation des
sols
5 Projet de distribution d'outils et
semences agricoles
S.C.B.O (4) et S.C.T (4)
S.C.B.O et
S.C.T
Population rurale CODAB, F.S.C et
O.C.B
Population rurale CODAB, F.S.C et
O.C.B
500 planteurs CODAB, F.S.C et
O.C.B
4 5 Projets de reforestation S.C.B.O (1) et
S.C.T (4)
6 1 Projet de crédit-élevage
S.C.B.O et 100 éleveurs ABCAB et O.C.B
S.C.T
Total 24 projets
F.S.C : Fédération de Section Communale
O.C.B : Organisation communautaire de base
S.C.B.O : Section Communale Bois d'Ormes S.C.T : Section
Communale Thiotte
Source : Enquête de l'auteur, août
2008
Ce Tableau regroupe 24 petits projets réalisés
dans la zone étudiée sous la direction de la CODAB depuis son
existence. Ils sont repartis en 9 projets sociaux, 13 projets environnementaux
et 2 petits projets pour l'amélioration de l'économie paysanne.
D'après les déclarations des responsables des
fédérations de Sections Communales et des
bénéficiaires directs rencontrés, ces projets
exécutés sont toujours identifiés à partir d'un
système de diagnostic local avec l'implication de la population via les
organisations de base. Après l'identification des problèmes, la
direction de la CODAB se charge de l'élaboration des projets et de leur
validation avec la population locale puis les soumettre à des ONG pour
le financement. Parfois, une organisation de base peut soumettre sa demande
à la CODAB qui elle-même se charge de rechercher le financement.
Dans les deux cas, l'exécution des projets est assurée par les
organisations communautaires paysannes sous la supervision de la CODAB. En
raison des exigences pour l'exécution des projets sociaux, des cadres
techniques externes sont soumis par les financeurs pour accompagner les
organisations paysannes. Les principaux partenaires financiers et techniques de
la CODAB sont : Action Aid International, la Coordination Régionale des
Organisation du Sud-est (CROSE), la Fédération Luthérienne
Mondiale (FLM), la Coopération de Suisse-Haïti et l'ONG allemande
GTZ.
Le budget de financement des activités est d'environ 11
000 euros pour les projets de reforestation et de 25 000 euros pour les projets
de conservation des sols et de réhabilitation de routes agricoles. Leur
durée d'exécution varie de 3-6 mois. Généralement,
la contribution de la population en ressources locales est autour de1 0 %.
V' Sur le plan social
Selon des données fournies par la direction de la
CODAB, quelques 61 kms de routes agricoles sont déjà
réhabilitées. D'une manière générale, la
réalisation de ses activités dans la zone engendre des effets
directs ou indirects sur la population bénéficiaire. Selon les
déclarations faites par les bénéficiaires, ses
activités créent un désenclavement de certaines
localités, ce qui permet aux agricultures de disposer une meilleure
facilité pour l'écoulement de leurs denrées agricoles vers
les marchés régionaux.
L'implication de la CODAB est aussi remarquable dans l'appui
au secteur éducatif et à des projets d'adduction d'eau potable
dans d'autres zones de son intervention. Sous son initiative, pas moins de deux
écoles primaires ont débuté leur fonctionnement en
septembre 2007 dans la 3ème Section Communale de Thiotte.
L'achat des terrains pour la construction de ces écoles, où les
enfants bénéficient de l'éducation gratuite était
assuré par la CODAB.
Dans un autre sens, la CODAB se charge d'appuyer certaines
familles monoparentales dont les plus pauvres à partir d'un programme
appelé « lien solidaire ». Ce programme vise à
aider un enfant par famille pour le paiement d'une partie de
l'écolage scolaire. Depuis 2006, quelques 10 000 familles membres
d'organisations communautaires reçoivent annuellement une modique somme
de 2500 gourdes avec le financement de ses principaux partenaires cités
plus haut.
Enfin, à partir de l'année 2008, la CODAB
participe à la gestion d'un programme de cantine scolaire dans tout
l'Arrondissement de Belle-Anse. Quelques de 30 écoles de la zone sont
bénéficiaires de ce programme, financé par l'État
haïtien et le Programme Alimentaire Mondiale (PAM). Le rôle de la
CODAB se situe dans la distribution de l'aliment aux écoles
concernées et de la supervision de la qualité de nourriture
distribué quotidiennement aux écoliers.
