CONCLUSION
Au cours de cette recherche, nous avons découvert des
aspects inattendus relatifs à notre question de recherche. Nous n'avions
pas prévu que l'approche large (développement
intégré) portée par Songhaï s'harmonisait avec
l'approche plus pointue visant les résultats (développement
sectoriel, par programme et par projet) promue par les bailleurs de fonds
internationaux. Non seulement Songhaï a réussi à financer sa
mission sans la transformer, mais il a misé sur l'atteinte des
résultats. Des résultats qui sont devenus un atout majeur pour
négocier avec des partenaires éventuels. Cependant, il demeure
que l'essentiel de l'approche de Songhaï porte sur les parcours et les
processus. En effet, c'est le développement des capacités
individuelles et collectives à faire face aux problèmes et
à les résoudre, qui représente le coeur du modèle
de Songhaï.
En réalité nous pensions que Songhaï
arrivait à obtenir ses financements seulement en diversifiant ses
partenaires. Or, la stratégie de Songhaï est beaucoup plus
raffinée. Non seulement la diversification des partenaires est un
facteur important, l'approche de la « troisième
voie », à la fois un modèle de solidarité et de
coopération se conjuguant avec le modèle dominant fait toute la
différence. Voulant répondre aux besoins des populations,
Songhaï a diversifié ses activités. Il n'a pas fait l'option
de la spécialisation agricole, il a introduit la commercialisation de
ses produits et mis en réseau les différents acteurs pour obtenir
des filières afin de participer à toutes les étapes de la
production à la vente. De plus, il a su s'adapter, entre autres sur la
question des femmes. Les femmes étant moins intéressées
par l'agriculture, il a innové dans la transformation
des produits et la restauration, un domaine où la femme se sent plus
à son aise au Bénin.
En créant un Centre qui contribue à un
Mouvement, Songhaï fait du développement local sur plusieurs
aspects et il peut ainsi tirer profit de divers bailleurs de fonds, autant au
niveau des O.N.G. internationales que du gouvernement du Bénin, dans le
cadre des approches sectorielles en multipartenariats et de celles par
programme. Il fait de la formation, de l'agriculture, de la commercialisation.
Il s'occupe des jeunes, des femmes, et intègre l'écologie
à son système agricole. Également, il développe les
télécommunications. C'est un système de
développement holistique qui permet à Songhaï de ne pas se
cantonner dans un seul créneau. La diversification, autant auprès
de ses bailleurs de fonds que dans son plan de développement qui est mis
en oeuvre, lui fait bénéficier d'une longueur d'avance dans la
négociation avec ses partenaires potentiels, car il n'est pas tenu
d'accepter des contraintes qui pourraient nuire à sa mission qui est de
transformer les mentalités afin de créer un vivier propre au
développement local. Il transforme les mentalités à partir
de son modèle de développement de la « troisième
voie », qui consiste à absorber de l'extérieur ce qui
convient à l'intérieur ; c'est comme acheter en
« pièce détachée » ce qui convient aux
réalités locales. C'est de l'économie d'énergie et
de temps qui permet aux populations qui se sont inscrites dans un processus de
développement d'acquérir des savoir-faire taillés sur
pièce, par eux et pour eux. L'empowerment des individus va
alors redonner un dynamisme aux communautés et favoriser
l'entrepreneuriat et le réseautage de celles-ci, tout
en valorisant les tissus sociaux existants. Les critères de
durabilité du développement seront alors rencontrés. Cela
n'exclut pas que le Nord et les gouvernements des pays du Sud doivent aussi
faire leur part. Ils doivent soutenir les initiatives civiles en les
renforçant par des structures économiques et par des services.
Le dynamisme de Songhaï est inspirant à plusieurs
niveaux. Il démontre que nous pouvons adopter des stratégies qui
permettent d'établir des partenariats plus égalitaires en
adoptant des modèles de développement plus holistiques et en
diversifiant nos interlocuteurs. Cette approche peut influencer les rapports de
force déjà existants entre le Nord et le Sud en transformant la
nature du dialogue. Songhaï est un modèle de développement
qui émerge de la base et qui démontre sa grande capacité
à être à l'écoute de la population et des
réalités propres à chacune d'entre elles. Le fait qu'il
soit collé aux réalités quotidiennes des
communautés permet une meilleure analyse, ce qui est en soit un point
déterminant dans l'élaboration de projets de
développement. Le Nord se doit d'être à l'écoute de
partenaires tel que Songhaï, car il bénéficie alors d'une
expertise qui s'ancre dans l'actualité et qui est à même de
trouver ses réponses à ses besoins.
Le Nord aurait quelque intérêt à aider le
Sud à se développer, car les inégalités entre les
deux mondes et les fractions sociales amènent de plus en plus
d'instabilités au plan politique. Pour qu'une stabilité sociale
mondiale s'établisse, il faudra favoriser un développement plus
égalitaire en donnant plus de place aux voies alternatives et en
repensant le modèle dominant de façon à intégrer
davantage les aspects du développement social dans un cadre
évolutif. Pour réaliser ce tour de force, il faudra de
l'ouverture, un dialogue soutenu et beaucoup de concessions. La
« troisième voie » de Songhaï pourrait aussi
devenir un modèle pour le Tiers-monde afin qu'il devienne un monde
à part entière.
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