Les vacances d'été 2009 coïncident au
premier « camp d'été régional »
réalisé par la CODAB avec le soutien de la CROSE et du PAM. Cette
activité culturelle devrait réunir environ 500
élèves dont 75 proviennent des 2 unités territoriales
étudiées. Elle devrait permettre l'augmentation du niveau de
connaissances des bénéficiaires sur l'environnement et l'action
civique. Cette information est obtenue grâce aux communications
établies avec la direction de l'institution pendant le séjour en
Belgique.
V' Sur le plan environnemental
Pour les responsables de la CODAB rencontrés, les
projets exécutés dans ce secteur ont déjà
contribué à la protection contre l'érosion hydrique
d'environ 127 ha de terres. Les projets de reforestation sont concernés
par la plantation d'arbres fruitiers et forestiers (bambou, cèdre,
manguier et ananas, ...). De plus, la CODAB et ses organisations communautaires
membres, contribuent périodiquement à des campagnes de
sensibilisation pour la protection de l'environnement, d'une part et d'autre
part, elle participe aux campagnes de formation et de sensibilisation pour une
meilleure protection des populations les plus vulnérables aux
catastrophes naturelles. À travers cette dernière
activité, elle réalise conjointement avec ses partenaires un
programme d'éducation environnementale au profit des écoliers une
fois par an.
Selon les bénéficiaires rencontrés, ces
activités produisent des effets positifs sur l'environnement de la zone.
Les projets de conservation des sols, entre autres, permettent la diminution
des pertes des sols et entraîne une certaine amélioration des
parcelles de terres cultivées. Ils contribuent au mieux à la
protection de la vie et des biens de la population vis-à- vis des
catastrophes naturelles.
> Sur le plan économique
Le secteur économique est soutenu par la CODAB à
travers plusieurs formes de programmes en intégrant diverses
catégories de personnes. En référence au Tableau 4,
l'organisation a déjà mis réalisé un projet visant
l'amélioration de revenus des agriculteurs par la distribution des
semences, des outils agricoles et la prise en charge de la caféiculture
la plus importante source de revenus pour les agriculteurs. Les
activités de l'élevage sont également appuyées par
la CODAB à travers des programmes de distributions d'animaux vivants
comme caprins et bovins aux habitants. Les bénéficiaires ont
déclaré de l'augmentation de leurs revenus grâce à
ces activités.
Enfin, toujours dans le souci d'aider toutes les couches de la
population à améliorer leurs revenus, la CODAB a comme
perspectives d'appuyer le secteur de pêche marine et l'artisanat à
partir de la fin de l'année 2009. Ce dernier secteur d'activités
va contribuer à la valorisation de la culture locale.
À travers certains programmes comme la
réhabilitation des routes et la conservation des sols, la CODAB utilise
la main-d'oeuvre locale ce qui est bénéfique pour des chefs de
ménages ou des chômeurs par la création de petits emplois
temporaires pour subvenir à certains besoins primaires. Pendant
l'exécution d'un projet environnemental, généralement
l'organisation utilise en moyenne 18 équipes de 20 personnes à
raison de 125 gourdes par jour et par personne. Une seule personne peut
travailler pendant 15-20 jours.
À un certain niveau, toute cette dynamique d'actions
développée par la CODAB autour de ces secteurs
d'activités, lui a permis de suppléer aux actions de
l'État dans la zone. Cette situation semble appropriée à
l'idéologie soutenue par B. Husson (2001) autour de la pratique des
initiatives de développement local par des acteurs individuels ou
collectifs par la prise en compte des secteurs économique, social,
environnemental et culturel.
D'une manière traditionnelle, le choix des
bénéficiaires d'une activité de la CODAB se fait par les
représentants de la fédération de Section Communale ou de
la plate-forme ville conjointement avec les responsables des organisations de
base. La priorité est toujours accordée aux familles ou leur
situation est plus difficile. À travers ces projets
exécutés ensembles avec les membres des associations
communautaires, la participation populaire est utilisée comme
moyen puisque cette démarche influe sur l'efficacité des
projets (A. Jones, 2006). Cette stratégie d'intervention de ces acteurs
locaux, favorise l'intégration de toutes les catégories de
personnes dans la société (hommes, femmes et jeunes).
Actuellement, le Mouvement des femmes et celui des paysans de la zone en sont
les meilleurs bénéficiaires. La
population membre de ces deux mouvements affiliés aux
organisations qui forment la CODAB estiment adéquats leur niveau de
participation aux activités réalisées à leur
profit. Toutefois, les débats réalisés avec les
bénéficiaires ont permis de révéler certains points
faibles lors de la phase d'exécution des projets de conservation des
sols, entre autres. Les organisations se plaignent de ne pas suffisamment
participer à cette étape. Cette stratégie d'unification
des organisations communautaires de l'Arrondissement de Belle-Anse leur ont
permis de construire un territoire unique autour de toute la zone. Lors de la
réalisation des entretiens, il était important de s'informer que
les habitants associent leur fédération de Section Communale
à une « petite CODAB », c'est une manière de
témoigner leur implication à toutes les prises d'initiatives de
l'institution. Sa présence dans la « région » depuis en
2005, a permis l'arrivée de beaucoup plus de partenaires techniques et
financiers pour secourir aux besoins de la population locale et a
augmenté la diversité des actions de développement de la
paysannerie locale.
4.3- ÉTUDE DE CAS DE DEUX SECTEURS
D'ACTIVITÉS DES ORGANISATIONS PAYSANNES DE L'ARRONDISSEMENT DE
BELLE-ANSE
Dans cette partie de l'étude, sont
présentées deux filières d'activités importantes
prises en charge par la CODAB et par les organisations communautaires qui lui
sont membres. Le premier cas est lié à la présentation de
la Coopérative des Planteurs de Café de l'Arrondissement de
Belle-Anse (COOPCAB), localisée dans la 2ème Section
Communale de Bois d'Ormes et la seconde présentation concerne une
mini-laiterie, localisée dans la 3ème Section Communale de
Thiotte.
4.3.1- Présentation de la Coopérative des
Planteurs de Café de l'Arrondissement de Belle-Anse
(COOPCAB)
La Coopérative des Planteurs de Café de
l'Arrondissement de Belle-Anse (COOPCAB) ou « Koperativ Plantè Cafe
nan Awondisman Bèlans (KOPCAB) »46 rassemble un
réseau de coopératives situé dans la région
administrative de Belle-Anse d'Haïti. Fondée en juillet 1999, sous
l'initiative de 6 regroupements de producteurs de café et comprenait
près de 3000 membres, la COOPCAB possède en 2008, 4000
producteurs de café dont 800 femmes, regroupés sous forme de 10
coopératives. Ses stratégies d'intervention reposent sur 9
centres de traitement primaires gérés par les coopératives
de base et un centre de traitement final sous le contrôle de la
coopérative centrale qui en assure la liaison. Son siège social
se
46 C'est son appellation dans la langue créole
haïtienne.
trouve dans la Section Communale de Bois d'Ormes mais les
coopératives sont réparties dans 3 parmi les 4 Communes couvertes
par les activités de la CODA B.
La coopérative, étant l'une des filières
stratégiques et économiques de la Coordination des Organisations
pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB), cette
dernière lui apporte un appui institutionnel et organisationnel et s'en
charge aussi de lui soutenir financièrement. Le nombre de
caféiculteurs membres des coopératives de base ne cesse
d'augmenter en raison des avantages fournis par la COOPCAB. Lors des
entretiens, ces producteurs se sont déclarés
bénéficiaires de l'encadrement technique par des
séminaires de formation pouvant leur permettre d'augmenter leur
productivité. Chaque année, les caféiculteurs
reçoivent 3-4 séances de formation sur de nouvelles techniques de
plantation, sur la lutte contre les insectes nuisibles, sur le traitement de
café, etc. Selon leurs déclarations, ces séances de
formation sont réalisées grâce au financement de la CODA B
avec l'utilisation des coopératives de base.
La COOPCAB fournit certains supports logistiques et
matériels aux coopératives de base. Elle joue un rôle
majeur dans l'organisation de la filière en assurant le traitement
final, le marketing et la commercialisation du café. Des fonds de
roulement sont mis à la disposition de chacune des coopératives
de base pour permettre aux producteurs de vendre leur production au niveau de
leur localité. Les coopératives sont chargées de donner un
premier traitement au café à un taux d'humidité de 12 %
avant de l'acheminer vers le centre de traitement final. Une partie des fonds
mis à la disponibilité des unités de base proviennent de
la Coopérative d'Épargne et de Crédit (ABCAB) (une autre
filière d'activité de la CODAB). En 2007 et 2008, la CODAB a
effectué des prêts à un taux de remboursement d'environ 18
% l'an au niveau de la Banque de Crédit Agricole (BCA) pour secourir aux
coopératives de café. Toute cette dynamique certifie la
volonté de ces acteurs pour apporter leur support aux producteurs de
cette culture d'exportation qualifiée de l'or noir47 par
Alter Presse d'Haïti dans un article publié en 2008 autour de ce
sujet. Les coopératives de base ont eu leur reconnaissance légale
auprès du Conseil National des Coopératives (CNC) en 2008,
grâce aux démarches conduites par les responsables de la COOPCAB
en appui avec la CODAB.
+ Commercialisation du café par la
COOPCAB
Le café est commercialisé sous la forme
lavée. En 2009, la CODAB a trouvé un fonds pour permettre
à la disposition de la COOPCAB pour la commercialisation du café
torréfié. Ce fonds provient d'une organisation hollandaise du nom
de Fun De Progresso qui a octroyé
des prêts à la coopérative au taux de 8 %
par mois. Cette perspective de commercialisation du café
torréfié, a permis à la COOPCAB de
bénéficier de nouveaux partenaires techniques et financiers comme
la BI D, la Banque Mondiale, la Coopération de la Grande Bretagne et
Agronomes et Vétérinaires sans Frontières (AVSF).
Depuis son existence, la coopérative a eu «
comme mission de regrouper les planteurs
de café qui se trouvent dlLe/Ctl$trondissement de
Belle-$ gh/ChI/Cd'RLIlLnKshi/CllL/CfKlKgh /Chn /C trouvant un
marché pour les producteurs ». Elle s'occupe de la
commercialisation du café de ses membres vers les marchés du
Japon, de l'Italie, de la France, des Etats-Unis et du Canada sous les noms :
BLUE PINE FOREST et café du Morne la Selle. De 2004
à 2008, le prix de la livre de café est passé de 1.30 --
4.00 US $ en raison d'importantes négociations régulières
réalisées par les responsables de la COOPCAB avec des acheteurs
attentifs de café gourmet dans plusieurs marchés internationaux.
En 2008, les producteurs membres de la COOPCAB ont réjouit de
l'augmentation du prix de la livre de café et en ont profité pour
remercier tous les partenaires48 financiers et techniques de la
coopérative. Le café torréfié sera
commercialisé au prix de 2.50 -- 3 US $ par 500 grammes de produit. Ces
informations ont été fournies par les responsables de la
COOPCAB.
Le réseau de la COOPCAB est inscrit au registre de
FairTrade Labelling Organizations (FLO)49, ce qui l'autorise
à vendre également sur le marché équitable. La
période de traitement final et d'exportation du café
s'étend sur la période de décembre-août. En 2008,
l'exportation du café par la COOPCAB est estimée à 7
containers de 250 sacs/ 60 kg. Initialement, la coopérative de base
achète la livre de café entre 30-40 gourdes au près des
producteurs. S'il y a excédent après l'exportation, le surplus
est retourné à chaque producteur par la COOPCAB. À priori,
un producteur peur gagner quelques 30 000 gourdes pour une saison sur un
hectare de terres cultivées en café. Selon les données
fournies par les producteurs rencontrés, ce montant a été
au minimum doublé en 2008 à cause d'une ristourne
équivalente à 39 gourdes par livre de café qu'ils ont
bénéficié après l'exportation.
Avant le renforcement des coopératives de base et
l'organisation du marché par la COOPCAB, le café était
commercialisé de manière informelle à la frontière
haitianodominicaine. Pendant cette période, les Dominicains
achètent la livre de café autour de 18 gourdes et sans aucune
possibilité de bénéficier des ristournes.
48 Ces principaux partenaires sont : la Banque de
Crédit Agricole (BCA), la Fédération Luthérienne
Mondiale et Action Aid deux ONG internationales, la Coordination
Régionale des Organisations du Sud-est (CROSE) une ONG locale et
l'Ambassade du Japon en Haïti.
49 Fai rtrade Labelling Organizations International
(FLO), basé à Bonn en Allemagne, il regroupe des Initiatives de
commerce équitable labellisé en Europe, au Japon, aux Etats-Unis,
en Australie et Nouvelle Zélande, ainsi que des réseaux de
producteurs d'Amérique Centrale et Latine, d'Afrique et d'Asie.
L'État haïtien représente un autre acteur
intervenant dans la filière du café dans la zone de Belle-Anse.
Ses interventions sont opérées par le Ministère de
L'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural via
l'Institut National du Café d'Haïti (INCA H)50 qui a la
mission principale de travailler au développement dudit secteur. Depuis
sa création en 2003, l'INCAH a déjà réalisé
plusieurs programmes ou projets dans la région de Belle-Anse
axés, entre autres, sur la lutte contre les scolytes51 de
la cerise du café et un programme52 d'appui à
la compétitivité du café d'Haïti.
L'exécution de ses activités par l'État a impliqué
une certaine participation des réseaux de coopératives qui
charpentent la COOPCAB.
Bien que 60 % des coopératives de base existent avant
la Coordination des Organisations pour le Développement de
l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB), cette dernière joue un
rôle primordial quant aux supports fournis à la coopérative
centrale pour répondre aux exigences de la filière. Elle favorise
aussi l'arrivée de nouveaux acteurs qui se chargent de supporter
financièrement le secteur. Le projet de commercialisation du café
sous la forme torréfiée est l'oeuvre de la CODAB et il va
permettre au mieux l'amélioration des revenus agricoles des producteurs.
Elle favorise aussi l'organisation de la filière au
bénéfice des producteurs locaux de cette culture de rente.
4.3.2- Présentation de la mini-laiterie de la
Forêt-des-Pins
La mini-laiterie de la Forêt-des-Pins est une
unité de transformation du lait de vache, localisée dans la
3ème Section Communale de Thiotte dans l'Arrondissement de
Belle-Anse d'Haïti. Les premières tentatives pour la
réalisation de ce projet ont commencé en 2004 et les travaux de
construction ont été débutés en 2005.
Dans un rapport « d'étude sur le diagnostic de
l'élevage de bovins laitiers », réalisé en 2007
par le bureau régional du Ministère de l'Agriculture, le projet a
eu comme objectifs « d'apporter sa contribution à la
disponibilité de fourrages pour les herbivores pour une
50 L'Institut National du Café d'Haïti
(INCAH) est un organisme public, autonome à but non lucratif,
créé par arrêté présidentiel du 7
février 2003 suite à une campagne de mobilisation lancée
en 2001 par les différents opérateurs de la filière,
principalement les associations de planteurs et les ON G oeuvrant dans le
secteur café en Haïti. Il est placé sous la tutelle du
Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du
Développement Rural.
51 Le projet de « renforcement de la
stratégie de lutte contre le scolyte du café » est un projet
qui a été financé par l'UE à hauteur de 14 510 675
gourdes. Il visait le contrôle intégré du scolyte du
café par l'introduction de la lutte biologique et la
systématisation de l'utilisation des pièges. Le Ministère
de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural a
été l'un des exécutants de ce projet en partenariat avec
les réseaux des réseaux de coopératives.
52 L'Union Européenne représente l'un des
partenaires importants pour le financement de ces programmes en Haïti.
amélioration de leur productivité et la diminution
de la coupe anarchique des arbres par une meilleure valorisation de
l'élevage de bovins » (A. Jean-Baptiste, 2007 : 14).
Créée au mois de novembre 2006, ce sont des
organisations communautaires de base de la zone qui ont pensé à
l'implantation d'un système Agro-Sylvo-Pastorale. La Laiterie de la
Forêt des Pins SA est la propriété d'une instance
surnommée : SOCIÉTÉ ALLIANCE LAITERIE PRODUCTIVE qui est
affilié à la Coordination des Organisations pour le
Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB). Elle est
dirigée par un conseil d'Administration de 9 personnes dont un membre du
conseil exécutif de la CODA B en est le responsable financier. Un
directorat composé de 2 personnes est issu dudit conseil et dirige la
laiterie.
Les organisations communautaires qui ont introduit ce projet
étaient affiliées à la Fédération des
Planteurs de l'Arrondissement de Belle-Anse (FOPLAB)53 qui
elle-même a fournit le terrain pour son implantation. Après la
création de la CODAB en 2005, l'institution a contribué à
hauteur de 15 % dans les actions pour le fonctionnement de l'unité de
transformation54, d'après les déclarations faites par
les membres de son comité exécutif.
Au regard de ces objectifs, la zone environnante de la
Laiterie dispose d'environ 60 hectares d'herbes cultivées55
pour l'alimentation du bétail en association avec d'autres
espèces fruitières et forestières56.
Exceptionnellement, l'arrivée de la laiterie dans la zone a permis une
meilleure valorisation du lait de vache puisqu'avant, il était
pratiquement laissé au profit des géniteurs. Avec cette
unité de transformation, le lait de vache est devenu un outil
économique pour les éleveurs. De plus, ces derniers
bénéficient des encadrements techniques par
l'intermédiaire de plusieurs séances de formation et ils sont
regroupés au sein de l'Association des Éleveurs du Morne des
Commissaires (ASEM). Cette association fut créée sous
l'initiative de la laiterie pour favoriser des échanges entre les
éleveurs et comporte environ 100 éleveurs (A. Jean-Baptiste, 2007
: 14 & 15).
Les travaux de construction de la laiterie, le support en
matériels techniques et logistiques sont fournis par des ONG nationales
et internationales et l'État haïtien. L'ONG Veterimed, la Fondation
groupe 73 et la Fédération Nationale des Travailleurs Paysans
Haïtiens (FENATAPA) sont les principaux partenaires financiers et
techniques de la laiterie. L'État haïtien via le bureau
régional du Ministère de l'Agriculture a joué son
rôle en mettant à la disposition des responsables de la laiterie
10 génotypes de races améliorées depuis 2007
53 L'une des anciennes structures de regroupement
d'organisations qui a donné naissance à la CODAB
54 Les 15 % d'actions de la CODAB sont
équivalents à 60 000 gourdes
55 Les espèces cultivées sont : l'herbe
Guatemala, l'herbe Éléphant
56 Les espèces fruitières et
forestières sont l'avocatier, le pin et le bambou
pour favoriser la disponibilité en lait au profit de la
laiterie. Ces acteurs ont aussi assurés la formation des cadres
techniques pour le fonctionnement de la laiterie et pour les éleveurs
qui lui sont affiliés (A. Jean-Baptiste, 2007).
De part les stratégies générales de la
Coordination des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement
de Belle-Anse (CODAB) d'encadrer les organisations communautaires de base, elle
participe au renforcement SOCIÉTÉ ALLIANCE LAITERIE PRODUCTIVE
(organisation de gestion de la laiterie) et apporte sa contribution à la
formation des éleveurs.
+ Production de la laiterie
Dans le rapport préparé en 2007 par le bureau
régional du Ministère de l'Agriculture sur l'existence de la
laiterie, celle-ci est spécialisée dans la production de lait
stérilisé et de lait pasteurisé. De 2006-2008, la
quantité de lait transformée par jour est passée de 25
gallons57 à 60 gallons. Le lait stérilisé
fabriqué est vendu exclusivement au niveau local dans des bouteilles
d'une capacité de 10 oz au prix de 17 gourdes58 et sa
production a commencé depuis en novembre 2006. Par contre, il est vendu
à 25 gourdes au niveau des boutiques (A. Jean-Baptiste, 2007).
Quant au lait pasteurisé, sa production a
commencé en mars 2007 sous un partenariat avec l'État
haïtien par l'intermédiaire du Ministère de
l'Éducation Nationale. Il est produit dans des sachets d'une
capacité de 8 oz et est vendu au prix de 12 gourdes. Sa production est
destinée à servir le programme de cantine scolaire pour le compte
dudit Ministère au profit des élèves de façon
quotidienne. La livraison des produits transformés se fait à
domicile avec le support logistique de la Fédération
Luthérienne Mondiale (FLM), l'un de ses partenaires (A. Jean-Baptiste,
2007). La Coordination des Organisations pour le Développement de
l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB) assure la livraison du lait
pasteurisé aux écoliers par sa responsabilité de
gestionnaire du programme de cantine scolaire dans tout l'Arrondissement de
Belle-Anse.
Toujours en 2007, les résultats de l'étude
réalisée par la direction régionale du Ministère de
l'Agriculture, ont présentés les effets produits par la laiterie
de novembre 2006 à mai 2007. Les données obtenues à
travers cette étude ont montré d'importantes améliorations
à la fois sur les pratiques de l'élevage et sur
l'amélioration des revenus des éleveurs. Avec l'arrivée de
la laiterie, les éleveurs ont changé certaines pratiques du
système d'élevage pratiqué grâce aux séances
de formation qu'elles sont bénéficiaires. Les parcelles
d'herbes
57 1 gallon est égal 3.78 litres
58 Un euro vaut environ 50 gourdes
cultivées mises en place favoriseraient la
disponibilité de fourrages pour les bovins en période de disette
tout en contribuant à la réduction des pertes de sol par
érosion. Des calculs économiques effectués sur une
période de 6 mois de fonctionnement de la laiterie ont
révélé des revenus variant de 4, 479.00 gourdes à
14, 478.00 gourdes obtenus par un éleveur possédant entre 1-3
vaches en lactation (A. Jean-Baptiste, 2007 : 24).
Tout compte fait, malgré la diversité d'acteurs
identifiés à travers la présentation de la Coordination
des Organisations pour le Développement de l'Arrondissement de
Belle-Anse (CODAB) pour son existence, il est permis de dire qu'ils
construisent leur projet commun autour du développement de toute la
région administrative de Belle-Anse. Ils se font toujours le devoir de
s'unir autour de la construction d'un territoire. En vertu, de la conception
des habitants de deux Sections Communales, il est évident de dire que
toute la population de la zone construite leur identité collective
autour de toute la zone. Aucune situation de conflits n'a été
révélée par les responsables des organisations
communautaires avec la CODAB, non plus par les bénéficiaires
directs.
Globalement, les branches d'activités initiées
ou encouragées par les organisations communautaires paysannes dans
l'Arrondissement de Belle-Anse d'Haïti contribuent à
l'amélioration des revenus des habitants bénéficiaires de
leurs activités. Elles réalisent des projets durables qui
incluent une certaine appropriation de la population pour produire du
développement territorial. La continuité dans la prise en charge
du secteur caféiculture permet aux producteurs de
bénéficier des supports à différents niveaux ce qui
augmentent la productivité dudit secteur et l'amélioration des
revenus des caféiculteurs. L'innovation du secteur agro-industrie dans
la zone favorise l'implication des femmes dans cette sphère
d'activité. La participation des femmes est tout aussi encouragée
dans les prises de décision des organisations et dans l'exécution
des projets. La pratique de ces initiatives induit la participation populaire
à toutes les étapes de la mise en place des projets. Les
bénéficiaires seraient en situation de conduire la gestion des
activités grâce aux séances de formation reçue ;
cette forme de participation populaire est de type participatif (A.
Dumas, 1983 ; Jules Pretty et al., s. d.).
D'après ce qu'a annoncé J- P Platteau (2004 :
160), autour des pratiques « de détournements de fonds d'aide par
des élites locales », cette forme de regroupement d'organisations
dans la zone peut servir de référence pour l'exécution des
activités de développement au niveau local. La population locale
bénéficiaire n'est plus considérée comme un «
réceptacle » par rapport au modèle de
développement pratiqué jusque vers les
années 90. La CODAB via ses structures de base essaye
d'intégrer la population locale dans toutes les étapes
d'exécution de ses programmes et/ou projets exécutés, donc
un bon modèle de développement communautaire participatif.
Mise à part, les organisations paysannes comme acteurs
qui déclenchent les initiatives de développement endogène
via ces secteurs, l'État et les ONG apportent leur contribution au
niveau technique et financier pour la réalisation des activités
par les organisations paysannes. Les ONG demeurent des acteurs majeurs au
processus de développement en soutenant presqu'exclusivement les
organisations communautaires paysannes via la Coordination des Organisations
pour le Développement de l'Arrondissement de Belle-Anse (CODAB).
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